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JOURNEES PARISIENNES DE PEDIATRIE
Comité d’organisation :
A. BARUCHEL, S. BLANCHE, P. BOUGNERES, B. CHABROL, G. CHERON, C. DELACOURT,
G. DESCHENES, D. DEVICTOR, A. FAYE, J. GAUDELUS, E. GRIMPREL, I. KONE-PAUT,
P. LABRUNE, G. LEVERGER, D. MITANCHEZ, D.TURCK
Journées Parisiennes de Pédiatrie 2014
Vendredi 3 et Samedi 4 octobre 2014
http://www.jppediatrie.com/
SOMMAIRE
TABLE RONDE 1
Cardiopathies congénitales
Diagnostic antenatal des cardiopathies congénitales, transfert in utero et thérapies foetales
D. Bonnet (Paris)
Neurodéveloppement des cardiopathies congénitales
J. Calderon, B. Kloshnood, F. Goffinet, D. Bonnet (Paris)
Page 9
La transition adolescent/adulte en cardiologie congénitale : un défi épidémiologique
A. Basquin, D. Bonnet, M. Ladouceur (Rennes)
Page 24
Comment créer une activité de chirurgie cardiaque congénitale de haut niveau dans un pays en
développement
Y. Chikhaoui (Rabat)
TABLE RONDE 2
Infection materno-foetale, une urgence pour de nouvelles recommandations
Facteurs de risque de l’infection néonatale bactérienne précoce à l’ère de
l’antiobioprophylaxie
L. Foix-L’Hélias (Paris)
Place des marqueurs biologiques dans le diagnostic de l’infection néonatale bactérienne
précoce
J.-B. Muller (Nantes)
Page 29
Le nouveau-né suspect d’infection bactérienne néonatale précoce est-il différent en France, au
Royaume-Uni et aux Etats-Unis ?
P. Boileau (Poissy)
DIACORD : Validation d’un algorithme décisionnel dans la prise en charge des nouveau-nés
suspects d’infection néonatale précoce.
C. Gras-Leguen, J.-B. Muller, J. Caillon, B. Giraudeau, E. Launay, J.C Roze (Nantes)
Page 32
TABLE RONDE 3
Pneumopathies graves de l’enfant
Incidence des pneumopathies acquises sous ventilation mécanique en réanimation pédiatrique
S. Dauger, M. Chomton, S. Le Garrec, T. Bontant (Paris)
Page 41
Pneumonies nécrosantes de l’enfant
C. Le maître, F. Gabor, P. Bidet, A. Faye, M. Lorrot (Paris)
Page 63
Pneumopathie à staphylocoque doré secrétant la toxine de Panton et Valentine
Y. Gillet (Lyon)
Rôle de l’hôte dans la survenue des pneumopathies graves
J. Toubiana, F. Alby-Laurent, J.-D. Chiche (Paris)
Page 77
TABLE RONDE 4
Purpuras vasculaires
Purpura d’origine virale chez l’enfant
E. Bourrat (Paris)
Page 93
Le purpura constitutionnel ou par fragilité capillaire
S. Hadj-Rabia (Paris)
Le purpura rhumatoïde et l’œdème aigu hémorragique
M. Piram (Kremlin-Bicêtre)
Quizz diagnostique des vascularites de l’enfant
C. Bodemer (Paris)
Page 101
TABLE RONDE 5
Médicaments et grossesse : effets à long terme
Certitudes et incertitudes
E. Elefan (Paris)
Une toxicité médicamenteuse méconnue pour le rein foetal : La dysgénésie tubulaire acquise
G. Deschênes (Paris)
Page 111
Génotoxicité potentielle des antirétroviraux après exposition in utero
S. Blanche (Paris)
Anticonvulsivants maternels et risques de retard cognitif et d’autisme
N. Bahi Buisson (Paris)
Page 115
Biothérapie au cours de la grossesse : quelles conséquences chez l’enfant
B. Bader-meunier (Paris)
Page 124
TABLE RONDE 6
Moyens non médicamenteux de lutte contre la douleur des gestes :
de l’Evidence-Based-Medicine à la pratique
L’allaitement maternel pour soulager la douleur des gestes
R. Carbajal (Paris)
Page 130
Solutions sucrées et tétines chez le nouveau-né et le jeune nourrisson
V. Biran, A. Rideau, R. Stern, A. Zanin, S. Soudée, C. Farnoux, O. Baud (Paris)
Page 134
La distraction lors des soins douloureux ou anxiogènes aux urgences pédiatriques de l’hôpital
Trousseau : l’expérience des tablettes tactiles
C. Laffaille, M. Beauchet Filleau, C. Nguyen, C. Tournier, P. Gatterre, R. Carbajal (Paris)
Page 142
L’hypnose pour la douleur des gestes de soins chez l’enfant : de l’évidence-Based-Medicine à
la pratique
B. Lombart, E. Fournier-Charrière (Paris)
Page 148
Communications libres 1
Immunothérapie dans l’asthme de l’enfant
J. Just (Paris)
Page 162
Epidémiologie du syndrome néphrotique en région francilienne entre 2007 et 2013
C. Dossier, N. Lapidus, G. Deschênes (Paris)
Page 168
La néphropathie du purpura rhumatoïde, actualités et avenir à long terme
T. Ulinski (Paris)
Page 176
Programmation foetale de la maladie rénale chronique : de l’enfant à l’adulte
R. Salomon (Paris)
Page 181
Utilisation de la kétamine à faible dose pour les soins douloureux. La présence d’un médecin
anesthésiste est-elle nécessaire ?
Page 189
D. Anequin (Paris)
Les Clowns en Pédiatrie
D. Devictor (Kremlin-Bicêtre)
Page 192
Communications libres 2
Peut-on prédire les infections bactériennes chez le nourrisson de moins de trois mois
K. Milcent, S. Faesch, C. Gras-Leguen, F. Dubos, V. Gajdos (Clamart)
Page 199
Calendrier vaccinal du prématuré
J. Gaudelus, R. Cohen, Y Aujard (Bondy)
Page 215
Prise en charge in utero du myéloméningocèle
J.-M. Jouannic (Paris)
Génétique des épilepsies néonatales
M. Milh, (Marseille)
Page 229
Communications libres 3
Paludisme d’importation pédiatrique en France : Pertinence des critères de gravité OMS
F. Angoulvant, J. Lanneaux, L. Pham, F. Dubos, S. Dauger (Paris)
Page 238
Dermatoses du retour
E. Bourrat, L. Pull (Paris)
Page 251
Appendicite aiguë chez l’enfant : Algorithme diagnostique et thérapeutique actualisé
H. Kotobi (Paris)
Page 254
Les gastro-entéro-colites à éosinophiles
J. Lemale, P. Tounian (Paris)
Page 266
Communications libres 4
Pathologies hématologiques induites par l’EBV chez les patients atteints de déficits
immunitaires primitifs
Page 279
B. Neven, S. Blanche, S. Latour (Paris)
Guérir les leucémies sans chimiothérapie : rêve ou réalité
A. Baruchel (Paris)
Histiocytose : avancées génétiques et perspectives thérapeutiques
J. Donadieu, S. Héritier (Paris)
Page 294
La recherche et l’enfant
H. Chappuy (Paris)
Communications libres 5
Anorexie mentale du sujet pré-pubère : actualités sur le diagnostic et la prise en charge
A. Bargiacchi (Paris)
Page 305
Troubles du Spectre de l’Autisme et pathologies associées
P. Guérin (Paris)
Page 311
Comment aborder un trouble de l’identité du genre ?
L. Martinerie, A. Bargiacchi, J. Léger, J.-C. Carel, M.-F. Leheuzey (Paris)
Page 330
Session des lauréats du DES de pédiatrie 2013
Tailles finale de 134 patientes suivies pour puberté précoce centrale idiopathique
E. Giabicani, P. Lemaire, R. Brauner (Paris)
Page 347
Devenir à long terme du syndrome néphrotique cortico-dépendant traité par Mycophenolate
Mofétil
L. Dehoux (Paris)
Prévention du « syndrome du bébé secoué » par une information en période néonatale
H. Simonnet, A. Laurent-Vannier, S. Valimahomed, M. Hully, M. Bourennane,
M. Chevignard (Paris)
Page 355
Surveillance IRM de la surcharge en fer chez les enfants avec hémoglobinopathies
polytransfusées
M. Aubart (Paris)
Page 358
Facteurs influençant la sensibilité des TDR streptococciques
J. Cohen, M. Chalumeau, C. Levy, M. Benani, M. Kostas, P. Bidet, R. Cohen (Paris)
Page 364
Campagne nationale de prévention de l’acidocétose au diagnostic du diabète de type 1 chez
l’enfant et l’adolescent
J. Maitre, C. Choleau, C. Elie, M. Cahané, J.-J. Robert (Paris) et le groupe d’étude de l’AJD
(AJD study group)
Page 368
TABLE RONDE 1
Cardiopathies congénitales
Neurodéveloppement des cardiopathies congénitales
Johanna Calderon, PhD1, Babak Khoshnood, MD, PhD1, François Goffinet, MD, PhD1,
Damien Bonnet, MD, PhD2
1Inserm
U1153 Equipe de recherche en Epidémiologie Obstétricale, Périnatale et
Pédiatrique (EPOPé), Université Paris Descartes, Maternité de Port Royal
2 Centre
de référence des malformations cardiaques congénitales complexes (M3C),
Service de cardiologie pédiatrique, Hôpital Necker Enfants Malades, Paris
Contact: [email protected]
Les progrès considérables dans le diagnostic et la prise en charge médicale et chirurgicale
des
enfants
avec des
cardiopathies
congénitales
(CC) ont
permis
d’augmenter
significativement leur survie et d’améliorer leur pronostic cardiaque. Néanmoins, les
difficultés neurodéveloppementales constituent une des principales morbidités résiduelles
pour un grand nombre de ces patients. Les nouveau-nés porteurs de CC complexes nécessitant
une ou plusieurs chirurgies à cœur ouvert ont un risque de présenter certaines anomalies
cérébrales qui peuvent avoir des répercussions sur leur développement ultérieur. Les CC et
particulièrement les CC cyanogènes ont été associées à de diverses vulnérabilités
neurologiques à différents moments notamment en période préopératoire où des lésions
cérébrales de type hypoxique-ischémique peuvent survenir (1). Des risques supplémentaires
liés aux techniques intra-opératoires (circulation extra-corporelle) comme le risque d’embolie
ou des réactions inflammatoires du système nerveux ou bien des suites postopératoires
difficiles pour certains nouveau-nés (arrêts cardiaques, hypotension artérielle) peuvent
compliquer le pronostic neurologique néonatal de ces patients (2). Dans cette revue de
littérature, nous présenterons dans un premier temps, les données le plus récentes concernant
les anomalies neurologiques précoces décrites en période pré- et postopératoire pour les CC
complexes. Nous aborderons ensuite le devenir neurodéveloppemental et cognitif des enfants
ayant des CC en fonction des trois grandes périodes de développement, à savoir de 0 à 3 ans,
l’âge préscolaire et l’âge scolaire/adolescence. Enfin, nous décrirons les répercussions
cliniques en termes de prise en charge neurodéveloppementale dans cette population
pédiatrique.
1. Anomalies neurologiques en préopératoire : immaturité cérébrale et risque
hypoxique
Des études ont indiqué que 28 % à 59 % des nouveau-nés ayant une CC complexe,
notamment pouvant entraîner une cyanose, ont des lésions cérébrales de type hypoxiqueischémique avant la chirurgie (1). Les CC cyanogènes sans comorbidités génétiques partagent
un profil relativement similaire d’anomalies cérébrales touchant particulièrement la substance
blanche (2,3). Ces lésions se présentent souvent sous la forme de leucomalacie
périventriculaire (LPV) (lésions des fibres axonales de la région adjacente aux ventricules
latéraux) (4) et peuvent être similaires à celles observées pour les nouveau-nés prématurés où
les lésions de la substance blanche sont prédominantes (3). Il a été avancé que ces lésions
cérébrales néonatales seraient liées aux risques ischémiques causés par la cyanose après la
naissance mais également associées à un bas débit cérébral dès la période fœtale (1, 4). En
effet, des études ont démontré que les CC cyanogènes comme la transposition des gros
vaisseaux (TGV), la tétralogie de Fallot et l’hypoplasie du cœur gauche (Hypo-VG) sont
associées à une immaturité cérébrale macro et micro-structurelle équivalente à environ à un
mois d’âge gestationnel en moins (4).
Miller et al. (5) ont proposé la première caractérisation du métabolisme cérébral chez un
groupe de nouveau-nés avec une TGV à l’aide de l’IRM par spectroscopie1. Cette technique
1
L’IRM par spéctroscopie (Proton Magnetic Resonance Spectroscopy) est une technique non invasive qui
permet de mesurer les métabolites cérébraux afin d’étudier les changements développementaux. Le N-
mesure les niveaux des marqueurs neuronaux (métabolites) comme le N-Acetylaspartate
(NAA) et les lactates. Le niveau de NAA augmente avec la maturation cérébrale et par
conséquent un niveau bas de ce marqueur indique une intégrité cérébrale compromise. Les
lactates sont le résultat des processus anaérobies en lien avec des perturbations du
métabolisme oxydatif et constituent le marqueur des lésions de type hypoxiques-ischémiques
(1). Les résultats de Miller et al. (5) révèlent que les niveaux de lactates sont significativement
élevés chez plus de 40 % des nouveau-nés ayant une TGV. D’autres études ont analysé à la
fois les résultats préopératoires de l’IRMa, en IRM spectroscopique et par diffusion (DTI)
chez des nouveau-nés ayant une CC complexe notamment cyanogène (1). Les résultats en
spectroscopie ont montré que la CC était associée à une réduction significative du ratio
NAA/choline et à une augmentation significative du niveau de lactates. Les données en DTI
ont montré qu’un pourcentage significatif de ces nouveau-nés a présenté une augmentation de
la vitesse de diffusion2 et une diminution significative de l’anisotropie de la substance
blanche. Enfin, des lésions de la substance blanche ont été également observées à un niveau
structurel macroscopique en IRMa, confirmant ainsi l’hypothèse d’une immaturité cérébrale
couplée à des anomalies de la substance blanche de type hypoxique-ischémique (5).
Très récemment, des études se sont intéressées à caractériser les anomalies de la substance
blanche en fonction des régions cérébrales à l’aide du DTI chez les nouveau-nés avec une CC
complexe comme la TGV (6). Ortinau et al. (6) ont démontré qu’il existe une vulnérabilité
spécifique accrue des régions frontales chez les nouveau-nés nés avec une CC. Ces auteurs
ont cherché à caractériser les anomalies macro- et micro-structurelles de la substance blanche
en préopératoire à l’aide de l’IRMa et du DTI. Les résultats confirment qu’environ 40 % des
Acetylaspartate (NAA) et les lactates sont deux composants principaux mesurés par cette technique et sont
comparés aux niveaux d’un autre composant (choline), ce dernier étant stable dans le cerveau au cours du
développement.
2
Le DTI permet de mesurer deux propriétés de diffusion de l’eau le long des fibres nerveuses. D’une part, la
vitesse de diffusion (qui diminue avec la maturation car elle rencontre plus d’obstacles dans la diffusion) et
d’autre part, l’anisotropie (qui augmente avec la maturation, en réponse à la croissance neuronale).
nouveau-nés ont des lésions focales de la substance blanche reparties dans différentes zones
notamment dans les régions péri-ventriculaires. Plus spécifiquement, l’analyse en IRMa et en
DTI des anomalies régionales corticales ont révélé des volumes cérébraux significativement
plus réduits ainsi qu’une connectivité neuronale diminuée dans les lobes frontaux et pariétaux,
avec une vulnérabilité accrue des structures les plus antérieures (6). Ces réductions de volume
traduisent une croissance neuronale anormale qui affecterait plus particulièrement les régions
qui ont un développement plus tardif sur le plan ontogénétique et peuvent se traduire par des
troubles comportementaux et cognitifs à long terme.
2. Etat neurologique en postopératoire
Les risques neurologiques intra- et postopératoires peuvent aggraver les lésions
cérébrales déjà présentes ou bien favoriser l’apparition de nouvelles chez le jeune enfant
ayant une CC. Les principaux risques évoqués pour la majorité des techniques opératoires de
chirurgie cardiaque néonatale correspondent aux risques d’embolie liés aux éventuelles
particules d’air mal filtrées par le système de bypass cardio-pulmonaire, une mauvaise
perfusion sanguine cérébrale durant les périodes d’arrêt circulatoire ainsi que des réactions
inflammatoires en réponse à la CEC (2). Les suites postopératoires difficiles peuvent
également comporter des risques neurologiques supplémentaires pour certains enfants. Les
anomalies neurologiques résultant de ces facteurs de risque sont dépendantes du type de
cardiopathie et des stratégies opératoires correctives et/ou palliatives (3). Ainsi, contrairement
aux nouveau-nés opérés plusieurs fois, ceux qui bénéficient d’une seule chirurgie cardiaque
corrective, comme dans le cas de la TGV, ont en général moins de risques neurologiques liés
aux complications intra- ou postopératoires.
Par ailleurs, les effets adverses des complications neurologiques intra-opératoires apparaissent
significativement plus fréquents et plus sévères en période néonatale comparés à des
opérations du même type effectuées entre 1 et 6 mois de vie (2,4). Ceci suggère que le
cerveau immature est d’autant plus vulnérable en période néonatale face aux risques
hypoxiques associés aux CC cyanogènes (4). Le pattern neurologique lésionnel postopératoire
correspond ainsi majoritairement à une aggravation des lésions hypoxiques de la substance
blanche avec une incidence relativement réduite de nouveaux épisodes hémorragiques (5 %)
(1).
Enfin, des études récentes en IRMa ont permis de caractériser des différences de maturation
cérébrale régionale quelques mois ou années après la chirurgie néonatale (7). Watanabe et al.
(7) ont observé que le volume de substance grise était significativement réduit chez les
nouveau-nés ayant une CC. Plus précisément, cette perte de volume était plus apparente dans
les lobes frontaux en comparaison au reste du cerveau et elle était d’autant plus importante
que l’hypoxie néonatale était sévère (7). Ces résultats sont en accord avec ceux d’Ortinaux et
al. (6) en préopératoire et suggèrent qu’il existerait une vulnérabilité neurologique accrue
pour les régions cérébrales à maturation tardive, notamment les lobes frontaux. Ces
vulnérabilités pourraient avoir un impact délétère sur la trajectoire développementale de
fonctions cognitives de haut niveau, telles que les fonctions exécutives qui nécessitent
l’intégrité neuronale des réseaux frontaux.
3. Devenir neurocognitif des enfants ayant une CC
Plusieurs types de morbidités neurocognitives ont été associés aux CC et en particulier
aux CC complexes nécessitant une intervention chirurgicale sous CEC. Des caractéristiques
communes dans le profil neurocognitif sont retrouvées chez cette catégorie de patients avec
néanmoins des variations dans le degré de sévérité et l’étendue des dysfonctionnements en
fonction notamment de la complexité de la CC. Une grande majorité d’études ont suivi des
cohortes hétérogènes en termes de type de malformation et de prise en charge opératoire. Ceci
complique la généralisation des conclusions, le pronostic pouvant être très dépendant de ces
variables. Néanmoins, des patterns communs indiquent qu’il existe des domaines de grande
vulnérabilité à différents moments du développement.
3.1 De 0 à 3 ans
Plusieurs études ont observé des anomalies neurologiques et comportementales chez des
nouveau-nés avec CC complexe (1,2). Une incidence plus élevée de microcéphalie a été ainsi
détectée chez les nouveau-nés avec des CC cyanogènes en comparaison aux malformations
non cyanogènes (1). L’étude longitudinale de Sananes et al. (8) a caractérisé le
développement psychomoteur (motricité globale et fine) et cognitif global (score aux échelles
de Bayley) des enfants ayant des CC complexes âgés entre 8 et 24 mois, opérés à cœur ouvert
avant l’âge de 3 mois. Leurs résultats vont dans le sens de la plupart des recherches à cet âge,
à savoir des retards légers à modérés en motricité globale et en motricité fine dès l’âge de 8
mois malgré des niveaux de développement cognitif dans la norme (QI entre 90 et 95 toutes
CC confondues). Cependant, selon un questionnaire rempli par les parents des enfants pour
évaluer différents domaines cognitifs (capacités de résolution des problèmes, progrès dans la
communication verbale et la socialisation), le pourcentage d’anomalies cognitives augmentait
significativement avec l’âge, notamment pour les difficultés spécifiques de résolution des
problèmes et les scores de socialisation et de communication ainsi que les retards en motricité
générale.
3.2 A l’âge préscolaire
Le profil neurocognitif des enfants ayant une CC est souvent caractérisé par des
dysfonctionnements dans plusieurs domaines cognitifs, comme les fonctions exécutives, les
capacités visuo-spatiales, l’adaptation sociale ainsi que des difficultés du langage notamment
sous le versant expressif (9). Le quotient intellectuel général est, quant à lui, généralement
préservé malgré certaines variations autour de la norme pour certains sous-groupes des CC
notamment celles le plus complexes (9,10).
L’étude prospective en population EPICARD (Epidémiologie des cardiopathies congénitales),
qui a recensé en trois ans tous les cas de CC diagnostiqués de la période fœtale à un an dans la
région parisienne (Paris et petite couronne), a permis de mieux comprendre le pronostic
neurodéveloppemental des CC. Les premiers résultats de cette grande étude de cohorte
montrent que, en tant que groupe, les enfants ayant une CC sans comorbidités génétiques ni
extra-cardiaques majeures présentent un Quotient Intellectuel (QI) global dans la norme (10).
Néanmoins, certaines sous-catégories de cardiopathies, notamment celles associées aux
malformations des voies d’éjection (TGV, tétralogie de Fallot) sont associées à un risque plus
important de retard mental sévère, bien que ce pourcentage reste faible (10). Les premières
analyses de cette étude ont par ailleurs mis en avant une vulnérabilité accrue des fonctions
cognitives non verbales notamment celles en lien avec les capacités d’attention, de mémoire
de travail et de raisonnement conceptuel (10).
Ces résultats appuient les multiples données provenant des séries hospitalières ayant suivi des
cohortes d’enfants ayant une CC complexe isolée comme la TGV (11-13). Leurs résultats ont
montré un QI dans la norme avec cependant une différence significative entre les scores à
l’échelle verbale et à l’échelle de performances (raisonnement non verbal), ces derniers étant
significativement plus bas. D’importantes difficultés oro-praxiques et du langage expressif en
général ainsi que des dysfonctionnements visuo-moteurs ont été également observés. Enfin,
des déficits des fonctions exécutives et de la cognition sociale (difficultés à traiter des
informations sociales comme les émotions complexes ou à se mettre à la place d’autrui) ont
été observés et peuvent constituer un problème neuropsychologique majeur dans cette
population dès l’âge préscolaire (9, 11,12).
3.3 A l’âge scolaire et à l’adolescence
Le pronostic neurocognitif observé entre 6 ans et 16 ans pour les enfants ayant une CC
notamment complexe, est également caractérisé par un QI général dans la norme ainsi que par
divers déficits spécifiques dans les domaines sensori-moteur, des fonctions exécutives, de la
cognition sociale, du langage expressif, du traitement visuo-spatial et du comportement (14).
Hövels-Gürich et al. (15) ont conduit un suivi longitudinal des enfants âgés de 5 à 10 ans et
ayant une CC corrigée en période néonatale sous circulation extracorporelle. Les résultats de
cette étude ont mis en évidence des scores au test d’intelligence (Echelles de Kauffman, KABC) dans la norme (seulement 3 % avaient une réduction significative à moins -1 écart-type
de la moyenne). Par ailleurs, près de 20 % des enfants ayant une TGV présentaient des
déficits globaux en expression orale ainsi que des difficultés modérées en motricité générale
(équilibre, coordination). L’examen clinique neurologique a révélé une microcéphalie pour
8 % des enfants ainsi que des difficultés relevant de dyspraxies motrices développementales
pour environ 10 % des enfants. La grande majorité de ces anomalies cliniques neurologiques
étaient considérées comme légères à modérées. Les facteurs de risque médicaux qui se sont
avérés significativement associés aux déficits cognitifs étaient la présence d’acidose
métabolique et d’hypoxie importante en préopératoire, la durée de circulation extracorporelle
et les épisodes cardiologiques adverses en soins postopératoires (15). Enfin, la comparaison
des dysfonctionnements observés à 10 ans avec ceux observés à l’âge de 5 ans a permis de
démontrer une aggravation significative des difficultés avec l’âge. Le taux de déficits dans au
moins un domaine neurocognitif est passé de 26 % à 55 % entre l’âge de 5 et 8 ans. Le taux
d’anomalies repérées à l’examen neurologique a aussi augmenté de 9 % à 5 ans contre 26 % à
10 ans. L’aggravation des difficultés neurocognitives dans d’autres domaines spécifiques
comme les fonctions exécutives a été également observé, ce qui suggère une accumulation
potentielle des retards pouvant affecter durablement les apprentissages scolaires et
l’adaptation sociale à long terme des enfants (16).
Le suivi longitudinal de la cohorte ayant une TGV corrigée examinée par l’équipe de Boston
à l’âge de 8 ans puis à 16 ans, a permis de répondre de façon plus précise à un certain nombre
d’interrogations dans d’autres domaines cognitifs (13,17). L’analyse des résultats a montré à
8 ans un QI dans la norme (97), malgré une différence significative entre le QI verbal et le QI
de performance (non verbal), ce dernier étant plus faible pour près de 80 % des enfants. Cette
atteinte sélective confirme la vulnérabilité particulière des processus non verbaux. Par
ailleurs, les scores de mémoire étaient significativement inférieurs à la norme notamment
pour les tests de mémoire visuelle de figures. Le domaine du langage expressif était
également significativement altéré avec des scores aux tests de praxies du langage
(programmation oro-motrice), de fluence verbale et d’expression verbale narrative
(organisation et langage pragmatique) en dessous des normes. Des difficultés attentionnelles
et d’organisation ont été également repérées pour une majorité d’enfants. Ces difficultés
cognitives semblent persister à l’adolescence (à l’âge de 16 ans en moyenne) malgré une
préservation générale de l’intelligence pour une très grande majorité des cas (17).
Enfin, les problèmes de comportement peuvent être fréquents chez un pourcentage important
d’enfants et adolescents ayant une CC (18). Plus spécifiquement, selon les résultats à l’échelle
diagnostique d’attention et d’hyperactivité (Attention-Deficit/Hyperactivity disorder rating
scale IV, preschool version3), environ 30 % de ces enfants ont des déficits d’attention et 22 %
en plus ont des scores d’hyperactivité (18). Ces problèmes d’attention et d’hyperactivité ont
été observés aussi bien pour des enfants avec une CC cyanogène (toutes cardiopathies
confondues) d’âge scolaire (entre 7 et 12 ans) que pour des sous-groupes isolés de CC
cyanogène (comme la tétralogie de Fallot) (14).
3
L’échelle Attention-Deficit/Hyperactivity disorder rating scale IV (ADHD-IV) mesure les symptômes
d’ADHD selon les critères du manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-IV). Il existe une
version préscolaire et une version scolaire pour les enfants de plus de 6 ans.
L’étude de Shillingford et al. (18) a évalué spécifiquement la prévalence de troubles de
l’attention et de l’hyperactivité chez un groupe d’une centaine d’enfants âgés de 5 à 10 ans
incluant plusieurs types de cardiopathies corrigées ou palliées avant l’âge de 2 mois.
L’objectif était de caractériser les problèmes d’attention et d’hyperactivité selon les rapports
des parents et des enseignants des enfants à l’aide de deux questionnaires standardisés
ciblés (Behavior Assessment System for children, BASC et le ADHD-IV)4. Les résultats
montrent que dans le domaine des troubles de l’attention, 28 % des enfants étaient classés à
risque par les parents et les enseignants. Dans le domaine de l’hyperactivité, 20 % des enfants
étaient classés à risque. Ces résultats indiquent que le pourcentage d’enfants à risque dans ce
groupe avec CC est 3 à 4 fois supérieur de ce qui est attendu dans la population générale. Au
questionnaire spécifique d’ADHD-IV, les données de cette étude ont montré un pourcentage
plus élevé d’enfants à risque de troubles de l’attention (35 % par les parents et 15 % par les
enseignants) et d’hyperactivité (près de 30 % pour les parents et 20 % pour les enseignants)
(18).
Bellinger et al. (19) ont rapporté des données concernant les troubles du comportement après
une TGV chez des enfants de 4 à 8 ans. Dans cette étude, les auteurs mettent en évidence des
problèmes d’attention et des problèmes sociaux récurrents dans cette population. En utilisant
deux questionnaires remplis par les parents et par les enseignants des enfants (CBCL et
Connors’ Parent and Teacher Rating Scale)5, ces auteurs ont mesuré la fréquence des troubles
dans ce groupe d’enfants avec TGV en comparaison aux normes de référence. Les données
ont montré que les parents et les enseignants rapportaient des scores significativement
4
Le questionnaire BASC et le ADHD-IV évaluent précisément un ensemble de symptômes dans différents
contextes (familial et scolaire) qui permettent de classifier le niveau de risque en « risque élevé » pour les scores
au-dessus de 2 écarts-types de la norme de référence ; « risque intermédiaire » pour les scores entre 1 et 2 écarts
types au-dessus de la norme et « risque faible » pour les scores aux alentours de la moyenne dans la population
de référence selon l’âge de l’enfant
5
Le Connors’ Parent and Teacher Rating scales évalue les troubles du comportement des enfants d’âge scolaire
en donnant lieu à huit sous-échelles : troubles de conduites, anxiété-timidité, désorganisation-agitation,
problèmes d’apprentissage, problèmes psycho-somatiques, troubles obsessifs-compulsifs, troubles sociaux,
hyperactivité.
supérieurs à la norme et classés dans la catégorie de troubles importants (« clinical
concern disorders») pour 1 enfant sur 5. Plus généralement, 1 enfant sur 4 était décrit par ses
parents et ses enseignants comme présentant au moins un trouble important du comportement
notamment en terme de problèmes d’attention, d’apprentissages scolaires et des problèmes
interpersonnels (isolement ou agressivité sociale).
4. Répercussions cliniques: prise en charge neurodéveloppementale
Les déficits cognitifs chez des enfants ayant des CC ont des répercussions délétères dans leur
intégration scolaire et sociale qui nécessitent souvent une prise en charge (18). Le dépistage et
la prise en charge paramédicale et éducative sont devenus à présent une priorité pour les
enfants à haut risque notamment pour ceux qui ont présenté des épisodes neurologiques
adverses en période néonatale (20). Les déficits neurocognitifs observés constituent ainsi un
problème de santé publique dans cette population et ont des implications psycho-éducatives et
sociodémographiques importantes.
Des données françaises récentes obtenues sur une série hospitalière de patients ayant une
TGV corrigée sans comorbidités génétiques a montré que plus de 50 % des enfants avaient
recours à une rééducation neurodéveloppementale à l’âge de 5 ans (16). Dans une autre
cohorte ayant une TGV corrigée et évaluée à l’âge de 8 ans, 34 % des enfants avaient déjà été
suivis en orthophonie, 16 % en psychomotricité et 9 % en psychologie. Dix pour cent de ces
enfants avaient déjà redoublé une classe et 8 % recevaient un traitement pharmacologique
pour troubles de l’attention avec hyperactivité (13). Par ailleurs, le pourcentage d’adolescents
ayant reçu un type de prise en charge neurodéveloppementale atteint les 65 % à l’âge de 16
ans (17) et le pourcentage ayant été diagnostiqué avec un trouble de l’attention avec
hyperactivité (ADHD) ou avec un trouble psychiatrique était de 14 % dans cette cohorte.
L’ensemble de ces données mettent ainsi en avant la nécessité d’une identification précoce
des dysfonctionnements cognitifs permettant de cibler des stratégies de rééducation et de prise
en charge neuropsychologique.
En conclusion, les CC notamment complexes peuvent être associées à des divers types de
problèmes neurodéveloppementaux spécifiques. Ces troubles, qui sont très rarement associés
à un retard mental, incluent très fréquemment des difficultés non verbales comme des déficits
psychomoteurs, des problèmes d’attention et des fonctions exécutives ainsi que des troubles
du
comportement
(hyperactivité
et/ou
difficultés
sociales).
L’étiologie
de
ces
dysfonctionnements neurologiques et leurs conséquences comportementales dans les CC est
multifactorielle, avec une interaction complexe entre des facteurs de risque liés au patient
(conditions préopératoires, type de malformation et syndromes génétiques associés) et des
facteurs liés à la prise en charge médicale (facteurs intra-opératoires). La présence précoce
des lésions cérébrales notamment touchant la substance blanche chez les CC notamment
complexes, met l’accent sur la nécessité de développer des stratégies de neuroprotection. De
même le pronostic neurodéveloppemental détaillé des patients avec des CC à l’adolescence et
à l’âge adulte demeure mal inconnu. Il est indispensable d’entreprendre et de poursuivre des
recherches longitudinales et pluridisciplinaires afin de déterminer le pronostic à long terme de
ces troubles et leurs conséquences sur la vie quotidienne et l’intégration sociale et
professionnelle future de ces patients. Ceci a un intérêt clinique majeur car le dépistage
précoce d’éventuelles difficultés et la mise en place d’une aide rééducative adaptée pourraient
contribuer à améliorer le pronostic et la qualité de vie générale des patients concernés.
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La transition adolescent/adulte en cardiologie congénitale :
un défi épidémiologique
BASQUIN A, BONNET D, LADOUCEUR M.
Auteur principal : Dr Adeline BASQUIN, Service de Cardiologie, Unité des
cardiopathies congénitales de l’adulte et de l’enfant, CHU RENNES.
[email protected]
Les cardiopathies congénitales (CC) ont une incidence de 8 pour mille à la naissance (1). L’espérance
de vie de ces patients a considérablement augmenté grâce aux progrès de leur prise en charge.
Aujourd’hui près de 90 % des patients survivent à l’âge adulte (2). De récentes études
épidémiologiques ont montré que le rapport enfants / adultes vivant avec une CC complexe s’était
inversé au profit des patients adultes au début des années 2000 (3). Malgré ces progrès thérapeutiques,
les patients ont fréquemment des lésions résiduelles ou des séquelles après la réparation chirurgicale
de la CC. Il y a également un certain nombre d'inconnues sur le devenir à long terme de CC réparées
avec des techniques débutées il y a moins de 30 ans. Il est donc recommandé d'exercer une
surveillance cardiaque tout au long de la vie et qu'elle soit assurée par des cardiologues spécialisés
(4,5,6).
Les recommandations européennes et américaines publiées récemment (7,8) détaillent pour chaque
type de CC le type de suivi requis. Trois niveaux de soins pour ces adultes ayant une CC ont été
proposés dans ces recommandations :
1/ le suivi spécialisé, fait par un cardiologue spécialisé dans les cardiopathies congénitales de l’adulte
et le plus souvent dans un centre tertiaire,
2/ le suivi alterné entre cardiologue spécialiste et non spécialiste des CC,
3/ le suivi non spécialisé (8).
Les recommandations précisent quel niveau de suivi est le plus approprié en fonction de chaque type
de CC (7,8). A l'exception des patients ayant eu une ligature-section d’un canal artériel, tous les
patients ayant une CC doivent recevoir des soins dans des centres spécialisés dans les CC de l’adulte,
qu’il s’agisse d’un suivi entièrement spécialisé ou partagé entre le centre spécialisé et un cardiologue
généraliste.
Il a été montré que la publication de ces recommandations a été suivie, dans des centres nordaméricains, d’une augmentation du nombre de patients congénitaux adultes adressés à des centres
spécialisés, et plus encore, que cette prise en charge spécialisée permettait de diminuer la mortalité des
patients (9).
Le suivi en cardiologie pédiatrique pendant l'enfance devrait donc être suivi d'une période de
transition autour de l'adolescence puis d'un transfert vers des centres spécialisés dans la prise en
charge des CC de l’adulte sans qu’il y ait d’interruption de suivi (7,10,11,12). En l'absence de
programmes structurés pour préparer cette transition, les soins des jeunes adultes sont souvent retardés
ou inappropriés. Dans le pire des cas, malheureusement fréquent, 21 à 76 % selon les études
(4,13,14,15,16), les patients sont perdus de vue ou ont un suivi inadapté. Moins de 30 % de ces adultes
ont en effet actuellement un suivi approprié dans des centres spécialisés dans les CC de l’adulte et il
est
surprenant
de
constater
que
moins
de
15 % des patients suivis dans ces centres ont une CC complexe. Cela démontre que la prise en charge
de cette population est actuellement inadéquate. L’améliorer devrait donc être bénéfique aux patients
mais également au système de santé. En effet, la morbidité liée à ces cardiopathies non suivies se
traduit par une augmentation du nombre de patients complexes dans les services de cardiologie
d’adultes.
Plusieurs facteurs de risque de rupture de suivi ont été identifiés tels que le sexe masculin, l’absence
d’intervention antérieure (14,17), la complexité de la CC et l’absence d’information sur le suivi
nécessaire à l’âge adulte (13,14,17). Une prévention ciblée en fonction de la complexité de la CC et de
ses facteurs de risque doit donc être une priorité, par la mise en place essentielle d’un processus de
transition de l’adolescence vers l’âge adulte qui soit planifié et structuré.
Des recommandations sur l’organisation de programmes de transition dédiés aux adolescents ayant
une CC ont été publiées en 2011 (18). Ils se déroulent habituellement sous la forme de séances
d’éducation thérapeutique du patient, sur sa cardiopathie et sur l’organisation du suivi spécialisé à
l’âge adulte. Les thèmes abordés sont bien sûr la connaissance de la cardiopathie et des symptômes,
ainsi que l’explication des traitements et du suivi recommandés. Une éducation sur la prévention des
comportements à risque, et des risques inhérant à la rupture de suivi est également souhaitable. Dans
une prise en charge plus globale, la sexualité et la contraception, les activités physiques et la qualité de
vie sont abordées, ce qui renforce bien souvent l’adhésion au programme et sa qualité. L’objectif
attendu est d’optimiser la qualité de vie, l’espérance de vie et la productivité de ces jeunes adultes.
Cependant, aucune information scientifique sur la qualité de ces programmes de transition/transfert,
sur leur impact, sur le risque de rupture de suivi, et donc de complications liées aux CC, n’est pour le
moment disponible. De telles évaluations sont souhaitables et seront sans doute permises par le
développement exponentiel actuellement observé de ces programmes.
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Iserin et M Ladouceur, 22eme Journées européennes de la société française de cardiologie, janvier 2012
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statement from the American Heart Association. Circulation
TABLE RONDE 2
Infection materno-foetale, une urgence pour de nouvelles recommandations
Place des marqueurs biologiques dans le diagnostic de l’infection néonatale
bactérienne précoce
Jean-Baptiste MULLER
CHU de Nantes
Malgré les progrès de prévention, l’infection materno-fœtale reste un problème quotidien en maternité
et en néonatalogie en raison de sa gravité potentielle. Depuis les recommandations de l’ANAES de
2002, un dépistage et éventuellement une antibioprophylaxie maternelle sont préconisés en présence
de facteurs de risque anamnestiques ou cliniques (ANAES 2002 ). L’épidémiologie des infections
dans ce contexte a évolué rapidement ces dernières années, de 1,5 ‰ à 0,25-0,50 ‰ (Jourdan-Da Silva
BEH 2008). A l’ère de cette prévention, ces situations à risque sont à réévaluées. D’autant que le
diagnostic certain d’infection est rare (présence d’un prélèvement central, hémoculture ou LCR
positif) et que la prise en charge se discute pour des nouveau-nés possiblement infectés.
Pour guider le clinicien, hormis les critères cliniques (nouveau-né symptomatique après H2 ), les
facteurs de risque anamnestiques ou les prélèvements bactériologiques périphériques sont de peu de
recours (Cottineau 2013). Dans ce contexte, les marqueurs biologiques doivent être une aide à la mise
en place et à l’arrêt de l’antibiothérapie. L’apport diagnostique, bien que faible ou tardif, de la NFS et
de la CRP avait été défini dans les recommandations émises par l’ANAES en 2002. L’étude de
certains marqueurs précoces de sepsis ou d’inflammation, comme certaines interleukines ou protéines
sériques, semble intéressante mais reste peu accessible et concerne à ce jour le domaine de la
recherche. La procalcitonine, protéine de la phase aiguë, est un marqueur précoce et spécifique
d’infection bactérienne. Son apport dans le diagnostic d’infection materno-fœtale a été évalué dans
différents travaux, et semble prometteur.
Selon les recommandations de l’ANAES en 2002, tout nouveau-né suspect d’infection néonatale doit
faire l’objet d’un bilan infectieux comprenant une numération formule sanguine et d’une CRP.
Concernant la NFS, l’étude des anomalies de la lignée granuleuse est la plus intéressante. La
leucocytose ou la leucopénie sont peu contributives au diagnostic d’IMF. L’apport diagnostique du
nombre de neutrophiles totaux (T), immatures (I) et leur rapport a été étudié. La neutropénie semble
intéressante mais peu spécifique (Manroe 1979), tout comme l’étude du rapport I/T. En effet, ces
marqueurs sont influencés par l’hypoxie, l’hyperthermie, l’HTA gravidique. Si certaines équipes ont
proposé des scores hématologiques (Rodwell RL 1993), l’apport de l’hémogramme dans le diagnostic
d’IMF reste faible.
La CRP, protéine de la phase aiguë de l'inflammation, est le marqueur inflammatoire le plus largement
utilisé. Sa synthèse est déclenchée par l'IL6, et son élévation en cas d'infection est décalée. Son taux
s'élève entre 6 et 12 heures après le début de l'infection, et son dosage précoce est donc peu contributif
(Kawamura Acata Paediatrica 1995). De plus, son élévation peut être observée en l'absence d'infection
dans certaines situations telles que l'inhalation de liquide méconiale, les traumatismes périnataux ou au
décours de l'instillation de surfactant exogène. En revanche, son dosage répété au cours de la
surveillance de nouveau-nés suspects d'infection, notamment entre 12 et 72 heures de vie contribue à
différencier les patients probablement infectés des patients chez qui l'antibiothérapie peut ne pas être
initiée ou poursuivie (Benitz Pediatrics 1998).
Différentes protéines de la phase aiguë de l'inflammation telles que l'IL-6, l'IL-8, ont pu être étudiées
plus récemment. L'intérêt s'est porté sur ces molécules dont l'élévation est très précoce au cours d'un
processus inflammatoire. Leur cinétique a été bien décrite, tant chez le prématuré que chez le
nouveau-né à terme (Chiesa, Signore 2001, Suguna Narasimhulu 2013). Leur contribution au
diagnostic d'infection materno-fœtale pourrait être intéressante, cependant elles ne sont pas utilisées en
clinique et leur étude reste du domaine de la recherche.
La procalcitonine a été très largement étudiée en contexte d'infection. Sa cinétique et son élévation
précoce au cours de ces processus sont bien décrites (Sgarbi 2004). D''autre part son décalage est
discriminant pour l'origine bactérienne de l'infection (Mitaka 2005). Dans le contexte de suspicion
d'infection néonatale, son étude a été limitée par son élévation physiologique dès les premières heures
de vie et pendant les premiers jours (Chiesa 1998). Sa contribution au diagnostic d'infection néonatale
semblait alors faible.
Etant donné les qualités biologiques de ce marqueur et pour répondre aux exigences cliniques, il
semblait légitime d'étudier l'apport diagnostique de la procalcitonine dosée au cordon en cas de
suspicion d'infection materno-fœtale.
Plusieurs travaux successifs ont été réalisés à ce sujet. Tout d'abord une étude prospective réalisée
chez 197 nouveau-nés, retrouvait une sensibilité (87,5 %) et une spécificité (98,7 %) satisfaisantes au
seuil de 0,5 ng/ml (Joram 2006). Une étude plus large, rétrospective sur plus de 2 000 nouveau-nés a
confirmé ces données (Gras-Le Guen 2011). Dans cette étude la procalcitonine était la plus
performante pour le diagnostic d'infection (spécificité 97 %, sensibilité 85 %). Bien que contributif, il
ne s'agit pas du marqueur idéal, et son étude doit être confrontée aux autres facteurs de risque.
Ainsi, le travail de Cabaret et al., publié en 2013, démontre les capacités diagnostiques d'un
algorithme de prise en charge de l'infection materno-fœtale intégrant le dosage de la procalcitonine au
cordon (sensibilité 87,5 % et spécificité 87,3 %). D'autre part l'utilisation d'un tel algorithme est très
favorable sur le plan médico-économique.
L'incidence de l'infection materno-fœtale a donc rapidement baissé depuis les recommandations de
l'ANAES en 2002 et la mise en place de mesure de dépistage et prophylactique. Pour réserver
l'antibiothérapie aux seuls nouveau-nés qui vont en bénéficier, l'arbre décisionnel de prise en charge
de l'infection materno-fœtale doit donc être adapté. De nouveaux biomarqueurs tels que la
procalcitonine pourrait être intégré à cet algorithme. Une évaluation large et multicentrique de ces
travaux est nécessaire pour faire évoluer les recommandations.
DIACORD : Validation d’un algorithme décisionnel dans la prise en charge
des nouveau-nés suspects d’infection néonatale précoce
Christèle GRAS-LE GUEN1-2, Jean Baptiste MULLER3, Jocelyne CAILLON2-4, Bruno
GIRAUDEAU5, Elise LAUNAY1, Jean Christophe ROZE2.
1 : Service de Pédiatrie, Hôpital Mère Enfant CHU NANTES
2 : EA 3826, Thérapeutiques anti-infectieuses, Faculté de médecine de NANTES
3 :Service de Néonatologie, Hôpital Mère Enfant CHU NANTES
4 : Laboratoire de microbiologie, CHU NANTES
5 :CIC CHU TOURS
Le diagnostic d’infection néonatale précoce est difficile à établir, puisque durant les premiers
jours de vie, la séméiologie de l’infection est très peu informative. Les recommandations pour
la pratique clinique de l’ANAES publiées en 2002 tiennent compte de cette spécificité en
stipulant que « tout nouveau-né qui va mal, sans raison apparente, est a priori suspect
d'infection ». Cette difficulté diagnostique est à l’origine de l’inquiétude des cliniciens qui
connaissent le potentiel d’aggravation parfois foudroyante des infections diagnostiquées trop
tardivement. Alors que l’incidence des infections néonatales précoces a diminué depuis la
généralisation de l’antibioprophylaxie per-natale (1,7 infection néonatale précoce à
Streptocoque B pour 1 000 naissances en 1990 versus 0,4 ‰ en 2008 aux Etats-Unis), cette
inquiétude diagnostique est encore à l’origine de nombreux bilans biologiques, ainsi que des
prescriptions d’antibiothérapie à large spectre. Cette exposition précoce aux antibiotiques
participe à l’émergence de bactéries résistantes, ainsi qu’à des perturbations dans
l’implantation de la flore néonatale, dont on mesure aujourd’hui les conséquences délétères à
distance de la naissance (pathologie allergique, obésité, maladies inflammatoires…). Ainsi, il
paraît indispensable de limiter en urgence l’exposition néonatale aux antibiotiques.
Utilisé en routine depuis 2005 dans notre maternité, le dosage de la procalcitonine (PCT) au
sang du cordon s’est avéré un marqueur diagnostique performant d’infection néonatale
précoce, avec une probabilité d’infection inférieure à 0,001 % (0–1,10-5) en cas de dosage de
PCT< à 0,6 ng/ml. Ce marqueur a été intégré à un algorithme (Figure 1) élaboré à partir d’une
cohorte prospective de 5 904 enfants nés à la maternité du CHU de Nantes en 2012. Parmi les
20 nouveau-nés classés a posteriori comme infectés (3,38 ‰ des naissances) seuls 3 enfants
présentaient une infection certaine (hémoculture positive) (0,5 ‰). Les performances
diagnostiques du nouvel algorithme (intégrant le dosage de PCT) n’étaient pas différentes de
celui utilisé auparavant : probabilité post-test en cas de test positif 9 % [7,8-10,2] vs 6 % [5-7]
,et 0,001 % [0-10-5] vs 0,001 % [0-10-5 ] en cas de test négatif respectivement. En revanche,
ce nouvel algorithme permettrait une diminution significative des examens complémentaires
(12,7 % IC95 % [11,4-14] d’enfants faisant l’objet d’un bilan sanguin vs 39,6 % IC95 %
[37,6-41,6]) ainsi que des prescriptions antibiotiques (8,9 % [7,8-10] vs 13,3 % [11,9-14,7]).
Cependant, compte tenu du caractère unicentrique de ce travail, il est indispensable de valider
cette approche à l’occasion d’une vaste étude nationale multicentrique contrôlée randomisée
en cluster. En effet, compte tenu de la rareté des cas d’infections certaines, il est nécessaire
d’inclure un grand nombre de nouveau-nés afin de garantir à l’étude une puissance suffisante.
Un caractère innovant par rapport aux pratiques actuelles
Cette prise en charge des enfants suspects d’infection néonatale précoce basée à la fois sur les
signes cliniques et sur la valeur de la PCT dosée au cordon constitue une approche originale :
i) par rapport aux recommandations françaises de 2002 qui sont les seules à s’appuyer encore
sur l’examen du liquide gastrique., ii) par rapport au Royaume Uni où un dosage de CRP est
recommandé en complément des données cliniques iii) par rapport aux USA où l’évaluation
est essentiellement clinique.
L’originalité du projet DIACORD tient également à une évaluation de l’algorithme
diagnostique en situation réelle, au moyen d’un essai randomisé pragmatique impliquant de
nombreuses maternités. Il paraît en effet important de pouvoir évaluer les pratiques de chaque
centre, et d’évaluer ensuite l’apport diagnostique et thérapeutique du nouvel algorithme
intégrant la PCT au cordon.
L’objectif principal de l’étude sera de déterminer si un algorithme incluant un dosage de
PCT au cordon permet de réduire l’exposition aux antibiotiques sans augmenter le risque
d’évolution défavorable en comparaison avec la prise en charge actuelle basée sur les
recommandations 2002 de l’ANAES. Il s’agit donc d’un objectif double i) de supériorité visà-vis de l’exposition aux antibiotiques, ii) et de non infériorité vis-à-vis des performances
diagnostiques (survenue d’effets secondaires graves).
Méthodologie
L’objectif secondaire de cette étude sera de déterminer si un algorithme incluant un dosage
de PCT au cordon permet de réduire le nombre des hospitalisations et des examens
complémentaires (biologiques et radiologiques) en comparaison avec la prise en charge
actuelle basée sur les recommandations 2002 de l’ANAES.
Le critère de jugement principal est i) un critère de supériorité portant sur l’exposition aux
antibiotiques (précision dans les 8 premiers jours de vie) ii) mais aussi un critère de non
infériorité composite incluant durant le premier mois de vie : décès (quelle qu’en soit la
cause), hospitalisation en soins intensifs, complications spécifiques à l’infection (ie
vascularite postméningite, SDRA postalvéolite …), hospitalisation pour infection néonatale
tardive. Un appel téléphonique systématique à 1 mois permettra de renseigner le critère de
jugement principal.
Le critère de jugement secondaire portera sur la durée d'antibiothérapie, les effets
secondaires de l’antibiothérapie et la durée d’hospitalisation.
La population de l’étude sera constituée des nouveau-nés d’âge gestationnel supérieur à 32
SA suspects d’infection néonatale précoce selon les critères anamnestiques de l’ANAES
(grade A et B) lors de leur séjour en maternité ou service de néonatologie.
Le plan expérimental de cette étude multicentrique contrôlée randomisée est un schéma en
cluster avec un "stepped wedge" design. L'unité de randomisation est le service de
néonatalogie de chacun des centres impliqués. Chaque centre débute l'essai dans le groupe
contrôle i.e. avec la prise en charge habituelle. La randomisation attribue à chaque centre le
délai au bout duquel il va mettre en place le nouvel algorithme avec le dosage de la PCT au
cordon. Ce dosage est réalisé dans chaque centre et disponible dans l’heure qui suit la
naissance.
Une quinzaine d’équipes s’est déjà portée volontaire pour participer à ce travail. On
dénombre pour l’instant plus de 50 000 naissances par an sur l’ensemble de ces maternités. 30
à40 % des N Nés (selon les centres) font l’objet d’une suspicion d’infection néonatale soit un
minimum de 15 000 nouveau-nés par an susceptibles d’être inclus dans l’étude.
Bénéfices attendus pour le patient et/ou pour la santé publique
Notre hypothèse est qu’un algorithme décisionnel intégrant éléments cliniques et dosage de
PCT au sang de cordon pourrait permettre de réserver les prescriptions d’antibiotiques aux
patients identifiés comme à haut risque d’infection néonatale et de limiter les prescriptions
inutiles chez ceux à bas risque.
La diminution de l’exposition aux antibiotiques est une priorité pour l’ensemble de la
population, mais particulièrement cruciale en période néonatale où il est apparu que les
modifications induites dans l’implantation de la flore à cette période étaient associées à des
perturbations dans la maturation du système immunitaires à l’origine de pathologies
s’exprimant plus tardivement. Les pathologies pour lesquelles un lien épidémiologique a été
établi sont l’allergie (dans sa forme respiratoire et cutanée), l’obésité, mais aussi certaines
maladies inflammatoires chroniques. Ainsi, une diminution du recours aux antibiotiques
permettrait peut-être d’enrayer l’augmentation très significative de l’incidence de ces
pathologies durant les 10 dernières années. Enfin, la diminution du nombre des examens
complémentaires, outre son aspect économique permettrait surtout de limiter la pénibilité des
ponctions veineuses répétées pour l’enfant, au même titre que la diminution du nombre des
hospitalisations, tout en facilitant le lien mère-enfant.
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Figure 1: Proposition d’algorithme diagnostique et thérapeutique
NNé suspect d’infection néonatale
OUI
Signes de gravité?
NON
OUI
Hémoculture
± PL ± Rx Thorax
+ Hospitalisation
Symptomatique H2?
Signe de gravité
ou anomalie biologique
NON
PCT au cordon
< 0,6 ng/ml
> 0,6 ng/ml
CRP >20 mg/l H12
OUI
ou signes
cliniques
NON
Surveillance
clinique en
maternité 48
h
NON
OUI
Apparition de
signes cliniques
Hémoculture + ATB IV
+ Hospitalisation
ATB IV dans l’heure
Réévaluation clinique et biologique à 48 h
TABLE RONDE 3
Pneumopathies graves de l’enfant
Incidence des pneumopathies acquises sous ventilation mécanique en
réanimation pédiatrique
Stéphane Dauger, Maryline Chomton, Sophie Le Garrec, Thomas Bontant
Service de Réanimation et Surveillance Continue Pédiatriques, Pôle de Pédiatrie Médicale,
Hôpital Robert-Debré, Assistance Publique - Hôpitaux de Paris et Université Paris-Diderot,
Paris VII
Correspondance:
Stéphane Dauger
Service de Réanimation et Surveillance Continue Pédiatriques
Pôle de Pédiatrie Aiguë et Médecine Interne, Hôpital Robert-Debré,
Assistance Publique - Hôpitaux de Paris et Université Paris-Diderot, Paris VII
48, boulevard Sérurier, 75019 Paris, France.
Téléphone: 01-40-03-22-87
Fax: 01-40-03-24-78
M-él: [email protected]
Mots / Caractères du titre: 10/90
Mots / Caractères du texte: 2816/19512
Conflits d’intérêts : Les auteurs précisent qu’ils n’ont aucun conflit d’intérêt concernant ce
manuscrit.
Introduction
L’insuffisance respiratoire aiguë demeure la cause principale d’admission en unité de réanimation
pédiatrique (URP). Malgré les progrès importants des techniques de ventilation non-invasive (VNI)
qui ont permis son utilisation dans un grand nombre de situations nécessitant une assistance
ventilatoire, limitant ainsi le recours ou la durée de ventilation mécanique invasive (VM), celle-ci
demeure encore fréquemment utilisée dans de nombreuses situations (hypoxémie et/ou hypercapnie
sévères, gestion postopératoire, troubles neurologiques, anomalies faciales ou digestives interdisant le
recours à la VNI par exemple).
Une des principales complications de cette technique est la survenue de pneumopathie, dénommée
usuellement pneumopathie acquise sous ventilation (PAVM). Très étudiées depuis plusieurs décennies
chez l’adulte, les PAVM font l’objet de recommandations très régulièrement mises à jour par
différentes sociétés savantes [1,2]. Mais ce n’est que depuis environ une quinzaine d’années que les
pédiatres-réanimateurs s’intéressent plus précisément à cette pathologie qui serait la seconde cause
d’infection liée aux soins en URP après les bactériémies et avant les infections urinaires [3]. Ainsi, il
semblerait que, comme chez l’adulte, les PAVM allongent la durée d’exposition aux antibiotiques [3],
prolongent la durée de ventilation [4] et de séjour tant en réanimation qu’à l’hôpital [3], induisant un
surcoût financier comme souvent rapporté par les auteurs nord-américains [5], voire une augmentation
de la mortalité [3]. En raison de différences potentielles liées aux conditions économiques tant dans
l’épidémiologie, le diagnostic que les traitements, les pays à faible produit intérieur brut (PIB) ont eux
aussi récemment tenté d’adapter les recommandations à leur mode d’exercice et à leur population
pédiatrique [6,7].
Néanmoins, comme bien souvent en pédiatrie, les facteurs de risque (FDR), les comorbidités, les
méthodes diagnostiques voire même certains traitements ne peuvent pas être extrapolés directement de
la littérature adulte pour des raisons anatomiques et physiologiques propres au développement du
nourrisson et de l’enfant [3]. Nos patients présentent de très importantes différences anatomiques et
physiologiques : sinus maxillaires non perméabilisés, absence de dentition ou bon état buccodentaire,
faible nombre de comorbidités. La prise en charge thérapeutique est aussi très différente : montée en
puissance ces dernières années de l’utilisation des sondes d’intubation trachéale (SIT) à ballonnet qui
demeurent encore marginale dans certaines équipes, SIT de diamètre très étroit gênant les
prélèvements, courte durée de VM, faible sédo-analgésie voire faible taux de curarisation. Malgré
l’accumulation récente de résultats pédiatriques (Figure 1), de nombreux auteurs s’accordent
aujourd’hui sur la nécessité de connaître précisément l’incidence des PAVM en URP avant
d’envisager d’aller plus loin dans une approche multicentrique des préventions et des traitements [8].
Nous détaillerons ici la définition récente des PAVM de l’enfant puis nous préciserons, à l’aide d’une
revue de la littérature, l’incidence actuelle de cette infection liée aux soins et ses principales
particularités.
Définition des PAVM chez l’enfant
Une infection liée aux soins
La PAVM est une infection liée aux soins survenant donc après au moins 48 heures d’hospitalisation,
et dans ce cas précis, après au moins 48 heures de VM [3].
Comme toute pneumonie, elle se définit au mieux (« gold-standard ») par une biopsie pulmonaire
(transthoracique, transbronchique ou post-mortem) rapportant une concentration de micro-organismes
d’au moins 104 Unité Formant Colonie (UFC)/g de tissu pulmonaire et associée à un infiltrat de
polynucléaires neutrophiles atteignant les bronchioles et les alvéoles adjacentes.
Cette définition anatomopathologique, exceptionnellement appliquée au lit du malade et encore moins
en pédiatrie en dehors de rares situations d’immunodépression sévère par exemple où le diagnostic
différentiel est souvent particulièrement compliqué, a été remplacée par une définition plus
« pragmatique » associant des critères cliniques, radiologiques et biologiques.
La définition clinico-radio-biologique du CDC 2011
Une révision de cette définition a été proposée par le Center for Disease Control (CDC) en 2011 [9].
Les critères diagnostiques spécifiés selon trois tranches d’âge sont résumés dans le Tableau 1. Le
diagnostic de PAVM peut être porté après 48 heures de VM mais aussi dans les 48 heures suivant le
sevrage de cette technique, que le patient soit encore hospitalisé en URP ou non [9].
Depuis de nombreuses années, on distingue les PAVM précoces survenant entre le second et le
quatrième jour de VM (« early-onset » des Anglo-saxons) et les PAVM tardives survenant après le
quatrième jour de VM (« late-onset ») qui différeraient dans le mécanisme et surtout dans les microorganismes en cause (Haemophilus influenzae, Streptococcus pneumoniae, Moraxella catarrhalis dans
les PAVM précoces et Staphylocoque aureus, Pseudomonas aeruginosa, Klebsiella pneumoniae dans
les PAVM tardives). Cette donnée épidémiologique complémentaire, reprise dans la définition 2011
du CDC, pourra par exemple aider chaque URP à définir l’antibiothérapie probabiliste suivant le
contexte de survenue de la PAVM, dans l’attente de la documentation microbiologique.
Bien que ce ne soit pas un critère de la définition, la suspicion de PAVM doit inciter à la recherche,
dans le tractus respiratoire inférieur normalement stérile, d’un micro-organisme pathogène
responsable. Ces prélèvements sont difficiles à obtenir car invasifs et risqués, surtout chez le petit
enfant et le nourrisson en situation ventilatoire précaire, et parfois contaminés par les sécrétions du
tractus respiratoire selon les techniques utilisées. La définition du CDC 2011 laisse le champ libre au
pédiatre-réanimateur pour l’utilisation de la technique diagnostique [9] et rappelle le seuil de
significativité de la concentration du micro-organisme considéré pour chacune d’entre elles,
l’aspiration trachéale (AT) n’en faisant pas partie : lavage broncho-alvéolaire fibroscopique
(permettant de cibler la zone concernée à la radiographie thoracique de face, RP) ou non fibroscopique
(à l’aveugle) : 104 UFC/ml, brossage bronchique fibroscopique ou non fibroscopique : 103 UFC/ml,
prélèvement distal protégé (à l’aveugle) : 103 UFC/ml [9].
Enfin, cette définition insiste sur la présentation de l’incidence sous forme du nombre de cas rapporté
à 1000 jours de VM [9], permettant de comparer les URP entre elles ou de les aider à mesurer les
progrès entrepris en interne suite à des modifications de pratiques par exemple.
Incidence des PAVM en URP
Le Tableau 2 présente le taux et/ou l’incidence des PAVM en URP d’après la littérature internationale
que celle-ci soit dédiée spécifiquement à l’étude des PAVM ou plus générale. Seulement huit études
parmi les 40 sont multicentriques. La moitié a été réalisée dans des pays à faible produit intérieur brut.
La très grande majorité des URP ont au moins la moitié de leurs patients qui reçoivent de la VM au
moins une fois au cours de leur séjour, avec des critères d’inclusion dans chaque étude allant de
quelques heures à 24 voire 48 heures de durée minimale de VM.
Dans 27 publications parmi les 40 colligées, la proportion de nourrissons et d’enfants ayant présenté
au moins une fois une PAVM au cours de leur séjour en URP s’étend de 3,4 % à 32,3 %, avec une
valeur médiane de 10,7 % [1° quartile : 6,6 ; 3° quartile: 19].
La densité d’incidence rapportée dans 29 publications sur 40 s’étend de 3,7 à 45,1/1000 j de VM, avec
une valeur médiane de 11,6/1000 j de VM [1er quartile : 8,8 ; 3e quartile: 17,1], mesurée dans certains
cas avant la mise en place de protocoles de prévention qui ont à chaque fois été très efficaces pour
réduire drastiquement le nombre de patients concernés.
Les micro-organismes mis le plus souvent en évidence sont Pseudomonas aeruginosa, Staphylococcus
aureus, Haemophilus influenzae et Acinetobacter baumanii. Les virus ne sont quasiment jamais
rapportés dans cette série d’études ; les levures très rarement.
Interprétation et perspectives
Une incidence extrêmement variable
La densité d’incidence varie d’un facteur un à 10. Plusieurs explications pourraient rendre compte de
cette large fourchette d’incidence des PAVM en URP.
Le moment de la mesure n’était pas standardisé : après une, 24 ou 48 heures de VM, avec ou sans
suivi systématique durant les 48 heures suivant l’extubation.
Le niveau socio-économique des pays concernés est un point fondamental, conditionnant les
comorbidités des patients incluant leur état nutritionnel, les moyens matériels mais surtout humains
disponibles pour s’occuper des malades, le niveau de formation médicale et paramédicale initiale mais
surtout continue. Durant les cinq dernières années, de nombreux pays à faible PIB ont publié leurs
résultats, les conséquences économiques des PAVM et surtout l’efficacité de certains programmes de
prévention [6, 7].
L’hétérogénéité des populations d’URP étudiées pourrait aussi contribuer à ces différences
d’incidence. En effet, l’association de patients de néonatologie et de pédiatrie ou l’exclusion de
patients avec un score de gravité à l’admission élevé peuvent biaiser l’incidence. De même, le type de
recrutement (cardiologique, médico-chirurgicale, avec ou sans prise en charge de polytraumatisés)
joue un rôle prépondérant : un recrutement postchirurgical cardiologique semble pourvoyeur d’un fort
risque de PAVM par exemple [10].
Enfin, lors de la démarche diagnostique de PAVM, une grande variabilité de lecture des radiographies
thoraciques a fréquemment été démontrée en URP [11]. Ceci pourrait participer soit à sous-évaluer
(typiquement chez les patients présentant des radiographies thoraciques déjà très pathologiques), soit à
sur-évaluer (atélectasie du lobe supérieur droit extrêmement fréquente chez le nourrisson ventilé en
invasif) l’incidence des PAVM.
Quelles techniques de prélèvement microbiologique ?
Dans un but de consensus, et afin de limiter les différences de pratiques inter-services, la nouvelle
définition du CDC ne requiert pas de documentation bactériologique pour confirmer le diagnostic de
PAVM [9].
Néanmoins, devant une suspicion de PAVM, le prélèvement en urgence avant antibiothérapie, est la
seule chance d’obtenir une documentation bactériologique fiable.
Mais le prélèvement microbiologique à visée diagnostique est une réelle difficulté en pédiatrie. Bien
que dans ce domaine aussi le nombre de publications pédiatriques soit nettement moins important que
dans la littérature adulte, les pédiatres-réanimateurs se sont attachés depuis une quinzaine d’années à
valider chez l’enfant quelques unes des techniques disponibles [12, 13].
La définition du CDC rappelle très clairement que si une documentation est recherchée, elle doit
répondre à des critères stricts. Seules les cultures quantitatives de LBA, de PDP ou de biopsie du
poumon avec des seuils précis sont admises par le CDC pour établir un diagnostic bactériologique.
L’AT ne l’est pas.
Pourtant l’AT reste très souvent utilisée en pédiatrie. Ses limites sont nombreuses. L’AT qualitative
doit être abandonnée. L’AT quantitative ne peut pas s’affranchir de la contamination de l’arbre
respiratoire sous cordal qui est extrêmement précoce après mise en place de la VM [14]. Dans une
revue récente de la littérature pédiatrique, Venkatachalam et al. [15] soulignent que la culture
quantitative de l’AT a une sensibilité et une spécificité variables, respectivement de 31 % à 69 % et de
55 % à 100 %, mais en tous points comparables à celles du LBA (sensibilité de 11 à 90 % et
spécificité de 43 % à 100 %). Dans le cadre d’une PAVM, le pédiatre-réanimateur s’attachera à
obtenir une flore pure, au seuil de significativité de 106 UFC/ml, s’il souhaite adapter son
antibiothérapie. En dehors de ces critères de qualité, une autre technique devra être discutée, en
évaluant au mieux la balance bénéfices-risques.
Le LBA ou la brosse, au mieux fibro-dirigé, apparaissent comme les examens présentant la plus
grande spécificité mais requièrent le plus souvent un pneumopédiatre et un matériel adapté au
diamètre étroit des SIT, très souvent non disponible pour les petits calibres. Ces deux contraintes
techniques pourraient être à l’origine d’un retard diagnostique préjudiciable au patient voire à amener
à la mise en route d’une antibiothérapie probabiliste avant la réalisation du prélèvement. Enfin, chez
les patients les plus sévères, leur réalisation est très souvent contre-indiquée au risque d’aggraver
encore la situation ventilatoire très fragile.
Le prélèvement distal protégé à l’aveugle (PDP), s’affranchissant de la colonisation trachéobronchique haute, semble un bon compromis s’il est réalisé suivant un protocole rigoureux.
Le choix de la méthode recommandée pour le diagnostic des PAVM de l’enfant n’est donc pas à ce
jour clairement défini et doit dépendre de l’expertise locale, de l’expérience, des possibilités et du coût
[1,9]. Quelle que soit la technique utilisée, il est indispensable de réaliser une culture quantitative des
sécrétions purulentes en respectant les seuils de significativité définis par consensus pour chaque type
de prélèvements avant toute initiation d’une antibiothérapie.
Quels germes ? Quels traitements ?
Bien que l’étude bactériologique ne soit pas un critère obligatoire pour porter le diagnostic de PAVM
selon le CDC 2011 [9], connaître la microbiologie des PAVM est indispensable afin de guider
l’antibiothérapie probabiliste.
A notre connaissance, seules les études rapportées par Chevret et al. [16] et Chomton et al. [17] ont
documenté en pédiatrie des différences microbiologiques notables entre PAVM précoces et tardives.
Ce résultat, s’il était confirmé chez l’enfant par l’étude d’un plus grand nombre d’épisodes, pourrait
avoir des conséquences pratiques importantes. La forte probabilité d’un germe communautaire en cas
de PAVM précoce pourrait permettre d’entamer au plus tôt une désescalade thérapeutique, limitant
ainsi l’exposition inutile aux antibiotiques, démarche absolument fondamentale aujourd’hui en URP.
Pour les PAVM tardives, il serait sans doute très intéressant d’évaluer le rôle du portage chronique
dans l’écologie bactérienne.
De part la multitude d’études réalisées sur les PAVM chez l’adulte (294 recensées dans les
recommandations de l’American Thoracic Society en 2005 [1]), un guide de prise en charge des
PAVM a pu être réalisé établissant ainsi des recommandations thérapeutiques. Une antibiothérapie
empirique à large spectre (bithérapie initiale, malgré l’absence de supériorité formellement établie sur
la monothérapie, surtout en cas de suspicion de bactérie multirésistante) doit être instituée rapidement
en tenant compte des antibiothérapies déjà reçues, de la gravité du patient et du risque d’infection par
une bactérie multi-résistante. Ces recommandations internationales détaillent, situation par situation,
l’antibiothérapie recommandée chez l’adulte. Cette antibiothérapie doit être réévaluée à 48 heures une
fois le germe identifié et l’antibiogramme reçu. La durée de traitement reste débattue chez l’adulte.
En pédiatrie, il n’existe pas de consensus international formalisé, ni pour l’antibiothérapie probabiliste,
ni pour la durée théorique du traitement. A notre connaissance, seul Morrow et al. ont proposé un
guide des antibiotiques utilisés en URP pour les PAVM [6].
Perspectives
Les scores
Certains scores clinico-radio-biologiques composites comme par exemple le Clinical Pulmonary
Infection Score (CPIS), validé chez l’adulte et systématiquement utilisé par certaines équipes pour
affiner la probabilité d’une PAVM, ne font pas partie de cette définition. Plusieurs pédiatresréanimateurs ont tenté récemment d’en adapter le format à l’enfant [6] malgré l’absence de « gold
standard » permettant sa validation définitive. Ils pourraient être une aide précieuse à la surveillance
systématique pluriquotidienne des PAVM et à la décision thérapeutique.
Les trachéobronchites acquises sous VM
Les atteintes infectieuses trachéobronchiques acquises sous VM, sans pneumopathie associée, font
l’objet de nombreuses publications chez l’adulte depuis plusieurs années, soit sous forme d’une entité
à part, soit considérées comme un prélude à la survenue d’une PAVM. Déjà étudiées en 1997 par
Fagon et al. [19], certains pédiatres-réanimateurs ont plaidé récemment pour leur inclusion dans un
groupe plus général des trachéo-broncho-pneumopathies acquises sous VM [20].
Les pneumopathies acquises sous VNI
La VNI utilisée de plus en plus fréquemment en pédiatrie est potentiellement pourvoyeuse de trachéobroncho-pneumopathies liées aux soins. La physiopathologie est sans doute différente puisque elle
n’inclut pas l’altération du fonctionnement de l’escalator mucociliaire ou la même modification de
l’homéostasie bactérienne nasobuccale. Néanmoins certains auteurs proposent que cette technique
bénéficie aussi d’une surveillance épidémiologique rigoureuse au sein de chaque URP.
