JOURNEES PARISIENNES DE PEDIATRIE Comité d’organisation : A. BARUCHEL, S. BLANCHE, P. BOUGNERES, B. CHABROL, G. CHERON, C. DELACOURT, G. DESCHENES, D. DEVICTOR, A. FAYE, J. GAUDELUS, E. GRIMPREL, I. KONE-PAUT, P. LABRUNE, G. LEVERGER, D. MITANCHEZ, D.TURCK Journées Parisiennes de Pédiatrie 2014 Vendredi 3 et Samedi 4 octobre 2014 http://www.jppediatrie.com/ SOMMAIRE TABLE RONDE 1 Cardiopathies congénitales Diagnostic antenatal des cardiopathies congénitales, transfert in utero et thérapies foetales D. Bonnet (Paris) Neurodéveloppement des cardiopathies congénitales J. Calderon, B. Kloshnood, F. Goffinet, D. Bonnet (Paris) Page 9 La transition adolescent/adulte en cardiologie congénitale : un défi épidémiologique A. Basquin, D. Bonnet, M. Ladouceur (Rennes) Page 24 Comment créer une activité de chirurgie cardiaque congénitale de haut niveau dans un pays en développement Y. Chikhaoui (Rabat) TABLE RONDE 2 Infection materno-foetale, une urgence pour de nouvelles recommandations Facteurs de risque de l’infection néonatale bactérienne précoce à l’ère de l’antiobioprophylaxie L. Foix-L’Hélias (Paris) Place des marqueurs biologiques dans le diagnostic de l’infection néonatale bactérienne précoce J.-B. Muller (Nantes) Page 29 Le nouveau-né suspect d’infection bactérienne néonatale précoce est-il différent en France, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis ? P. Boileau (Poissy) DIACORD : Validation d’un algorithme décisionnel dans la prise en charge des nouveau-nés suspects d’infection néonatale précoce. C. Gras-Leguen, J.-B. Muller, J. Caillon, B. Giraudeau, E. Launay, J.C Roze (Nantes) Page 32 TABLE RONDE 3 Pneumopathies graves de l’enfant Incidence des pneumopathies acquises sous ventilation mécanique en réanimation pédiatrique S. Dauger, M. Chomton, S. Le Garrec, T. Bontant (Paris) Page 41 Pneumonies nécrosantes de l’enfant C. Le maître, F. Gabor, P. Bidet, A. Faye, M. Lorrot (Paris) Page 63 Pneumopathie à staphylocoque doré secrétant la toxine de Panton et Valentine Y. Gillet (Lyon) Rôle de l’hôte dans la survenue des pneumopathies graves J. Toubiana, F. Alby-Laurent, J.-D. Chiche (Paris) Page 77 TABLE RONDE 4 Purpuras vasculaires Purpura d’origine virale chez l’enfant E. Bourrat (Paris) Page 93 Le purpura constitutionnel ou par fragilité capillaire S. Hadj-Rabia (Paris) Le purpura rhumatoïde et l’œdème aigu hémorragique M. Piram (Kremlin-Bicêtre) Quizz diagnostique des vascularites de l’enfant C. Bodemer (Paris) Page 101 TABLE RONDE 5 Médicaments et grossesse : effets à long terme Certitudes et incertitudes E. Elefan (Paris) Une toxicité médicamenteuse méconnue pour le rein foetal : La dysgénésie tubulaire acquise G. Deschênes (Paris) Page 111 Génotoxicité potentielle des antirétroviraux après exposition in utero S. Blanche (Paris) Anticonvulsivants maternels et risques de retard cognitif et d’autisme N. Bahi Buisson (Paris) Page 115 Biothérapie au cours de la grossesse : quelles conséquences chez l’enfant B. Bader-meunier (Paris) Page 124 TABLE RONDE 6 Moyens non médicamenteux de lutte contre la douleur des gestes : de l’Evidence-Based-Medicine à la pratique L’allaitement maternel pour soulager la douleur des gestes R. Carbajal (Paris) Page 130 Solutions sucrées et tétines chez le nouveau-né et le jeune nourrisson V. Biran, A. Rideau, R. Stern, A. Zanin, S. Soudée, C. Farnoux, O. Baud (Paris) Page 134 La distraction lors des soins douloureux ou anxiogènes aux urgences pédiatriques de l’hôpital Trousseau : l’expérience des tablettes tactiles C. Laffaille, M. Beauchet Filleau, C. Nguyen, C. Tournier, P. Gatterre, R. Carbajal (Paris) Page 142 L’hypnose pour la douleur des gestes de soins chez l’enfant : de l’évidence-Based-Medicine à la pratique B. Lombart, E. Fournier-Charrière (Paris) Page 148 Communications libres 1 Immunothérapie dans l’asthme de l’enfant J. Just (Paris) Page 162 Epidémiologie du syndrome néphrotique en région francilienne entre 2007 et 2013 C. Dossier, N. Lapidus, G. Deschênes (Paris) Page 168 La néphropathie du purpura rhumatoïde, actualités et avenir à long terme T. Ulinski (Paris) Page 176 Programmation foetale de la maladie rénale chronique : de l’enfant à l’adulte R. Salomon (Paris) Page 181 Utilisation de la kétamine à faible dose pour les soins douloureux. La présence d’un médecin anesthésiste est-elle nécessaire ? Page 189 D. Anequin (Paris) Les Clowns en Pédiatrie D. Devictor (Kremlin-Bicêtre) Page 192 Communications libres 2 Peut-on prédire les infections bactériennes chez le nourrisson de moins de trois mois K. Milcent, S. Faesch, C. Gras-Leguen, F. Dubos, V. Gajdos (Clamart) Page 199 Calendrier vaccinal du prématuré J. Gaudelus, R. Cohen, Y Aujard (Bondy) Page 215 Prise en charge in utero du myéloméningocèle J.-M. Jouannic (Paris) Génétique des épilepsies néonatales M. Milh, (Marseille) Page 229 Communications libres 3 Paludisme d’importation pédiatrique en France : Pertinence des critères de gravité OMS F. Angoulvant, J. Lanneaux, L. Pham, F. Dubos, S. Dauger (Paris) Page 238 Dermatoses du retour E. Bourrat, L. Pull (Paris) Page 251 Appendicite aiguë chez l’enfant : Algorithme diagnostique et thérapeutique actualisé H. Kotobi (Paris) Page 254 Les gastro-entéro-colites à éosinophiles J. Lemale, P. Tounian (Paris) Page 266 Communications libres 4 Pathologies hématologiques induites par l’EBV chez les patients atteints de déficits immunitaires primitifs Page 279 B. Neven, S. Blanche, S. Latour (Paris) Guérir les leucémies sans chimiothérapie : rêve ou réalité A. Baruchel (Paris) Histiocytose : avancées génétiques et perspectives thérapeutiques J. Donadieu, S. Héritier (Paris) Page 294 La recherche et l’enfant H. Chappuy (Paris) Communications libres 5 Anorexie mentale du sujet pré-pubère : actualités sur le diagnostic et la prise en charge A. Bargiacchi (Paris) Page 305 Troubles du Spectre de l’Autisme et pathologies associées P. Guérin (Paris) Page 311 Comment aborder un trouble de l’identité du genre ? L. Martinerie, A. Bargiacchi, J. Léger, J.-C. Carel, M.-F. Leheuzey (Paris) Page 330 Session des lauréats du DES de pédiatrie 2013 Tailles finale de 134 patientes suivies pour puberté précoce centrale idiopathique E. Giabicani, P. Lemaire, R. Brauner (Paris) Page 347 Devenir à long terme du syndrome néphrotique cortico-dépendant traité par Mycophenolate Mofétil L. Dehoux (Paris) Prévention du « syndrome du bébé secoué » par une information en période néonatale H. Simonnet, A. Laurent-Vannier, S. Valimahomed, M. Hully, M. Bourennane, M. Chevignard (Paris) Page 355 Surveillance IRM de la surcharge en fer chez les enfants avec hémoglobinopathies polytransfusées M. Aubart (Paris) Page 358 Facteurs influençant la sensibilité des TDR streptococciques J. Cohen, M. Chalumeau, C. Levy, M. Benani, M. Kostas, P. Bidet, R. Cohen (Paris) Page 364 Campagne nationale de prévention de l’acidocétose au diagnostic du diabète de type 1 chez l’enfant et l’adolescent J. Maitre, C. Choleau, C. Elie, M. Cahané, J.-J. Robert (Paris) et le groupe d’étude de l’AJD (AJD study group) Page 368 TABLE RONDE 1 Cardiopathies congénitales Neurodéveloppement des cardiopathies congénitales Johanna Calderon, PhD1, Babak Khoshnood, MD, PhD1, François Goffinet, MD, PhD1, Damien Bonnet, MD, PhD2 1Inserm U1153 Equipe de recherche en Epidémiologie Obstétricale, Périnatale et Pédiatrique (EPOPé), Université Paris Descartes, Maternité de Port Royal 2 Centre de référence des malformations cardiaques congénitales complexes (M3C), Service de cardiologie pédiatrique, Hôpital Necker Enfants Malades, Paris Contact: [email protected] Les progrès considérables dans le diagnostic et la prise en charge médicale et chirurgicale des enfants avec des cardiopathies congénitales (CC) ont permis d’augmenter significativement leur survie et d’améliorer leur pronostic cardiaque. Néanmoins, les difficultés neurodéveloppementales constituent une des principales morbidités résiduelles pour un grand nombre de ces patients. Les nouveau-nés porteurs de CC complexes nécessitant une ou plusieurs chirurgies à cœur ouvert ont un risque de présenter certaines anomalies cérébrales qui peuvent avoir des répercussions sur leur développement ultérieur. Les CC et particulièrement les CC cyanogènes ont été associées à de diverses vulnérabilités neurologiques à différents moments notamment en période préopératoire où des lésions cérébrales de type hypoxique-ischémique peuvent survenir (1). Des risques supplémentaires liés aux techniques intra-opératoires (circulation extra-corporelle) comme le risque d’embolie ou des réactions inflammatoires du système nerveux ou bien des suites postopératoires difficiles pour certains nouveau-nés (arrêts cardiaques, hypotension artérielle) peuvent compliquer le pronostic neurologique néonatal de ces patients (2). Dans cette revue de littérature, nous présenterons dans un premier temps, les données le plus récentes concernant les anomalies neurologiques précoces décrites en période pré- et postopératoire pour les CC complexes. Nous aborderons ensuite le devenir neurodéveloppemental et cognitif des enfants ayant des CC en fonction des trois grandes périodes de développement, à savoir de 0 à 3 ans, l’âge préscolaire et l’âge scolaire/adolescence. Enfin, nous décrirons les répercussions cliniques en termes de prise en charge neurodéveloppementale dans cette population pédiatrique. 