Programme de prévention et d’amélioration de la qualité des soins
De nombreux pédiatres-réanimateurs se sont attelés à tester les FDR de survenue d’une PAVM en
URP. Malgré les grandes différences anatomiques et physiologiques avec l’adulte, de nombreux FDR
semblent communs aux deux périodes de la vie : durée de la VM, ré-intubation, nutrition entérale
continue, sonde d’intubation sans ballonnet, fibroscopie bronchique, transport en dehors de l’URP,
utilisation d’antiacide ou de corticoïdes… Néanmoins, la validité externe de ces résultats fait très
souvent défaut compte tenu des nombreuses particularités des études décrites précédemment.
Quoi qu’il en soit, des protocoles de soins très simples, fondés sur les recommandations adultes
adaptées à l’enfant (lavage des mains, position surélevée de la tête, soins de bouche, techniques
d’aspiration…) et proposées dans des algorithmes très faciles d’utilisation après formation des
personnels concernés ont démontré une possibilité de réduction massive de l’incidence des PAVM tant
dans des pays à haut [20] qu'à faible PIB [21].
Etudes multicentriques
Malgré les nombreuses limites décrites précédemment, la nouvelle définition du CDC 2011 et surtout
l’augmentation franche de la littérature pédiatrique devrait permettre de construire un travail
prospectif multicentrique afin d’améliorer encore le niveau de preuves concernant les particularités
pédiatriques des PAVM tant en ce qui concerne les FDR, le diagnostic que les traitements.
Conclusion
La démarche diagnostique, l’épidémiologie bactérienne ou encore la prise en charge thérapeutique des
PAVM, seconde cause d’infection nosocomiale en URP, sont parcellaires car reposant sur un faible
nombre d’études, essentiellement monocentriques. Leur nombre semble néanmoins augmenter ces
dernières années témoignant de l’importance du sujet. La clarification de la définition des PAVM de
l’enfant par le CDC en 2011 devrait constituer un point de départ essentiel à l’amélioration des
pratiques, en invitant chaque URP à mesurer systématiquement la densité d’incidence selon des
critères homogènes. Elle sera sans doute revisitée dans un proche avenir comme l’a été la définition du
SDRA en tenant compte des progrès techniques et diagnostiques, mais elle apparaît d’ores et déjà
comme une base solide pour la construction d’études multicentriques sur le sujet.
Tableau 1: Résumé des critères diagnostiques de la définition d’une PAVM du nourrisson, de l’enfant et de l’adolescent selon les critères du CDC 2011
Contexte
- Survenant chez un patient hospitalisé en réanimation
- Sous ventilation mécanique ou l’ayant été dans les 48H précédentes
Critères radiologiques
Avec au moins 1 radio thoracique (et 2 radio thoraciques si pathologie cardio-respiratoire sous-jacente) présentant soit :
a - un nouvel infiltrat ou un infiltrat évolutif
b - une consolidation
c - une cavitation
Critères cliniques
< 1an
- Altération des échanges gazeux (désaturation < 94 %, augmentation des besoins
en O2, augmentation de la ventilation)
Et au moins 3 critères parmi :
- Instabilité température sans autre cause
1 an - 12 ans
> 12 ans
Au moins 3 critères parmi :
Un critère parmi :
- Fièvre > 38,4 °C ou < 36,5 °C sans autre cause
- Fièvre > 38 °C sans autre cause
- GB < 4 000/mm3 ou > 15 000/mm3
- GB < 4 000/mm3 ou > 15 000/mm3
- Sécrétions purulentes ou changement d’aspect ou augmentation
des sécrétions
Et au moins 2 critères parmi :
- GB < 4 000/mm3 ou > 15 000/mm3
- Survenue ou aggravation de la toux, ou de la dyspnée, apnée,
tachypnée
- Sécrétions purulentes
- Altération des échanges gazeux
-Sécrétions purulentes ou changement d’aspect ou augmentation des
sécrétions
(SpO2TC < 94 %, augmentation des besoins en O2, augmentation
de la ventilation)
-Survenue ou aggravation de la toux,
ou changement d’aspect ou augmentation des sécrétions
- Dyspnée, apnée, tachypnée, signes de lutte
- Survenue ou aggravation de la toux
ou de la dyspnée, apnée, tachypnée
- Râles ou ronchi
- Râles ou ronchi
-Altération des échanges gazeux
(SpO2TC < 94 %, augmentation des besoins en O2, augmentation de la
ventilation)
Tableau 2 : Présentation des résultats des principales études concernant les PAVM en URP de 1999 à 2014. Les travaux français de Chevret et al. et Chomton
et al. ont été respectivement présentés au congrès de la Société de Réanimation de Langue Française en 2013 et 2014. “Etude dédiée” : l’étude était construite
spécifiquement pour décrire l’incidence des PAVM. “%VM” : proportion de patients en VM dans l’URP concernée. “Nbre VM” : nombre de patients ou
nombre de jours de VM correspondant (j). “% PAVM” et “Incidence PAVM” : fréquence et densité d’incidence des PAVM pour 1 000 jours de VM. Pour les
quelques études type “pré-post ” les fréquences et densité d’incidence rapportées sont celles de la phase “pré”. Les germes sont classés par ordre de fréquence
décroissante dans chaque étude. Pa: Pseudomonas aeruginosa. Sa: Staphylococcus aureus. Ab: Acinetobacter baumani. Hi: Haemophilus influenzae. Ec:
Enterobacter cloacae. Sm: Stenotrophomonas maltophilia. Ec: Escherichia coli. Kp: Klebsiella pneumoniae. Mc: Moraxella catarrhalis. BGN: Autres
bacilles à Gram négatif.
Premier auteur
Date
Pays
Années
étudiées
Nbre
URP
Type étude
Etude
dédiée
%
VM
Nbre
VM
Richards
1999
USA
1992-1997
61
Surveillance
Oui
47%
Raymond
2000
Europe
1996-1997
5
Questionnaire
Non
-
-
Stover
2001
USA
1998
24
Questionnaire
Non
-
Lopriore
2002
Pays-Bas
1998-2000
1
Rétrospective
Non
-
Yildizdas
2002
Turquie
2000-2002
1
Prospective
Non
Groshkopf
2002
USA - Canada
1999
35
1 jour
Non
Elward
2002
USA
1999-2000
1
Prospective
Oui
Urrea
2003
Espagne
2000
1
Prospective
Non
Sarginson
2004
Angleterre
1999-2003
1
Prospective
Non
-
Almuneef
2004
Arabie saoudite
2000-2002
1
Prospective
Oui
El-Nawawy
2006
Egypte
2003-2004
1
Prospective
Zuchneid
2007
Allemagne
1999-2003
2
Stacey
2008
USA
2006
Taira
2009
USA
Sharma
2009
Inde
%
PAVM
Incidence
PAVM
Germes
plus fréquents
6,0 / 1000 j
Pa, Sa
12,7%
-
Pa, Scn, Sa
-
-
3,7 / 1000 j
-
200
8,4%
-
BGN
160
44%
-
Pa, Kp, Sa, Ab
50%
-
22,7%
-
Sa, BGN, Pa, Kp
71%
646
5,3%
11,6 / 1000 j
Pa, Kp, Sa
19%
23,9 / 1000 j
Scn, Pa
-
10,6%
9,1 / 1000 j
Sa, Pa, Hi
52%
656
10,3%
8,9 / 1000 j
Pa, Sa, Kp
Non
-
-
16%
10,9 / 1000 j
-
Surveillance
Non
33% j
5112 j
-
4,7 / 1000 j
-
1
Surveillance
Oui
-
-
-
12,2 / 1000 j
-
1995-2006
1
Surveillance
Oui
4,7%
4,4%
13,8 / 1000 j
-
?
1
Prospective
Oui
-
20%
-
Ec, Sa, Ab
-
Morrow
2009
Afrique du Sud
2004-2005
1
Rétrospective
Oui
52%
940
5,9%
-
Ab, Kp, Sa, Pa
Bigham
2009
USA
2005
1
Rétrospective
Oui
-
2502 j
4,2%
8,8 / 1000 j
Pa, Sa, Hi
Srinivasan
2009
USA
2004-2005
Prospective
Oui
-
-
-
-
Sa, BGN, Hi, Ec
Richardson
2010
Angleterre
2007
1
Prospective
Oui
3,4%
5,6 / 1000 j
-
Hsieh
2010
Taiwan
2003-2004
1
Prospective
Non
14,6%
9 / 1000 j
-
-
Becera
2010
Pérou
2006-2007
1
Prospective
Non
74%
8,6%
7,9 / 1000 j
Pa, Kp
Casado
2011
Brésil
2005-2006
1
Prospective
Oui
48%
366
10,7%
27,1 / 1000 j
BGN
Duenas
2011
Salvador
2007-2009
1
Prospective
Non
81%
7709 j
8,1%
12,1 / 1000 j
Pa, Ec, Ab
Roeleveld
2011
Pays-Bas
2008
1
Retrospective
Oui
63%
-
-
17,1 / 1000 j
Hi, Mc, Sa, Pa
Rasslan
2012
Egypte
2008-2010
3
Prospective
Non
27%
1644 j
12,6%
31,8 / 1000 j
Kp, Sa, Pa
Hamid
2012
Pakistan
2008-2009
1
Surveillance
Oui
-
-
17%
-
Pa, Kp, Ec
Gautam
2012
Australie
2010-2011
1
Prospective
Oui
60%
692
6,7%
7,0 / 1000 j
Sm, Pa
El-Kholy
2012
Egypte
2009-2010
2
Prospective
Non
38%
1478 j
25,6%
36,5 / 1000 j
Ab, Kp, Pa
Kusahara
2012
Brésil
-
1
Prospective
Non
-
-
32,3%
16,4 / 1000 j
Pa, Ab, Kp, Ent
Sebastian
2012
Inde
2007-2009
1
Prospective
Non
78%
86
-
38,5 / 1000 j
Ab, Pa, Kp, Ec
Samransamruajkit
2012
Thailande
2006-2007
1
Prospective
Non
-
-
12,6%
12 / 1000 j
Pa, Ab
Morrow
2012
Afrique du Sud
2008
1
Prospective
Non
-
-
22,4%
45,1 / 1000 j
Ab, Kp, Pa, Hi
Brierley
2012
Angleterre
2008-2009
1
Surveillance
Oui
61%
-
-
5,6 / 1000 j
-
Rosenthal
2012
3 continents
8
Surveillance
Oui
57%
5212 j
-
11,7 / 1000 j
Pa, Ab, Ec
Patria
2013
Italie
2007-2010
1
Prospective
Ning
2013
Chine
2007-2011
1
Esteban
2013
Espagne
2006-2006
1
Surveillance
Non
50%
970 j
-
28,3 / 1000 j
-
Chevret *
2013
France
2006-2011
1
Surveillance
Oui
48%
1632
5%
10,5 / 1000 j
Pa, Sa, Hi
Chomton *
2014
France
2012
1
Surveillance
Oui
51%
194
4,2%
11,5 / 1000 j
Hi, Pa
31%
6,6%
24,6%
Ab, Ec, Sm, Kp
Figure 1: Nombre annuel de publications concernant les PAVM de l’enfant référencées dans PubMed.
Références:
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healthcare-associated pneumonia. Am J Respir Crit Care Med 2005;171:388-416
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pneumonia in the UK: Report of the Working Party on Hospital-Acquired Pneumonia of the British
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resource-limited setting: a comparative study of bronchoscopic and nonbronchoscopic methods.
Pediatr Crit Care Med 2010;11:258-66
8 - Argent AC, Morrow BM. Ventilator-associated pneumonia: the answer depends on the question
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9 - 6pscVAPcurrent.pdf (Objet application/pdf) [Internet]. [cited 2011 Nov 27]. Available
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10 - Roeleveld PP, Guijt D, Kuijper EJ, et al. Ventilator-associated pneumonia in children after
cardiac surgery in The Netherlands. Intensive Care Med 2011;37:1656-1663
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diagnosing acute lung injury in children. Pediatr. Pulmonol. 2008;43:987-91
12 - Labenne M, Poyart C, Rambaud C, et al. Blind protected specimen brush and bronchoalveolar
lavage in ventilated children. 1999;27:2537-43
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comparison of different diagnostic methods. Pediatr Crit Care Med 2003;4:437-443
14 - Willson DF, Conaway M, Kelly R, et al. The Lack of Specificity of Tracheal Aspirates in the
Diagnosis of Pulmonary Infection in Intubated Children Pediatr Crit Care Med 2014;15 :299-305
15 - Venkatachalam V, Hendley JO, Willson DF. The diagnostic dilemma of ventilator-associated
pneumonia in critically ill children. Pediatr Crit Care Med 2011;12:286-296
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unité de réanimation pédiatrique: étude prospective 2006-2011. 41° Congrès de la Société de
Réanimation de Langue Française, 2013, Paris
17 - Chomton M, Avran D, Legarrec S, et al. Incidence des pneumopathies acquises sous ventilation
mécanique en réanimation pédiatrique: étude pilote prospective monocentrique. 42° Congrès de la
Société de Réanimation de Langue Française, 2014, Paris
18 - Fayon MJ, Tucci M, Lacroix J, et al. Nosocomial pneumonia and tracheitis in a pediatric intensive
care unit. Am J respir Crit Care Med 1997;155:162-9
19 - Morrow BM, Argent AC. Pediatric ventilator-associated tracheobronchitis and pneumonia: time
to regroup. Pediatr Crit Care Med 2013;14:553-5
20 - Brierley J, Highe L, Hines S, et al. Eur J Pediatr 2012;171:323-30
21 - Rosenthal VD, Álvarez-Moreno C, Villamil-Gómez W, et al. Effectiveness of a multidimensional
approach to reduce ventilator-associated pneumonia in pediatric intensive care units of 5 developing
countries: International Nosocomial Infection Control Consortium findings. American Journal of
Infection Control 2012;40 :497-501
Pneumonies nécrosantes de l’enfant
Chloé Lemaître, Flaviu Gabor, Philippe Bidet, Albert Faye, Mathie Lorrot
Service de Pédiatrie générale – Hôpital Robert Debré
48, boulevard Sérurier – 75 019 Paris
[email protected]
Introduction
Les pneumonies communautaires aiguës (PAC) de l’enfant représentent une cause
fréquente de consultation en ville et aux urgences (1). En dehors des complications
systémiques des PAC, on distingue différents types de complications locales : l'épanchement
pleural, l’empyème, l’abcès pulmonaire, la pneumonie nécrosante et la pneumatocèle. Une
augmentation du nombre de PAC compliquées, particulièrement des empyèmes, est observée
depuis les années 2000 dans les pays développés (2,3). En France, l’incidence des PAC et de
leurs complications est mal connue. La mise en place d’un Observatoire National des
Pneumonies de l’Enfant, coordonné par ACTIV pour le Groupe de Pathologie Infectieuse
Pédiatrique, devrait permettre de fournir de nouvelles données épidémiologiques.
Les pneumonies nécrosantes (PNC) ont été initialement décrites chez l’adulte dans un
contexte de comorbidités et de co-infection avec des bactéries anaérobies et représentent une
complication rare des PAC de l’enfant. Leur incidence est estimée entre 5 et 25 % des PAC
compliquées dans les pays développés (4-6).
Seulement cinq études ont rapporté des séries de PNC de l’enfant dues à différents
micro-organismes. En 2000 et 2003, les études de Wong et al. et Chen et al. ont décrit
respectivement 21 et 17 enfants hospitalisés pour PNC dans 2 hôpitaux de Taïwan (7,8).
Hacimustafaoglu et al., en Turquie, ont publié en 2004 une série de 36 PNC de l’enfant sur
une période de 4 ans (9). Aux Etats-unis, Sawicki et al. ont analysé 80 cas de PNC de l’enfant
hospitalisés à l’hôpital pédiatrique de Boston entre 1990 et 2004 et ont noté dans leur série
une augmentation du nombre absolu de cas entre 1993 et 2004 (10). En 2013, nous avons
publié la première série européenne de PNC de l’enfant qui regroupait 41 cas (6). Dans cette
étude, entre mai 2006 et avril 2011, 4859 patients ont consulté aux urgences pour pneumonie :
635 (13 %) ont nécessité une hospitalisation de plus de 24 heures et 41 (0,8 %) ont présenté
une pneumonie nécrosante.
Définition d’une pneumonie nécrosante
Si le terme de « pneumonie nécrosante » est le plus retrouvé dans la littérature,
d’autres expressions sont utilisées pour désigner ce qui semble être une même entité :
pneumonie cavitaire, nécrose cavitaire ou encore gangrène pulmonaire. Le terme de cavitation
ou cavité pulmonaire est défini radiologiquement comme une zone d’opacité avec en son sein
une zone de radiotransparence indépendamment de l’épaisseur de la paroi. Au sein des
cavitations dues à un micro-organisme (Mycobacterium tuberculosis exclu), la distinction
peut être faite entre abcès pulmonaire et PNC sur des critères radiologiques. L’abcès
pulmonaire est diagnostiqué sur la radiographie de thorax par un niveau hydro-aérique au sein
d’une condensation parenchymateuse. Le scanner thoracique montre une cavité liquidienne
associée ou non à un niveau hydro-aérique et à paroi épaisse qui se rehausse après injection de
produit de contraste (11). La PNC est visualisée sur la radiographie de thorax par des zones de
radiotransparence sans niveau hydro-aérique. A l’échographie, elle se présente comme une
pneumonie peu vascularisée ou associée à des zones hypoéchogènes liquidiennes. Le scanner
montre une perte de l’architecture normale du parenchyme pulmonaire visible sous la forme
d’une absence ou d’un défaut de rehaussement du parenchyme avec présence d’une ou
plusieurs cavités ou d’images liquidiennes à parois fines (11).
Présentation clinique et biologique
L’âge médian des patients hospitalisés pour PNC dans les différentes séries se situe
entre 14 mois et 3,6 ans avec des extrêmes allant du nouveau-né à l’adolescent (6-10). Le
diagnostic de pneumonie est posé sur l’association de signes cliniques d’infection
pulmonaire : fièvre, toux, augmentation de la fréquence respiratoire, anomalies auscultatoires.
Le syndrome inflammatoire est le plus souvent important avec une augmentation de la
CRP, des leucocytes, des neutrophiles et une anémie inflammatoire (6-10). Une seule étude a
comparé les PNC aux pleuropneumopathies et aux PAC hospitalisées et a montré pour les
patients présentant une PNC une augmentation significative de la CRP, des leucocytes plus
importante et de la durée des symptômes avant l’hospitalisation (9). Par ailleurs, l’étude de
Hsieh et al., qui regroupe 71 patients hospitalisés pour PAC à pneumocoque compliquée d’un
empyème pleural ou d’une nécrose pulmonaire, a montré que l’absence de maladie sousjacente et une CRP > 120 mg/l étaient des facteurs de risque d’évolution vers la nécrose ou
l’empyème (12).
La présence à l’admission d’une altération de l’état général importante, d’une
hyperthermie supérieure à 39°C, de signes de sepsis grave, d’hémoptysie ou de leucopénie
doit faire évoquer une PNC à Staphylococcus aureus producteur de la toxine de Panton et
Valentine (cf. paragraphe « PNC à S. aureus »).
Présentation radiologique
Le diagnostic de PNC est posé sur la radiographie de thorax et/ou le scanner
thoracique. La nécrose n’est pas toujours diagnostiquée dès l’admission et les différentes
études retrouvent une médiane d’apparition de la nécrose de 4 jours (6,10). Ainsi, dans l’étude
menée à Robert Debré, la radiographie de thorax mettait en évidence la nécrose à l’admission
dans seulement 27 % des cas et la nécrose était diagnostiquée après 7 jours d’hospitalisation
dans 20 % des cas. Le scanner thoracique doit être envisagé chez les patients avec une
évolution clinique défavorable (fièvre persistante malgré traitement antibiotique bien conduit)
ou lorsqu’il existe un doute sur une nécrose sur la radiographie de thorax.
De plus, les complications autres des pneumonies et notamment l’empyème pleural
doivent être recherchées. L’empyème doit être distingué d’un épanchement pleural
réactionnel à l’aide des critères de Light : épanchement > 50 % de l’hémithorax ou cloisonné,
examen direct ou culture du liquide pleural positif, liquide pleural purulent défini par
pH < 7.2, glucose < 60 ou LDH > 3 fois la limite supérieure du sérum (13). L’association à un
épanchement pleural est retrouvée dans plus de 2/3 des cas de PNC (Figure 1) (6-10).
Les autres complications sont le pneumothorax et l’hydropneumothorax (image hydroaérique de nature pleurale) (Figure 2) et la pneumatocèle (séquelle de nécrose
parenchymateuse se traduisant par une image kystique à paroi fine). Dans l’étude menée à
Robert Debré, 8/41 patients ont présenté un pneumothorax incluant 6 hydropneumothorax et 4
patients ont présenté une pneumatocèle (10 %). Cette proportion de pneumatocèles (10 %) est
équivalente à celle des autres séries et leur évolution semble favorable sans prise en charge
spécifique (6,10).
Etiologies des pneumonies nécrosantes
Dans les séries de PNC, le diagnostic étiologique est porté au mieux dans 50 % des
cas (6,10). Il doit être posé sur des arguments microbiologiques bien définis. On peut
retenir par exemple : (i) au moins 1 hémoculture positive (à l’exception des
Staphylocoques à coagulase négative ou des microcoques qui font évoquer une
contamination), (ii) et/ou un prélèvement pleural positif avec présence de pus, (iii) et/ou
un prélèvement distal protégé avec compte de bactéries > à 103 UFC/ml, (iv) et/ou un
compte de bactéries > 104 UFC/ml sur liquide de lavage broncho-alvéolaire (LBA), (v)
et/ou un examen histologique positif en culture (biopsie transbronchique ou biopsie
pulmonaire transthoracique).
Alors que les principaux micro-organismes responsables de PAC de l’enfant sont les
virus et les bactéries Streptococcus pneumoniae et Mycoplasma pneumoniae les microorganismes responsables de PNC sont dominés par S. aureus et S. pneumoniae (6-10). Des
cas cliniques de PNC à M. pneumoniae et Streptococcus pyogenes ont également été rapportés
et certains virus, comme le virus de la grippe, ont été décrits dans le cadre de PNC
nosocomiales ou de co-infection avec une bactérie.
Dans l’étude menée à Robert Debré, un micro-organisme a été identifié dans 21/41 cas
(51 %) : 13 S. aureus, 7 S. pneumoniae et 1 Fusobacterium nucleatum chez un enfant de 14
ans drépanocytaire (Figure 1) (6). Sur les 13 souches de S. aureus isolées dans cette série, une
seule était résistante à la méticilline (SARM) ce qui est cohérent avec l’épidémiologie des
SARM en France et en Europe (< 10 % des souches). Les souches de S. aureus étaient isolées
chez 6 enfants < 6 mois, 4 enfants entre 6 mois et 3 ans et 3 enfants de plus de 3 ans et toutes
étaient porteuses des gènes codant pour la synthèse de la leucocodine de Panton Valentine.
Les PNC de l’enfant à S. pneumoniae
Avant les années 1990, les PNC à pneumocoque étaient décrites exclusivement chez
l’adulte et étaient associées d’une part à des facteurs de risque (alcoolisme et autres
comorbidités) et d’autre part à des co-infections par des germes anaérobies. Les PNC à
pneumocoque de l’enfant ont été décrites pour la première fois en 1994 (14) ; la plus grande
série a été publiée en 2008 et regroupe 33 enfants (15).
La distribution des PNC à S. pneumoniae suit celle des infections invasives à
pneumocoque (IIP) qui surviennent en majorité chez les jeunes enfants (6 mois – 2 ans).
Cependant, certaines séries de PNC de l’enfant à S. pneumoniae ont retrouvé un âge médian
supérieur à 36 mois et une survenue de complications au cours d’une PAC significativement
plus fréquente chez les enfants > 36 mois (12,15).
Depuis l’introduction du PCV7, on assiste à un remplacement des sérotypes vaccinaux
du PCV7 (4, 6B, 9V, 14, 18C, 19F et 23F) par des sérotypes non vaccinaux tels que le 1, le 3
ou le 19A comme cela était le cas dans notre série de 41 patients hospitalisés entre 2006 et
2011 (1 sérotype 7F, 2 sérotypes 3 et 2 sérotypes 19A chez 5 enfants correctement vaccinés
avec le PCV7) (6). Les sérotypes 7F et 19A sont connus pour avoir un « higher disease
potential » dans les pneumonies de l’enfant et le sérotype 3 est un des principaux sérotypes
responsables de pleuropneumopathies et de PNC à pneumocoque de l’enfant (12,15). Ceci
s’explique par son épaisse capsule polysaccharidique possédant une grande charge
antigénique et responsable d’une inflammation importante et d’une réponse humorale
diminuée chez l’hôte. En France, l’introduction en juin 2010 du PCV13 comprenant 6
sérotypes additionnels (1, 3, 5, 6A, 7F et 19A) devrait permettre de couvrir ces sérotypes
émergents.
Les PNC de l’enfant à S. aureus
La forme historique de pneumonie à S. aureus de l’enfant a été décrite dans les années
1950 sous le terme de staphylococcie bulleuse du nourrisson ou staphylococcie pleuropulmonaire (16). Il s’agit d’une pneumonie survenant principalement chez le nourrisson de
moins de 1 an et qui se manifeste par une dégradation rapide de l’état général avec des signes
digestifs dans plus de la moitié des cas. Elle se caractérise radiologiquement par une atteinte
bilatérale extensive fréquemment associée à un épanchement pleural et à l’apparition de
bulles intra-parenchymateuses. Cette présentation clinique est décrite dans les pays
développés dans des publications anciennes et il est admis qu’on la rencontre de nos jours
principalement dans les pays en voie de développement.
En 2001, Gillet et al. ont décrit pour la première fois chez des patients de réanimation
des tableaux cliniques de PAC très sévères liées à des souches de S aureus porteuses des
gènes codant la leucocidine de Panton et Valentine (LPV) (26). En raison de la présence de
nécrose pulmonaire à l’autopsie chez 3 patients, cette présentation clinique de pneumonie à S.
aureus LPV+ a été appelée « pneumonie nécrosante ». La LPV est une exotoxine
synergohyménotropique formée de deux sous-unités codées respectivement par les gènes
lukS-PV et lukF-PV et qui agissent de façon synergique pour créer des pores dans la
membrane cellulaire. In vitro, la LPV induit une lyse des cellules sanguines mononuclées de
l’hôte telles que les polynucléaires neutrophiles, les monocytes et les macrophages, entraînant
l’apoptose et une libération importante de médiateurs de l’inflammation. Les PNC à S. aureus
LPV+ décrites par Gillet et al. concernent des grands enfants et des adultes jeunes (âge
médian : 14,8 ans), sans antécédent particulier, et présentant des signes respiratoires précédés
d’un syndrome grippal (17). A l’admission, les patients présentent une importante altération
de l’état général et une hyperthermie supérieure à 39°C, des signes fréquents de sepsis grave,
des signes respiratoires et une leucopénie. L’évolution vers un état de choc septique et un
SDRA est très fréquente et le taux de mortalité est supérieur à 50 % (17,18). La présence à
l’admission d’une hémoptysie et d’une leucopénie < 3000 leucocytes/mm3 sont des facteurs
de risque de mortalité (18). A l’inverse, les pneumonies à S. aureus LPV- concernent des
personnes âgées (âge médian : 70 ans) présentant des comorbidités, sans syndrome grippal
préalable et sans leucopénie à l’admission.
Dans l’étude menée à l’hôpital Robert Debré, un seul patient a présenté un tableau
similaire à celui décrit par Gillet et al. Les 12 autres patients hospitalisés pour PNC à S.
aureus étaient également infectés par des souches de S. aureus LPV+ mais les tableaux
cliniques présentés par ces patients étaient très différents : l’âge médian était de 5 mois, il n’y
avait pas de leucopénie à l’admission et seulement 25 % d’entre eux ont effectué un séjour en
réanimation. De plus, il n’y a pas eu de décès dans cette série. Ces résultats se rapprochent de
l’étude de Carillo-Marquez et al. qui regroupe 117 enfants hospitalisés pour PAC à S. aureus
avec un âge médian de 0,9 an : plus de 90 % des souches de S. aureus dans cette série étaient
LPV+ et 27 % des patients ont présenté des images cavitaires ou une pneumatocèle
d’évolution favorable (5).
Quelle prise en charge spécifique des PNC de l’enfant ?
Les directives de traitement des PAC de l’enfant émises en 2005 par l’AFSSAPS
recommandent l’utilisation de l’amoxicilline en première intention chez les enfants de moins
de 3 ans. L’amoxicilline n’est pas active sur S. aureus qui est la première bactérie retrouvée
dans notre série. Nos données microbiologiques sont à confirmer par de plus larges études
mais, en cas de nécrose parenchymateuse constatée sur la radiographie de thorax chez un
enfant présentant une pneumonie, une C3G ou l’association amoxicilline-acide clavulanique
semble préférable. L’identification bactérienne par des prélèvements multiples (hémocultures
répétées, ponction du liquide pleural…) reste essentielle afin d’optimiser l’antibiothérapie de
ces infections sévères et de limiter l’apparition de résistances.
L’équipe de Gillet et al. propose pour les PNC à S. aureus LPV + une antibiothérapie
intraveineuse initiale par C3G et vancomycine, avec relais par cloxacilline en cas de SASM et
vancomycine ou linézolide en cas de SARM, et dans tous les cas une association à un
antibiotique antitoxinique comme la clindamycine, la rifampicine ou le linézolide (19). Par
ailleurs, cette même équipe préconise les immunoglobulines polyclonales intraveineuses dans
les cas avec leucopénie < 3000/mm3 et/ou hémorragie pulmonaire (19).
A l’inverse des PNC de l’adulte où la prise en charge chirurgicale doit être envisagée
notamment dans les cas les plus sévères (20), une excision chirurgicale de la nécrose ne nous
paraît pas indiquée dans les PNC de l’enfant. En effet, aucun enfant n’a subi de drainage
chirurgical de la nécrose dans les plus grandes séries et tous ont évolué favorablement (6,10).
A l’inverse, la nécessité de drainer un empyème doit toujours se discuter en fonction de l’état
clinique et de la tolérance du patient.
Les PNC de l’enfant : une présentation clinique grave mais une évolution favorable
Les PNC de l’enfant sont associées à une morbidité significative puisque les enfants
hospitalisés pour une PNC ont une durée d’antibiothérapie et d’hospitalisation prolongée avec
un retour tardif à l’apyrexie (7 jours en moyenne) (6-10). Cependant, malgré cette
présentation sévère, l’évolution est favorable pour la majorité des patients à l’exception des
cas de PNC à S. aureus PLV+ décrits par Gillet et al. et dont le mécanisme
physiopathologique semble être différent avec une nécrose de l’épithélium respiratoire
aboutissant à un syndrome de détresse respiratoire aiguë sans apparition de cavitations dans la
plupart des cas (17,18).
Les quelques données concernant l’évolution à long terme de ces patients montrent
qu’elle semble favorable pour la majorité avec une récupération sans séquelle et une
disparition des cavités sur les radiographies et scanners de contrôle (6,10).
Conclusion
Les PNC constituent une complication rare et peu connue des PAC de l’enfant. La
persistance de la fièvre au cours d’une PAC, malgré un traitement antibiotique adéquat, doit
faire rechercher la survenue de complications parmi lesquelles la PNC. Devant le risque de
sous-estimation de cette pathologie par la radiographie de thorax, la réalisation d’un scanner
thoracique peut être indiquée. L’antibiothérapie doit tenir compte des bactéries responsables
de la majorité des cas de PNC, S. aureus et S. pneumoniae. Pour finir, il existe différents
tableaux cliniques de PNC à S. aureus LPV+. A côté des tableaux sévères de réanimation
décrits par Gillet et al. existent des PNC survenant chez des nourrissons et qui se rapprochent
des staphylococcies bulleuses décrites dans les années 1950.
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Figure 1. Radiographie thoracique (A) et scanner thoracique en coupe axiale (B) chez une
patiente de 3 ans hospitalisée pour pneumonie nécrosante à S. pneumoniae avec épanchement
pleural.
Figure 2. Radiographie thoracique (A) et scanner thoracique en coupe axiale (B) chez un
patient de 16 mois hospitalisé pour pneumonie nécrosante à S. pneumoniae avec
hydropneumothorax.
Rôle de l’hôte dans la survenue des pneumopathies graves
Julie Toubiana1,2, Fanny Alby-Laurent2, Jean-Daniel Chiche2
1
Service de Pédiatrie générale, Hôpital Necker,139 rue de Sèvres, 75015 Paris
2
Institut Cochin, INSERM U1016, 22 rue Méchain, 75014 Paris
Les pneumopathies infectieuses graves constituent une cause fréquente d’admission en
réanimation chez l’enfant [1]. Les pathogènes les plus souvent responsables sont Streptococcus
pneumoniae, Haemophilus influenzae, Staphylococcus aureus, les pathogènes intracellulaires et
atypiques et les virus à tropisme respiratoire. Les tableaux cliniques peuvent varier largement, allant
des pneumopathies sans aucun signe de détresse respiratoire et peu hypoxémiantes aux formes
fulminantes qui évoluent rapidement vers le choc ou le syndrome de détresse respiratoire aigu
(SDRA). Les facteurs expliquant cette variabilité de présentation clinique incluent des facteurs en
rapport avec l’inoculum et la virulence du pathogène, l’environnement (co-infections, malnutrition,
tabagisme passif, médicaments) mais également des facteurs liés à l’hôte.
Chez ce dernier, outre le terrain et comorbidités sous-jacents, de nombreux arguments cliniques
et expérimentaux se sont accumulés au cours de ces 10 dernières années pour supporter l’hypothèse de
prédispositions génétiques aux pneumonies sévères. Deux approches génétiques complémentaires ont
permis de mieux comprendre le large panel de la variabilité aux infections ; Elles ont permis
d’identifier d’un côté des variants génétiques rares de transmission mendélienne dont la conséquence
clinique à l’échelle de l’individu est important, d’un autre côté des variants communs ou
polymorphismes associés à une susceptibilité accrue aux infections et/ou une augmentation de la
sévérité de celles-ci [2]. Ces variants touchant les gènes codant pour les protéines impliquées dans la
reconnaissance du pathogène, la régulation de la réponse inflammatoire, ou l’organisation de la
coagulation ont été associés à des pneumopathies sévères chez l’enfant comme chez l’adulte. La
sévérité des pneumopathies infectieuses est également influencée par des protéines régulant l’intensité
de la réponse inflammatoire en aval des récepteurs de reconnaissance des bactéries. Les principaux
mécanismes physiopathologiques de défense de l’hôte au cours des pneumopathies et le rôle des
facteurs génétiques dans le développement des pneumopathies communautaires seront ici développés.
1
Physiopathologie de l’interaction hôte – pathogène au sein de l’appareil respiratoire
L’appareil respiratoire est l’organe le plus exposé au milieu extérieur, augmentant le risque de
dissémination microbienne dans l’organisme. L’appareil respiratoire possède donc des mécanismes de
défense très performants pour maintenir la stérilité des espaces aériens sans générer de réaction
inflammatoire superflue qui pourrait perturber les échanges gazeux [3]. Plusieurs facteurs non
immunologiques assurent la défense du poumon vis-à-vis des pathogènes. Des facteurs anatomiques
limitent la progression des pathogènes vers le poumon profond (arborisation bronchique) et vers
l'espace interstitiel (jonctions serrées entre les cellules épithéliales de surface). Des facteurs
dynamiques, comme l’épuration mucociliaire et la toux, piègent et éliminent les particules inhalées de
plus de 5
M. Cependant, l’hôte nécessite un système de défense plus complexe pour combattre les
micro-organismes souvent de taille inférieure.
Le système immunitaire inné, retrouvé chez tous les organismes pluricellulaires, va compléter
ces premières lignes de défense. L’engagement de l’immunité résulte d’une reconnaissance
relativement spécifique de structures microbiennes conservées par l’hôte à travers des récepteurs
cellulaires ou solubles (Figure 1). Les interactions hôte-pathogène les mieux étudiées au cours de
l’infection pulmonaire sont celles qui suivent l’invasion microbienne par le staphylocoque, le
pneumocoque et les virus (VRS, ou virus de la grippe) [3, 4].
Les récepteurs membranaires de type Toll (TLRs), exprimés par les polynucléaires
neutrophiles, monocytes, macrophages et les cellules épithéliales naturellement en contact avec des
pathogènes, sont les acteurs principaux de la réponse innée pulmonaire. Les TLRs appartiennent au
petit groupe des récepteurs de l’immunité innée dédiés à la reconnaissance des motifs bactériens. Ces
récepteurs, appelés Pattern Recognition Receptors (PRRs), reconnaissent des motifs hautement
conservés des micro-organismes, appelés PAMPs (Pathogen-Associated Molecular Pattern) [5]. On
compte parmi les PAMPs le Lipopolysaccharide (LPS) présent essentiellement à la membrane externe
des bactéries à Gram négatif, et le peptidoglycane, constituant des parois des bactéries à Gram négatif
et à Gram positif. La reconnaissance d’un PAMP par un PRR peut donner naissance à un signal
intracellulaire aboutissant à l’élimination du pathogène suite à l’activation de facteurs transcriptionnels
tels que NF-κB. Les TLRs font partie de cette famille de PRRs à laquelle appartiennent également les
récepteurs NODs.
Les macrophages alvéolaires sont les premières cellules en contact avec les micro-organismes
ayant échappé aux facteurs anatomiques de la défense pulmonaire. Ces cellules sont capables de
phagocyter toutes sortes de particules inhalées, micro-organismes, cellules apoptotiques et débris
cellulaires. La phagocytose des micro-organismes est médiée par des récepteurs membranaires
d’endocytose, fortement exprimés à la surface des macrophages. Après internalisation, plusieurs
mécanismes concourent à la dégradation du pathogène dans les vacuoles de phagocytose : production
de monoxyde d’azote, et de radicaux oxygénés, libération d’enzymes lysosomales et de peptides
antimicrobiens. Outre leur rôle central dans l’élimination des micro-organismes, les macrophages
alvéolaires ont également d’importantes fonctions de signalisation et d’immunomodulation en
favorisant l’activation et le chimiotactisme d’autres cellules de la défense anti-infectieuse : des
cytokines pro-inflammatoires, comme l’interleukine-1, le TNFα et l’interleukine-6 ; des chémokines,
comme l’interleukine-8 qui favorisent l’afflux de polynucléaires neutrophiles au site de l’infection et
des facteurs de croissance qui prolongent la durée de vie des cellules monocytaires.
L’épithélium des voies aériennes est capable de répondre à un nombre important de PAMPs et
d’agonistes des TLRs. L’activation des TLRs dans les cellules épithéliales des gènes codant pour des
médiateurs, des molécules d’adhésion et des effecteurs antimicrobiens solubles comme les collectines
et les peptides antimicrobiens [6]. TLR4 est le récepteur le plus étudié. Son importance dans la
réponse au LPS inhalé a été démontrée chez l’homme par la mise en évidence d’un polymorphisme
avec perte de fonction dans la région codante de TLR4 chez des individus déclenchant une faible
bronchoconstriction en réponse au LPS inhalé [7]. Contrairement à TLR4, une forte expression de
TLR2 a été démontrée au pôle apical de plusieurs lignées cellulaires bronchiques humaines,
particulièrement en réponse à une stimulation par S. aureus ou P. aeruginosa. TLR3 est impliqué dans
la réponse des cellules épithéliales des voies aériennes aux ligands d’origine virale de type ARN
double brin, induisant une réponse inflammatoire avec production d’interféron de type I et III mais
aussi l’expression de β-défensines [5].
Les effecteurs solubles de l’immunité innée pulmonaire sont des sécrétions pulmonaires qui
possèdent des propriétés bactériostatiques et bactéricides, soit à piégeant les micro-organismes comme
les mucines, soit possédant des activités antimicrobiennes directes comme les
-défensines,
cathélicidines ou collectines [8]. Parmi ces dernières, les protéines SPA et SPD du surfactant sont
sécrétées par les pneumocytes de type II et ont la capacité d’opsoniser un large panel de bactéries, de
levures, de virus et même des particules inorganiques, et ont des propriétés chémo-attractantes pour les
macrophages alvéolaires.
Enfin, des médiateurs comme les facteurs de croissance et les chémokines (ex. IL-8) favorisent
la phagocytose des micro-organismes par les macrophages alvéolaires, par des cellules issues du
compartiment sanguin (PNNs), ou par les cellules épithéliales. Les cytokines TNFα et l’IL-1 jouent un
rôle important car leur inhibition concomitante rend les modèles animaux très susceptibles à la
pneumopathie à pneumocoque et autres bactéries. En revanche, la cytokine anti-inflammatoire IL-10
empêche une défense appropriée contre l’infection primaire à pneumocoque ou secondaire à une
infection grippale [4]. De façon intéressante, l’IL-17 et autres cytokines issues de l’activation de la
voie Th-17 se situent entre la réponse immunitaire innée adaptative. Elles permettent de contrôler la
colonisation des muqueuses, comme l’arbre respiratoire, par la flore commensale (S. pneumoniae et H.
influenzae tout particulièrement) et d’ainsi éviter l’invasion et le développement d’une infection
pulmonaire [9].
Figure 1. Défense immunitaire innée au
cours des infections pulmonaires. Les
récepteurs de reconnaissance des pathogènes
(PRRs) tels que les TLRs sont exprimés sur
les macrophages alvéolaires, les cellules
épithéliales
et
endothéliales,
cellules
dendritiques et permettent l’activation de
facteurs de transcription comme NF-κB et la
production de médiateurs inflammatoires et
de peptides antimicrobiens. Les cellules
dendritiques permettent l’engagement de la
réponse adaptative. D’après Opitz et al.
AJRCCM 2010.
En revanche, la réponse de l’hôte peut être délétère au cours des infections pulmonaires,
modifiant ainsi la sévérité de l’infection. En effet la sévérité et le pronostic en terme de mortalité des
patients septiques sont liés à l’engagement de TLRs et à l’intensité de l’activation de NF- B et de la
production de cytokines pro-inflammatoires [10]. Par ailleurs, le SDRA observé au cours des
infections graves est la conséquence de l’inflammation dépendante de NF- B et de la migration des
polynucléaires neutrophiles dans le poumon entraînant des lésions épithéliales [11]. Une autre voie
joue un rôle essentiel dans le pronostic des infections graves, la voie de l’inflammasome. Celle-ci est
activée à travers des signaux appelés DAMPs (Damage associated molecular patterns), molécules
endogènes libérées par les cellules de l’hôte suite à leur destruction ou au stress induit par l’agression
microbienne. Cette voie complexe, nécessaire à l’éradication du pathogène, permet la transformation
de la pro-IL-1
en IL-1
par la caspase-1, mais son activation excessive peut aggraver les lésions
tissulaires et la réponse systémique à l’infection [12].
Les voies de coagulation sont activées par le système immunitaire inné au cours des infections
invasives comme l’infection à pneumocoque, à la fois au niveau systémique et pulmonaire [4]. Elles
sont initiées en général par le facteur tissulaire et visent à éradiquer l’infection locale. L’activation du
système de coagulation peut cependant être délétère pour l’hôte, en favorisant la production de
microthrombi qui aggrave les lésions alvéolaires, et pouvant à l’extrême entraîner une CIVD.
2
Facteurs de risque d’infection pulmonaire sévère liés à l’hôte
En dehors de toute pathologie chronique, tous les individus ne semblent pas égaux devant le
risque infectieux pulmonaire. La survenue et la sévérité d’une pneumopathie dépendent d’un nombre
important de facteurs, incluant la pathogénicité du germe en cause mais aussi de facteurs dépendant de
l’hôte. Parmi eux, des facteurs non génétiques ont été initialement décrits. Chez l’adulte, il est
maintenant admis que l’âge, le tabac, la dénutrition, une maladie respiratoire chronique sous-jacente
(asthme, broncho-pneumopathie chronique obstructive), cardiopathie, maladie neurologique,
l’insuffisance rénale ou hépatique augmentaient le risque de pneumopathie [13].
Des facteurs génétiques modifiant les défenses de l’hôte peuvent aussi favoriser le
développement ou augmenter la gravité des infections pulmonaires. Une étude scandinave a réussi à
analyser l’influence respective des facteurs génétiques et celle des facteurs environnementaux dans le
risque de mortalité par infection [14]. Sorensen et al. ont comparé l’incidence de décès par infection
chez 960 enfants danois adoptés, chez leurs parents adoptifs et chez leurs parents biologiques. Ils ont
montré que le risque relatif de décès par infection d'un individu était 5,8 fois supérieur si un de ses
parents biologiques était décédé d’une maladie infectieuse avant l’âge de 50 ans, alors que ce risque
pour l’enfant adopté n’était pas augmenté lorsqu’un de ses parents adoptifs était mort d’une infection,
concluant à la primauté des facteurs génétiques par rapport aux facteurs environnementaux.
Le spectre des prédispositions génétiques aux maladies infectieuses est un continuum entre
schématiquement trois groupes : i) prédispositions mendéliennes (mutations rares, à effets forts,
s’exprimant surtout dans l’enfance et à transmission héréditaire classique) à de multiples infections ou
à un agent pathogène particulier ; ii) prédisposition génétique multifactorielle aux maladies
infectieuses communes (dépendant d’un grand nombre de variants géniques chacun à effet faible) ; iii)
prédisposition à pénétrance forte vis-à-vis d’un pathogène donné et relevant de gènes dits majeurs [2].
Tous ces facteurs ont pu être identifiés à l’aide des stratégies de la génétique classique et de la
génétique moléculaire : études familiales, études de liaison, analyses de gènes candidats, analyses
génomiques systématiques par puces ADN (Genome Wide Association Studies ou GWAS) et
maintenant séquençage à haut débit. L’infection pulmonaire sévère ou répétée doit faire penser à la
présence d’une de ces prédispositions.
2.1
Prédisposition monogénique
Le rôle des facteurs génétiques de prédisposition aux infections a initialement été mis en évidence
par l’étude des déficits immunitaires héréditaires, définis comme une atteinte monogénique affectant
le système de défense de l’hôte. Ces déficits peuvent toucher l’immunité humorale
(agammaglobulinémie, déficit en sous-classe etc.) entraînant des infections bactériennes et/ou certains
virus (entérovirus), ou cellulaire (déficit immunitaire combiné sévère etc.) favorisant des infections
virales ou par des pathogènes opportunistes. Ils sont en général rares, et l’on retrouve souvent un
terrain de consanguinité. Les signes infectieux apparaissent dans l’enfance à type d’infections graves
et récurrentes occasionnées par des germes peu virulents. Plus de 200 phénotypes ont été observés
conduisant à la caractérisation d’une centaine de mutations génétiques. Chez ces enfants les
explorations immunologiques de routine (dosage pondéral des immunoglobulines, fonction des
anticorps, phénotypage lymphocytaire) sont souvent anormales et le phénotype infectieux est souvent
accompagné d’une bronchiectasie sous-jacente favorisant et/ou aggravant les infections pulmonaires
sévères, notamment à certains pathogènes comme le Pseudomonas aeruginosa ou S. aureus.
Certains déficits immunitaires dits monogéniques confèrent une prédisposition à un type
d’infection plus restreint [15]. Et parmi eux, la granulomatose septique chronique (CGD) (déficit en
CYBB, en CYBA, en NCF1 et en NCF2) est un déficit immunitaire touchant la phagocytose
entraînant une susceptibilité à développer des infections bactériennes et fongiques, tout
particulièrement à S. aureus et S. epidermidis, à bactéries Gram négatif comme Salmonella spp et
Pseudomonas spp., et à Aspergillus et Candida. Les défauts génétiques de l’adhésion leucocytaire
(déficit autosomique récessif en CD18 ou LAD) sont caractérisés par un mauvais recrutement et un
défaut de migration des polynucléaires neutrophiles, et se compliquent par de fréquentes infections à
S. aureus ainsi que par des infections fongiques. Les neutropénies congénitales ont différentes causes
génétiques, en particulier les gènes codant l’élastase neutrophile ELA2 (neutropénie cyclique), la
protéine mitochondriale HAX1 (Syndrome de Kostmann) ou SDBS (Maladie de Schwachman) et se
compliquent d’infections bactériennes à type d’abcès et pneumopathies en particulier à S. aureus. Le
syndrome hyper-IgE est un déficit immunitaire impliquant des mutations hétérozygotes du gène
STAT3. La molécule STAT3 est impliquée dans la signalisation de nombreuses cytokines telles que
l’IL-10 et l’IL-6. Sur le plan infectieux, les patients se caractérisent par la survenue d’abcès « froids »
cutanés récurrents à staphylocoque et de pneumopathies bactériennes ou fongiques, et par une
augmentation importante des immunoglobulines E.
D’autres défauts génétiques ‘non classiques’ touchent les voies de l’immunité innée et
élargissent le panel des prédispositions mendéliennes aux infections, mais restent comme celles-ci des
affections rares. Ils touchent l’axe IL12/IFN associé à une prédisposition aux infections
mycobactériennes, ou la voie de signalisation des récepteurs TLRs associés aux infections
bactériennes. Parmi ces derniers, la dysplasie ectodermique anhidrotique avec déficit immunitaire
(EDA-ID) est caractérisée par une anomalie de développement des structures dérivées de l’ectoderme
et par un déficit immunitaire. Le phénotype infectieux retrouvé chez les enfants atteints est caractérisé
par des infections récurrentes à pyogènes comme à Haemophilus influenzae, S. pneumoniae, ou S.
aureus, ainsi que des infections à Mycobacterium avium. Quelques cas d’infections virales par le
Cytomegalovirus ou le virus Herpes simplex de même que quelques cas de pneumonies à P. jyroveci
ont été décrits. Deux autres prédispositions génétiques aux infections ont été décrites, les déficits en
IRAK4 et MyD88. Elles affectent la voie de signalisation de la majorité des récepteurs TLRs. Ces
patients ont tous en commun des infections invasives et/ou récidivantes restreintes à certains
pyogènes, principalement à S. aureus et S. pneumoniae dans les premières années de vie.
Certaines maladies monogéniques ne touchent pas directement l’immunité, mais favorisent les
infections pulmonaires graves en modifiant des gènes de protéines essentielles à l’éradication du
pathogène au niveau pulmonaire ; c’est le cas de la mucoviscidose dont la mutation au niveau de la
protéine CFTR entraîne un défaut de clairance, une augmentation de l’adhérence bactérienne, un
défaut de bactéricidie par inefficacité de la phagocytose, un défaut de production de NO, un
environnement inflammatoire et enfin de multiples lésions épithéliales [16]. Ces patients sont plus
susceptibles aux pneumopathies à certains pathogènes comme le S. aureus et P. aeruginosa.
2.2
Génétique « non mendélienne » et susceptibilité aux infections
Les facteurs génétiques impliqués ici ne sont ni nécessaires ni suffisants à la survenue d’un
phénotype infectieux, mais constituent des facteurs de risque ou de gravité. Parmi eux, les
polymorphismes génétiques sont des variations de séquence du génome dont la fréquence est
supérieure à 1 % dans la population générale, et correspondent à des polymorphismes de séquence
dans 90 % des cas, dus à la substitution d’un nucléotide (SNP, pour Single Nucleotide Polymorphism)
ou à l’insertion/délétion d’un nucléotide ou d’une séquence nucléotidique. L’initiation en 2002 du
projet HapMap, dont l’objectif est la construction d’une base de données permettant de définir les
SNPs les plus représentatifs des haplotypes humains, a permis d’estimer à plus de 10 millions le
nombre de SNPs existant dans le génome humain et il existe plus de 3 millions de variations de type
insertion délétion. Les SNPs sont localisés sur l’ensemble du génome, aussi bien dans les séquences
intergéniques que dans les exons. Ils sont dits SNPs « fonctionnels » s’ils changent la fonction ou la
quantité de la protéine.
De nombreuses études d’association génétique ont été conduites chez l’homme à la recherche de
polymorphismes génétiques influençant la survenue et/ou la sévérité des infections notamment
pulmonaires. Parmi eux, les polymorphismes situés dans des gènes codant pour les protéines
importantes pour la reconnaissance des pathogènes, des protéines de l’inflammation ou de la
coagulation sont des candidats fréquemment étudiés (Tableau 1). Ces études ne répondant cependant
pas toutes aux critères de qualité requis et nécessitant une validation par la répétition des résultats, il
est important de les considérer avec précaution.
Gène candidat
Phénotype clinique associé
Reconnaissance microbienne & signalisation
MBL, MASP 2
Pneumopathies sévères, sepsis à S. pneumoniae
Surfactant SP-A
Bronchiolite à VRS sévère
Surfactant SP-B
Pneumopathie bactérienne sévère (SDRA, choc)
TLR 1,2
Sepsis à gram +, infections à S. aureus
TLR 4
Sepsis gram -, bronchiolite VRS
TLR5
Légionellose
NOD2/CARD15
Tuberculose
TIRAP/MAL
Infection invasive à pneumocoque (protecteur)
I B
Infection invasive à pneumocoque (protecteur)
et I B
IgG2 receptor (Fc RIIa)
Infection invasive à pneumocoque
IL1 receptor associated kinase 1 (IRAK 1)
Sévérité pulmonaire au cours du choc septique
Inflammation
MIF
Pneumopathie sévère
IL-1
Sévérité au cours du choc septique
IL 6
Sepsis sévère
CXCL2
Sepsis sévère
Régulation de l’inflammation
IL10
Pneumopathie bactérienne sévère, Gram +
IL1 receptor antagonist
Sévérité au cours du choc septique
HSP 70
Pneumopathie bactérienne sévère (choc)
CISH
Bactériémie, tuberculose
Molécules activées par l’inflammation
Fibrinogène beta
Détresse respiratoire aiguë
Factor V Leiden
Sepsis sévère (défaillance d’organe)
Protéine C
Sepsis sévère (défaillance d’organe)
PAI-1
Pneumopathie bactérienne sévère, sepsis sévère
Enzyme de conversion à l’angiotensine
Sepsis
Tableau 1. Principaux polymorphismes génétiques associés aux infections graves
2.2.1
Gènes candidats
Il existe de multiples SNPs fonctionnels localisés au sein du promoteur et des régions codantes
du gène MBL2. Ces SNPs, modifiant les taux et la fonction de la protéine, sont associés à la gravité
des pneumopathies, en terme de sepsis sévère ou de pronostic, tout particulièrement aux infections
invasives à pneumocoque [17]. Parmi les autres collectines, des polymorphismes des gènes des
protéines du surfactant SP-B ont été associés à la survenue de pneumonies [18]. Un certain nombre
d’études ont retrouvé une association entre infections et polymorphismes fonctionnels sur les gènes
des TLRs [18]. Ces SNPs modifient ainsi soit la quantité, soit la qualité (gain ou perte de fonction) de
ces récepteurs. Les SNPs sur TLR4 Asp299Gly (TLR4 + 896A>G) et Thr399Ile diminuent la réponse
au LPS, et sont associés à un risque accru d’infection bactérienne sévère. Le SNP Asp299Gly est par
ailleurs associé aux bronchiolites à virus respiratoire syncytial (VRS) [19] - TLR4 reconnaît en effet la
protéine de fusion (F) du VRS - mais semble aussi associé à une résistance aux infections pulmonaires
à Legionella pneumophila. Le SNP Arg753Gln au sein de TLR2 diminue la réponse immunitaire innée
aux lipoprotéines et semble être associé aux infections sévères à gram positif. D’un autre côté, TLR1,
essentiel à l’engagement des voies de signalisation pro-inflammatoires TLR2-dépendantes, est modifié
par le SNP 7202G qui augmente in vitro la réponse inflammatoire. Ce SNP est associé à la sévérité du
sepsis à gram positif en terme de SDRA, de multidéfaillance d’organe, et de mortalité [20]. Les gènes
de protéines de signalisation peuvent être aussi touchées. Ainsi TIRAP est modifié par le variant
TIRAP-180L qui affecte l’activation de NF-κB après stimulation de TLR2 et a un effet protecteur à
l’état hétérozygote contre les infections invasives à pneumocoque ; ces données suggèrent le rôle
délétère de l’inflammation exagérée au cours des infections [21]. Par ailleurs la sévérité pulmonaire
est associée à la présence d’un polymorphisme fonctionnel d’IRAK1 (IRAK1-1595C) chez des
patients atteints de choc septique. Ce SNP entraîne une hyperactivation de NF-κB suite à la
stimulation de TLR4 [22]. Deux variants sur les gènes de I B
et I B , protéines inhibitrices de
NF-κB, ont été associés à un effet protecteur dans le développement des infections invasives à
pneumocoques [23]. Les gènes de l’inflammation peuvent être également touchés, pro-inflammatoires
comme pour l’IL1-
ou l’IL-6 dont les SNPs respectifs IL-1B+3954 et IL6-174G>C sont associés à
la sévérité du sepsis, mais aussi anti-inflammatoires tels que l’IL-10 ou le récepteur antagoniste de
l’IL-1 [18]. Enfin, certains SNPs localisés dans les gènes de protéines de coagulation fortement
impliquées dans le sepsis sévère, notamment PAI-1, ont été retrouvés comme associés à la sévérité des
infections pulmonaires [4, 18]. Cette stratégie dite « protéine candidate » fondée sur une connaissance
préétablie des molécules impliquées dans les voies de signalisation de l’immunité limite cependant le
nombre de gènes et de polymorphismes susceptibles d’être associés au développement d’une infection
ou à sa sévérité.
2.2.2
Nouvelles approches d’étude d’association génétique
Les études sur génome entier (Genome wide association studies, GWAS) ouvrent un large
répertoire de facteurs génétiques. Les progrès techniques actuels (puces à ADN etc.) permettent
effectivement de génotyper jusqu’à un million de SNPs en parallèle, et un certain nombre d’études ont
déjà révélé de nouvelles voies de signalisation contribuant aux développement des maladies
infectieuses. Ainsi, l’association de deux études africaines type GWAS sur les facteurs génétiques de
susceptibilité à la tuberculose a permis d’identifier un polymorphisme sur un nouveau locus situé au
niveau du chromosome 18, région pauvre en gènes qui intervient très probablement dans les systèmes
de régulation transcriptionnelle [24].
Une autre nouvelle approche d’étude de susceptibilité génétique aux infections, le séquençage à
haut-débit de l’exome, est issue des études des maladies de transmission mendélienne. Elle permet
d’étudier les SNPs à fort risque de conséquence fonctionnelle étant localisés sur la région codante du
génome. En revanche, il existe un véritable enjeu car les effectifs de patients doivent être très élevés.
Une équipe a pu augmenter la puissance de son étude en proposant le séquençage de patients ayant des
phénotypes extrêmes (sains vs infections sévères). Ils ont pu ainsi caractériser des variants sur le gène
de la dynactine associés à la précocité des infections pulmonaires à P. aeruginosa chez des patients
atteints de mucoviscidose [25].
3
Conclusion
Les études génétiques complémentaires permettant d’identifier des facteurs génétiques de
susceptibilité aux infections ou à leur sévérité ont permis de mieux comprendre le rôle de l’hôte dans
les infections pulmonaires sévères chez l’enfant et chez l’adulte. Ces facteurs participent largement à
la variabilité inter-individuelle face à l’invasion microbienne. Nous pouvons dès à présent mieux
identifier les patients qui nécessiteraient une thérapie préventive (antibioprophylaxie, vaccination hors
recommandations), et une meilleure prise en charge de ces patients à risque. A moyen terme, nous
espérons que ces travaux aboutiront à la mise au point de nouveaux traitements adjuvants du sepsis.
En revanche, il est nécessaire de considérer d’autres facteurs liés à l’hôte tels que les facteurs
épigénétiques, et les facteurs microbiens et environnementaux pour mieux comprendre le phénotype
infectieux ; La modélisation de toutes ces interactions qui déterminent aujourd’hui le phénotype
clinique, orienteront demain les stratégies thérapeutiques.
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TABLE RONDE 4
Purpuras vasculaires
Purpura d’origine virale chez l’enfant
Emmanuelle Bourrat Dermatologue
Service de pédiatrie générale Hôpital Robert Debré Paris
[email protected]
Les virus, comme beaucoup de micro-organismes, sont des agents étiologiques non rares de
purpura chez l’enfant (1). Des mécanismes physiopathogéniques variés, parfois intriqués,
souvent hypothétiques font que la classification de ces purpuras n’est pas toujours facile.
A part, le purpura thrombopénique idiopathique parfois rapporté à une virose et le fulminans
« idiopathique » survenant au décours d’une varicelle, qui sont de diagnostic clinique ou
biologique souvent évident et ne seront pas abordés dans cet exposé consacré aux purpuras
vasculaires ou inflammatoires.
Les effets délétères d’une réplication virale sur l’endothelium ou la paroi des vaisseaux du
derme sont d’origines multiples :
-
Un tropisme direct du virus pour les vaisseaux du derme (2) est démontré dans certains
cas (parvovirus B19)
-
Une action indirecte via la formation de complexes immuns (3) circulants est le
mécanisme le plus volontiers proposé à l’origine de vascularites infectieuses d’origine
virale : le dépôt des CIC sur les parois vasculaires entraîne successivement
o
l’activation du complément d’où la production de facteurs de chimiotactisme
et du complexe d’attaque membranaire
o l’altération des cellules endothéliales avec libération de cytokines et de
molécules d’adhésions
o l’interaction entre les cellules endothéliales et les polynucléaires neutrophiles
et basophiles d’où sécrétion de substances vasodilatatrices et enzymes
protéolytiques
o la destruction des parois vasculaires et l’extravasation des globules rouges.
Cette séquence physiopathologique semble démontrée et admise pour les cas de
vascularites liées à l’hépatite B et C (avec cryoglobulinémie de type II) : il s’agit de
vascularites leucocytoclasiques typiques cliniquement (purpura infiltré + nécrose) et
histologiquement mais très rarement rencontrées en pédiatrie.
En effet, dans la pratique pédiatrique courante, le purpura le plus fréquent reste l’exanthème
purpurique fébrile non lié à un sepsis bactérien ou à une cause mécanique (vomissements,
toux) où l’hypothèse virale est retenue par défaut mais rarement documentée : la biopsie
cutanée de ce purpura volontiers pétéchial n’est jamais proposée, le bilan microbiologique
vise essentiellement à éliminer une cause bactérienne et non pas à identifier un virus précis.
De ce fait, les observations de la littérature avec lien supposé entre purpura et virus sont
nombreuses mais l’imputabilité du virus est souvent hypothétique et même quand elle est
prouvée (parvovirus B19), son mécanisme physiopathogénique reste assez mystérieux.
Les questions posées ce jour seront donc plutôt d’ordre pratique, à savoir :
-
1) D’abord et surtout, comment différentier un purpura fébrile viral d’un sepsis
bactérien grave ?
Le sepsis bactérien et plus particulièrement la méningite à méningocoque est une
cause rare d’exanthème purique de l’enfant mais l’éliminer doit rester une obsession
pour tout praticien en tenant compte des conséquences en matière de prise en charge
thérapeutique et de pronostique. Plusieurs études se sont intéressées à la sensibilité (4,
5, 6) et la spécificité des différents paramètres cliniques et biologiques pour le
diagnostic positif de purpura en rapport avec une méningite et/ou une septicémie
d’origine bactérienne. Ces études, bien que très hétérogènes en termes de populations
étudiées et de méthodologie convergent toutes vers
o
une forte valeur prédictive positive de l’altération de l’état général et de
conscience, des perturbations hémodynamiques, de la lésion élémentaire
dermatologique caractéristique : purpura de taille supérieure à 2 mm non
infiltré, aux contours géographiques, plutôt déclive (partie inférieure du corps)
rapidement extensif en surface et en topographie ;
o une forte valeur prédictive négative d’une topographie strictement localisée au
territoire cave supérieur (purpura mécanique au cours des cris, efforts de toux
ou vomissements), d’un bilan inflammatoire et hématologique normal, d’un
état général et hémodynamique parfaitement conservé et stable malgré la
fièvre ;
o du point de vue du dermatologue - rarement sollicité dans ce type de situation
qui relève du médecin de ville ou de l’urgentiste - un exanthème d’emblée
diffus avec une ou plusieurs lésions élémentaires - autres que le purpura
(macules ou papules érythémateuses), une topographie élective ou de
renforcement du purpura, souvent bilatérale et symétrique type « gloves and
socks » orientent plus volontiers vers une cause virale d’autant plus que les
critères de gravité sont absents. Une leucopénie et/ou une thrombopénie
modérées et une cytolyse hépatique sont aussi des arguments en faveur d‘une
infection virale.
-
2) Quels sont les virus responsables d’exanthèmes purpuriques chez l’enfant ?
Pratiquement tous les virus (et certains vaccins) sont incriminés, avec des niveaux de preuve très
variables et discutables (cf Tableau 1).
Il s’agit d’une liste non exhaustive, par ordre de fréquence :
o le parvovirus et CMV qui sont probablement les plus susceptibles d’être à l’origine
d’un exanthème purpurique. L’arbovirus responsable du chinkungunya doit être
rajouté à cette liste (7).
o une étude récente sur l’imputabilité respective des différents virus dans les
exanthèmes purpuriques montre qu’une co-infection est fréquente, surtout chez le
jeune enfant (8).
o noter qu’au cours des infections virales qui ne s’accompagnent pas en général d’une
composante purpurique, une telle lésion élémentaire est souvent un signe de forme
grave : varicelle, rougeole.
-
3) Quels sont les éléments cliniques et paracliniques d’orientation vers un virus
précis ?
Le gloves and socks syndrome ou exanthème purpurique en gants et chaussettes a initialement
été considéré comme une éruption spécifiquement due au parvovirus B19 (9). Au fur et à
mesure des publications, il s’est avéré que :
o d’une part le renforcement - voire la localisation exclusive - d’un exanthème
purpurique aux extrémités des membres (gloves and socks syndrome ou
syndrome « en gants et chaussettes » ) n’était pas le seul tableau évocateur du
parvovirus B19 : une atteinte des grands plis et plus particulièrement
inguinaux, une atteinte péribuccale et des signes muqueux (énanthème,
purpura, érosions) sont fréquemment rapportés au cours de cette primoinfection ;
o le gloves and socks syndrome a progressivement été rapporté à de nombreux
virus (voir au cours de réactions postvaccinales), confirmant la relative faible
concordance entre un type donné d’exanthème et un virus spécifique : le même
virus peut donner différentes présentations dermatologiques (et extradermatologiques : angine, diarrhées, arthralgies ….) et plusieurs virus peuvent
donner une présentation identique.
-
4) Quel est l’intérêt pratique d’identifier le virus causal devant un exanthème
purpurique fébrile de l’enfant ?
Un bilan virologique exhaustif n’est pas envisageable pour des raisons de faisabilité (plateau
technique souvent non disponible), de coût et de rentabilité : les résultats de sérologies (qui
doivent idéalement être répétées à 15 jours d’intervalle), et des PCR sont parfois
d’interprétation délicate et l’imputabilité d’un virus identifié n’est pas toujours certaine. Les
conséquences thérapeutiques sont nulles chez l’enfant immunocompétent qui est souvent déjà
guéri avant l’arrivée des résultats. Les indications du bilan viral sont donc réservées à des cas
particuliers :
o contage avec une femme enceinte (mère, nourrice) dans les jours précédant
l’éruption : vérifier les vaccinations et les sérologies vaccinales pour rubéole,
CMV, parvovirus B19 chez le sujet contact à risque puis chez l’enfant atteint
en fonction des résultats (inutile si la mère a des AC protecteurs pour les virus
à risque). Si risque de séroconversion chez la mère (par exemple mère
séronégative pour le parvovirus B19 et primo-infection au même virus prouvée
chez l’enfant) surveillances sérologiques rapprochées maternelles et mesures
adaptées (échographies fœtales rapprochées) si séroconversion constatée ;
o exanthème purpurique chez un enfant souffrant d’une anémie chronique (ou en
contact avec un enfant dans le même contexte pathologique) : surveiller la NFS
pour dépister une érythroblastopénie avec risque d’anémie mal tolérée au cours
d’une infection à parvovirus B19 chez un enfant drépanocytaire.
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Tableau 1 - Causes virales des purpuras de l’enfant
d’après Eulalia Baselga, Beth A. Drolet, and Nancy B. Esterly, Purpura in infants and children J Am Acad
Dermatol 1997;37:673-705
PF : Purpura Fulminans
Le purpura rhumatoïde et l’œdème aigu hémorragique
Maryam Piram
Service de pédiatrie générale et rhumatologie pédiatrique, centre de référence
des maladies auto-inflammatoires de l’enfant, CHU de Bicêtre, APHP, Inserm
1018 CESP, Université Paris Sud, 78 avenue du Général Leclerc, 94270 Le
Kremlin Bicêtre.
[email protected]
Le purpura rhumatoïde, récemment renommé vascularite à IgA (IgAV) (1) est une vascularite
leucocytoclasique des petits vaisseaux touchant principalement la peau, les articulations, le
tube digestif, le rein et plus rarement d’autres organes. C’est la vascularite la plus fréquente
de l’enfant dont le pronostic est principalement lié à la survenue d’une atteinte rénale ou à la
sévérité de l’atteinte digestive. La maladie évolue le plus souvent favorablement, mais elle est
source d’une anxiété importante de l’enfant et de sa famille de par la symptomatologie parfois
impressionnante en phase aiguë, mais aussi devant l’impuissance médicale à prédire ou
prévenir l’évolution défavorable de la maladie.
Epidémiologie
Bien que la maladie ait été décrite jusqu’à 86 ans, l’IgAV est une pathologie avant tout
pédiatrique qui touche surtout l’enfant entre 3 et 12 ans avec un pic de fréquence vers 7 ans et
une légère prédominance de garçons (2). L’IgAV est une pathologie ubiquitaire dont
l’incidence annuelle a été estimée en Europe entre 6 et 27 pour 100 000 enfants de moins de
16 ans et entre 1 et 5 pour 100 000 adultes (2,3). Une saisonnalité a été décrite dans de
nombreuses études pédiatriques soulignant une incidence plus élevée durant les mois froids et
une diminution de fréquence en été.
Physiopathologie
La maladie a été décrite il y a plus de 200 ans mais son étiologie reste un mystère et sa
physiopathologie est mal comprise. Histologiquement, la maladie est caractérisée par une
vascularite leucocytoclasique avec dépôts de complexes immuns à immunoglobulines A (IgA)
au niveau des vaisseaux de petits calibres des organes atteints et du mésangium rénal. Une
anomalie de glycosylation des IgA1 pourrait diminuer leur clairance en mettant à jour le
domaine N-acetylgalactosamine, domaine exprimé par de nombreux micro-organismes tels
que les virus et bactéries, favorisant la formation de complexes immuns IgA1-IgG anti Nacetylgalactosamine (4,5). D’ailleurs la saisonnalité de la maladie et la fréquence élevée (30 à
65 %) d’infections des voies aériennes supérieures précédant la maladie suggèrent le rôle d’un
facteur infectieux dans le déclenchement de la maladie (2). De nombreux agents infectieux
ont été incriminés mais aucun agent causal identifié. Parmi les autres agents décrits comme
associés à l’IgAV figurent les médicaments, les vaccins ainsi que les cancers dans les formes
de l’adulte (6).
L’IgAV est probablement déclenché par un agent environnemental chez des
sujets génétiquement prédisposés. Ce dernier constat repose sur la description de
loci de susceptibilité ou de protection de la maladie dans certains gènes HLA, de
polymorphismes au niveau du gène de l’enzyme de conversion de l’angiotensine
et sur la description d’un lien entre le gène MEFV responsable de la fièvre
méditerranéenne familiale et la maladie (2).
Manifestations cliniques
L’IgAV est une vascularite systémique touchant principalement la peau, les articulations, le
tube digestif et le rein.
L’atteinte cutanée est caractérisée par un purpura vasculaire qui peut ne pas être le premier
signe de la maladie mais qui sera présent chez tous les patients au cours de l’évolution (7). Il
s’agit d’un purpura infiltré, déclive, prédominant sur les membres inférieurs, de distribution
relativement symétrique d’aspect pétéchial, ecchymotique, vésiculo-bulleux voire nécrotique
(figure 1). L’atteinte du visage et du tronc est possible mais plus rare. Un œdème des
extrémités y est associé dans plus de la moitié des cas. Des plaques urticariennes peuvent être
présentes.
L’atteinte musculo-squelettique est le deuxième signe le plus fréquent, retrouvé chez 60 à 80
% des patients. Plus souvent arthralgies qu’arthrites vraies, l’atteinte articulaire touche
principalement les grosses articulations des membres inférieurs, ne se complique pas de
déformations et disparaît en quelques jours.
L’atteinte digestive dominée par les douleurs abdominales touche 40 à 65 % des patients. Ces
douleurs parfois très intenses peuvent s’accompagner de nausées, vomissements, anorexie et
d’hémorragie digestive basse. Rarement l’IgAV est source d’une invagination intestinale
aiguë localisée principalement au niveau de l’intestin grêle ou de péritonite sur vascularite
nécrosante.
L’atteinte rénale est rapportée chez 20 à 60 % des enfants. Cette variabilité tient aux multiples
définitions d’atteinte rénale utilisées dans la littérature et au choix de la source des données.
Elle peut se traduire par une protéinurie et/ou une hématurie microscopique ou
macroscopique, un syndrome néphrotique, un syndrome néphritique, une hypertension
artérielle isolée, une insuffisance rénale.
L’atteinte génitale touche environ 13 % des garçons (8) et se manifeste le plus souvent par un
œdème des bourses ou du pénis ne nécessitant aucun traitement. L’orchite vraie, la sténose
urétérale, la thrombose des veines spermatiques, la torsion testiculaire restent exceptionnelles.
L’IgAV étant une vascularite, potentiellement tous les organes peuvent être atteints, bien que
les autres atteintes viscérales restent anecdotiques.
Examens complémentaires
L’IgAV est un diagnostic clinique. Le seul examen indispensable initialement
est la bandelette urinaire à la recherche d’une atteinte rénale de la maladie. Dans
les cas douteux ou atypiques une biopsie cutanée sur une lésion récente peut
confirmer le diagnostic. Le taux de plaquettes est normal, le syndrome
inflammatoire est absent ou modéré, et le taux d’IgA sériques est
inconstamment augmenté. Des explorations néphrologiques complémentaires
(bilan sanguin, urinaire ± biopsie rénale) peuvent être nécessaires en cas
d’atteinte rénale dépistée à la bandelette urinaire. L’échographie abdominale
recherchera une invagination intestinale aiguë en cas de douleurs abdominales
intenses.
Classification
Des critères de classification de l’IgAV de l’enfant ont été publiés en 2010 sous l’égide de 3
sociétés savantes européennes : European League against Rheumatism / Paediatric
Rheumatology International Trial Organization / Paediatric Rheumatology European Society
(EULAR / PRINTO /PReS) (9). Ces critères requièrent la présence d’un purpura prédominant
aux membres inférieurs et un autre critère parmi : 1) atteinte digestive (douleurs, invagination
intestinale, hémorragie digestive) ; 2) vascularite leucocytoclasique ou glomérulonéphrite
avec dépôts prédominants d’IgA ; 3) arthrites ou arthralgies ; 4) protéinurie > 0,3 g/24 h
(rapport albuminurie sur créatininurie > 30 mmol/mg) ou hématurie ≥ 2 + à la bandelette
urinaire (> 5 globules rouges/champs).
Ces critères permettent désormais d’homogénéiser les critères d’inclusion des études et
d’améliorer la comparabilité des résultats.
Evolution
Pour la grande majorité des enfants, l’évolution sera favorable avec résolution spontanée des
signes et symptômes en environ 3 à 4 semaines. Un quart à un tiers des enfants aura des
poussées récidivantes, souvent moins importantes que la poussée initiale.
L’atteinte rénale, lorsqu’elle survient, est détectée dans 85 % des cas dans le premier mois
d’évolution de la maladie ; dans 91 % des cas dans les six premières semaines et dans 97 %
des cas dans les 6 mois suivant la poussée initiale justifiant un suivi prolongé des malades
(10). Il s’agit le plus souvent d’une hématurie microscopique et/ou d’une protéinurie modérée.
La protéinurie atteint un seuil néphrotique chez environ 20 % des patients ayant une atteinte
rénale, soit moins de 10 % des patients atteints d’IgAV (10,11). Moins d’1 % des patients au
final garderont une insuffisance rénale terminale.
Les enfants ayant eu une atteinte rénale et jugés en rémission devront tout de même être
surveillés sur le long terme au vu du risque d’hypertension artérielle ou de néphropathie à
l’âge adulte en particulier durant la grossesse (12).
Traitement
Les complications de la maladie et les modalités de prise en charge doivent être expliquées
aux parents qui apprendront à surveiller la survenue d’une atteinte rénale par la réalisation de
bandelettes urinaires hebdomadaires (type Albustix®) durant les trois premiers mois puis
mensuelles durant 6 mois. Le traitement associera en premier lieu repos et antalgiques adaptés
à l’intensité de la douleur. En cas de douleurs abdominales intenses, une hospitalisation peut
être nécessaire pour repos digestif ou mise en route d’une alimentation entérale continue. La
corticothérapie est indiquée en cas d’atteintes digestives, articulaires, rénales sévères ou en
cas d’atteinte neurologique ou testiculaire. Une corticothérapie précoce ne prévient pas la
survenue d’une atteinte rénale (13). L’atteinte rénale peu importante (protéinurie < 0,5 g/l) ne
nécessite aucun traitement hormis une surveillance de l’évolution. Au-delà un avis
néphrologique devra être demandé pour introduction d’un inhibiteur de l’enzyme de
conversion à visée protecteur rénal et/ou une corticothérapie après biopsie rénale. Des
atteintes sévères peuvent justifier la mise en route de traitements immunosuppresseurs.
L’œdème aigu hémorragique (OAH)
L’OAH est une vascularite leucocytoclasique cutanée de l’enfant de moins de 2 ans. Il se
caractérise cliniquement par une triade fébricule, purpura et œdème des extrémités (mains,
oreilles, paupières, organes génitaux externes). La maladie est souvent précédée d’une
symptomatologie infectieuse en particulier des voies aériennes supérieures ou succède à une
prise médicamenteuse ou des vaccinations. L’évolution est habituellement bénigne avec
disparition spontanée des lésions en quelques semaines. De rares cas d’atteintes articulaires,
abdominales ou rénales transitoires ont été décrits. Se basant sur les similitudes cliniques
entre OAH et IgAV, certains auteurs suggèrent que l’OAH est une variante bénigne de
l’IgAV chez le jeune enfant. Toutefois ces pathologies présentent également des différences
sémiologiques et histologiques. Dans l’OAH, les lésions purpuriques sont habituellement
larges, en cocarde, de distribution symétrique et touchent les quatre membres, le siège et le
visage et ont une évolution ecchymotique. L’aspect parfois impressionnant de l’atteinte
cutanée contraste avec le bon état général de l’enfant. A l’histologie, on objective une
vascularite leucocytoclasique des petits vaisseaux avec des dépôts d’immunoglobulines qui
peuvent être indifféremment des IgA (30 %), IgG (20 %), IgM (80 %) et/ou IgE (30 %).
L’atteinte viscérale est exceptionnelle et ne justifie pas la réalisation d’explorations invasives
ou de surveillance prolongée.
Figure 1 : Purpura palpable, déclive, touchant les membres inférieurs et les coudes chez un
enfant consultant pour purpura rhumatoïde
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TABLE RONDE 5
Médicaments et grossesse : effets à long terme
Une toxicité médicamenteuse méconnue pour le rein fœtal :
La dysgénésie tubulaire acquise
Georges Deschênes
APHP-Robert-Debré
Georges Deschênes, Service de Néphrologie Pédiatrique, Hôpital Robert-Debré, 48 Bd Sérurier, 75973 Paris
cedex 19, France
Email [email protected]
Plusieurs classes de médicaments sont concernées par des effets toxiques sur le rein néonatal mais cette revue ne
concerne que l’exposition fœtale aux traitements ciblant le système rénine angiotensine et aux antiinflammatoires non stéroïdiens. En fait ces deux types de traitement touchent au plus près la régulation de la
filtration glomérulaire puisque le diamètre de l’artériole glomérulaire afférente est contrôlé par les
prostaglandines (effet vasodilatateur qui augmente la pression d’alimentation des capillaires glomérulaires) et le
diamètre de l’artériole glomérulaire efférente est contrôlé par l’angiotensine-2 (effet vasoconstricteur qui
augment la pression intracapillaire en augmentant la résistance à l’échappement du réseau capillaire
glomérulaire). Le jeu intégré des deux sphincters permet une régulation très étroite de la pression régnant dans
les capillaires glomérulaires et donc du débit de filtration glomérulaire en période anténatale comme en période
postnatale (1).
Chez le fœtus, les composants du système rénine-angiotensine sont exprimés très précocement dès la 5ème
semaine de gestation et concerne l’ensemble du système artériel rénal. La rénine et les produits de la protéolyse
de l’angiotensinogène sont présents dans la circulation fœtale à forte concentration chez le fœtus humain et ne
proviennent que de la production fœtale (2). Le placenta est une barrière étanche pour l’ensemble des
composants circulants du système rénine-angiotensine et isole parfaitement le système maternel et le système
fœtal. L’angiotensine-2 produite par le système vasculaire fœtal est indispensable au fonctionnement
harmonieux de la vascularisation glomérulaire (qui est exclusivement artérielle, l’artère glomérulaire efférente
drainant un réseau capillaire glomérulaire qui fonctionne à une demi-pression aortique). L’interruption de la
production d’angiotensine-2 secondaire à l’altération d’un gène du système rénine est responsable d’une maladie
autosomique récessive, la dysgénésie tubulaire rénale. Elle n’empêche pas la multiplication des néphrons ni le
développement des glomérules mais altère la paroi des artères arquées, des artères interlobulaires, et des artères
préglomérulaires sous la forme d’un épaississement et d’une désorganisation de la couche musculaire. Ces
anomalies vasculaires sont associées à une rétraction du floculus capillaire, une altération de la fonction rénale
fœtale avec un oligoamniosqui traduit un défaut sévère de la hémodynamique intraglomérulaire et de la filtration
glomérulaire fœtale. L’aspect histologique de cette maladie est paradoxalement marqué par la réduction de la
masse tubulaire proximale, la fermeture des lumières tubulaires et la dé-différentiation des autres structures
tubulaires rénales avec une dilatation pseudokystique des segments tubulaires distaux (3). L’interstitium est
parfois dissocié par une fibrose précoce. Ces anomalies histologiques ont une traduction échographique précoce
sous la forme d’une hyperéchogénicité rénale. La dysgénésie tubulaire rénale aboutit à la mort fœtale in utero ou
postnatale précoce dans la très grande majorité des cas. Les quelques survivants gardent une insuffisance rénale
chronique parfois très sévère. Des tableaux cliniques et histologiques voisins de ceux de cette maladie génétique
ont été décrits dans les accidents de vascularisation fœtale et en particulier dans le syndrome transfuseurtransfusé.
L’exposition fœtale à des inhibiteurs de l’angioconvertase ou des antagonistes du récepteur de l’angiotensine-2
donnés comme traitement d’une hypertension artérielle maternelle – présente dans 10 à 15% des grossesses –
donne un tableau histologique exactement identique de dysgénésie tubulaire acquise. Quatre séries regroupant
une centaine de cas (4-7) et plusieurs cas cliniques isolés ont été rapportés. La mort fœtale ou l’interruption
médicale de grossesse concerne 25 à 50 % des enfants selon les séries. Un oligoamnios est présent dans 60 %
des cas et il est aisément repérable par l’échographie fœtale. Il est d’autant plus fréquent que le traitement est
prolongé au-delà de 20 semaines et il est réversible lorsque le traitement est arrêté avant la 30ème semaine de
grossesse. L’échographie rénale fœtale permet aussi de mettre en évidence des reins de taille normale ou
légèrement augmentés de volume avec un parenchyme hyperéchogène. La présence de kystes rénaux de taille
millimétrique est possible. Les enfants survivants sont presque tous exposés à la maladie rénale chronique.
L’absence de séquelle rénale n’est pas fréquente mais a été rapportée. Les manifestations extrarénales sont
principalement l’hypocalvaria, c'est-à-dire l’insuffisance d’ossification de la voûte crânienne qui se traduit par
des fontanelles trop larges et trop longtemps ouvertes, le retard de croissance intra-utérin et la thrombose cave
inférieure (4-7).
Les anti-inflammatoires non stéroïdiens sont prescrits pendant la grossesse en cas de menace d’accouchement
prématuré, d’hydramnios mais aussi de douleurs de toute origine. Ils augmentent les résistances vasculaires
rénales et perturbent donc l’hémodynamique glomérulaire, et reproduisent également chez le fœtus un tableau de
dysgénésie tubulaire avec une même sévérité et un même aspect échographique et histologique. Les effets
rénaux sont identiques : oligoamnios en période anténatale et maladie rénale chronique postnatale. Une
hypocalvaria a aussi été décrite dans un cas. Les autres effets secondaires sont marqués par la fermeture du canal
artériel, très rapidement mortelle lorsqu’elle survient in utero et par le développement de lésions digestives
d’entérocolite (8-10).
En pratique, la consultation du diagnostic prénatal ne doit jamais manquer de faire la liste exacte des traitements
maternels en particulier quand le motif de consultation est une hyperéchogénicité rénale fœtale. Les traitements
ciblant le système rénine-angiotensine doivent être systématiquement arrêtés au cours de la grossesse. Les antiinflammatoires non stéroïdiens ont des indications restreintes et la surveillance échographique doit être
rapprochée dans le but d’arrêter immédiatement les traitements en cas de complications fœtales.
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Anticonvulsivants maternels et risques de retard cognitif et d’autisme
Nadia Bahi Buisson (1,2,3)
1- Université Paris Descartes, Sorbonne Paris Cité, Institut Imagine
2- INSERM UMR-1163, Embryology and genetics of congenital malformations
3- Service de Neurologie pédiatrique, Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), Hôpital
Necker, Paris, France
L’épilepsie chez la femme en âge de procréer est une situation assez commune, et la prévalence
rapportée de l’utilisation d’anti-épileptiques au cours de la grossesse se situe entre 0,2 et 0,5 % [1, 2].
L’exposition prénatale est associée pour la majorité des anti-épileptiques à une augmentation du risque
de malformations congénitales par 2 ou 3, de façon dose dépendante [3, 4]. Les principales
malformations rencontrées sont des anomalies de fermeture du tube neural, des malformations
cardiaques, des fentes labiales et/ou palatines, des malformations génito-urinaires et squelettiques [5].
Certains traits dysmorphiques (hypertélorisme, épicanthus, hypoplasie de la dernière phalange) ont
également été décrits [6]. Ce risque varie en fonction de la nature, de l’association des antiépileptiques (polythérapie) mais également de la dose de l’anti-épileptique [7], particulièrement avec
les anti-épileptiques d’ancienne génération en particulier le valproate (estimé à 10,7 %) et le
phénobarbital, dans une moindre mesure la phénytoine et la carbamazépine (estimé à 2,9 %), mais
également le topiramate [8-10].
Les effets des anti-épileptiques sur le développement cognitif sont moins bien connus bien qu’il soit
établi que l’exposition in utero soit associée à des difficultés psychomotrices, de langage, de
comportement ainsi qu’une baisse des scores de quotient intellectuel (QI) [11-17]. Parmi les troubles
neuro-développementaux, les troubles du spectre autistique, les troubles attentionnels et la dyspraxie
sont les plus fréquemment rapportés.
Des données récentes suggèrent que les enfants exposés in utero aux anti-épileptiques (lamotrigine,
valproate, carbamazépine, et polythérapie) ont un risque plus important de développer un retard
précoce mesuré à 18 et 36 mois. Le retard porte sur les fonctions motrices et le langage, mais
également le comportement et les interactions sociales avec le développement précoce de traits
autistiques, de façon indépendante à la survenue de malformation, d’un retard de croissance et de la
supplémentation en folate.
Neurotoxicité développementale des anti-épileptiques
Une revue récente a fait le point des données acquises sur les études humaines portant sur les
conséquences d’une exposition in utero aux anti-épileptiques sur le développement cognitif,
psychomoteur et du langage et comportemental [18].
L’exposition in utero à la phénytoine « le Fœtal Hydantoin Syndrome » a été le premier trouble neurodéveloppemental lié aux anti-épileptiques décrits [19]. Celui-ci est caractérisé par un retard du
développement, une déficience intellectuelle et un déficit de motricité fine et visuo-spatial qui
persistent jusqu’à l’âge adulte [20, 21]. Toutefois, les conséquences de l’exposition in utero à la
phénytoine sur le QI global à 3 et 4,5 ans sont moins importantes qu’après un traitement par valproate
[22].
De la même manière les conséquences de l’exposition au phénobarbital sont bien connues. Les
enfants exposés ont une déficience intellectuelle globale avec des déficits d’apprentissage et des
fonctions visuo-spatiales ainsi que des troubles moteurs qui persistent également jusqu’à l’âge adulte
[23, 24].
L’existence d’une toxicité du valproate in utero sur le développement est connue depuis 1996 [25].
Ainsi, les enfants exposés ont un risque accru d’avoir un retard du développement précoce visible dès
18 mois sur la motricité globale et 3 ans pour le langage, ainsi qu’une réduction du QI global à 3 ans
[13, 26-28]. Les troubles comportementaux tels que l’hyperactivité et les troubles autistiques sont de
découverte plus récente [29-31]. A l’âge scolaire, les enfants exposés au valproate ont un risque accru
de présenter un QI verbal plus faible ainsi qu’une diminution des performances non verbales et des
capacités de mémorisation. De plus, ils sont également plus à risque de développer des troubles
attentionnels et une hyperactivité comme cela a été observé chez les plus jeunes enfants [32]. De façon
intéressante, la proportion de droitiers est plus faible que dans la population contrôle suggérant que
l’exposition in utero au valproate pourrait influencer le processus de latéralisation cérébrale [33].
Enfin, les enfants exposés au valproate présentent des troubles adaptatifs importants responsables de
difficultés dans leur insertion sociale et leur vie quotidienne [14]. La relation entre l’exposition in
utero aux anti-épileptiques et un risque accru de troubles du spectre autistique est maintenant bien
établie [34, 35]. Ce risque est particulièrement étudié pour le valproate [36, 37].
Les conséquences d’une exposition à la carbamazépine in utero sur le développement entre 6 mois et
6 ans ont également été évaluées. Celle-ci est à l’origine d’une diminution légère du QI associée à des
difficultés de motricité fine et de socialisation observées dès l’âge de 18 mois et une majoration du
risque de développer des comportements agressifs à 3 ans. L’exposition in utero à la carbamazépine a
un impact significativement plus important sur les compétences verbales que non verbales de façon
dose dépendante [22, 38]. Toutefois, les résultats d’études portant sur de plus larges cohortes de
patientes [11, 27] semblent en contradiction puisqu’elles suggèrent que la monothérapie par
carbamazépine n’aurait pas d’impact sur le développement intellectuel. A l’heure actuelle, certaines
équipes conseillent l’utilisation de la carbamazépine pendant la grossesse en raison de son efficacité
sur le contrôle des crises et le risque “discuté” de sa neurotoxicité développementale.
La lamotrigine est le médicament anti-épileptique le plus connu comme n’ayant pas d’effet adverse sur
le développement intellectuel et du langage de l’enfant [17, 38]. Toutefois, une étude prospective
récemment publiée [39] rapporte un risque d’altération des compétences non verbales, motrices et de
troubles du comportement supérieur à la population contrôle, mais inférieur à l’exposition au
valproate.
Parmi les anti-épileptiques de nouvelle génération, des données sont disponibles pour le levetiracetam
et le topiramate. L’exposition in utero au levetiracetam ne semble pas associée à un retard du
développement, observé sur les tests de motricité globale, de compréhension et de langage oral [40].
Par contre, l’exposition au topiramate semble associée à une diminution des performances cognitives
et des troubles du comportement à long terme, bien que d’autres études soient nécessaires pour
préciser les conséquences de ce traitement. En revanche, aucune étude humaine n’est disponible sur
les conséquences neuro-développementales de l’exposition in utero aux autres anti-épileptiques
(vigabatrin, gabapentine, ethosuccimide, zonisamide, primidone, felbamate, pregabalin, lacosamide et
rufinamide).
L’exposition aux anti-épileptiques in utero , mais pas l’allaitement maternel, est associée à des
troubles de motricité fine détectables dès l’âge de 6 mois
Une étude prospective norvégienne sur une cohorte mère enfant (Mother and Child Cohort Study
(MoBa) a examiné le devenir neurocomportemental des enfants exposés aux anti-épileptiques in utero
et/ou par le biais de l’allaitement maternel [28]. Le développement psychomoteur et le comportement
des enfants ont été évalués par le biais de questionnaires validés aux âges de 6, 18, et 36 mois [41-44].
Les enfants présentent dès 6 mois, un décalage des acquisitions de motricité fine, avec un risque
comparable quelle que soit la monothérapie par lamotrigine, valproate, ou carbamazépine. Par contre,
le risque de développer des troubles comportementaux en plus des troubles de motricité fine est
largement augmenté en cas de polythérapie. En revanche, la motricité globale est comparable au
groupe non exposé à l’âge de 6 mois. Ces effets sont spécifiques de l’exposition aux anti-épileptiques
car ils ne sont pas retrouvés chez les enfants dont la mère est épileptique non traitée ou dont le père est
épileptique. L’allaitement maternel par une mère sous anti-épileptique n’est pas associé à une
augmentation du risque de troubles du développement précoce (6-36 mois). Au contraire, il y aurait
même un bénéfice pour les enfants allaités qui présentent moins de traits autistiques à 6 mois.
Toutefois, certains anti-épileptiques, tels que la lamotrigine, le levetiracetam, le topiramate et la
zonisamide pénètrent plus facilement dans le lait maternel [45] et les données sur leurs conséquences à
long terme sont encore incomplètes.
Le développement cognitif à 3 et 6 ans après une exposition fœtale aux anti-épileptiques [13, 46]
L’étude observationnelle prospective NEAD (Neurodeveloppemental Effects of Antiepileptic Drugs) a
permis de rapporter les conséquences à 3 ans de 303 grossesses exposées à une monothérapie antiépileptique (92 sous carbamazépine, 99 sous lamotrigine, 52 sous phenytoine, et 60 sous valproate)
entre octobre 1999 et février 2004. De façon cohérente avec les études précédentes, l’exposition au
valproate induit les conséquences les plus délétères sur le développement cognitif (QI global à 3 ans)
de façon dose dépendante.
Dans une étude plus récente menée sur 528 enfants de 6 ans (243 patientes et 285 contrôles) exposés
in utero aux anti-épileptiques au cours de grossesses suivies dans le nord-est de l’Angleterre entre
2000 et 2004, les mères avaient reçu une monothérapie par carbamazépine (59), valproate (59),
lamotrigine (36) et d’autres anti-épileptiques (14) ou une polythérapie (41). Les conséquences neurodéveloppementales les plus fréquemment observées à 6 ans sont les troubles du spectre autistique dont
la prévalence est multipliée par 6 en cas de monothérapie par le valproate et par 10 en cas de
polythérapie comportant du valproate. Une étude danoise [36] confirme cette prévalence accrue des
troubles du spectre autistique avec un risque absolu de 4,15 % (95 % CI, 2,20 %-7,81 %) pour les
enfants de mère épileptique exposés au valproate, et un risque absolu de 2,95 % (95 % CI, 1,42 %6,11 %) pour l’autisme infantile, versus 2,44 % (95 % CI, 1,88 %-3,16 %) pour les troubles du spectre
autistique et 1,02 % (95 % CI, 0,70 %-1,49 %) pour l’autisme infantile chez les enfants non exposés.
En revanche, dans cette étude, les expositions à la carbamazépine, l’oxcarbazépine, la lamotrigine, et
le clonazepam utilisés en monothérapie ne sont pas associés à un risque accru de troubles du spectre
autistique [36].
Il semble que ces troubles du spectre autistique s’inscrivent dans un continuum de conséquences
neuro-développementales de l’exposition in utero au valproate, dans les formes les plus sévères
desquelles on retrouve un retard cognitif sévère avec des troubles du langage et de la motricité, et les
formes modérées, des troubles des interactions sociales et de la communication, des troubles
attentionnels et/ou une dyspraxie.
Ainsi, les auteurs concluent que le valproate est à éviter formellement dans le traitement de l’épilepsie
des femmes en âge de procréer, ce d’autant plus que 50 % des grossesses ne sont pas programmées. Si
la patiente poursuit un traitement par valproate et qu’elle est enceinte, il convient d’utiliser la dose
minimale (500 mg par jour), d’y associer de l’acide folinique et surtout de programmer un suivi neurodéveloppemental de l’enfant à venir de manière à mettre en place précocement un programme
rééducatif adapté.
Ainsi, en prenant en compte ces résultats récents et à la lumière des travaux déjà publiés, l’exposition
in utero aux anti-épileptiques, plus particulièrement avec le valproate, conduit à une augmentation du
risque de retard du développement. Le spectre de ces troubles neuro-développementaux est en cours
de caractérisation et inclut dans ses formes les moins sévères, des troubles du spectre autistique, des
troubles attentionnels ou une dyspraxie.
Si le valproate est le seul traitement de l’épilepsie de la future maman, les femmes doivent être
informées sur les conséquences prévisibles de cette exposition in utero. Cette information doit être
réalisée avant la conception car les effets observés traduisent probablement de lésions très précoces au
cours de la grossesse [47]. Les enfants exposés in utero aux anti-épileptiques, en particulier au
valproate, doivent impérativement être suivis au cours de leur développement précoce, de manière à
dépister et prendre en charge le plus tôt possible une déficience intellectuelle, une dyspraxie, des
troubles de la socialisation ou encore des troubles attentionnels.
Remerciements au Pr Alexandra Benachi (Hôpital Antoine-Béclère Gynécologie-Obstétrique et
Médecine de la Reproduction) et Dr Marie Laure Moutard (Hôpital Trousseau Neurologie
Pédiatrique) pour leur aide pour la rédaction du manuscrit et à l’élaboration de la présentation
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Biothérapie au cours de la grossesse : quelles conséquences chez l’enfant ?
Brigitte Bader-Meunier
Immunologie et rhumatologie pédiatriques, centre de référence des maladies rares en rhumatologie et
maladies inflammatoires pédiatriques (CERHUMIP), Hôpital Necker-Enfants Malades ; 75015 Paris
[email protected]
L'utilisation croissante de biothérapies, au cours des rhumatismes inflammatoires et autres pathologies
auto-immunes, fait poser la question de toxicité éventuelle au cours de la grossesse. Ces traitements
sont fréquemment associés à un traitement de fond immunosuppresseur pour augmenter leur efficacité
et inhiber la formation d'anticorps neutralisants (1,2). Ces biothérapies comportent en totalité ou en
partie des immunoglobulines G (IgG). L'exposition du fœtus aux IgG est très faible pendant
l'organogenèse, mais le transfert placentaire commence au début du deuxième trimestre et augmente
jusqu'au terme. Toutes les biothérapies contenant la portion Fc des IgG sont transférées activement à
travers le placenta par les récepteurs Fc fœtaux exprimés dans le trophoblaste (7). Pour les
biothérapies qui sont constituées d’un anticorps IgG, le traitement de la mère dans la deuxième partie
de la grossesse peut conduire à la présence de fortes concentrations sériques dans le sang du cordon, si
l'exposition est proche de la naissance. Les immunoglobulines persistent chez le nouveau-né et
disparaissent généralement dans les 6 premiers mois de vie.
1 Biothérapie par anti-Tumor Necrosis Factor (TNF)
Les agents anti-TNF
comportent des anticorps monoclonaux (infliximab , adalimumab , et
golimumab), une protéine de fusion étanercept) et un fragment Fab péguylé se liant au TNF
(certolizumab). Tous ces inhibiteurs du TNF
ont été classés aux Etats-Unis par la Food and Drug
Administration (FDA) dans la catégorie « Médicaments B » , ce qui signifie que les études de
reproduction chez l'animal n'ont pas montré de risque pour le fœtus, mais il n’y a aucune étude
contrôlée chez la femme au cours de la grossesse. Il existe quelques publications issues de données de
registre ou sous forme de cas cliniques, portant sur environ 2000 femmes exposées à un anti-TNF
durant la grossesse, traitées pour maladies inflammatoires intestinales ou rhumatologiques ou psoriasis
(1-8). Les taux sériques d’anti-TNF α dans le sang du cordon sont plus élevés après un traitement par
anticorps monoclonal qu’après traitement par étanercept ou certolizumab (1). D’après ces données, il
ne semble pas y avoir de sur-risque de fausses couches, hypotrophie, prématurité ou malformations. Il
existe un risque théorique plus élevé d’infections durant les premiers mois de vie chez le nourrisson
tant que persiste un taux sérique élevé d’anti-TNF
. Un cas de BCGite létale a été rapporté après
vaccination par le BCG chez un nourrisson âgé de 4 mois (9). L’etanercept est secrété dans le lait
maternel. L’infliximab est indétectable dans la plupart des cas avec quelques exceptions (2).
L’allaitement est donc contre-indiqué au cours d’un traitement par anti-TNF
.
2 Le rituximab
Le rituximab est un anticorps monoclonal dirigé contre les lymphocytes B, de la sous-classe IgG1, et a
un passage transplacentaire actif. Lorsqu'il est administré au cours des deuxième et troisième
trimestres, son taux dans le sang du cordon est égal ou supérieur à celui de la mère à terme. Deux
séries de cas ont montré que l'utilisation du rituximab avant la grossesse, ou même à proximité de
conception, n'est pas associée à une toxicité chez l'enfant (1,2,10). Cent cinquante trois cas de
grossesses sous rituximab ont été rapportés, issus d’un registre de tolérance (10). L’association du
rituximab à d’autres traitements immunosuppresseurs, et la nature de la pathologie maternelle
(pathologies auto-immunes et malignes) pourraient contribuer à expliquer un taux élevé d’avortements
spontanés (22 %), d’interruption de grossesse (18 %), et de prématurité (24 %). Au décours des
grossesses exposées au rituximab et menées à terme, on ne note pas d’excès de décès ou
malformations congénitales (2,2 %) (10). Le taux de rituximab était détectable chez trois nouveau-nés
prélevés (10). Onze nouveau-nés avaient des anomalies hématologiques à la naissance, comportant
une neutropénie et une lymphopénie B. La plupart de ces anomalies étaient modérées et transitoires et
régressaient spontanément en quelques semaines ou mois. L’existence d’une neutropénie n’était pas
associée à un risque accru d’infection. La survenue d’une lymphopénie B survenait essentiellement
après exposition au rituximab pendant les deux premiers trimestres de la grossesse (10,11). Quatre
infections néonatales ont été rapportées chez des nourrissons sans neutropénie (maladie fébrile à l’âge
de 3 semaines, chorioamniotite, bronchiolite et transmission verticale de cytomégalovirus (CMV). La
réponse aux vaccinations a été étudiée chez le singe : la synthèse d’anticorps T dépendants est normale
après primovaccination et rappel (1). En outre, on observe une réponse immunologique normale après
vaccinations à l’âge de 8-20 mois contre le tétanos, la diphtérie, l'hépatite B, la rougeole, les oreillons,
la rubéole et la coqueluche chez plusieurs enfants exposés au rituximab in utero. Cependant, ces
données sont insuffisantes pour en tirer des conclusions formelles.
L'utilisation de rituximab avant la conception ou pendant le premier trimestre de la grossesse semble
donc ne pas exposer le fœtus à un excès de risque de toxicité. En revanche, une exposition au cours
des deuxième et troisième trimestres de la grossesse provoque une déplétion transitoire en
lymphocytes B chez le fœtus, dont les effets à long terme sont inconnus.
3 Autres biothérapies : abatacept, anakinra, tocilizumab, belimumab
Pour ces biothérapies, il existe peu ou pas de données.
L’abatacept, constitué du CTLA4 et d’une immunoglobuline humaine de fusion, inhibe l’activation
des cellules T et traverse le placenta. Il n’existe pas de donnée sur sa tolérance durant la grossesse.
L’anakinra, est un antagoniste du récepteur de l’interleukine-1 (IL 1) et a une demi-vie courte de 4-6
heures. Des études menées chez l’animal n’ont montré aucune toxicité de l’anakinra sur le fœtus,
même à des doses égales à 100 fois la dose thérapeutique, en dépit de la détection de l'anakinra dans le
liquide amniotique. Trois grossesses chez les patientes traitées par anakinra pendant la grossesse pour
une maladie de Still ont été décrites (1,2) : les enfants sont nés à terme sans pathologie particulière. Le
dosage de l'anakinra dans le sérum maternel ou du cordon n'a pas été effectué. Le tocilizumab (TCZ)
est un anticorps monoclonal humanisé dirigé contre le récepteur de l'IL 6. Deux séries de cas ont
rapporté l'issue de 39 grossesses chez les patientes atteintes de polyarthrite rhumatoïde traitées par
TCZ en monothérapie ou en association (12,13) : une interruption volontaire de grossesse a été
réalisée chez 13 femmes, sept fausses couches spontanées (dont cinq femmes qui avaient reçu du
méthotrexate à la conception) sont survenues et 17 femmes ont accouché de nouveau-nés en bonne
santé à terme. Le belimumab est un anticorps monoclonal qui bloque l’activité de Blys, cytokine
activatrice des lymphocytes B. Des études menées chez le singe ont montré un passage
transplacentaire du belimumab mais pas d’anomalies congénitales chez les nouveau-nés. Une
diminution du nombre de lymphocytes B a été retrouvée dans le sang périphérique des mères et des
nourrissons, et dans les tissus lymphoïdes fœtaux. Chez la femme, les seules données disponibles sont
issues d’études de phase II et III (grossesses non désirées) : 24 % d’interruption volontaire de
grossesse, 27 % d’avortement spontané et 42 % de naissances à terme sont survenus parmi 83
grossesses dont l'issue est connue (14). Aucune augmentation de la fréquence d’anomalie congénitale
n’a été observée. En raison du manque de données, aucune recommandation concernant la poursuite
de l'abatacept, de l'anakinra, du TCZ, ou du belimumab pendant la grossesse ne peut être formulée.
L'abatacept et le TCZ doivent être interrompus trois mois avant la conception. En raison de sa courte
demi-vie, l'arrêt de l'anakinra avant une grossesse n'est pas nécessaire, et il doit être poursuivi au cours
de la grossesse si aucune autre option thérapeutique n’est envisageable pour la maladie maternelle.
Les données actuelles sont donc insuffisantes pour permettre des conclusions valides sur l’absence de
toxicité à court et long terme chez l’enfant dont la mère a reçu une biothérapie durant la grossesse. La
conduite de registres prospectifs est indispensable.
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TABLE RONDE 6
Moyens non médicamenteux de lutte contre la douleur des gestes :
de l’Evidence-Based-Medicine à la pratique
L’allaitement maternel pour soulager la douleur des gestes
R Carbajal
1
Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, Hôpital Armand Trousseau. Service des Urgences
Pédiatriques. 26 av du Dr Netter, 75012 Paris.
Correspondance : [email protected]
1. Introduction
Les gestes diagnostiques et thérapeutiques comportant une effraction cutanée sont devenus
ubiquitaires dans la pratique de la médecine, et la néonatalogie n’est pas une exception. Alors que les
nouveau-nés en bonne santé subissent systématiquement quelques procédures de nature douloureuse
telles que les ponctions pour les dépistages systématiques ou les vaccins, les nouveau-nés, malades ou
prématurés, peuvent subir des centaines de gestes douloureux pendant leur séjour hospitalier (1). Il est
actuellement reconnu qu'il est important de soulager la douleur aiguë pour, d'une part, diminuer le
stress et la souffrance créée chez ces enfants et, d'autre part, réduire l'effet potentiellement néfaste à
long terme de la douleur sur le développement neurologique (2). On sait également que les
expériences douloureuses subies en période néonatale peuvent modifier le comportement face à la
douleur plusieurs mois plus tard (3). Les études épidémiologiques récentes ont montré que l'utilisation
des moyens analgésiques pour les gestes de nature douloureuse pratiqués chez le nouveau-né en
réanimation est insuffisante (1). Ce type de données n'est pas disponible pour les enfants hospitalisés
en néonatologie.
La douleur liée aux gestes peut être, en fonction de la nature du geste et de son intensité douloureuse,
prévenue ou atténuée par des moyens médicamenteux ou non médicamenteux. Les moyens non
médicamenteux constituent une option prioritaire pour l'analgésie des gestes couramment pratiqués
chez le nouveau-né dans un service de néonatologie ou en maternité. Ces moyens ont une place
importante dans la prise en charge de la douleur du nouveau-né, soit seuls, soit en combinaison avec
des moyens médicamenteux. Les moyens non médicamenteux les plus utilisés sont l'emmaillotement,
l'enveloppement, la contention, les solutions sucrées, la succion des tétines, le contact peau-à-peau,
l’analgésie par l’allaitement maternel, le lait maternel, et la musique. Cet article présente les preuves
de l'efficacité de l'allaitement maternel en tant que moyen analgésique pour la réalisation des gestes
légèrement ou moyennement douloureux chez le nouveau-né.
2. L'Allaitement maternel
En 2002 et 2003, deux études ont montré que l’allaitement maternel lors d’un geste douloureux
constituait un puissant analgésique chez les nouveau-nés à terme (4,5). Dans une étude, les nouveaunés à terme qui étaient tenus et allaités par leur mère lors d’une ponction au talon et d’un prélèvement
sanguin ont vu leurs pleurs et leurs grimaces réduits de 91 % et 84 %, respectivement, par rapport à
ceux qui subissaient le même test emmaillotés dans leur berceau (4). Dans une autre étude, Carbajal et
coll. ont randomisé 180 nouveau-nés subissant une ponction veineuse sur 4 interventions analgésiques
(5). Des diminutions significatives des scores de douleur ont été notées pour les groupes allaitement et
glucose plus tétine par rapport aux groupes placebo et « contenus dans les bras de leurs mères ».
Une revue Cochrane de la littérature conduite en 2012 a identifié 10 études sur les effets analgésiques
de l’allaitement maternel et 10 études sur les effets du lait maternel. Sur les 20 études, 16 ont été
realisées durant une ponction au talon et 4 lors des ponctions veineuses. Les nouveau-nés dans le
groupe allaitement maternel ont présenté une moindre augmentation de la fréquence cardiaque, une
réduction du temps total des pleurs et une diminution de la durée du premier cri comparés à ceux du
groupe placebo, tenus dans les bras de leurs mères, installés dans un berceau, tétant une tétine ou
recevant une solution de saccharose oral. Lorsqu’une échelle d’évaluation de la douleur fut utilisée, les
scores de douleur obtenus avec les échelles PIP ou DAN furent plus bas chez les enfants ayant reçu un
allaitement maternel par rapport à ceux ayant reçu du placebo ou tenus dans les bras de leurs mères.
Les scores de douleur NFCS furent plus bas dans le groupe allaitement que dans le groupe placebo,
tenus dans les bras de leurs mères, ou ayant reçu du glucose oral. Au total, cette méta-analyse montre
que les nouveau-nés dans le groupe allaitement avaient des évaluations unidimensionnelles et
composites de la douleur plus basses comparées au placebo (6).
Chez l’enfant prématuré de 30 à 36 semaines d’aménorrhée, Holsti et al ont étudié les effets
analgésiques de l’allaitement maternel (7). Ils ont conclu que les scores de douleur n’étaient pas
modifiés durant les prises de sang. Cependant, ces auteurs ont signalé qu’il pourrait y avoir un effet
analgésique pour les plus matures de ce groupe.
Lait maternel
Les études concernant l’effet analgésique du lait maternel (sans allaitement) pour réduire la
douleur des gestes chez les nouveau-nés ont abouti à des résultats non concordants (6). Son
efficacité analgésique semble limitée et les données disponibles ne sont pas en faveur de
l’utilisation du lait comme mesure unique de soulagement de la douleur des gestes.
3. Quel mécanisme d'action ?
Bien qu'aucun mécanisme n'ait été clairement identifié pour expliquer l'efficacité de l'allaitement
maternel pour soulager la douleur des gestes, plusieurs mécanismes peuvent être évoqués. Les
composants de l’allaitement maternel qui pourraient apporter un effet analgésique inclus la présence
d’une mère réconfortante, un contact physique de peau-à-peau au moins partiel, un détournement de
l’attention, le discret effet sucré du lait et probablement le caractère prépondérant que l’allaitement a
chez un nouveau-né qui deviendrait prioritaire par rapport aux autres expériences sensorielles (6).
4. Conclusion
Une des principales sources de douleur chez le nouveau-né est la douleur induite par les actes. La
prévention de la douleur est une priorité des soins. Des gestes agressifs « mineurs », parfois banalisés
par le personnel soignant, tels que les ponctions veineuses ou artérielles, les piqûres au talon, entre
autres, sont quotidiennement réalisées chez des nouveau-nés. Ces « petits gestes » nécessitent une
analgésie. Une option intéressante dans ces situations est l’utilisation des moyens non médicamenteux
tels que les solutions sucrées concentrées associées à la succion d’une tétine, et pour les enfants à
terme qui sont allaités, on peut proposer de réaliser les gestes douloureux avec un allaitement
maternel.
Il est indispensable que les services de néonatologie ou de maternité établissent des protocoles écrits
permettant à tous les nouveau-nés de bénéficier d’un traitement analgésique adapté à leur condition
clinique.
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Conflit d’intérêt : aucun
Solutions sucrées et tétines chez le nouveau-né et le jeune nourrisson
Aline Rideau, Raphaëlla Stern, Anna Zanin, Sophie Soudée, Caroline Farnoux, Olivier Baud,
Valérie Biran*
*Auteur correspondant: Service de réanimation et pédiatrie néonatales, Hôpital Robert Debré, APHP,
Université Paris-Diderot, Sorbonne Paris Cité ; Département Hospitalo-Universitaire "PROTECT",
75019 Paris; Inserm U1141, PremUP Fondation
Tel : +331 40034191 ; Fax : +331 40032470 ;
[email protected]
La prise en charge de la douleur des nouveau-nés et nourrissons est essentielle lors des gestes
douloureux mineurs, répétitifs et des procédures plus invasives du fait des conséquences à court et
long terme. Des données récentes suggèrent que la douleur répétée et prolongée pourrait modifier le
développement ultérieur du système de la douleur et contribuer à l'apparition d'altérations du
développement cérébral et du comportement à long terme chez les nouveau-nés (1,2). Parmi les
stratégies analgésiques non médicamenteuses lors de gestes douloureux mineurs, l’utilisation des
solutions sucrées concentrées oralement (principalement saccharose et glucose) chez le nouveau-né a
été très largement étudiée avec des études randomisées publiées à partir des années 1980 (3). Les
solutions sucrées peuvent également être utilisées chez le jeune nourrisson jusqu’à 6-12 mois avec une
efficacité analgésique récemment documentée (4). L’association à la succion non nutritive d’une tétine
a également montré son efficacité analgésique.
Mécanisme d’action des solutions sucrées et des tétines
L’effet antalgique du sucre est très probablement lié à la libération de morphiniques endogènes car
chez l’animal l’effet antalgique a été bloqué par l’administration préalable d’un antagoniste de
morphiniques, la naloxone (5). Cette hypothèse n’a pas encore été prouvée ; une première étude
préliminaire chez le nouveau-né humain n’a pas montré d’élévation de la concentration sérique de ßendorphine après l’administration orale d’une solution de saccharose.
Le mécanisme d’action exact des tétines n’est pas encore connu mais dans la littérature deux
explications possibles ont été proposées. La première est la dominance sensorielle, selon laquelle la
succion chez le nouveau-né est une stimulation tellement intense et agréable que les sensations qu’elle
provoque peuvent bloquer la perception de la douleur. La deuxième est que la tétine permet une
autorégulation de la perception douloureuse en donnant la possibilité au nouveau-né de réguler, par la
succion, la quantité de stimulation reçue par son système nerveux (6).
Efficacité des solutions sucrées
Une revue systématique de la littérature concernant les effets analgésiques du saccharose chez le
nouveau-né lors de gestes douloureux a été mise à jour par la Cochrane Collaboration en 2013 (7).
Cette revue a identifié toutes les études randomisées contrôlées faisant intervenir des nouveau-nés à
terme et prématurés subissant une ponction au talon, une ponction veineuse, sous-cutanée, une
circoncision, un examen du fond d’œil à la recherche d’une rétinopathie du prématuré. Cinquante sept
études ont été retenues par les auteurs, incluant 4 730 nouveau-nés. Vingt-sept études concernaient
exclusivement des enfants prématurés. Les données montrent un effet antalgique du saccharose à partir
d’une concentration de 24 %. L’effet analgésique est observé deux minutes après l’administration de la
solution de saccharose et dure environ quatre minutes. Les auteurs de cette revue signalent que
l’efficacité du saccharose, bien que constante après une ponction au talon, n’est que modérée pour les
autres procédures douloureuses et que d’autres moyens doivent lui être associés afin d’accroître
l’efficacité analgésique. La dose optimale analgésique de saccharose et l’innocuité de doses répétées
chez les nouveau-nés restent à déterminer. Une étude confirme également la diminution des signes de
douleur par l’administration d’une solution de saccharose orale aux nouveau-nés à terme mais sans
modification de l’activité nociceptive au niveau de la moelle épinière et du cerveau, suggérant un
manque d’efficacité analgésique du saccharose (8), ces données sont à confirmer du fait de biais
méthodologiques (faible nombre d’enfants inclus et de quantité de saccharose).
Les solutions orales de glucose à 20 et 30 % ont une efficacité analgésique comparable à celle du
saccharose comme il a été démontré dans la revue de Bueno et al (9). Dans trente-cinq études (3 785
nouveau-nés à terme et prématurés), une diminution des scores de douleur, de l’incidence et de la
durée des pleurs a été mise en évidence lors d’une ponction au talon ou d’une ponction veineuse.
Chez les nourrissons de 1 à 12 mois, une méta-analyse a été réalisée par Harrison et al (4) sur
l’efficacité des solutions sucrées concentrées (glucose, saccharose) administrées avant les
vaccinations. Quatorze études avec 1 674 injections ont été retenues par les auteurs, elles montrent une
réduction significative de la fréquence, durée des pleurs, des scores comportementaux pendant et
surtout après l’injection mais pas de réduction significative des paramètres physiologiques (fréquence
ou variabilité cardiaque) (10). L’efficacité analgésique des solutions sucrées est plus modérée que chez
les nouveau-nés (11), la concentration de sucre utilisée varie d’une étude à une autre (24 à 75 %), mais
les concentrations plus élevées semblent plus efficaces (glucose 40 %, saccharose 50 %), la durée
d’analgésie est de une minute après administration. L’efficacité analgésique des solutions sucrées
concentrées n’a pas été mise en évidence pour les gestes plus longs tels que les ponctions veineuses,
les mises en place d’une sonde urinaire.
Effets secondaires des solutions sucrées données oralement
Aucun effet secondaire immédiat n’a été rapporté dans la littérature après l’utilisation du saccharose
ou du glucose oral chez le nouveau-né à terme et le nourrisson. Six études décrivent une tendance à
présenter des désaturations légères (85–88 %) avec une récupération spontanée lors de la prise orale de
la solution sucrée concentrée ou de placebo chez quelques nouveau-nés prématurés (7). Ceci souligne
la nécessité d’administrer lentement et par gouttes les solutions sucrées chez les enfants très
prématurés.
Aucun effet secondaire après administration de doses répétées de saccharose chez des nouveau-nés n’a
été mis en évidence (5 études (7). Aucune étude n’a rapporté les effets du saccharose sur le
développement neuromoteur à 18-24 mois ou à plus long terme.
Sur le plan métabolique, le risque d’hyperglycémie après administration de solutions sucrées
concentrées n’a pas été décrit jusqu’à ce jour. L’étude de Mellah (12) est une des rares où les
glycémies capillaires après la ponction au talon ont été relevées : là aussi, elles étaient normales (sans
différence significative entre les groupes placebo et saccharose). Taddio et al. (13) confirme l’absence
de modification de glycémie chez des nouveau-nés à terme de mère diabétique après administration de
saccharose à 24 %. Les quantités de saccharose administrées au nouveau-né (0,1 à 0,15 g/kg) sont très
faibles et constituent1/50e à 1/100e des apports journaliers en glucose d’un nouveau-né, d’autre part le
délai entre l’administration orale et la réalisation du prélèvement est habituellement très court et ne
peut pas modifier l’équilibre glycémique.
Les contre-indications absolues sont l’atrésie de l’œsophage, la fistule œsotrachéale non opérées.
L’intolérance connue au fructose est une contre-indication absolue au saccharose, le glucose est, quant
à lui, autorisé. Une suspicion d’entérocolite et les troubles de déglutition représentent des contreindications relatives.
Succion d’une tétine
Des effets analgésiques et réconfortants ont été aussi rapportés pour la succion non nutritive des
tétines lors des ponctions capillaires, veineuses et vaccinations. Cette efficacité est surtout démontrée
chez les nouveau-nés prématurés et à terme. Campos RG (14) a étudié chez 60 nouveau-nés à terme
les effets réconfortants de la succion d’une tétine après une ponction au talon. En évaluant les signes
de détresse (pleurs, agitation), cet auteur a trouvé que les tétines avaient un meilleur effet réconfortant
que le bercement ; le bercement était mieux que l’absence d’intervention. Certaines études montrent
un effet analgésique de la succion d’une tétine seule ou associée à du saccharose lors de la réalisation
des ponctions veineuses chez des nouveau-nés à terme (15) et des examens ophtalmologiques à la
recherche d’une rétinopathie du prématuré (16). La synergie analgésique des solutions sucrées
concentrées a aussi été trouvée par d’autres auteurs (9).
Chez le nourrisson, l’efficacité analgésique de la tétine et du saccharose a été montrée chez des enfants
de moins de 6 mois lors des prélèvements veineux ou des vaccinations ; en revanche, l’utilisation
d’une tétine seule ne modifie pas la durée des pleurs (4).
L’Académie Américaine de Pédiatrie (2009) recommande l’utilisation d’une tétine à visée non
nutritive en association avec d’autres moyens analgésiques non médicamenteux lors des gestes
douloureux suivants : prélèvements au talon, ponctions veineuse, lombaire, pose de perfusion, examen
ophtalmologique à la recherche d’une rétinopathie du prématuré, circoncision.
Utilisation pratique (d’après http://www.pediadol.org)
Les solutions sucrées doivent être administrées sur prescription médicale ou dans le cadre
d’un protocole de service dans les situations suivantes : effraction cutanée, ponction veineuse,
prélèvement capillaire au talon ou au doigt (à réaliser à l’aide de lancette à ressort ou de stylo
autopiqueur, les lancettes à main sont à proscrire), injection intramusculaire (vaccination,
etc.), injection sous-cutanée, pose d’une voie d’abord périphérique ou centrale, ponction
lombaire (associer à l’application de crème anesthésiante Emla®), injection intradermique,
intradermoréaction (IDR) ; pose d’une sonde gastrique, d’une sonde urinaire ; aspiration
rhino-pharyngée, aspiration trachéale, ablation de pansement adhésif, mobilisation du bébé
potentiellement douloureuse : toilette, change, pesée, etc.
Le saccharose a une concentration d’au moins 24 %, a une efficacité très proche du glucose à
30 %, la solution de glucose présente l’avantage pratique d’être rapidement disponible dans
tous les services et ne nécessite pas une préparation préalable par la pharmacie ou la
biberonnerie. Certaines solutions sucrées de saccharose à 24 % prêtes à l’emploi (par
exemple, Algopédol® Crinex ; « Sweet ease », PDGsystem) sont disponibles sur le marché en
France. Plus que la quantité absolue de sucre ou de solution, ce sont la concentration et le goût
sucré de la solution sucrée qui semblent intervenir dans l’effet analgésique : il est donc
intéressant d’utiliser une solution en petite quantité, mais à concentration assez élevée (au
moins 24 % pour le glucose comme pour le saccharose) et de l’utiliser si besoin plusieurs fois
par jour. La dose efficace minimale semble être (pas de véritable consensus) de l’ordre de 1 à
2 gouttes (0,05 à 0,1 ml) pour le nouveau-né prématuré de moins de 1 000 g, 3 à 4 gouttes
pour un poids de 1 500 g, 8 à 10 gouttes après 2 000 g. Il s’est avéré que l’effet antalgique,
mesuré sur le temps passé en pleurs, était maximal si un intervalle libre de 2 minutes était
respecté avant le soin.
L’effet synergique de solutions sucrées et de la succion de tétines a été clairement montré et justifie
leur association en pratique. Pour les enfants à terme qui sont allaités, on peut proposer des
prélèvements lors de l’allaitement dont l’efficacité analgésique est nettement supérieure à
l’administration de glucose à 30 %, avec une tendance à être supérieure, sans atteindre une
signification statistique, à l’association glucose 30 % plus succion d’une tétine (17).
Prévention de la douleur
Un des moyens les plus efficaces pour réduire la douleur chez les nouveau-nés et les nourrissons est la
prévention. Réduire la survenue ou la fréquence des interventions douloureuses est l'une des
principales recommandations de l'Académie Américaine de Pédiatrie et de la Société canadienne de
pédiatrie (18). Une récente publication (19) suggère que la fréquence des procédures douloureuses
mineures telles que des dextro, aspirations trachéales… sont encore trop nombreuses chez les
nouveau-nés et devraient faire l’objet de protocole de service améliorant l’organisation des soins, la
coordination entre les prélèvements nécessaires à la surveillance et au traitement de l’enfant.
Conclusion
L’ensemble des études publiées montre une efficacité analgésique des solutions sucrées concentrées
associées à une tétine à visée non nutritive essentiellement chez le nouveau-né et le jeune nourrisson
de moins de 6 mois pour des procédures douloureuses mineures. Lors de la réalisation des gestes plus
douloureux d’autres moyens analgésiques plus importants doivent être utilisés. Plusieurs questions sur
les mécanismes de l’effet analgésique des solutions sucrées et des tétines sont à explorer : les voies
opioïdes impliquées, les conséquences des utilisations répétées et prolongées des solutions sucrées,
notamment chez les grands prématurés, l’efficacité de l’association des solutions sucrées à d’autres
moyens non médicamenteux (stimulations multisensorielles, allaitement, acupuncture, contact en peau
à peau) et médicamenteux (opioïdes).
Bibliographie
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La distraction lors des soins douloureux ou anxiogènes aux urgences
pédiatriques de l’hôpital Trousseau : l’expérience des tablettes tactiles
C. Laffaille, M. Beauchet filleau, Christelle Nguyen, Claire Tournier, Pauline Gatterre, R. Carbajal
Service des Urgences pédiatriques, Hôpital Armand Trousseau, 26 avenue du Dr Arnold Netter, 75012
Paris
Introduction
Selon les études, plus de 30 % des enfants consultant aux urgences pédiatriques présentent une douleur
à leur arrivée ou subissent un geste de nature douloureuse [1,2]. De plus, le grand nombre
d’intervenants et le caractère urgent de certains soins urgents créent un climat d'anxiété pour les
enfants et leurs familles. La prise de conscience de la nécessité de prendre en charge efficacement la
douleur et l'anxiété des enfants dans ces services a conduit certaines équipes à développer un accueil
adapté à l'âge de l'enfant, à évaluer la douleur le plus souvent possible et à utiliser des traitements
médicamenteux et non médicamenteux pour soulager et prévenir la douleur des enfants. L’utilisation
d’une analgésie non médicamenteuse n’est pas encore suffisamment répandue. Et même dans les
services où les traitements analgésiques sont courants, la prise en charge de la douleur des enfants
reste, dans un certain nombre de cas, non optimale et ce malgré les différents moyens thérapeutiques
antalgiques utilisés : antalgiques de palier 1, 2 ou 3, ou mélange 50/50 de protoxyde d'azote/oxygène
(MEOPA). Ce constat a motivé notre souhait d’élargir les moyens pour soulager la douleur et l'anxiété
des enfants et améliorer le confort des patients consultant dans notre service. La distraction est une
approche cognitivo-comportementale qui permet d'engager activement les enfants et les aide à diriger
leur attention ailleurs que sur les gestes anxiogènes et douloureux [3]. Convaincus par les données de
la littérature [4] et par les résultats positifs observés dans notre pratique sur les bénéfices de la
distraction, nous utilisons depuis plusieurs années des moyens tels que les bulles de savon, des
chansons, des récits, des histoires et la participation des parents. Nous avons constaté que la clé du
succès était de fournir à l'enfant, en fonction de son développement cognitif, un moyen de distraction
ayant un fort pouvoir pour capter son attention. Nous avons donc décidé de tester l’utilité des tablettes
tactiles lors des gestes douloureux ou anxiogènes chez les enfants accueillis au sein de nos urgences.
1 Le projet
Une revue systématique de la littérature publiée en 2013 sur les moyens non pharmacologiques utilisés
aux urgences pédiatriques a trouvé 10 articles sur la distraction sur 14 articles dédiés à ce sujet [4].
Dans 5 des 10 études, la musique était le seul moyen de distraction. Dans les 5 autres études, une
combinaison de moyens de distraction fut utilisée. Bien que les résultats de ces études ne fussent pas
unanimes, essentiellement en raison de leurs conceptions variées, la plupart ont montré un effet
bénéfique sur la douleur et l'anxiété des enfants. Par ailleurs, la distraction est un moyen qui peut être
utilisé avec une formation rapide, ne comporte pas de risque, et présente un bon rapport
coût/efficacité. Les auteurs de la revue systématique citée ci-dessus signalent que les services
d'urgences devraient posséder une variété des moyens de distraction pour les enfants en fonction de
l'âge [4]. Nous avons donc recherché dans notre service un nouveau moyen de distraction à utiliser aux
urgences. Les tablettes tactiles, par leur potentiel attractif et ludique touchant presque tous les âges,
nous ont semblé intéressantes. Nous avons donc décidé de tester l’utilité des tablettes tactiles lors des
procédures invasives couramment réalisées aux urgences pédiatriques médico-chirurgicales de
l’hôpital Trousseau.
2. Mise en place des tablettes et évaluation du projet : l’adhésion des enfants, des parents et
des soignants
Depuis le début de l’année 2011, le service d’accueil des urgences pédiatriques de l’hôpital A.
Trousseau a mis en place l'utilisation d'une tablette tactile, afin de proposer de la distraction aux
enfants lors de procédures douloureuses. Cette tablette a été utilisée essentiellement pour des sutures et
des prélèvements sanguins. Après la mise en place de cette première tablette tactile, nous avons
recueilli de façon informelle le ressenti des enfants, de leurs parents et du personnel soignant au cours
de l’été 2012. Ce premier retour d’expérience étant positif, nous avons donc enrichi le projet. Cette
mise en place de la tablette a nécessité de résoudre un certain nombre des contraintes matérielles et
logistiques que nous détaillerons dans la partie discussion de cet article. Après l'expérience acquise
avec la première tablette et les solutions logistiques apportées, nous avons acquis 6 autres tablettes
tactiles. S’en est suivie une période de réévaluation basée sur un questionnaire qualitatif « enfantsparents-soignants » dans le courant du mois de mars 2013. Ce questionnaire reprenait l’âge des
enfants, les soins qui avaient été effectués aux enfants, ainsi que le ressenti des parents et celui des
soignants.
Les soins comprenaient :
• les prélèvements sanguins
• les sutures (fils, stéri-strip, agrafes, colle)
• les fractures (besoin d’une réduction, réalisation d’un plâtre circulaire ou d’une attelle)
• la prescription d’une analgésie (Xylocaïne®, paracétamol, codéine, nalbuphine, morphine)
• utilisation de la tablette tactile.
Les questions posées aux parents reprenaient :
•
l’impact de la tablette sur l’anxiété, sur le ressenti douloureux de l’enfant. Les parents
pouvaient répondre par nul/ peu efficace/ plutôt efficace/ très efficace
•
l’utilité de la tablette aux urgences en lui mettant une note entre 0 et 10.
Les questions pour les soignants reprenaient l’effet de la distraction dans la facilitation des soins et
dans la durée des soins. Les soignants pouvaient répondre par nulle/peu efficace/plutôt efficace/ très
efficace.
Nous avons également demandé aux enfants âgés de plus de 6 ans de noter la tablette tactile avec une
échelle visuelle avec des notes comprises entre 0 et 10.
Les enfants ont tout d’abord largement donné leur impression positive en mettant une note de 9.3/10
aux tablettes tactiles lorsqu’on leur posait la question s’ils avaient aimé l’utilisation de la tablette
pendant les soins. Les parents ont également eu un discours positif, 88 % d’entre eux pensent que cela
a eu un impact bénéfique sur l’anxiété, de même 90 % d’entre eux pensaient que cela avait eu un
impact bénéfique sur la douleur. Enfin les soignants sont globalement conquis : 92 % des soignants
ont estimé que les soins ont été facilités par les tablettes tactiles et 72 % d’entre eux pensent que
l’utilisation des tablettes améliore leurs conditions de travail.
3. Discussion
Nous avons rapidement observé que la tablette tactile est un outil puissant et efficace en complément
des autres moyens antalgiques. Dans notre expérience quotidienne, un franc bénéfice est apparu au fil
de son utilisation, pour les enfants comme pour leurs parents. Les conditions dans lesquelles sont
réalisées les procédures douloureuses (prélèvements, sutures, réductions) ont été améliorées par
l’utilisation conjointe de la tablette et des thérapeutiques antalgiques usuelles. Non seulement son
potentiel de distraction s’intègre spontanément dans la prise en charge de la douleur, mais son
caractère relaxant permet également une diminution de l’anxiété chez l’enfant et ses parents. En effet,
ceux-ci abordent les soins douloureux plus sereinement en voyant leur enfant calme et détendu, et sont
eux-mêmes distraits. Par ce biais, les soins sont rendus plus faciles et parfois même raccourcis.
Certains soins difficiles chez les enfants réfractaires au MEOPA ont été réalisés avec la tablette tactile
seule dans de bonnes conditions lorsque les autres moyens thérapeutiques avaient échoué (rappelons
que 20-30 % des enfants ne sont pas répondeurs au MEOPA). Nous avons constaté que la tablette
tactile permet une distraction intense même chez des jeunes enfants. Nous avions initialement limité
l'utilisation aux enfants de plus d'un an mais nous nous sommes rapidement aperçus que même des
enfants plus jeunes pouvaient être attirés par un contenu audio-visuel adapté à leur âge (par exemple,
comptines chantées). De manière occasionnelle, la tablette peut être utilisée pour aider à examiner un
enfant très anxieux. Un autre effet bénéfique procuré par la distraction induite par l'utilisation des
tablettes est le renforcement d’une « culture douleur et d’accueil personnalisé et serein des patients et
de leurs familles ». En effet, la démarche réalisée par les soignants lors de chaque soin visant à
connaître les goûts et intérêts des enfants pour pouvoir leur proposer le contenu le plus adapté, permet
de mieux connaître l'enfant et de personnaliser son accueil et distraction. Cela met l'enfant et sa famille
en confiance et contribue à créer une meilleure relation du couple parent-enfant avec les soignants. Le
fait de chercher la meilleure distraction possible pour l'enfant dans le but de réduire la douleur et
l'anxiété conduit les soignants à ne pas négliger tout autre moyen médicamenteux ou non
médicamenteux pouvant contribuer à cet objectif.
Cependant avant la mise en place de tablettes tactiles dans un service plusieurs paramètres doivent être
pris en compte. L’engouement pour cette nouvelle méthode non pharmacologique a été rapide. Mais
nous avons dû surmonter certaines difficultés logistiques et informatiques. Dès l'acquisition de notre
première tablette, l’une des préoccupations initiales a été la prévention du risque de vol ou de
dégradation de notre matériel. Pour répondre à nos contraintes d’ergonomie et de sécurité, nous avons
fait appel à un industriel pour créer un bras maintenant la tablette tactile. Ce bras a une tête rotative
s’inclinant à 180 ° dans le plan horizontal et à 360 ° dans le plan sagittal (photo 1). L’enfant est
capable de voir et de manipuler l’écran de la tablette dans n’importe quelle position et même si on lui
administre du MEOPA en même temps (le masque ne cache pas l’écran). D’autre part le matériel est
sécurisé contre le vol. Le système est maintenu par des vis antivol et le chargeur de la tablette est
intégralement caché dans le bras articulé. La portée du bras est d'environ 2 mètres par rapport au mur
de fixation et cela permet d'atteindre toute position que l'enfant peut prendre lors du soin.
Photo 1 : Bras articulé maintenant la tablette tactile dans la salle de prélèvement.
Pour permettre une utilisation facile par les soignants et les patients, l’ensemble de la flotte des
tablettes tactiles a été formaté de manière identique. Le service a rapidement été doté d’un WI-FI pour
permettre l’utilisation optimale des tablettes. En effet il nous a semblé intéressant que les enfants
puissent avoir accès aux musiques et clips vidéos de leur choix afin de capter au mieux leur attention
pendant un soin. En revanche, afin de sécuriser leur navigation web, nous avons restreint leur accès,
seules les vidéos et musiques accessibles au moins de 12 ans sont disponibles. Dans le courant de
l’année 2013, un groupe de travail a réfléchi sur le contenu précis des applications et des vidéos
proposées. Ces applications ont été installées sur les tablettes tactiles et classées par âge. L’ensemble
de notre équipe soignante a également été formé au fonctionnement et au contenu des tablettes tactiles.
En effet pour permettre à l’enfant de s’extraire complètement de la procédure douloureuse, le
personnel doit connaître les applications pour commencer à jouer avec l’enfant au démarrage du soin
et pouvoir l’encourager pendant le soin. La distraction sera d’autant meilleure si l’enfant est actif. Par
exemple, au cours d’une suture nous pouvons encourager l’enfant à gagner une partie à l’instant même
où nous effectuons les points.
Conclusion
La tablette tactile a montré une réelle efficacité dans l'amélioration de la prise en charge de la douleur
de l’enfant en association avec les thérapeutiques médicamenteuses usuelles. La franche adhésion des
enfants, des parents et des soignants nous incite à poursuivre et à étendre le champ d’utilisation de cet
outil innovant. Ce projet a contribué à améliorer le bien-être, le confort et la prise en charge des
enfants consultant dans notre service d'urgences. Il concerne potentiellement des milliers d'enfants qui
subissent des gestes douloureux ou présentent une douleur lors de l’arrivée aux urgences pédiatriques.
Même si la durée de séjour aux urgences peut être relativement courte pour certains enfants par
rapport à une hospitalisation, tout doit être fait pour que ce séjour ne soit pas vécu comme une période
traumatisante pour l'enfant et sa famille.
« L’auteur n’a pas déclaré de conflit d’intérêts en relation avec cet article ».
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L’hypnose pour la douleur des gestes de soins chez l’enfant :
de l’Evidence-Based-Medicine à la pratique
JPP 2014
Bénédicte LOMBART (Infirmière, Cadre de Santé, CHU Armand Trousseau AP-HP)
Elisabeth FOURNIER- CHARRIERE (pédiatre, Centre d’étude et de traitement de la douleur, CHU
Bicêtre, AP-HP)
Bénédicte Lombart auteure correspondant
Cadre de santé, (CHU Hôpital Armand Trousseau AP-HP 26 rue Arnold Netter 75012 Paris )
[email protected]
L’hypnose : perspective historique et connaissances actuelles
L’usage de l’hypnose pour réduire la douleur iatrogène est ancien, en particulier dans le domaine de la
chirurgie. Des chirurgiens tels Jules Cloquet (1829) pour une ablation du sein, John Elliotson (1843)
en Angleterre pour une amputation ou James Esdaille qui effectua 261 interventions chirurgicales
majeures (1852) à Calcutta, utilisaient « l’anesthésie mesmérienne », appelée aussi état magnétique.
James Braid, médecin écossais, considère cet état « comme un sommeil nerveux obtenu par la
focalisation sur un objet brillant », comme l’indiquent Isabelle Celestin-Lhopiteau et Antoine Boy
dans leur récent ouvrage sur l’hypno-analgésie et l’hypnosédation [1].
Cette technique qui fait appel à la focalisation de l’attention et aux suggestions pour soulager le
malade est ancienne. C’est Franz Anton Mesmer qui le premier au 18ème siècle a fondé une théorie
médicale à propos du « magnétisme animal »[2], d’où l’usage de l’adjectif « mesmérien » ou encore
« mesmérique » dans le vocabulaire relatif au « magnétisme », dénomination antérieure au terme
d’« hypnose ».
L’usage de l’hypnose pour anesthésier les patients lors d’une chirurgie va péricliter avec l’avènement
de la pharmacopée de l’anesthésie, avec l’éther puis avec le chloroforme en 1846. Notons toutefois la
remarquable expérience d’une infirmière pionnière de l’anesthésie, Alice Magaw [3], qui en associant
l’hypno-sédation (c’est-à-dire communication individualisée et suggestions de sécurité et de bien-être)
à l’induction anesthésique chimique obtint une épargne de produits inhalés de 80 %, réduisant ainsi de
façon spectaculaire les décès au cours de l’anesthésie [4].
L’hypnose réapparaît dans la pratique médicale au XXème siècle grâce au psychiatre américain,
Milton Erickson, qui donne à partir des années 1950 un nouvel essor à cette méthode. L’hypnose
ericksonienne représente désormais le courant le plus fréquemment utilisé dans le contexte médical.
L’anesthésie est l’un des domaines précurseurs de la réhabilitation de l’usage de l’hypnose médicale.
On retrouve dès 1959 des publications sur l’intérêt de l’hypnose dans l’anesthésie et l’analgésie de
l’enfant opéré d’une chirurgie cardiaque [5]. Les travaux d’Elisabeth Faymonville, anesthésiste à
Liège, vont également grandement contribuer à objectiver l’intérêt de l’hypno-sédation, pour améliorer
les suites opératoires et l’analgésie post-opératoire [6] [7] [8]. Pour Elisabeth Faymonville,
« l’hypnose place le patient dans un état de conscience intermédiaire, entre veille et sommeil,
provoqué par la stimulation verbale. C'est un état d'extrême concentration auquel chacun peut accéder,
à condition d'être consentant et motivé ». Par cette formulation le Pr Faymonville insiste sur le fait que
c’est le processus hypnotique qui produit un effet et non le professionnel qui conduit l’hypnose. Ce qui
implique que l’hypnose est un processus naturel propre à chacun. Les neurosciences nous ont donné
un accès aux circuits neuronaux des processus psychiques, et Pierre Rainville et son équipe ont montré
grâce à l’imagerie cérébrale fonctionnelle, la réponse corticale aux suggestions hypnotiques [9], ainsi
que les modulations de la perception de la douleur sous hypnose [10]. L’hypnose modifie les zones
cérébrales activées par la douleur et leurs connections aux zones impliquées dans les pensées, les
émotions, la mémorisation, le stress, ce qu’on appelle le réseau de la pain matrix, en diminuant
l’ampleur de l’impact du stimulus algogène.
Les applications concrètes de l’hypnose dans le domaine de l’analgésie sont aujourd’hui nombreuses
tant dans le domaine des douleurs iatrogènes que dans celui des douleurs chroniques.
Selon la division de l’American Psychological Association, qui étudie plus précisément l’hypnose, the
Society of Psychological Hypnosis, l’hypnose se définit comme « A state of consciousness involving
focused attention and reduced peripheral awareness characterized by an enhanced capacity for
response to suggestion ». Cet état de conscience obtenu grâce à la focalisation de l’attention,
caractérisé par une capacité accrue du sujet pour répondre aux suggestions, peut être utilisé à visée
psychothérapeutique mais également en analgésie. On parle alors d’hypno-analgésie. Les suggestions
proposées dans ce cadre tendent à éloigner, à transformer et à réduire les sensations douloureuses tout
en modifiant l’expérience émotionnelle associée à la douleur.
Des preuves d’efficacité antalgique pour l’hypnose
On retrouve une littérature relativement récente sur le thème de l’hypno-analgésie, en particulier chez
l’enfant. L’occurrence dans Pubmed des articles sur le thème avec les mots « hypnosis and pain » est
de 1631 références, en jouxtant la notion de « medical » à celles d’« hypnosis and pain » l’occurrence
tombe à 315 articles. Les différences entre « medical hypnosis » et « hypnosis » ne sont pas très
claires. Il semble que les auteurs utilisent indifféremment les deux terminologies pour désigner de
manière générale l’hypnose dans un cadre médical, même si cela n’est pas spécifié dans l’intitulé.