1. Anomalies neurologiques en préopératoire : immaturité cérébrale et risque hypoxique Des études ont indiqué que 28 % à 59 % des nouveau-nés ayant une CC complexe, notamment pouvant entraîner une cyanose, ont des lésions cérébrales de type hypoxiqueischémique avant la chirurgie (1). Les CC cyanogènes sans comorbidités génétiques partagent un profil relativement similaire d’anomalies cérébrales touchant particulièrement la substance blanche (2,3). Ces lésions se présentent souvent sous la forme de leucomalacie périventriculaire (LPV) (lésions des fibres axonales de la région adjacente aux ventricules latéraux) (4) et peuvent être similaires à celles observées pour les nouveau-nés prématurés où les lésions de la substance blanche sont prédominantes (3). Il a été avancé que ces lésions cérébrales néonatales seraient liées aux risques ischémiques causés par la cyanose après la naissance mais également associées à un bas débit cérébral dès la période fœtale (1, 4). En effet, des études ont démontré que les CC cyanogènes comme la transposition des gros vaisseaux (TGV), la tétralogie de Fallot et l’hypoplasie du cœur gauche (Hypo-VG) sont associées à une immaturité cérébrale macro et micro-structurelle équivalente à environ à un mois d’âge gestationnel en moins (4). Miller et al. (5) ont proposé la première caractérisation du métabolisme cérébral chez un groupe de nouveau-nés avec une TGV à l’aide de l’IRM par spectroscopie1. Cette technique 1 L’IRM par spéctroscopie (Proton Magnetic Resonance Spectroscopy) est une technique non invasive qui permet de mesurer les métabolites cérébraux afin d’étudier les changements développementaux. Le N- mesure les niveaux des marqueurs neuronaux (métabolites) comme le N-Acetylaspartate (NAA) et les lactates. Le niveau de NAA augmente avec la maturation cérébrale et par conséquent un niveau bas de ce marqueur indique une intégrité cérébrale compromise. Les lactates sont le résultat des processus anaérobies en lien avec des perturbations du métabolisme oxydatif et constituent le marqueur des lésions de type hypoxiques-ischémiques (1). Les résultats de Miller et al. (5) révèlent que les niveaux de lactates sont significativement élevés chez plus de 40 % des nouveau-nés ayant une TGV. D’autres études ont analysé à la fois les résultats préopératoires de l’IRMa, en IRM spectroscopique et par diffusion (DTI) chez des nouveau-nés ayant une CC complexe notamment cyanogène (1). Les résultats en spectroscopie ont montré que la CC était associée à une réduction significative du ratio NAA/choline et à une augmentation significative du niveau de lactates. Les données en DTI ont montré qu’un pourcentage significatif de ces nouveau-nés a présenté une augmentation de la vitesse de diffusion2 et une diminution significative de l’anisotropie de la substance blanche. Enfin, des lésions de la substance blanche ont été également observées à un niveau structurel macroscopique en IRMa, confirmant ainsi l’hypothèse d’une immaturité cérébrale couplée à des anomalies de la substance blanche de type hypoxique-ischémique (5). Très récemment, des études se sont intéressées à caractériser les anomalies de la substance blanche en fonction des régions cérébrales à l’aide du DTI chez les nouveau-nés avec une CC complexe comme la TGV (6). Ortinau et al. (6) ont démontré qu’il existe une vulnérabilité spécifique accrue des régions frontales chez les nouveau-nés nés avec une CC. Ces auteurs ont cherché à caractériser les anomalies macro- et micro-structurelles de la substance blanche en préopératoire à l’aide de l’IRMa et du DTI. Les résultats confirment qu’environ 40 % des Acetylaspartate (NAA) et les lactates sont deux composants principaux mesurés par cette technique et sont comparés aux niveaux d’un autre composant (choline), ce dernier étant stable dans le cerveau au cours du développement. 2 Le DTI permet de mesurer deux propriétés de diffusion de l’eau le long des fibres nerveuses. D’une part, la vitesse de diffusion (qui diminue avec la maturation car elle rencontre plus d’obstacles dans la diffusion) et d’autre part, l’anisotropie (qui augmente avec la maturation, en réponse à la croissance neuronale). nouveau-nés ont des lésions focales de la substance blanche reparties dans différentes zones notamment dans les régions péri-ventriculaires. Plus spécifiquement, l’analyse en IRMa et en DTI des anomalies régionales corticales ont révélé des volumes cérébraux significativement plus réduits ainsi qu’une connectivité neuronale diminuée dans les lobes frontaux et pariétaux, avec une vulnérabilité accrue des structures les plus antérieures (6). Ces réductions de volume traduisent une croissance neuronale anormale qui affecterait plus particulièrement les régions qui ont un développement plus tardif sur le plan ontogénétique et peuvent se traduire par des troubles comportementaux et cognitifs à long terme. 2. Etat neurologique en postopératoire Les risques neurologiques intra- et postopératoires peuvent aggraver les lésions cérébrales déjà présentes ou bien favoriser l’apparition de nouvelles chez le jeune enfant ayant une CC. Les principaux risques évoqués pour la majorité des techniques opératoires de chirurgie cardiaque néonatale correspondent aux risques d’embolie liés aux éventuelles particules d’air mal filtrées par le système de bypass cardio-pulmonaire, une mauvaise perfusion sanguine cérébrale durant les périodes d’arrêt circulatoire ainsi que des réactions inflammatoires en réponse à la CEC (2). Les suites postopératoires difficiles peuvent également comporter des risques neurologiques supplémentaires pour certains enfants. Les anomalies neurologiques résultant de ces facteurs de risque sont dépendantes du type de cardiopathie et des stratégies opératoires correctives et/ou palliatives (3). Ainsi, contrairement aux nouveau-nés opérés plusieurs fois, ceux qui bénéficient d’une seule chirurgie cardiaque corrective, comme dans le cas de la TGV, ont en général moins de risques neurologiques liés aux complications intra- ou postopératoires. Par ailleurs, les effets adverses des complications neurologiques intra-opératoires apparaissent significativement plus fréquents et plus sévères en période néonatale comparés à des opérations du même type effectuées entre 1 et 6 mois de vie (2,4). Ceci suggère que le cerveau immature est d’autant plus vulnérable en période néonatale face aux risques hypoxiques associés aux CC cyanogènes (4). Le pattern neurologique lésionnel postopératoire correspond ainsi majoritairement à une aggravation des lésions hypoxiques de la substance blanche avec une incidence relativement réduite de nouveaux épisodes hémorragiques (5 %) (1). Enfin, des études récentes en IRMa ont permis de caractériser des différences de maturation cérébrale régionale quelques mois ou années après la chirurgie néonatale (7). Watanabe et al. (7) ont observé que le volume de substance grise était significativement réduit chez les nouveau-nés ayant une CC. Plus précisément, cette perte de volume était plus apparente dans les lobes frontaux en comparaison au reste du cerveau et elle était d’autant plus importante que l’hypoxie néonatale était sévère (7). Ces résultats sont en accord avec ceux d’Ortinaux et al. (6) en préopératoire et suggèrent qu’il existerait une vulnérabilité neurologique accrue pour les régions cérébrales à maturation tardive, notamment les lobes frontaux. Ces vulnérabilités pourraient avoir un impact délétère sur la trajectoire développementale de fonctions cognitives de haut niveau, telles que les fonctions exécutives qui nécessitent l’intégrité neuronale des réseaux frontaux. 3. Devenir neurocognitif des enfants ayant une CC Plusieurs types de morbidités neurocognitives ont été associés aux CC et en particulier aux CC complexes nécessitant une intervention chirurgicale sous CEC. Des caractéristiques communes dans le profil neurocognitif sont retrouvées chez cette catégorie de patients avec néanmoins des variations dans le degré de sévérité et l’étendue des dysfonctionnements en fonction notamment de la complexité de la CC. Une grande majorité d’études ont suivi des cohortes hétérogènes en termes de type de malformation et de prise en charge opératoire. Ceci complique la généralisation des conclusions, le pronostic pouvant être très dépendant de ces variables. Néanmoins, des patterns communs indiquent qu’il existe des domaines de grande vulnérabilité à différents moments du développement. 3.1 De 0 à 3 ans Plusieurs études ont observé des anomalies neurologiques et comportementales chez des nouveau-nés avec CC complexe (1,2). Une incidence plus élevée de microcéphalie a été ainsi détectée chez les nouveau-nés avec des CC cyanogènes en comparaison aux malformations non cyanogènes (1). L’étude longitudinale de Sananes et al. (8) a caractérisé le développement psychomoteur (motricité globale et fine) et cognitif global (score aux échelles de Bayley) des enfants ayant des CC complexes âgés entre 8 et 24 mois, opérés à cœur ouvert avant l’âge de 3 mois. Leurs résultats vont dans le sens de la plupart des recherches à cet âge, à savoir des retards légers à modérés en motricité globale et en motricité fine dès l’âge de 8 mois malgré des niveaux de développement cognitif dans la norme (QI entre 90 et 95 toutes CC confondues). Cependant, selon un questionnaire rempli par les parents des enfants pour évaluer différents domaines cognitifs (capacités de résolution des problèmes, progrès dans la communication verbale et la socialisation), le pourcentage d’anomalies cognitives augmentait significativement avec l’âge, notamment pour les difficultés spécifiques de résolution des problèmes et les scores de socialisation et de communication ainsi que les retards en motricité générale. 