Lorsqu’on ajoute le mot « child ou children » à la recherche, cette occurrence tombe à 221. En ce qui
concerne les études qui portent sur l’hypnose pour réduire la douleur provoquée par les procédures en
pédiatrie (hypnosis and procedural pain and children) on ne retrouve plus que 17 occurrences. Par
ailleurs une synthèse récente sur la même thématique chez l’adulte retrouve 34 essais contrôlés
incluant 2597 patients [11].
Plusieurs synthèses ou méta-analyses récentes sont disponibles. Accardi en 2009[12] retrouve 10
essais randomisés contrôlés sur l’effet de l’hypnose sur la douleur des soins chez l’enfant, incluant 393
enfants, subissant majoritairement ponctions lombaires ou médullaires, et conclut que l’hypnose est
équivalente ou supérieure à la distraction pour diminuer la douleur, mais les méthodologies très
variables ne permettent pas d’arriver à une conclusion suffisamment étayée.
La méta-analyse de la Cochrane Collaboration publiée en octobre 2013 par Uman et al [13] (mise à
jour des versions de 2006 et 2008) concernant les interventions psychologiques utilisées pour réduire
la douleur et de la détresse chez les enfants et les adolescents lors des piqûres, apporte des éléments de
preuve intéressants en particulier en ce qui concerne la distraction et l’hypno-analgésie. Cette revue de
la littérature a inclus 39 essais de qualité méthodologique suffisante, ce qui représente 3394
participants (tout en excluant 128 études de qualité insuffisante). Les gestes le plus étudiés dans les
essais contrôlés étaient la ponction veineuse (13 études), la pose de voie veineuse (7 études), la
vaccination (6 études), la ponction lombaire (5 études), le myélogramme (2 études). Les études
incluaient des enfants âgés de 2 à 19 ans, avec le plus de preuves disponibles pour les enfants de moins
de 12 ans. Les « interventions psychologiques » les plus étudiées pour les injections étaient la
distraction (19 études), l'hypnose (7 études) et les thérapies cognitivo-comportementales. Les auteurs
concluent qu’il existe globalement des preuves solides de l'efficacité de la distraction et de l'hypnose
pour la douleur et la détresse liée aux injections chez les enfants et les adolescents, avec un effect size
plus important avec l’hypnose ; par contre aucune preuve n’est actuellement solidement acquise sur
l’effet antalgique de la préparation et de l'information. Les auteurs notent qu’il persiste un défaut
d’études méthodologiquement fiables pour évaluer les interventions psychologiques pour prévenir la
douleur et la détresse liées aux injections.
La cancérologie pédiatrique est le secteur qui a fait l’objet de nombreuses d’études d’évaluation de
l’efficacité de ces techniques. L’équipe anglaise de Liossi a comparé l’utilisation de l’hypno-analgésie
versus prise en soins courante ou simple attention (avec crème anesthésiante EMLA® pour tous) pour
les ponctions veineuses chez l’enfant atteint de cancer : les résultats montrent une supériorité sur
l’anxiété et sur la douleur et sur la détresse comportementale dans le groupe associant l’hypnose à la
crème anesthésiante [14]. Cette équipe avait déjà dans des études précédentes, mis en évidence
l’avantage d’associer l’hypnose à la crème anesthésiante lors des ponctions lombaires (réduction
supplémentaire de l’anxiété, de la douleur et de la détresse comportementale), [15] [16] et montré la
supériorité de l’hypnose sur des techniques cognitivo-comportementales lors des myélogrammes [17].
Landier et al en 2010 [18] dans leur revue de la littérature concernant les méthodes alternatives pour
réduire la douleur et l’anxiété de l’enfant en oncologie, ont retenu 30 articles (dont 20 avec
méthodologie suffisante pour accorder un niveau de preuve correct), qui mettent en évidence
l’efficacité des méthodes de distraction, de distraction associée à l’imagerie mentale, et d’hypnose,
seules ou associées à un traitement pharmacologique, pour réduire douleur, anxiété et détresse
provoquées par les soins, avec une supériorité de l’hypnose dans les deux essais comparatifs. ToméPires et al en 2012 ont analysé dans une synthèse l’intérêt de l’hypnose pour réduire la douleur
chronique et la douleur liée aux soins chez les enfants soignés en oncologie pédiatrique ; ils ont retenu
10 études randomisées qui montrent l’efficacité de l’hypnose lors des soins, mais déplorent le niveau
de preuve souvent insuffisant de ces études [19]. En effet, en raison de la nature même de la technique,
celle-ci ne peut être étudiée en double aveugle mais doit être comparée en ouvert soit à la distraction
soit à la réalisation en soins courants ou à d’autres méthodes. Cependant Hunt et al en 2010 [20]
signalent que les études se rapportant à l’utilisation de l’hypnose sont de meilleure qualité
méthodologique
que
celles
réalisées
pour
les
autres
méthodes
non
pharmacologiques
complémentaires.
Le nombre d’études dans le domaine de l’évaluation de l’hypno-analgésie lors des procédures en
pédiatrie va sans doute s’étoffer dans les années à venir compte tenu du développement de cette
méthode dans de nombreux services de pédiatrie. Il n’est pas étonnant que la pédiatrie se soit saisie
des techniques d’hypno-analgésie car les soins entraînent anxiété et douleur auxquelles l’enfant est
particulièrement sensible, et c’est justement sur ces deux aspects que l’hypnose agit. Des travaux se
poursuivent d’ailleurs pour améliorer l’évaluation de l’anxiété de l’enfant lors des procédures [21] :
dans cette étude menée par une des spécialistes australiennes de la douleur liée aux gestes de soins
chez l’enfant, il est clairement démontré qu’il est impossible de séparer douleur et autres causes de
détresse avec les outils de mesure comportementaux qui ont été mis au point pour mesurer la douleur,
comme le score FLACC : chez les jeunes enfants entre 6 mois et 4 ans, les scores montent dès les
préparatifs et la contention. Ainsi, de même qu’il est indispensable d’évaluer, de prévenir la douleur de
l’enfant, il est incontournable aujourd’hui de reconnaître et de prévenir ou traiter l’anxiété liée aux
soins : ce sont tous les facteurs de détresse qui doivent être prévenus ou traités, c’est pourquoi
information, préparation, installation, confort, dans un contexte de bienveillance, d’attention à ce que
vit l’enfant, sont aussi indispensables que les mesures antalgiques, pharmacologiques ou non, dont
elles vont d’ailleurs conditionner le succès. Duff et al soulignent qu’ « il est temps de suivre des
recommandations pour réduire la détresse des enfants pendant les soins »[22].
Place de l’hypno-analgésie pour les soins en pédiatrie
L’hypnose aide l’enfant à ne pas être débordé par la douleur, par la peur pendant le soin, cependant il
demeure impératif de vérifier l’adéquation du traitement antalgique à l’intensité de la douleur. La
complémentarité des moyens est désormais un standard : ainsi l’hypno analgésie est recommandée en
association avec l’administration d’antalgiques [23]. Les traitements doivent être systématiques et
adaptés à l’intensité de la douleur déclenchée par le geste : préparation, information, organisation sont
indispensables ; l’analgésie est prévue : crème anesthésiante, MEOPA, prémédication morphinique
et/ou anxiolytique, selon le soin et selon l’enfant. Plusieurs recommandations à la fois très bien
étayées et très pratiques ont été publiées récemment par des auteurs qui ont travaillé sur ce sujet,
Alistair Duff [22], Amy Baxter [24], et Grace Lee [25].
Pourtant malgré une analgésie appropriée certains soins restent douloureux et difficiles à vivre pour
l’enfant. La perception de la douleur n‘est pas un simple phénomène sensoriel, les composantes
cognitives et émotionnelles interviennent pour en moduler la perception. La capacité de mettre à
distance, de « relativiser » la douleur n’est pas à la portée du jeune enfant. Il est incapable de donner
un sens au soin ou à l’examen. C’est là qu’intervient la plus-value d’une méthode telle que l’hypnoanalgésie. Il s’agit donc de découvrir avec lui d’autres moyens de faire face, de développer de
nouvelles stratégies inhibitrices de la douleur. Car si l’enfant est effectivement vulnérable face à la
douleur, il dispose aussi d’un pouvoir imaginaire riche et précieux, qui lui permet de s’évader
quasiment naturellement d’une situation pénible. La réalité du soin est ainsi modifiée, l’enfant y prend
une place active. Il sort d’une expérience désagréable pour vivre paradoxalement un moment de
détente et d’évasion. Les méthodes dites « psycho-corporelles » (relaxation, sophrologie, hypnose)
interviennent dans ce cadre et notamment l’hypnose pour renforcer cette évasion.
En pratique, il arrive souvent que l’enfant se focalise sur la douleur sans parvenir à s’y soustraire. La
douleur et la peur envahissent tout son espace psychique sans laisser de place à ses propres ressources.
Cette « hypnose négative » est entièrement focalisée sur le problème. L’hypno analgésie vise à
inverser ce phénomène en proposant à l’enfant de défocaliser son attention ailleurs.
L’hypnose est aussi un outil de communication, une manière particulière de rentrer en relation. Cela
exige une disponibilité majeure du soignant pour le patient. La personne qui propose
l’accompagnement en hypno-analgésie doit aller à la rencontre de l’enfant, rejoindre son univers en
s’appuyant sur les préférences, les goûts les passions de l’enfant. Les parents sont de précieux
partenaires et livrent souvent sur l’enfant des renseignements et des informations qui aideront à rentrer
plus facilement en relation. Petit à petit une sorte de bulle relationnelle se crée autour de l’enfant et du
soignant. Cette attention particulière n’est d’ailleurs pas spécifique à l’hypno-analgésie car de
nombreux soignants ont ce talent relationnel et déploient au quotidien des capacités « hypnotiques »
sans le savoir… Néanmoins une formation en hypno-analgésie permet au soignant d’utiliser des
techniques avec une plus grande efficacité.
Le processus d’hypno-analgésie
Il est complexe de décrire l’hypno-analgésie de façon chronologique ou hiérarchisée tant le mode
opératoire varie en fonction de l’enfant, de ses préférences, du contexte. L’entrée en relation se fait le
plus souvent sur un mode conversationnel. Tranquillement, avec un ton de voix un peu plus bas, on
cherche à faire connaissance, à connaître des détails de la vie de l’enfant : son sport, ses passions, son
animal familier… Il est toujours préférable de questionner l’enfant de manière ouverte : « Qu’est-ce
que tu aimes, toi ? » plutôt que de réciter une liste fastidieuse d’activités… Ces précieuses
informations étayeront les suggestions du soignant durant l’hypno-analgésie.
On explique à l’enfant qu’il lui arrive peut-être d’avoir la tête ailleurs. Comme par exemple lorsqu’il
est bien assis sur sa chaise, dans la classe, à l’école, le professeur parle et pourtant il pense à autre
chose. C’est donc possible d’être ici et ailleurs en même temps…
Ces techniques exploitent cette capacité naturelle de rêverie, pour s’évader sur commande, « comme si
on apprenait à envoyer, à chaque fois que c’est utile, sa tête en vacances ». L’attention de l’enfant est
captée en lui proposant de regarder, de sentir ou d’entendre quelque chose en particulier. Il s’agit
d’induire l’état d’hypnose, pour cela on sature son attention de suggestions sensorielles. Les
propositions balaient les cinq sens : la vue, l’odorat, le toucher, le goût, l’audition et font concurrence
aux perceptions habituelles. Ce procédé entraîne une sorte de confusion qui inaugure une dissociation
propre à l’état hypnotique. La dissociation (entre la perception sensorielle et l’émotion désagréable)
est particulièrement recherchée en hypno analgésie. Par ailleurs la perception de la douleur elle-même
peut être travaillée et modifiée. Une fois que l’enfant est installé dans un état d’hypnose, c’est-à-dire
que son attention est dissociée du soin, qu’il est parti se promener dans un endroit imaginaire, où il se
sent protégé et à l’abri, alors on lui suggère d’endormir la partie de son corps concernée par le soin. On
propose par exemple d’imaginer qu’il étale une crème anesthésiante, ou encore de couper
l’interrupteur de la douleur ou d’éloigner pour un moment la partie du corps qui est gênante.
Quelle que soit la situation, chaque geste, chaque étape du soin est intégrée à la séance. La fraîcheur de
la compresse que l’on passe sur la plaie devient la langue du petit chien qui vient jouer avec l’enfant,
la pose d’un pansement se transforme en une séance d’essayage… Par moment l’état hypnotique
oscille et il est fréquent que l’enfant reprenne contact avec la réalité du lieu et de la situation ; on peut
alors lui proposer de laisser les soignants faire ce qu’ils ont à faire et reprendre le cours de la
promenade imaginaire… Là encore la saturation de suggestions sensorielles fait concurrence aux
perceptions désagréables en suggérant des émotions agréables.
Un des aspects primordiaux de l’hypno-analgésie est de se centrer sur l’enfant, de partir de là où il se
trouve, c'est-à-dire d’accompagner ce qu’il ressent, et de « broder » les suggestions à partir de ce qu’il
nous dit, de ses réactions, de ses envies.
Cela implique de respecter son rythme, de faire des pauses, et surtout de se coordonner avec le
soignant qui fait le soin. La connaissance des soins est donc un atout pour accompagner l’enfant avec
l’hypnose. Cela optimise la coordination et la pertinence des suggestions. La prise en charge des
enfants phobiques des soins illustre bien la valeur de cette interdisciplinarité.
Vignette clinique
On doit effectuer une ablation de redon chez le petit Hugo, âgé de 6 ans. Il a une passion pour les
avions. L’infirmière propose à Hugo de faire comme s’il pilotait un avion. Elle l’invite à se concentrer
sur sa respiration. Hugo respire le MEOPA. Le masque d’inhalation de MEOPA est comparé au
masque d’un pilote d’avion. Il est à la place du pilote, il s’installe confortablement. Son attention est
alors dirigée sur les multiples boutons nécessaires au décollage. Hugo doit actionner tous ces boutons
au fur et à mesure du déroulement du soin. Plus le soin devient technique plus l’attention d’Hugo est
saturée avec des suggestions : appuyer sur les boutons, regarder les voyants, tirer sur le manche,
ainsi l’attention du jeune garçon est totalement détournée du soin.
Le Gant magique
Leora Kutner, psychologue américaine très impliquée dans l’usage de l’hypno-analgésie en pédiatrie,
décrit une technique efficace d’hypno-analgésie pour la douleur des soins. Il s’agit du magic glove
[26] http://www.youtube.com/watch?v=cyApK8Z_SQQ
On propose à l’enfant de visualiser un gant, de la couleur et de la forme de sa préférence. On lui
propose ensuite d’enfiler ce gant sur la main qu’il préfère. On accentue la suggestion en mimant sur
la main le mouvement du gant qui glisse sur les doigts, tout en marquant la délimitation au niveau du
poignet. Les suggestions de lourdeur, d’engourdissement, etc, sont proposées à l’enfant et renforcent
l’image de protection et d’anesthésie. Un test au tact est alors réalisé du côté de la main non gantée
puis sur la main où est installé le gant.
Cet exercice peut être réalisé avant une ponction veineuse ou autre piqûre.
La question de la reproductibilité de cette méthode peut se poser à plusieurs niveaux :
Elle nécessite beaucoup d’énergie et un engagement personnel de la part des soignants.
En cas de soins répétés, il faut privilégier l’autonomie de l’enfant en lui apprenant
l’autohypnose.
Les résistances parfois rencontrées face à l’aura négative de l’hypnose sont battues en brèche
par un travail de présentation concret de la réalité du déroulé des séances.
Conclusion
L’hypno-analgésie est donc efficace pour réduire peur et douleur lors des soins chez l’enfant.
Sa place est à situer au sein d’une prise en soin globale incluant les méthodes
pharmacologiques et non pharmacologiques, dans le cadre d’une relation avec l’enfant et sa
famille. Elle nécessite une formation et un investissement particulier du soignant.
L’hypno-analgésie ne pose pas seulement des questions d’équipement ou de formation. Il
s’agit d’un choix professionnel, d’une volonté d’équipe : celle de transformer une expérience
de soin en moment d’évasion. Cette stratégie s’appuie aussi sur la compétence de l’enfant à
devenir acteur pendant le soin, à utiliser ses propres ressources pour faire face à une situation
douloureuse.
Cette démarche potentialise les effets des médicaments et prévient la survenue de la phobie
des soins, cependant elle présente également des limites. Il arrive que malgré l’hypnose
associée aux antalgiques le soin s’avère trop douloureux. Dans ce cas le soin doit être
suspendu et les stratégies modifiées. Prendre soin de l’enfant implique une adaptation
constante aux particularités de chacun.
Il s’agit donc d’un élément qui participe à une éthique du soin en pédiatrie. Ces méthodes
transforment la communication avec l’enfant et introduisent un changement dans
l’organisation des soins en pédiatrie. L’usage de l’hypnose conduit à repenser globalement les
habitudes professionnelles. La pondération du nombre des gestes, la discussion des
indications, l’ajustement des moyens et l’individualisation de l’accompagnement participent à
l’amélioration des pratiques quotidiennes. L’hypnose s’intègre ainsi dans une conception
humaniste des soins en pédiatrie.
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Communications libres 1
Immunothérapie dans l’asthme de l’enfant
J JUST
Centre de l’Asthme et des Allergies, Hôpital d’Enfants Armand Trousseau, 26, Avenue du Dr.
Arnold Netter, 75571 Paris Cedex 12 – Université Pierre et Marie Curie, Paris 06, France et
Epidemiology of Allergic and Respiratory diseases (EPAR) Department, UMR-S 707
INSERM & UPMC, Paris 6, France
Introduction
Dans les pays industrialisés, la prévalence des maladies allergiques s’est
considérablement accrue au cours des 20 dernières années. Les facteurs
responsables de cette augmentation (théorie hygiéniste, tabagisme passif, pollution
automobile...) restent encore incomplètement élucidés.
Pour lutter contre la composante allergique, les moyens dont on dispose sont
l’éviction des allergènes et l’immunothérapie allergénique spécifique (ITA), qui reste
le seul traitement spécifique de l’allergie respiratoire.
L’ITA consiste à administrer des doses croissantes d’allergène pour entraîner une
tolérance clinique vis-à-vis de ces allergènes responsables de manifestations
allergiques cliniques. L’introduction précoce d’un traitement spécifique de l’allergie
respiratoire par l’ITA pourrait modifier l’histoire naturelle de l’allergie chez l’enfant.
1. Mécanisme d’action de l’ITA
Actuellement, l’inflammation bronchique est considérée comme une constante de la
physiopathologie de l’asthme. Cette inflammation a une composante allergique chez
plus de 80 % des enfants asthmatiques d’âge scolaire. L’intérêt de l’ITA réside dans
une inhibition immunologique spécifique de la réponse inflammatoire1.
L’ITA induirait une réponse anticorps spécifique dirigée contre allergène de type IgG,
qui bloquerait la réponse allergique. Cependant il y a peu de corrélation entre
l’augmentation des IgG et l’efficacité clinique de l’ITA. La réponse T cellulaire
spécifique de l’antigène est modifiée également par l’ITA. Ainsi dans la peau et dans
le nez, après un test de provocation allergénique, l’ITA induit une réduction des
populations T cellulaires de type Th2, et du recrutement des éosinophiles. En
prenant en considération l’ensemble de ces données, l’ITA aurait un effet modulateur
de la réponse T cellulaire spécifique à allergène. Des études récentes ont montré
des changements immunologiques dans le tissu local, avec un nombre élevé de
cellules T FoxP3, CD4+ CD25 + inductrice d'IL-10 + et TGF- b dans les muqueuses
nasales. Cette augmentation des cellules T régulatrices au sein de l'organe cible
s’accompagne d’une amélioration clinique du fait des réactions allergiques
inflammatoires réduites. Ainsi, l’ITA entraînerait une modulation de la réponse
lymphocytaire vers une réponse normale et représenterait une approche
thérapeutique plus rationnelle que les traitements anti-inflammatoires (tels que les
corticoïdes) qui inhibent la production des cytokines dérivant des Th2 de façon
suspensive et non pérenne.
2. les indications de l’ITA
L’indication de l’ITA par voie injectable dans les allergies respiratoires de l’enfant doit
prendre en considération : • la sévérité et l’ancienneté de la maladie ; • les besoins et
les effets secondaires des traitements médicamenteux ; • le nombre et le type de
sensibilisations allergéniques (IgE médiées) ; • le rôle des allergènes dans le
déclenchement des symptômes ; • l’attitude de l’enfant et de sa famille vis-à-vis de
l’adhésion à un traitement contraignant et de longue durée. On peut ainsi dégager
une indication consensuelle qui représente un traitement spécifique de l’allergie
respiratoire. Il s’agit de la rhinite allergique (RA) de gravité moyenne à sévère et/ou
de l’asthme de gravité légère à moyenne, donc déjà invalidante, nécessitant un
traitement préventif médicamenteux continu ; principalement secondaire à une
monosensibilisation par un allergène perannuel (comme les acariens de la poussière
de maison) et/ou saisonnier mais invalidant (tel que les pollens de graminées). Dans
cette indication, une réduction des traitements médicamenteux est une perspective
réaliste.
Les voies d’administration de l’ITA
L'immunothérapie sous-cutanée (SCIT)
Une récente revue systématique Cochrane a portée sur l'efficacité de la SCIT dans la
RA 2. Sur 1111 études identifiées, 51 études répondaient aux critères d'inclusion, ce
qui représente un total de 2871 participants (1645 avec le principe actif et 1226 avec
le placebo). L'efficacité de la SCIT chez les patients atteints de RA a été démontrée
par une réduction significative de l'ensemble des scores (de symptômes, de
médicaments et de qualité de vie).
Une méta-analyse Cochrane a évalué l’efficacité de la SCIT dans l’asthme
allergique3. Quatre-vingt huit essais cliniques remplissaient les critères d'inclusion
avec un total de 3 792 patients impliqués. Il y avait une amélioration significative des
scores de symptômes d’asthme et une réduction significative des médicaments. Les
résultats sur la fonction pulmonaire étaient hétérogènes, bien que globalement il y
avait une tendance à l'amélioration, avec principalement une amélioration dans
l'hyperréactivité bronchique non spécifique (HRB) (SMD -0.35 , IC à 95 % -0,59 à 0,11). La SCIT améliore également considérablement l’HRB à l’allergène, ce qui est
cliniquement pertinent, puisque les patients atteints d'asthme allergique sont à risque
de dégradation soudaine lorsqu'ils sont exposés à des niveaux accrus
d'aéroallergènes auxquels ils sont sensibles. Une étude4 a évalué les effets de la
SCIT comme un traitement additif au traitement pharmacologique et à l'éviction
allergénique, chez les patients souffrant d'asthme et de l'allergie à acariens légère à
modérée. Après trois années d’administration d’une SCIT vis-à-vis des acariens, il
existe une diminution significative du nombre de sujets nécessitant des
bronchodilatateurs de secours. Une autre étude a démontré un effet d’épargne des
corticoïdes inhalés chez les enfants après une SCIT aux acariens en comparaison au
traitement pharmacologique.
Effets indésirables de le SCIT. Toutes les préparations qui sont actuellement
disponibles (extrait standardisé, allergoïdes et allergène recombinant peuvent
déclencher des effets secondaires. Une méta-analyse Cochrane de SCIT pour les
patients asthmatiques5 a signalé des effets indésirables systémiques et locaux avec
un risque relatif global de 1,4 (IC 95 % 0,97 à 2,02) et de 2,45 (IC à 95 % 1,91 à
3,13) respectivement. Cette méta-analyse Cochrane montre 8 % de réactions
syndromiques de grade II et 7 % de réactions systémiques de grade III (selon la
classification de l'Académie européenne d'allergologie et d'immunologie clinique).
L’adrénaline a dû être donnée dans 0,13 % des injections. La prévalence des
réactions à risque létale dans cette méta-analyse a été de 1 à 1,0 millions d'injections
et des réactions fatales pour 1 à 2,5 millions d'injections. Les facteurs de risques
pour la réaction indésirable grave au cours de la SCIT ont été identifiés comme suit :
(1) Asthme coexistant, asthme mal contrôlé ; (2) Antécédents de réaction systémique
à l’ITA ; (3) Retard ou non utilisation de l'adrénaline dans le traitement de
l’anaphylaxie ; (4) Erreur de dosage et/ou réaction à la première dose d'un nouveau
flacon. Compte tenu de ces risques, au Royaume-Uni, la SCIT est interdite dans le
traitement de l'asthme. Cependant, lorsque la SCIT est effectuée en milieu spécialisé
par un personnel qualifié, avec une présence immédiate d'un médecin expérimenté,
la SCIT comporte un faible risque d'effets indésirables significatifs.
L'immunothérapie sublinguale (ITS)
Efficacité dans la rhinite et l'asthme. L’ITSL est administré tous les jours à la
différence de l’injection mensuelle de la SCIT à la phase de maintenance. Des
revues systématiques et des méta-analyses ont évalué l'efficacité de l'ITSL chez les
enfants atteints de RA. Penagos6 a évalué dix études regroupant quatre cent quatrevingt
quatre enfants et adolescents, avec une histoire de RA (avec ou sans l'asthme).
Les résultats ont montré une réduction significative des symptômes nasaux par
rapport au placebo. Une analyse en sous-groupe a montré une réduction de
l'importance dans les scores de symptômes pour les pollens (SMD, 0,53 , IC 95 % ,
0,94 à 0,12 , p = 0,01), mais pas pour les acariens (SMD , 0,76 , IC 95 % , 1,77 à
0,72 , p = 0,41). Une explication possible peut être en rapport avec la différence de
doses employées. En effet, dans une étude qui a impliqué une dose cumulée de 12
mg d'allergène majeur, l'efficacité clinique est apparue supérieure à celle des essais
qui employaient des doses plus faibles789. Dans une méta-analyse regroupant 7
études, Olaguibel et coll.10 ont montré une efficacité importante de l’ITSL (y compris
aux acariens) chez des enfants atteints d'allergie respiratoire. Toutefois, la petite
taille des populations étudiées et l'hétérogénéité élevée ne permet pas de
généraliser ces résultats. Les études plus récentes ont évalué l’efficacité de l’ITSL
non plus sous forme de solution mais sous forme de comprimés. Une étude réalisée
aux Etats-Unis11 a évalué l'efficacité et la sécurité des comprimés de pollens de
graminées contenant 15 mg Phlp5 chez 345 enfants et adolescents avec symptômes
de RA saisonnière, 90 % étaient polysensibilisés et un quart avait un asthme
associé. L’ITSL améliorait le score total combiné dans 26 % des cas par rapport au
placebo (p = 0,001). Ces résultats sont comparables à ceux rapportés par l’étude
européenne de l’ITSL aux pollens de graminées sous forme de comprimé, réalisée
dans la RA saisonnière chez des enfants12.
Compalati et coll.13 ont effectué une méta-analyse de l’ITSL aux acariens dans des
études réalisées chez des adultes et des enfants. Cette méta-analyse dans sa
globalité confirme l’efficacité de l’ITSL mais la grande hétérogénéité de sélection des
patients et de la méthodologie empêche, la encore, des conclusions définitives. De
même façon, Calamita et coll. 14 ont évalué 25 études randomisées et contrôlées sur
l’efficacité de l’ITSL dans l'asthme allergique chez des adultes et des enfants. Les
résultats ont montré une réduction significative du score de symptômes et de la
consommation de médicaments avec une amélioration significative de la fonction
respiratoire (FEV1 %, DEM25 - 75 % ). Encore une fois les auteurs soulignent
l’hétérogénéité des études. En 2008, Penagos et coll.15 ont rapporté une métaanalyse
sur l'efficacité de l’ITSL chez les enfants souffrant d'asthme avec des
résultats similaires. Il est important de noter que l’ITSL était aussi efficace dans la RA
saisonnière chez les patients multisensibilisés en comparaison aux patients
monosensibilisés et sans aggravation de l'asthme chez les patients asthmatiques16.
Au total, l'efficacité de l’ITSL dans l'allergie saisonnière chez les adultes et les
enfants est bien documentée, les données disponibles pour l’ITSL pour les
allergènes perannuelles et dans l'asthme sont moins fiables et manquent
particulièrement en pédiatrie. Tout cela, souligne la nécessité de réaliser de grandes
études avec ITSL vis-à-vis d’allergènes perannuelles, notamment dans l’asthme.
Tolérance de l'ITSL. L'un des avantages de l’ITSL par rapport à la SCIT est une plus
grande sécurité de cette voie d’administration, ce qui permet l'administration de ce
traitement au domicile des patients. De nombreux essais cliniques ont montré que
l’ITSL (en gouttes ou en comprimé) est bien tolérée chez les adultes et les enfants.
Entre 40 et 85 % des patients éprouvent des effets secondaires locaux, tels que de
légères démangeaisons et un oedème des lèvres. Ces symptômes se développent
rapidement en quelques minutes après l’administration du traitement et ne durent
que quelques minutes. De plus les symptômes s'installent habituellement
uniquement dans les 1 et 2 semaines après l’instauration du traitement17. Rares sont
les effets indésirables assez gênants pour aboutir à l'arrêt du traitement. Les autres
effets indésirables décrits sont gastro-intestinaux (nausées, douleurs abdominales),
respiratoire (rhino-conjonctivite, toux). Des réactions systémiques très rares ont été
signalées comme une urticaire, un oedème de Quincke, et de l'asthme. Dix cas
d’événement indésirable grave après administration de l’ITSL ont été rapportés dans
la littérature. Le plus souvent des facteurs de risque étaient retrouvés : comme de
l'asthme, une mauvaise tolérance d’une ITSC antérieure, l’utilisation non
recommandée d’un mélange d’allergènes, d’allergène comme le latex, un surdosage
d’allergène18 ou encore la survenue à la première dose d'administration d’un
comprimé d'allergène aux pollens de graminées pris sans surveillance au domicile
(ce qui n’est pas recommandé pour la première dose qui doit être prise sous
surveillance médicale). Les patients doivent donc être enseignés sur les modalités de
ce traitement avec des instructions spécifiques sur la façon de gérer les effets
indésirables et la façon de traiter les interruptions imprévues.
3. L’effet « modificateur de l‘histoire naturelle de la maladie » de l’ITA
Des études mettent en évidence que l’ITA serait non seulement un mode
thérapeutique efficace mais aussi pourrait modifier l’histoire naturelle de l’allergie
respiratoire et induire une rémission prolongée. Dans une étude réalisée avec une
ITS aux acariens chez des enfants, une durée de 3 ans de traitement, mais pas de 1
ou 2 ans, entraînait une rémission prolongée à l'arrêt du traitement19. Plus
récemment des études réalisées chez des adultes souffrant de RA saisonnière
modérée à sévère montrent de même que 3 ans avec ITSL en comprimés aux
graminées réduit les scores symptômes et médicamenteux de 25 % à 36 % par
rapport au placebo durant les 3 ans de traitement mais aussi les 2 ans suivant l’arrêt
du traitement20.
Bien que les études manquent de robustesse, des preuves s'accumulent également
sur le fait que l’ITA pourrait de plus : - réduire le risque de progression de la maladie
de la RA à l'asthme - et réduire l'apparition de nouvelles sensibilisations.
En effet, les patients souffrant de RA peuvent développer un asthme. Il a été suggéré
que l’ITA pourrait modifier l’histoire naturelle de l’allergie en empêchant l’apparition
de l’asthme chez des sujets prédisposés.
En se basant sur cette hypothèse, une étude majeure multicentrique (Preventive
Allergy Treatment [PAT]-study) a été réalisée chez 205 enfants âgés de 6 à 14 ans21.
Cette cohorte d’enfants présentait une RA saisonnière liée aux pollens de bouleau
et/ou de graminées. Dans le groupe traité par une SCIT par rapport au groupe
contrôle non désensibilisé, il existe : une diminution des symptômes conjonctivaux
durant les 3 ans du traitement ; une diminution de la RA à partir de 2 années de
traitement ; une amélioration de la réactivité bronchique non spécifique durant la
saison pollinique et de façon perannuelle dès la première et après la deuxième
année de traitement respectivement ; et surtout, chez les 151 enfants non
asthmatiques à l’inclusion, une réduction très significative du risque de développer
un asthme (odds ratio : 2,5 ; p < 0,05). Le même groupe montre que cet effet persiste
12 ans après l’arrêt du traitement22.
Une étude prospective23 a été réalisée chez 60 enfants atteints de RA et/ou d’asthme
secondaire à une allergie aux acariens dont 35 recevaient une ITSL durant 4 à 5 ans.
Le groupe traité par ITSL présente, 5 ans après la fin du traitement, moins d’asthme
(p < 0,001) par rapport à la prévalence de l’asthme à l’inclusion, alors qu’aucune
différence n’est retrouvée dans le groupe contrôle.
De nombreuses études longitudinales montrent que la sensibilisation allergénique
s’accroît au cours de l’enfance. Des études longitudinales ont eu pour objectif
d’apprécier le rôle que pourrait avoir l’ITSC dans la prévention de nouvelles
sensibilisations allergéniques chez des enfants monosensibilisés.
Une étude24 a été menée chez 44 enfants monosensibilisés aux acariens répartis
pour moitié en deux groupes : un groupe recevant une ITSC aux acariens, un groupe
contrôle non désensibilisé. Dix des 22 enfants traités par ITSC sont restés
monosensibilisés après 3 ans de traitement, alors qu’aucun des 22 enfants du
groupe non traité n’est resté monosensibilisé.
L’étude de Pajno et coll.25 confirme cet effet préventif de l’ITSC sur le développement
de nouvelles sensibilisations. Dans cette étude, une cohorte de 134 enfants âgés de
5 à 8 ans, et présentant un asthme intermittent et une monosensibilisation aux
acariens, sont inclus. Soixante-quinze d’entre eux reçoivent une ITSC durant 3 ans,
et tous sont suivis pendant 6 ans. Les auteurs constatent que l’apparition de
nouvelles sensibilisations est significativement moindre dans le groupe d’enfants
recevant une ITSC par rapport au groupe témoin non désensibilisé (24,6 % contre
66,7 % d’apparition de sensibilisations aux pollens de pariétaire et d’olivier dans le
suivi).
Une autre étude rétrospective26 réalisée chez 8 396 patients âgés de 14 ans ou plus
présentant une rhinite et/ou un asthme modéré monosensibilisé aux acariens ou à un
pollen (herbacées, arbres ou graminées), montre qu’une ITSC poursuivie pendant 4
ans (réalisée chez 7 182 enfants) réduit significativement le risque de
polysensibilisation ultérieure par rapport au groupe non désensibilisé (23,75 % contre
68,03 % à 4 ans et 26,95 % contre 76,77 % à 7 ans [p < 0,0001]).
4. Conclusion
L’ITA, en modifiant la réponse Th1/Th2 vis-à-vis des allergènes, est un traitement
efficace de l’allergie respiratoire. Cependant il faut poursuivre de larges études
randomisées en double aveugle contre placebo pour déterminer des bonnes
pratiques concernant (1) les bons répondeurs à l’ITA, (2) les dose adéquates
d’allergènes à administrer, (3) l’effet sur la modification de l’histoire naturelle de
l’allergie respiratoire notamment sur le passage de la RA à l’asthme avec ITSL.
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EPIDEMIOLOGIE DU SYNDROME NEPHROTIQUE
EN REGION FRANCILIENNE ENTRE 2007 ET 2013
par
C.Dossier, N.Lapidus, G.Deschênes
Claire Dossier
Service de Néphrologie Pédiatrique, Hôpital Robert-Debré, 48 Bd Serrurier, 75019 Paris
[email protected]
Introduction
Le Syndrome Néphrotique Idiopathique, ou « néphrose », est une maladie universelle et la
glomérulopathie acquise la plus fréquente chez l’enfant. Il est la cause de plus de 90 % des syndromes
néphrotiques de l’enfant entre 1 et 10 ans, et plus de 50 % après l’âge de 10 ans. Dans sa forme
corticosensible, il s’agit d’une maladie rénale acquise, avec un début aigu et une évolution
imprévisible souvent prolongée, par poussées, sur plusieurs années avant une guérison définitive.
Dans la littérature, peu de données épidémiologiques sont disponibles. Plusieurs études
rétrospectives, menées à l’échelle d’une ville ou d’une région, ont estimé l’incidence annuelle à 2-3,4
nouveaux cas pour 100 000 enfants et la prévalence à 16 cas pour 100 000 enfants. Les principaux
résultats de ces études sont résumés dans 2 revues de la littérature : [1] et [2]. Seulement trois études
prospectives, en population, à l’échelle d’un pays, ont été publiées. Elles rapportent une incidence
annuelle de 1,15 cas pour 100 000 enfants en Australie, 1,9 en Nouvelle-Zélande [3] et 1.5 aux PaysBas [2]. En France, plusieurs centres de néphrologie pédiatrique ont mesuré l’incidence dans leur
région et ont retrouvé des résultats comparables avec une incidence annuelle entre 1,7 et 3,4 pour 100
000 enfants.
Enfin, à la différence d’autres pathologies pédiatriques impliquant le système
immunitaire et l’interaction hôte-environnement, l’incidence du syndrome néphrotique
idiopathique apparaît stable au cours des dernières décennies [4].
Cohorte Nephrovir
Les résultats présentés ici sont ceux établis à partir de la cohorte prospective
NEPHROVIR. NEPHROVIR est une étude multicentrique, menée sur toute l’Ile-de-France
avec la participation des 35 services de Pédiatrie Générale et des 3 services de Néphrologie
Pédiatrique franciliens, et qui a cherché à inclure tous les enfants âgés de 6 mois à 15 ans,
résidant en Ile-de-France et qui ont présenté une première poussée de syndrome néphrotique
entre décembre 2007 et juin 2010. C’est une étude cas-témoin qui cherchait à répondre à la
question du lien entre infection virale et première poussée de syndrome néphrotique.
NEPHROVIR a permis de constituer une cohorte, exhaustive, en population d’enfants
nouvellement diagnostiqués avec un syndrome néphrotique sur une période de 30 mois
consécutifs. Cette cohorte se distingue des autres rapportées dans la littérature par son effectif,
sa grande homogénéité dans le temps, l’espace et dans le protocole de traitement[5]. Elle a
fait le lit de nouvelles questions de recherche et de l’étude NEPHROVIR 2 qui cherche à
identifier les facteurs de risque cliniques, virologiques, et épidémiologiques de
corticodépendance à 2 ans d’évolution, à partir d’une cohorte constituée sur 6 années
consécutives (2007-2013). L’analyse de la cohorte NEPHROVIR et des résultats
préliminaires de NEPHROVIR 2 apporte des données actualisées sur les caractéristiques au
diagnostic et le mode évolutif du syndrome néphrotique de l’enfant, mais surtout des données
épidémiologiques, temporelles et géographiques, tout à fait originales.
Incidence du Syndrome néphrotique idiopathique
Sur la période 2007-2010, 186 nouveaux cas de syndrome néphrotique ont été
diagnostiqués chez les enfants franciliens âgés de 6 mois à 15 ans. Une cause génétique était
retrouvée chez 2 enfants. Le diagnostic de syndrome néphrotique idiopathique a été retenu
chez 184 enfants, soit un calcul d’incidence annuelle à 3,25 nouveaux cas pour 100 000
enfants de moins de 16 ans. Cette incidence est légèrement plus élevée que celles rapportées
dans les autres cohortes prospectives. Ceci peut être expliquée en partie par le caractère
essentiellement urbain et semi-urbain de la région francilienne, en effet il est admis que
l’incidence est plus élevée dans les centres urbains comparée aux zones rurales [6] et
inversement corrélée au niveau socio-économique [7]. Cette incidence plus élevée est aussi
peut être en rapport avec des caractéristiques épidémiologiques propres à la région Ile-deFrance, que nous aborderons plus loin dans le texte.
Caractéristiques cliniques
Les données démographiques et cliniques au diagnostic sont comparables aux données
historiques et séries récentes[8]. L’âge médian au diagnostic du syndrome néphrotique est à
4,1, le sexe ratio est à 1,7 garçons pour 1 fille, plus précisément 2 garçons pour 1 fille avant
l’âge de 10 ans, puis s’inverse après 10 ans avec 2 fois plus de filles que de garçons. Un
épisode infectieux dans le mois précédent est retrouvé à l’interrogatoire chez 40 % des
enfants. Au diagnostic, un tiers des patients ont une hématurie microscopique, 15 % ont une
hypertension artérielle, et moins de 3 % ont une insuffisance rénale aiguë.
La réponse au traitement corticoïde conditionne le pronostic de cette maladie. En effet,
en cas de syndrome néphrotique corticorésistant (10 % des patients), le risque est l’évolution
vers l’insuffisance rénale terminale, avec 50 % de survie rénale à 10 ans, et la récidive du
syndrome néphrotique après transplantation rénale dans 30 % des cas [9]. En cas de syndrome
néphrotique corticosensible (plus de 90 % des patients), le pronostic rénal est bon dans
l’immense majorité des cas. L’évolution est cependant imprévisible, souvent prolongée avec
la survenue de rechutes sur plusieurs mois ou années, parfois jusqu’à l’âge adulte [10]. La
morbidité est dans ce cas liée à l’évolution prolongée, aux complications du syndrome
néphrotique et des traitements immunosuppresseurs requis.
Dans NEPHROVIR, le syndrome néphrotique est corticosensible chez 92 % des
patients, avec un délai médian de mise en rémission de 9 jours. 5 % des patients
corticosensibles ont nécessité des bolus de methylprednisolone pour obtenir la rémission.
L’évolution est ensuite marquée par la survenue d’une ou plusieurs rechutes dans la grande
majorité des cas, en effet seul 1 malade sur 5 a présenté une poussée unique après un suivi
médian de 3 ans. Autrement dit, 80 % des patients corticosensibles rechutent, et ceci malgré
un traitement bien conduit. Parmi les rechuteurs, plus de 50 % sont dépendants d’une
corticothérapie au long cours pour maintenir la rémission.
Epidémiologie temporelle et spatiale, et « cas groupés »
L’incidence mensuelle du syndrome néphrotique en Ile-de-France est variable entre 1
et 14 nouveaux-cas, sans périodicité saisonnière évidente, comme cela avait pu être rapporté
par une équipe Japonaise[11]. L’analyse de la survenue des cas par centre a permis de repérer
des « clusters » dans le temps. L’analyse a été affinée en géolocalisant les patients à partir de
leur adresse. Cette géolocalisation des cas a montré l’existence de cas groupés dans le temps
et l’espace, ainsi qu’une vague d’Est en Ouest dans la survenue des cas sur la période d’étude,
suggérant une évolution sur un mode épidémique impliquant un facteur environnemental.
Nous avons constaté par ailleurs que la moitié des patients de la cohorte (87/184) résidaient
dans une zone géographique limitée, au Nord-Est de Paris, en forme de « croissant »
s’étendant de la frontière du 94 à l’Est, sur le 93 au Nord et jusqu’à la limite des départements
92 et 95 à l’Ouest. Dans cette zone, l’incidence est à 4,5 nouveaux cas/100 000/an. Dans le
reste de l’Ile-de-France, l’incidence est à 2,6 nouveaux cas/100 000/an, c’est à dire
comparable aux incidences rapportées dans les autres études [2]. L’analyse temporelle au
niveau du « croissant » a retrouvé une périodicité saisonnière, hivernale, sans que ce résultat
ne soit retrouvé sur le reste de l’Ile-de-France. L’analyse des cas « dans le croissant »
comparés aux cas « hors croissant » n’a pas mis en évidence de différence significative
concernant les caractéristiques cliniques et biologiques au diagnostic, ni la réponse au
traitement corticoïde et le risque de corticodépendance. Il existe donc une zone en Ile-DeFrance où le syndrome néphrotique est plus fréquent, avec une périodicité hivernale dans la
survenue des cas, mais sans que les caractéristiques au diagnostic ni le mode évolutif ne
diffèrent.
L’étude NEPHROVIR 2, actuellement en cours, prévoit l’inclusion des nouveaux cas
sur 3 années supplémentaires et l’analyse des données épidémiologiques au diagnostic, des
données virologiques, de pharmacogénétique et de suivi des patients à 2 ans. Ces résultats
épidémiologiques pourraient apporter de nouveaux éclairages sur la physiopathologie du
syndrome néphrotique idiopathique.
Conclusion
En conclusion, le syndrome néphrotique idiopathique est une maladie universelle, dont
l’incidence est stable dans le temps. L’étude NEPHROVIR a permis de constituer une cohorte
tout à fait unique. En Ile-de-France, il existe une zone en croissant au Nord-Est de Paris où
l’incidence du syndrome néphrotique est presque deux fois plus élevée que dans le reste de la
région, et au sein de ce croissant nous avons fait la démonstration d’une périodicité
saisonnière. Ces différentes données épidémiologiques permettent de suggérer que le
syndrome néphrotique idiopathique est un modèle de maladie de l’interaction hôteenvironnement.
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La néphropathie du purpura rhumatoïde, actualités et avenir à long terme
Tim Ulinski
Service de Néphrologie Pédiatrique, Hôpital Trousseau, APHP et Université Pierre et Marie Curie, Paris 6
1/ Introduction
Le purpura rhumatoïde ou purpura Schoenlein-Henoch est la plus fréquente vascularite chez l'enfant.
Il existe une légère prédominance masculine. L'atteinte multiviscérale se caractérise essentiellement
par un syndrome cutané (éruption polymorphe mais à prédominance purpurique, surtout sur la face
postérieure des membres inférieurs) par des manifestations articulaires, par un syndrome abdominal
conditionnant le pronostic à court terme, enfin, par un syndrome rénal conditionnant le pronostic à
long terme. Moins fréquemment on retrouve une atteinte testiculaire ou uréthrale.
2/ Epidémiologie
Le purpura rhumatoïde touche des enfants surtout entre 4 et 7 ans, mais l'affection peut survenir à tout
âge (cependant rarement avant 18 mois). Il existe une légère prédominance masculine. On retrouve
classiquement un rythme saisonnier avec une recrudescence pendant l’automne et l’hiver. Souvent, un
contexte infectieux ou allergique précède de quelques jours l'installation du syndrome clinique. Parmi
les nombreux germes incriminés, l'infection streptococcique est souvent évoquée. Il existerait une
liaison entre le purpura rhumatoïde et certains antigènes d'histo-compatibilité (HLA, B35 et DR4).
3/ Physiopathologie
Bien que le mécanisme pathogénique exact du purpura rhumatoïde reste inconnu, l’apparition est le
plus souvent liée à un contexte particulier : soit post-infectieux, soit allergique, soit idiopathique, et
serait secondaire à une anomalie du système immunitaire des IgA. Le pronostic de purpura
rhumatoïde, malgré la possibilité de rechutes précoces du syndrome cutanéo-articulaire, est dans
l'ensemble bon chez l'enfant.
L'hypothèse physiopathologique actuellement retenue fait du purpura rhumatoïde une vascularite
immunologique secondaire à des facteurs acquis et/ou génétiques. L'immun-complexe résulterait d'une
agression antigénique (bactérienne, virale, alimentaire, médicamenteuse, ...), agression initialement
muqueuse d'où la participation prépondérante des IgA. L'activation du complément par la voie alterne
serait l'intermédiaire de cette agression vasculaire. Un taux élevé d'IgA sérique est noté chez 1/3 des
patients.
4/ Histologie
Le purpura rhumatoïde est une vascularite avec infiltration périvasculaire inflammatoire et
hémorragique, localisée aux petits vaisseaux. Cette vascularite est disséminée et peut atteindre tous les
organes. Elle se caractérise par des dépôts granuleux d'IgA dans la paroi des capillaires, dépôts
prépondérants, parfois associés à d'autres immunoglobulines, du C3 ou du fibrinogène. Au niveau du
rein, ce sont des lésions de glomérulonéphrite avec prolifération mésangiale et dépôts d'IgA dans le
mésangium de tous les glomérules.
5/ Manifestations rénales
L'atteinte rénale influence le pronostic à long terme du purpura rhumatoïde. Sa fréquence est rapportée
entre 10 et 50 % des cas selon la fréquence et la répétition de l'analyse des urines. L'atteinte rénale se
limite habituellement à une hématurie microscopique ou macroscopique sans ou avec protéinurie. On
peut voir un syndrome néphrotique ou néphritique, parfois avec insuffisance rénale aiguë oligo ou
anurique. Un de ces signes peut être prépondérant voire isolé.
L’atteinte rénale peut être aggravée par l’hématurie macroscopique elle-même parfois responsable
d’une toxicité tubulaire avec nécrose tubulaire aiguë.
Cette atteinte rénale est habituellement précoce, accompagnant la symptomatologie cutanée articulaire
et abdominale. Exceptionnellement, l'atteinte rénale précède les autres manifestations du purpura
rhumatoïde ou survient à distance de la poussée initiale, au-delà du troisième mois. L'incidence de
l'atteinte rénale serait plus sévère chez les sujets les plus âgés, et ceux subissant plusieurs poussées
d'éruption purpurique.
Seules 5 % de ces formes rénales évolueront vers l'insuffisance rénale terminale nécessitant un
traitement de suppléance ou une transplantation.
La gravité potentielle de l’atteinte rénale justifie sa recherche systématique, tant que persiste la
symptomatologie cutanée articulaire et abdominale du purpura rhumatoïde. Sa surveillance nécessite
un suivi néphrologique au long cours des patients atteints de purpura rhumatoïde (1 à 3 ans).
En cas de protéinurie significative en dehors de l’hématurie macroscopique ou en cas de protéinurie
néphrotique, une insuffisance rénale ou une hypertension, une ponction biopsie rénale s'impose à titre
pronostique et indication thérapeutique.
L'étude de l'histologie rénale révèlera dans tous les cas une atteinte mésangiale, faite de dépôts
granuleux d'IgA avec discrète prolifération cellulaire. Selon l'association, l'importance et la situation
de la prolifération et des dépôts, différents types d'atteinte glomérulaire peuvent être décrits : soit
glomérulonéphrite non proliférative (50 % des cas), soit lésions glomérulaires minimes ou hyalinose
segmentaire et focale, soit glomérulonéphrites prolifératives avec ou sans croissant (prolifération
extracapillaire).
Ces glomérulonéphrites prolifératives associées à des croissants constituent l'atteinte rénale la plus
sévère, pouvant évoluer vers l'insuffisance rénale chronique terminale, et justifient de traitements :
emboles de méthylprednisolone et exceptionnellement des échanges plasmatiques ou de la
cyclophosphamide.
6/ Efficacité des emboles de méthylprednisolone
Il se pose la question d’un possible sous-traitement des formes d’atteinte rénale histologiquement peu
sévères. Notre étude récente sur 142 patients pédiatriques atteints d’une néphropathie du purpura
rhumatoïde et ayant eu une ponction biopsie rénale montre que la protéinurie à long terme des formes
histologiquement sévères ayant reçu des emboles de corticoïdes n’est pas plus élevée que la
protéinurie dans les classes I et II.
L’évolution de la protéinurie n’a pas montré de différence significative entre les patients traités avec
versus ceux sans emboles de méthylprednisolone. Ceci peut être interprété en faveur d’un traitement
par méthylprednisolone, étant donné que ce traitement a été utilisé pour les formes à prolifération
extracapillaire (classes III et IV et V).
7/ « Double rôle » des inhibiteurs d’enzyme de conversion
Nous avons trouvé une protéinurie plus faible après 2 et 5 ans pour les patients pour lesquels des
inhibiteurs d’enzyme de conversion ont été introduits dans les 15 premiers jours suivant le début de la
maladie. Il est possible que le traitement visant la diminution de l’angiotensine II n’intervienne pas
seulement sur la vasomotricité mais qu’il puisse aussi avoir un effet anti-inflammatoire. Il est bien
connu que l’angiotensine II (AT-II) interagit avec plusieurs voies de signalisation d’inflammation
(Figure 1). La néphroprotection à visée anti-AT-II possède plusieurs facettes et ouvre probablement
des possibilités de traitement intéressantes non seulement pour la protéinurie résiduelle mais aussi
contre les lésions inflammatoires glomérulaires initiales elles-mêmes.
Figure 1
Glomérulosclérose et fibrose interstitielle
AT1-R : récepteur de type 1 de l’angiotensine II ; NF-κB : nuclear factor-kappa B ; TGF-β : transforming growth
factor beta ; SN Σ : système nerveux sympathique
Programmation fœtale de la maladie rénale chronique :
de l’enfant à l’adulte
Rémi Salomon
Service de Néphrologie Pédiatrique, Centre de référence des Maladies Rénales Héréditaires
de l'Enfant et de l'Adulte (MARHEA), Université Paris Descartes, Hôpital Necker-Enfants
Malades, Paris
La plupart des maladies ont une origine à la fois génétique et environnementale, il en est ainsi
de l’hypertension artérielle, de la maladie athéromateuse ou du diabète par exemple. Des
études épidémiologiques ont montré que le risque de développer ces maladies pouvait être
influencé par l’environnement au cours de la vie fœtale. Le petit poids de naissance (PPN)
augmente le risque de voir apparaître au cours de la vie une hypertension artérielle, un diabète
de type 2, de l’athérome ou une insuffisance rénale. Barker introduit en 1989 le concept de
« fetal programming » pour décrire ces observations (1). Le PPN résulte d’un retard de
croissance intra-utérin et/ou d’une naissance prématurée. L’incidence du PPN est en
augmentation constante dans le monde du fait du plus grand nombre de naissances
prématurées dans les pays développés ou de la malnutrition chronique dans les pays en voie
de développement. Les conséquences à long terme du PPN représentent donc un véritable
problème de santé publique pour l’avenir.
Nous proposons d’exposer les observations épidémiologiques qui ont été faites durant ces 30
dernières années, de présenter quelques travaux expérimentaux et les conclusions que l’on
peut en tirer pour expliquer ces phénomènes. Les implications pour la prise en charge des
sujets concernés seront envisagées.
La détermination précoce des maladies de l’adulte : des données épidémiologiques
Un lien clair a été établi entre un petit poids à la naissance (PPN) et les états qui précèdent la
maladie athéromateuse telle l’épaisseur de l’intima-média (2). Le syndrome métabolique
(SM) défini par l’obésité, la résistance à l’insuline, l’hypertension artérielle et la dyslipidémie
sont également liés au poids de naissance. Ainsi, des facteurs de risque de développer une
insuffisance rénale chronique à l’âge adulte pourraient être déterminés par l’environnement
fœtal. Plusieurs études épidémiologiques montrent que le risque d’insuffisance rénale
chronique lui-même est directement lié au PPN.
Dès le début des années 1990 plusieurs études démontrent le lien entre un PPN et
l’hypertension artérielle. Une étude anglaise portant sur 1231 personnes âgées de 59 à 71 ans,
montre que le fait d’avoir un poids de naissance inférieur à 3180g est lié à une augmentation
de la pression artérielle de 4 à 8 mmHg par rapport aux personnes ayant un poids de naissance
supérieur à cette limite (3). Une méta-analyse récente sur les dix dernières années recense 57
études portant sur le PPN, une croissance de rattrapage durant les deux premières années de la
vie et la survenue d’un syndrome métabolique. La plupart de ces études indiquent que la
résistance à l’insuline serait le prélude aux autres éléments du SM (4). La Bogalusa Heart
Study a pour objectif d’analyser sur le long terme les facteurs de risque cardio-vasculaires sur
l’ensemble de la population d’une petite ville semi-rurale de Louisiane (USA). Cette cohorte
comporte 11 976 participants, des enfants de 3 à 20 ans et des jeunes adultes de 20 à 37 ans.
Sur un sous-groupe de 1 176 sujets, les éléments du SM ont été analysés entre les âges de 5 et
17 ans et huit années plus tard (5). Les résultats de cette étude démontrent très clairement que
les différents facteurs de risque cardio-vasculaires étudiés qui constituent le SM ou qui y sont
étroitement reliés (HTA, HDL-cholestérol, insulinémie) sont déjà présents à l’âge pédiatrique
et huit ans après. Il est vraisemblable que des altérations du métabolisme glucidique et
lipidique apparaissent très tôt au cours de la vie. Sur cette même cohorte l’épaisseur de
l’intima-média au niveau de la carotide a été mesurée chez 486 adultes entre 25 et 37 ans. Il
existe une corrélation entre les valeurs du LDL-cholestérol et l’index de masse corporelle à
l’âge pédiatrique et l’épaisseur de l’intima-média carotidienne chez l’adulte jeune (6). Cet
indice est considéré comme un stade précoce de la maladie athéromateuse.
Les mêmes observations ont été faites en considérant l’insuffisance rénale quelle qu’en soit la
cause (7, 8). Une étude norvégienne portant sur le registre des naissances de plus de deux
millions d'enfants nés entre 1967 et 2004 permet d’identifier 526 personnes en insuffisance
rénale terminale (IRT). Comparés aux individus dont le PN est compris entre le 10ème et le
90ème percentile, ceux dont le PN est inférieur au 10ème percentile ont un facteur de risque
relatif de 1,7 d’avoir une IRT au cours de leur vie. Cette association persiste lorsque sont
intégrés dans l’analyse les malformations congénitales, les naissances multiples ou la prééclampsie maternelle. Cette étude dont le recul maximum est de 38 ans est l’une des rares de
cette ampleur. L’analyse de certaines populations dans lesquelles le retard de croissance intrautérin est nettement plus fréquent comme les aborigènes d’Australie ou les indiens Pima en
Amérique du Sud démontrent également une augmentation considérable de la prévalence de
l’IRT, jusqu’à 2 700 par million chez les aborigènes.
La néphrogénèse est influencée par l’environnement fœtal : implication pour l’avenir
La néphrogénèse débute chez l’homme à partir de la 9ème semaine du développement pour se
terminer peu de temps avant le terme vers la 34-36ème semaine. Le nombre de néphrons à la
naissance (capital néphronique) est déterminé à la fois par des facteurs génétiques et
environnementaux. Une relation inverse entre le poids de naissance et le nombre de néphrons
a été démontrée (9). Deux études récentes démontrent que les enfants nés prématurément
avant 30-32 semaines d’aménorrhée ont des reins plus petits et une pression artérielle plus
élevée par rapport à des sujets nés à terme (10, 11). Brenner émet l’hypothèse qu’une
réduction du nombre de néphrons jouerait un rôle déterminant dans l’apparition d’une
hypertension artérielle et éventuellement d’une insuffisance rénale à long terme. Chaque
néphron filtre plus d’urine, cette situation d’hyperfiltration peut aboutir à des lésions
glomérulaires à type de hyalinose segmentaire et focale qui peuvent se traduire par
l’apparition d’une micro-albuminurie (12). Les individus naissant avec un PPN auraient un
capital néphronique réduit et de ce fait seraient susceptibles de développer plus facilement
une insuffisance rénale au cours de leur vie si d’autres facteurs de risque viennent s’ajouter au
déficit néphronique.
Le ralentissement de la croissance fœtale est déterminé d’une part par l’insuffisance
placentaire et le défaut d’apport nutritionnel qui en résulte d’autre part par une plus forte
exposition aux glucocorticoïdes. Des modèles animaux de ligature de l’artère utérine
permettent de reproduire une situation d’insuffisance placentaire et les conséquences sur la
croissance fœtale. La réduction de la ration protéique chez la femelle gestante a les mêmes
effets sur la croissance fœtale. Ces modèles animaux de retard de croissance intra-utérin
(RCIU) permettent de reproduire les états pathologiques qui ont été observés chez l’homme à
l’âge adulte telles l'hypertension artérielle, la résistance à l’insuline ou une réduction du débit
de filtration glomérulaire. Les mécanismes impliqués ont pu être analysés chez l’animal. Une
réduction de la néphrogénèse est observée chez les rats ayant un RCIU induit par restriction
protéique chez la mère (13). De façon intéressante une alimentation riche en protéines après la
naissance augmente le risque de voir apparaître une insuffisance rénale chez ces rats avec un
PPN (14). Une autre observation intéressante a été faite sur ce modèle animal : le niveau
d’expression de la rénine augmente dans les reins des rats adultes issus de rates ayant subi une
déprivation protéique au cours de la gestation (15). Une surexpression des récepteurs de
l’angiotensine II 1b (AT1b-R) a également été observée dans les surrénales. Cette
modification de l’expression du gène AT1b-R est probablement de nature épigénétique dans
la mesure où a été observée une hypométhylation du promoteur (16).
Au cours de la grossesse normale, les niveaux maternel et fœtal de glucocorticoïdes (GC)
augmentent progressivement. Chez le fœtus cette augmentation à l’approche du terme est
importante pour la maturation des organes et en particulier pour celle du poumon afin de le
préparer à la vie extra-utérine. Une exposition à un niveau trop élevé de GC peut entraîner un
arrêt prématuré de la croissance. L’enzyme placentaire 11beta-hydroxysteroid dehydrogenase
de type 2 (11beta-HSD2) inactive les GC et protège ainsi le fœtus d’un excès de GC d’origine
maternelle. L’inhibition de cette enzyme peut entraîner un ralentissement de la croissance
fœtale. Ceci a pu être observé chez des femmes enceintes ayant consommé de la réglisse ou
en cas de mutation inactivatrice du gène codant pour l’enzyme (excès apparent de
minéralocorticoïdes). Une réduction de l’activité de la 11beta-HSD2 a même été observée
chez des femmes anxieuses pendant la grossesse (17).
Une théorie de l’évolution (thrifty phenotype), la plasticité développementale
L’hypothèse la plus souvent citée pour expliquer le déterminisme anténatal de ces maladies
s’appuie sur l’idée que l’environnement maternel au cours de la grossesse induit chez le fœtus
et l’enfant des modifications lui permettant de s’adapter à des conditions similaires au cours
de sa vie. Ainsi une alimentation pauvre en calories et en protéines chez la mère déterminerait
des adaptations métaboliques en conséquence à l’âge pédiatrique mais également tout au long
de la vie (18). Lorsque, à la génération suivante, l’alimentation devient plus riche, il peut
apparaître une inadéquation entre les adaptations déterminées très précocement et
l’environnement dont certains pensent qu’elle explique au moins en partie les pathologies
observées, notamment la résistance à l’insuline et les autres éléments du SM. Nous engageons
le lecteur à lire deux revues récentes sur le sujets pour plus de détails (19,20).
Conclusion
Le déterminisme d’un certain nombre de maladies de l’adulte dès la vie fœtale et
probablement pendant les premières années de la vie est un élément connu depuis une
vingtaine d’années dont nous prenons conscience progressivement. Les mécanismes de ce
« programming fœtal » sont encore mal connus, des facteurs environnementaux semblent
jouer un rôle important. Des modifications de l’expression de certains gènes pourraient être
impliquées, l’épigénétique
(modifications de l’ADN qui ne changent pas la séquence
nucléotidique) pourrait être un des mécanismes du programming fœtal expliquant l’effet de
l’environnement sur l’expression de certains gènes.
Pour le clinicien, la connaissance de ces phénomènes est importante dans la mesure où le petit
poids de naissance constitue en soit un facteur de risque de ces maladies agrégées autour du
syndrome métabolique. Le cardiologue, le diabétologue et le néphrologue devraient
considérer le poids de naissance de leurs patients. Un suivi plus rigoureux des enfants nés
avec PPN devrait probablement être institué tout au long de leur vie. Ceci suppose une bonne
coopération entre le néonatologue, le pédiatre et le médecin qui suivra cette personne tout au
long de sa vie.
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Utilisation de la kétamine à faible dose pour les soins douloureux.
La présence d’un médecin anesthésiste est-elle nécessaire ?
Pr Daniel Annequin
Centre de référence de la migraine, de la Douleur de l’enfant et de l’adolescent
Hôpital Trousseau 75012
[email protected]
Aux USA1, en Australie2, la kétamine IV à faible dose (< 2 mg/kg) est largement utilisée par
des médecins non anesthésistes dans les services d’urgence et pour les actes douloureux et
invasifs. Des recommandations françaises (AFSSAPS 20093) évoquent cette alternative en cas
d’échec des méthodes habituelles.
La kétamine possède un profil particulièrement original4 : les réflexes de protection laryngée
sont maintenus, voire amplifiés (ce qui diminue le risque d’inhalation du contenu gastrique en
cas de vomissement), la respiration spontanée, le système cardiovasculaire ne sont pas
déprimés5. On observe une déconnexion thalamo-corticale associée et une dissociation de
l’état de conscience : le patient garde les yeux ouverts (souvent associé à un nystagmus) et ne
réagit pas aux stimulations sensorielles, notamment nociceptive (effet antalgique). Il est
déconnecté de son environnement, il est dans un rêve ; à plus forte dose, des hallucinations
peuvent survenir (effet psychodysleptique).
Objectif
Préciser les conditions optimales de sécurité et d’efficacité de la kétamine seule (sans
atropine ni midazolam) pour une utilisation régulière par des médecins non anesthésistes.
Méthodologie
Etude prospective, observationnelle ; un enregistrement vidéo de l’ensemble du geste a
été réalisé pour chaque administration.
Critère d’inclusion : tout enfant pour lequel les méthodes de sédation habituelles
étaient en échec.
Aucune consigne de jeûne n’a été donnée.
Monitoring : uniquement observation clinique continue visuelle , pas d’utilisation de
cardioscope et d’oxymètre.
Après avoir éliminé les contre-indications (hypertension intracrânienne, airway
obstructif, médicaments associés, infection aiguë voies aériennes sup…), la posologie
initiale prescrite entre 0,5 et 1 mg/kg était adaptée au niveau d’anxiété et aux
posologies utilisées précédemment. Les réinjections et leur posologie sont décidées
par DA (auteur de l’article).
Résultats
36 enfants ont été inclus ; 68 enregistrements ont été réalisés (durée enregistrement
vidéo = 10 h) entre mars 2010 et janvier 2014.
36 (52 %) administrations ont été réalisées dans les 6 derniers mois de 2013.
58 % des enfants ont entre 2 et 4 ans (médiane = 4 ans).
90 % des gestes ont été réalisés dans le service d’hématologie.
Nombre d’acte par enfant
14 enfants ont eu entre 2 et 7 actes sous Kétamine.
Services demandeurs et indications
Neurologie : 2 PL pour enfant présentant des troubles du comportement.
Nephrologie : 1 biopsie rénale dans le service de radiologie.
Chirurgie viscérale : 6 administrations (biopsie rectale, sonde vésicale, sonde
urétérale, pansement hypospade, abcès).
Hématologie : 43 PL (34 % en position latérale) ; 19 myélogrammes ; 4 associations
myélo + PL ; 5 autres associations.
Voie d'administration
La majorité (94 %) des administrations a été faite par voie veineuse.
4 administrations ont utilisé une autre voie (1 IntraRectale, 3 IntraMusculaire)
Délai d’action
Le produit agit en 2 minutes.
Posologie IV totale
Pour 36 administrations (61 %) 1 injection était suffisante : 0,63 mg/kg ± 0,19.
La durée du geste, le niveau de stress de l’enfant ont nécessité plus d’une injection :
19 administrations ont nécessité 2 injections, totalisant 1,19 mg/kg ± 0,70
2 administrations ont nécessité 3 injections, totalisant 1,30 mg/kg ± 0,70
2 administrations ont nécessité 5 injections, totalisant 2,50 mg /kg.
Association médicamenteuse
44 % des administrations ont été réalisées en association avec une inhalation
de MEOPA.
Durée du geste
Durée médiane : 7 min; durée moyenne : 8,9 ±7,3 min.
Réveil
95 % des administrations ont donné lieu à un réveil de l’enfant en moins de cinq
minutes.
31 % ont eu un réveil immédiat ou se sont réveillés avant la fin du geste.
4 enfants ont eu un délai de réveil supérieur à 5 min ; ils se sont tous réveillés dans les
25 minutes suivantes.
Evaluation
Tous les gestes ont pu être réalisés simplement et rapidement sans contention
majeure ; une contention légère a été utilisée pour moins de 50 % des enfants.
Tous les parents ont exprimé leur grande satisfaction et leurs remerciements vis-à-vis
de cette méthode qui permet « simplement » de réaliser des gestes invasifs qui
nécessitaient auparavant l’utilisation de contention majeure.
Quelques rares parents ont exprimé leur « peur » devant l’état de leur enfant
« déconnecté, les yeux grands ouverts en permanence ».
Un certain nombre d’enfants lors de l’effraction cutanée, lors de l’aspiration
médullaire ont « gémi », « vocalisé » sans réaction de retrait ; une fois réveillés, ils
déclarent ne pas avoir eu mal et ne pas se souvenir du geste.
Une enfant de 4 ans a dit avoir eu mal contrairement aux données comportementales
observées.
Effets secondaires
1 vomissement (associé à 20 min de MEOPA) ; 3 épisodes de salivation sans toux ;
1 épisode isolé de pâleur (en position assise) ; 10 enfants ont eu un réveil anxieux lié
aux distorsions sensorielles (hallucinations, diplopie, impression de cécité …). Toutes
ces manifestations ont été courtes (moins de 20 min) et ont bien répondu aux
réassurances parentales.
Quelques enfants ont présenté un certain degré d'hypotonie. DA est intervenu
activement une fois (épisode de pâleur).
Conclusion
Ces données confirment les résultats de la littérature sur l’efficacité et la sécurité6,7 de
faibles doses de Kétamine sans midazolam ; elles permettent d’élaborer un protocole
précis* d’utilisation pour les médecins seniors.
*Le protocole complet est téléchargeable sur http://bit.ly/ketaDA
Références
1 Krauss
B, Green SM. Procedural sedation and analgesia in children. Lancet 2006 ; 4;367(9512):766-80
Royal Australasian College of Physicians, Paediatrics & Child Health Division. Management of
procedure-related pain in children and adolescents. J Paediatr Child Health 2006;42:S1-S29
3 Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé AFSSAPS. Prise en charge médicamenteuse
de la douleur aigue et chronique chez l'enfant. Recommandations de bonne pratique 2009
4 Annequin D. La kétamine en 2012:comment l'utiliser pour la douleur provoquée par les soins chez
l'enfant ? Arch Pediatr 2012;19(7):777-9
5 Green SM, Roback MG, Kennedy RM, Krauss B. Clinical practice guideline for emergency department
ketamine dissociative sedation: 2011 update. Ann Emerg Med 2011;57(5):449-61.
6 Annequin D. Sécurité de l'utilisation de la kétamine. Arch Pediatr 2013 ;20(3):313-4.
7 Mion G, Granry JC. Utilisation de la kétamine lors de la réalisation de soins douloureux chez l'enfant.
Arch Pediatr 2012 ; 29;(12)1372-3
2 The
Les Clowns en Pédiatrie
« Petit bonhomme, je veux encore t’entendre rire… »
Le Petit Prince, Antoine de Saint Exupéry
Professeur Denis DEVICTOR
Réanimation néonatale et Pédiatrique
Hôpital de Bicêtre
Président de l’association « Le Rire-Médecin »
[email protected]
La joie est naturelle chez l’enfant. Elle témoigne de son goût de vivre et de son émerveillement face
au monde qu’il découvre. Mais ce sentiment est fragile. La maladie, la douleur, la peur, ont vite fait de
l’éloigner. Alors le champ est libre pour que la tristesse puisse s’installer.
C’est pour que la joie demeure en l’enfant, pour entendre encore son rire que des associations se sont
créées dans les hôpitaux. Leur but est d’humaniser le quotidien des enfants et de leurs parents. C’est
dans ce contexte que les clowns ont fait leur entrée dans les hôpitaux.
Quels sont les risques psychologiques d’une hospitalisation ?
La réponse semble évidente : toute hospitalisation est potentiellement déstructurante. Séparé de ses
parents, de la sécurité de son milieu familial et privé de ses repères habituels, l’enfant hospitalisé ne se
sent plus en sécurité. Au sentiment d’abandon peut s’ajouter la culpabilité de voir ses parents souffrir.
La maladie acutise son hypersensibilité naturelle à l’environnement. L’hôpital, en dépit des efforts de
tous, devient alors hostile : longs couloirs, bips inquiétants, multiplicité des nouveaux visages au
milieu desquels l’enfant est isolé et perdu. Tout concourt à morceler sa vie et à restreindre sa capacité
de jeu et de joie.
Tristesse et stress, peur et malheur s’installent alors, pour le temps de
l’hospitalisation ou pour plus longtemps. Au maximum l’enfant ou ses parents garde pour séquelle un
état de stress post-traumatique (ESPT).