3.2 A l’âge préscolaire Le profil neurocognitif des enfants ayant une CC est souvent caractérisé par des dysfonctionnements dans plusieurs domaines cognitifs, comme les fonctions exécutives, les capacités visuo-spatiales, l’adaptation sociale ainsi que des difficultés du langage notamment sous le versant expressif (9). Le quotient intellectuel général est, quant à lui, généralement préservé malgré certaines variations autour de la norme pour certains sous-groupes des CC notamment celles le plus complexes (9,10). L’étude prospective en population EPICARD (Epidémiologie des cardiopathies congénitales), qui a recensé en trois ans tous les cas de CC diagnostiqués de la période fœtale à un an dans la région parisienne (Paris et petite couronne), a permis de mieux comprendre le pronostic neurodéveloppemental des CC. Les premiers résultats de cette grande étude de cohorte montrent que, en tant que groupe, les enfants ayant une CC sans comorbidités génétiques ni extra-cardiaques majeures présentent un Quotient Intellectuel (QI) global dans la norme (10). Néanmoins, certaines sous-catégories de cardiopathies, notamment celles associées aux malformations des voies d’éjection (TGV, tétralogie de Fallot) sont associées à un risque plus important de retard mental sévère, bien que ce pourcentage reste faible (10). Les premières analyses de cette étude ont par ailleurs mis en avant une vulnérabilité accrue des fonctions cognitives non verbales notamment celles en lien avec les capacités d’attention, de mémoire de travail et de raisonnement conceptuel (10). Ces résultats appuient les multiples données provenant des séries hospitalières ayant suivi des cohortes d’enfants ayant une CC complexe isolée comme la TGV (11-13). Leurs résultats ont montré un QI dans la norme avec cependant une différence significative entre les scores à l’échelle verbale et à l’échelle de performances (raisonnement non verbal), ces derniers étant significativement plus bas. D’importantes difficultés oro-praxiques et du langage expressif en général ainsi que des dysfonctionnements visuo-moteurs ont été également observés. Enfin, des déficits des fonctions exécutives et de la cognition sociale (difficultés à traiter des informations sociales comme les émotions complexes ou à se mettre à la place d’autrui) ont été observés et peuvent constituer un problème neuropsychologique majeur dans cette population dès l’âge préscolaire (9, 11,12). 3.3 A l’âge scolaire et à l’adolescence Le pronostic neurocognitif observé entre 6 ans et 16 ans pour les enfants ayant une CC notamment complexe, est également caractérisé par un QI général dans la norme ainsi que par divers déficits spécifiques dans les domaines sensori-moteur, des fonctions exécutives, de la cognition sociale, du langage expressif, du traitement visuo-spatial et du comportement (14). Hövels-Gürich et al. (15) ont conduit un suivi longitudinal des enfants âgés de 5 à 10 ans et ayant une CC corrigée en période néonatale sous circulation extracorporelle. Les résultats de cette étude ont mis en évidence des scores au test d’intelligence (Echelles de Kauffman, KABC) dans la norme (seulement 3 % avaient une réduction significative à moins -1 écart-type de la moyenne). Par ailleurs, près de 20 % des enfants ayant une TGV présentaient des déficits globaux en expression orale ainsi que des difficultés modérées en motricité générale (équilibre, coordination). L’examen clinique neurologique a révélé une microcéphalie pour 8 % des enfants ainsi que des difficultés relevant de dyspraxies motrices développementales pour environ 10 % des enfants. La grande majorité de ces anomalies cliniques neurologiques étaient considérées comme légères à modérées. Les facteurs de risque médicaux qui se sont avérés significativement associés aux déficits cognitifs étaient la présence d’acidose métabolique et d’hypoxie importante en préopératoire, la durée de circulation extracorporelle et les épisodes cardiologiques adverses en soins postopératoires (15). Enfin, la comparaison des dysfonctionnements observés à 10 ans avec ceux observés à l’âge de 5 ans a permis de démontrer une aggravation significative des difficultés avec l’âge. Le taux de déficits dans au moins un domaine neurocognitif est passé de 26 % à 55 % entre l’âge de 5 et 8 ans. Le taux d’anomalies repérées à l’examen neurologique a aussi augmenté de 9 % à 5 ans contre 26 % à 10 ans. L’aggravation des difficultés neurocognitives dans d’autres domaines spécifiques comme les fonctions exécutives a été également observé, ce qui suggère une accumulation potentielle des retards pouvant affecter durablement les apprentissages scolaires et l’adaptation sociale à long terme des enfants (16). Le suivi longitudinal de la cohorte ayant une TGV corrigée examinée par l’équipe de Boston à l’âge de 8 ans puis à 16 ans, a permis de répondre de façon plus précise à un certain nombre d’interrogations dans d’autres domaines cognitifs (13,17). L’analyse des résultats a montré à 8 ans un QI dans la norme (97), malgré une différence significative entre le QI verbal et le QI de performance (non verbal), ce dernier étant plus faible pour près de 80 % des enfants. Cette atteinte sélective confirme la vulnérabilité particulière des processus non verbaux. Par ailleurs, les scores de mémoire étaient significativement inférieurs à la norme notamment pour les tests de mémoire visuelle de figures. Le domaine du langage expressif était également significativement altéré avec des scores aux tests de praxies du langage (programmation oro-motrice), de fluence verbale et d’expression verbale narrative (organisation et langage pragmatique) en dessous des normes. Des difficultés attentionnelles et d’organisation ont été également repérées pour une majorité d’enfants. Ces difficultés cognitives semblent persister à l’adolescence (à l’âge de 16 ans en moyenne) malgré une préservation générale de l’intelligence pour une très grande majorité des cas (17). Enfin, les problèmes de comportement peuvent être fréquents chez un pourcentage important d’enfants et adolescents ayant une CC (18). Plus spécifiquement, selon les résultats à l’échelle diagnostique d’attention et d’hyperactivité (Attention-Deficit/Hyperactivity disorder rating scale IV, preschool version3), environ 30 % de ces enfants ont des déficits d’attention et 22 % en plus ont des scores d’hyperactivité (18). Ces problèmes d’attention et d’hyperactivité ont été observés aussi bien pour des enfants avec une CC cyanogène (toutes cardiopathies confondues) d’âge scolaire (entre 7 et 12 ans) que pour des sous-groupes isolés de CC cyanogène (comme la tétralogie de Fallot) (14). 3 L’échelle Attention-Deficit/Hyperactivity disorder rating scale IV (ADHD-IV) mesure les symptômes d’ADHD selon les critères du manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-IV). Il existe une version préscolaire et une version scolaire pour les enfants de plus de 6 ans. L’étude de Shillingford et al. (18) a évalué spécifiquement la prévalence de troubles de l’attention et de l’hyperactivité chez un groupe d’une centaine d’enfants âgés de 5 à 10 ans incluant plusieurs types de cardiopathies corrigées ou palliées avant l’âge de 2 mois. L’objectif était de caractériser les problèmes d’attention et d’hyperactivité selon les rapports des parents et des enseignants des enfants à l’aide de deux questionnaires standardisés ciblés (Behavior Assessment System for children, BASC et le ADHD-IV)4. Les résultats montrent que dans le domaine des troubles de l’attention, 28 % des enfants étaient classés à risque par les parents et les enseignants. Dans le domaine de l’hyperactivité, 20 % des enfants étaient classés à risque. Ces résultats indiquent que le pourcentage d’enfants à risque dans ce groupe avec CC est 3 à 4 fois supérieur de ce qui est attendu dans la population générale. Au questionnaire spécifique d’ADHD-IV, les données de cette étude ont montré un pourcentage plus élevé d’enfants à risque de troubles de l’attention (35 % par les parents et 15 % par les enseignants) et d’hyperactivité (près de 30 % pour les parents et 20 % pour les enseignants) (18). Bellinger et al. (19) ont rapporté des données concernant les troubles du comportement après une TGV chez des enfants de 4 à 8 ans. Dans cette étude, les auteurs mettent en évidence des problèmes d’attention et des problèmes sociaux récurrents dans cette population. En utilisant deux questionnaires remplis par les parents et par les enseignants des enfants (CBCL et Connors’ Parent and Teacher Rating Scale)5, ces auteurs ont mesuré la fréquence des troubles dans ce groupe d’enfants avec TGV en comparaison aux normes de référence. Les données ont montré que les parents et les enseignants rapportaient des scores significativement 4 Le questionnaire BASC et le ADHD-IV évaluent précisément un ensemble de symptômes dans différents contextes (familial et scolaire) qui permettent de classifier le niveau de risque en « risque élevé » pour les scores au-dessus de 2 écarts-types de la norme de référence ; « risque intermédiaire » pour les scores entre 1 et 2 écarts types au-dessus de la norme et « risque faible » pour les scores aux alentours de la moyenne dans la population de référence selon l’âge de l’enfant 5 Le Connors’ Parent and Teacher Rating scales évalue les troubles du comportement des enfants d’âge scolaire en donnant lieu à huit sous-échelles : troubles de conduites, anxiété-timidité, désorganisation-agitation, problèmes d’apprentissage, problèmes psycho-somatiques, troubles obsessifs-compulsifs, troubles sociaux, hyperactivité. supérieurs à la norme et classés dans la catégorie de troubles importants (« clinical concern disorders») pour 1 enfant sur 5. Plus généralement, 1 enfant sur 4 était décrit par ses parents et ses enseignants comme présentant au moins un trouble important du comportement notamment en terme de problèmes d’attention, d’apprentissages scolaires et des problèmes interpersonnels (isolement ou agressivité sociale). 4. Répercussions cliniques: prise en charge neurodéveloppementale Les déficits cognitifs chez des enfants ayant des CC ont des répercussions délétères dans leur intégration scolaire et sociale qui nécessitent souvent une prise en charge (18). Le dépistage et la prise en charge paramédicale et éducative sont devenus à présent une priorité pour les enfants à haut risque notamment pour ceux qui ont présenté des épisodes neurologiques adverses en période néonatale (20). Les déficits neurocognitifs observés constituent ainsi un problème de santé publique dans cette population et ont des implications psycho-éducatives et sociodémographiques importantes. Des données françaises récentes obtenues sur une série hospitalière de patients ayant une TGV corrigée sans comorbidités génétiques a montré que plus de 50 % des enfants avaient recours à une rééducation neurodéveloppementale à l’âge de 5 ans (16). Dans une autre cohorte ayant une TGV corrigée et évaluée à l’âge de 8 ans, 34 % des enfants avaient déjà été suivis en orthophonie, 16 % en psychomotricité et 9 % en psychologie. Dix pour cent de ces enfants avaient déjà redoublé une classe et 8 % recevaient un traitement pharmacologique pour troubles de l’attention avec hyperactivité (13). Par ailleurs, le pourcentage d’adolescents ayant reçu un type de prise en charge neurodéveloppementale atteint les 65 % à l’âge de 16 ans (17) et le pourcentage ayant été diagnostiqué avec un trouble de l’attention avec hyperactivité (ADHD) ou avec un trouble psychiatrique était de 14 % dans cette cohorte. L’ensemble de ces données mettent ainsi en avant la nécessité d’une identification précoce des dysfonctionnements cognitifs permettant de cibler des stratégies de rééducation et de prise en charge neuropsychologique. En conclusion, les CC notamment complexes peuvent être associées à des divers types de problèmes neurodéveloppementaux spécifiques. Ces troubles, qui sont très rarement associés à un retard mental, incluent très fréquemment des difficultés non verbales comme des déficits psychomoteurs, des problèmes d’attention et des fonctions exécutives ainsi que des troubles du comportement (hyperactivité et/ou difficultés sociales). L’étiologie de ces dysfonctionnements neurologiques et leurs conséquences comportementales dans les CC est multifactorielle, avec une interaction complexe entre des facteurs de risque liés au patient (conditions préopératoires, type de malformation et syndromes génétiques associés) et des facteurs liés à la prise en charge médicale (facteurs intra-opératoires). La présence précoce des lésions cérébrales notamment touchant la substance blanche chez les CC notamment complexes, met l’accent sur la nécessité de développer des stratégies de neuroprotection. De même le pronostic neurodéveloppemental détaillé des patients avec des CC à l’adolescence et à l’âge adulte demeure mal inconnu. Il est indispensable d’entreprendre et de poursuivre des recherches longitudinales et pluridisciplinaires afin de déterminer le pronostic à long terme de ces troubles et leurs conséquences sur la vie quotidienne et l’intégration sociale et professionnelle future de ces patients. Ceci a un intérêt clinique majeur car le dépistage précoce d’éventuelles difficultés et la mise en place d’une aide rééducative adaptée pourraient contribuer à améliorer le pronostic et la qualité de vie générale des patients concernés. Références 1. Owen M, Shevell M, Majnemer A et al. Abnormal brain structure and function in newborns with complex congenital heart defects before open heart surgery: a review of the evidence. J Child Neurol. 2011; 26:743‑755. 2. Wernovsky G. Current insights regarding neurological and developmental abnormalities in children and young adults with complex congenital cardiac disease. Cardiol Young. 2006;16 Suppl 1:92‑104. 3. McQuillen PS, Miller SP. Congenital heart disease and brain development. Ann N Y Acad Sci. 2010;1184:68‑86 4. Licht DJ, Shera DM, Clancy R et al. Brain maturation is delayed in infants with complex congenital heart defects. J Thorac Cardiovasc Surg. 2009;137(3):529‑536. 5. Miller SP, McQuillen PS. Neurology of congenital heart disease: insight from brain imaging. Arch Dis Child Fetal Neonatal Ed. 2007;92(6):F435‑437. 6. Ortinau C, Beca J, Lambeth J et al. Regional alterations in cerebral growth exist preoperatively in infants with congenital heart disease. J Thorac Cardiovasc Surg. 2012; 143(6):1264‑1270. 7. Watanabe K, Matsui M, Matsuzawa J et al. Impaired neuroanatomic development in infants with congenital heart disease. J Thorac Cardiovasc Surg. 2009;137(1):146‑153. 8. Sananes R, Manlhiot C, Kelly E et al. Neurodevelopmental outcomes after open heart operations before 3 months of age. Ann Thorac Surg. 2012; 93:1577‑1583. 9. Bellinger DC, Newburger JW. Neuropsychological, psychosocial, and quality-of-life outcomes in children and adolescents with congenital heart disease. Progress in Pediatric Cardiology. 2010; 29:87‑92. 10. Calderon J, Willaime M, Lelong N et al. (under review) Cognitive outcomes in children with congenital heart defects: The EPICARD population-based study. 11. Calderon J, Angeard N, Pinabiaux C et al. Facial expression recognition and emotion understanding in children after neonatal open-heart surgery for transposition of the great arteries. Dev Med Child Neurol. 2014; 56(6):564‑571. 12. Calderon J, Jambaque, I, Bonnet D et al (In press). Executive functions development in 5 to 7 year-old children with transposition of the great arteries: a longitudinal study. Dev Neuropsychology. 13. Bellinger DC, Wypij D, duPlessis AJ et al. Neurodevelopmental status at eight years in children with dextro-transposition of the great arteries: the Boston Circulatory Arrest Trial. J Thorac Cardiovasc Surg. 2003;126:1385‑1396. 14. Miatton M, De Wolf D, François K et al. Neurocognitive consequences of surgically corrected congenital heart defects: A review. Neuropsychol Rev. 2006;16(2):65‑85. 15. Hövels-Gürich HH, Seghaye M-C, Schnitker R et al. Long-term neurodevelopmental outcomes in school-aged children after neonatal arterial switch operation. J Thorac Cardiovasc Surg. 2002; 124(3):448‑458. 16. Calderon J, Bonnet D, Pinabiaux C et al. Use of early remedial services in children with transposition of the great arteries. J Pediatr. 2013;163(4):1105‑1110.e1. 17. Bellinger DC, Wypij D, Rivkin MJ et al. Adolescents with d-transposition of the great arteries corrected with the arterial switch procedure: neuropsychological assessment and structural brain imaging. Circulation. 2011;124(12):1361‑1369. 18. Shillingford AJ, Glanzman MM, Ittenbach R et al. Inattention, hyperactivity, and school performance in a population of school-age children with complex congenital heart disease. Pediatrics. 2008;121(4):e759‑767. 19. Bellinger DC, Newburger JW, Wypij D et al. Behavior at eight years in children with surgically corrected transposition: The Boston Circulatory Arrest Trial. Cardiol Young. 2009;19(1):86‑97. 20. Marino BS, Lipkin PH, Newburger JW et al. Neurodevelopmental outcomes in children with congenital heart disease: evaluation and management: a scientific statement from the American Heart Association. Circulation. 2012;126(9):1143‑1172. La transition adolescent/adulte en cardiologie congénitale : un défi épidémiologique BASQUIN A, BONNET D, LADOUCEUR M. Auteur principal : Dr Adeline BASQUIN, Service de Cardiologie, Unité des cardiopathies congénitales de l’adulte et de l’enfant, CHU RENNES. [email protected] Les cardiopathies congénitales (CC) ont une incidence de 8 pour mille à la naissance (1). L’espérance de vie de ces patients a considérablement augmenté grâce aux progrès de leur prise en charge. Aujourd’hui près de 90 % des patients survivent à l’âge adulte (2). De récentes études épidémiologiques ont montré que le rapport enfants / adultes vivant avec une CC complexe s’était inversé au profit des patients adultes au début des années 2000 (3). Malgré ces progrès thérapeutiques, les patients ont fréquemment des lésions résiduelles ou des séquelles après la réparation chirurgicale de la CC. Il y a également un certain nombre d'inconnues sur le devenir à long terme de CC réparées avec des techniques débutées il y a moins de 30 ans. Il est donc recommandé d'exercer une surveillance cardiaque tout au long de la vie et qu'elle soit assurée par des cardiologues spécialisés (4,5,6). Les recommandations européennes et américaines publiées récemment (7,8) détaillent pour chaque type de CC le type de suivi requis. Trois niveaux de soins pour ces adultes ayant une CC ont été proposés dans ces recommandations : 1/ le suivi spécialisé, fait par un cardiologue spécialisé dans les cardiopathies congénitales de l’adulte