Les ESPT ont été décrits chez l’enfant hospitalisé dans différentes situations (cancer, maladies
chroniques, traumatismes graves par exemple). Ils sont particulièrement fréquents après une
hospitalisation en réanimation. A l’origine, les ESPT avaient été identifiés chez les soldats exposés au
combat. Puis ils ont été décrits chez des personnes ayant vécu un traumatisme intense tel que
catastrophes naturelles, attentat, violence physique, guerre, accidents graves, par exemple. Enfin ils
ont été reconnus chez les patients hospitalisés. Dans le cas présent, les ESPT peuvent s’installer chez
l’enfant lui-même, mais aussi chez ses parents. Le tableau se présente sous la forme d’une réexpérience de l’événement, de cauchemars, ou d’envahissement de la conscience en plein éveil, ou
encore de résurgence de souvenirs douloureux. Ces troubles s’accompagnent souvent d’insomnie, de
dépression, d’irritabilité, parfois de violence. Ils peuvent durer quelques mois, ou au contraire
s’installer dans la chronicité. Lara Nelson a récemment publié une revue sur le sujet (1). Dans cet
article, l’auteur rapporte une prévalence d’ESPT après une hospitalisation en réanimation pédiatrique
allant de 5 % à 28 %. Dans la seule étude utilisant une méthodologie validée, la prévalence est de
21 % (2). Des troubles apparentés aux ESPT sont retrouvés dans 35 % à 62 % des cas. Six études ont
analysé les facteurs de risque. Parmi ces facteurs, l’âge et le sexe ne semblent pas être favorisants. Par
contre, la sévérité de la maladie, la durée de séjour, le nombre de procédures médicales invasives
subies par l’enfant semblent être prédictifs. Les ESPT n’épargnent pas les parents. Six études ont
rapporté l’incidence des ESPT chez les parents. Elle se situerait entre 10,5 % à 21 % des cas, et on
retrouverait des symptômes apparentés aux ESPT dans 84 % des cas, les mères étant plus vulnérables.
Comment les clowns peuvent-ils atténuer la souffrance psychique ?
Dès le début du XXIème siècle, on trouve des témoignages de clowns intervenant dans les services de
pédiatrie notamment en Angleterre. L'intuition qui est à l’origine des clowns à l’hôpital est que le jeu,
la création d’un monde imaginaire permettaient à l’enfant de retrouver sa joie de vivre.
Pour ce faire, les clowns adaptent leur savoir-faire à chaque cas. Ils travaillent en étroite collaboration
avec les équipes paramédicales et médicales. Avant chaque intervention, les infirmières transmettent
aux comédiens différents renseignements sur l’état physique et psychique de l’enfant, sur son état
médical et des informations sur sa famille (visites, anxiété, frères et sœurs…). Cette transmission
permet d’adapter le jeu à chaque cas, chaque enfant, chaque famille. La personnalisation du jeu est le
secret du clown : chaque jeu est personnalisé, tout comme les prescriptions sont adaptées à chaque
enfant. Ceci exige de la part du comédien un grand professionnalisme, lui impose non seulement de
connaître la personnalité de l’enfant, mais aussi d’être imaginatif et créatif.
Le second point fort du comédien est de faire participer l’enfant et ses parents au jeu qu’il invente.
Ainsi peuvent-ils se libérer des peurs qui les menacent et apprivoisent-ils l’environnement de l’hôpital.
Une perfusion devient le fil d’une canne à pêche, le bruit du respirateur, le halètement d’une
locomotive… Ainsi le clown crée un nouvel espace-temps, une nouvelle bulle de sécurité où l’enfant
et sa famille retrouvent un sentiment de sécurité. Cette bulle prend le contre-pied de la tristesse, de la
souffrance et du stress de l’hôpital. Les clowns maintiennent ainsi l’équilibre psychique de l’enfant et
de sa famille et luttent contre le morcellement qui les menace.
Les clowns agissent non seulement sur l’enfant mais également sur ses parents et sur le personnel
soignant. Les parents sont en effet systématiquement inclus dans leur jeu. Les comédiens aident ainsi à
rétablir une relation joyeuse et apaisée entre l’enfant et sa famille. L’expérience montre que des liens
très forts s’instaurent ainsi entre les clowns et le personnel soignant. Beaucoup de services les
considèrent comme membres de l’équipe à part entière. Les comédiens font prendre du recul sur les
pratiques médicales et donnent l’occasion d’avoir d’autres rapports avec les malades. Leur présence
« redonne le moral » au personnel médical et paramédical souvent débordé et pris par l’urgence.
L’efficacité des clowns hospitaliers est-elle démontrée?
Il n’existe pas d’études contrôlées montrant que la présence des clowns réduit le stress vécu par les
enfants hospitalisés ou diminue la fréquence des ESPT après une hospitalisation. Par contre, plusieurs
auteurs ont analysé l’efficacité des comédiens dans la réduction du stress en péri-opératoire. Par
exemple, L Vagnoli a étudié l’efficacité des clowns dans la réduction de l’anxiété préopératoire en
hôpital de jour chirurgical sur un échantillon de 75 enfants âgés de 5 à 12 ans (3, 4). L’auteur a mesuré
l’anxiété grâce à un score validé dans trois groupes d’enfants : enfants accompagnés par les clowns et
un parent, enfants recevant du midazolam et accompagné d’un parent et enfin enfants seulement
accompagnés par un parent (groupe contrôle). Les résultats montrent que les enfants du premier
groupe (groupe clown) sont nettement moins anxieux que les enfants des deux autres groupes (score
d’anxiété 37,50 ± 21,48 versus 68,25 ± 28,42). Par contre, il n’y a pas de différences significatives
entre le groupe recevant du midazolam et le groupe contrôle (3).
En 2009, Yip P et coll ont publié une méta-analyse dans la Cochrane Library sur les méthodes nonpharmacologiques permettant de diminuer l’anxiété des enfants lors d’inductions anesthésiques (5).
Dix-sept études ont été retenues correspondant à un échantillonnage de 1796 enfants. Neuf études
montrent que la présence des parents ne réduit pas l’anxiété des enfants. L’une d’entre elle montre
même que la présence des parents pourrait augmenter l’anxiété des enfants. Cette méta-analyse
rapporte également les résultats de six études utilisant d’autres méthodes cherchant à atténuer l’anxiété
des enfants : jeux-vidéo, hypnose, création d’une atmosphère « feutrée », musique par exemple. Seule
la présence des clowns réduit significativement l’anxiété des enfants.
Qui sont ces clowns et comment sont-ils formés ?
Les clowns qui interviennent à l’hôpital sont des comédiens formés à l’exercice hospitalier. Il leur est
demandé d’être comédien professionnel, de jouer d’un instrument de musique, d’être passé par le
spectacle de rue ou les arts du cirque et d’avoir suivi la formation de l’Institut de formation du Rire
Médecin. Cette formation a pour objectif de leur faire comprendre l’univers hospitalier, leur apprendre
à respecter son fonctionnement et ses contraintes mais également d’adapter leur jeu à ce cadre
spécifique. Les clowns interviennent toujours en duo, ce travail en équipe permettant d’éviter un
phénomène d’usure et permettant de supporter à deux les souffrances et les malheurs côtoyés dans un
service hospitalier.
Les clowns appartiennent à des associations à but non lucratif. Le Rire Médecin est la principale
d’entre elles. Ces associations fonctionnent grâce à des donateurs et la générosité du public. Le Rire
Médecin est une association agréée par le Comité de la Charte. Ce comité indépendant contrôle la
gestion de la plupart des grandes associations françaises et garantit leur fonctionnement et l’utilisation
des dons. Ces associations n’interviennent à l’hôpital qu’après signature d’une convention avec la
direction de celui-ci. Celle-ci garantit que l’action des clowns est soumise aux devoirs déontologiques,
et aux règles éthiques de toute personne intervenant à l’hôpital, comme par exemple le secret
professionnel. Actuellement les 101 clowns du Rire Médecin sont implantés dans 15 hôpitaux,
interviennent dans une quarantaine de service où ils ont délivré plus de 2100 journées de rires. Notons
qu’il existe une Fédération européenne des comédiens intervenant en milieu hospitalier.
Conclusion :
La maladie, la souffrance, voire la mort d’un enfant se situe dans le registre de l’absurde. Selon son
étymologie, ab-surdité veut dire « dissonance » dans l’harmonie du monde. Le monde de l’enfant doit
rester celui de la joie et du rire et non celui de la tristesse, de la douleur physique ou psychique. Et
pourtant c’est le risque qui le guette lorsqu’il doit être hospitalisé. Le clown intervient alors pour lui
réinsuffler le goût de vivre, afin que lui-même, ses parents et son entourage puissent de nouveau
entendre ses éclats de rire.
Références :
1. Nelson LP, Gold JI. Post traumatic stress disorder in children and their parents following
admission to the pediatric intensive care unit: a review. Pediatr Crit Care Med 2012 ; 13 : 33847
2. Rees G, Gledhill J, Garralda ME, et al : Psychiatric outcome following paediatric intensive
care unit (PICU) admission : A cohort study. Intensive Care Med 2004 ; 30 : 1607-1614
3. Vagnoli L, Caprilli S, Robiglio A, Messeri A. Clown Doctors as a treatment for preoperative
Anxiety in children : A Randomized, Prospective Study. Pediatrics 2005 ; 116 :e563
4. Vagnoli L, Caprilli S, Messeri A. Parenteral presence, clowns or sedative premedication to
treat preoperative anxiety in children: what could be the most promising option? Pediatric
Anesthesia 2010 ; 20 :937-943
5. Yip P, Middleton P, Cyna AM, Carlyle AV. Non pharmacological interventions for assisting
the induction of anaesthesia in children (review)Cochrane review 2010 ; 11
Communications libres 2
Peut-on prédire les infections bactériennes chez le nourrisson
de moins de trois mois ?
Milcent Karen1, Faesch Sabine², Gras-Le Guen Christèle3, Dubos François4, Gajdos Vincent1
1
Service de Pédiatrie Générale, Hôpital Antoine Béclère (AP-HP), Clamart - Université Paris
Sud, ²Service des urgences pédiatriques, Hôpital Necker-Enfants Malades (AP-HP), 3Service
de Pédiatrie Générale CHU Nantes, 4Service des urgences pédiatriques, CHU Lille, France.
Auteur correspondant : Karen Milcent
Adresse : Service de Pédiatrie, Hôpital Antoine Béclère, 157 rue de la Porte de Trivaux,
92141 CLAMART Cedex
Mail : [email protected]
La fièvre chez le nourrisson âgé de moins de 3 mois est un problème fréquemment rencontré
et les modalités de sa prise en charge sont sources de controverses. Ces jeunes nourrissons ont
la particularité d’être à relativement haut risque d’infections bactériennes sévères (IBS), en
particulier d´infections bactériennes invasives (IBI), avec une prévalence d’IBS estimée entre
8 et 15 % (1). Chez ces enfants, les symptômes et le seul examen clinique sont souvent mis en
défaut dans le dépistage d’IBS. Il est ainsi souvent difficile de distinguer les nourrissons
porteurs d’une IBS de ceux porteurs d’une infection virale bénigne. Des scores clinicobiologiques ont été décrits afin de mieux prédire les enfants à haut ou faible risque d’IBS (25). Mais ils restent imparfaits dans cette tranche d’âge et ne font pas l’objet d’un consensus. Il
en découle une prise en charge très variable d'un centre à l'autre (6) et souvent « agressive »
comprenant à des degrés divers la réalisation d’explorations biologiques et microbiologiques
exhaustives, la prescription d’antibiothérapies empiriques, et l’hospitalisation pour certains
systématique (7), à l’origine d’un coût important et d’une morbidité chez certains de ces
enfants (8). La réflexion pour l'optimisation de la prise en charge doit prendre en compte
l’épidémiologie actuelle des IBS dans cette tranche d’âge ; elle pourrait être améliorée par
l’utilisation de tests de diagnostic rapide de maladies virales et/ou de nouveaux marqueurs
biologiques, comme la procalcitonine (PCT). L’intérêt de ce marqueur chez des enfants plus
âgés a déjà été largement étudié. Plusieurs études montrent que la PCT a une meilleure valeur
prédictive négative (VPN) que la CRP pour le diagnostic des IBI (9). La démonstration de la
valeur ajoutée de ce marqueur chez les nourrissons âgés de moins de trois mois est moins
étudiée. Une étude prospective multicentrique (PRONOUR) incluant plus de 2000 enfants,
dont l’objectif principal est d’évaluer l’intérêt du dosage de la concentration sérique de la
procalcitonine chez les nourrissons fébriles sans point d’appel âgés de moins de 3 mois
consultant aux urgences, a été menée en France.
1. Epidémiologie
1.1. Les changements d’épidémiologie des infections bactériennes sévères chez les nourrissons
fébriles
L’évolution des pratiques de prévention ces vingt dernières années a eu un impact sur
l’épidémiologie des IBS en pédiatrie. La prévalence des infections materno-fœtales précoces
(avant sept jours de vie) à Streptocoque du groupe B a diminué après la généralisation de
l’antibioprophylaxie du per-partum des femmes porteuses de ce germe. Chez les nourrissons
plus âgés, la généralisation de la vaccination anti-pneumococcique a permis de réduire la
prévalence des infections invasives à Pneumocoque mais aussi la prévalence des résistances
de ce germe aux antibiotiques. Concernant les nourrissons âgés de moins de 3 mois, une étude
récente a analysé la fréquence, la distribution et l’évolution dans le temps des IBS chez ces
enfants entre 1997 et 2006 (10). Une augmentation de la fréquence des IBS a été constatée
chez ces nourrissons ces 10 dernières années, allant de 6,5 % pour la période 1997-2001 à
14,4 % pour la période 2002-2006. Ce changement était en rapport avec une forte
augmentation de la fréquence des pyélonéphrites à Escherichia coli qui concernait en majorité
les nourrissons âgés de 30 à 90 jours. En effet, l’augmentation de la fréquence des
pyélonéphrites n’était pas significative chez les nourrissons âgés de moins de trente jours. Les
fréquences des bactériémies et méningites bactériennes étaient stables sur cette période, quel
que soit le groupe d’âge. Une des hypothèses expliquant l’émergence des infections à E. coli
chez les nourrissons de moins de 3 mois serait la généralisation de l’antibioprophylaxie perpartum pour le Streptocoque du groupe B (10).
1.2. Données de l’épidémiologie actuelle française des infections bactériennes sévères chez les
nourrissons fébriles
Une étude prospective multicentrique sur la fièvre des nourrissons âgés de moins de trois
mois fébriles sans point d’appel a été menée entre octobre 2008 et mars 2011 dans 15 centres
français d’urgences pédiatriques (PRONOUR clinical trial NCT00800488). Le pourcentage
d’IBI est de 1,0 %, avec 0,5 % de méningites bactériennes et 0,6 % de bactériémies. E. coli
est responsable dans près de la moitié des cas d’IBI, essentiellement les bactériémies ; et le
Streptocoque du groupe B dans 20 % des IBI. Le pourcentage global des pyélonéphrites est de
13 % et varie selon la technique de recueil des urines, de 5 % sur sondage et 8 % sur poche. E.
coli est retrouvé dans plus de 90 % des pyélonéphrites (Tableau 1).
2. Quels outils sont disponibles et fiables pour la détection d’infections bactériennes sévères ?
Il est connu que l’évaluation du risque d’avoir une IBS chez les nourrissons âgés de moins de
trois mois est extrêmement difficile. Une analyse de la littérature récente a fait le point sur les
propriétés diagnostiques des données cliniques seules, des données biologiques seules et des
scores combinant les deux (11). L’histoire évocatrice d’infection materno-fœtale, bien
qu’intuitivement prise en compte, n’a pas montré de relation évidente avec le risque d’IBS.
Les éléments cliniques pris isolément, tels que l’âge inférieur à un mois, le sexe, la fièvre
(température supérieure à 39°C) n’ont qu’une faible sensibilité dans la détection des enfants
porteurs d’IBS. Quant aux marqueurs inflammatoires dans cette classe d’âge, peu d’études ont
évalué leur intérêt et seulement quatre ont étudié l’intérêt de la PCT (12-15).
2.1. Sensibilité et spécificité des scores cliniques seuls, des marqueurs biologiques seuls et des
scores clinico-biologiques pour le dépistage des IBS chez le nourrissons âgés de moins de
trois mois.
Les scores clinico-biologiques, dont les plus connus sont les scores de Rochester (2), de
Philadelphie (3), de Boston (4) et de Milhaukee (5) et qui n’intègrent pas le CRP, ont une
sensibilité plus élevée (84 à 100 %) comparée aux critères cliniques seuls ou aux biologiques
seuls pour le dépistage des IBS chez les nourrissons âgés de moins de trois mois. Ils ont
néanmoins une plus faible spécificité (27 à 69 %) comparée aux scores cliniques et
biologiques seuls. Ces résultats sont similaires pour le dépistage des IBI que sont les
bactériémies et les méningites. Ainsi, les scores cliniques et biologiques seuls ont une fiabilité
insuffisante pour éliminer la présence d’IBS.
Concernant la tranche d’âge 0-1mois, l’ensemble des scores ont une moins bonne sensibilité
que pour la tranche d’âge 1-3mois dans l’identification de la présence d’IBS, allant de 82 à
84 % pour les scores combinés (11).
2.2. Ces scores sont-ils fiables pour identifier les enfants fébriles âgés de moins de trois mois à bas
et haut risque d’IBS ?
Le score de faible risque le plus étudié (Rochester) a une VPN pour la détection d’IBS allant
de 93 à 99 %°pour les nourrissons de moins de 3 mois et de 93 à 97 % pour les plus jeunes
âgés de moins d’un mois. La prévalence d’IBS dans le groupe à faible risque est d’environ 1 à
2 % pour les nourrissons âgés de moins de trois mois et de 3 à 5 % pour les nourrissons âgés
de moins d’un mois. En d’autres termes, la proportion d’enfants mal classés dans le groupe à
bas risque pour les scores clinico-biologiques (cas manqués d’IBS) est inférieure à 10 %.
L’évaluation des marqueurs biologiques seuls (PNN < 5 000 ou >15 000/mm3, PCT ≥ 0,5
ng/mL, CRP ≥ 30 mg/L, et pléiocytose sur le liquide céphalorachidien) est beaucoup moins
étudiée (8 études pour 27 études pour les scores clinico-biologiques) ; et montre des VPN plus
faibles dans la détection d’IBS (78 à 91 %) (11).
La valeur prédictive positive (VPP) des groupes classés à haut risque pour la présence d’IBS
par les différents scores clinico-biologiques sont faibles et varient de 3 à 49 %, témoignant
d’un grand nombre de faux positifs (11).
2.3. La présence d’une infection virale identifiée aide-t-elle à prédire l’absence d’IBS ?
L’analyse de 11 études montre une relation inverse statistiquement significative entre un test
diagnostique positif pour une maladie virale et la présence d’IBS chez les nourrissons fébriles
(11). Même en l’absence de test de diagnostic rapide, 3 études ont montré une relation inverse
similaire entre le diagnostic clinique d’une bronchiolite et une IBS (11). De plus, la
combinaison des scores clinico-biologiques à la pratique de tests de diagnostic rapide de
maladies virales permet d’améliorer la sensibilité de ces scores. En effet, des études ont
montré que le fait de remplir les critères de faible risque d’IBS et d’avoir une infection virale
authentifiée (à VRS par exemple) diminuait considérablement la probabilité de présence
d’une IBS (11).
La pratique de tests de diagnostic rapide d’infection virale (en fonction de signes cliniques et
des épidémies en cours) permet peut être d’éviter bon nombre d’examens complémentaires,
d’antibiothérapies et d’hospitalisations inutiles. Même si très peu de cas de méningite et de
bactériémie sont décrits chez le nourrisson porteur d’une bronchiolite ou autre infection virale
prouvée, la taille des échantillons et la très faible prévalence d’IBI ne permettent pas
formellement de répondre au dilemme de la nécessité ou non d’une ponction lombaire.
Pour les nourrissons âgés de moins d’un mois, en raison d’une plus forte prévalence d’IBS et
d’une précision des tests de diagnostic rapide différente dans cette tranche d’âge comparée
aux nourrissons plus âgés, il semble prudent, encore une fois, de considérer ce groupe
différemment. La seule étude dans cette tranche d’âge (16) montre qu’il n’y a pas de
différence significative dans la prévalence d’IBS entre les nourrissons âgés de moins d’un
mois porteurs ou non d’infection à VRS prouvée.
3. Utilisation de la procalcitonine dans la détection d’infections bactériennes sévères chez le
nourrisson âgé de moins de trois mois fébrile sans point d’appel
3.1. Données existantes
La procalcitonine (PCT) est un marqueur inflammatoire qui conjugue les propriétés
suivantes : son ascension en cas de syndrome inflammatoire est rapide (6 heures), alors qu’il
est de 12h pour l’ascension de la C-reactive protein (CRP) ; et il est spécifique des infections
bactériennes. L’intérêt de ce marqueur chez des enfants plus âgés a déjà été largement étudié.
Globalement, les performances de la PCT sont meilleures que celles des globules blancs
(GB), mais semblent comparables à celles de la CRP. Néanmoins, les performances
diagnostiques de la PCT sont meilleures 1) lorsque la durée de la fièvre est inférieure à 12
heures ; 2) pour le diagnostic des bactériémies et des méningites purulentes avec une
meilleure VPP (9); ce qui en ferait un atout majeur pour les nourrissons fébriles de moins de
trois mois qui 1) consultent rapidement après l’apparition de la fièvre; 2) qui sont plus à
risque d’IBI.
Seules quatre études évaluent l’intérêt de la PCT spécifiquement chez le nourrisson fébrile
âgé de moins de trois mois (12-15). La seule étude prospective, avec un faible échantillon (n =
234), compare la PCT uniquement aux GB ; et ne distingue pas les IBS des IBI (12). De plus,
elle utilise un seuil très bas de PCT. Avec un seuil à 0,12 ng/mL, la sensibilité de la PCT pour
la détection d’IBS est de 95 %, mais la spécificité est faible à 26 %. Dans les 3 autres études
rétrospectives, les performances diagnostiques de la PCT et de la CRP sont similaires pour la
détection des IBS avec des aires sous la courbe (AUC) Receiver Operating Characteristic
(ROC) allant de 0,74 à 0,77 et de 0,78 à 0,79, respectivement (13-15). En revanche, les
résultats confirment l’intérêt, dans la détection des IBI, de la PCT par rapport à la CRP avec
des AUC allant de 0,83 à 0,95 et de 0,68 à 0,88, respectivement (13-15). (Tableau 2). Les
performances de la PCT sont également meilleures que celles de la CRP lorsque la durée de la
fièvre est < 12 heures (13,14).
Les infections bactériennes sévères pour lesquelles la PCT est mise en défaut sont donc les
pyélonéphrites aiguës. Toutefois, le diagnostic de ces infections est facile aux urgences avec
la réalisation d’une analyse d’urines. Il sera d’autant plus facilité dans un avenir proche, grâce
à la possible généralisation de l’utilisation de la bandelette urinaire (BU). En effet, une étude
récente, sur un très large échantillon (n = 6394), a comparé les performances de la BU avec
celles de la microscopie électronique pour le dépistage des pyélonéphrites chez le nourrisson
âgé de moins de trois mois. La VPP de la BU (66,8 %) était significativement plus élevée que
celle de la microscopie (58,6 %). Les VPN de la BU et de la microscopie étaient similaires
(98,7 % et 98,6 %, respectivement) (17).
3.2. Données de l’étude PRONOUR
Les faibles effectifs des travaux précédents étudiant la PCT ou leur caractère rétrospectif ne
leur confèrent pas une puissance suffisante, mais ces résultats sont corroborés par l’étude
PRONOUR plus large et prospective. Les AUC de la PCT et de la CRP dans le diagnostic
d’IBS sont de 0,79 et 0,82, respectivement ; et dans le diagnostic d’IBI de 0,94 et 0,83,
respectivement. Le cut-off optimal pour la PCT dans la détection des IBS du nourrisson âgé
de moins de 3 mois a été estimé à 0,3 ng/mL. (Tableau 2). Le calcul des rapports de
vraisemblance positif et négatif pour différents seuils de PCT et de CRP permet d’estimer la
probabilité post-test d’avoir une IBS ou une IBI en utilisant comme probabilité pré-test la
prévalence de la maladie dans la population ; c’est-à-dire dans notre étude une prévalence de
18 % pour les IBS et de 1 % pour les IBI. Ces résultats, indiqués dans la figure 1, montrent la
supériorité de la PCT par rapport à la CRP dans le diagnostic d’IBI. Un dosage de PCT
inférieur à 0,3 ng/mL permet de réduire la probabilité d’avoir une IBI à 0.1 % ; alors qu’un
dosage de CRP inférieur à < 20 mg/mL réduit cette probabilité à 0,3 %. Dans le sens opposé,
une PCT supérieure à 1 ng/mL et une CRP supérieure à 40 mg/mL augmente la probabilité
d’avoir une IBI à 10 % et 4 % respectivement. En revanche, les propriétés de la PCT et de la
CRP sont similaires que ce soit pour prédire l’absence d’infection bactérienne (PCT < 0,3
ng/mL et CRP < 20 mg/mL) ou pour confirmer la présence d’infection bactérienne (PCT > 1
ng/mL et CRP > 40 mg/mL). Ainsi, la procalcitonine présente un grand intérêt pour prédire
l’absence de bactériémie et de méningite dans cette population et a de meilleures propriétés
diagnostiques que celles de la CRP dans cette prédiction. L’utilisation d’un seuil de
procalcitonine à 0,3 ng/mL 1) augmente sa performance dans le dépistage des infections
bactériennes comparée à un seuil à 0,5 ng/mL et 2) n’augmente pas considérablement le
nombre de faux positifs contrairement au seuil de 0,12 ng/mL choisi par Maniaci et al (12).
3.3. Perspectives
Une des voies de recherche consiste à combiner plusieurs tests diagnostiques afin
d’augmenter le pouvoir discriminant du score ainsi constitué. Dans ce contexte, un nouvel
outil diagnostique baptisé Labscore a été développé. Il s’agit d’un outil qui combine les
résultats de la bandelette urinaire, du dosage sérique de la CRP et de celui de la PCT. Les
auteurs de ce score ont dans un premier temps procédé à sa construction et à sa validation
interne (18). Puis, une validation externe de l’outil a été réalisée. Ces travaux de construction
et de validation interne ont montré que le score avait pour la détection d’IBS chez le
nourrisson âgé de moins de trois mois (n = 104) une sensibilité de 78 %, une spécificité de
90 %, une valeur prédictive positive de 72 % et négative de 92 %, des rapports de
vraisemblance positif à 7,7 et négatif à 0,25. Ceci plaide pour un bon pouvoir discriminant du
score et permet de faire l’hypothèse que son utilisation permettrait de diminuer les
explorations et antibiothérapies inutiles chez les enfants ayant un score bas. Selon les auteurs,
si le score avait été utilisé sur leur population, il aurait permis une baisse de 50 % des
prescriptions d’antibiotiques. Il est maintenant nécessaire de le valider sur une population
différente.
Une autre voie de recherche consisterait à mieux intégrer le jugement des cliniciens dans la
prise en charge du nourrisson fébrile âgé de moins de trois mois. Comme l’a montré Pantell
(19), la prise en charge de ces patients par des cliniciens expérimentés est à la fois plus
influencée et plus pertinente dans l’évaluation du risque d’IBS de par leur examen et leur
impression cliniques que par une application stricte des recommandations publiées.
Cette observation s’apparente à la notion de « gut felling », qui peut se définir comme
l’intuition que « quelque chose ne va pas » malgré des signes cliniques objectifs en faveur
d’une infection non grave. Il s’agit donc d’une intime conviction ; différente de l’impression
clinique basée sur l’interrogatoire et l’examen clinique ; influencée par une crainte
inhabituelle des parents et l’apparence de l’enfant (20).
Enfin, un modèle de prédiction intégrant des critères cliniques et la CRP a été récemment
élaboré et validé pour l’estimation du risque, à la fois de pneumopathie et d’IBS, chez l’enfant
fébrile de 1 à 15 ans (21). Il est maintenant nécessaire de réaliser un essai interventionnel
d’impact pour montrer que les nourrissons qui consultent aux urgences pour fièvre tirent
bénéfice de l’utilisation de cet outil diagnostique et que son utilisation est économiquement
pertinente.
4. Conclusion
Les algorithmes actuels de prise en charge des nourrissons fébriles âgés de moins de trois
mois ne font pas l’objet d’un consensus, en raison d’une fiabilité insuffisante pour la détection
d’IBS, en particulier chez les enfants âgé de moins d’un mois et d’une utilisation en pratique
courante non optimale. En l’absence de données fiables sur la morbidité, le coût de la prise en
charge du nourrisson fébrile âgé de moins de trois mois, les cliniciens continuent à « sur
traiter » un grand nombre d’enfants non porteurs d’IBS. L’utilisation de nouveaux outils,
comme la PCT, les tests rapides de diagnostic viral et le jugement du clinicien méritent
sûrement d’être plus exploités.
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Tableau 1 : Diagnostic d’infection bactérienne chez 2047 nourrissons fébriles âgés de moins
de 3 mois et bactéries isolées
Total
≤ 30 jours > 30 jours
n=1632
n=415
n=2047 (%)
21 (1)
9
12
Méningites
8 (0.5)
4
4
Bactériémie
13 (0.6)
5
8
IBI
Bactérie
S. agalactiae (3), E coli (2), N. meningiditis (1),
S. pneumoniae (1), Gemella hemolysans (1)
E. coli (8), S.pneumoniae(1), N.meningiditis (1),
S. agalactiae (1), S. aureus (1),Proteus mirabillis (1)
124 (6)
22
102
115 (5.2)
20
95
4 (0.2)
1
3
H. influenzae(2), S. pneumoniae (1),
Group A streptococcus (1)
3 (0.1)
1
2
Salmonella Typhimirium (3)
Coqueluche
2 (0.1)
0
2
IBS présumées
234 (11.4)
59
175
Pyélonéphrites
(poche)
Pneumopathie
173 (8)
53
120
44 (2)
5
39
Otite moyenne
aiguë
Tissus mous
13 (0.6)
0
13
4 (0.2)
1
3
IBS prouvées
Pyélonéphrites
(sondage)
Otite moyenne
aiguë
Gastroentérite
Pas d’IB
E. coli (105), Klebsielle (6), Enterococcus (4)
E. coli (159), Klebsielle (6), Enterococcus (7),
Citrobacter (1)
1668 (81)
IBS : infection bactérienne sévère, IBI : infection bactérienne invasive, IB : infection bactérienne
Tableau 2: Propriétés diagnostiques des globules blancs, de la C-reactive protéine et de la procalcitonine dans le dépistage des infections
bactériennes sévères et invasives du nourrisson fébrile âgé de moins de trois mois.
Étude
n
%IB
Cut off
GB
Maniaci12
IBS
Pro
234
IBI
Olaciregui13
IBS
IBS
Rétro
347
IBS
Rétro
1112
Rétro
456
IBI
Pronour
IBS
IBI
GB
CRP
0.12
24
15
4
IBI
Gajdos15
13
PCT
PCT
Spécificité (%)
GB
CRP
AUC
PCT
GB
26
0.61
89
87
0.67
74
93
95
CRP
PCT
0.76
2.5
IBI
Gomez14
CRP
Sensibilité (%)
2047
0.5
30
0.5
38
59
63
56
86
84
0.79
0.77
0.68
0.84
26
0.69
0.78
0.74
2
0.58
0.75
0.83
22
3
Pro
30
18.5
1
15
20
0.5
20
0.3
20
0.3
71.4
93.3
44
69
63
29
76
91
88
92.6
86
85
85
86
85
87
0.88
0.95
0.73
0.82
0.79
0.50
0.83
0.94
n: nombre de patients , Pro: Prospective; Rétro: Rétrospective; GB: Globules blancs (×1000/mm3);CRP: C-reactive protein (mg/L); PCT:
Procalcitonine (ng/mL); AUC: Area under the receiver operation characteristic curve; IBS : Infection Bactérienne sévère; IBI : Infection
Bactérienne Invasive
Figure 1 : Nomogramme de Fagan avec les probabilités post-tests d’infection bactérienne
sévère et d’infection bactérienne invasive chez le nourrisson fébrile âgé de moins de trois
mois selon différents seuils de Procalcitonine et de C-Reactive Protein
0.1
99.9
0.2
0.3
0.5
0.7
1
99.8
99.7
99.5
99.3
99
0.2
0.3
0.5
0.7
1
99.8
99.7
99.5
99.3
99
98
97
95
93
90
2
3
5
7
10
2
3
5
7
10
20
30
40
50
60
70
80
90
93
95
97
98
Likelihood Ratio
1000
500
200
100
50
20
10
5
2
1
0.5
0.2
0.1
0.05
0.02
0.01
0.005
0.002
0.001
80
70
60
50
40
30
20
10
7
5
3
2
Pre-test Probability (%)
99.9
20
30
40
50
60
70
80
90
93
95
97
98
Likelihood Ratio
1000
500
200
100
50
20
10
5
2
1
0.5
0.2
0.1
0.05
0.02
0.01
0.005
0.002
0.001
98
97
95
93
90
80
70
60
50
40
30
20
10
7
5
3
2
99
99.3
99.5
99.7
99.8
1
0.7
0.5
0.3
0.2
99
99.3
99.5
99.7
99.8
1
0.7
0.5
0.3
0.2
99.9
0.1
99.9
0.1
PCT < 0.3 ng/mL
PCT > 1 ng/mL
CRP < 20 mg/L
CRP > 40 mg/L
Probabilité pré-test d’Infection Bactérienne Sévère : 18 %
Probabilité pré-test d’Infection Bactérienne Invasive : 1 %
IBS : Infection Bactérienne Sévère ; IBI :
procalcitonine ; CRP : C-reactive protein
Infection Bactérienne Invasive; PCT :
Post-test Probability (%)
IBI
0.1
Post-test Probability (%)
Pre-test Probability (%)
IBS
Calendrier vaccinal du prématuré
J. Gaudelus6, R. Cohen7, Y. Aujard8
Les enfants nés prématurément (avant 37 semaines d'aménorrhée (SA) : 7 à 8 % des naissances en
France) et surtout les « grands prématurés » nés avant 33 SA (un prématuré sur cinq) sont des enfants
à haut risque de contracter des infections dont certaines peuvent être prévenues par la vaccination. Plus
de 20 % des grands prématurés seront réhospitalisés au cours de la première année, majoritairement
pour les pathologies infectieuses au premier rang desquelles les infections respiratoires à virus
respiratoire syncytial, Bordetella pertussis et pneumocoque (1). La vulnérabilité particulière de ces
enfants résulte de leur immaturité immunitaire et de leurs faibles taux d'anticorps d'origine maternelle.
Les compétences immunitaires du nouveau-né dépendent de la maturation prénatale (chaque semaine
supplémentaire d'âge gestationnel voit augmenter les réponses aux antigènes). La maturation
postnatale qui débute dès l’exposition aux antigènes de l'environnement se fait chez le prématuré à une
vitesse comparable à celle de l'enfant à terme (2).
Les anticorps d'origine maternelle sont transmis essentiellement pendant le troisième trimestre de la
gestation et leur taux à la naissance dépend directement de l'âge gestationnel. Le coefficient de
transfert des anticorps maternels au nouveau-né est de 0,1 entre 17 et 22 SA, autour de 0,5 entre 28 et
30 SA pour être au-dessus de 1 chez l'enfant à terme (3).
I- Les prématurés ont une augmentation du risque d'infection à prévention vaccinale pour
- La coqueluche (4) : la grande majorité des décès qui y sont associés surviennent chez des enfants
âgés de moins de six mois et surtout de moins de trois mois, trop jeunes pour avoir initié ou complété
leur vaccination comme le confirment les récentes épidémies survenues en Europe, au Canada et aux
États-Unis. Dans une étude française portant sur 105 enfants hospitalisés pour coqueluche en
réanimation pédiatrique, les prématurés représentaient un tiers des coqueluches malignes et un peu
moins de 10 % des hospitalisations avec un taux de mortalité de 6,6 % (5).
- Les infections invasives à pneumocoque. Le risque relatif est de 2,6 chez les enfants de moins de 2
500 g et 6,7 pour les enfants dont le poids de naissance est inférieur à 1 500 g. Le risque d'infections
6
Hôpitaux Universitaires Paris-Seine-Saint-Denis, service de pédiatrie, hôpital Jean Verdier, avenue du 14
juillet, 93143 Bondy cedex, France.
7
Centre hospitalier intercommunal de Créteil, 40 avenue de Verdun, 94010 Créteil cedex
8
Pôle de Périnatologie, Hôpital Robert Debré 48 Blvd Sérurier (Paris), Université Paris VII, France
invasives par les sérotypes vaccinaux est pratiquement décuplé pour les enfants nés avant 32 SA:RR =
9,1 (6).
- Les infections invasives à Hib (7). Comparativement à des enfants nés à terme, le risque relatif a été
évalué à 1,5 (IC95 % : 0,9 à 2,6). Dans une étude menée en France de 2001 à 2006, le premier facteur
de risque de méningites à Hib était la prématurité (8).
- La grippe (9) même si les données disponibles sont plus limitées. Enfin le risque de contracter une
rougeole ou une varicelle dans la première année de vie est plus élevé chez les enfants prématurés
(10). Les prématurés ont un risque augmenté d’hospitalisation pour gastroentérite aiguë (11). Les
diarrhées à rotavirus semblent à risque plus élevé de déshydratation et d’hospitalisation chez les
prématurés.
II- Réponses immunitaires du prématuré aux antigènes du calendrier vaccinal
Les vaccins dont nous disposons en France sont utilisables chez les prématurés. Les vaccins
pentavalents (diphtérie, tétanos, coqueluche, poliomyélite, Haemophilus b et le vaccin hexavalent
(auquel se surajoute l’hépatite B). Toutes les études dont on dispose ont été effectuées avec trois doses
en primovaccination. (12-17).
Vis-à-vis de différents antigènes :
Chez les prématurés de moins de 32 SA, en utilisant un vaccin pentavalent contenant un vaccin
coquelucheux acellulaire avec trois doses à 2, 3 et 4 mois, on ne retrouve pas de différence entre les
prématurés et les enfants nés à terme aussi bien en terme de pourcentage d’enfants séroprotégés qu’en
terme de Moyenne Géométrique des taux d’anticorps (MGT) pour le tétanos et la diphtérie (12).
Vis-à-vis de la poliomyélite, dans une population de 50 prématurés d’âge gestationnel de 28,5 SA
après administration d’un vaccin pentavalent (Pediacel) à 2, 3 et 4 mois Slack et al (14) ont montré
que tous les enfants avaient un titre ≥ 1/8 pour les sérotypes I, II et III. Il n’existait pas de différence
significative par rapport aux enfants à terme. La MGT est par contre diminuée chez les prématurés de
manière significative pour les anticorps antipolio 2 et 3 (15).
Vaccins coquelucheux acellulaires
En utilisant l’Infanrix Quinta contenant comme antigènes coquelucheux PT (toxine pertussique), FHA
(hémaglutinine filamenteuse) et PRN (pertactine) à 2, 3 et 4 mois, il a été montré que la MGT est
comparable pour les Ac FHA et les Ac PRN chez 130 enfants prématurés par rapport à 54 enfant nés à
terme. Pour les Ac PT, il existe une diminution significative de la réponse en MGT [Prématurés : 21
(IC95 % = 18,4-23,9), enfants nés à terme : 33,4(IC95 % = 28,2-39,5) p < 0,001].
Haemophilus b. Dans une série de 107 enfants prématurés de moins de 32 SA vaccinés par Infanrix
Quinta à 2, 3 et 4 mois, la réponse immunitaire mesurée par la MGT est significativement plus
basse : [0,27 µg/ml (IC95 % = 0,21-0,35)] que chez les enfants à terme : 0,81µg/ml (IC95 % = 0,521,25) p < 0,001. Seuls 55 % des prématurés atteignent le taux de 0,15 µg/ml et moins d’un quart (21
%) a un niveau > 1,0 µg/ml comparativement aux enfants nés à terme chez qui 80 % atteignent le taux
de 0,15 µg/ml et 46 % le taux de 1 µg/ml. p = 0,001 (16).
Hépatite B. Plusieurs études ont montré que la proportion de répondeurs et les taux d’anticorps sont
plus faibles chez les prématurés que chez les enfants nés à terme (18). Chez les enfants nés de mère
Ag-HBs positive, il est indispensable d’administrer le vaccin dans les premières heures de vie quel que
soit le poids de naissance ou l’âge gestationnel. Chez les enfants de moins de 2 000 g, cette première
dose n’est pas comptée dans le programme vaccinal et ces enfants doivent recevoir trois doses
supplémentaires, la première de ces trois doses étant donnée à 1 mois et la dernière avec un intervalle
d’au moins six mois entre la troisième et la quatrième dose. Un contrôle sérologique un mois après la
troisième ou quatrième dose suivant les cas est indispensable. Les enfants de mère Ag-HBs négative
seront vaccinés en l’absence de risque particulier à partir de l’âge de 2 mois comme ceci est
recommandé dans le calendrier vaccinal. Le vaccin hexavalent est utilisable dès l’âge de 2 mois.
Une étude a comparé les réponses à un vaccin hexavalent administré à l’âge de 2, 4 et 6 mois de 94
prématurés (âge gestationnel moyen 31,1 ± 3,45 semaines ; poids de naissance moyen
1 420 g ± 600 g) à 92 nouveau-nés à terme (17). Bien qu’avec des taux d’Ac parfois moins élevés chez
les prématurés, tous les enfants ont atteint des taux protecteurs d’Ac contre la diphtérie, le tétanos et la
poliomyélite (type 1, 2 et 3) après les 3 doses de primovaccination. Plus de 98,9 % des enfants des
deux groupes ont développé des réponses immunes contre la coqueluche (17). Concernant
l’Haemophilus b, le pourcentage d’enfants avec respectivement ≥ 0,15 µg/ml et ≥ 1 µg/ml d’Ac après
la troisième dose donnée à 6 mois est respectivement de 92,5 % et 76,3 % chez les prématurés alors
qu’il est de 97,8 % et de 86,5 % chez les nouveau-nés à terme. Des taux protecteurs vis-à-vis de
l’hépatite B sont obtenus dans 93,4 % chez les prématurés et 95,2 % chez les enfants nés à terme.
Pneumocoque
Dans
l’essai
vaccinal
ayant
mis
en
évidence
l’efficacité
du
vaccin
heptavalent
antipneumococcique conjugué, 1 756 enfants de faible poids (131 de moins de 1 500 g et 17 de
moins de 1 000 g) et 4 340 enfants nés avant 38 semaines d’AG (2 971 nés à 36 semaines, 1 180
nés entre 32 et 36 semaines, et 167 nés à moins de 32 semaines d’AG) ont pu être évalués pour ce
vaccin (6). Après 3 doses de vaccin les prématurés fabriquent des Ac vis à vis des sept sérotypes
vaccinaux avec des taux d'Ac plus faibles en particulier pour les sérotypes les moins immunogènes
mais considérés comme suffisants à la protection contre les maladies invasives à pneumocoque.
Ruggeberg et al (19) ont immunisé par trois injections de vaccin pneumococcique 7 valents à 2, 3, 4
mois, 68 enfants prématurés (AG = 30 semaines) et 69 enfants nés à terme. Les prématurés avaient des
taux d'Ac significativement plus faibles à deux mois (prévaccinaux, taux d'Ac maternels plus bas) et
postvaccinaux à cinq mois (reflétant une réponse vaccinale moindre). Quatre semaines après la
troisième dose (cinq mois), des taux d'Ac considérés comme protecteurs sont obtenus pour six des sept
sérotypes. Pour le sérotype 6B, seuls 41 % des prématurés ont un taux ≥ 0,35 µg/ml. L'induction d'une
mémoire immunitaire est démontrée dans ce travail, plus de 93 % des enfants atteignant alors un taux
protecteur contre tous les sérotypes vaccinaux. D’autres études sont venues conforter le fait de
maintenir trois doses en primovaccination pour ce vaccin chez les prématurés (20, 21).
Vaccins rotavirus
Les deux vaccins disponibles ont été étudiés chez le prématuré (22,23) y compris chez le grand
prématuré comparativement à un placebo. Les effets indésirables, qu’ils soient graves ou non,
surviennent avec une fréquence comparable dans le groupe vacciné et le groupe placebo.
L’immunogénicité, évaluée par le taux de séroconversion des IgA spécifiques antirotavirus pour le
vaccin vivant atténué d’origine humaine (Rotarix) après administration de la deuxième dose, est de
85,7 % (IC95 % = 79,0-90,9) dans le groupe vacciné et de 16 % (IC95 % = 8,8-25,9) dans le groupe
placebo. Les MGT étaient de 202,2 U/ml (IC95 % = 153,1-267,1) dans le groupe vacciné et inférieur à
20 U/ml dans le groupe placebo. Les enfants nés à 27-30 SA avaient un taux de séroconversion et une
MGT plus faibles que les enfants nés à 31-36 SA, respectivement 75,9 % (IC95 % = 56,5-89,7) et
110,2 U/ml (IC95 % = 56,1-216,5) versus 88,1 % (IC95 % = 80,9-93,4) et 234,8 U/ml (IC95 % =
173,4-318,0) (22).
Pour le vaccin vivant pentavalent reassortant bovin-humain (Rotateq), l’efficacité a été évaluée après
trois doses par la réduction du taux d’hospitalisation et de recours aux urgences pour gastroentérite
aiguë à rotavirus qui a été de 100 % (IC95 % = 82,2-100) par rapport au groupe placebo. Toute
sévérité confondue, la diminution des diarrhées à rotavirus a été de 73 % (IC95 % = -2,2-95,2) (23).
BCG
Le principal facteur de risque de faire une tuberculose est l'exposition au BK et tout particulièrement
au domicile d'un patient bacillifère. La prématurité n'est pas en soi un facteur de risque, sauf peut-être
de faire une forme grave compte tenu de l'immaturité immunitaire.
Dans les pays ou la prévalence de la tuberculose est élevée, la vaccination est pratiquée dès la
naissance (programme élargi de vaccination) dans la mesure ou pour être efficace le vaccin doit être
administré avant tout contact avec un bacille tuberculeux. Les données publiées à propos de la
vaccination BCG des prématurés concernent avant tout les réactions tuberculiniques post-BCG (2425). L’étude de Dawodu (24) ne montre pas de différence dans la positivation des réactions
tuberculiniques chez 12 prématurés d’âge gestationnel inférieur à 32 semaines vaccinés à la naissance
par rapport à 15 nourrissons nés à terme vaccinés dans les mêmes conditions et par rapport à 8
prématurés vaccinés 4 à 8 semaines après la naissance. Thayyil-Sudhan et al (25) ont randomisé 62
prématurés d’âge gestationnel < 35 semaines, le premier groupe a été vacciné à 34-35 et le second à
38-40 semaines d’âge postconceptionnel. La réponse immunitaire cellulaire a été évaluée par le test de
Mantoux (IDR) et un test d’inhibition de la migration lymphocytaire 6 à 8 semaines après la
vaccination par le BCG. Il n’a pas été observé de différence entre les deux groupes, qu’il s’agisse du
taux de positivation des réactions tuberculiniques (80 % vs 80,7 %) de la positivité du test de
migration lymphocytaire (86,6 % vs 90,3 %) ou de la présence d’une cicatrice du BCG (90,0 % vs
87,1 %).
Grippe
Peu de données existent chez les nourrissons en général et chez les prématurés en particulier. Aucune
étude n’existe chez les nourrissons de moins de six mois qu'ils soient nés à terme ou prématurément.
Une étude effectuée en 1992 a comparé les réponses humorales et cellulaires à un vaccin
antigrippal inactivé trivalent chez 15 ex prématurés ayant une maladie pulmonaire chronique de
degré variable et chez 18 nourrissons nés à terme 6 et 20 semaines après vaccination (26). Bien
que l’immunité cellulaire ait été trouvée déprimée chez les enfants ayant une maladie pulmonaire
chronique à un stade avancé, pratiquement tous les prématurés produisent des Ac vis-à-vis des
trois souches vaccinales à un taux considéré comme suffisant à la protection. Comparativement à 40
enfants nés à terme, 40 prématurés avaient une immunogénicité comparable ou supérieure après
vaccination antigrippale par un vaccin trivalent après deux doses (27).
Rougeole
La vaccination précoce (avant 12 mois) des nourrissons nés à terme est limitée par l'immaturité
immunitaire et par la persistance des Ac maternels. La perte de protection induite par les Ac maternels
est très rapide chez le prématuré du fait du faible taux d'Ac maternels transmis mais également de la
diminution des taux d'Ac observée chez les femmes en âge de procréer (28). Cette rapide décroissance
des Ac transmis augmente le risque d'infection. Il y a peu de données d’immunogénicité d’une
vaccination rougeole précoce (avant 12 mois) chez le prématuré en dehors de situation de contage
(29). L’immunogénicité de la vaccination anti rougeoleuse effectuée à l’âge de 9 mois est moindre que
celle obtenue à partir de l’âge de 12 mois chez l’enfant né à terme même en l'absence d'Ac
antirougeole (30).
Vaccin méningococcique C conjugué
Cette vaccination ne pose pas de problème particulier chez le prématuré dans la mesure où elle est
recommandée à l’âge de un an. Elle est possible avant l’âge de 12 mois si nécessaire. Les seules
données disponibles concernent un schéma à trois doses en primovaccination données respectivement
à 2, 3 et 4 mois (14, 16, 31). La moyenne géométrique des titres d’anticorps bactéricides passe de 2,51
(IC95 % = 2,05-3,07) avant immunisation à 1245,10 (IC95 % = 745,62-2079,20) après la troisième
injection (p < 0,0001), 100 % des enfants ayant un titre d’anticorps bactéricides ≥ 1,8 (14). Dans
l’étude de Collins (31) comparativement à des nouveau-nés à terme, il n’existait pas de différence de
pourcentage d’enfants ayant une activité bactéricide du sérum ≥ 1/8 ou une multiplication par 4 du
taux des Ac après primo-vaccination. La moyenne géométrique des titres d’Ac était moindre chez les
prématurés mais la différence n’était pas significative (p = 0,07). La persistance des Ac à 12 mois
mesurée par l’activité bactéricide du sérum était comparable à celle obtenue chez les nouveau-nés à
terme. Lorsque les enfants sont vaccinés avant 12 mois, un rappel est indispensable dans la deuxième
année.
III- Tolérance des vaccins chez le prématuré
La réactogénicité locale (douleur, gonflement) et systémique (fièvre, irritabilité) a beaucoup diminué
depuis l’utilisation de vaccins acellulaires contre la coqueluche. Diverses études ont montré que les
prématurés de moins de 33 semaines (ou d’un poids inférieur à 1 500 g) pouvaient présenter lors de la
vaccination une recrudescence d’apnées, de bradycardies et/ou de désaturation, en particulier chez les
enfants suffisamment instables pour nécessiter encore une hospitalisation à 60 jours de vie. Les
facteurs de risque sont maintenant bien identifiés : le faible âge gestationnel, l’instabilité clinique et la
présence d’apnées avant la vaccination (32).
Les propositions admises au niveau international sont donc de vacciner sous monitoring
cardiorespiratoire pendant 48 heures les enfants prématurés de moins de 33 SA et/ou d’un poids
inférieur à 1 500 g et qui sont encore hospitalisés. Tout doit être fait, dans la mesure du possible, pour
initier les vaccinations de ces enfants avant leur retour à domicile. Si, lors de cette première injection,
l’enfant a présenté une apnée, bradycardie et/ou désaturation, la seconde dose sera faite en milieu
hospitalier et sous monitoring compte tenu du risque de récidive évalué autour de 20 % dans
l’expérience suisse (33). Si par contre, il n’y a pas eu d’effet indésirable lors de la première injection,
la seconde injection peut être faite en ambulatoire sans précaution particulière. Les enfants
suffisamment stables pour être déjà à domicile ne nécessitent sauf cas particulier aucune précaution
particulière (33).
IV- Vaccination de l’entourage
La protection des enfants nés prématurément pendant les premiers mois de vie repose en grande partie
sur la prévention des contages. Au-delà des règles d’hygiène de base, certaines vaccinations des
parents, des grands-parents, de la fratrie ainsi que des personnels ayant l’enfant en garde, effectuées
avant ou juste après la naissance permettent de diminuer considérablement le risque d’exposition. Il
est donc nécessaire de vérifier et si besoin de mettre à jour les vaccinations de l’entourage
particulièrement pour la coqueluche : vaccination de rappel des parents d’enfants nés prématurément
dont la dernière dose de vaccin coquelucheux date de plus de cinq ans et mise à jour des vaccins des
grands-parents, des frères et des sœurs. Ces vaccinations peuvent être proposées dans le service durant
l’hospitalisation. La ou les personnes ayant la garde de l’enfant, comme le personnel de santé qui
s’occupe de ces enfants doivent également bénéficier d’une mise à jour régulière de leurs vaccins.
Les jeunes enfants sont également la source principale de contagion par les bactéries encapsulées (Hib,
Pneumocoque). Les enfants de la fratrie de moins de 2 ans doivent être à jour de leur vaccination
contre le pneumocoque et ceux de moins de 5 ans être à jour de leur vaccination contre l’Haemophilus
Influenzae b.
Tout l’entourage de l’enfant né prématurément doit être vacciné contre la grippe pendant les deux
premiers hivers.
Enfin les risques d’exposition à la rougeole justifient d’appliquer les recommandations de rattrapage à
l’entourage : Pour la rougeole, tous les sujets nés depuis 1980 doivent avoir reçu deux doses de vaccin
triple Rougeole Rubéole Oreillons.
V- Commentaires
Compte tenu des connaissances acquises sur la maturation postnatale du système immunitaire des
enfants prématurés, ces enfants doivent être vaccinés dès l’âge de deux mois (à deux mois d’âge
chronologique) par les mêmes vaccins et avec les mêmes doses que les enfants nés à terme.
Les données d’immunogénicité des vaccins sont peu nombreuses dans la littérature et le nombre
d’enfants inclus dans les études est, compte tenu de la population étudiée, faible. Les enfants les plus à
risque sont les grands prématurés (< 33 SA) qu’il est nécessaire de protéger au mieux.
La quasi-totalité des études comparant l’immunogénicité des vaccins chez les grands prématurés et
chez les enfants nés à terme a été réalisée avec des schémas de primovaccination en trois injections.
Ces schémas permettent d’obtenir pour la plupart des valences et pour la majorité des patients une
immunité considérée comme protectrice. Pour les valences comme Tétanos, Diphtérie et Polio, le
pourcentage d’enfants ayant des taux protecteurs après la troisième injection est comparable à ceux
obtenus chez les enfants nés à terme. Par contre les données concernant les MGT sont soit inférieures
à celles obtenues chez les nouveau-nés à terme, soit comparables, mais les effectifs sont insuffisants
pour démontrer une non infériorité.
Pour d’autres valences (Coqueluche, pneumocoque, Hib, Hépatite B) quels que soient les critères
retenus, l’immunogénicité est nettement moins bonne, ce qui fait craindre que le passage à deux doses
ne permette pas d’une part de protéger suffisamment à court terme ces prématurés et d’autre part laisse
craindre une moins bonne réponse immunitaire après le rappel à 11 mois. De plus, la majorité de ces
enfants devant être vaccinés avant la sortie de l’hôpital, nombre d’entre eux seront vaccinés plus tôt,
dès six semaines.
Un des arguments avancés par les tenants du schéma simplifié à deux doses y compris chez le
prématuré est que les bonnes couvertures vaccinales du reste de la population (et notamment celle des
nourrissons) contribuent à la protection de ces enfants insuffisamment immunisés. Cette immunité de
groupe est majeure pour certaines maladies comme les infections invasives à Hib et différents
sérotypes de pneumocoque contenus dans les vaccins pneumococciques conjugués. Cet effet est
cependant moins marqué pour la coqueluche pour laquelle malgré les bonnes couvertures vaccinales et
les recommandations concernant les adultes dont le cocooning, de nombreux cas de coqueluche
surviennent encore chez de très jeunes nourrissons, les plus à risque. Même si la vaccination contre la
coqueluche était proposée aux femmes enceintes, les grands prématurés n’en bénéficieraient que
partiellement du fait du faible passage d’anticorps maternels.
Par ailleurs, pour le pneumocoque dans l’observatoire GPIP-ACTIV, la majorité des méningites de
sérotype 7F après l’implémentation du Prévenar 13 est survenue chez des enfants de moins de 3 mois
non vaccinés. Enfin, dans un pays ou la perte de confiance vis-à-vis des vaccins gagne du terrain
d’années en années, il paraît imprudent de fonder la protection des prématurés principalement sur
l’immunité de groupe. L’ensemble de ces éléments nous paraît justifier le maintien d’une
primovaccination en trois doses chez les prématurés de moins de 33 SA.
Ce calendrier n’entraînera pas de visite supplémentaire puisque de toute façon ces enfants ont une
primovaccination en trois doses pour le pneumocoque respectivement à 2, 3 et 4 mois.
Les risques d’apnées et/ou de bradycardie et/ou de désaturation font recommander la première
vaccination à l’âge de 2 mois sous monitoring cardio-respiratoire pendant 48 heures avant la sortie de
l’hôpital. Cette date peut être avancée à six semaines pour les enfants qui peuvent sortir avant l’âge de
2 mois, la seconde dose sera alors faite à l’âge de 3 mois et la troisième à l’âge de 4 mois.
Concernant la rougeole, la moindre immunogénicité de la vaccination antirougeoleuse effectuée à l'âge
de 9 mois par rapport à ce qu'elle est à partir de l'âge de 12 mois chez les enfants nés à terme a fait
maintenir la recommandation de faire la première dose de vaccin triple à 12 mois dans le nouveau
calendrier vaccinal (30). Sauf cas particulier (voyage en pays d'endémie, contact avec un rougeoleux)
il n'y a pas lieu de modifier les recommandations chez les prématurés par rapport à ce qu'elles sont
chez le nouveau-né à terme. Si on doit vacciner avant 12 mois, le vaccin monovalent doit être utilisé
qu'il faudra compléter après 12 mois par deux injections de vaccin triple Rougeole Rubéole Oreillons à
au moins un mois d’intervalle (34).
Le BCG sera effectué aux enfants nés prématurément avec les mêmes indications que pour les enfants
nés à terme, c'est-à-dire s’il existe un risque d’exposition au BK, et sera effectué avant le retour à
domicile de l'enfant.
Le vaccin rotavirus peut être débuté dès six semaines d’âge chronologique (35).
Le vaccin contre la grippe est recommandé pour les prématurés atteints d’une maladie pulmonaire
chronique (bronchodysplasie pulmonaire) à partir de l’âge de 6 mois puis chaque année en automne au
moins pendant les deux premières années. La vaccination comporte lors de la première vaccination
deux injections d’une demi-dose de vaccin à un mois d’intervalle puis une seule demi-dose l’année
suivante.
Le vaccin conjugué contre le méningocoque C sera proposé (sauf cas particulier) à 12 mois comme
pour les enfants nés à terme.
Le calendrier vaccinal du prématuré de moins de 33 semaines d’âge gestationnel est présenté dans le
tableau 1.
Conclusion
Les prématurés nés avant 33 semaines d’âge gestationnel justifient le maintien d’une primovaccination
par trois injections respectivement à 2, 3 et 4 mois d’âge chronologique non seulement pour le vaccin
pneumococcique conjugué mais aussi pour les vaccins combinés hexavalents ou pentavalents. Comme
chez les enfants nés à terme, l’âge du rappel du vaccin hexa ou pentavalent et du vaccin
pneumococcique conjugué est de 11 mois. La première dose du vaccin triple Rougeole Rubéole
Oreillons et le vaccin méningococcique C conjugué sont effectués à 12 mois. Il faut y ajouter, à partir
de l’âge de 6 mois, le vaccin antigrippal chez ceux qui présentent une maladie pulmonaire chronique.
Les risques d’apnées et/ou de bradycardie et/ou de désaturation font recommander la première
vaccination sous monitoring cardio-respiratoire pendant 48 heures avant la sortie de l’hôpital. Cette
date peut être avancée à 6 semaines. Les doses suivantes peuvent être administrées sans précaution
particulière à tous ceux n’ayant pas posé de problème lors de la première vaccination et pour ceux
suffisamment stables pour être déjà à domicile à l’âge de 60 jours. La vaccination de l’entourage doit
être vérifiée et mise à jour.
Conflit d’intérêt
J Gaudelus
R Cohen
Y Aujard
Ne déclarent aucun conflit d’intérêt en relation avec ce travail
Tableau 1
Calendrier vaccinal des grands prématurés < 33 SA
2 mois, 3 mois, 4 mois, 11 mois
Hexavalent de préférence ou Pentavalent. Vaccin pneumococcique conjugué 13 valent.
A partir de 6 mois
Grippe 2 injections à un mois d’intervalle.
A 12 mois
Rougeole Oreillons Rubéole n°1 et Méningocoque C conjugué.
BCG avant la sortie chez les enfants à risque.
Vaccin rotavirus :
2, 3 si vaccin monovalent
2, 3, 4 si vaccin recombinant reassortant pentavalent.
Dès la deuxième année, le calendrier vaccinal est le même que celui des enfants nés à terme.
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Génétique des épilepsies néonatales
Mathieu Milh 1,2
1. Service de Neurologie Pédiatrique, Hôpital de la Timone-Enfants 264 Rue saint Pierre Marseille.
2. INSERM U910
Mathieu MILH
Tél : 04 91 38 68 07
Fax : 04 91 38 68 09
Mail : [email protected]
Introduction
On entend par « crise néonatale » une crise d’épilepsie, quels qu’en soient les symptômes, survenant
au cours du premier mois de vie. La survenue de crises d’épilepsie dans la période néonatale est
relativement fréquente (2 à 3/1000 naissances), d’autant plus fréquente dans les centres tertiaires. Le
terme « épilepsie néonatale » sous entend que les causes occasionnelles de crises ont été écartées, ainsi
que les maladies générales, métaboliques ou neurologiques se révélant pas des crises épileptiques,
mais associées à d’autres désordres évidents. Les épilepsies néonatales sont donc beaucoup plus rares
que les crises néonatales, car la proportion de crises symptomatiques d’autres maladies est importante
à cet âge. Dans cet exposé, ne seront traitées que les épilepsies néonatales génétiques au sens de la
classification actuelle de la ligue internationale contre l’épilepsie, c’est à dire dont l’anomalie
génétique, connue ou suspectée, est directement en cause dans les symptômes. Les épilepsies en
rapport avec une anomalies structurale du cerveau, acquise ou constitutionnelle (polymicrogyrie,
lissencéphalie, porencéphalie), ne seront donc pas traitées ici. Le diagnostic d’épilepsie néonatale
probablement génétique ne peut se faire qu’après avoir éliminé une cause acquise, une cause
métabolique et une cause malformative évidente.
Une fois le diagnostic d’épilepsie néonatale posé, le mode de début, l’analyse de l’examen clinique,
des crises, de l’EEG critique et intercritique, sont autant d’éléments qui permettent parfois d’orienter
la démarche étiologique.
1.1 Diagnostic
Tout type de crise peut-être observé, à l’exception des crises généralisées tonico-cloniques qui
n’existent pas à cet âge. Le plus souvent, il s’agit de crises motrices : contractions toniques,
myoclonies massives ou erratiques, clonies uni ou bilatérales. Mais on peut observer également
des phénomènes végétatifs, des occuloclonies, des modifications du rythme respiratoire, de la
coloration…Les crises peu ou pas symptomatiques sont très fréquentes chez les nouveaux-nés et il
est toujours intéressant de faire des enregistrement EEG couplés à la vidéo. L’étude de l’activité
EEG en intercritique est également utile. La normalité de l’EEG intercritique initial ne permet pas
d’éliminer une épilepsie néonatale, même sévère. Le tracé EEG intercritique peut montrer :
-
Un tracé de type « suppression-burst », avec des bouffées d’activité synchrones, faites de
pointes et de polypopintes, entrecoupées de périodes de silence électrique.
-
Un tracé du suppression-burst atypique, avec des périodes de silence asynchrones, ou de
simples périodes d’aplatissement des tracés.
-
Des pointes multififocales, plus ou moins synchrones, sur un tracé continu.
-
Un tracé trop lent, sans anomalie paroxystique,
-
Il peut être normal.
L’association de crises néonatales et d’un tracé EEG durablement anormal et paroxystique doit
faire évoquer le diagnostic d’encéphalopathies épileptiques précoces, où la succession des crises
et/ou les anomalies EEG intercritiques sont sensées impacter négativement, et durablement, le
développement neurologique. Le terme d’encéphalopathie épileptique est cependant discuté car
aucune étude n’a pu montrer que les crises et/ou l’EEG avaient, par eux-même, un impact négatif
sur le développement. En revanche, la cause de l’épilepsie semble être un facteur déterminant pour
le pronostic. Même en phase aigue, il est parfois difficile de faire la part des choses entre l’impact
des crises, de la cause sous-jacente et celui du traitement, sur l’état neurologique de l’enfant, et en
particulier les troubles de la conscience entre les crises, qui sont finalement peu fréquents dans les
épilepsies néonatales, et souvent liès aux traitement quand ils sont présents.
Actuellement, près d’une quinzaine de gènes ont été impliqués dans les épilepsies néonatales. Les
outils de dernière génération ont permis de trouver une explication moléculaire pour plus de la
moitié des patients, lorsqu’ils sont utilisés. Cependant actuellement, ses outils ne sont pas
disponibles dans tous les centres, et une approche rationnelle de l’exploration de ces épilepsies
reste utile, basée sur l’analyse des crises, de l’EEG intercritique, de l’examen neurologique, de
l’anamnèse familiale et personnelle. C’est la démarche « syndromqiue »
1.2 Démarche syndromique
La classification internationale reconnaît 4 syndromes épileptiques, dont 1 bénin, pouvant débuter
dans cette période : le syndrome d’Ohtahara, l’épilepsie myoclonique précoce ou syndrome d’Aicardi,
et l’épilepsie avec crises partielles migrantes et les crises néonatales familiales bénignes.
1.2 1 Epilepsies néonatales bénignes
Il s’agit de formes d’épilepsie qui sont transitoires, de rémission spontanée en quelques jours à
quelques semaines, et qui sont associées à un pronostic favorable. Les crises peuvent être très
nombreuses initialement, évoluant sous forme d’un orage dont l’intensité est proche de celle des
formes sévères (1). Les crises sont souvent motrices, toniques asymétriques, parfois cyanosantes.
Généralement, l’EEG intercritique est normal ou montre simplement des anomalies discrètes. L’orage
de crises est plus ou moins sensible au traitement mais fini dans tous les cas par s’arrêter. Le
diagnostic est facile dans les formes familiales, car un des parents décrit des crises en période
néonatale. Dans les formes sporadiques, le diagnostic est souvent fait a posteriori, quand les crises
cessent, avec un examen neurologique restant rassurant. En 1998, les déterminants génétiques des
formes bénignes ont été décrits ; il s’agit de KCNQ2 et KCNQ3 (2).
1.3.1 Syndrome d’Ohtahara
Le syndrome d’Ohtahara est une forme d’EEP définie par l’association :
- De crises essentiellement motrices : sursauts, spasmes, crises toniques asymétriques, clonies…
- D’un EEG de type « suppression-burst », avec des périodes de silence plus brèves que les bursts en
moyenne. Ce type de tracé est observable plusieurs jours de suite, en moyenne de 15 jours à plusieurs
mois (3).
Dans environ 50% des cas, ce syndrome est en rapport avec une anomalie structurale du SNC, dans le
reste des cas, il est d’origine génétique.
Actuellement, deux gènes majeurs sont retrouvés mutés dans plus de 50% des syndromes d’Ohatahra,
il s’agit de STBP1 et de KCNQ2.
-
MUNC18-1/STXBP1 est un gène codant pour une protéine qui joue un rôle majeur dans la
libération vésiculaire de neurotransmetteurs dépendant du complexe SNARE. Des anomalies
de ce gène ont été initialement décrites chez 5 patients porteurs d’un syndrome d’Ohatahara
sporadique. L’épilepsie débutait entre 10 jours et 3 mois et l’évolution était sévère, avec une
totale absence de développement neurologique chez tous les patients. Quatre patients étaient
porteurs de mutations ponctuelles et un patient d’une délétion de tout le gène(4). D’autres
études ont confirmé le caractère fréquent des anomalies de STXBP1 dans les cas de syndrome
d’Ohtahara (5,6). Parmi les patients porteurs d’un syndrome d’Ohtahara, ceux qui avaient une
mutation de STXBP1 avaient également des mouvements anormaux très fréquents. Au cours
de l’évolution, l’épilepsie devenait moins sévère, voire disparaissait, ainsi que les anomalies
EEG, mais tous les enfants gardaient un trouble sévère du développement. Dans notre
expériences, des anomalies de STXBP1 sont retrouvées dans environ 20% des patients ayant
une épilepsie néonatale (début avant 1 mois), avec orage de crises focales, sursauts et
mouvments anormaux, tracé EEG suppression-burst ou discontinu. Le pronostic neurologique
est sévère, moins de la moitié des enfants marchent, aucun n’acquière un langage riche et le
retard mental est constant. L’examen retrouve une croissance du PC conservée, des
mouvements anormaux fréquents et une certaine forme d’ataxie (Di Meglio en préparation).
-
KCNQ2 est un gène codant pour une sous-unité d’un canal potassique responsable d’un
courant nommé Im. C’est le gène le plus fréquemment retrouvé anormal dans les syndromes
d’Ohatahara (Près de 50% dans notre expérience). Typiquement, le début est très précoce, au
cours de la 1ere semaine de vie. Il s’agit d’un orage de crises toniques asymétriques, ou
cloniques, qui nécessitent souvent une hospitalisation en réanimation compte tenu de leur très
grande fréquence. L’EEG est soit discontinu, soit de type SB (7). Le GARDENAL est
inefficace. Les bloqueurs sodiques pourraient avoir une meilleure efficacité. Par la suite,
l’évolution est plus
imprévisible que pour STXBP1 : en terme de crises, 50% ont une
rémission rapide et 50% une épilepsie persistante, mais le plupart du temps sous forme d
crises rares. En terme de développement, 50% acquièrent la marche , mais dans notre série, un
seul patient à une efficience cognitive dans la norme (8). Le PC reste normal.
Ces deux gène peuvent être responsables de tableaux très priches, mais il existe tout de même
quelques différences. Les OS en rapport avec STXBP1 peuvent débuter sur une période plus
prolongée, les crises sont généralement mieux tolérées, focales plus prolongées mais sans cyanose, le
tracé EEG intercritique est plus rapidement continu. Inversement, les OS en rapport avec KCNQ2
sont explosifs, très précoces, avec des crises toniques cyanosantes très résistantes.
UN même gène, KCNQ2, peut donc être associé à des formes bénignes et à des formes très sévères
d’épilepsie. A ce jour, les mutations décrits dans les formes bénignes et les formes sévères ont toujours
été différentes. Ceci tendrait à montrer que les mutations « bénignes « et les mutations « sévères » ont
des conséquences différentes sur le fonctionnement neuronal.
D’autres gènes oint été retrouvé mutés, de manière beaucoup plus rare dans les OS :
-
SCN2A. Comme KCNQ2, ce gène a tout d’abord été décrit dans des formes d’épilepsie
bénigne. (Epilepsies familiales néonatales-infantiles bénignes). Certaines mutations peuvent
être responsables d’un tableau de OS (9). Le pronostic neurologique est alors assez sombre.
Ce gène est impliqué dans moins de 10% des OS.
-
ARX : il s’agit d’un gène situé sur le chromosome X impliqué dans divers tableaux
neurologiques : retard mental, épilepsie, malformations cérébrales… En 2007, une expansion
de novo de polyalanines dans la séquence codante du gène ARX a été retrouvée chez deux
garçons non apparentés présentant une EEP (Kato et al. 2007). Il s’agissait de deux garçons
issus de deux familles non consanguines. L’épilepsie a débuté très précocement, au cours de la
première semaine de vie dans les deux cas. Le tracé intercritique montrait un aspect de
suppression-burst. L’IRM cérébrale retrouvait des anomalies minimes (corps calleux
hypoplasique et anomalies de signal aspécifiques de la substance blanche). Les deux patients
ont évolué vers un tableau d’encéphalopathie sévère avec épilepsie intraitable. L’EEG est
devenu hypsarythmique, avec des anomalies continues, polymorphes et généralisées, à partir
de l’âge de trois mois (10).