et le plus souvent dans un centre tertiaire, 2/ le suivi alterné entre cardiologue spécialiste et non spécialiste des CC, 3/ le suivi non spécialisé (8). Les recommandations précisent quel niveau de suivi est le plus approprié en fonction de chaque type de CC (7,8). A l'exception des patients ayant eu une ligature-section d’un canal artériel, tous les patients ayant une CC doivent recevoir des soins dans des centres spécialisés dans les CC de l’adulte, qu’il s’agisse d’un suivi entièrement spécialisé ou partagé entre le centre spécialisé et un cardiologue généraliste. Il a été montré que la publication de ces recommandations a été suivie, dans des centres nordaméricains, d’une augmentation du nombre de patients congénitaux adultes adressés à des centres spécialisés, et plus encore, que cette prise en charge spécialisée permettait de diminuer la mortalité des patients (9). Le suivi en cardiologie pédiatrique pendant l'enfance devrait donc être suivi d'une période de transition autour de l'adolescence puis d'un transfert vers des centres spécialisés dans la prise en charge des CC de l’adulte sans qu’il y ait d’interruption de suivi (7,10,11,12). En l'absence de programmes structurés pour préparer cette transition, les soins des jeunes adultes sont souvent retardés ou inappropriés. Dans le pire des cas, malheureusement fréquent, 21 à 76 % selon les études (4,13,14,15,16), les patients sont perdus de vue ou ont un suivi inadapté. Moins de 30 % de ces adultes ont en effet actuellement un suivi approprié dans des centres spécialisés dans les CC de l’adulte et il est surprenant de constater que moins de 15 % des patients suivis dans ces centres ont une CC complexe. Cela démontre que la prise en charge de cette population est actuellement inadéquate. L’améliorer devrait donc être bénéfique aux patients mais également au système de santé. En effet, la morbidité liée à ces cardiopathies non suivies se traduit par une augmentation du nombre de patients complexes dans les services de cardiologie d’adultes. Plusieurs facteurs de risque de rupture de suivi ont été identifiés tels que le sexe masculin, l’absence d’intervention antérieure (14,17), la complexité de la CC et l’absence d’information sur le suivi nécessaire à l’âge adulte (13,14,17). Une prévention ciblée en fonction de la complexité de la CC et de ses facteurs de risque doit donc être une priorité, par la mise en place essentielle d’un processus de transition de l’adolescence vers l’âge adulte qui soit planifié et structuré. Des recommandations sur l’organisation de programmes de transition dédiés aux adolescents ayant une CC ont été publiées en 2011 (18). Ils se déroulent habituellement sous la forme de séances d’éducation thérapeutique du patient, sur sa cardiopathie et sur l’organisation du suivi spécialisé à l’âge adulte. Les thèmes abordés sont bien sûr la connaissance de la cardiopathie et des symptômes, ainsi que l’explication des traitements et du suivi recommandés. Une éducation sur la prévention des comportements à risque, et des risques inhérant à la rupture de suivi est également souhaitable. Dans une prise en charge plus globale, la sexualité et la contraception, les activités physiques et la qualité de vie sont abordées, ce qui renforce bien souvent l’adhésion au programme et sa qualité. L’objectif attendu est d’optimiser la qualité de vie, l’espérance de vie et la productivité de ces jeunes adultes. Cependant, aucune information scientifique sur la qualité de ces programmes de transition/transfert, sur leur impact, sur le risque de rupture de suivi, et donc de complications liées aux CC, n’est pour le moment disponible. De telles évaluations sont souhaitables et seront sans doute permises par le développement exponentiel actuellement observé de ces programmes. Références 1. Hoffman JI, Kaplan S. The incidence of congenital heart disease. J Am Coll Cardiol 2002;39:1890 –900. 2. Moons P, Bovijn L, Budts W, Belmans A, Gewillig M. Temporal trends in survival into adulthood among patients born with congenital heart disease from 1970 to 1992 in Belgium. Circulation 2010;22: 2264–72. 3. Marelli AJ, Mackie AS, Ionescu-Ittu R, Rahme E, Pilote L. Congenital heart disease in the general population: changing prevalence and age distribution. Circulation 2007;115:163–172. 4. Wacker A, Kaemmerer H, Hollweck R, et al. Outcome of operated and unoperated adults with congenital cardiac disease lost to follow-up for more than five years. Am J Cardiol 2005;95:776 –9. 5. Landzberg MJ, Murphy DJ Jr., Davidson WR Jr., et al. Task force 4: organization of delivery systems for adults with congenital heart disease. J Am Coll Cardiol 2001;37:1187–93. 6. CONCOR, an initiative towards a national registry and DNA-bank of patients with congenital heart disease in the Netherlands: rationale, design, and first results. van der Velde ET, Vriend JW, Mannens MM, Uiterwaal CS, Brand R, Mulder BJ. Eur J Epidemiol. 2005;20:549-57. 7. Warnes CA, Williams RG, Bashore TM, et al. ACC/AHA 2008 guidelines for the management of adults with congenital heart disease: a report of the American College of Cardiology/American HeartAssociation Task Force on Practice Guidelines (Writing Committee to Develop Guidelines on the Management of Adults With Congenital Heart Disease). J Am Coll Cardiol 2008;52:e143–263. 8. Baumgartner H., Bonhoeffer P., De Groot N, et al.. ESC Guidelines for the management of grown-up congenital heart disease The Task Force on the Management of Grown-up Congenital Heart Disease of the European Society of Cardiology (ESC) Endorsed by the Association for European Paediatric Cardiology (AEPC). European Heart Journal 2010;31:2915–2957. 9. Mylotte D, Pilote A, Ionescu -Ittu R, Abrahamowicz M, Khairy P, Therrien J, Mackie AS, Marelli A. Specialized adult congenital heart disease care: the impact of policy on mortality. Circulation. 2014 May 6;129(18):1804-12. 10. Deanfield J, Thaulow E, Warnes C, et al. Management of grown up congenital heart disease. Eur Heart J 2003;24:1035– 84. 11. Foster E, Graham TP Jr., Driscoll DJ, et al. Task force 2: special health care needs of adults with congenital heart disease. J Am Coll Cardiol 2001;37:1176–83. 12. Murphy DJ Jr., Foster E. ACCF/AHA/AAP recommendations for training in pediatric cardiology. Task force 6: training in transition of adolescent care and care of the adult with congenital heart disease. J Am Coll Cardiol 2005;46:1399–401. 13. Reid GJ, Irvine MJ, McCrindle BW, et al. Prevalence and correlates of successful transfer from pediatric to adult health care among a cohort of young adults with complex congenital heart defects. Pediatrics 2004;113:e197–205. 14. Mackie AS, Ionescu-Ittu R, Therrien J, Pilote L, Abrahamowicz M, Marelli AJ. Children and adults with congenital heart disease lost to follow-up: who and when? Circulation 2009;120:302–9. 15. de Bono J, Freeman LJ. Aortic coarctation repair—lost and found: the role of local long term specialised care. Int J Cardiol 2005;104:176–83 16.Yeung E, Kay J, Roosevelt GE, Brandon M, Yetman AT. Lapse of care as a predictor for morbidity in adults with congenital heart disease. Int J Cardiol 2008;125:62–5. 17. Session « Organisation de la prise en charge des patients congénitaux adultes. Quelles sont les modalités de la transition de l'âge pédiatrique à l'âge adulte pour les patients atteints de cardiopathies congénitales ? » L. Iserin et M Ladouceur, 22eme Journées européennes de la société française de cardiologie, janvier 2012 18. Sable C, Foster E, Uzark K, et al.; American Heart Association CongenitalHeart Defects Committee of the Council on Cardiovascular Disease in the Young, Council on Cardiovascular Nursing, Council on Clinical Cardiology, and Council on Peripheral Vascular Disease.Best practices in managing transition to adulthood for adolescents with congenitalheart disease: the transition process and medical and psychosocial issues: a scientific statement from the American Heart Association. Circulation TABLE RONDE 2 Infection materno-foetale, une urgence pour de nouvelles recommandations Place des marqueurs biologiques dans le diagnostic de l’infection néonatale bactérienne précoce Jean-Baptiste MULLER CHU de Nantes Malgré les progrès de prévention, l’infection materno-fœtale reste un problème quotidien en maternité et en néonatalogie en raison de sa gravité potentielle. Depuis les recommandations de l’ANAES de 2002, un dépistage et éventuellement une antibioprophylaxie maternelle sont préconisés en présence de facteurs de risque anamnestiques ou cliniques (ANAES 2002 ). L’épidémiologie des infections dans ce contexte a évolué rapidement ces dernières années, de 1,5 ‰ à 0,25-0,50 ‰ (Jourdan-Da Silva BEH 2008). A l’ère de cette prévention, ces situations à risque sont à réévaluées. D’autant que le diagnostic certain d’infection est rare (présence d’un prélèvement central, hémoculture ou LCR positif) et que la prise en charge se discute pour des nouveau-nés possiblement infectés. Pour guider le clinicien, hormis les critères cliniques (nouveau-né symptomatique après H2 ), les facteurs de risque anamnestiques ou les prélèvements bactériologiques périphériques sont de peu de recours (Cottineau 2013). Dans ce contexte, les marqueurs biologiques doivent être une aide à la mise en place et à l’arrêt de l’antibiothérapie. L’apport diagnostique, bien que faible ou tardif, de la NFS et de la CRP avait été défini dans les recommandations émises par l’ANAES en 