-
GC1 : Il s’agit d’un gène autosomique codant pour un transporteur mitochondrial du
glutamate. Ce gène a été initialement rapporté comme anormal chez 2 patients apparentés
issue d’une famille consanguine porteurs d’une EEP (11). Deux autres cas ont été rapportés
depuis (12). Il s’agissait de patients consanguins microcéphales ayant également une rétinite
pigmentaire.
-
SRGAP2 : Un patient a récemment été décrit avec une délétion de ce gène. Il avait une
épilepsie et un EEG compatibles avec le diagnostic de syndrome d’Ohtahara (13).
Ces gènes expliquent environ 70% des syndromes d’Ohtahara. L’ensemble des modes de transmission
sont possibles, rendant le conseil génétique reservé en l’absence de cause retrouvée.
1.2.3 L’épilepsie myoclonique précoce
Il s’agit d’une forme très rare d’épilepsie. Les crises sont essentiellement constituées par des
myoclonies erratiques incessantes. Il existe parfois des myoclonies massives, mais pas de spasmes
épileptiques. L’EEG est pauvre, de type suppression-burst, mais avec des périodes de silence plus
longues que les bursts en moyenne. La corrélation entre activité EEG et myoclonies n’est pas claire.
Aucune anomalie génétique n’a été retrouvée ce jour. L’IRM cérébrale ne retrouve jamais d’anomalie
structurale initialement. Les cas familiaux sont plus fréquents.
1.2.4 L’épilepsie avec crises partielles migrantes
Ce syndrome épileptique rare, décrit pour la première fois en 1995 est une encéphalopathie épileptique
débutant toujours avant 6 mois, mais souvent avant trois mois et évoluant vers des crises partielles
subcontinues qui migrent d’une région à l’autre du cortex associées à une détérioration psychomotrice
majeure (14). L’âge de début varie entre la première semaine de vie et 7 mois avec un âge moyen de 3
mois. Les crises peuvent être peu fréquentes au début, puis leur fréquence augmente avec le temps.
Elles se caractérisent par des manifestations essentiellement non motrices,
neurovégétatives,
oculaires… avec une participation motrice secondaire chez la moitié des patients au cours de
l’évolution. L’observation clinique et vidéo-EEG met en évidence des manifestations cliniques variées
rendant compte des différentes régions impliquées par les décharges critiques successives : déviation
latérale de la tête et des yeux, secousses latérales yeux, regard fixe, secousses cloniques des paupières,
hypertonie ou clonies d’un membre ou d’un hémicorps, mâchonnement, apnées, érythrose faciale,
cyanose, salivation. Les décharges critiques sont caractérisées par une activité thêta rythmique
commençant dans une région s’étendant progressivement aux régions voisines tout en diminuant de
fréquence. Les crises successives peuvent se superposer, une crise débutant avant la fin de la
précédente. A la phase d’état, qui intervient quelques semaines après les premières crises, il en résulte
une activité critique continue et migrante, réalisant un aspect complexe d’état de mal épileptique. Les
décharges critiques sont plus ou moins corrélées avec la sémiologie clinique. Les crises partielles
durent plusieurs minutes et sont plus longues que les crises partielles habituelles du nourrisson.
L’examen neurologique est caractérisé par une quasi-absence d’acquisition. L’IRM cérébrale ne met
pas en évidence de malformation corticale. L’évolution est marquée par une microcéphalie acquise.
L’épilepsie est pharmacorésistante : les anti-épileptiques et les corticoïdes sont inefficaces. Certains
enfants meurent avant la fin de la première année de vie de crises particulièrement fréquentes et de
détresse respiratoire.
Récemment, le gène majeur de cette maladie a été mis en évidence, il s’agit de KCNT1, qui code pour
une sous-unité d’un canal potassique impliqué dans le maintient du potentiel de repos des neurones
(15). D’autres gènes ont été décrits : SCN1A, GC1, PLP1, TBC1D24 .
1.2.5 Epilepsies néonatales inclassables.
La majorité des épilepsies néonatales n’entrent pas dans une description syndromique précise. Dans ce
cas, il est très difficile de proposer une stratégie d’exploration génétique et l’utilisation de panels de
gènes semble être la meilleure approche. En juin 2014, 18 gènes impliqués dans les épilepsies
néonatales ont été décrits. Les deux plus fréquents étant CDKL5 et STXBP1 (16).
Conclusion
L’arrivée d’outil génétique de dernière génération, permettant d’explorer de très nombreux gènes en
même temps, a permis de progresser de manière extraordinaire dans la connaissance des déterminants
génétique des épilepsies néonatales. Bientôt, ces outils seront utilisés en diagnostic de routine et
permettront probablement de trouver la cause de l’épilepsie dans plus de la moitié des cas. Cependant,
ses outils nécessitent également une expertise clinique, pour que la mutation mise en évidence soit
validée comme étant responsable de l’ensemble des symptômes présents par le patient. Dans ce cadre,
l’exploration phénotypique précise des nouveaux-nés, la description des crises, l’analyse de l’EEG
critique et intercritqiue, les éléments d’anamnèse personnelle et familiale, auront toujours un rôle
majeur.
Cette démarche syndromique, débutée bien avant l’air de la génétique, à d’ailleurs été validée par la
génétique. EN effet, reconnaître un syndrome d’Ohathara ou un syndrome des crises partielles
migrantes du nourrisson permet de faire rapidement le diagnostic dans près de ¾ des cas.
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Communications libres 3
Paludisme d’importation pédiatrique en France : Pertinence des critères de
gravité OMS.
Justine Lanneaux1, Luu-ly Pham2, François Dubos3, Stéphane Dauger1, François Angoulvant4* pour le
groupe des investigateurs pédiatres
1. Service de Réanimation Pédiatrique, AP-HP, Hôpital Robert Debré, Université Paris Diderot,
Sorbonne Paris Cité, Paris
2. Service des Urgences Pédiatriques, AP-HP, Hôpital Le Kremlin-Bicêtre, Université Paris Sud,
Bicêtre
3. Unité de Pédiatrie générale, urgences et maladies infectieuses, Université Lille Nord-deFrance, UDSL, CHRU Lille, F-59000 Lille
4. Service des Urgences Pédiatriques, AP-HP, Hôpital Necker-Enfants Malades, Université Paris
Descartes, Inserm UMRS 1123 – ECEVE, Sorbonne Paris Cité, Paris
*Auteur Correspondant :
Dr. François ANGOULVANT
Service d’Accueil des Urgences Pédiatriques
Hôpital Necker-Enfants Malades, 149 rue de Sèvres, 75015, Paris, France
ECEVE – INSERM UMR 1123
Tel : +33 1 71 39 69 68
Email : [email protected]
I. Introduction
Le paludisme est l’infection parasitaire la plus répandue mondialement et la plus meurtrière. Malgré
une diminution de 25 % de la mortalité depuis l’an 2000, on recense encore 216 millions de cas et 655
000 décès en 2010 [1]. Le continent africain est le plus touché, avec 91 % des décès dus à cette
infection, dont 86 % chez des enfants de moins de 5 ans [1]. La France est le pays occidental le plus
touché par le paludisme d’importation avec 4 000 cas par an dont 13,3 % chez des enfants de moins de
15 ans [2]. Les décès restent exceptionnels [2]. La sévérité de l’infection est appréciée par la présence
de critères de gravité définis par l’OMS en 1990 (révisés en 2000) suite à des études menées chez
l’adulte en zone d’endémie palustre (Tableau 1) [1]. La Conférence de consensus recommande leur
application chez l’enfant en France mais il existe peu de données sur la validité de ces critères hors
zone endémique, particulièrement en pédiatrie [3]. La pertinence de ces critères a fait l’objet d’études
récentes en France chez l’adulte [4]; les plus pertinents chez l’adulte admis en réanimation étaient la
présence de troubles neurologiques, d’une détresse respiratoire, d’un choc ou d’une insuffisance rénale
[4]. La mortalité était de l’ordre de 10 % [4]. Chez l’enfant, les cas sévères de paludisme d’importation
sont rares, et peu d’études ont été publiées dans les pays occidentaux [5-6].
L’objectif de cette étude observationnelle rétrospective était d’évaluer la pertinence des critères de
gravité OMS chez l’enfant en pays occidental non endémique.
II. Matériel et Méthodes
Cette étude nationale, cas-témoin, rétrospective a été menée dans 8 centres hospitaliers
universitaires français disposant d’un service de réanimation pédiatrique. Les enfants admis
dans ces services avec un diagnostic de paludisme d’importation entre le 1er janvier 2006 et le
31 décembre 2012 ont été inclus. Un paludisme d’importation était défini par la présence
d’une infection à Plasmodium acquise en zone d’endémie et traitée en France. Pour chaque
patient une fiche standardisée a permis le recueil rétrospectif des données à partir du dossier
médical.
Les critères d’inclusion des cas (REA) étaient : (i) hospitalisation en réanimation pédiatrique,
(ii) accès palustre confirmé biologiquement (présence de formes asexuées de Plasmodium),
(iii) âge inférieur à 18 ans. Pour chaque cas, nous avons inclus comme témoins (TEM) les 2
cas précédents de paludisme pédiatrique confirmé biologiquement pris en charge aux
urgences pédiatriques du même centre hospitalier. A partir du dossier médical, nous avons
recueilli les antécédents, des données socio-démographiques, anamnestiques, cliniques et
paracliniques dont les critères de gravité définis par l’OMS révisés en 2000.
En l’absence de décès, la sévérité des patients était appréciée par la présence d’une défaillance
d’organe et/ou le recours à des Actes Thérapeutiques Majeurs (ATM), définis par un remplissage
vasculaire, une transfusion de produits sanguins labiles, l’utilisation d’amines vasopressives, d’une
ventilation mécanique, de mesures de lutte contre l’hypertension intracrânienne ou d’une hémodialyse.
La sévérité ainsi appréciée était comparée à la présence de critères de gravité de L’OMS.
Une analyse descriptive a été réalisée. Les variables de distribution Gaussienne étaient décrites par
leur médiane et interquartile, ou par leur moyenne et écart-type. L’analyse comparative des
populations a été réalisée par un test du χ2 ou par un test exact de Fisher. La comparaison des
variables quantitatives entre les deux populations a été réalisée à partir du test t de Student pour les
variables de distribution Gaussienne, et par le test non paramétrique de Wilcoxon pour les autres
variables. Une probabilité inférieure à 5 % a été considérée comme significative. Certaines variables
quantitatives ont été analysées de manière dichotomique après définition d’un seuil d’intérêt. Les
analyses statistiques ont été réalisées à l’aide du logiciel Stata v11 (StataCorp LP, College Station,
Texas, USA).
III. Résultats
Nous avons inclus 165 patients présentant un accès palustre au cours de la période étudiée
dont 55 pris en charge en réanimation pédiatrique (REA) et 110 témoins (TEM). Les
caractéristiques générales de la population sont décrites Tableau 2. La proportion de
nourrissons était supérieure dans le groupe REA (REA 20 % vs TEM 7 % ; p < 0,02). La
majorité des patients dans les 2 groupes étaient nés en France (REA 86 % vs TEM 88 %). La
présence d’une comorbidité n’était pas liée à la gravité dans notre étude. La majorité des
infections était acquise en zone subsaharienne (REA 80 % vs TEM 85 %). La durée médiane
du séjour en zone endémique était de 6 semaines. Un antécédent de pathologie d’importation
au cours d’un précédent séjour était retrouvé chez 9 patients du groupe REA (6 paludismes,
deux fièvres typhoïdes) et chez 16 patients témoins (14 paludismes, 2 fièvres typhoïdes). Le
délai médian entre le début d’apparition des symptômes et l’admission était de 4 jours (Q1 :
2 ; Q3 : 6) pour le groupe REA contre 2 jours (Q1 : 1 ; Q3 : 5) pour le groupe TEM. La prise
d’une prophylaxie adaptée conjuguée à une bonne observance était rare au sein de ces deux
populations (Tableau 2).
Les critères de gravité les plus souvent retrouvés chez les patients de réanimation étaient la présence
de troubles neurologiques (REA 71 % vs TEM 5 % ; p < 0,001), de troubles hémodynamiques (REA
23 % vs TEM 1 % ; p < 0,001) et d’une parasitémie supérieure à 4 % (REA 50 % vs TEM 20 %)
(Tableau 3). Parmi les 39 patients de réanimation avec des troubles neurologiques, 12 avaient un GCS
< 11 (coma), 9 présentaient des convulsions et 3 une HTIC. Neuf patients de réanimation ont été
investigués par une imagerie cérébrale (4 IRM, 5 TDM), 6 par une ponction lombaire, 7 patients ont
été intubés pour raison neurologique et 10 patients ont reçu un traitement anti-épileptique. Chez les
témoins, 2 patients ont bénéficié d’une imagerie cérébrale (1 IRM, 1 TDM) et 1 patient d’une ponction
lombaire. Au cours de leur séjour, 19 patients du groupe REA ont bénéficié d’au moins un remplissage
vasculaire et 6 ont nécessité un traitement par amines vasopressives.
La parasitémie médiane était significativement plus élevée chez les patients de réanimation (4,4 %,
Q1-Q3 : 2-11 %) que chez les témoins (1,5 %, Q1-Q3 : 0,2-3,2 %). Une insuffisance rénale était
retrouvée chez 11 patients du groupe REA et chez 1 témoin. Cette insuffisance rénale était rapidement
résolutive et aucun enfant n’a nécessité de recours à une épuration extrarénale. Une acidose
métabolique était retrouvée chez 14 patients de réanimation. D’autres critères de gravité de l’OMS
étaient rarement retrouvés chez les patients de réanimation comme chez les témoins, tels que la
présence d’une détresse respiratoire, d’une hypoglycémie ou de troubles de la coagulation (Tableau 3).
La présence d’une anémie définie selon les critères de gravité OMS adaptés à l’enfant (hémoglobine <
5 g/dL) était peu fréquente dans les deux groupes (REA 9 % vs TEM 1 %) ce qui contraste avec le
nombre de transfusions en globules rouges (REA 38 % vs TEM 7% ; p < 0,001). Un ictère clinique
était retrouvé indifféremment dans les 2 groupes (REA 15 % vs TEM 13%). En revanche une
bilirubinémie > 50 µmol/L était retrouvée plus souvent dans le groupe REA (20 % vs 5 % ; p < 0,001).
Une thrombopénie < 50 000/mm3 était fréquemment notée (REA 47 % vs TEM 7 % ; p < 0,001). Les
critères liés à la gravité en termes de défaillance d’organes et/ou de réalisation d’ATM étaient la
présence de troubles neurologiques, hémodynamiques, d’une insuffisance rénale et d’une parasitémie
élevée.
Les patients REA ont été traités en intraveineux dans 49 cas (89 %) ; par quinine dans 45 cas ou
artésunate dans 4 cas. Dans le groupe REA, 34 patients (63 %) ont requis au moins 1 ATM :
intubation (n = 10, dont 7 pour un motif neurologique), remplissage vasculaire (n = 18), transfusions
de culot globulaire (n = 23), de concentrés plaquettaires (n = 5), amines vasopressives (n = 6), mesures
de lutte contre l’HTIC (n = 3). Dans le groupe témoin, seuls 11 (10 %) patients ont requis un ATM, à
savoir une transfusion de produit sanguin labile dans tous les cas, associée à une expansion volémique
pour un patient.
Aucun décès n’a été déploré et 4 patients du groupe REA ont présenté des séquelles (ischémie des
orteils, encéphalite postcoma, hypertonie pyramidale et atteinte rénale de type hyalinose segmentaire
et focale). Au final, 7 patients (13 %) du groupe REA n’avaient pas de défaillance d’organes et n’ont
pas eu besoin d’ATM versus 92 (84 %) patients du groupe TEM.
IV. Discussion
Cette étude, l’une des plus importantes réalisée sur le paludisme d’importation chez l’enfant,
nous a permis d’apprécier la pertinence des critères de gravité définis par l’OMS. C’est à
notre connaissance l’étude analysant le plus grand nombre de cas sévères admis en
réanimation pour paludisme sur une période de 7 ans dans un pays avec un accès facile à des
soins intensifs de pédiatrie. Les critères définis par l’OMS sont globalement pertinents dans
l’appréciation de la gravité des infections à P. falciparum de l’enfant. En effet dans notre
étude, nous observons une corrélation entre la gravité des patients appréciée par une
défaillance d’organes ou le recours à des actes thérapeutiques majeurs et la présence de
critères de gravité définis par l’OMS. Ces critères sont ceux actuellement utilisés pour
l’admission en réanimation et seuls 7 patients (13 %) du groupe REA de notre étude n’avaient
ni défaillance d’organes ni recours à des ATM. Quatre de ces patients avaient été admis en
réanimation pour administration de quinine intraveineuse dans un contexte d’intolérance
alimentaire totale. Les critères de gravité liés au pronostic en termes de défaillance d’organes
ou de recours à des ATM dans notre étude, étaient la présence de troubles neurologiques,
hémodynamiques, d’une insuffisance rénale et d’une hyperparasitémie.
Le critère le plus fréquent dans le groupe REA était la présence de troubles neurologiques (72
%), ce qui est encore supérieur aux données de l’OMS [1] et de la littérature dans lesquelles
on retrouve habituellement 30 % de troubles de la conscience chez les patients atteints de
paludisme grave [7]. Sa valeur pronostique est majeure, notamment en cas de coma ou de
convulsions. Concernant la prise en charge des troubles neurologiques, la conférence de
consensus recommande la réalisation d’une imagerie cérébrale en cas de coma, et la
surveillance de l’apparition d’une HTIC par échodoppler-transcrânien (EDTC) [4]. Cette
recommandation n’a pas été systématiquement appliquée dans notre étude, avec seulement 9
imageries cérébrales et 7 EDTC pour les 12 patients souffrant d’un coma. Une prise en charge
précoce des troubles neurologiques semble améliorer le pronostic [4]. A la différence des
données de l’OMS [1], la présence de troubles hémodynamiques était également fréquente (24
%), ce qui concorde avec d’autres données de la littérature [8]. La prise en charge suivait les
recommandations françaises actuelles, malgré les récentes controverses sur le remplissage
vasculaire [9].
La présence d’une parasitémie > 4 %, décrite comme rare et de faible valeur pronostique par l’OMS
[1], était présente chez 50 % des patients REA et 20 % du groupe TEM. Il semble difficile de définir
un seuil d’intérêt discriminant bien que des données récentes retrouvaient une meilleure corrélation au
pronostic avec des seuils de 10 et 15 % et un meilleur rapport sensibilité-spécificité [10].
L’insuffisance rénale était retrouvée chez 20 % des patients REA. Bien qu’elle soit rapidement et
spontanément résolutive, elle est significativement associée à la présence en réanimation. Aucun
patient n’a nécessité de dialyse.
Contrairement aux données de la littérature en zone d’endémie et aux critères OMS 2000 [1],
la présence d’une anémie sévère selon la définition de l’OMS (Hb < 5 g/dL) était rarement
retrouvée et ce, malgré un nombre important de transfusions réalisées. Ce seuil de 5 g/dL,
défini en zone d’endémie où la prévalence des maladies hémolytiques et de la carence en fer
est plus importante, n’apparaît pas adapté à notre population. Un seuil de 7 g/dL semble
mieux adapté à notre population et mieux corrélé au nombre de transfusions (23 soit 40 %).
De même la définition clinique de l’ictère semble moins adaptée à notre population qu’une
définition biologique (hyperbilirubinémie > 50 µmol/L) comme cela est défini pour le
paludisme de l’adulte [1].
Dans notre population, certains critères étaient très rarement retrouvés contrairement aux données de
l’OMS tels quel la détresse respiratoire (n = 4), l’OAP (n = 2), les troubles de la coagulation (n = 2) et
l’hypoglycémie (n = 4). Dans la littérature, la présence d’une détresse respiratoire avec acidose est
assez fréquente en zone d’endémie, et liée à une évolution fatale dans 30 % des cas [11] ; ces patients
sont probablement plus sévères que notre population dans laquelle on ne recense aucun décès. Le
faible nombre d’hypoglycémie dans notre étude est surprenant au regard de la littérature. En effet,
certaines études décrivent des hypoglycémies atteignant jusqu’à 20 % des enfants au cours de l’accès
palustre [11-12]. Cela est peut-être dû à un état nutritionnel préservé chez ces enfants et à la perfusion
systématique de soluté glucosé dans la population étudiée (sérum glucosé 10 % pour les patients
traités par quinine en intraveineux et sérum glucosé 5 % pour les patients traités par artésunate IV), et
à un monitoring des glycémies capillaires.
D’autres éléments intéressants ressortent de notre étude. Ainsi, bien que le paludisme soit
encore responsable de 500 000 décès chez l’enfant dans le monde, que les deux plus grandes
études réalisées en zone d’endémie retrouvent une mortalité entre 13 % et 22 % selon le
traitement reçu [13-14], que la mortalité chez l’adulte dans des études récentes hors zone
d’endémie en soins intensifs soit légèrement supérieure à 10 % [4], nous ne déplorons aucun
décès dans notre étude. Cette faible mortalité chez l’enfant hors zone d’endémie est également
rapportée par le CNR [2] et d’autres données de la littérature pédiatrique [6,15]. Cette faible
mortalité peut s’expliquer par la précocité de la prise en charge et un taux plus faible de
comorbidité qu’en zone d’endémie. Enfin, certaines variables biologiques non définies dans
les critères OMS présentaient un intérêt notable dans notre étude, en particulier la présence
d’une thrombopénie. Ce critère est souvent observé lors de l’infection à P. falciparum, et
semble fortement corrélé à l’admission en réanimation dans notre étude avec 47 % des
patients du groupe REA ayant une thrombopénie < 50 000/mm3.
La prise en charge thérapeutique du paludisme est en pleine évolution avec l’arrivée depuis
2011 des dérivés de l’artémisinine sur le marché européen. Les nouvelles recommandations
privilégient la prescription de l’artésunate IV en première intention dans le traitement des
infections sévères à Plasmodium [16-17]. Dans notre étude, 4 patients ont reçu ce traitement
en 2012 et nous n’avons recensé aucun effet indésirable tout en maintenant une surveillance
hebdomadaire du taux d’hémoglobine pendant un mois, suite à la description de cas
d’hémolyse [18-19].
Nous avons réalisé l’appariement entre les cas et les témoins sur le centre et en incluant les
deux cas précédents. Nous n’avons pas apparié sur l’âge qui est en lui-même un facteur de
gravité reconnu du paludisme [3]. Ainsi nous avons observé une plus forte proportion de
nourrissons chez les patients admis en réanimation. Malheureusement la faible puissance de
notre étude n’a pas permis d’investiguer le degré de dépendance et de corrélation entre l’âge
et les autres facteurs de gravité. Nous ne pouvons exclure un biais avec un échec
d’identification de certains cas amenant à un manque d’exhaustivité. Néanmoins, l’effectif
bien que restreint (165 patients), réunit plus de la moitié des infections sévères dues au
paludisme chez l’enfant en France métropolitaine au cours des 7 dernières années et la
majorité des cas hospitalisés en réanimation pédiatrique [2]. En comparaison, les plus larges
études réalisées en soins intensifs chez l’adulte hors zone d’endémie réunissaient environ 400
patients [4] et chez l’enfant entre 10 et 30 patients [10]. Huit centres hospitaliers universitaires
pourvus d’une réanimation pédiatrique ont participé à cette étude sur l’ensemble du territoire.
Elle couvre une période récente avec application des dernières recommandations de prise en
charge thérapeutique et décrit les premiers cas pédiatriques traités par artésunate en France.
V. Conclusion
Malgré un grand nombre de cas de paludisme d’importation dans les grandes villes de France, pays
d’Europe le plus touché par cette infection, le nombre de cas sévères est rare en pédiatrie et les décès
sont exceptionnels. Notre étude confirme la pertinence des critères de gravité de l’OMS pour évaluer
la sévérité de l’infection et décider d’une éventuelle hospitalisation en réanimation. Parmi eux, les
troubles neurologiques, particulièrement le coma et les convulsions, les troubles hémodynamiques,
l’insuffisance rénale sont les plus prédictifs de la gravité et doivent faire l’objet d’une attention
particulière. Toutefois, une évolution de certains critères pourrait être envisagée pour apprécier la
sévérité du paludisme d’importation chez l’enfant tels que, l’usage d’un seuil de 7 g/dL pour définir
l’anémie sévère, une définition biologique de l’ictère (hyperbilirubinémie > 50 µmol/L par exemple)
et un critère de thrombopénie < 50 000/mm3.
Remerciements :
Nous tenons à remercier le Centre National de Référence du paludisme et les médecins suivants pour
leur aide précieuse dans la réalisation de ce travail : Emmanuelle Bosdure, Ricardo Carbajal, Gérard
Chéron, Albert Faye, Yves Gillet, Serge Gottot, Stéphane Leteurtre, Laurence Morin, Pierre Mornand,
Jérôme Naudin, Renaud, Vialet, Michel Wolff.
VI. Bibliographie
1.
World Malaria Report. World Health Organization 2011;www.who.int/malaria
2.
Rapport d'activité 2011. Centre National de Référence du Paludisme.www.cnrpaluFrance.org
3.
Prise en charge et prévention du paludisme d’importation : recommandations pour la
pratique clinique 2007 (Révision de la Conférence de Consensus 1999) Société de
pathologie infectieuse de langue française 2007;www.infectiologie.com
4. Bruneel F, Tubach F, Corne P, et al. Severe imported falciparum malaria: a cohort study
in 400 critically ill adults. PLoS One 2010;5:e13236
5. Ladhani S, Garbash M, Whitty C. Prospective, national clinical and epidemiologic study
on imported childhood malaria in the United Kingdom and the Republic of Ireland.
Pediatr Infect Dis J 2010;29:434-8
6. Driessen G, Pereira R, Brabin J, et al. Imported malaria in children: a national
surveillance in the Netherlands and a review of European studies. Eur J Public Health
2008;18:184-8
7. Laurent V, Tubach F, Wolff M, et al. Neuropaludisme d'importation de l'adulte : étude
descriptive et facteurs prédictifs. Réanimation 2012;21:S27-8
8. Bruneel F, Gachot B, Timsit J, et al. Shock complicating severe falciparum malaria in
European adults. Intensive Care Med 1997;23:698-701
9. Maitland K, Kiguli S, Opoka R, et al. Mortality after fluid bolus in African children with
severe infection. N Engl J Med 2011;364:2483-95
10. Askling H, Bruneel F, Burchard G et al. Management of imported malaria in Europe. Malar J
2012;11:328
11. White N, Miller K, Marsh K et al. Hypoglycaemia in African children with severe
malaria. Lancet 1987;1:708-11
12. Onyiriuka A, Peter O, Onyiriuka L, et al. Point-of-admission hypoglycaemia among
under-five Nigerian children with plasmodium falciparum malaria: prevalence and risk
factors. Med J Islam Repub Iran 2012;26:78-84
13. Dondorp A, Nosten F, Stepniewska K, et al. Artesunate versus quinine for treatment of
severe falciparum malaria: a randomised trial. Lancet 2005;366:717-25
14. Dondorp A, Fanello C, Hendriksen I, et al. Artesunate versus quinine in the treatment of
severe falciparum malaria in African children (AQUAMAT): an open-label, randomised
trial. Lancet 2010 ; 376:1647-57
15. Yombi JC1, Jonckheere S, Colin G, et al. Imported malaria in a tertiaryhospital in
Belgium: epidemiological and clinical analysis. Acta Clin Belg 2013;68:101-6
16. Guidelines for the treatment of malaria, Update april 2011. World Health Organization
2011; www.who.int/malaria
17. Dubos F, Dauriac A, El Mansouf L, et al. Imported malaria in children: incidence and
risk factors for severity. Diagn Microbiol Infect Dis 2010;66:169-74
18. Zoller T, Junghanss T, Kapaun A, et al. Intravenous artesunate for severe malaria in
travelers, Europe. Emerg Infect Dis 2011;17:771-7
19. Kreeftmeijer-Vegter A, van Veldhuizen C, Visser L, et al. Treatment outcome of
intravenous artesunate in patients with severe malaria in the Netherlands and Belgium.
Malar J 2012;11:102
Tableau 1 : Critères de Gravité OMS révisés en 2000
Critères de gravité OMS 2000
Fréquence
Valeur
pronostique
- Coma (GCS < 11) - Troubles de conscience
(GCS<15) / Prostration
+++
+++/+
- Convulsions
+++
+
- Syndrome de détresse respiratoire
+++
+++
- Ictère
+++
++
+
+++
- Saignement anormal
+/-
+++
- Oedème pulmonaire (radiologique)
+/-
+++
- Hémoglobinurie macroscopique
+/-
+
+
++
- Hypoglycémie (< 2,2 mmol/l)
+++
+++
- Acidose métabolique (HCO3-< 15 mmol/l
ou pH < 7,35)
+++
+++
- Anémie grave (Hb < 5 g/dL)
+++
+
- Hyperlactatémie (> 5 mmol/l)
++
+++
- Hyperparasitémie (≥ 4 % sujet non immun)
+
+/-
Cliniques
- Défaillance cardio-circulatoire
- Insuffisance rénale
Biologiques
GCS : Score de Glasgow
D’après Prise en charge et prévention du paludisme d’importation : recommandations pour la
pratique clinique 2007 (Révision de la Conférence de Consensus 1999) Société de pathologie
infectieuse de langue française, 2007 ; www.infectiologie.com.
Tableau 2 : Caractéristiques démographiques et anamnestiques
Caractéristiques, n (%)
REA
TEM
P
(n=55)
(n=110)
Garçons, n (%)
29/55 (52,7%)
65/110 (59,1%)
0,44
Age en mois, médiane (Q1-Q3)
94 (33-147)
87 (39-134)
0,96
Nourrissons (< 2 ans), n (%)
11/55 (20%)
8/110 (7,3%)
0,016
Nés en zone d’endémie, n (%)
8/55 (14,5%)
13/110 (11,8%)
0,63
Zone d’endémie visitée :
Afrique Sub-saharienne n (%)
158/159 (99,4%)
Durée médiane du séjour, en jour (Q1-Q3)
(données manquantes n = 16)
46 (29-90)
51 (31-62)
0,96
Durée médiane des symptômes, en jour (Q1Q3) (données manquantes n = 27)
4 (2-6)
2 (1-5)
0,04
---
Prophylaxie anti-palustre
0,40
Appropriée
3/52 (5,8%)
10/104 (9,6%)
Inappropriée et/ou faible compliance
22/52 (42,3%)
53/104 (51,0%)
Aucune
27/52 (51,9%)
43/104 (41,4%)
REA : Patients hospitalisés en réanimation ; TEM : Patients pris en charge aux urgences
Tableau 3 : Caractéristiques cliniques et paracliniques
REA
TEM
Odds ratio
(n=55)
(n=110)
[95 % CI]
39/55 (70,9%)
5/110 (4,5%)
51 [18-149]
Convulsions
9/55 (16,4%)
0/110 (0%)
---
Troubles hémodynamiques
13/55 (23,6%)
1/110 (0,9%)
34 [4-266]
Détresse respiratoire ou OAP
4/55 (7,3%)
2/110 (1,8%)
4,2 [0,8-24]
Troubles de la coagulation
2/55 (3,5%)
1/110 (0,9%)
4,1 [0,4-46]
Ictère
8/55 (14,6%)
14/110 (12,7%)
1,2 [0,5-3,0]
Insuffisance rénale
11/55 (20,0%)
1/110 (0,9%)
27 [3,4-217]
Hémoglobinurie
6/55 (10,9%)
3/110 (2,7%)
4,4 [1-18]
Hypoglycémie < 2,2 mmol/L
2/49 (4,1%)
0/67 (0%)
---
Anémie < 5 g/dL
4/54 (7,4%)
2/101 (2,0%)
4,0 [0,7-22]
Anémie < 7 g/dL
22/54 (40,7%)
13/101 (12,9%)
4,7 [2,1-10]
Thrombopénie < 50 000/mm3
25/54 (46,3%)
7/102 (6,9%)
11,7 [4,6-30]
Thrombopénie < 100 000/mm3
41/54 (75,9%)
37/102 (36,3%)
5,5 [2,6-12]
Parasitémie > 4 %
29/50 (58,0%)
22/98 (22,5%)
4,8 [2,3-10]
Parasitémie > 10 %
15/50 (30,0%)
8/98 (8,2%)
4,8 [1,9-12]
pH < 7,35 et/ou
Bicarbonatémie < 15mmol/L
18/47 (38,3%)
0/79 (0%)
---
Hyperlactémie > 5mmol/L
5/29 (17,2%)
0/3 (0%)
---
Hyperbilirubinémie (> 50 µmol/L)
10/40 (25,0%)
5/65 (7,7%)
4 [1,3-13]
Paramètres
Troubles de conscience :
(GCS <15 ou prostration)
GCS : Score de Glasgow
Dermatoses du retour
Emmanuelle Bourrat Dermatologue
Service de pédiatrie générale Hôpital Robert Debré Paris
[email protected]
Laureen PullUrgentiste
Service des urgences pédiatriques Hôpital Robert Debré Paris
[email protected]
Les dermatoses représentent le troisième motif de consultation par ordre de fréquence (après les
diarrhées et les infections respiratoires) chez l’enfant au retour d’un voyage dans son pays d’origine
(1,2). Il s’agit surtout de dermatoses infectieuses, soit à des germes cosmopolites (pyogènes surtout)
mais dans des présentations inhabituelles liées aux conditions de vie (climat chaud et humide
favorisant les phénomènes de macération, accès difficile à l’eau et aux soins à l’origine d’une hygiène
défectueuse), soit à des germes plus exotiques (parasites, dermatophytes). La fréquence respective de
ces dermatoses infectieuses est difficile à préciser : les études publiées sur le sujet (3,4,5) s’intéressent
plus souvent à la population adulte, sont issues de services spécialisés en pathologie infectieuse
tropicale ou en médecine du voyage (non concernées par les dermatoses non infectieuses souvent les
plus bénignes) et concernent des populations probablement très hétérogènes en terme d’objectifs de
voyage (tourisme versus retour au pays d’origine des parents immigrés), de lieu (Caraïbes, Amérique
du Sud versus Afrique) et de conditions de séjour (hôtel, club de vacances versus habitat local). Toutes
les études disponibles convergent néanmoins vers une large prédominance des pathologies
infectieuses, et parmi ces dernières, les infections bactériennes, la larva migrans et les piqûres
d’arthropodes (arbitrairement rangées dans les pathologies parasitaires mais qui sont des réactions
immuno-allergiques). Dans notre expérience personnelle, la larva migrans, qui complique plus
volontiers des voyages touristiques (bord de mer) que des retours au pays, reste une pathologie rare en
consultation dans un CHU pédiatrique recrutant dans Paris et dans la région nord de l’Ile de France.
Par contre, les infections bactériennes plus souvent secondaires que primitives (impétiginisation plus
qu’impétigo) et le prurigo strophulus réactionnel aux piqûres d’insectes sont effectivement les
étiologies dominantes dans notre patientèle. Les leishmanioses cutanées de l’ancien monde sont
relativement fréquentes en France compte tenu des fréquents séjours estivaux au Maghreb, sont l’objet
d’errances diagnostiques et thérapeutiques car elles se déclenchent souvent plusieurs semaines après le
retour, ont une évolution souvent indolente (aspect de pyodermites résistant aux traitements
antibiotiques) et relèvent de traitements spécialisés. A noter par contre que certaines dermatoses
infectieuses « tropicales » ne touchent qu’exceptionnellement le voyageur (adulte ou enfant) alors
même qu’elles sont endémiques dans le pays visité, et ce probablement parce que la contamination
et/ou l’infection sous-entend soit une exposition prolongée ou répétée à l’agent infectieux, soit des
facteurs de risque liés au mode de vie (marche pieds nus) ou au terrain (dénutrition, carences). Ces
infections, souvent graves et difficiles à prendre en charge (ulcère de Buruli, NOMA, lèpre …) ne
seront pas abordées dans cet exposé.
Le diagnostic d’une dermatose du retour suit dans un premier temps la démarche habituelle en
dermatologie (6) : anamnèse centrée sur les dates et le lieu du séjour (possibilité d’incubations
prolongées pour la leishmaniose et la larva migrans), analyse de la topographie de la lésion
élémentaire puis du contexte (signes généraux, atteinte extracutanée). Dans un second temps, les
prélèvements autres que la bactériologie standard et la mycologie nécessitent par contre souvent des
laboratoires spécialisés et les biopsies cutanées, quand elles sont indiquées, doivent orienter
l’anatomopathologiste : recherche d’arguments indirects (granulome d’allure infectieuse) ou directs
(visualisation des micro-organismes incriminés par des colorations adaptées) en faveur d’une infection
inhabituelle. Enfin, la fréquence de l’impétiginisation secondaire des dermatoses prurigineuses et/ou
avec effraction de la barrière cutanée chez l’enfant voyageur justifie souvent un traitement antibiotique
oral efficace sur les pyogènes (plus détersion des lésions à l’eau et au savon antiseptique) avant de
pouvoir évoquer ou confirmer une dermatose primitive sur des caractères spécifiques initialement
masqués par la surinfection à pyogène.
1) Kamimura-Nishimura K, Rudikoff D, Purswani M, Hagmann S. Dermatological conditions in
international pediatric travelers: Epidemiology, prevention and management Travel Med and Infect
Dis 2013 ;11 : 350-356.
2) Hagmann S, Neugebauer R, Schwartz E et al. Illness in children after international travel: Analysis
from the GeoSentinel Surveillance Network. Pediatrics 2010 ; 125 : e1072-80.
3) O’Brien BM. A practical approach to common skin problems in returning travellers. Travel Med
Infect Dis 2009 ; 7 : 125-146.
4) Freedman DO, Weld LH, Kozarsky PE et al. Spectrum of diseases and relation to place of exposure
among ill returned travellers. N Engl J Med 2006 ; 354 :119-30.
5) Lederman ER, Weld LH, Elyazar IR et al. Dermatologic conditions of the ill returned traveler: an
analysis from the GeoSentinel Surveillance Network. Int J Infect Dis 2008 ; 12 : 593-602.
6) Monsel G, Caumes E. Recent developments in dermatological syndromes in returning
travelers. Curr Opin Infect Dis 2008 ; 21 : 495-9.
Appendicite aiguë chez l’enfant :
Algorithme diagnostique et thérapeutique actualisé
Henri Kotobi
Introduction
L’appendicite aiguë (AA) est en France l’urgence viscérale la plus fréquente chez l’enfant.
Toutefois son incidence semble être en nette diminution depuis deux décennies. Pour
comprendre cette évolution, une simple perspective historique permet de dégager trois
« moments » dans l’histoire de l’AA susceptibles d’expliquer, par leur enchaînement,
pourquoi nous assistons à l’échelle nationale à une diminution du taux d’appendicectomie et
non de l’incidence de la pathologie elle-même. Il ressort en effet de cette perspective
historique, d’une part, le « dogme » de « l’absence de concordance anatomoclinique ».
Exposé par Henri Mondor en 1940 dans son ouvrage intitulé Diagnostics urgents de
l’abdomen, ce dogme a sans doute à voir avec l’incidence d’appendicectomie la plus élevée
au monde, retrouvée en France jusque dans les années 80. « Toute appendicite aiguë doit être
opérée en raison de l’absence de parallélisme anatomoclinique […] la crise aiguë est
d’avenir imprévisible. Les plus instruits ont été souvent trompés et les abstentionnistes ont
perdu plus de malades que les opérateurs du premier jour » (1). D’autre part, le principe
d’une hospitalisation pour surveillance et réévaluation clinique des enfants suspects d’AA,
que l’on a vu progressivement s’imposer dans les années 80. Et enfin, le recours récent à des
moyens d’imagerie inédits, tels que l’échographie dans les années 90, puis la
tomodensitométrie (TDM) dans les années 2000, qui ont indiscutablement permis d’affiner le
diagnostic d’AA, réduisant d’autant le taux d’appendicectomie « inutiles »…
A la lumière de ces évolutions récentes dans la prise en charge de l’appendicite aiguë de
l’enfant, notre objectif est donc ici de redéfinir la place de chaque moyen diagnostique et de
chaque option thérapeutique, dans le but de proposer aux cliniciens concernés par cette
pathologie un algorithme diagnostique et thérapeutique actualisé.
Clinique
L’examen clinique est longtemps resté le socle du diagnostic d’AA, ceci jusqu’aux années 90,
où la clinique s’est vue progressivement relayée au second plan par les techniques modernes
d’imagerie. Néanmoins, une évolution récente des pratiques semble redonner à l’examen
clinique toute son importance, avec l’usage des scores diagnostiques (clinique et biologique),
destinés à permettre aux cliniciens d’orienter leur choix de recourir, ou non, à un examen
d’imagerie. De plus, il faut se rappeler que l’examen clinique peut aider à préciser le caractère
compliqué ou non de l’AA (empâtement d’un abcès ou d’un plastron appendiculaire, défense
ou contracture généralisée d’une péritonite appendiculaire), voire même son éventuelle
localisation ectopique : rétrocoecale ou sous hépatique (douleur du flanc droit ou de
l’hypochondre droit, psoïtis), mésocoeliaque (vomissements répétés), ou pelvienne (douleur à
la miction). Enfin, l’examen clinique, qui comprend une bandelette urinaire (BU) et une prise
de température systématique, reste fondamental pour évoquer ou éliminer bon nombre de
diagnostics différentiels devant un syndrome appendiculaire chez l’enfant, tels qu’une
pneumopathie franche lobaire aiguë, un purpura rhumatoïde, un syndrome néphrotique, une
pyélonéphrite aiguë, une colique néphrétique, une torsion du testicule, etc…
Sur un plan pratique, l’examen clinique de l’enfant doit être mené en présence de ses parents,
dans un lieu calme, respectant la pudeur et la confidentialité. Il débute par l’interrogatoire de
l’enfant (s’il est en âge de répondre) et de ses parents, sans tenir compte d’un éventuel
diagnostic préalable (lettre du médecin traitant), à la recherche des premiers symptômes
(mode de révélation), de vomissements, de troubles de transit, de brûlures mictionnelles,
etc. L’examen clinique se poursuit par l’inspection du faciès (pâleur, langue saburrale, etc.),
de la marche (bien observer l’enfant lorsqu’il monte sur la table d’examen), de l’abdomen
(cicatrices, ballonnement, etc.), des membres (purpura, marbrures, etc.). L’examen physique
doit être initié à la suite, mains réchauffées, par la région de l’abdomen supposée être la moins
douloureuse, à la recherche d’une défense, d’un psoïtis, d’une contracture, d’un empâtement,
d’une masse ou de signes d’irritation péritonéale (rappel : signe de Blumberg = douleur à la
décompression de la fosse iliaque droite (FID) ; signe de Rovsing = douleur à droite
déclenchée par une compression de la fosse iliaque gauche), pour se terminer par la palpation
systématique des organes génitaux externes (OGE) chez le garçon (douleur, rougeur,
gonflement, rétraction) et leur inspection chez la fille (bombement, écoulement). Le toucher
rectal, en revanche, n’est plus recommandé chez l’enfant suspect d’AA, du fait de son
caractère agressif, voire traumatisant, sans protoxyde d’azote et de son manque d’intérêt sous
protoxyde d’azote.
Biologie
Les examens biologiques standards à la recherche d’un syndrome inflammatoire (NFS – CRP)
restent indiqués devant toute suspicion clinique d’AA. Il s’agit, en effet, d’examens rapides et
peu onéreux, rarement normaux en cas d’AA au-delà des 24 premières heures et modérément
perturbés en cas d’infection virale. De plus, la répétition de leur dosage à 24h ou 48h semble
augmenter leur sensibilité (2). Toutefois, bien que très sensibles, ces marqueurs restent peu
spécifiques et ne sont donc que l’un des éléments diagnostiques à confronter aux autres
données cliniques et paracliniques. Enfin, même si aucun marqueur biologique nouveau ne
s’est imposé à ce jour en pratique courante, l’étude de marqueurs plus spécifiques semble être
une voie de recherche intéressante tant pour faciliter le diagnostic d’AA (bilirubine (3),
myeloid-related-protein 8/14 (4)), que pour préciser son caractère compliqué ou
non (granulocyte colony stimulating factor (5), procalcitonine (6)).
Imagerie
Le recours massif aux techniques d’imagerie moderne pour suspicion d’AA constitue la
principale nouveauté de ces deux dernières décennies, tant chez l’adulte que chez l’enfant.
Cette évolution a d’ailleurs rendu caduque l’usage de l’abdomen sans préparation (ASP) dans
l’exploration des douleurs abdominales, laissant une place de choix à l’échographie,
aujourd’hui prépondérante, du moins chez l’enfant. Toutefois, signalons que la littérature
anglo-saxonne reste quelque peu ambiguë quant au recours à l’échographie de première
intention chez l’enfant, sans doute, du fait qu’outre Atlantique les examens d’échographie ne
sont généralement pas réalisés par les radiologues eux-mêmes, mais par des techniciens
habilités… (le radiologue interprétant des clichés statiques sélectionnés et non l’examen
dynamique lui-même). Ce point explique en partie l’augmentation continue depuis 10 ans du
nombre de TDM prescrit chez l’enfant dans cette indication ; phénomène également favorisé
par le fait que nombre d’enfants sont pris en charge par des équipes d’urgences polyvalentes
adultes-enfants, au sein d’établissements privés ou d’hôpitaux généraux, elles-mêmes
influencées par la médecine d’urgence adulte, dont les recommandations sont plutôt en faveur
du TDM de première intention en cas de suspicion d’AA. En pratique, quels examens
d’imagerie privilégier chez l’enfant en 2014 ?
ASP : même si un stercolithe radio opaque en FID reste fortement évocateur d’AA, l’ASP de
première intention n’est plus recommandé par l’HAS, ni devant un tableau d’AA, ni devant
un tableau de constipation (7). En pratique, seules certaines situations cliniques particulières
relèvent encore d’un ASP chez l’enfant (syndrome occlusif, doute clinique entre gastroentérite fébrile et péritonite aiguë asthénique), qui ne devrait donc plus être prescrit qu’après
l’examen clinique du chirurgien et avec son accord.
Echographie abdominale : L’échographie est bien l’examen d’imagerie de première intention
chez l’enfant devant une forte suspicion clinique d’AA, avec une sensibilité et une spécificité
estimées respectivement à 72,5 et 97 % (8). De plus, la répétition de l’échographie à 24h ou
48h augmenterait sa sensibilité sans surcoût important (9). En revanche, la sensibilité de
l’échographie diminuerait chez l’enfant obèse (10) mais également en cas de syndrome
occlusif associé (iléus réflexe), lorsque l’appendice est en position ectopique (mésocoeliaque,
rétrocoecale, sous hépatique ou pelvienne), ou encore lorsque l’échographie est réalisée trop
précocement par rapport au début de la symptomatologie (<24h). Dans ce dernier cas,
l’échographie pourrait même être interprétée à tort comme « rassurante ». D’autre part, devant
un tableau clinique évocateur de plastron ou d’abcès appendiculaire, suffisamment bien toléré
pour envisager un traitement médical de première intention, l’échographie est indiquée pour
confirmer à la fois le diagnostic d’abcès ou de plastron appendiculaire et son caractère bien
limité. En revanche, l’échographie n’est pas nécessaire lorsque le tableau clinique d’AA ou de
péritonite aiguë est évident. Les critères échographiques classiques d’AA sont l’augmentation
de diamètre de l’appendice au-delà de 6 mm, l’épaisseur de la paroi appendiculaire à 3 mm ou
plus, la perte de l’aspect stratifié de ses trois couches (muqueuse, sous-muqueuse et
musculeuse), sa non compressibilité, l’infiltration de la graisse et/ou des tissus à son contact et
la présence d’un stercolithe avec cône d’ombre en son sein (11). Par ailleurs, même si
l’adénolymphite mésentérique d’origine virale reste la première cause de douleur abdominale
aiguë fébrile chez l’enfant, la présence d’adénopathies mésentériques n’élimine pas le
diagnostic d’AA, a fortiori lorsque celles-ci sont exclusivement localisées en FID.
Tomodensitométrie (TDM) : La sensibilité et la spécificité de la TDM chez l’enfant sont
estimées respectivement à 96 % et 97 %, ceci, que l’enfant soit obèse ou non (12). Sans
atteindre les chiffres de sensibilité et de spécificité chez l’adulte (proches de 100 %), du fait
d’un tissu adipeux intra-abdominal moins développé chez l’enfant, la TDM est donc un
examen plus sensible que l’échographie à l’âge pédiatrique. Néanmoins, il s’agit d’un examen
irradiant qui, par conséquent, ne doit pas être prescrit de première intention dans cette
indication chez l’enfant, suivant les recommandations de la directive Euratom 97/43
(protection des personnes contre les rayonnements) et le principe d’optimisation ALARA (as
low as reasonably achievable), à l’exception toutefois de l’enfant porteur d’une obésité
sévère. En pratique, la TDM ne devrait donc être prescrite qu’en deuxième intention, devant
la persistance d’une forte suspicion clinique d’AA, après au moins une échographie non
contributive et avec l’accord du chirurgien ayant lui-même examiné l’enfant.
L’imagerie par résonnance magnétique (IRM) : bien que non irradiante et possédant une
sensibilité de 97,6 % et une spécificité de 97 % (13) très performantes dans cette indication,
l’IRM ne s’est pas imposée à ce jour en pratique courante du fait des difficultés pour y
accéder en urgence.
Scores
Les premiers scores dits « diagnostiques » sont apparus dans les années 80. Signalons en
France le score de Bargy, décrit en 1982, puis abandonné du fait de l’inclusion de l’ASP dans
ses critères. Par la suite, le score d’Alvarado (14), décrit en 1986, fut adopté dans de
nombreux pays pour s’imposer dès les années 90 comme le score de référence à l’échelle
internationale. Néanmoins, un score spécifiquement pédiatrique décrit en 2002 - le Pediatric
Appendicitis Score (PAS) (15) -, somme toute très proche du score d’Alvarado, semble être
aujourd’hui le plus couramment utilisé chez l’enfant. Depuis 20 ans, de nombreuses études
ont ainsi montré que ces scores diagnostiques permettent de limiter le recours aux examens
d’imagerie, comme le nombre d’appendicectomie « inutiles » (16). Mais pour expliquer la
place croissante occupée par ces scores diagnostiques dans l’algorithme de prise en charge des
enfants suspects d’AA, sans doute faut-il également évoquer le fait que la plupart de ces
enfants sont initialement examinés par un médecin urgentiste ou par un pédiatre (et non
directement par un chirurgien d’adulte ou pédiatre), lui permettant ainsi de cibler d’avantage
ses demandes d’examens d’imagerie et de mieux cerner le moment où il devra faire appel au
chirurgien.
En pratique courante, ces scores se révèlent particulièrement intéressants dans leurs valeurs
extrêmes : soit pour écarter le diagnostic d’AA devant un score ≤ 3 (PAS) ou ≤ 4 (Alvarado)
et permettre ainsi à l’enfant de rentrer à son domicile avec de simples consignes de
surveillance ; soit pour suspecter fortement le diagnostic d’AA devant un score ≥ 7 (PAS) ou
≥ 8 (Alvarado) et demander d’emblée l’avis du chirurgien. En revanche, les scores entre 4 et 6
(PAS) ou entre 5 et 7 (Alvarado) ne se révèlent ni sensibles ni spécifiques pour le diagnostic
d’AA, justifiant pleinement le recours aux examens d’imagerie devant ces valeurs moyennes
(17,18). A noter tout de même que l’un des deux items majeurs de ces deux scores nécessite
de définir si l’enfant présente ou non une « défense », ce qui demande une réelle maîtrise de
l’examen clinique chez l’enfant, au risque de fausser le score par excès ou par défaut.
Score d’Alvarado
Douleur migrante
Anorexie
Nausées ou vomissements
Défense en FID
Douleur à la percussion, au rebond
Température orale ≥ 37°3
GB ≥ 10 000/mm3
Neutrophilie ≥ 75 %
0/1
0/1
0/1
0/2
0/1
0/1
0/2
0/1
Score PAS
Douleur migrante
Anorexie
Nausées ou vomissements
Défense en FID
Douleur à la toux, à la percussion
Fièvre
GB > 10 000 mm3
Neutrophilie
0/1
0/1
0/1
0/2
0/2
0/1
0/1
0/1
Enfant de moins de 5 ans
Du fait de leurs spécificités, les particularités anatomique et clinique de l’AA de l’enfant de
moins de cinq ans ne doivent pas être ignorées des cliniciens. Ainsi, la localisation de la
douleur est le plus souvent péri-ombilicale et mal systématisée, la fièvre est en règle plus
élevée, la diarrhée et les vomissements sont fréquents, la défense est moins nette, voire
absente, y compris en cas de péritonite généralisée lorsque l’abdomen est asthénique. Par
ailleurs, le taux de perforation appendiculaire est supérieur et, parmi les appendicites aiguës
compliquées, les péritonites généralisées sont plus fréquentes, du fait d’un épiploon souvent
trop court pour limiter la diffusion de l’infection en venant s’accoler sur l’appendice perforé.
Sur le plan biologique, l’hyperleucocytose est moins spécifique que chez le grand enfant. En
imagerie, la présence d’un stercolithe calcifié est nettement plus fréquente (19).
Proposition d’algorithme diagnostique et thérapeutique actualisé (20) :
Suspicion d’appendicite aiguë chez l’enfant
algorithme diagnostique et thérapeutique actualisé (2014)
1re étape : Examen clinique complet
Comprenant systématiquement : interrogatoire, inspection, prise de température, recherche d’une
défense, d’un psoïtis, de signes d’irritation péritonéale, examen des OGE, BU, examen de la
sphère ORL et auscultation pulmonaire.
Si suspicion clinique d’appendicite aiguë => 2e étape
2e étape : NFS + CRP + calcul du score diagnostique (PAS)
Si score (PAS) bas ≤ 3 : retour à la maison avec fiche de consignes de surveillance ± contrôle
clinique à 24 ou 48h si symptomatologie persistante => 1re étape
Si score (PAS) intermédiaire : 4-6 => 3e étape
Si score (PAS) élevé ≥ 7 => 4e étape
4e étape : Examen clinique du chirurgien
3e étape : Echographie
abdominale
Soit indication opératoire, avec ou sans échographie préalable
Si appendice normal et vu en (chirurgien convaincu) => 5e étape
totalité en échographie : retour
à la maison avec fiche de Soit hospitalisation pour surveillance et contrôle clinique +
consignes de surveillance ± biologique ± échographique à 24h (chirurgien inquiet)
contrôle clinique à 24 ou 48h si
symptomatologie persistante Soit retour à la maison avec contrôle clinique + biologique à 24
ou 48h (chirurgien peu inquiet)
=> 1re étape
Si échographie en faveur d’une
appendicite
aiguë
ou
échographie
équivoque
(appendice non vu en totalité
ou infiltration de la graisse en
FID) => 4e étape
Soit ASP ou TDM (après échographie non contributive) devant
un tableau clinique atypique ou une obésité sévère (chirurgien
perplexe)
Soit indication à un traitement médical de première intention
pour abcès ou plastron appendiculaire cliniquement bien toléré
et confirmé en imagerie (chirurgien avisé) => 5e étape
5e étape : intervention chirurgicale
En urgence, par laparoscopie ou par Mac Burney : appendicite aiguë simple, non ectopique, chez
un garçon ou une fille non pubère et non obèse.
En urgence, préférentiellement par laparoscopie : péritonites appendiculaires localisées ou
généralisées, appendicite aiguë chez une jeune fille pubère ou prépubère, chez une enfant obèse,
ou si suspicion d’appendicite ectopique (rétrocoecale, sous hépatique, mésocoeliaque, pelvienne)
Après 8 à 10 semaines, par laparoscopie : abcès ou plastron appendiculaire ayant répondu au
traitement médical.
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pathologie revisitée. Réal Pédiatr. 2014 Apr;185(1):9-13.
Les gastro-entéro-colites à éosinophiles
J. Lemale, P. Tounian
[email protected]
INTRODUCTION
Les pathologies à éosinophiles peuvent être séparées en 3 entités cliniques distinctes, les œsophagites
à éosinophiles, les gastroentérites à éosinophiles (GEE) et les colites à éosinophiles (CE). Leur
incidence semble en augmentation depuis une dizaine d’années mais il n’est pas exclu qu’elles aient
été, jusqu’à il y a peu de temps, insuffisamment diagnostiquées compte tenu de l’éventail de
symptômes non spécifiques qu’elles engendrent. Leur diagnostic est clinico-histologique, ces
manifestations étant liées à une infiltration importante d’un ou plusieurs segments du tube digestif par
des éosinophiles. Nous nous intéresserons ici aux deux dernières entités, bien moins connues que les
œsophagites à éosinophiles.
LES GASTROENTERITES A EOSINOPHILES
Les GEE sont des maladies rares dont la première description remonte à 1937. Il existe à ce jour moins
de 300 cas décrits dans la littérature touchant aussi bien l’adulte que l’enfant (1). Les centres de
références nord-américains évaluaient dans les années 1980 la maladie à un 1 cas pour 100 000
personnes. Les descriptions sont en augmentation depuis les années 2000 avec une prévalence actuelle
estimée à 22 cas pour 100 000 personnes (2).
Distribution des éosinophiles dans le tube digestif : la frontière entre le normal et le pathologique
Les éosinophiles résident normalement dans la muqueuse de tous les segments digestifs sauf dans
l’œsophage. Il existe un gradient proximal à distal de la densité des éosinophiles du tube digestif. Par
ailleurs, dans la lamina propria de l’intestin grêle, les éosinophiles sont plus concentrés en profondeur
qu’à la surface et sont plus nombreux entre les cryptes qu’entre les villosités. Ils sont facilement
visualisés en anatomo-pathologie avec une coloration standard type HES. Il n’existe aucun consensus
sur le nombre d’éosinophiles normalement présents dans la muqueuse digestive, sauf dans l’œsophage
où un nombre supérieur à 15 par champ est désormais retenu comme pathologique et permet de poser
le diagnostic d’œsophagite à éosinophiles (3). Peu d’études rapportent le nombre théorique « attendu »
d’éosinophiles dans la muqueuse digestive car ces cellules sont rarement comptabilisées lorsque les
biopsies sont considérées comme normales et les enfants n’ayant pas de symptômes digestifs n’ont pas
d’endoscopie. De plus, plusieurs facteurs environnementaux comme le climat, la vie urbaine/rurale et
l’alimentation semblent influencer le nombre d’éosinophiles. Une étude a retrouvé chez des enfants
ayant des biopsies gastriques normales un pic moyen d’éosinophiles de 8 par champ (HPF) dans
l’antre et de 11/HPF dans le fundus (4). Dans l’intestin grêle, certains auteurs ont établi une limite
normale d’éosinophiles à 20 par champ alors que d’autres l’estiment à 50 éosinophiles/HPF (4-5). Le
diagnostic doit donc être posé avec l’aide d’un anatomo-pathologiste expérimenté car,
indépendamment du nombre de ces cellules, plusieurs aspects histologiques doivent être recherchés
pour définir une réelle entité pathologique. Les agrégats d’éosinophiles sont plus suspects que
quelques éosinophiles seuls retrouvés habituellement dans la muqueuse intestinale. Des signes
histologiques d’inflammation des cryptes avec une destruction partielle ou totale, des abcès cryptiques
à éosinophiles, un aspect dégénératif et régénératif de l’épithélium, la présence d’éosinophiles intraépithéliaux ou d’autres signes d’inflammation minime aiguë ou chronique doivent être présents pour
pouvoir porter le diagnostic de GEE (Photo 1).
Physiopathologie
La physiopathologie précise est actuellement inconnue.
Il semblerait que chez les individus en bonne santé, les éosinophiles soient présents en petits nombres
dans le tube digestif pour pouvoir en cas d’infection, notamment parasitaire, se multiplier et s’activer
rapidement. Dans les GEE, une dysfonction immune mimant une infection parasitaire conduirait à une
réaction inflammatoire. Les lésions histologiques seraient alors causées par l’infiltration
éosinophilique et la dégranulation de ces cellules. Les cytokines IL3, IL5 et le GMCSF (granulocyte
macrophage colony stimulating factor) pourraient être responsables du recrutement et de l’activation
des éosinophiles (6). Par ailleurs, l’eotaxin jouerait un rôle dans la régulation du homing des
éosinophiles dans la lamina propria de l’estomac et de l’intestin grêle.
Les éosinophiles sont souvent impliqués dans les pathologies allergiques. Une augmentation de la
prévalence des allergies a été notée chez les patients ayant des GEE. Dans cette population, une étude
retrouve que l’incidence de la rhinite allergique est de 63 %, de l’asthme de 39 % et d’un eczéma de
10 %. Sur un terrain génétique prédisposant, des facteurs environnementaux tels que les allergènes
alimentaires ou respiratoires pourraient déclencher cette réaction inflammatoire et entraîner une
dégranulation des mastocytes et le recrutement des éosinophiles.
Un modèle animal de GEE a été observé avec des rats mutés pour le gène Lyp codant pour une
GTPase de la protéine GIMAP5 impliquée dans la protection des cellules contre l’apoptose. Les
murins homozygotes pour cette mutation ont une perte de poids et une diarrhée. Une augmentation des
éosinophiles et des mastocytes est retrouvée sur les biopsies de l’intestin grêle. Les cellules T Lyp/Lyp
sécrètent un taux élevé d’IL4, d’IL5 et d’IL13 orientant vers un phénotype Th2 habituellement
retrouvé dans les maladies atopiques. Des taux élevés d’IgE sont également observés (7).
De même, l’efficacité de certains traitements dans la prise en charge oriente au moins en partie vers un
mécanisme allergique. Chez l’homme, le traitement de 9 adultes atteints de GEE avec un anticorps
monoclonal anti-IgE a montré une diminution des éosinophiles dans le sang et dans la muqueuse
intestinale. Dans la mesure où la diminution n’est souvent que partielle, cela suggère que des
mécanismes non IgE médiés sont également potentiellement impliqués. L’amélioration des
symptômes chez l’enfant après une diète élémentaire confirme l’implication probable de certains
allergènes alimentaires dans cette pathologie.
Aspects cliniques
Les GEE peuvent apparaître à n’importe quel âge avec une prédominance chez les garçons. Même si la
majorité des cas rapportés surviennent chez des caucasiens, les cas cliniques décrits partout dans le
monde ne suggèrent pas de prédominance ethnique. Une histoire personnelle d’allergie, d’eczéma,
d’asthme est présente dans la majorité des cas. La survenue de symptômes après l’ingestion de certains
aliments doit être recherchée. On observe parfois une variation des symptômes selon les saisons,
notamment lors de l’exposition à certains pollens. Il faut rechercher une symptomatologie identique
chez d’autres membres de la famille car des cas familiaux ont été décrits.
Les GEE sont responsables de symptômes non spécifiques. Nous considérons ici les GEE
idiopathiques anciennement appelées gastroentéropathies allergiques.
En cas d’atteinte gastrique, les patients présentent fréquemment des douleurs abdominales, des
nausées et vomissements et parfois des hémorragies digestives.
En cas d’entérite, on observe souvent une diarrhée, une entéropathie exsudative. Indépendamment du
site atteint, Klein et al. ont proposé une classification en fonction de l’infiltration éosinophilique de la
paroi digestive (Cf tableau 1) (8).
Sur le plan biologique, il existe une hyperéosinophilie périphérique dans 2/3 des cas. Les IgE totales
sont également augmentées dans la majorité des cas.
L’intérêt de l’imagerie est limité, des sténoses digestives ou un épaississement des parois digestives,
notamment de l’estomac et de l’intestin grêle, peuvent être cependant visualisés en cas d’atteinte de la
musculeuse.
La fibroscopie œso-gastro-duodénale avec biopsies duodénales et gastriques permet de faire le
diagnostic. Sur le plan macroscopique endoscopique, un érythème gastrique et duodénal, des plis
gastriques épais, une muqueuse friable parfois nodulaire et/ou parsemée de micro-ulcération peuvent
être visualisés. Cependant, dans certains cas, la fibroscopie est considérée comme normale. Les
prélèvements doivent être réalisés en zones saines et pathologiques avec au moins 6 biopsies dans
chaque zone car il peut exister des formes en patch. L’infiltration éosinophilique est retrouvée dans 26
à 81 % des cas dans l’estomac et dans 28 à 100 % des cas dans le duodénum. L’histologie met en
évidence les lésions précédemment décrites.
En cas de suspicion de GEE, il convient cependant d’éliminer les causes responsables d’augmentation
des éosinophiles dans le sang et dans la muqueuse digestive (tableau 2) (9) : une parasitose de type
helminthiases, une maladie inflammatoire intestinale, une maladie cœliaque, une tuberculose, un
lymphome, une prise médicamenteuse (carbamazepine, sels d’or…), une mastocytose systémique et
plus rarement chez l’enfant une slérodermie ou une vascularite (Syndrome de Churg-Strauss).
Des tests cutanés (prick-tests et patchs-tests) ainsi que la recherche d’IgE spécifiques à des allergènes
alimentaires et respiratoires sont réalisés en pratique courante. Il n’est pas rare de retrouver une
sensibilisation à de multiples allergènes mais celle-ci n’est pas constante (10).
Dans les formes responsables d’une symptomatologie de pseudo-obstruction intestinale, une biopsie
chirurgicale profonde de la paroi digestive est parfois nécessaire.
Dans tous les cas, devant l’absence de signes spécifiques, la corrélation histologie-symptômes sera
jugée sur la réponse au traitement.
Evolution
L’évolution naturelle des GEE est peu connue car il n’existe pas d’études longitudinales prospectives,
le nombre de cas rapportés étant faibles. Il apparaît, comme pour les œsophagites à éosinophiles, que
certains patients ont une résolution complète des symptômes au cours du temps alors que d’autres ont
une maladie persistante. Quand une sensibilisation à certains allergènes alimentaires est identifiée, le
pronostic est bon après l’exclusion alimentaire. Il est néanmoins possible que la maladie évolue et
touche d’autres segments du tube digestif, il convient alors d’être prudent car une GEE peut être le
précurseur d’autres maladies et notamment des syndromes hyperéosinophiliques.
Traitement
Les recommandations dans la prise en charge des GEE sont limitées à des cas cliniques ou des petites
séries de patients rétrospectives. Si des sensibilisations à des aliments sont identifiées par des tests
allergologiques, un régime d’éviction est préconisé. Celui-ci doit être élaboré avec l’aide d’une
diététicienne afin d’éduquer les patients et de lutter contre des carences potentielles secondaires.
Parfois, une résolution complète des symptômes nécessite l’utilisation d’une diète élémentaire à base
d’acides aminés pendant au moins 6 à 8 semaines voire plus longtemps. Le respect strict du régime est
souvent difficile chez l’enfant et l’adolescent et les rechutes sont fréquentes à l’arrêt de la diète
spécifique (10). Si aucune sensibilisation alimentaire n’est mise en évidence ou si un régime à base
d’acides aminés a échoué, un traitement par prednisone ou methylprednisone plus ou moins associé à
des corticoïdes locaux (fluticasone ou budésonide déglutis) est recommandé. En cas d’allergènes
environnementaux identifiés, les patients doivent être traités par des antihistaminiques et des
corticoïdes intra-nasaux.
En cas d’échec, des petites séries de patients ont été traités avec succès par du cromoglycate de sodium
oral (11), des anti-leucotriènes (montelukast) (12), des anti-histaminiques (ketotifen), des anticorps
humanisés anti-IL5, des anticorps anti-IgE (omalizumab) (13). Dans certains cas, des agents
immunosuppresseurs tels que l’azathioprine, le methotrexate ou même plus récemment les anti-TNF-α
ont permis d’obtenir une amélioration clinique (14).
LES COLITES A EOSINOPHILES
Les CE sont également des pathologies rares avec seulement quelques petites séries de patients
publiées. Il n’existe aucune étude de prévalence réalisée. Cela tient probablement au fait que cette
entité est difficile à définir en l’absence de critères histologiques bien établis (16). Cette pathologie
semble cependant en augmentation ou tout au moins plus souvent diagnostiquée comme en témoigne
l’augmentation des nombres de cas publiés ces 10 dernières années.
Physiopathologie
La physiopathologie demeure également imprécise mais présente des similitudes avec les autres
pathologies à éosinophiles. Il existe une prédisposition génétique indéniable comme en témoigne les
formes familiales décrites. L’exposition à des facteurs environnementaux (allergènes respiratoires et
alimentaires) activant les LT conduit à l’expression d’interleukines, de chemokines et d’eotaxines. Le
déclenchement de la maladie par un mécanisme IgE médié ou non reste débattu selon les auteurs.
Certains suggèrent que l’accumulation de mastocytes dans le tissu interstitiel colique chez les patients
atteints de CE est responsable de la présence d’IgE (17). D’autres études mettent en avant un
processus non IgE médié passant par les lymphocytes CD4 de type Th2. Un terrain atopique est en
revanche souvent retrouvé car jusqu’à 80 % des patients ont un autre type d’allergie.
Présentation clinique et diagnostic
Les CE, anciennement appelées colites allergiques, ont une distribution bimodale, elles touchent plus
fréquemment les nourrissons d’environ 2 mois et les adolescents. Les symptômes sont variables et
dépendent du degré et de la localisation de l’infiltration éosinophilique. L’atteinte peut être
segmentaire mais également pancolique. Les nourrissons ont volontiers une diarrhée glairo-sanglante
trainante contrastant avec un état général conservé. Les enfants plus grands présentent également des
selles diarrhéiques, sanglantes ou non, souvent associées à des douleurs abdominales, une perte de
poids et une anorexie, le tableau peut mimer une recto-colite hémorragique (18).
Sur le plan biologique, une anémie ferriprive est souvent observée, ainsi qu’une hypoalbuminémie par
entéropathie exsudative. L’hyperéosinophilie serait en revanche plus rare que dans les GEE. Il n’y a
communément pas de syndrome inflammatoire biologique.
La coloscopie retrouve un aspect macroscopique non spécifique avec un érythème de la muqueuse,
parfois en patch et parfois la présence d’ulcérations superficielles. Dans certains cas, l’endoscopie est
décrite comme normale.
Sur le plan histologique, la muqueuse colique est le siège de plages d’éosinophiles infiltrant la lamina
propria avec souvent une extension à travers la musculaire muqueuse voire la sous-muqueuse. Des
abcès cryptiques ainsi qu’une hyperplasie lymphoïde sont également courants. Ces aspects peuvent
être segmentaires ou diffus, des biopsies multiples sont nécessaires. Il faut également prendre en
compte la présence normale d’éosinophiles dans la muqueuse colique avec un gradient descendant du
côlon proximal au distal (caecum : 35 éosinophiles/HPF, rectum : 10 éosinophiles/HPF).
Il convient pour porter le diagnostic d’éliminer également toutes les causes potentielles d’infiltration
de la muqueuse colique par les éosinophiles, c’est-à-dire, rechercher une infection parasitaire
(helminthiases), la prise de médicaments (surtout carbamazépine, rifampicine, inhibiteurs de la
calcineurine), des arguments pour une vascularite (syndrome de Churg-Strauss, sclérodermie) ou un
syndrome hyperéosinophilique.
Les investigations allergologiques ont quelques limites, les pricks-tests négatifs permettent juste
d’exclure une forme d’allergie IgE médiée. La positivité de ceux-ci ne permet pas de certifier le
diagnostic mais oriente vers la possibilité d’une allergie alimentaire.
Traitement
Les formes des nourrissons alimentés par des préparations infantiles sont traitées par l’exclusion des
protéines de lait de vache avec administration d’un hydrolysat extensif de protéine de lait de vache
voire une solution d’acides aminés. La réponse au régime est en général favorable avec dans la
majorité des cas une amélioration de la symptomatologie dans les 72 heures. La disparition des
symptômes peut en revanche être plus prolongée avec un arrêt des rectorragies 1 à 2 mois après
l’exclusion des protéines de lait de vache.
Dans les formes de l’enfant plus grand et de l’adolescent, la réponse au régime est souvent plus limitée
d’autant que d’éventuels allergènes alimentaires sont rarement identifiés.
La corticothérapie systémique est souvent utilisée avec succès mais les rechutes sont fréquentes à
l’arrêt. Dans ces cas, des traitements de fond par immunosuppresseurs de type azathioprine peuvent
être tentés (19).
Par ailleurs, comme pour les GEE, les nouvelles biothérapies par omalizumab (anti-IgE) ou
mepolizumab (anti-IL5) pourraient être au moins partiellement efficaces dans les formes sévères mais
d’autres travaux avec des séries de patients plus grandes sont nécessaires pour confirmer leur intérêt.
CONCLUSION
Les GEE et CE, bien qu’elles aient augmenté ces dernières années, restent des maladies rares. Les
symptômes cliniques sont variés et non spécifiques c’est pourquoi le diagnostic histologique doit être
fait par un anatomopathologiste expérimenté. L’évolution naturelle est inconnue. Les régimes
d’éviction alimentaire, pouvant aller jusqu’à une diète élémentaire, doivent être tentés en premier lieu
pour les GEE et les CE du nourrisson. Ce n’est qu’en cas d’échec que les corticoïdes systémiques
voire les immunosuppresseurs ou les biothérapies seront envisagés.
Photo 1 : Biopsie duodénale. Infiltration d’éosinophiles dans le chorion, quelques éosinophiles intraépithéliaux.
Tableau 1 : Classification de Klein (Gastro-entérite à éosinophiles)
Localisation
éosinophiles
Muqueuse
des Distribution
57,5 %
Symptômes
Nausées, vomissements
Douleurs abdominales
Saignement digestif, anémie
Malabsorption, diarrhée, entéropathie exsudative
Retard de croissance
Musculeuse
30 %
Signes d’obstruction luminale
Troubles de la motricité digestive
Séreuse
12,5 %
Ascite
Ballonnement
Péritonite
Tableau 2 : Bilan proposé devant une suspicion de GEE
-
FOGD avec biopsies de l’œsophage, de l’estomac et du duodénum multiples
Analyse histologique et en immunohistochimie (protéines des granules des éosinophiles et
des mastocytes). Recherche d’Helicobacter pylori
Marqueurs sanguins, urinaires et fécaux : eosinophil cationic protein (ECP), eosinophilderived neurotoxin (EDN) et eosinophil protein X (EPX)
NFS
Immunophénotypage lymphocytaire
CRP, vitesse de sédimentation
IgE totales et IgE spécifiques (allergènes alimentaires et respiratoires)
Prick-tests et patch-tests
Intradermoréaction à la tuberculine
Examen parasitologique des selles
Anticorps anti-transglutaminases, ANCA, ASCA
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Communications libres 4
Pathologies hématologiques induites par l’EBV chez les patients atteints de
déficits immunitaires primitifs
Bénédicte Neven1,2, Stéphane Blanche1, Sylvain Latour2
1. Unité d’immuno-hématologie pédiatrique, Hôpital Necker-Enfant Malades, Assistance
Publique des Hôpitaux de Paris, Paris, France
2. Développement normal et pathologique du système immunitaire, Unité INSERM U768,
Université Descartes, Sorbonne Paris Cité, Institut IMAGINE, Paris, France
Le virus d'Epstein-Barr (EBV) est un virus ubiquitaire de la famille des herpès gamma qui
infecte la très grande majorité des êtres humains, l’incidence de la primo-infection est > 90 %
à 30 ans. Le réservoir de l'EBV est strictement humain, la transmission inter-humaine se fait
par la salive. La primo-infection passe le plus souvent inaperçue, mais elle peut induire une
maladie lymphoproliférative bénigne, la Mononucléose Infectieuse (MNI) qui se caractérise
par une maladie auto-limitée avec un syndrome grippal, fièvre, fatigue, pharyngite,
adénopathies cervicales, parfois une splénomégalie transitoire. Le diagnostic repose sur la
clinique, confirmé par la sérologie, les IgM anti-VCA (antigènes capsulaires) apparaissent
précocement mais transitoirement suivis par les IgG anti-VCA. Les IgG anti-EBNA (antigène
nucléaire) apparaissent secondairement après 1 à 3 mois et témoignent d’une séroconversion
complète.
Lors de la primo-infection, le virus infecte les cellules épithéliales de l’oropharynx puis les
lymphocytes B naïfs pour lesquels l’EBV a un tropisme marqué. Sous l’influence de l’EBV,
les lymphocytes B infectés prolifèrent et se transforment en lymphoblastes qui sont la cible
des lymphocytes T CD8 cytotoxiques spécifiques du virus et des cellules NK. Cette réponse
immune permet de contrer le virus dans sa forme latente au sein d’un petit contingent de
lymphocytes B mémoires, un nombre limité de gènes viraux sont alors exprimés 1.
Le virus EBV est également associé à certaines pathologies tumorales affectant les cellules B
(lymphome de Burkitt, maladie de Hodgkin, lymphomes non-hodgkiniens), les cellules T
(lymphomes T), ou des cellules épithéliales (carcinome du rhinopharynx, adénocarcinomes
gastriques). Chez les sujets immunodéprimés (sujet infecté par le VIH, transplanté d’organe
ou de moelle sous immunosuppresseurs…), les réactivations de l’EBV peuvent être
responsables de syndrome lymphoprolifératif post-transplantation.
Dans certains déficits immunitaires primitifs (DIP), le virus EBV peut également être
responsable de pathologies spécifiques. Il s’agit principalement de DIP associé à un défaut de
cytotoxicité, un défaut de l’immunité cellulaire ou encore un défaut de l’interaction entre
lymphocytes B et T 2, 3. Ces situations autorisent la persistance d’une infection chronique
active par le virus EBV et prédisposent à différentes situations cliniques pathologiques telles
que :
-
une mononucléose infectieuse fulminante avec un syndrome d’hémophagocytose
lympho-histiocytaire (HLH) (syndrome d’activation macrophagique ou SAM) au
moment de la primo-infection par l’EBV ;
-
un syndrome lymphoprolifératif EBV induit (pouvant aller jusqu'à un lymphome
B), associé à une réplication sanguine chronique. ;
-
Une infection chronique à EBV caractérisée par la persistance de signes cliniques de
MNI chroniques ou intermittents > 6 mois, associés à une réplication virale sanguine
chronique.
L’étude de ces déficits immunitaires permet de décrypter les fonctions et protéines au sein des
lymphocytes T et NK qui sont essentielles au contrôle de ce virus 2(latour review).
1. DIP associés à un défaut de cytotoxicité
Les lymphocytes T CD8 cytotoxiques et les cellules NK sont essentiels pour assurer
l’élimination de cellules infectées par des agents viraux et jouent également un rôle dans
l’immunosurveillance anticancéreuse. Les fonctions cytotoxiques de ces cellules requièrent
une machinerie de polarisation et d’exocytose de granules cytotoxiques contenant la perforine
et les granzymes au niveau de la synapse immunologique, visant ainsi l’élimination de la
cellule cible. Plusieurs défauts moléculaires sont responsables d’une anomalie de cette
machinerie cytotoxique et se traduisent en clinique par un syndrome d’hémophagocytose
lympho-histiocytaire (HLH), caractérisé par une réponse immune exagérée et mal
contrôlée4. Cette réponse immune inappropriée de l’hôte est généralement déclenchée par un
agent infectieux viral, et en particulier l’EBV. L’agent viral ne peut être éliminé du fait du
défaut de cytotoxicité et sa persistance engendre une hyperactivation des lymphocytes T CD8
et des cellules NK qui produisent de l’interféron gamma en grande quantité et stimulent les
macrophages (Figure 1). Cette activation engendre un état hypercytokinique et
hyperinflammatoire rendant compte des principaux signes cliniques et biologiques du
syndrome HLH 5. Le diagnostic de syndrome hémophagocytaire6 se définit par la présence
d’au moins 5 des critères suivants :
1. fièvre
2. splénomégalie
3. bicytopénie : Hb < 90 g/l (< 100 g/l dans la période néonatale); plaquettes <
100 000/mm³ ; polynucléaires neutrophiles < 1000/mm³
4. hypertriglycéridémie (≥ 3,0 mmol/l, à jeun) et/ou hypofibrinogénémie (< 1,5 g/l)
5. hémophagocytose dans la moelle osseuse, rate ou ganglions (sans maladie maligne)
6. hyperferritinémie (≥ 500 µg/l)
7. taux élevé de CD25 soluble (≥ 2400 UI/ml)
8. défaut de la cytotoxicité des lymphocytes NK.
Dans ces circonstances, une activation intracérébrale est fréquente et doit être recherchée
cliniquement, biologiquement (méningite lymphocytaire, excès de T activés dans le LCR) et
radiologiquement (IRM cérébrale).
Les causes moléculaires de DIP associé a à un défaut de cytotoxicité sont présentées Table 1.
La lymphohistiocytose familiale (LHF) (défaut en perforine, MUNC 13.4, synthaxine 11 ou
MUNC 18.2) se manifeste classiquement par un HLH très précoce, dès les premières
semaines ou mois de vie. L’EBV est donc rarement impliqué comme facteur déclenchant à cet
âge de la vie. Certains patients avec défauts partiels (mutations hypomorphes des gènes
impliqués dans la LHF) peuvent se manifester plus tardivement dans l’enfance voire à l’âge
adulte7. Dans ces situations particulières, tout comme dans les syndromes hémophagocytaires
associés à un alibinisme partiel (cf table 1) l’EBV est fréquemment l’agent déclenchant. Une
atteinte neurologique prédominante est possible et constitue un piège diagnostique à ne pas
méconnaître.
2. Défaut d’activation T et d’interaction entre lymphocytes T et B
Il s’agit d’un groupe hétérogène de DIP caractérisés par un mauvais contrôle de l’infection
par l’EBV. La persistance de ce virus peut entraîner sur le plan clinique, un syndrome
lymphoproliferatif EBV-induit plus ou moins agressif ou un HLH.
Nous insisterons sur les DIP où la susceptibilité à l’infection par l’EBV et les symptômes qui
y sont associés domine le mode de révélation clinique. Parmi ces diagnostics, le syndrome
lymphoprolifératif lié à l'X (ou XLP) représente l'une des formes les mieux caractérisées. Il
existe deux formes moléculaires (XLP-1 et XLP-2) qui présentent des similitudes mais aussi
des différences sur le plan clinique 8. Nous évoquerons également les déficits immunitaires
combinés tels que le déficit en CD27, le déficit en ITK et le XMEN syndrome décrits plus
récemment et dont le mode de révélation principal est en lien avec un mauvais contrôle de
l’EBV. A côté de ces DIP bien caractérisés sur le plan moléculaire, le CA-EBV (chronic
active EBV infection) est une pathologie rare, dont une forme particulière caractérisée par une
infection des lymphocytes T et/ou NK par l’EBV est retrouvée principalement au Japon et en
Asie du Sud-Est, nous en évoquerons les contours diagnostiques.
Le syndrome XLP-1 (ou syndrome de Putilo) est causé par une mutation du gène SH2D1A
qui code pour la protéine SAP (SLAM-associated protein) 9, 10. Il s’agit d’une protéine
cytoplasmique adaptatrice exprimée dans les cellules T CD8 cytotoxiques, les cellules NK et
les cellules NKT. Ces derniers représentent un contingent minoritaire de cellules T de type
« immunité innée » qui reconnaissent des antigènes lipidiques présentés par la molécule
CD1d et ont la capacité de monter une réponse immune rapide mais peu spécifique. Ces
cellules joueraient un rôle important dans l’immunité antivirale et est discuté dans l’immunité
antitumorale. La protéine SAP est indispensable à la genèse de ce contingent cellulaire, absent
ou très fortement diminué en cas de déficit en SAP. SAP joue également un rôle important
dans la signalisation des récepteurs SLAM (signaling lymphocyte activation molécule)
exprimés à la surface des cellules hématopoïétiques, en induisant un message activateur ou de
co-stimulation 11. Le défaut en SAP induit un défaut de cytotoxicité des cellules NK et les
CD8 cytotoxiques incapables d’éliminer les lymphocytes B infectés par l’EBV. C’est ce
défaut de cytotoxicité qui est principalement responsable de la susceptibilité à l’EBV 12 13 14.
Le phénotype clinique du déficit en SAP est variable. La majorité des garçons atteints
développent, suite à la rencontre avec l’EBV, un syndrome d'activation macrophagique ou
mononucléose infectieuse maligne. Un lymphome B, plus ou moins lié à l’EBV peut
également survenir et peut être la première manifestation du syndrome de Purtilo. Une
hypogammaglobulinémie se développe fréquemment dans 40 % des cas. Une séroconversion
incomplète (présence d’IgG anti-VCA, absence d’IgG anti-EBNA) est fréquente.
Le syndrome XLP-2 est causé par une mutation du gène XIAP (X-linked inhibitor of
apoptosis) 15. Ce gène code pour une protéine cytoplasmique appartenant à la famille des
protéines inhibitrices de l’apoptose. Elle est exprimée de façon ubiquitaire. Le lien entre
déficit en XIAP et susceptibilité à l’EBV n’est pas encore pleinement élucidé.
Cliniquement, le déficit en XIAP peut se manifester par un syndrome HLH EBV-induit
comme le déficit en SAP. Il diffère de ce dernier par l’absence de risque de développement de
lymphome. Une colite mimant une maladie inflammatoire du tube digestif peut également
révéler un déficit en XIAP dans 20 à 30 % des cas 16, 17. Une splénomégalie chronique est
fréquemment retrouvée. Sur le plan immunologique, ces garçons présentent une diminution
du nombre de NKT circulants mais moins prononcée que dans le déficit en SAP. Une
séroconversion incomplète est également fréquente.
Plus récemment, des mutations du gène ITK (Interleukin 2 – inducible T-cell kinase) ont été
identifiées chez des patients présentant un syndrome lymphoprolifératif EBV induit18, 19. Le
mode de transmission est autosomique récessif. La protéine ITK est exprimée principalement
dans les lymphocytes T et joue un rôle dans la signalisation proximale du récepteur T (TCR)
et la transduction du signal activateur via la mobilisation du flux calcique intracellulaire. ITK
jouerait également un rôle dans la maturation et la survie des cellules NKT chez la souris.
A ce jour, 8 patients ont été décrits. Le mode de révélation est, chez tous ces patients, un
syndrome lymphoprolifératif B- EBV induit survenant dans l’enfance (3-14 ans). Une atteinte
pulmonaire caractérisée par des nodules pulmonaires est fréquente (6 patients/8). Ces SLP ont
évolué vers un lymphome (majoritairement de type Hodgkin) chez 5 patients. Sur le plan
immunologique, le déficit en ITK se caractérise par une lymphopénie en particulier CD4
progressive et une hypogammaglobulinémie. Un défaut en NKT a également été documenté
chez les patients étudiés.
Le déficit en CD27
Le CD27 est une molécule transmembranaire exprimée sur certaines populations
lymphocytaires T, B et NK. Il s’agit d’un marqueur utile pour définir les populations
mémoires T et B. L’interaction de CD27 avec son ligand, le CD70, fourni un message de costimulation nécessaire à l’activation des lymphocytes T, B et NK et permet également la
différentiation de ces populations. En particulier, cette interaction est importante dans la
génération de lymphocytes T mémoires antiviraux et dans l’induction de la cytotoxicité NK
dépendante.
Le déficit autosomique récessif en CD27 a été rapporté chez 10 individus issus de 4 familles.
20 21
. Le phénotype clinique varie entre une lymphopénie B mémoires isolée (n = 3), une
virémie EBV chronique associée à un syndrome lymphoprolifératif chronique (n = 5) incluant
1 patient évoluant secondairement vers une aplasie médullaire. Le développement d’un
lymphome (n = 3) est également possible. Une hypogammaglobulinémie et un défaut partiel
des réponses anticorps postvaccinales sont observés de façon inconstante. Le taux de
lymphocytes T CD4 et CD8 semblent préservés chez les malades décrits, la lymphopénie
NKT est inconstante.
XMEN syndrome
Ce syndrome XMEN (X-linked immunodeficiency with magnesium defect, EBV infection,
and neoplasia) est causé par une mutation perte de fonction du gène codant pour un
transporteur du magnésium (MAGT1) 22. MAGT1 bien que exprimé de façon ubiquitaire, l’est
fortement dans le système hématopoïétique. La perte de fonction de MAGT1 entraîne une
abolition du flux transitoire de Mg2+ induit par la stimulation du TCR et nécessaire à son
activation optimale. La conséquence est également une diminution du taux basal de Mg2+
libre dans la cellule ce qui entraîne la diminution d’expression de récepteur NKG2D à la
surface des cellules NK et des lymphocytes T cytotoxiques, impliqué dans les fonctions
cytotoxiques de ces cellules 23.
Huit patients (garçons) atteints de syndrome XMEN sont décrits à ce jour avec un âge de
révélation très variable s’étendant de la petite enfance à l’âge adulte (3-45 ans) 24. Ils se
caractérisent par une virémie EBV chronique et un risque important de développer une
pathologie lymphomateuse EVB-induite. Certains patients présentent également des
manifestations infectieuses autres traduisant le caractère combiné de ce DIP (varicelle grave,
zona, molluscum, otite moyenne aiguë, sinusite…).
Sur le plan immunologique, une lymphopénie CD4 et une réduction du pourcentage de
lymphocytes T naïfs est décrite. Un défaut de prolifération lymphocytaire aux mitogènes et
antigènes est inconstamment retrouvé de même qu’une dysgammaglobulinémie.
CA-EBV (chronic-active EBV infection)
Certains patients, sans signe de déficit immunitaire par ailleurs, présentent de façon chronique (> 6
mois) ou récurrente des symptômes compatibles avec une mononucléose infectieuse tels que fièvre,
hépatosplénomégalie, lymphadénopathie associés à une réplication EBV chronique dans le sang et une
séroconversion incomplète. Le terme « infection chronique active à EBV » (CAEBV) est maintenant
généralement employé pour décrire cette situation clinique pathologique25.
Une forme particulière de CAEBV se rencontre principalement au Japon, en Asie du Sud Est et en
Amérique centrale. Elle se caractérise par une expansion poly, oligo ou monoclonale de Cellules T ou
NK infectées par EBV26, 27. Il s’agit d’une entité hétérogène sur le plan clinique. Le plus
fréquemment, ces patients présentent des signes compatibles avec un CAEBV (symptômes
chroniques ou récurrents de mononucléose infectieuse associés à une réplication sanguine
chronique de l’EBV) associés parfois à des cytopénies, une diarrhée, une hépatite, une uvéite
ou encore des calcifications intracérébrales. Une atteinte cutanée à titre d’hypersensibilité aux
piqûres d’insectes ou d’un hydroa vacciniforme peut être associée ou précéder les signes
cliniques de mononucléose infectieuse chronique. L’hypersensibilité aux piqûres d’insectes se
manifeste par une réaction locale érythémateuse bulleuse, suintante puis nécrotique évoluant
vers des cicatrices importantes. L’Hydroa vacciniforme correspond à une éruption vésiculopapuleuse nécrotique des zones exposées au soleil, là aussi laissant place à de larges
cicatrices. L ‘analyse histologique de ces lésions révèlent une infiltration par des lymphocytes
infectés par l’EBV (EBER positif) soit NK (le plus souvent dans les cas d’hypersensibilité
aux piqûres d’insectes) soit de lymphocytes T (en cas d’hydroa vacciniforme). Le
développement d’une véritable pathologie maligne de type lymphome ou leucémie T/NK est
possible y compris après plusieurs années de CAEBV indolent.
Ces formes particulières de CAEBV peuvent également se manifester par des formes
systémiques fulminantes associant HLH, défaillance multiviscérale et coagulation intra-
vasculaire disséminée le plus souvent concomitante de la primo-infection EBV. La
physiopathologie de ces formes de CAEBV est à ce jour mal comprise.
A côté de ces situations pathologiques particulières, rappelons que de nombreux déficits
immunitaires combinés (DIC) peuvent s’accompagner d’une virémie EBV chronique parfois
compliquée d’un syndrome lymphoprolifératif EBV induit. Ces DIC constituent un groupe
hétérogène de DIP qui affecte l’immunité cellulaire et l’immunité humorale (soit
intrinsèquement soit secondairement). Chez ces patients, les problèmes liés à l’EBV
surviennent dans un contexte clinique plus global en rapport avec la susceptibilité aux
infections vis-à-vis des agents viraux et des agents opportunistes, parfois associés à des
manifestations auto-immunes, dysimmunes ou une lymphoprolifération chronique. Nous
citerons ici le déficit en DOCK8, le déficit en STK4 ou encore le syndrome de WiskottAldrish ou ces lymphoproliférations ± EBV induites sont fréquentes.
Conclusion
L’étude de ces déficits immunitaires principalement révélés par un mauvais contrôle de
l’infection par l’EBV permet de mieux comprendre les interactions complexes entre ce virus
et le système immunitaire de l’hôte et en souligne les acteurs et fonctions clés dans le contrôle
de cette infection. Le rôle des lymphocytes T (activation et fonction cytotoxique) apparaît
clairement de même que celui des cellules NKT, fréquemment diminués dans les DIP discutés
et dont les propriétés antivirale et antitumorale font l’objet de nombreuses recherches.
Le clinicien confronté à un patient présentant des symptômes cliniques (HLH, syndrome
lymphoprolifératif, fièvre persistante ou récurrente) et/ou biologiques (virémie EBV
persistante, séroconversion incomplète) évocateurs d’un mauvais contrôle de l’EBV doit être
alerté. Ces situations justifient d’un avis immunologique spécialisé de façon à rechercher un
déficit immunitaire primitif. Ces explorations viseront à éliminer un défaut de cytotoxicité, un
déficit en SAP et XIAP, un défaut de l’immunité cellulaire et en particulier un défaut
d’activation lymphocytaire T.
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Figure 1: Lors d’une infection virale chez un sujet sain, les lymphocytes T CD8 spécifiques
s’activent et subissent une expansion clonale transitoire. Ils produisent de l’IFNγ et éliminent
les cellules cibles infectées via leur activité cytotoxique.
En cas de défaut de cytotoxicité, les lymphocytes T CD8 subissent une expansion clonale
incontrôlée et produisent de l’IFNγ de façon importante, activant les macrophages
responsables du processus d’hémophagocytose. Les lymphocytes T CD8 et les macrophages
activés infiltrent les tissus et induisent une destruction tissulaire.
Table 1 : Principaux Déficits immunitaires primitifs associés à des anomalies hématologiques EBV induites
DIP associé à un défaut de cytotoxicité
défaut génétique
transmission
gène
virémie
HLH chro.
LPD
lymphome
hypo-gamma
Défaut en perforine (FHL2)
AR
PRF1
+
-
+
-
Défaut en MUNC 13.4 (FHL3)
AR
UNC13D
+
-
-
+/-
Défaut en syntaxine 11 (FHL4)
AR
STX11
+
-
-
-
Défaut en MUNC 18.2( FHL5)
AR
STXBP2
+
-
+
+
diarrhée chronique (formes complètes)
Syndrome de Chediak-Higashi
AR
LYST
+
-
-
-
albinisme partiel
Syndrome de Griscelli
AR
RAB27A
+
-
-
-
albinisme partiel
Hermansky-Pudlak Syndrome type 2
AR
AP3B1
+/-
-
+
-
albinisme partiel
autres manifestations cliniques
Autres DIP se présentant principalement par un défaut de contrôle de EBV
Déficit en SAP (XLP1)
lié à X
SH2DIA
+
-
+
+
Déficit en XIAP (XLP2)
lié à X
XIAP
+
+
-
variable
Déficit en CD27
AR
CD27
+
+
+
variable
Déficit en ITK
AR
ITK
+
+
+
+
Syndrome XMEN
lié à X
MAGT1
-
+
+
variable
infections virales (varicelle grave, zona…)
CAEBV
?
?
+
+
+
?
Hypersensibilité aux piqûres d'insectes
Colite, fièvre récurrente, splénomégalie chronique
Hydroa vacciniforme,
AR : autosomique récessif ; FHL : familial hemophagocytic lymphohistiocytosis = lymphohistiocytose familiale ; HLH :
hemophagocytic lymphohistiocytosis virémie chro.: virémie chronique ; +: présent, +/-: rare, -: non rapporté
Histiocytose : avancées génétiques et perspectives thérapeutiques
Jean DONADIEU, Sébastien HERITIER
Registre des histiocytoses Centre de Référence des Histiocytoses
Service d'Hémato-Oncologie Pédiatrique
AP HP Hopital Trousseau
26 avenue du Dr Netter F 75012 Paris
E mail : [email protected]
Tel 33 1 44 73 53 14 / 33 1 71 73 82 66
www.histiocytose.org
www.eurohistio.net
Les histiocytoses : généralités
Les histiocytoses sont les pathologies liées à l'accumulation au sein de tissus d'histiocytes, c'est à dire
de cellules de la lignée monocytaire - macrophagique. La classification de ces différentes pathologies
est à ce jour histologique, mais aussi causale1.
De façon très schématique, on considère 3 groupes d'histiocytose :
1) le groupe des histiocytoses "malignes", avec prolifération clonale de cellules de la lignée
monocytaire-macrophagique, présentant les critères cytologiques de malignité, depuis la leucémie
aigüe monoblastique jusqu'aux sarcomes à cellules inter digitées et aux sarcomes histiocytaires.
2) le groupe des histiocytoses 'réactionnelles', conséquence d'une stimulation immunologique
inappropriée dans les syndromes d'activation macrophagique génétiques ou lymphohistiocytoses2,
d'une accumulation intra cytoplasmique d'une substance en quantité anormale dans les maladies
de surcharge génétique comme la maladie de Gaucher ou la maladie Niemann-Pick, ou enfin d'une
infection à micro-organismes intracellulaires comme dans les mycobactéries (tuberculose et
mycobactéries atypiques), la gale, la maladie de Whipple...
3) le groupe des histiocytoses primitives comportant une accumulation d'histiocytes sans étiologie
déterminée jusqu’à récemment.
Pour le langage médical usuel, seul ce dernier groupe est dénommé 'histiocytoses'.
Ces histiocytoses sont donc définies à la fois par l'exclusion des autres diagnostics et par l'aspect
morphologique et immunophénotypique des cellules : on définit ainsi l'histiocytose à cellules de
Langerhans (la plus fréquente), l'histiocytose sinusale ou maladie de Rosai Dorfman, la maladie
d'Erdheim Chester, le xanthogranulome juvénile. Ces entités ont toujours posé des difficultés de
diagnostic aux cliniciens et aux pathologistes, les formes de passage étant fréquentes entre elles. De
plus, la certitude diagnostique reste toujours fragile, impliquant une confrontation radio clinique et
pathologique et le clinicien se doit d'être toujours aux aguets pour ne pas passer à côté des autres
membres de la grande famille des histiocytoses, réactionnelles ou malignes.
Mais nous limiterons notre propos ici à l'entité la plus fréquente : l'histiocytose langerhansienne.
L'histiocytose langerhansienne : vue d'ensemble en 2014
L’histiocytose langerhansienne est une pathologie multi systémique rare liée à l’accumulation de
cellules de Langerhans au sein de différents organes. C'est la plus fréquente des histiocytoses. Selon
les manifestations cliniques, différentes appellations ont été utilisées dans la littérature : granulome
éosinophile, maladie de Hand-Schuller-Christian, maladie de Letterer-Siwe, maladie d’HashimotoPritzker. Le terme générique d’histiocytose X les a regroupé puis celui d’histiocytose langerhansienne.
La plupart des organes du corps peuvent être atteints et les plus fréquents sont l’os (80 %), la peau (33
%), l’hypophyse (25 %). D’autres organes peuvent être atteints comme le poumon, le foie, la rate, le
système hématopoïétique dans 15 %, les ganglions dans 5 à 10 %, le système nerveux central en
dehors de l’hypophyse dans 2 à 4% des cas3. L’évolution va de la régression spontanée à une
progression rapide pouvant parfois conduire au décès. La maladie induit des séquelles permanentes
dans 30 à 40 % des cas, dont certaines peuvent être dramatiques : insuffisance respiratoire chronique,
insuffisance hépato cellulaire et cholangite sclérosante, atteinte neuro-dégénérative, surdité, atteinte
hypophysaire… Les patients dont la maladie reste localisée ont besoin d’un traitement local voire
d’aucun traitement. A l’inverse, les atteintes multiviscérales, fréquentes chez les enfants de moins de
deux ans, ont un pronostic plus réservé et doivent bénéficier d’un traitement comportant l’association
de médicaments cytotoxiques4.
L'épidémiologie descriptive est connue chez l'enfant. L'incidence annuelle en France est d'environ 60
cas par an chez l'enfant de moins de 15 ans tandis qu'il existe environ 500 cas prévalents. L'âge du
diagnostic est très précoce avec un âge médian de diagnostic de 18 mois.
La thérapeutique de l'histiocytose langerhansienne a progressé dans les dernières années à la fois par la
clarté des indications et son efficacité, au moins pour la survie qui atteint chez l'enfant environ 98 %
de survie à 5 ans4. Les médicaments utilisés sont tous des cytostatiques et les principaux sont la
vinblastine, les stéroïdes, le 6-Mercaptopurine, la Cladribine (2-CdA) et l'Aracytine. La Cladribine
seule ou en association avec l'Aracytine permet de contrôler les rares formes qui échappent au
traitement standard associant Vinblastine, stéroïde et 6-Mercaptopurine.
Ces traitements, quoiqu'efficace sur les poussées de la maladie, ne parviennent pas à en faire régresser
les séquelles. De plus, le traitement des formes multiviscérales et réfractaires de la maladie sont
accompagnées d'effets indésirables majeurs et impliquent des hospitalisations très longues. On peut
ajouter que ces traitements, issus d'une pratique empirique, ne disposent d'aucune base rationnelle. Ils
sont efficaces, mais impossible de savoir pourquoi !
Physiopathogénie de l'histiocytose langerhansienne : ce qui était connue
Ces inconnus, l'efficacité partielle des traitements motivent depuis des années la recherche de la
physiopathogénie de cette maladie. Jusqu'à 2010, on connaissait le profil immunophénotypique des
cellules de Langerhans de l’histiocytose langerhansienne (CHL), en particulier l’expression de CD1a,
de la Langerine (CD207) et la présence de granule de Birbeck, caractéristiques partagées avec les
cellules de Langerhans normales (CL), mais également de nombreuses différences par rapport à
celles-ci : expression anormales de molécules d’adhésion (CD2 et de façon variable CD11a et
CD11b) et d’autres marqueurs membranaires comme PNA (peanut agglutinin), PLAP (placental
alcaline phosphatase) et récepteur à l’interféron γ. Sur le plan fonctionnel, il a été montré que les CHL
ont un profil incomplètement mature avec une fonction présentatrice antigénique très diminuée par
rapport à des CL normales matures issues d'un même sujet. Elles sont par ailleurs capables de produire
un certain nombre de cytokines pro-inflammatoire dont l'IL1, le TNFα et le GM-CSF, qui peuvent
expliquer certains signes systémiques de la maladie comme la fièvre et la cachexie. De grandes
quantités de GM-CSF ont été mises en évidence dans le cytoplasme de CHL et les enfants atteints de
formes graves d'Histiocytose Langerhansienne ont un taux circulant de GM-CSF plus élevé que des
sujets témoins, suggérant un rôle autocrine du GM-CSF5. Ainsi, le profil d’expression des molécules
d’adhésion, le profil de production cytokinique et le profil d'expression des gènes des cytokines6 des
CHL est très particulier par rapport au CL.
Au sein des lésions, les CHL dont le caractère proliférant est débattu7;8, sont accompagnées d’un
cortège de cellules inflammatoires composant le granulome histiocytaire. Lors de la constitution du
granulome histiocytaire, structure tissulaire qui constitue la lésion typique de l’histiocytose
langerhansienne, des cellules giganto cellulaires sont observées. Ces cellules giganto cellulaires
possèdent les caractéristiques d’ostéoclastes même si ces cellules sont observées dans des lésions extra
osseuses9. Ces cellules sont issues de la fusion de plusieurs cellules macrophagiques et / ou CHL. Des
métallo protéases (MMP-9 et MMP-12), libérées lors de la constitution du granulome histiocytaire,
sont alors présentes et sont potentiellement responsables de dégâts cellulaires.
Au sein d’un
granulome histiocytaire, les CHL ne prolifèrent pas et il existe une infiltration importante de CD4 T
régulateurs, mais aussi de cellules vasculaires qui prolifèrent plus que les CHL. Le processus
physiopathogénique de l’histiocytose langerhansienne comporte donc une accumulation de cellules
CHL, au sein d’un environnement cellulaire réactionnel, et non une prolifération de ces cellules. Enfin,
des arguments faibles existaient en faveur d'une origine clonale des CHL par étude de l'inactivation du
chromosome X10. Ces résultats obtenus sur moins de 10 cas, sont apparus contredits par l'analyse de
lésions pulmonaires simultanées mais distinctes anatomiquement d’un même patient11. Enfin, les
études par CGH et de pertes d’hétérozygotie sur les CHL n’ont pas montré d’anomalies structurales
récurrentes12.
L'histiocytose langerhansienne : une pathologie de la voie des MAP Kinases !
Mais dans l'été 2010, une étude à partir de 61 tissus histiocytaires a montré la présence dans environ
50 % (n=34) des cas d’histiocytose langerhansienne de la mutation activatrice BRAFV600E au sein des
CHL13. Ce résultat a été maintenant confirmé par toutes les équipes impliquées dans les recherches sur
cette maladie14-17. La voie RAS-RAF-MEK-ERK (ou voie des MAP Kinases) est une voie de
transduction de la membrane au noyau, composée par une cascade de kinases qui aboutit à une
modulation de l'expression de gènes impliqués dans la croissance cellulaire, la prolifération et la
différenciation en réponse à des facteurs de croissance, cytokines et hormones (cf figure 1). La
protéine B-RAF, composant important de cette cascade, est une des 3 kinases de la famille de RAF
avec A-RAF, et C-RAF (ou RAF-1), B-RAF ayant la plus forte activité kinase des 3. L’activation de
RAF est initiée par l'association de RAS-GTP avec un domaine de liaison de RAS, aboutissant à des
changements dans la phosphorylation de RAF, une stimulation de son activité kinase et activation de
MEK et ERK.
Figure 1 : Cascade des MAP-Kinases
La présence de mutation dans cette voie de signalisation est commune à de nombreux cancers. Environ
15% des cancers humains ont des mutations activatrices RAS et récemment, des mutations dans BRAF ont été identifiées dans de nombreux cancers. Les mutations somatiques de B-RAF sont
associées aux mélanomes malins, aux cancers colorectaux, aux cancers de l'ovaire, aux carcinomes
papillaires thyroïdiens, aux tumeurs gliales. L'analyse des séquences du gène B-RAF associées aux
cancers de l'homme identifie plus de 30 mutations faux-sens, principalement dans le domaine kinase.
La plupart des mutations de B-RAF sont regroupées dans deux régions: la boucle riche en glycine P du
lobe N et le segment d'activation et des régions adjacentes. Une substitution Glu pour Val au niveau
du résidu 600 dans le segment d'activation, représente 90% des mutations B-RAF dans les cancers
humains. Le mutant V600E (anciennement V599E) de B-RAF possède les caractéristiques d'un
oncogène classique. L'activité kinase de cette protéine mutante est très élevée, elle stimule l'activité
constitutive ERK in vivo indépendant de RAS 18.
Les conséquences de cette découverte vont au delà de l'affirmation de la clonalité de l'histiocytose
langerhansienne. On peut résumer cette avancée sur plusieurs points:
* Cette découverte ne vient bien sur pas contredire le caractère cliniquement bénin de la
maladie. Une maladie peut être auto régressive et clonale ! Ceci souligne que les conséquences
physiologiques des mutations sont dépendantes du système cellulaire dans lequel elles apparaissent, de
l’environnement cellulaire et de l’association avec d’autres évènements mutationnels ou modifications
épi génétiques.
* L'apparition d'une réaction clonale peut tout à fait être le fruit d'une stimulation antigénique.
Le rôle d'une infection a été mainte fois suggéré à partir d’observations individuelles d'un
déclenchement d'une histiocytose par une infection et, de même pour l'effet d'une vaccination et du
tabac. Cet effet de déclenchement n'a cependant rien de nécessaire et d’obligatoire et la seule étude
cas-témoin n’a pas confirmé pas le rôle causal du CMV, de l’EBV, de HHV6 19. Mais ceci n’exclut
pas un rôle potentiel non spécifique d’une infection, ou d'un stimulus chimique comme le tabac, pour
favoriser l'apparition d'une histiocytose en jouant un rôle de trigger sur une cellule présentatrice
d’antigène (la cellule de Langerhans) qui serait préalablement porteuse d’une mutation activatrice ou
au contraire favoriser l'apparition d'une mutation.
* Au delà de la mutation ponctuelle BRAFV600E mise en évidence dans la moitié des cas, il a été
montré que les produits d'activation de cette voie : ERK +/- MEK, étaient constamment phosphorylés
dans toutes les histiocytose langerhansiennes, impliquant la présence d’autres mutations activatrices de
cette voies20. Ainsi, il y a quelques mois, une mutation de A-RAF
21
a été rapportée, puis cet été des
mutations de MAP2K1 (=MEK1 )22 .
* Il existe dés lors un outil moléculaire de diagnostic de la maladie. Cet outil permet aussi
d'affirmer la présence de cellules circulantes histiocytaires B-RAFV600E
14
et pourrait présenter un
facteur pronostic et décisionnel dans la stratification thérapeutiques.
* Les mutations B-RAFV600E sont retrouvés dans une même proportion dans la maladie
d'Erdheim Chester15 qui était considérée comme une pathologie distincte, quoique très proche avec des
formes de recouvrement
23
. Mais la présence d'une mutation identique, chez des patients pouvant
présenter successivement une histiocytose de Langerhans et une histiocytose d'Erdheim Chester tend à
considérer qu'il s'agit d'une pathologie identique, dont les expressions cellulaire, morphologique,
immunophénotypique sont liées à l'âge.
* La présence de mutations activatrices de BRAFV600E a logiquement suscité un intérêt pour la
nouvelle classe de traitement ciblant cette voie : les anti-BRAF. Ces traitements ont été développés
pour le traitement de plusieurs cancers et des effets intéressants ont été observés dans le mélanome
métastatique24. Les premières utilisations thérapeutiques chez des adultes porteurs d'histiocytose de
formes mixtes Erdheim Chester / histiocytose langerhansienne ont montrés une efficacité du
Vemurafenib (un des inhibiteurs de B-RAF) sur les 2 contingents de cellules
25
et l'utilisation pilote
chez un nouveau-né porteur d'une histiocytose langerhansienne suggère aussi un effet thérapeutique
très actif de ces molécules dans les histiocytoses langerhansiennes.
En conclusion, la conception physiopathogénique de l'histiocytose langerhansienne a profondément
changés ces 4 dernières années avec la découverte des mutations activatrices d’oncogènes impliqués
dans la voie des MAP-kinases. Ces découvertes offres de nouvelles perspectives et des outils dans
l’évaluation des patients, avec de nouvelles approches thérapeutiques qui sont à suivre !
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Communications libres 5
Anorexie mentale du sujet prépubère :
actualités sur le diagnostic et la prise en charge
Dr Anne Bargiacchi
(Service de Pédopsychiatrie, Hôpital Robert Debré 48 bd Sérurier 75019 PARIS
[email protected])
INTRODUCTION
L’anorexie mentale (AM) est une pathologie potentiellement sévère qui peut toucher des sujets avant
l’âge de la puberté avec une prévalence dans ce cas évaluée aux alentours de 0,5 % (0,2 à 0,6 %) dans
la population générale. L’AM de l’enfant prépubère, ou AM à début précoce, est grave compte tenu du
retentissement majeur à court terme et à long terme sur le développement psychiatrique, émotionnel et
somatique dans une phase où l’enfant est en pleine maturation.
DEFINITIONS
L’anorexie mentale à début précoce peut se définir par la coexistence d’une perte de poids provoquée,
de cognitions anormales concernant l’aspect physique et/ou le poids et de préoccupations anormales
concernant le poids et/ou l’aspect physique et/ou l’alimentation (critères du Great Ormond Street
Hospital) chez des sujets de moins de 14 ans.
Les cognitions et préoccupations anormales concernant le poids et/ou l’aspect physique peuvent être
remplacées par une peur des vomissements ou des douleurs abdominales. Ainsi, l’absence de
cognitions anorexiques à proprement parler ne doit pas faire éliminer d’emblée le diagnostic
d’anorexie dans cette tranche d’âge.
Chez l’enfant, la restriction hydrique est classique (par opposition à la potomanie des adolescentes et
adultes jeunes) ; les vomissements provoqués sont rarissimes. La comorbidité avec les troubles
obsessionnels et compulsifs est très fréquente (1).
EPIDEMIOLOGIE
On estime que l'AM de l’enfant prépubère représente près de 5 % de tous les cas d’AM. La prévalence
serait d'environ 0,2 à 0,6 % en population générale, avec un sex ratio de 3 garçons pour 10 filles.
Il est intéressant de noter que dans une étude, Lask et ses collègues ont constaté que chez les filles
ayant reçu un diagnostic d’AM à début précoce, on retrouve un taux plus élevé de visites chez le
médecin au cours des 5 années précédant le diagnostic que chez les filles sans diagnostic de trouble du
comportement alimentaire. Une seule visite chez le médecin ayant pour motif l’alimentation ou le
poids serait par ailleurs un facteur prédictif d'un diagnostic ultérieur d'AM. Cependant, lors de ces
consultations, les symptômes seraient fréquemment attribués à autre chose que l'AM (comme une
manifestation de la puberté ou une manière de tester les limites parentales).
ÉTIOLOGIES
L'anorexie mentale (AM) est une maladie d’étiologie multifactorielle, complexe, dont l’apparition
résulte de facteurs de risque, de facteurs précipitants (ou « déclenchants ») et de facteurs pérennisants
(favorisant le maintien du trouble).
Certains facteurs de risque sont connus pour augmenter le risque d’AM : facteurs périnataux (hypoxie
cérébrale), facteurs génétiques et épigénétiques (gènes monoaminergiques et gènes impliqués dans le
contrôle du poids, de l’appétit, de la balance énergétique), sexe féminin, antécédents familiaux de
trouble du comportement alimentaire, abus sexuels dans l'enfance, troubles alimentaires de la petite
enfance, certains troubles psychiatriques (en particulier troubles anxieux comme les troubles
obsessionnels compulsifs), certains sports (par exemple la danse, avec un risque relatif de développer
une AM 6 à 25 fois supérieur chez les danseuses, ou tout sport pratiqué à haut niveau, de manière
intensive ou sport avec catégorie de poids), certains traits tempéramentaux et profils
neuropsychologiques (rigidité, perfectionnisme, difficultés à exprimer ses sentiments) et enfin facteurs
de risque socioculturels (pression pour être mince dans un environnement obésogène) (2).
Il n’existe à l’heure actuelle pas de facteurs de risque spécifiques connus pour l’anorexie mentale du
sujet prépubère.
DIAGNOSTIC ET ÉVALUATION
Une AM doit être recherchée chez tout enfant ayant perdu du poids ou arrêté de prendre du poids et/ou
ayant cassé sa courbe de croissance staturo-pondérale et/ou ayant modifié récemment ses habitudes
alimentaires et/ou verbalisant des préoccupations pour son poids ou pour l’alimentation.
L’observation d’un enfant pour qui un diagnostic d’AM est suspecté doit comporter une évaluation des
comportements de restriction alimentaire (relevé des prises alimentaires sur les derniers jours en
faisant préciser ce qui a été consommé au petit-déjeuner, déjeuner, goûter et dîner, s’il y a eu des repas
sautés) et la recherche d’une sélectivité alimentaire (en fonction des calories, éviction de toute graisse,
des sucres…).
Les éventuelles cognitions anorexiques ou équivalents sont notées (pensées erronées et obsédantes sur
le corps ou les formes corporelles, sur le poids, sur l’alimentation, peur de grossir, maux de ventre ou
envie de vomir pendant les repas, peur de voir son corps changer…) ainsi que les comportements
anorexiques, comme les rituels alimentaires (couper en tout petit, mâcher longtemps, trier, éparpiller
dans l’assiette,…), une trop grande rigidité sur les horaires de repas et les conditions de prise
alimentaire, des vomissements, une hyperactivité (très fréquente), un hyperinvestissement scolaire.
Des comorbidités sont également recherchées, en particulier anxieuse (symptômes obsessionnels
compulsifs), dépressive.
Les éventuels facteurs de risque et les facteurs précipitants (moqueries à l’école, conflits à la
maison…) sont notés.
Le poids, la taille et l’indice de masse corporelle (IMC = P/T2) sont reportés sur les courbes
correspondantes.
Le stade de Tanner doit être évalué.
Les enfants perdent généralement du poids plus rapidement que les adolescents et les adultes, du fait
de leur faible masse grasse. L’examen clinique recherche des signes de gravité, en particulier les
symptômes de dénutrition et de déshydratation. Un bilan biologique pour évaluer le retentissement et
pour rechercher des signes de gravité doit être systématique.
A cet âge, des conséquences métaboliques et endocriniennes sévères sont observées, avec un effet
délétère de la survenue de l’anorexie mentale sur l’évolution de la puberté ainsi que sur la croissance
et la taille adulte. L’intensité des anomalies métaboliques observées en relation avec la dénutrition est
responsable d’un ralentissement voire d’un arrêt de la croissance staturale, d’un retard pubertaire
(retard de survenue de la ménarche de 2 à 3 ans lorsque l’anorexie mentale survient chez l’enfant
prépubère ou en tout début de puberté) ou d’un arrêt de progression de la puberté avec aménorrhée
primaire ainsi que d’anomalies de la composition corporelle avec ostéopénie et défaut d’acquisition de
masse osseuse.
L’amélioration de l’anorexie mentale et le retour à une nutrition normale entraînent généralement une
reprise de la croissance [même si le rattrapage pourrait être dans certains cas incomplet, certaines
études rapportant une perte staturale définitive moyenne de 4 cm (3,9 cm chez 30 % d’entre elle pour
Léger et al. 2011)], de la puberté et une acquisition plus adéquate de masse osseuse. Cependant,
certains sujets conservent un déficit statural important avec petite taille définitive, irrégularités
menstruelles et ostéopénie, le plus souvent liés à la sévérité et à la durée de l’affection. L’âge de la
ménarche semblerait corrélé à l’âge au début de l’anorexie et à l’âge où l’IMC a été le plus bas. La
durée observée pour la reprise de l’évolution pubertaire semblerait plus longue que la reprise de la
croissance staturale (3).
Un avis endocrinologique spécialisé est systématiquement demandé pour évaluer le retentissement du
trouble alimentaire sur la croissance et le développement pubertaire et envisager des stratégies
thérapeutiques adaptées.
A l’issue de ce bilan, une orientation appropriée peut être décidée pour la prise en charge.
PRISE EN CHARGE
Elle doit être la plus précoce possible, multidisciplinaire, en favorisant l’ambulatoire. Le médecin
généraliste ou le pédiatre travaille si possible en lien avec un psychiatre, un diététicien et un thérapeute
familial.
Les indications d’hospitalisation temps plein sont rappelées dans les recommandations de l’HAS
parues en 2010.
Dans tous les cas, le traitement doit prendre en compte à la fois les aspects physiques et
psychologiques de ce trouble alimentaire.
Le traitement a trois objectifs principaux :
• Corriger les problèmes médicaux qui peuvent survenir.
• Aider les jeunes à atteindre un « poids de bonne santé » (entre le 25ème et le 50ème percentile en
termes d’IMC dans la majorité des cas) et à développer des habitudes alimentaires saines.
• Aider les jeunes à parler de leurs sentiments et à apprendre des façons plus ajustées de faire face aux
problèmes.
Pour atteindre ces objectifs, le traitement doit se concentrer sur:
• Travailler sur la motivation à se soigner.
• Inciter les parents à reprendre un rôle d’équipe parentale soudée et efficace.
• Modifier progressivement les comportements alimentaires et permettre de retrouver un poids santé,
permettant la reprise de la croissance et du développement pubertaire.
• Développer des stratégies de gestion du stress et de résolution de problèmes.
• Apprendre à communiquer et à gérer des émotions difficiles, au sein de la famille et avec les autres.
• Développer des compétences relationnelles efficaces.
Le poids de bonne santé est déterminé en fonction de l’âge et de la taille (IMC cible entre le 25ème et le
50ème percentile, ou dans certains cas, poids auquel une reprise de la croissance staturale est observée).
La modification progressive des habitudes alimentaires vise en général une reprise de 500 g par
semaine en ambulatoire.
Il est important d’expliquer à l’enfant quels sont les objectifs du traitement ainsi que les différentes
étapes.
Lors de la phase initiale du traitement, il est fréquent de dispenser l’enfant d’activité physique afin de
ne pas accroître les dépenses énergétiques.
HOSPITALISATION
Les critères d’hospitalisation sont rappelés dans les recommandations HAS de 2010. Des
hospitalisations de jour ou une hospitalisation à domicile peuvent parfois être une alternative pour les
sujets motivés et sans critères de gravité.
L’hospitalisation a lieu idéalement en service spécialisé, parfois en pédiatrie générale pour débuter la
renutrition et la réhydratation.
La renutrition doit être progressive (initialement 10 à 15 kcal/kg/jour) pour éviter le syndrome de
renutrition inapproprié. Une supplémentation en phosphore est recommandée de manière systématique
(PHOSPHONEUROS 50 à 100 gouttes par jour).
Le traitement en milieu hospitalier dure habituellement de trois à six mois. La durée du traitement
ambulatoire psychologique et le contrôle physique après une période de traitement en milieu
hospitalier devrait normalement être d'au moins 12 mois.
En hospitalisation, l’objectif de reprise de poids est souvent plus rapide (500 g à 1 kg par semaine).
Pour certains patients, la renutrition peut être proposée par sonde naso-gastrique (aphagie totale par
exemple) (4).
TRAITEMENT AMBULATOIRE
Lorsque cela est possible, le traitement ambulatoire est favorisé. Il associe idéalement le médecin
traitant, le psychiatre, le thérapeute familial et le diététicien.
Chez l’enfant, la thérapie familiale a fait la preuve de son efficacité dans la prise en charge de l’AM.
La prise en charge familiale a pour but non pas de tenter d'éclaircir les processus familiaux qui
peuvent avoir eu un effet de « causalité » mais plutôt ceux qui sont des réponses à ce problème et qui
peuvent avoir un effet pérennisant. Le but de la thérapie familiale est donc d'aider la famille, à l'aide de
leurs propres idées et de leurs propres forces. L’idée est de soutenir les compétences de résolution de
problèmes de l’enfant et de sa famille en incitant les parents à se positionner comme une équipe
soudée contre la maladie. Il s’agit également de faire comprendre à la famille qu'ils font partie de la
solution et non du problème.
Tous les membres de la famille vivant à la maison, y compris les frères et sœurs, participent à la prise
en charge. Les sessions sont hebdomadaires ou bimensuelles.
Des groupes de parents ou des groupes de thérapie multifamiliale peuvent parfois être proposés (5).
Dans certains cas, une thérapie individuelle est proposée à l’enfant, utilisant des techniques d’entretien
motivationnel, des techniques cognitives et comportementales ou encore psychodynamiques.
TRAITEMENT MEDICAMENTEUX
En dehors de la supplémentation des éventuelles carences (calcium, vitamine D, phosphore), aucun
traitement médicamenteux n’est recommandé dans le traitement de l’anorexie mentale de l’enfant (6).
Ponctuellement, un traitement anxiolytique (hydroxyzine 1mg/kg/jour) peut être prescrit (en cas
d’anxiété majeure au moment des repas par exemple).
D’autres stratégies thérapeutiques peuvent être proposées au cas par cas, par exemple en cas de
retentissement prolongé sur la vitesse de croissance, un traitement par hormone de croissance peut être
envisagé (essai thérapeutique en cours à l’hôpital Robert Debré).
PRONOSTIC ET EVOLUTION
L’évolution de l’AM chez l’enfant est favorable dans 70 % des cas après 5 à 7 ans de prise en charge.
Dans 10 % des cas, il existerait une chronicisation des troubles et dans les 20 % des cas restants, une
évolution vers un TCA atypique ou une boulimie.
L’apparition de comorbidités psychiatriques est très fréquente (trouble anxieux dans 53 % des cas,
trouble de l’humeur dans 60 % des cas).
CONCLUSION
L’AM de l’enfant est une pathologie sévère, actuellement encore mal connue et sous-diagnostiquée. Il
est important d’y penser devant toute cassure de la courbe de croissance staturo-pondérale chez un
enfant qui modifie ses comportements alimentaires qualitativement ou quantitativement, ou qui se
plaint de nausées ou douleurs abdominales répétées. Le médecin généraliste est l’un des acteurs
principaux dans le suivi de la reprise de poids progressive, en lien avec psychiatre, psychothérapeute et
diététicien.
BIBLIOGRAPHIE
1. MC Mouren, C Doyen, MF Le Heuzey, S Cook. Les troubles du comportement
alimentaire de l’enfant. Elsevier Masson. 2011.
2. Lask Bryan. Eating disorders in early chlidhood and adolescence. Routledge. 2007.
3. Rozé C, Doyen C, Le Heuzey M-F, Armoogum P, Mouren M-C, Léger J. Predictors of
late menarche and adult height in children with anorexia nervosa. Clin. Endocrinol. (Oxf).
2007 Sep;67(3):462–7.
4. Yon L, Doyen C, Asch M, Cook-Darzens S, Mouren M-C. [Treatment of anorexia
nervosa in young patients in a special care unit at Robert-Debré Hospital (Paris):
guidelines and practical methods]. Arch Pediatr. 2009 Nov;16(11):1491–8.
5. Cook-Darzens S, Doyen C, Mouren M-C. Family therapy in the treatment of adolescent
anorexia nervosa: current research evidence and its therapeutic implications. Eat Weight
Disord. 2008 Dec;13(4):157–70.
6. Doyen C, Asch M. [Eating disorders in childhood and early adolescence]. Rev Prat. 2008
Jan 31;58(2):173–6.
Troubles du spectre de l’autisme et pathologies associées
Dr GUERIN Pascaline
Unité de Psychopathologie de l’Enfant et de l’Adolescent (Troubles Envahissants du
Développement / Troubles spécifiques des apprentissages)
Hôpitaux Universitaires Est Parisien - Hôpital Armand Trousseau/La Roche-Guyon (AP/HP).
E-mail : [email protected]
Chercheur associé CNRS-UMR 7355 – Laboratoire « Immunologie et Neurogénétique
Expérimentales et Moléculaires » – Université d’Orléans.
Les troubles du spectre de l’autisme (TSA), tels qu’ils sont définis dans les nosographies
internationales et dernièrement dans le DSM V, regroupent des tableaux cliniques très hétérogènes,
hétérogénéité relevant en partie de l’étendue des critères diagnostiques requis, mais aussi de
troubles surnuméraires, dont le retard mental et l’épilepsie, rattachables dans un certain nombre de
cas à des pathologies associées. Les origines métabolique et/ou génétique de ces comorbidités sont
parfois déjà bien connues et peuvent orienter vers des conduites à tenir spécifiques, de surveillance
entre autres. Dans d’autres cas, ces syndromes associés (syndrome X fragile, syndrome de Rett), mais
aussi la mise en évidence de nouvelles anomalies génétiques, facilitée par des techniques de plus en
plus performantes dans l’analyse du génome (puces à ADN pangénomique, séquençage de l’exome),
ouvrent
des
perspectives
encourageantes
pour
une
meilleure
compréhension
des
dysfonctionnements observés dans les troubles autistiques et servent de modèles d’études pour
envisager des pistes thérapeutiques innovantes.
Des tableaux cliniques et des causes polymorphes
L’hétérogénéité clinique des TSA, imputable à la définition nosographique, est souvent
compliquée par 3 facteurs :
1-
l’épilepsie et le retard mental sont beaucoup plus fréquents chez les
sujets autistes que dans la population générale et s’expriment sous des
formes et des intensités variables selon les sujets
2-
des signes cliniques non spécifiques à l’autisme (colères, agressivité,
auto-mutilations, troubles anxieux et de l’humeur, troubles du sommeil,
troubles alimentaires et digestifs (diarrhées, constipation) peuvent se
surajouter et être parfois révélateurs d’une comorbidité
3-
dans 20% à 25% des cas, coexistent une autre maladie, d’origine
infectieuse, métabolique ou génétique bien identifiée, dont la
symptomatologie propre se surajoute aux signes autistiques.
Cependant dans 75 à 80% des cas d’autisme, l’étiologie reste à ce jour non élucidée.
Les facteurs génétiques étiologiques ont été mis au premier plan pour les arguments
suivants :
- La prévalence des TSA est estimée ce jour à 1/110 enfants de 8 ans avec un sexe
ratio déséquilibré de 4 garçons pour une fille (2/1 en cas de retard mental associé) (1).
- Les études de jumeaux montrent une différence considérable de concordance entre
jumeaux monozygotes et jumeaux dizygotes (il y a concordance, quand les deux jumeaux sont
atteints, et discordance quand un seul des deux l’est). Ce taux de concordance est de 70 à 90% pour
les jumeaux monozygotes (qui partagent le même génome, c’est à dire l’intégralité de leurs gènes) et
d’environ 10% seulement pour les jumeaux dizygotes.
- Le risque de récurrence dans les fratries comprenant un enfant autiste non
syndromique est de 5 à 10% pour un tableau d’autisme complet et de 10% à 15% pour des
symptômes plus mineurs (troubles du langage, du contact social, troubles psychiatriques) (2,3). Pour
les familles comprenant deux enfants affectés ou plus, ce risque atteindrait 35%. Cependant, ce
risque décroit brutalement à 1% (rejoignant ainsi celui de la population générale) avec le degré des
apparentés (2ème et 3ème degré), écartant ainsi un mode de transmission monogénique.
- au total, un fort taux dit d’«héritabilité» génétique avoisinant les 80-90% (4,5) et la
stabilité avec le temps des traits autistiques chez l’enfant d’âge moyen (6) feraient de l’autisme le
trouble développemental ayant le substratum génétique le plus fort.
Cependant des études récentes de jumeaux (7) et d’agrégation familiale sur de larges populations (8)
font état d’’un taux d’héritabilité plus faible, de 50%, laissant ainsi évoquer une participation, plus
importante que celle supposée antérieurement, de facteurs d’environnement qu’il resterait à
déterminer.
La rareté de certaines des maladies rapportées comme associées à l’autisme fait se
poser la question soit d’une simple coïncidence dans leur survenue conjointe, soit de l’existence de
mécanismes physiopathologiques communs en tout ou partie. Leur association physiopathologique
présumée à l’autisme pourrait être médiée davantage par le retard mental presque toujours présent
dans ces pathologies que par le syndrome autistique lui-même.
I- Maladies infectieuses et expositions toxiques
Des facteurs infectieux ont été évoqués comme possiblement impliqués dans l’autisme
(tableau n°1), de même que l’exposition fœtale précoce à certains toxiques ou médicaments (acide
valproïque, thalidomide, alcool, insecticide organophosphoré : chlorpyriphos-éthyl) (9). Ces facteurs
tératogènes restent toutefois anecdotiques et ne sont rapportés dans la littérature comme la cause
que de quelques cas d’autisme.
II- Maladies métaboliques et autisme
Le tableau n°2 recense les principales maladies métaboliques rapportées comme
associées dans l’autisme. Dans les pays, où est établi le dépistage systématique par le test de Guthrie
de la phénylcétonurie entre autres, cette association est rare, mais doit rester présente à l’esprit
devant des sujets originaires de pays où ce dépistage néonatal n’est pas mis en place (ressortissants
des pays en voie de développement ou de l’Est de l’Europe) : le diagnostic et le traitement de la
phénylcétonurie peuvent avoir été tardifs ou inexistants (10) . La même remarque s’applique à
l’hypothyroïdie congénitale pour laquelle des cas d’autisme ont été décrits.
Parmi les maladies métaboliques, et bien que rares dans l’autisme, sont à connaître :
1- le déficit en adénylsuccinate lyase (11), enzyme chargée de catalyser la conversion du
SAICAR (succinylaminoimidazole carboxamide ribotide) en AICAR (aminoimidazole carboxamide
ribotide), et dont le déficit conduit à une augmentation de l’excrétion urinaire du SAICAR. Il s’agit
d’une maladie autosomique récessive rare. Le tableau clinique comporte un retard psychomoteur,
une épilepsie et des troubles du comportement de type autistique parfois associés à un retard de
croissance et une amyotrophie.
2 - les 3 syndromes de déficience en créatine (12): deux concernent la synthèse de la
créatine par déficit en guanidinoacétate méthyltransférase (GAMT) ou en L- arginine glycine
amidinotransférase (AGAT), le troisième résulte d’un déficit en transporteur membranaire de la
créatine (gène SLC6A8). Ils aboutissent à un déficit intracérébral en créatine et se manifestent par un
retard mental de sévérité variable, associé à un retard de langage sévère, une épilepsie, des signes
extrapyramidaux, des comportements autistiques avec automutilations. La maladie se révèle la
plupart du temps pendant l’enfance, mais des cas adultes ont été rapportés. Les déficits en GAMT et
en AGAT sont traitables de façon efficace par la créatine orale, alors que le déficit en transporteur ne
semble pas répondre à ce traitement. Le diagnostic repose sur le dosage du guanidinoacétate et de la
créatine dans les urines et le plasma, et sur l’absence totale de créatine/phosphocréatine
intracérébrale en spectroscopie à résonance magnétique.
3- Le syndrome de Smith-Lemli-Opitz résulte d’un déficit en 7-déhydrocholestérol
réductase, enzyme de la biosynthèse du cholestérol, qui convertit le 7-déhydrocholestérol (7DHC) en
cholestérol (d’où une augmentation du taux de 7DHC plasmatique). Présent dès la naissance, il peut
se révéler plus tardivement dans l’enfance, voire à l’âge adulte. A côté de malformations
congénitales (polydactylies des mains et des pieds, anomalies cardio-vasculaires, hypoplasie du corps
calleux…) et d’un retard de croissance (microcéphalie dans 80% des cas), il se manifeste par un
déficit intellectuel, des automutilations répétées, une hyperréactivité sensorielle, une dérégulation
de la température, des troubles du sommeil. 50% à 86% des sujets porteurs d’un syndrome de SmithLemli-Opitz présenteraient des troubles autistiques (13).
III Anomalies génétiques et autisme
Le gène de l’autisme n’existe pas : plus de 200 gènes ont été identifiés comme impliqués
dans l’autisme, mais ce nombre pourrait atteindre le millier, confirmant l’important degré
d’hétérogénéité des loci concernés(14).
Les anomalies génétiques dans l’autisme comportent (15) :
-
Des anomalies chromosomiques visibles en cytogénétique, c’est à dire détectables sur le
caryotype ou par FISH (5%)
-
Des maladies monogéniques dont les manifestations neurologiques peuvent être de type
autistique (5%)
-
Des variations du nombre de copies de séquences ADN (CNVs) (délétions et duplications
submicroscopiques) (10-20%)
III-1- Des anomalies chromosomiques visibles en cytogénétique
On peut citer :
-
La duplication 15q11-15q13 d’origine maternelle dans la région critique de PraderWilli/Angelman. Cette région contient plusieurs gènes soumis à empreinte parentale,
est sensible aux remaniements cliniquement parlants, dont les délétions
responsables des syndromes de Prader-Willi (délétion sur le chromosome paternel)
et d’Angelman (délétion sur le chromosome maternel)). La duplication de cette
région se manifeste le plus souvent sous forme d’un marqueur chromosomique
surnuméraire constitué d’une inversion/duplication de la région proximale 15q :
syndrome de duplication inversée 15q11 ou syndrome du chromosome 15
isodicentrique (idic(15)). Les duplications 15q11-15q13 doivent être évoquées devant
l’association d’une hypotonie précoce, d’une discrète dysmorphie, d’une épilepsie
rebelle, de troubles du développement avec TSA, et sont les anomalies
chromosomiques les plus fréquemment observées dans l’autisme (détectées chez 1 à
3% des enfants avec autisme).
-
La délétion 2q37 (région contenant plusieurs gènes), qui se manifeste par un retard
de développement ou un déficit intellectuel, une dysmorphie faciale, des
malformations squelettiques, associés à d’autres signes plus inconstants (petite
taille, microcéphalie ou macrocéphalie, troubles du comportement de type
autistique entre autres)
-
Les délétions 22q13.3 et Xp22.3, qui ont permis l’identification, chez des sujets
porteurs d’autisme sans cause connue, de mutations respectivement dans les gènes
SHANK3 et NLGNX4.
-
La trisomie 21 (incidence de l’autisme estimée à 7%)
-
L’aneuploïdie des chromosomes sexuels, le plus souvent anecdotique : Syndrome de
Turner (45X), Syndrome de Klinefelter (XXY), XXX, XYY, Y isodicentrique.
III-2- Des maladies monogéniques dont les manifestations neurologiques peuvent être de
type autistique
Le tableau n°3, sans être exhaustif, recense les syndromes ou maladies génétiques pour
lesquelles l’association à des TSA a été le plus fréquemment rapportée dans la littérature, même si
l’occurrence d’une telle association pour chacune d’elles reste rare. Les gènes responsables pour
chacun de ces syndromes sont dispersés sur le génome, de même leur mode de transmission est
variable.
Le syndrome X fragile et le syndrome de RETT, tous les deux liés à l’X, présentent un intérêt
particulier dans l’autisme :
- 1- La prévalence de la symptomatologie autistique dans ces 2 pathologies est importante
(même si elle peut n’être que transitoire dans l’évolution de la maladie, comme dans le
syndrome de RETT)
- 2- Du fait de leur parenté clinique avec l’autisme, les modèles animaux du syndrome
X fragile ou du syndrome de RETT permettent d’extrapoler à la compréhension de la
physiopathologie des TSA. Le modèle souris KO de l’X fragile (i.e. dans lequel le
gène FMR1 est absent comme dans le syndrome X fragile chez l’homme) constitue
un bon modèle d’autisme syndromique, et reproduit les mêmes anomalies cellulaires
et fonctionnelles, notamment dans la synapse au glutamate, que celles induites dans le
modèle souris KO des neuroligines 3 et 4, dont les gènes ont été décrits comme
impliqués dans l’autisme non syndromique (ie. sans cause connue) (16). Ces
anomalies seraient réversibles, y compris sur le plan comportemental. Cette
réversibilité phénotypique a été initialement montrée dans un modèle de syndrome de
RETT (17), dans lequel le gène MECP2 responsable du syndrome de RETT avait été
rendu au préalable silencieux : les souris développaient alors des signes neurologiques
et comportementaux similaires à ceux observés en clinique humaine dans le syndrome
de RETT et chez les souris sans gène MECP2. La réexpression du gène MECP2
conduisait à la réexpression de la protéine MECP2, et au recouvrement des fonctions
déficientes et du comportement normal chez l’animal pourtant adulte. Le
comportement initialement anormal au cours du développement ne serait donc pas
irrémédiablement fixé, mais pourrait être réversible, d’où des espoirs thérapeutiques
étendus aux TSA.
- 3- Ainsi, le syndrome X fragile est le cadre d’essais thérapeutiques, à la fois sur
modèle murin et chez l’homme, qui visent à rétablir les défauts de plasticité
synaptique et à freiner l’hyperactivation des récepteurs au glutamate, induits par
l’absence de la protéine FMRP codée par le gène FMR1 défaillant. Des antagonistes
des récepteurs au glutamate de type mGluR5 sembleraient donner des améliorations
significatives sur les troubles du comportement (en particulier les comportements
répétitifs) chez des sujets porteurs d’un syndrome X fragile avec syndrome autistique,
permettant d’envisager ainsi des extrapolations pharmacologiques aux troubles
autistiques idiopathiques (16,18).
-
III- 3- Des variations du nombre de copies de séquences ADN (CNVs) (délétions et
duplications submicroscopiques)
Les techniques de génétique moléculaire (CGH array ou puces à ADN), du fait de leur
sensibilité de détection toujours meilleure, permettent de « scanner » avec un très fort pouvoir de
résolution le génome entier d’un individu à la recherche de délétions (perte de matériel génétique)
ou de duplications (excès de matériel génétique), non décelables par les techniques
conventionnelles, et ont permis la découverte de nombreux CNVs dans l’autisme (Copy Number
Variants). Les CNVs sont des variations du nombre de copies de segments chromosomiques,
contenant ou non des gènes codants ; il reste toutefois encore difficile de déterminer les CNVs qui
constituent des facteurs de risque et ceux qui ne seraient que de simples variantes à la norme sans
traduction pathologique. Le fait qu’un CNV survienne « de novo », c’est-à-dire n’existe pas chez l’un
des deux parents, ou qu’il soit décrit dans la littérature comme statistiquement plus fréquent chez
les personnes autistes que chez les témoins normaux, est un argument en faveur de sa contribution
dans le phénotype autistique. La fréquence des CNVs de novo est plus grande (10%) chez les sujets
avec autisme sporadique (un seul membre atteint dans la famille) que chez les sujets appartenant à
des familles avec plusieurs cas d’autisme (2%), et que chez les témoins sains (1%) (19). Cependant les
CNVs mis en évidence sont le plus souvent non spécifiques de l’autisme, car retrouvés dans d’autres
troubles neuropsychiques. En outre, s’ils sont hérités, leurs manifestations phénotypiques peuvent
être différentes au sein d’une même famille.
Le séquençage à haut débit de l’exome dans son entier (génome codant), « exome
sequencing », qui permet de détecter des mutations sur un seul nucléotide, va accroître les
possibilités d’identification de gènes impliqués dans l’autisme. Il semblerait que la survenue de ces
mutations ponctuelles soit corrélée avec l’âge paternel (20).
Les gènes identifiés à ce jour comme impliqués dans l’autisme codent pour des
protéines qui interviennent soit :
-
Dans l’organisation neuronale et corticale (prolifération cellulaire, migration neuronale,
croissance axonale et dendritique) au cours de la neurogenèse : protéine Reelin, NGF (nerve
growth factor), BDNF (brain-derived neurotrophic factor), neurotrophines 3 et 4
-
Dans la neurotransmission et neuromodulation, en particulier dans l’homéostasie
fonctionnelle entre activité excitatrice et inhibitrice du cerveau à travers l’équilibre
glutamate/GABA : gène SLC6A4 codant pour le transporteur de la sérotonine, gènes
codant pour les sous-unités α5, β3, γ3 du récepteur au GABA, gènes des récepteurs
ionotropiques (GluR6) et métabotropiques (GRM8) au glutamate
-
Dans la formation, l’architecture et la stabilité des synapses : gènes SHANK3
(délétion 22q13), gène de la Neurexine-1 (2p16.3), gènes NLGN3 et NLGN4 (Xp22.3)
codant pour les neuroligines 3 et 4
-
Dans la synthèse et le fonctionnement de canaux ioniques voltage-dépendants au
calcium (CACNA1C), au sodium (SCN1A et SCN2A) et au potassium (KCNMA1),
intervenant dans la transmission du signal synaptique.
Des méta-analyses récentes montrent que les régions impliquées avec la plus forte
récurrence dans les TSA sont : 7q11.23, 16p11.2, 16p13.2, 15q11-13, 15q13.2. De même, six
gènes ont été identifiés, avec une forte récurrence dans l’autisme, comme porteurs de
mutations « de novo » avec perte de fonction de leur transcrit (20) : il s’agit du gène SCN2A,
et de gènes qui agissent sur le modelage de la chromatine et la régulation de la transcription
(CHD8, DYRK1A, POGZ), sur les récepteurs au glutamate (GRIN2B), et sur les
microtubules axonaux (KATNAL2).
L’abondance toujours croissante de nouvelles anomalies, mises en évidence par la
génétique, et possiblement liées à la survenue d’un trouble autistique, amène à rechercher si
des correspondances génotype/phénotype peuvent être établies. Ce type de corrélations n’est
qu’à ses débuts, mais le tableau n°5 résume certaines dimensions cliniques (épilepsie, troubles
moteurs, troubles du sommeil, macrocéphalie) dont l’occurrence dans l’autisme pourrait
orienter plus spécifiquement vers certaines anomalies génétiques (21).