2002. L’étude de certains marqueurs précoces de sepsis ou d’inflammation, comme certaines interleukines ou protéines sériques, semble intéressante mais reste peu accessible et concerne à ce jour le domaine de la recherche. La procalcitonine, protéine de la phase aiguë, est un marqueur précoce et spécifique d’infection bactérienne. Son apport dans le diagnostic d’infection materno-fœtale a été évalué dans différents travaux, et semble prometteur. Selon les recommandations de l’ANAES en 2002, tout nouveau-né suspect d’infection néonatale doit faire l’objet d’un bilan infectieux comprenant une numération formule sanguine et d’une CRP. Concernant la NFS, l’étude des anomalies de la lignée granuleuse est la plus intéressante. La leucocytose ou la leucopénie sont peu contributives au diagnostic d’IMF. L’apport diagnostique du nombre de neutrophiles totaux (T), immatures (I) et leur rapport a été étudié. La neutropénie semble intéressante mais peu spécifique (Manroe 1979), tout comme l’étude du rapport I/T. En effet, ces marqueurs sont influencés par l’hypoxie, l’hyperthermie, l’HTA gravidique. Si certaines équipes ont proposé des scores hématologiques (Rodwell RL 1993), l’apport de l’hémogramme dans le diagnostic d’IMF reste faible. La CRP, protéine de la phase aiguë de l'inflammation, est le marqueur inflammatoire le plus largement utilisé. Sa synthèse est déclenchée par l'IL6, et son élévation en cas d'infection est décalée. Son taux s'élève entre 6 et 12 heures après le début de l'infection, et son dosage précoce est donc peu contributif (Kawamura Acata Paediatrica 1995). De plus, son élévation peut être observée en l'absence d'infection dans certaines situations telles que l'inhalation de liquide méconiale, les traumatismes périnataux ou au décours de l'instillation de surfactant exogène. En revanche, son dosage répété au cours de la surveillance de nouveau-nés suspects d'infection, notamment entre 12 et 72 heures de vie contribue à différencier les patients probablement infectés des patients chez qui l'antibiothérapie peut ne pas être initiée ou poursuivie (Benitz Pediatrics 1998). Différentes protéines de la phase aiguë de l'inflammation telles que l'IL-6, l'IL-8, ont pu être étudiées plus récemment. L'intérêt s'est porté sur ces molécules dont l'élévation est très précoce au cours d'un processus inflammatoire. Leur cinétique a été bien décrite, tant chez le prématuré que chez le nouveau-né à terme (Chiesa, Signore 2001, Suguna Narasimhulu 2013). Leur contribution au diagnostic d'infection materno-fœtale pourrait être intéressante, cependant elles ne sont pas utilisées en clinique et leur étude reste du domaine de la recherche. La procalcitonine a été très largement étudiée en contexte d'infection. Sa cinétique et son élévation précoce au cours de ces processus sont bien décrites (Sgarbi 2004). D''autre part son décalage est discriminant pour l'origine bactérienne de l'infection (Mitaka 2005). Dans le contexte de suspicion d'infection néonatale, son étude a été limitée par son élévation physiologique dès les premières heures de vie et pendant les premiers jours (Chiesa 1998). Sa contribution au diagnostic d'infection néonatale semblait alors faible. Etant donné les qualités biologiques de ce marqueur et pour répondre aux exigences cliniques, il semblait légitime d'étudier l'apport diagnostique de la procalcitonine dosée au cordon en cas de suspicion d'infection materno-fœtale. Plusieurs travaux successifs ont été réalisés à ce sujet. Tout d'abord une étude prospective réalisée chez 197 nouveau-nés, retrouvait une sensibilité (87,5 %) et une spécificité (98,7 %) satisfaisantes au seuil de 0,5 ng/ml (Joram 2006). Une étude plus large, rétrospective sur plus de 2 000 nouveau-nés a confirmé ces données (Gras-Le Guen 2011). Dans cette étude la procalcitonine était la plus performante pour le diagnostic d'infection (spécificité 97 %, sensibilité 85 %). Bien que contributif, il ne s'agit pas du marqueur idéal, et son étude doit être confrontée aux autres facteurs de risque. Ainsi, le travail de Cabaret et al., publié en 2013, démontre les capacités diagnostiques d'un algorithme de prise en charge de l'infection materno-fœtale intégrant le dosage de la procalcitonine au cordon (sensibilité 87,5 % et spécificité 87,3 %). D'autre part l'utilisation d'un tel algorithme est très favorable sur le plan médico-économique. L'incidence de l'infection materno-fœtale a donc rapidement baissé depuis les recommandations de l'ANAES en 2002 et la mise en place de mesure de dépistage et prophylactique. Pour réserver l'antibiothérapie aux seuls nouveau-nés qui vont en bénéficier, l'arbre décisionnel de prise en charge de l'infection materno-fœtale doit donc être adapté. De nouveaux biomarqueurs tels que la procalcitonine pourrait être intégré à cet algorithme. Une évaluation large et multicentrique de ces travaux est nécessaire pour faire évoluer les recommandations. DIACORD : Validation d’un algorithme décisionnel dans la prise en charge des nouveau-nés suspects d’infection néonatale précoce Christèle GRAS-LE GUEN1-2, Jean Baptiste MULLER3, Jocelyne CAILLON2-4, Bruno GIRAUDEAU5, Elise LAUNAY1, Jean Christophe ROZE2. 1 : Service de Pédiatrie, Hôpital Mère Enfant CHU NANTES 2 : EA 3826, Thérapeutiques anti-infectieuses, Faculté de médecine de NANTES 3 :Service de Néonatologie, Hôpital Mère Enfant CHU NANTES 4 : Laboratoire de microbiologie, CHU NANTES 5 :CIC CHU TOURS Le diagnostic d’infection néonatale précoce est difficile à établir, puisque durant les premiers jours de vie, la séméiologie de l’infection est très peu informative. Les recommandations pour la pratique clinique de l’ANAES publiées en 2002 tiennent compte de cette spécificité en stipulant que « tout nouveau-né qui va mal, sans raison apparente, est a priori suspect d'infection ». Cette difficulté diagnostique est à l’origine de l’inquiétude des cliniciens qui connaissent le potentiel d’aggravation parfois foudroyante des infections diagnostiquées trop tardivement. Alors que l’incidence des infections néonatales précoces a diminué depuis la généralisation de l’antibioprophylaxie per-natale (1,7 infection néonatale précoce à Streptocoque B pour 1 000 naissances en 1990 versus 0,4 ‰ en 2008 aux Etats-Unis), cette inquiétude diagnostique est encore à l’origine de nombreux bilans biologiques, ainsi que des prescriptions d’antibiothérapie à large spectre. Cette exposition précoce aux antibiotiques participe à l’émergence de bactéries résistantes, ainsi qu’à des perturbations dans l’implantation de la flore néonatale, dont on mesure aujourd’hui les conséquences délétères à distance de la naissance (pathologie allergique, obésité, maladies inflammatoires…). Ainsi, il paraît indispensable de limiter en urgence l’exposition néonatale aux antibiotiques. Utilisé en routine depuis 2005 dans notre maternité, le dosage de la procalcitonine (PCT) au sang du cordon s’est avéré un marqueur diagnostique performant d’infection néonatale précoce, avec une probabilité d’infection inférieure à 0,001 % (0–1,10-5) en cas de dosage de PCT< à 0,6 ng/ml. Ce marqueur a été intégré à un algorithme (Figure 1) élaboré à partir d’une cohorte prospective de 5 904 enfants nés à la maternité du CHU de Nantes en 2012. Parmi les 20 nouveau-nés classés a posteriori comme infectés (3,38 ‰ des naissances) seuls 3 enfants présentaient une infection certaine (hémoculture positive) (0,5 ‰). Les performances diagnostiques du nouvel algorithme (intégrant le dosage de PCT) n’étaient pas différentes de celui utilisé auparavant : probabilité post-test en cas de test positif 9 % [7,8-10,2] vs 6 % [5-7] ,et 0,001 % [0-10-5] vs 0,001 % [0-10-5 ] en cas de test négatif respectivement. En revanche, ce nouvel algorithme permettrait une diminution significative des examens complémentaires (12,7 % IC95 % [11,4-14] d’enfants faisant l’objet d’un bilan sanguin vs 39,6 % IC95 % [37,6-41,6]) ainsi que des prescriptions antibiotiques (8,9 % [7,8-10] vs 13,3 % [11,9-14,7]). Cependant, compte tenu du caractère unicentrique de ce travail, il est indispensable de valider cette approche à l’occasion d’une vaste étude nationale multicentrique contrôlée randomisée en cluster. En effet, compte tenu de la rareté des cas d’infections certaines, il est nécessaire d’inclure un grand nombre de nouveau-nés afin de garantir à l’étude une puissance suffisante. Un caractère innovant par rapport aux pratiques actuelles Cette prise en charge des enfants suspects d’infection néonatale précoce basée à la fois sur les signes cliniques et sur la valeur de la PCT dosée au cordon constitue une approche originale : i) par rapport aux recommandations françaises de 2002 qui sont les seules à s’appuyer encore sur l’examen du liquide gastrique., ii) par rapport au Royaume Uni où un dosage de CRP est recommandé en complément des données cliniques iii) par rapport aux USA où l’évaluation est essentiellement clinique. L’originalité du projet DIACORD tient également à une évaluation de l’algorithme diagnostique en situation réelle, au moyen d’un essai randomisé pragmatique impliquant de nombreuses maternités. Il paraît en effet important de pouvoir évaluer les pratiques de chaque centre, et d’évaluer ensuite l’apport diagnostique et thérapeutique du nouvel algorithme intégrant la PCT au cordon. L’objectif principal de l’étude sera de déterminer si un algorithme incluant un dosage de PCT au cordon permet de réduire l’exposition aux antibiotiques