La génétique moléculaire a pu ainsi définir de nouveaux syndromes (délétion 22q11 ou
syndrome de Di George – délétion ou duplication 16p11.2) auxquels non seulement l’autisme
peut être associé, mais aussi d’autres troubles neurocognitifs (déficience mentale,
schizophrénie, TDAH, épilepsie, troubles du langage).
Des mutations du gène PTEN associées à des macrocéphalies importantes (> + 5.5DS en
moyenne) ont été décrites dans l’autisme : le gène PTEN est responsable de syndromes
sévères (Syndrome tumoral hamartomateux lié à PTEN, dont la maladie de Cowden) avec
risque de cancers du sein, de l’endomètre, du rein et de la thyroïde ; aussi les sujets autistes
porteurs de cette mutation doivent bénéficier d’un protocole de surveillance resserré.
Conclusion
La multiplicité des anomalies génétiques et des maladies décrites comme associées aux TSA
confirment que les mécanismes physiopathologiques qui sous-tendent l’installation d’un TSA n’est
probablement pas unique. Si l’hétérogénéité diagnostique des TSA peut en apparaitre compliquée
plus que solutionnée, ces nouvelles données ouvrent des perspectives encourageantes:
–
Les cliniciens vont devoir repenser leurs délimitations diagnostiques dans un
continuel aller/retour entre génotypes et phénotypes, avec des conduites à tenir et
des conseils génétiques pour les familles plus précis en fonction des associations
syndromiques décelées.
–
La mise à jour de nouveaux mécanismes cellulaires, communs ou propres à ces
multiples anomalies génétiques, en est attendue.
–
Des perspectives thérapeutiques ciblées, ajustées aux différentes étiologies
identifiées à un niveau cellulaire et moléculaire, en découleront.
Au total, tout enfant présentant un TSA devrait bénéficier d’un bilan génétique avec examen clinique
spécialisé et analyse du génome par CGH array, désormais disponible en routine clinique (22).
Tableau 1 : Maladies infectieuses possiblement causales de cas d’autisme
Infections prénatales
-
Rubéole
-
Cytomégalovirus
-
Herpes virus simplex type1 et type2
-
Tréponème
-
VIH
-
Virus varicelle-zona
-
Toxoplasmose
Infections postnatales
- Encéphalite herpétique
- Haemophilus influenzae (méningites et
épiglottites)
- Oreillons
Tableau 2 : Maladies métaboliques associées à l’autisme
Métabolisme
Maladie
•
Acide aminés
•
Nature des anomalies
Phénylcétonurie non traitée
•
(↗phénylalanine)
hydroxylase.
Déficit
•
Homocystinurie
en
phénylalanine-4-
Déficit en cystathionine β
synthase
•
Purines et pyrimidines
Histidémie (↗histidine)
Faiblesse musculaire avec retard
•
Déficit en histidase
•
psychomoteur et convulsions
Glucides
Déficit
en Adénylosuccinate
Lyase
•
Acidoses lactiques
•
Hyperlactacidémie
•
Mucopolysaccharidoses (I et
•
Déficit en héparane-sulfatase
III) (Maladie de San Filippo)
Cholestérol
Créatine
et
guanidinoacétique
acide
•
Smith-Lemli-Opitz
•
3 Syndromes de déficience Déficits en :
de
la
créatine :
↗ 7 déhydrocholestérol
retard
mental + retard de langage +
autisme + automutilations
•
1- GAMT
•
2- AGAT
•
3- Transporteur de la créatine
Tableau 3 : Syndromes et maladies génétiques monogéniques, les plus fréquemment rapportés
comme associés à l’autisme, et leurs phénotypes
Syndromes
génétiques
ou
Maladies Gène/localisation
génomique
Phénotypes
Syndromes neuro-cutanés
1-
Sclérose
tubéreuse
Bourneville
de
TSC1
(9q34) – TSC2
(16p13)
Triade classique : épilepsie sévère, retard mental, adénomes sébacés du visage
de Pringle.
Taches cutanées achromiques- tubers corticaux – autisme (14 à 44%)
2-
Neurofibromatose de type 1
17q11.2
Angelman
15q11-q13 (UBE3A)
Taches « café au lait » (>6)- neurofibromes - épilepsies (5%) - retard mental (4
à 8%)- difficultés d’apprentissage (30 à 65%)- autisme (0.6 à 6%)
Convulsions – ataxie – microcéphalie - absence de langage
Sourires fréquents et précoces. Eclats de rire sans objets aux stimulations
(Happy puppet syndrome)
Hyperactivité/instabilité
Williams-Beuren
7q11.23
Hypercalcémie néonatale - dysmorphie – cardiopathie
Hyperactivité - sujets joviaux - déficit visuo-spatial
Loquacité superficielle (Cocktail party syndrome)
Smith-Magenis
17p11.2 (RAI1)
Hyperactivité – colères intenses – auto-agressivité - inversion du rythme
veille/sommeil - stéréotypies
Joubert
Sept gènes : AHI1 (6q23),
NPHP1 (2q13), CEP290
(12q21), TMEM67 (8q22),
RPGRIP1L
(16q12),
ARL13B (3p12.3-q12.3) et
CC2D2A (4p15)
Hypotonie – ataxie - retard du développement moteur - apraxie oculomotrice
et cérébelleuse - hypoplasie du vermis cérébelleux (« signe de la molaire » à
l’IRM) - facultés intellectuelles variables (de normales à sévèrement altérées)
Cornelia de Lange
NIPBL (5p13.2)
Dysmorphie faciale - anomalies des extrémités - retard mental de sévérité
variable - important retard de croissance à début anténatal - retard de langage
- troubles alimentaires précoces - risque de surdité - autisme
Formes
mineures :
SMC1A
(Xp11.22p11.21) ; SMC3 (10q25)
Sotos
NSD1 (5q35)
Gigantisme avec macrocéphalie après la naissance - visage particulier anomalies cardiaques et urogénitales congénitales - retard variable du
développement moteur (hypotonie néonatale) et intellectuel - traits
autistiques
X fragile
FMR1 (Xq27.3)
Retard mental modéré à sévère - visage allongé avec grandes oreilles
décollées - macro-orchidie chez le sujet pubère – autisme (5 à 25% des cas) ;
Présent chez 0.5% à 4% des sujets autistes
Rett
MECP2 (Xq28)
Uniquement chez les filles : retard mental sévère, ataxie/apraxie à la marche,
perte de la préhension volontaire, absence de langage, stéréotypies
manuelles, épilepsie souvent résistante, troubles respiratoires, ostéoporose,
scoliose. Autisme à la phase de régression entre 6-18 mois (50%), persistant
dans 19% des cas ultérieurement
Tableau 4 : Corrélations génotype/phénotype selon 4 dimensions symptomatiques
Epilepsie
Hypotonie –
Troubles du sommeil
Macrocéphalie
retard moteur
(PC > +3DS)
•
STB (TSC1, TSC2)
•
Rett (MECP2)
•
CNTNAP2
•
SYN1
Phelan-
•
X Fragile
McDermid
Phelan-McDermid
•
Del 1q21.1
(Shank3-
(Shank3-
•
Dup7q11.23
del22q13.3)
del22q13.3)
•
Dup 15q11-15q13
•
AUTS2
•
Del 1q21.1
•
Del16q11.2
•
Del NRXN1
•
Dup15q11.1-q13.3
•
Dup18q12.1
•
Del
•
Del 18q12.1
•
Del22q11.2 (Syndrome de
•
•
Di George ou syndrome
Vélo-
cardio-Facial
ou
syndrome de Shprintzen)
•
Syndrome d’Angelman
•
Syndrome
McDermid
del22q13.3)
de
Phelan(Shank3-
Rett
•
Rett
(stéréotypies)
•
Syndrome
Syndrome
ou
de
2q23.1
•
Dup
q13.3
15q11.1-
de
Syndrome
PTEN
Maladie
Smith-Magenis
•
dup
•
(dont
de
Cowden)
de
•
Syndrome
Sotos
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Comment aborder un trouble de l’identité de genre ?
Dr Laetitia Martinerie, Dr Anne Bargiacchi, Pr Juliane Léger,
Pr Jean-Claude Carel, Dr Marie-France Leheuzey
Dr Laetitia Martinerie, Service d’Endocrinologie et Diabétologie Pédiatrique, Hôpital Robert Debré,
Paris ; [email protected]
Dr Anne Bargiacchi, Service de Psychiatrie de l’Enfant et de l’Adolescent, Hôpital Robert Debré,
Paris ; [email protected]
Chaque être humain présente trois caractéristiques bien distinctes :
• le sexe biologique, mâle ou femelle, qui est inscrit dans le corps (organes génitaux, chromosomes)
• le genre, masculin ou féminin, qui est inscrit dans l'esprit, et qui est la conviction que l'on a d'être un
homme ou une femme
• et l'attirance sexuelle, vers le sexe opposé, vers le même sexe (homosexualité), vers les deux
(bisexualité), ou vers aucun des deux.
Le terme « transgenre » est, comme le disent les anglo-saxons « an umbrella term (un
terme parapluie) », utilisé pour identifier les individus dont l’identité de genre ne se conforme
pas à l’identité et aux rôles conventionnels relatifs à son sexe biologique, masculin ou
féminin. Plus précisément, une femme transgenre (transsexualisme masculin ou hommefemme ou male-to-female) est un homme ayant une identité de genre féminine ; à l’inverse,
un homme transgenre (transsexualisme féminin ou femme-homme ou female-to-male) est une
femme s’identifiant au genre masculin. Le Diagnostic and Statistical Manual of Mental
Disorders (DSM) dans sa 5ème édition (1), a remplacé le terme « trouble de l’identité de
genre » par « dysphorie de genre », défini comme une discordance entre l’expérience/le genre
exprimé d’un individu et le genre assigné à la naissance, générant une détresse clinique
significative et une altération sociale, scolaire ou dans d’autres domaines importants (2). La
prévalence chez l’adulte du transsexualisme varie, selon les pays et les publications, de
1/12000 à 1/37000 mâles biologiques, et de 1/30000 à 1/110000 femelles biologiques.
Cependant, les chiffres exacts sont d'autant plus difficiles à obtenir que les différences
culturelles d'un pays à l’autre modifient non seulement l'expression de ces troubles de
l'identité de genre, mais aussi la façon dont ils sont perçus par la société en général et par la
médecine en particulier. Enfin, ce trouble de l’identité, s’il est plus facilement exprimé à l’âge
adulte, remonte le plus souvent à l’enfance, parfois très précocement. Pourtant, les jeunes qui
consultent sont rares. Le sujet reste encore très tabou dans de nombreux pays, y compris la
France.
A l’hôpital Robert Debré à Paris, nous avons débuté en 2013 une activité de consultation conjointe
entre le service d’endocrinologie pédiatrique et de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, pour les
jeunes patients présentant un trouble de l’identité de genre.
Au sein de cette consultation, notre évaluation pluridisciplinaire a pour but, après avoir confirmé le
diagnostic et éliminé des comorbidités psychiatriques et somatiques, d’accompagner les enfants ou
adolescents dans une prise en charge conforme aux recommandations actuelles.
Le concept de trouble de l’identité de genre chez l’enfant et l’adolescent reste cependant un sujet
controversé, parfois du fait de sa méconnaissance mais aussi à cause des enjeux éthiques qu’il soulève.
Il est important de différencier « trouble de l’identité de genre ou dysphorie de genre » des situations
cliniques d’ « intersexualités » ou « troubles de la différenciation sexuelle ». En effet, ces dernières
regroupent l’ensemble des affections organiques, génétiques et/ou hormonales, conduisant à un défaut
de développement des organes génitaux externes et/ou internes, responsable d’une difficulté dans
l’assignation du genre à la naissance. Il arrive que dans certaines situations, l’assignation dans un
genre soit différent du sexe chromosomique (par exemple un enfant 46,XY ayant une insensibilité
complète aux androgènes, élevé dans le genre féminin), sans que pour autant il n’y ait de trouble de
l’identité de genre chez ces patients : les patientes 46,XY avec résistance complète aux androgènes
s’identifient pleinement au genre féminin.
Dans les situations cliniques de « dysphorie de genre » il n’y a pas d’anomalie de la différenciation des
organes génitaux et le développement pubertaire ainsi que les fonctions hormonales, sexuelles et
reproductives sont normales.
Dans ce texte, seront abordés successivement les critères diagnostiques, l’évaluation et la prise en
charge de ces patients selon les recommandations actuelles et les expériences thérapeutiques de
certains
pays.
Une
approche
complémentaire
à
la
fois
somatique/endocrinologique
et
psychologique/psychiatrique est indispensable tant sur le plan de l’évaluation que de la prise en charge
de ces patients, notamment par le fait que l’arrivée dans le circuit de prise en charge peut se faire par le
biais de l’une ou l’autre de ces disciplines.
1. Critères diagnostiques
Les critères diagnostiques du trouble de l’identité de genre étaient jusqu’en 2013 listés dans le DSM
IV-TR (3) comme suit :
-
1) identification intense et persistante à l’autre sexe (ne concerne pas exclusivement le désir
d’obtenir les bénéfices culturels dévolus à l’autre sexe) :
o
chez les enfants, la perturbation se manifeste par quatre (ou plus) des critères
suivants :
exprime de façon répétée le désir d’appartenir à l’autre sexe ou affirme qu’il
(elle) en fait partie
chez les garçons, préférence pour les vêtements féminins ou un attirail
d’objets permettant de mimer la féminité ; chez les filles insistance pour
porter des vêtements typiquement masculins
préférence marquée et persistante pour les rôles dévolus à l’autre sexe au
cours des jeux de faire semblant ou fantaisies imaginatives d’appartenir à
l’autre sexe,
désir intense de participer aux jeux et aux passe-temps typiques de l’autre
sexe,
préférence marquée pour les compagnons de jeu appartenant à l’autre sexe ;
o
chez les adolescents (et les adultes), la perturbation se manifeste par des symptômes
tels que l’expression d’un désir d’appartenir à l’autre sexe, l’adoption fréquente de
conduites où on se fait passer pour l’autre sexe, un désir de vivre et d’être traité
comme l’autre sexe, ou la conviction qu’il (elle) possède les sentiments et réactions
typiques de l’autre sexe.
-
2) sentiment persistant d’inconfort par rapport à son sexe ou sentiment d’inadéquation par
rapport à l’identité de rôle correspondante :
o
chez les enfants, la perturbation se manifeste par l’un ou l’autre des éléments
suivants :
chez le garçon, assertion que son pénis ou ses testicules sont dégoûtants ou
vont disparaître, ou qu’il vaudrait mieux ne pas avoir de pénis, ou aversion
envers les jeux brutaux et rejet des jouets, jeux et activités typiques d’un
garçon,
chez la fille refus d’uriner en position assise, assertion qu’elle a un pénis ou
que celui-ci va pousser, qu’elle ne veut pas avoir de seins ni de règles, ou
aversion marquée envers les vêtements conventionnellement féminins,
o
chez les adolescents (et les adultes), l’affection se manifeste par des symptômes tels
que : vouloir se débarrasser de ses caractères sexuels primaires et secondaires, ou
penser que son sexe de naissance n’est pas le bon ;
-
3) l’affection n’est pas concomitante d’une affection responsable d’un phénotype
hermaphrodite (terme malheureusement utilisé dans le DSM IV);
-
4) l’affection est à l’origine d’une souffrance cliniquement significative ou d’une altération du
fonctionnement social, professionnel ou dans d’autres domaines importants.
Ces critères ont été récemment revus dans le DSM V, le terme retenu étant maintenant celui de
dysphorie de genre, entre autre dans le but de supprimer le qualificatif de « trouble », associé à l’idée
de « maladie mentale ». La dysphorie de genre serait caractérisée par les manifestations suivantes
(traduction par les auteurs, le DSM V étant encore en cours de traduction) :
-
1) identification à l'autre sexe forte et persistante (ne concerne pas exclusivement le désir
d’obtenir les bénéfices culturels dévolus à l’autre sexe).
o
chez l'enfant, le trouble se manifeste par six (ou plus) des éléments suivants pendant
au moins une durée de 6 mois :
a déclaré à plusieurs reprises le désir d'être, ou la conviction qu'il ou elle est,
de l'autre sexe,
chez les garçons, préférence pour les vêtements féminins ou un attirail
d’objets permettant de mimer la féminité ; chez les filles insistance pour
porter des vêtements typiquement masculins
préférence marquée et persistante pour les rôles dévolus à l’autre sexe au
cours des jeux de faire semblant ou fantaisies imaginatives d’appartenir à
l’autre sexe,
un fort rejet de jouets / jeux habituellement typiques pour le sexe d’origine
intense désir de participer à des jeux stéréotypés et passe-temps de l'autre sexe
forte préférence pour les camarades de l'autre sexe
forte aversion de son anatomie sexuelle, un fort désir pour les caractères
sexuels primaires (par exemple, pénis, vagin) ou secondaires (par exemple, les
menstruations) de l'autre sexe,
o
chez les adolescents et les adultes, la perturbation se manifeste par des symptômes tels
que la volonté affirmée d'être de l'autre sexe, le désir de vivre ou d'être considérés
comme de l'autre sexe, ou la conviction qu'il ou elle a le type de sentiments et de
réactions de l'autre sexe.
-
2) malaise persistant vis à vis de son genre ou sentiment d'inadéquation dans le rôle de genre
o
chez les enfants, la perturbation se manifeste par un des éléments suivants:
chez les garçons, l'affirmation que son pénis ou ses testicules sont dégoûtants
ou vont disparaître ou affirmation selon laquelle il serait préférable de ne pas
avoir de pénis, aversion envers les jeux brutaux et rejet des jouets, jeux et
activités typiques d’un garçon ; chez les filles, le refus d'uriner en position
assise, assertion qu’elle a un pénis ou que celui-ci va pousser, qu’elle ne veut
pas avoir de seins ni de règles, ou aversion marquée envers les vêtements
conventionnellement féminins,
o
chez les adolescents et les adultes, la perturbation se manifeste par des symptômes tels
que vouloir se débarrasser de ses caractères sexuels primaires et secondaires (par
exemple, la demande pour les hormones, la chirurgie ou d'autres procédures pour
modifier physiquement ses caractéristiques sexuelles ou pour simuler l'autre sexe) ou
la croyance qu'il ou elle est née avec le mauvais sexe.
-
3) La perturbation n'est pas cumulable avec une intersexualité physique.
-
4) La perturbation entraîne une souffrance cliniquement significative ou une altération dans
les domaines sociaux, professionnels, ou autres domaines importants du fonctionnement.
Par ailleurs, le DSM V inclut la notion de « Post-transition », lorsque l'individu est « passé » dans le
genre désiré (avec ou sans légalisation du changement de sexe) et a fait l'objet (ou est en cours de) au
moins une procédure médicale du sexe opposé ou du schéma thérapeutique, à savoir, traitement
hormonal cross-sex ou chirurgie de changement de sexe confirmant le sexe désiré (par exemple,
l'ablation du pénis, la vaginoplastie pour un mâle de naissance, mastectomie et phalloplastie pour une
femme de naissance).
Il est important de noter que ces critères révisés impliquent maintenant chez l’enfant la nécessité que
le désir d’être ou la conviction d’appartenir à un autre genre soit verbalisé ; par ailleurs, une durée
minimale de persistance durant 6 mois des symptômes est désormais spécifiée.
Il faut donc bien retenir que ce doit être la persistance des symptômes qui alerte et doit conduire le
pédiatre ou le médecin à orienter ces patients vers une consultation spécialisée. En effet, en population
générale, 2 à 4% des garçons et 5 à 10% des filles entre 4 et 18 ans se comportent « de temps en
temps » comme s’ils étaient de sexe opposé, selon leur mère ; 5 à 13% des adolescents et 20 à 26% des
adolescentes rapportent avoir parfois des comportements de l’autre sexe ; et 2 à 5% des adolescents et
15 à 16% des adolescentes disent désirer « parfois » être du sexe opposé (4). Dans une étude portant
sur 77 enfants âgés de 5 à 12 ans (59 garçons, 18 filles), la persistance des symptômes de trouble de
l’identité de genre est retrouvée dans 27% des cas (5). Dans une autre étude portant sur 127
adolescents (79 garçons, 48 filles), la persistance ou la désistance de la dysphorie de genre après 12
ans semblait corrélée à l’intensité des symptômes dans l’enfance. Par contre, le fonctionnement
psychologique dans l’enfance et la qualité des relations avec les pairs ne semblaient pas corrélés à la
persistance ou non de la dysphorie de genre à l’adolescence (6). Enfin, plusieurs études récentes
révèlent un nombre équivalent de patients dans les deux sexes venant ainsi contredire l’idée
initialement admise d’une prédominance du transsexualisme masculin (male-to-female) (2).
2. Organisation de l’évaluation
Lors des premières consultations avec un enfant ou un adolescent qui nous est adressé pour suspicion
de dysphorie de genre, la confirmation ou non du diagnostic se fonde donc sur les critères DSM V, la
reconnaissance diagnostique étant la première étape pour permettre l’accès aux soins adaptés. Cette
reconnaissance diagnostique comporte toujours un volet somatique et un volet psychologique avec la
nécessité d’une approche bi-disciplinaire.
Evaluation organique
L’évaluation organique/somatique est primordiale chez ces patients qui, bien souvent, à l’heure
d’internet, ont soit directement, soit par l’intermédiaire des parents, consultés de nombreux sites ou
médias véhiculant des informations complexes et parfois confuses (cf définition des différents termes
ci-dessus). Ces patients, lorsqu’ils arrivent à la consultation d’endocrinologie ont souvent le faux
espoir qu’une anomalie génétique ou hormonale va être retrouvée permettant d’expliquer le mal-être
qu’ils éprouvent. L’examen clinique attentif et explicatif des transformations corporelles sera un
élément indispensable de la prise en charge. Lorsque l’adolescent consulte au stade 4 ou 5 de Tanner
avec des organes génitaux normalement développés et, chez la jeune femme notamment, des règles
régulières, il est évident pour le clinicien qu’aucune anomalie hormonale ou des chromosomes sexuels
ne sera retrouvée. Cependant, la réalisation de dosages hormonaux de base (LH, FSH, testostérone,
oestradiol), d’un caryotype et/ou d’une échographie pelvienne pourra s’avérer nécessaire pour que
l’adolescent/les parents puissent avancer dans leur réflexion et compréhension. Chez l’enfant prépubère, les dosages hormonaux sont inutiles si l’examen clinique est parfaitement normal. Un
caryotype et/ou une échographie pelvienne pourront être proposés.
Evaluation psychiatrique
Les premières consultations psychiatriques ont pour objectif tout d’abord de confirmer le diagnostic et
d’évaluer la souffrance engendrée par la dysphorie de genre, en second lieu de rechercher et de
préciser d’éventuelles comorbidités.
Lors de la consultation, l’entretien avec les parents permet de déterminer l’âge, le mode de début, les
signes qui les ont conduit à consulter, leur persistance dans le temps et leur évolution, comment et par
qui les symptômes ont été repérés…mais également de noter les antécédents personnels et familiaux,
le mode de vie, les étapes du développement psychomoteur, le déroulement de la scolarité, les
éventuels suivis antérieurs. Cet entretien permet de préciser le tableau clinique et de rechercher la
présence ou non des critères diagnostiques du DSM.
L’observation de l’enfant (en situation de jeu libre durant la consultation par exemple) ou du jeune
adolescent, et en fonction de son âge son interrogatoire, permettent de préciser la symptomatologie
plus finement. Là aussi, le clinicien pourra s’attacher à préciser si les critères du DSM sont remplis, y
compris le critère de durée. Son mode d’habillement, le choix spontané de ses jeux, sa façon de parler
de lui, seront notés.
Un questionnaire à 16 items, le Gender Identity Questionnaire (7), pouvant s’avérer utile dans le
dépistage, peut être également soumis aux parents, ses questions portant sur les jeux choisis, les
identifications dans les dessins animés, le choix des vêtements...
L’évaluation psychiatrique permet également de rechercher d’éventuelles comorbidités, fréquentes
chez ces enfants et adolescents, tout d’abord lors de l’interrogatoire clinique, et parfois à l’aide
d’échelles standardisées (K-SADS , Child Behavior Checklist, Spielberger Trait Anxiety Scale) ; il est
à noter que les troubles dits internalisés ou émotionnels (troubles anxieux, troubles de l’humeur),
seraient plus fréquents dans cette population que les troubles dit externalisés ou perturbateurs, tels que
le déficit de l’attention avec hyperactivité ou le trouble oppositionnel. Des difficultés relationnelles
avec les pairs sont également fréquemment rapportées. Ces comorbidités peuvent apparaître comme
secondaires à la dysphorie de genre et en être des complications ; il peut s’agir également d’un trouble
co-occurent, comme un trouble du spectre autistique.
L’entretien médical et l’observation de l’enfant dans ses jeux libres peuvent être complétés par des
questionnaires standardisés : une CDI (Child Depression Inventory) est remplie par l’enfant ou
l’adolescent afin de rechercher un épisode dépressif majeur. Le JTCI (Junior Temperament and
Character Inventory) dans sa version parents permet de donner des éléments de tempéraments chez le
jeune (8). L’insatisfaction corporelle peut être cotée grâce à la Children Body Image Scale (9) ou à la
Body Image Scale (10) chez les plus de 12 ans.
Enfin, un bilan psychologique est systématiquement réalisé, comprenant une évaluation de l’efficience
intellectuelle (WISC IV) et parfois, la réalisation de tests projectifs. Un dessin du « bonhomme » est
proposé aux plus jeunes.
3. Organisation de la prise en charge
La prise en charge des enfants et adolescents présentant une dysphorie de genre reste, tout comme le
diagnostic en lui même, très délicate et controversée. Le processus décisionnel de choix sur l'état à
long terme est difficile chez l'enfant et l'adolescent du fait des difficultés de projection et d'évaluation
"éclairée" des diverses options. D'autre part, le processus de décision médicale chez l'enfant et
l'adolescent est légalement dévolu aux parents.
Prise en charge somatique
Les premières recommandations dans la prise en charge de ces personnes ont été publiées en 1979 par
la World Professional Association of Transgender Health (Harry Benjamin Society), et sont depuis
régulièrement revisitées. L’équipe de Cohen-Kettenis et coll, aux Pays-Bas, a été pionnière en Europe,
dans le diagnostic et la prise en charge thérapeutique de ces patients à l’âge pédiatrique (5,11-12).
L’Amsterdam Gender Identity Clinic a développé un protocole permettant de stopper le
développement pubertaire à l’aide des mêmes thérapeutiques que celles utilisées dans le traitement des
pubertés précoces : les analogues de la GnRH (Gonadotropin-Releasing Hormone).
Ces traitements sont mis en place uniquement après confirmation du diagnostic, avec persistance des
symptômes au démarrage pubertaire (stade 2 ou 3 de Tanner). Un délai de 1 an minimum entre le
début de la prise en charge et une prise en charge médicale active est recommandé.
Cette période de suppression pubertaire permet une meilleure évaluation et prise en charge
psychiatrique afin de s’assurer que la décision de changement de genre est faite après considérations
de tous les éléments. Plusieurs études rétrospectives évaluant l’impact physique et émotionnel de telles
thérapeutiques ont mis en évidence des effets bénéfiques sur le plan psychologique, dépassant tout
effet négatif lié au blocage pubertaire (2,5). Passée cette période (habituellement à partir de l’âge de 16
ans aux Pays-Bas), les patients reçoivent une hormonothérapie « cross sex » (androgènes ou
oestrogènes) similaire aux traitements utilisés dans les inductions pubertaires chez les patients
agonadiques ou ayant un hypogonadisme hypogonadotrope. Cependant, de fortes doses d’oestrogènes
sont nécessaires pour surpasser les effets de la testostérone, ce qui peut poser problème chez les
adolescents obèses, tabagiques ou hypertendus. Par ailleurs, aucune étude prospective n’a évaluée les
conséquences à long terme de ces traitements hormonaux dans cette population. Les principes de ces
traitements sont résumés sur le tableau 1, avec les effets attendus et les inconvénients potentiels. Enfin,
la chirurgie de réassignation n’est pas autorisée en France avant 18 ans, et n’est réalisée qu’après un
minimum de deux ans de vie selon l’autre sexe. En 2009, l’Endocrine Society aux Etats-Unis, a publié
des recommandations pour le traitement des patients transsexuels, incluant des recommandations sur
la prise en charge des adolescents (13). Dans ce domaine, il n’existe pas de consensus en France, du
fait entre autres de l’absence d’étude publiée sur cette population de patients (épidémiologie,
incidence, prise en charge) et de l’absence de recommandations évaluées sur le plan national.
Prise en charge psychiatrique
Il est très fréquent que les enfants ou adolescents présentant une dysphorie de genre relèvent d’un
soutien psychologique, en parallèle de l’évaluation qui est menée à visée diagnostique, mais aussi tout
au long de la prise en charge proposée. La période de prise en charge en psychothérapie peut parfois
permettre également de préciser le diagnostic lorsque celui ci n’est pas certain. Ce délai permet enfin
d’explorer la motivation du jeune à s’engager dans une prise en charge médicale, ses capacités à se
projeter dans l’avenir, mais aussi à envisager concrètement les changements attendus et leurs
conséquences (changement de prénom ? d’établissement scolaire ? annonce éventuelle à
l’entourage ?).
La prise en charge dite « Dutch Approach », décrite par De Vries et Cohen Kettenis (11), des jeunes à
la fois prépubères (moins de 12 ans) et adolescents (au delà de 12 ans), commence par une évaluation
rigoureuse du fonctionnement de ces jeunes et par la prise en charge des éventuelles difficultés
dépistées. Chez les enfants, cette équipe recommande une surveillance de l’évolution de la dysphorie
de genre lors des premières étapes de la puberté, afin d’envisager un éventuel traitement médical en
cas de persistance. Pour les équipes reconnues internationalement, il semblerait que repousser les
interventions médicales physiques ferait « plus de mal que de bien » : le fonctionnement
psychologique de ces enfants et adolescents s’améliore après la prise en charge médicale, ceci
soulignant l’importance du dépistage et de l’orientation appropriée de ces jeunes très souvent en
souffrance (5-6).
La période 10/13 ans serait particulièrement importante pour ces enfants, marquant un âge où la
dysphorie de genre diminue (parfois évoluant vers une « désistance ») ou au contraire s’accentue
(persistance) avec, dans ce dernier cas de figure, un vécu souvent très douloureux de l’apparition des
caractères sexuels secondaires, parfois à l’origine de perturbations du comportement.
Chez ces jeunes, la suppression de la puberté semblerait à l’inverse entraîner une diminution des
difficultés comportementales et émotionnelles, ainsi que de la symptomatologie dépressive (5). Les
symptômes anxieux ne sembleraient par contre pas évoluer de manière aussi nette, ni l’insatisfaction
corporelle.
Enfin, l’accompagnement des parents et de la fratrie de ces enfants nous parait indispensable et est
systématiquement proposé. Selon une étude menée chez des adultes transgenres sur les besoins qu’ils
ont pu identifier en temps qu’enfant « gender-variant » (14), il est souligné que l’accompagnement des
parents et figures d’autorité aide à accepter, à soutenir et à encourager la liberté d’expression de leur
enfant sur son identité, permettant de les guider pour valider et reconnaitre ses besoins.
4. Conclusion
Au final, concernant ce sujet sensible, particulièrement à l’heure des polémiques sur la « théorie du
genre », il est important que les pédiatres se forment et s’informent en tenant compte des expériences
internationales, afin de dépister et d’apporter des réponses aux questionnements des jeunes et de leurs
familles et savoir les adresser précocement à des équipes mixtes endocrinologues/pédo-psychiatres,
ethicistes et travailleurs sociaux susceptibles de les accompagner.
Références
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ed.). 2013. Arlington, VA: American Psychiatric Publishing.
2.
Khatchadourian K, Amed S, Metzger DL. Clinical management of youth with gender dysphoria
in Vancouver. J Pediatr 2014. 164 (4) : 906-11.
3. American Psychiatric Association. Diagnostic and statistical manual of mental disorders (4th
ed., text rev.) 2000. Washington, DC: Author.
4. Le Heuzey MF. Le concept de trouble de l’identité sexuelle chez l’enfant et l’adolescent.
Qu’en savoir ? Que dire ? Que faire ? Archives de Pédiatrie 2013. 20 : 318-122.
5. De Vries AL, Steensma TD, Doreleijers TA, et al. Puberty suppression in adolescents with
gender identity disorder: a prospective follow-up study. J Sex Med 2011. 8 (8) : 2276-83.
6. Steensma TD, McGuire JK, Kreukels BP et al. Factors associated with desistence and
persistence of childhood gender dysphoria : a quantitative follow-up study. JACAP 2013. 52
(6) : 582-90.
7. Deogracias JJ, Johnson LL, Heino FL et al. The Gender Identity/Gender Dysphoria
Questionnaire for Adolescents and Adults., Suzanne J. The Journal of Sex Research 2007. 44
(4).
8. Cloninger CR, Przybek TR, Svracik DM et al. The temperament and character inventory. A
guide to its development and use. Center for psychobiology of personality 1994. Washington
University, St Louis, MO
9. Truby H, Paxton SJ. Development of the Children's Body Image Scale. Br J Clin Psychol 2002.
41(2) : 185-203.
10. Lindgren TW, Pauly IB. A body image scale for evaluating transsexuals. Arch Sex Behav 1975.
4 : 639–56.
11. De Vries AL, Cohen-Kettenis PT. Clinical management of gender dysphoria in children and
adolescents : the Dutch approach. J Homosex 2012. 59 (3) : 301-20.
12. Kreukels BP, Cohen-Kettenis PT. Puberty suppression in gender identity disorder: the
Amsterdam experience. Nat Rev Endocrinol 2011. 7 (8) : 466-72.
13. Hembree WC1, Cohen-Kettenis P, Delemarre-van de Waal HA et al. Endocrine treatment of
transsexual persons: an Endocrine Society clinical practice guideline. J Clin Endocrinol Metab
2009. 94 (9) : 3132-54.
14. Riley EA, Clemson L, Sithartan G, et al. Suriviving a gender-variant childhood: the views of
transgender adults on the needs of gender-variant children and their parents. J Sex Marital
Ther 2013. 39 (3) : 241-63.
Tableau 1. Principes et chronologies des traitements endocriniens pouvant être proposés dans les
dysphories de genre
Traitement
Age de début
Durée
Effet
Inconvénients
Agonistes GnRH
- Soit dès
l'apparition des
premiers signes
pubertaires
Théoriquement à vie
ou jusqu'à réalisation
d'une gonadectomie
- Prévention de l'apparition
des caractères sexuels du
sexe biologique
- Maintien du statut prépubère
tant que les stéroides sexuels ne
sont pas donnés (conséquences
psychologiques)
- Facilite l'action des
stéroïdes sexuels du sexe
opposé
- Soit en cours de
puberté
Estrogènes puis
estroprogestatifs chez
les garçons biologiques
- A partir de l'âge
de 16 ans dans les
protocoles validés
A vie
Développement des seins,
composition corporelle de
type féminine
- Impact sur la minéralisation
osseuse
- Effets oncogéniques sur la
glande mammaire
- Effets vasculaires/thromboemboliques ?
Androgènes chez les
filles biologiques
- A partir de l'âge
de 16 ans dans les
protocoles validés
A vie
Caractères sexuels
secondaires masculins
(voix, pilosité), composition
corporelle de type
masculine
- Difficulté d'obtenir une parfaite
substitution androgénique avec les
médicaments actuels
- Polyglobulie ?
Session des lauréats du DES de pédiatrie 2013
Taille finale de 134 patientes suivies pour puberté
précoce centrale idiopathique.
Auteurs : Eloïse Giabicani¹, Pierre Lemaire², Raja Brauner¹.
1
Université Paris Descartes et Fondation Ophtalmologique Adolphe de Rothschild, 75940 Paris,
France
2
Université Grenoble Alpes, G-SCOP et CNRS, F-38000 Grenoble, France
Correspondance : Eloïse Giabicani, MD ou Raja Brauner MD, PhD
Fondation Ophtalmologique Adolphe de Rothschild
25 rue Manin, 75940 Paris Cedex 19
[email protected]
Abréviations : FSH : hormone folliculo-stimulante, GnRH : gonadolibérine, IMC : indice de
masse corporelle, LH : hormone lutéinisante, PP : puberté précoce, TF : taille finale.
Introduction
Dans la prise en charge des pubertés précoces (PP) centrales idiopathiques chez les filles il
n’y a pas de consensus international (1). Le traitement freinateur par analogues de la
gonadolibérine (GnRH) semble permettre d’atteindre une taille finale (TF) satisfaisante dans
le cas de pubertés rapidement évolutives (2). Mais des travaux sur les pubertés avancées
mettent en avant une réduction du potentiel de croissance chez les patientes traitées (3) et
posent la question de l’innocuité de ce traitement sur la croissance pubertaire des patientes
ayant une PP. De même peu de travaux publiés se sont intéressés à l’évolution staturale
spontanée des patientes en dehors de tout traitement.
Notre objectif était de comparer les TF de patientes traitées ou non et de rechercher des
facteurs influant sur le pronostic statural des patientes non traitées.
Matériels et méthodes
À partir de notre cohorte de 493 patientes suivies pour puberté centrale idiopathique (4), nous
avons étudié celles d’entre elles ayant atteint leur TF. 345 patientes âgées de plus de 14 ans
étaient concernées. Nous disposions de leur TF pour 76 patientes et 269 questionnaires ont été
envoyés aux parents demandant la taille actuelle de leur enfant et son gain statural l’année
précédente. 93 courriers nous sont revenus comme non distribués et nous avons reçu 60
réponses sur les 176 (34 %) courriers reçus par les parents. Parmi ces réponses, 2 patientes
n’ayant pas atteint leur TF (gain statural l’année précédente de plus de 2 cm) ont été exclues.
Nous avons donc inclus 134 patientes ayant consulté le Pr R. Brauner entre septembre 1981 et
mars 2007.
78 patientes ont été traitées par un analogue de la GnRH (Triptoréline 3,75 mg en
intramusculaire tous les 24-26 jours), tandis que 56 n’ont pas été traitées mais surveillées
régulièrement pendant toute leur phase de croissance pubertaire. Les critères de mise sous
traitement freinateur étaient 1) une taille prédite (selon la méthode de Bayley et Pinneau (5)) à
la première consultation de moins de 155 cm (-2DS) et/ou 2) un rapport des pics de hormone
lutéinisante (LH)/ hormone folliculo-stimulante (FSH) lors du test de stimulation à la GnRH
supérieur à 0,66 et/ou 3) un taux d’estradiol plasmatique supérieur à 15 pg/mL.
Les groupes ont été comparés statistiquement par le test de Wilcoxon-Mann-Whitney
(MWUt), les corrélations ont été analysées selon le test de Spearman, et les proportions
comparées par le test de Chi-2. Les données sont exprimées en moyenne ± écarttype.Résultats
Les données comparatives des patientes, traitées ou non, sont représentées dans le tableau 1.
Les patientes traitées avaient une avance d’âge osseux, un taux d’estradiol plasmatique et un
rapport des pics LH/FSH significativement plus élevés que les patientes non traitées.
Les patientes traitées avaient un âge moyen au début du traitement de 7,6 ± 1,6 ans, une durée
moyenne de traitement de 2,8 ± 1,4 ans et un âge à la fin de traitement de 10,7 ± 0,8 ans. Leur
TF était comparable à leur taille prédite et à leur taille cible. La majorité d’entre elles (n = 58,
74,4 %) ont atteint une TF différant de leur taille cible de moins d’1DS. Cette TF était
corrélée à leur taille à la première consultation (r = 0,61, p < 0,0001), à leur taille cible (r =
0,53, p < 0,0001) et à leur taille prédite à la première consultation (r = 0,47, p < 0,0001), mais
pas aux autres données cliniques, biologiques ou radiologiques.
Les patientes non traitées ont également atteint une TF différant de moins d’1DS avec leur
taille cible pour 76,8 % d’entre elles (n = 43). Cette TF était corrélée à leur taille à la première
consultation (r = 0,53, p < 0,0001), à leur taille cible (r = 0,54, p < 0,0001) et à leur taille
prédite (r = 0,58, p < 0,0001), mais pas aux autres données. Ces patientes ont eu leurs
premières règles à un âge moyen de 10,6 ± 1,1 ans, ce qui correspond à un délai moyen entre
le début de leur puberté et les premières règles de 3,6 ± 1,5ans.
Discussion
Cette cohorte fait partie des plus larges cohortes publiées, notamment concernant l’évolution
des patientes non traitées. Un des résultats majeur est que l’on retrouve une TF relativement
préservée dans cette sous-population, si l’on compare la TF avec la taille cible, mais aussi une
TF qui est majoritairement normale en valeur absolue. Ces résultats sont donc rassurants
concernant le pronostic de taille chez nos patientes suivies pour puberté précoce centrale
idiopathique sans traitement. Nous n’avons pas pu mettre en évidence de facteur pronostique
évident chez ces patientes, probablement du fait d’un trop faible nombre de patientes non
traitées ayant une petite TF inférieure à -1DS.
Concernant les patientes traitées, on ne retrouve pas de différence statistique entre taille
prédite et TF ce qui ne nous permet pas de montrer un effet positif du traitement sur la TF,
comme précédemment décrit (2). Il n’y a en tous cas pas de détérioration de la TF avec le
traitement.
Des modèles mathématiques sont à l’étude pour prédire la TF des patientes à la première
consultation et aider dans la décision de mise en place de traitement freinateur ou non. En
effet pouvoir anticiper en fonction des données cliniques et biologiques initiales la TF sans
traitement pourrait constituer un élément pronostique à prendre en compte dans la décision
d’instauration d’un traitement ou non.
Figure 1 : Tailles finales (cm) des patientes selon le traitement.
Tableau 1 : Caractéristiques des 134 patientes suivies pour PP centrale idiopathique
Toutes les patientes
Valeurs
remarquables
Âge au premier signe pubertaire (ans)
≤ 6 ans
1
ère
consultation
Âge (ans)
Développement mammaire (stade Tanner)
Développement pilosité (stade Tanner)
Avance d’âge osseux (ans)
≥ 2 ans
Vitesse de croissance l’année avant le
premier signe pubertaire (DS)
6,63 ± 1,36
7,54 ± 1,41
2,58 ± 0,56
1,99 ± 0,91
1,50 ± 1,30
-
≥ 15pg/mL
2,36 ± 2,35
1,47 ± 1,69
0,91 ± 1,14
19,9 ± 16,29
-
≤ 11 ans
129
129
64
4,66 ± 1,95
11,29 ± 1,24
-
134
134
132
122
132
122
2,11 ± 1,24
162,1 ± 5,61
161,7 ± 4,91
161,9 ± 7,98
0,38 ± 5,1
-0,04 ± 6,81
≥ 2 DS
Rapport des pics LH/FSH
≥ 0,66
Estradiol (pg/mL)
Durée de la puberté (ans)
Âge des 1ères règles (ans)
Taille à la 1ère consultation (DS)
Taille finale (cm)
Taille cible (cm)
Taille prédite (cm)
Taille finale – Taille cible (cm)
Taille finale – Taille prédite (cm)
134
32
134
134
134
131
50
63
134
40
134
75
130
63
IMC (DS)
Croissance
Moyenne ± DS
127
≥ 2 DS
Évolution
n
%
Patientes traitées
Moyenne ±
n
DS
78
22
78
78
78
77
34
6,42 ± 1,53
7,36 ± 1,59
2,72 ± 0,51
1,94 ± 0,87
1,77 ± 1,36
-
48,5
75
40
78
22
78
50
75
45
2,43 ± 2,36
1,38 ± 1,63
1,14 ± 1,23
23,79 ± 18,52
-
49,6
73
73
21
5,44 ± 1,86
11,85 ± 1,02
-
78
78
77
71
77
71
1,95 ± 1,37
160,9 ± 5,7
161,5 ± 5,38
159,5 ± 7,63
-0,66 ± 5,25
0,92 ± 7,26
23,9
38,2
49,6
29,9
56,0
Patientes non traitées
%
n
Moyenne ± DS
56
10
56
56
56
54
16
6,93 ± 1,01
7,8 ± 1,08
2,39 ± 0,57
2,07 ± 0,97
1,13 ± 1,13
2,25 ± 2,35
1,6 ± 1,78
60,0
52
23
56
18
56
15
55
18
0,59 ± 0,92
14,82 ± 10,82
-
28,8
56
56
43
3,64 ± 1,57
10,57 ± 1,12
-
56
56
55
51
55
55
2,35 ± 1,0
163,8 ± 5,0
162,0 ± 4,20
165,2 ± 7,28
1,83 ± 4,53
-1,39 ± 5,94
28,2
44,2
53,3
28,2
64,1
MWUt
%
p
0,04
17,9
0,22
0,0004
0,51
0,004
29,6
0,34
44,2
0,78
32,1
<0,0001
26,8
0,0008
32,7
<0,0001
<0,0001
76,8
0,09
0,003
0,73
0,0001
0,009
0,03
Références
1. Willemsem R H, Elleri D, Williams R M, Ong K K and Dunger D B. Pros and cons of
GnRHa treatment for early puberty in girls. Nat Rev Endocrinol 2013, 10(6):352-63.
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gonadotropin suppressive therapy in girls with central sexual precocity. J Clin Endocrinol
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PLoS ONE 2013, 8(7): e70931
5. Bayley N and Pinneau S R. Tables for predicting adult height from skeletal age: revised for
use with the greulich-pyle hand standards. J Pediatr 1952, 40(4)
Prévention du « syndrome du bébé secoué »
par une information en période néonatale.
Auteurs : Hina Simonnet, Anne Laurent-Vannier, Sakil Valimahomed, Marie Hully, Malek
Bourennane, Mathilde Chevignard
Le syndrome du bébé secoué (SBS) ou traumatisme non accidentel par secouement, à l’origine de
décès et de séquelles le plus souvent très sévères, est sous-estimé de façon certaine. Il s’agit de la
première cause de décès d’enfants liés à une maltraitance, et les pleurs sont le facteur déclenchant
dominant du secouement.
Plusieurs programmes de prévention ont été développés aux Etats-Unis [1, 2] et au Québec [3] avec de
nombreux moyens, incluant difficilement les pères. Peu d’études ont évalué la connaissance des
parents avant et après une intervention à la maternité.
Les objectifs de notre étude étaient donc d’évaluer la connaissance des parents sur le SBS et sur les
pleurs de l’enfant ainsi que leur aptitude à s’y adapter ainsi que d’évaluer l’impact et la faisabilité
d’une information courte à la naissance dans l’objectif de son application régulière à des fins de
prévention.
L’inclusion a été réalisée après l’information et le consentement écrit des parents d’enfants nés
consécutivement à la maternité de Saint Maurice du 20 décembre 2010 au 20 janvier 2011. A J2 de
vie un questionnaire pré-information était proposé aux parents ; puis lors de l’examen systématique de
l’enfant par le pédiatre, une information orale de moins de 3 minutes (Figure), sur les pleurs du
nouveau-né et le SBS leur était donnée ainsi qu’une brochure. A 6 semaines de vie un nouveau
questionnaire était proposé par téléphone. Certaines questions posées étaient similaires aux
questionnaires pré et postintervention. Des analyses statistiques ont été conduites afin d’évaluer
l’efficacité de l’information donnée.
Les parents de 190 enfants (202 naissances) ont été inclus (268 parents ; 69 % de mères et
31 % de pères) et ont répondu au questionnaire pré-information. Vingt sept pour cent des mères et 36
% des pères n’avaient jamais entendu parler du SBS. Cent quatre vingt neuf parents (79 % mères,
21 % pères) ont répondu au questionnaire postinformation. La différence des réponses avant et après
l’information est significative pour la plupart des questions. Tous les parents ont trouvé cette
information utile et la recommandent aux nouveaux parents en période néonatale.
Une information courte et simple donnée par le pédiatre à la naissance permet une meilleure
connaissance et compréhension par les parents des pleurs et du SBS et ainsi, on peut le supposer, aide
à sa prévention. Les moyens utilisés semblent peu onéreux et facilement réalisables. Dans les suites
des recommandations d’experts établies en 2011 [4, 5], le but serait d’introduire ce moyen de
prévention dans toutes les maternités et de la divulguer à tous les professionnels de santé impliqués
dans la petite enfance.
Figure : Information orale donnée au cours de l’examen systématique du pédiatre en maternité.
1) UN BEBE, CA PLEURE !
UN BEBE PEUT PLEURER JUSQU'A 2 HEURES PAR JOUR ET C’EST NORMAL. Cela
ne veut pas dire que vous vous occupez mal de votre enfant ou qu’il est malade.
2) LE SYNDROME DU BEBE SECOUE, CA EXISTE !
Les pleurs exaspérants d’un bébé peuvent conduire certains adultes qui n’en peuvent plus, à le
secouer. C’est le syndrome du bébé secoué.
3) SECOUER UN BEBE PEUT LE TUER OU LE RENDRE HANDICAPE POUR TOUTE LA VIE.
- Secouer, c’est bien plus grave qu’une chute ou qu’une gifle.
- Secouer n’a rien à voir avec le jeu. Jouer avec un bébé ce n’est pas le secouer !
4) IL SUFFIT D’UNE FOIS ! ET C’EST POUR TOUTE LA VIE.
5) Si votre enfant pleure, il vous faut vérifier :
– Qu’il n’a pas faim,
– Que sa couche n’est pas sale,
– Qu’il n’a pas de fièvre, qu’il n’est pas trop couvert,
Si malgré tout, il continue à pleurer
ET QUE VOUS N’EN POUVEZ-PLUS
COUCHEZ-LE, SUR LE DOS, DANS SON LIT ET PARTEZ
puis appelez quelqu’un de proche
SURTOUT NE LE SECOUEZ PAS !
1. Dias MS, Smith K, DeGuehery K, Mazur P, Li V, Shaffer ML. Preventing abusive head trauma
among infants and young children: a hospital-based, parent education program. Pediatrics.
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2. Barr RG, Rivara FP, Barr M, Cummings P, Taylor J, Lengua LJ, et al. Effectiveness of educational
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syndrome in mothers of newborns: a randomized, controlled trial. Pediatrics. 2009;123(3):972-80.
Epub 2009/03/04.
3. Goulet C, Frappier JY, Fortin S, Deziel L, Lampron A, Boulanger M. Development and evaluation
of a shaken baby syndrome prevention program. Journal of obstetric, gynecologic, and neonatal
nursing : JOGNN / NAACOG. 2009;38(1):7-21. Epub 2009/02/12.
4. Laurent-Vannier A, Nathanson M, Quiriau F, Briand-Huchet E, Cook J, Billette de Villemeur T, et
al. A public hearing "Shaken baby syndrome: guidelines on establishing a robust diagnosis and the
procedures to be adopted by healthcare and social services staff". Guidelines issued by the Hearing
Commission. Annals of physical and rehabilitation medicine. 2011;54(9-10):600-25. Epub
2011/11/29.
5. Laurent-Vannier A, Nathanson M, Quiriau F, Briand-Huchet E, Cook J, Billette de Villemeur T, et
al. A public hearing. "Shaken baby syndrome: guidelines on establishing a robust diagnosis and the
procedures to be adopted by healthcare and social services staff". Scoping report. Annals of
physical and rehabilitation medicine. 2011;54(9-10):533-99. Epub 2011/11/29.
Surveillance IRM de la surcharge en fer chez les enfants avec
hémoglobinopathies polytransfusées
Mélodie AUBART
Introduction
La surcharge en fer est une complication inéluctable et grave chez les enfants polytransfusés.
Historiquement décrite dans la thalassémie majeure (TM) cette complication concerne
désormais les patients drépanocytaires (sickle cell anemia, SCA) pour lesquels le programme
transfusionnel chronique s’est imposé dans l’arsenal préventif notamment des accidents
vasculaires cérébraux (AVC). La surcharge en fer est particulièrement toxique pour le foie et
le cœur, et met en jeu le pronostic vital des patients à moyen et long terme. Le dosage de
ferritine plasmatique, peu coûteux et facilement disponible, est largement utilisé à la fois
comme marqueur diagnostique de surcharge en fer et de suivi d’efficacité thérapeutique du
traitement chélateur. Historiquement, la biopsie hépatique a été considérée comme le gold
standard pour mesurer précisément la surcharge en fer. Plus récemment, des techniques non
invasives par IRM T2* cardiaques et hépatiques ont été développées et ont démontré leur
fiabilité pour mesurer la surcharge en fer tissulaire. Les études pédiatriques demeurent
cependant peu nombreuses avec des résultats contradictoires concernant le degré de
corrélation entre ferritine sérique et mesures IRM dans la population d’enfants thalassémiques
et drépanocytaires (1,2,3). L’objectif de cette étude était d’évaluer la surcharge en fer par
dosage de ferritine et par IRM cardiaque et hépatique dans une cohorte d’enfants SCA et TM
sous programme transfusionnel et recevant un traitement chélateur du fer afin d’analyser de
manière longitudinale la relation entre ces différents paramètres.
Patients et méthodes
Les données concernant tous les enfants thalassémiques et drépanocytaires âgés de moins de
18 ans transfusés chroniquement (>10/an) et ayant bénéficié d’une surveillance par IRM
hépatique et cardiaque entre juin 2007 et avril 2012 à l’Hôpital Necker-Enfants-Malades
(Paris) ont été collectées rétrospectivement. Les indications du programme transfusionnel
étaient pour les patients thalassémiques le maintien d’une Hb > 9 g/dL et pour les patients
drépanocytaires la prévention du risque d’AVC ou l’échec d’un traitement par hydroxyurée.
Les objectifs transfusionnels et d’échanges transfusionnels respectaient les recommandations
habituelles. Tous les enfants ont reçu un traitement chélateur par deferasirox selon les
recommandations. Les mesures IRM ont été réalisées selon un protocole précédemment décrit
(4). La surcharge en fer hépatique a été considérée comme absente si <100 µmol/g, modérée
entre 100 et 250, sévère au-delà. La surcharge cardiaque était considérée comme absente pour
un T2*> 20ms, modérée entre 10 et 20 et sévère en deçà. Les moyennes des dosages mensuels
de ferritine durant les 6 mois précédant l’imagerie ont été collectées. Pour l’étude
longitudinale, ces valeurs ont été comparées entre elles en considérant une variation ≥ 20 %
comme significative. De même, une variation ≥ 10 %. des résultats IRM a été considérée
comme significative. Si la variation de ces deux paramètres dans le temps allaient dans le
même sens, nous avons conclu que le dosage de ferritine pouvait prédire la surcharge
tissulaire, et inversement. En l’absence de variation significative de l’un des deux paramètres,
nous avons défini les résultats comme non concluants. Les résultats sont présentés sous forme
de médiane [minimum – maximum].
Résultats
Trente sept enfants (30 SCA et 7 TM, 17 garçons) ont été inclus dans l’étude, avec une durée
moyenne de programme transfusionnel de 10 ans [1-14] et un volume médian transfusionnel
de 86 ml/kg/an. Aucune différence significative des paramètres démographiques entre les
patients TM et SCA n’a été mise en évidence en dehors de l’âge médian au début du
traitement chélateur (8,5 ans pour les SCA, 4 pour les TM, p = 0,037). La médiane de ferritine
était de 1550 mg/L [184-6204], 1917 mg/L chez les SCA, 842 mg/L chez les TM, différence
non significative. Une relation a été mise en évidence entre le niveau de ferritine et la charge
transfusionnelle en fer, avec une augmentation de la ferritine de 97,2 ± 28,5 mg/L pour 100
mg/kg de charge en fer (p < 0,001), et ce, en dépit du traitement chélateur.
Soixante treize IRM hépatiques ont été analysées. Dix enfants en ont eu 2 mesures, 12 plus de
2. L’absence de surcharge a été notée dans 21 mesures (28,8 %), modérée dans 24 (32,9 %),
sévère dans 28 (38,3 %), sans différence notable entre les patients SCA ou TM. Une
corrélation élevée a été trouvée entre la surcharge hépatique en fer et le dosage de ferritine
(p < 0,001), corrélation également valable dans l’analyse de sous-groupes (SCA/TM,
garçons/filles) (Figure 1).
Cinquante cinq IRM cardiaques ont été analysées, 14 enfants (40 %) ont bénéficié d’au moins
2 mesures. Seules 4 retrouvaient une surcharge modérée. Une surcharge sévère n’a été notée
que dans un cas de patient thalassémique. Aucune corrélation n’a été mise en évidence entre
ces mesures et le dosage de ferritine, mais de manière intéressante, les 5 mesures retrouvant
une surcharge cardiaque en fer concernaient des patientes thalassémiques avec des dosages de
ferritine paradoxalement <1500 mg/L (Figure 1).
L’analyse de la variation des dosages de ferritine et des mesures d’IRM hépatiques et
cardiaques ont pu être réalisées dans respectivement 37 et 19 cas (Tableau 1). L’évolution
contradictoire des paramètres ferritine/IRM n’a été observée que chez les patients SCA, dans
3 cas (8 %) pour la surcharge hépatique en fer, dans 5 (26 %) concernant la surcharge
cardiaque en fer.
Discussion et conclusion
Ces résultats confirment une corrélation élevée entre le dosage de ferritine et le degré de
surcharge hépatique en fer, en dépit d’un traitement chélateur du fer. Inversement, aucune
corrélation n’a pu être mise en évidence entre ferritine et surcharge cardiaque. En outre, chez
les sujets SCA en particulier, l’évolution dans le temps de la ferritine ne permet pas de prédire
correctement l’évolution de la surcharge tissulaire hépatique ou cardiaque, puisque ces
paramètres évoluent de manière contradictoire dans 8 % des cas pour le foie et 26 % pour le
cœur. Ces résultats plaident, notamment chez les patients SCA, pour une surveillance de la
surcharge en fer par IRM plutôt que par le dosage plasmatique de la ferritine tant pour le
diagnostic de la surcharge en fer que pour l’adaptation du traitement chélateur.
Cette étude souligne en outre que, malgré le progrès des traitements chélateurs du fer, la
surcharge en fer chez les enfants SCA et TM polytransfusés demeure une problématique
préoccupante. La valeur prédictive de la ferritine doit de ce fait être considérée avec
précautions
Figure 1 : Corrélation entre le dosage de ferritine et A- la surcharge hépatique en fer (n = 73)
ou B- la surcharge cardiaque en fer en IRM (n = 55). Le cercle rouge entoure notamment les
5 mesures de surcharge cardiaque en fer modérée ou sévère avec un dosage de ferritine
paradoxalement inférieur à 1500 mg/L.
Tableau 1 : Comparaison de l’évolution dans le temps des dosages de ferritine et de la
surcharge en fer hépatique ou cardiaque.
Evolutions
similaires
n ( %)
Evolutions
opposées
n ( %)
Indéterminés
n ( %)
Total
19 (51)
3 (8)
15 (41)
Hépatique SCA
13 (35)
3 (8)
11 (30)
TM
6 (16)
0 (0)
4 (11)
Total
5 (26)
5 (26)
9 (48)
Cardiaque SCA
2 (10)
5 (26)
6 (32)
3 (16)
0 (0)
3 (16)
TM
Références
1
Porter JB Pathophysiology of transfusional iron overload : contrasting patterns in
thalassemia major and sickle cell disease. Hemoglobin 2009;33 Suppl 1:S37-45
2
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3
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4
Ghugre NR, Enriquez CM, Coates TD et al Improved R2* measurements in myocardial iron
overload. J Magn Reson Imaging 2006;23:9-16.
FACTEURS INFLUENÇANT LA SENSIBILITE
DES TDR STREPTOCOCCIQUES
Jérémie Cohen, Martin Chalumeau, Corinne Levy, Mohamed Benani, Marc Koskas,
Philippe Bidet, Robert Cohen
Sous la direction du Professeur Martin Chalumeau
Service de Pédiatrie Générale, Hôpital Necker-Enfants Malades, Faculté Paris Descartes,
Paris
Ce travail est dédié à la mémoire du Professeur Edouard Bingen (1946-2012).
Ce travail a été publié sous la référence :
Cohen JF, Chalumeau M, Levy C, Bidet P, Benani M, Koskas M, Bingen E, Cohen R. Effect
of clinical spectrum, inoculum size and physician characteristics on sensitivity of a rapid
antigen detection test for group A streptococcal pharyngitis. European Journal of Clinical
Microbiology & Infectious Diseases. 2013; 32:787-793.
Introduction
Il a été montré que les performances du test de diagnostic rapide (TDR) pour les pharyngites à
streptocoque du groupe A (SGA) sont susceptibles de varier en fonction de la présentation
clinique des patients et de l’inoculum bactérien (quantité de bactéries retrouvées en culture)
(1,2). Il a aussi été montré que la sensibilité du TDR pouvait varier en fonction de la personne
réalisant le test (« effet médecin ») (3). Les objectifs de cette étude étaient d’étudier pour la
première fois les effets indépendants du spectre clinique pris de manière binaire et extrême
(pharyngite contre porteur asymptomatique), de l’inoculum bactérien et du médecin réalisant
le TDR et de tenter d’identifier les déterminants de l’effet médecin.
Méthodes
Des enfants âgés de 3 à 15 ans avec une pharyngite ou consultant leur pédiatre pour une visite
de routine (enfants asymptomatiques) ont été inclus prospectivement entre octobre 2009 et
mai 2011 par 17 pédiatres du réseau ACTIV. Tous les enfants ont été soumis à un
prélèvement de gorge pour réaliser un TDR (StreptAtest) et une mise en culture (test de
référence). En cas de culture positive pour le SGA, l'inoculum était estimé en fonction du
nombre de colonies présentes dans la boîte de Pétri (inoculum faible, <50 colonies ; fort, >50
colonies par boîte). Les 17 pédiatres ont aussi répondu à un questionnaire concernant leurs
caractéristiques sociodémographiques, leur type d’exercice médical et les caractéristiques de
leur cabinet, leurs habitudes concernant la réalisation du TDR et leurs connaissances et
croyances concernant la pathologie à SGA. Nous avons réalisé des analyses univariées puis
utilisé un modèle logistique multivarié multiniveaux afin d’identifier les facteurs liés aux
patients et liés aux médecins susceptibles d’affecter la sensibilité du TDR.
Résultats
L’analyse a porté sur 1776 patients dont 1482 enfants avec pharyngite et 294 enfants
asymptomatiques. La prévalence du SGA était de 38 % dans le groupe pharyngite et de 11 %
chez les enfants asymptomatiques. La sensibilité du TDR était de 87 % et la spécificité de
93 %. La sensibilité du TDR variait de 56 % à 96 % en fonction du médecin ayant réalisé le
test (p=0,01).
En analyses univariées et multivariées, la sensibilité du TDR était significativement
plus élevée chez les enfants ayant une pharyngite que chez les porteurs asymptomatiques (OR
ajusté 4,5 [intervalle de confiance à 95 % 1,8–11,4]), chez les enfants de moins de 9 ans (ORa
2,5 [1,1–5,5]) et chez ceux ayant un inoculum fort (ORa 11,0 [6,1–20,0]). Le fait d’avoir une
activité clinique hospitalière en plus de l’activité clinique au cabinet était la seule
caractéristique des médecins associée à des variations de sensibilité du TDR (ORa 3,4 [1,9–
6,3]) et cette variable expliquait la quasi-totalité de l’effet médecin.
Discussion
Les résultats de cette étude confirment l’effet du spectre clinique sur les performances du
TDR en montrant une sensibilité plus élevée chez les enfants avec pharyngite que chez les
porteurs asymptomatiques. Nos résultats confirment également l’importance de l’inoculum
bactérien et de l’effet médecin sur la sensibilité du TDR. Dans la littérature, l’effet de
l’inoculum et l’effet médecin sont conçus comme étant liés entre eux, les médecins les plus
expérimentés obtenant plus souvent un fort inoculum bactérien d’une part et les inocula forts
étant associés à une sensibilité du TDR plus élevée d’autre part. Nos résultats montrent que
l’effet médecin sur la sensibilité du TDR persiste de manière indépendante de l’inoculum.
Les résultats de cette étude élargissent la vision que nous pouvons avoir des facteurs
susceptibles de faire varier les performances d’un test diagnostique. Le diagnostic médical,
comme tout processus de décision clinique, est soumis à l’influence de nombreux facteurs(4).
Cette étude confirme que la sensibilité d’un test diagnostique ne doit pas être appréhendée
comme un paramètre fixe intrinsèque au test et qu’elle est affectée de manière indépendante
par la présentation clinique des patients ainsi que par le médecin réalisant le test (5). Le fait
que la sensibilité du TDR varie en fonction du médecin réalisant le test indépendamment du
spectre clinique et de l’inoculum bactérien devrait être pris en compte dans les programmes
de formation des médecins dans le but de tirer les performances des médecins vers le haut
(benchmarking) et de réduire les variations de sensibilité du TDR pouvant exister entre eux.
Références
1. Edmonson MB, Farwell KR. Relationship between the clinical likelihood of group a
streptococcal pharyngitis and the sensitivity of a rapid antigen-detection test in a pediatric
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2. Kurtz B, Kurtz M, Roe M, et al. Importance of inoculum size and sampling effect in rapid
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5. Lijmer JG, Mol BW, Heisterkamp S, et al. Empirical evidence of design-related bias in
studies of diagnostic tests. JAMA 1999; 282:1061-1066
Campagne nationale de prévention de l’acidocétose au diagnostic du
diabète de type 1 chez l’enfant et l’adolescent
J. Maitre1,2, C. Choleau1, C. Elie3, M. Cahané1, JJ. Robert1,2 et le Groupe d’Etude de l’AJD (AJD Study
Group)
1
Aide au Jeunes Diabétiques (AJD), Paris, France
2
Diabète de l’Enfant et de l’Adolescent, Hôpital Necker – Enfants Malades, Université Paris Descartes
Sorbonne Paris Cité, Paris, France
3
Unité de Recherche Clinique Paris Centre, Hôpital Necker – Enfants Malades, Université Paris Descartes
Sorbonne Paris Cité, Paris, France
L’acidocétose est une complication grave et fréquente au diagnostic du diabète de type 1
(DT1), d’autant plus redoutable que l’incidence de cette pathologie augmente régulièrement chez
l’enfant et l’adolescent en France, en Europe et dans le Monde (1-3). Cette augmentation des
nouveaux cas de DT1 est deux fois plus rapide chez les moins de 5 ans, particulièrement
vulnérables aux complications métaboliques inaugurales (1-2).
La prévention de l’acidocétose au diagnostic est devenue un objectif majeur de la Société
Internationale pour le Diabète de l’Enfant et de l’Adolescent (ISPAD). L’association « L’Aide
aux Jeunes Diabétiques » (AJD) a lancé le 14 novembre 2010, sur le modèle d’un programme
italien (4), une campagne nationale pour la prévention de l’acidocétose au diagnostic du DT1 en
France. Un Observatoire national a été au préalable constitué afin de suivre de manière
prospective la fréquence de l’acidocétose avant et après lancement de cette campagne (5).
L’objectif de cette étude était d’évaluer l’impact à 1 an de la campagne nationale
d’information sur la fréquence et la sévérité de l'acidocétose au diagnostic du DT1 chez l'enfant et
l'adolescent en France.
Les données suivantes ont été collectées pendant deux années consécutives chez les
jeunes (< 15 ans) débutant un DT1 dans les 146 services de Pédiatrie participant à l’Observatoire :
âge, sexe, durée d’évolution des symptômes, parcours du patient, signes cliniques et biologiques
au diagnostic, antécédents familiaux de DT1. L’acidocétose était définie par un pH < 7,30 ou une
réserve alcaline (RA) < 15 mmol/l ; l’acidocétose sévère par un pH < 7,10 ou une RA < 5 mmol/l.
A partir de la deuxième année de recueil des données, la campagne d’information destinée aux
professionnels de santé et au grand public a débuté avec pour objectif d’éviter les retards au
diagnostic et donc de réduire la fréquence d’acidocétose inaugurale (Figure 1). Les données de la
première année de campagne (Année 1) ont été comparées à celles de l’année précampagne
(Année 0) (5).
Les données concernent 1299 jeunes de moins de 15 ans pour l’Année 0 et 1247 pour
l’Année 1, dont un quart a moins de 5 ans. Une polyurie-polydipsie était présente au diagnostic
chez la quasi totalité des patients et elle durait depuis plus d’une semaine dans plus de 80 % des
cas. Près d’un patient sur deux présentait également une énurésie. Les patients étaient en majorité
adressés à l’hôpital par un médecin généraliste et non par un pédiatre. Un antécédent familial de
DT1 était retrouvé dans presque 15 % des cas.
Entre l’année 0 et l‘année 1, la fréquence de l’acidocétose a diminué de 43,9 % à 40,5 %
(p = 0,08), exclusivement du fait d’une diminution des acidocétoses sévères, de 14,8 à 11,4 % (p
< 0,01). La baisse relative de la fréquence de l’acidocétose a été de 13 % et 15 %, et celle des
formes sévères de 23 % et 41 % dans les groupes d’âge 0-5 ans et 5-10 ans ; elle a été de 34 % et
7 %, et celle des formes sévères de 39 % et 32 % chez les patients adressés à l’hôpital par un
pédiatre ou venus à l’initiative de la famille ; aucun changement n’a été observé chez les jeunes de
10-15 ans et ceux qui ont été adressés par un médecin généraliste (Tableau 1). En analyse
multivariée, une fréquence plus élevée d’acidocétose inaugurale était associée au jeune âge de
l’enfant (< 5 ans), au fait d’être venu à l’hôpital à l’initiative de la famille plutôt qu’adressé par un
médecin, et à l’absence d’antécédent familial de DT1 ; une fréquence plus élevée d’acidocétose
sévère était associée à ces deux derniers facteurs mais pas à l’âge de l’enfant. La connaissance de
la campagne de prévention de l’AJD par les patients ou leur famille était encore limitée pour cette
Année 1 (6,6 % des cas) mais la fréquence de l’acidocétose était nettement plus basse chez les
enfants issus de ces familles (22 % versus 42 % lorsque la campagne n’était pas connue, p =
0,01).
La fréquence de l’acidocétose inaugurale et notamment des formes sévères reste élevée au
diagnostic de DT1 chez l’enfant et l’adolescent mais la campagne nationale d’information a
permis de la diminuer dès la première année de lancement. Les résultats ont permis de mieux
définir la stratégie et les cibles de la campagne. En effet, l’âge de l’enfant et le parcours jusqu’au
diagnostic à l’hôpital sont les éléments qui ont le plus d’influence sur la présence d’une
acidocétose et la prise en compte de ces facteurs devrait permettre de réduire de manière de plus
en plus efficace la morbi-mortalité au diagnostic du DT1 chez l’enfant.
Références bibliographiques
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the 17-year French experience in Aquitaine. Diabetes Metab 2008; 34: 601-5
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diagnosis of type 1 diabetes in French children and adolescents. Diabetes Metab. 2014;
40(2) : 137-42
Figure 1 - Outils de la campagne nationale de prévention de l’acidocétose au diagnostic
Affiches publicitaires à destination du grand public
Plaquette d’information à destination des professionnels de santé
Tableau 1. Pourcentage de patients présentant une acidocétose et une acidocétose sévère au
diagnostic de diabète de type 1 pendant l’année précédant (Année 0) et la première année
(Année 1) après le début de la campagne
________________________________________________________________________________
Acidocétose
____________________
Année 0
Année 1
Acidocétose sévère
____________________
Année 0
Année 1
_______________________________________________________________________________
Global
43,9 %
40,5 %
14,8 %
11,4 %
0-5 ans
54,2 %*
47,3 %
16,6 %*
12,7 %
5-10 ans
43,4 %
37,0 %
14,4 %
8,5 %
10-15ans
37,1 %
39,7 %
13,9 %
13,2 %
Généraliste
36,7 %
37,0 %
7,6 %
7,9 %
Pédiatre
39,3 %
25,8 %
5,1 %
3,1 %
Famille
53,5 %
49,6 %
26,6 %
18,0 %
Autre hôpital
65,1 %
55,9 %
36,1 %
23,8 %
Antécédents de DT1
20,1 %
24,6 %
4,4 %
5,6 %
-
22,0 %
-
7,3 %
Age
Parcours au diagnostic
Connaissance
de la campagne
________________________________________________________________________________
Acidocétose : ensemble des acidocétoses, modérées plus sévères
*0-2 ans : 62,2 %, sévère 26,8 %
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