sans augmenter le risque d’évolution défavorable en comparaison avec la prise en charge actuelle basée sur les recommandations 2002 de l’ANAES. Il s’agit donc d’un objectif double i) de supériorité visà-vis de l’exposition aux antibiotiques, ii) et de non infériorité vis-à-vis des performances diagnostiques (survenue d’effets secondaires graves). Méthodologie L’objectif secondaire de cette étude sera de déterminer si un algorithme incluant un dosage de PCT au cordon permet de réduire le nombre des hospitalisations et des examens complémentaires (biologiques et radiologiques) en comparaison avec la prise en charge actuelle basée sur les recommandations 2002 de l’ANAES. Le critère de jugement principal est i) un critère de supériorité portant sur l’exposition aux antibiotiques (précision dans les 8 premiers jours de vie) ii) mais aussi un critère de non infériorité composite incluant durant le premier mois de vie : décès (quelle qu’en soit la cause), hospitalisation en soins intensifs, complications spécifiques à l’infection (ie vascularite postméningite, SDRA postalvéolite …), hospitalisation pour infection néonatale tardive. Un appel téléphonique systématique à 1 mois permettra de renseigner le critère de jugement principal. Le critère de jugement secondaire portera sur la durée d'antibiothérapie, les effets secondaires de l’antibiothérapie et la durée d’hospitalisation. La population de l’étude sera constituée des nouveau-nés d’âge gestationnel supérieur à 32 SA suspects d’infection néonatale précoce selon les critères anamnestiques de l’ANAES (grade A et B) lors de leur séjour en maternité ou service de néonatologie. Le plan expérimental de cette étude multicentrique contrôlée randomisée est un schéma en cluster avec un "stepped wedge" design. L'unité de randomisation est le service de néonatalogie de chacun des centres impliqués. Chaque centre débute l'essai dans le groupe contrôle i.e. avec la prise en charge habituelle. La randomisation attribue à chaque centre le délai au bout duquel il va mettre en place le nouvel algorithme avec le dosage de la PCT au cordon. Ce dosage est réalisé dans chaque centre et disponible dans l’heure qui suit la naissance. Une quinzaine d’équipes s’est déjà portée volontaire pour participer à ce travail. On dénombre pour l’instant plus de 50 000 naissances par an sur l’ensemble de ces maternités. 30 à40 % des N Nés (selon les centres) font l’objet d’une suspicion d’infection néonatale soit un minimum de 15 000 nouveau-nés par an susceptibles d’être inclus dans l’étude. Bénéfices attendus pour le patient et/ou pour la santé publique Notre hypothèse est qu’un algorithme décisionnel intégrant éléments cliniques et dosage de PCT au sang de cordon pourrait permettre de réserver les prescriptions d’antibiotiques aux patients identifiés comme à haut risque d’infection néonatale et de limiter les prescriptions inutiles chez ceux à bas risque. La diminution de l’exposition aux antibiotiques est une priorité pour l’ensemble de la population, mais particulièrement cruciale en période néonatale où il est apparu que les modifications induites dans l’implantation de la flore à cette période étaient associées à des perturbations dans la maturation du système immunitaires à l’origine de pathologies s’exprimant plus tardivement. Les pathologies pour lesquelles un lien épidémiologique a été établi sont l’allergie (dans sa forme respiratoire et cutanée), l’obésité, mais aussi certaines maladies inflammatoires chroniques. Ainsi, une diminution du recours aux antibiotiques permettrait peut-être d’enrayer l’augmentation très significative de l’incidence de ces pathologies durant les 10 dernières années. Enfin, la diminution du nombre des examens complémentaires, outre son aspect économique permettrait surtout de limiter la pénibilité des ponctions veineuses répétées pour l’enfant, au même titre que la diminution du nombre des hospitalisations, tout en facilitant le lien mère-enfant. BIBLIOGRAPHIE • Joram N, Muller JB, Denizot S, Orsonneau JL, Caillon J, Rozé JC, Gras-Le Guen C. Umbilical cord blood procalcitonin level in early neonatal infections: a 4-year university hospital cohort study. Eur J Clin Microbiol Infect Dis. 2011;30:1005-13. • Lencot S, Cabaret B, Sauvage G, Laurans C, Launay E, Orsonneau JL, Caillon J, Boscher C, Roze JC, Gras-Le Guen C. A new procalcitonin cord-based algorithm in early-onset neonatal infection: for a change of paradigm. Eur J Clin Microbiol Infect Dis. 2014 Feb 11. • Antibiotics for the prevention and treatment of early-onset neonatal infection. Issued: August 2012 NICE clinical guideline 149 guidance.nice.org.uk/cg149. • Randis TM, Polin RA. Early-onset group B Streptococcal sepsis: new recommendations from the Centres for Disease Control and Prevention. Arch Dis Child Fetal Neonatal Ed. 2012;97:F291-4. • Penders J, Thijs C, Vink C, Stelma FF, Snijders B, KummelingI, et al. Factors influencing the composition of the intestinal microbiota in early infancy. Pediatrics 2006;118:511—21. • Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé. Diagnostic et traitement curatif de l’infection bactérienne précoce du nouveau né. September 2002; http://www.hassante. fr/portail/jcms/c_272226/diagnostic-et-traitementcuratif-de-l-infection-bacterienne-precocedu-nouveau-ne. • Surveillance de la consommation et de la résistance aux antibiotiques, BEH 2013 ; 42-43 • Bennet R, Eriksson M, Nord CE. The fecal microflora of 1-3-month-old infants during treatment with eight oral antibiotics Infection 2002;30:158—60 • Huh SY, Rifas-Shiman SL, Zera CA, Edwards JW, Oken E, Weiss ST, Gillman MW.Delivery by caesarean section and risk of obesity in preschool age children: a prospective cohort study. Arch Dis Child. 2012 Jul;97(7):610-6. • Bäckhed F, Ding H, Wang T, Hooper LV, Koh GY, Nagy A, et al.The gut microbiota as an environmental factor that regulates fat storage. Proc Natl Acad Sci U S A 2004;101:15718— 23. • Vaarala O, Atkinson MA, Neu J. The ‘‘perfect storm’’ for type 1 diabetes: the complex interplay between intestinal microbiota, gut permeability, and mucosal immunity. Diabetes 2008;57:2555—62. • Kummeling I, Stelma FF, Dagnelie PC, Snijders BE, Penders J,Huber M, et al. Early life exposure to antibiotics and the subsequent development of eczema, wheeze, and allergic sensitization in the first 2 years of life: the KOALA Birth Cohort Study. Pediatrics 2007;119:e225—31. • Mshvildadze M, Neu J, Mai V. Intestinal microbiota development in the premature neonate: establishment of a lasting commensal relationship? Nutr Rev 2008;66:658—63 Figure 1: Proposition d’algorithme diagnostique et thérapeutique NNé suspect d’infection néonatale OUI Signes de gravité? NON OUI Hémoculture ± PL ± Rx Thorax + Hospitalisation Symptomatique H2? Signe de gravité ou anomalie biologique NON PCT au cordon < 0,6 ng/ml > 0,6 ng/ml CRP >20 mg/l H12 OUI ou signes cliniques NON Surveillance clinique en maternité 48 h NON OUI Apparition de signes cliniques Hémoculture + ATB IV + Hospitalisation ATB IV dans l’heure Réévaluation clinique et biologique à 48 h TABLE RONDE 3 Pneumopathies graves de l’enfant Incidence des pneumopathies acquises sous ventilation mécanique en réanimation pédiatrique Stéphane Dauger, Maryline Chomton, Sophie Le Garrec, Thomas Bontant Service de Réanimation et Surveillance Continue Pédiatriques, Pôle de Pédiatrie Médicale, Hôpital Robert-Debré, Assistance Publique - Hôpitaux de Paris et Université Paris-Diderot, Paris VII Correspondance: Stéphane Dauger Service de Réanimation et Surveillance Continue Pédiatriques Pôle de Pédiatrie Aiguë et Médecine Interne, Hôpital Robert-Debré, Assistance Publique - Hôpitaux de Paris et Université Paris-Diderot, Paris VII 48, boulevard Sérurier, 75019 Paris, France. Téléphone: 01-40-03-22-87 Fax: 01-40-03-24-78 M-él: [email protected] Mots / Caractères du titre: 10/90 Mots / Caractères du texte: 2816/19512 Conflits d’intérêts : Les auteurs précisent qu’ils n’ont aucun conflit d’intérêt concernant ce manuscrit. Introduction L’insuffisance respiratoire aiguë demeure la cause principale d’admission en unité de réanimation pédiatrique (URP). Malgré les progrès importants des techniques de ventilation non-invasive (VNI) qui ont permis son utilisation dans un grand nombre de situations nécessitant une assistance ventilatoire, limitant ainsi le recours ou la durée de ventilation mécanique invasive (VM), celle-ci demeure encore fréquemment utilisée dans de nombreuses situations (hypoxémie et/ou hypercapnie sévères, gestion postopératoire, troubles neurologiques, anomalies faciales ou digestives interdisant le recours à la VNI par exemple). Une des principales complications de cette technique est la survenue de pneumopathie, dénommée usuellement pneumopathie acquise sous ventilation (PAVM). Très étudiées depuis plusieurs décennies chez l’adulte, les PAVM font l’objet de recommandations très régulièrement mises à jour par différentes sociétés savantes [1,2]. Mais ce n’est que depuis environ une quinzaine d’années que les pédiatres-réanimateurs s’intéressent plus précisément à cette pathologie qui serait la seconde cause d’infection liée aux soins en URP après les bactériémies et avant les infections urinaires [3]. Ainsi, il semblerait que, comme chez l’adulte, les PAVM allongent la durée d’exposition aux antibiotiques [3], prolongent la durée de ventilation [4] et de séjour tant en réanimation qu’à l’hôpital [3], induisant un surcoût financier comme souvent rapporté par les auteurs nord-américains [5], voire une augmentation de la mortalité [3]. En raison de différences potentielles liées aux conditions économiques tant dans l’épidémiologie, le diagnostic que les traitements, les pays à faible produit intérieur brut (PIB) ont eux aussi récemment tenté d’adapter les recommandations à leur mode d’exercice et à leur population pédiatrique [6,7]. Néanmoins, comme bien souvent en pédiatrie, les facteurs de risque (FDR), les comorbidités, les méthodes diagnostiques voire même certains traitements ne peuvent pas être extrapolés directement de la littérature adulte pour des raisons anatomiques et physiologiques propres au développement du nourrisson et de l’enfant [3]. Nos patients présentent de très importantes différences anatomiques et physiologiques : sinus maxillaires non perméabilisés, absence de dentition ou bon état buccodentaire, faible nombre de comorbidités. La prise en charge thérapeutique est aussi très différente : montée en puissance ces dernières années de l’utilisation des sondes d’intubation trachéale (SIT) à ballonnet qui demeurent encore marginale dans certaines équipes, SIT de diamètre très étroit gênant les prélèvements, courte durée de VM, faible sédo-analgésie voire faible taux de curarisation. Malgré l’accumulation récente de résultats pédiatriques (Figure 1), de nombreux auteurs s’accordent aujourd’hui sur la nécessité de connaître précisément l’incidence des PAVM en URP avant d’envisager d’aller plus loin dans une approche multicentrique des préventions et des traitements [8]. Nous détaillerons ici la définition récente des PAVM de l’enfant puis nous préciserons, à l’aide d’une revue de la littérature, l’incidence actuelle de cette infection liée aux soins et ses principales particularités. Définition des PAVM chez l’enfant Une infection liée aux soins La PAVM est une infection liée aux soins survenant donc après au moins 48 heures d’hospitalisation, et dans ce cas précis, après au moins 48 heures de VM [3]. Comme toute pneumonie, elle se définit au mieux (« gold-standard ») par une biopsie pulmonaire (transthoracique, transbronchique ou post-mortem) rapportant une concentration de micro-organismes d’au moins 104 Unité Formant Colonie (UFC)/g de tissu pulmonaire et associée à un infiltrat de polynucléaires neutrophiles atteignant les bronchioles et les alvéoles adjacentes. Cette définition anatomopathologique, exceptionnellement appliquée au lit du malade et encore moins en pédiatrie en dehors de rares situations d’immunodépression sévère par exemple où le diagnostic différentiel est souvent particulièrement compliqué, a été remplacée par une définition plus « pragmatique » associant des critères cliniques, radiologiques et biologiques. La définition clinico-radio-biologique du CDC 2011 Une révision de cette définition a été proposée par le Center for Disease Control (CDC) en 2011 [9]. Les critères diagnostiques spécifiés selon trois tranches d’âge sont résumés dans le Tableau 1. Le diagnostic de PAVM peut être porté après 48 heures de VM mais aussi dans les 48 heures suivant le sevrage de cette technique, que le patient soit encore hospitalisé en URP ou non [9]. Depuis de nombreuses années, on distingue les PAVM précoces survenant entre le second et le quatrième jour de VM (« early-onset » des Anglo-saxons) et les PAVM tardives survenant après le quatrième jour de VM (« late-onset ») qui différeraient dans le mécanisme et surtout dans les microorganismes en cause (Haemophilus influenzae, Streptococcus pneumoniae, Moraxella catarrhalis dans les PAVM précoces et Staphylocoque aureus, Pseudomonas aeruginosa, Klebsiella pneumoniae dans les PAVM tardives). Cette donnée épidémiologique complémentaire, reprise dans la définition 2011 du CDC, pourra par exemple aider chaque URP à définir l’antibiothérapie probabiliste suivant le contexte de survenue de la PAVM, dans l’attente de la documentation microbiologique. Bien que ce ne soit pas un critère de la définition, la suspicion de PAVM doit inciter à la recherche, dans le tractus respiratoire inférieur normalement stérile, d’un micro-organisme pathogène responsable. Ces prélèvements sont difficiles à obtenir car invasifs et risqués, surtout chez le petit enfant et le nourrisson en situation ventilatoire précaire, et parfois contaminés par les sécrétions du tractus respiratoire selon les techniques utilisées. La définition du CDC 2011 laisse le champ libre au pédiatre-réanimateur pour l’utilisation de la technique diagnostique [9] et rappelle le seuil de significativité de la concentration du micro-organisme considéré pour chacune d’entre elles, l’aspiration trachéale (AT) n’en faisant pas partie : lavage broncho-alvéolaire fibroscopique (permettant de cibler la zone concernée à la radiographie thoracique de face, RP) ou non fibroscopique (à l’aveugle) : 104 UFC/ml, brossage bronchique fibroscopique ou non fibroscopique : 103 UFC/ml, prélèvement distal protégé (à l’aveugle) : 103 UFC/ml [9]. Enfin, cette définition insiste sur la présentation de l’incidence sous forme du nombre de cas rapporté à 1000 jours de VM [9], permettant de comparer les URP entre elles ou de les aider à mesurer les progrès entrepris en interne suite à des modifications de pratiques par exemple. Incidence des PAVM en URP Le Tableau 2 présente le taux et/ou l’incidence des PAVM en URP d’après la littérature internationale que celle-ci soit dédiée spécifiquement à l’étude des PAVM ou plus générale. Seulement huit études parmi les 40 sont multicentriques. La moitié a été réalisée dans des pays à faible produit intérieur brut. La très grande majorité des URP ont au moins la moitié de leurs patients qui reçoivent de la VM au moins une fois au cours de leur séjour, avec des critères d’inclusion dans chaque étude allant de quelques heures à 24 voire 48 heures de durée minimale de VM. Dans 27 publications parmi les 40 colligées, la proportion de nourrissons et d’enfants ayant présenté au moins une fois une PAVM au cours de leur séjour en URP s’étend de 3,4 % à 32,3 %, avec une valeur médiane de 10,7 % [1° quartile : 6,6 ; 3° quartile: 19]. La densité d’incidence rapportée dans 29 publications sur 40 s’étend de 3,7 à 45,1/1000 j de VM, avec une valeur médiane de 11,6/1000 j de VM [1er quartile : 8,8 ; 3e quartile: 17,1], mesurée dans certains cas avant la mise en place de protocoles de prévention qui ont à chaque fois été très efficaces pour réduire drastiquement le nombre de patients concernés. Les micro-organismes mis le plus souvent en évidence sont Pseudomonas aeruginosa, Staphylococcus aureus, Haemophilus influenzae et Acinetobacter baumanii. Les virus ne sont quasiment jamais rapportés dans cette série d’études ; les levures très rarement. Interprétation et perspectives Une incidence extrêmement variable La densité d’incidence varie d’un facteur un à 10. Plusieurs explications pourraient rendre compte de cette large fourchette d’incidence des PAVM en URP. Le moment de la mesure n’était pas standardisé : après une, 24 ou 48 heures de VM, avec ou sans suivi systématique durant les 48 heures suivant l’extubation. Le niveau socio-économique des pays concernés est un point fondamental, conditionnant les comorbidités des patients incluant leur état nutritionnel, les moyens matériels mais surtout humains disponibles pour s’occuper des malades, le niveau de formation médicale et paramédicale initiale mais surtout continue. Durant les cinq dernières années, de nombreux pays à faible PIB ont publié leurs résultats, les conséquences économiques des PAVM et surtout l’efficacité de certains programmes de prévention [6, 7]. L’hétérogénéité des populations d’URP étudiées pourrait aussi contribuer à ces différences d’incidence. En effet, l’association de patients de néonatologie et de pédiatrie ou l’exclusion de patients avec un score de gravité à l’admission élevé peuvent biaiser l’incidence. De même, le type de recrutement (cardiologique, médico-chirurgicale, avec ou sans prise en charge de polytraumatisés) joue un rôle prépondérant : un recrutement postchirurgical cardiologique semble pourvoyeur d’un fort risque de PAVM par exemple [10]. Enfin, lors de la démarche diagnostique de PAVM, une grande variabilité de lecture des radiographies thoraciques a fréquemment été démontrée en URP [11]. Ceci pourrait participer soit à sous-évaluer (typiquement chez les patients présentant des radiographies thoraciques déjà très pathologiques), soit à sur-évaluer (atélectasie du lobe supérieur droit extrêmement fréquente chez le nourrisson ventilé en invasif) l’incidence des PAVM. Quelles techniques de prélèvement microbiologique ? Dans un but de consensus, et afin de limiter les différences de pratiques inter-services, la nouvelle définition du CDC ne requiert pas de documentation bactériologique pour confirmer le diagnostic de PAVM [9]. Néanmoins, devant une suspicion de PAVM, le prélèvement en urgence avant antibiothérapie, est la seule chance d’obtenir une documentation bactériologique fiable. Mais le prélèvement microbiologique à visée diagnostique est une réelle difficulté en pédiatrie. Bien que dans ce domaine aussi le nombre de publications pédiatriques soit nettement moins important que dans la littérature adulte, les pédiatres-réanimateurs se sont attachés depuis une quinzaine d’années à valider chez l’enfant quelques unes des techniques disponibles [12, 13]. La définition du CDC rappelle très clairement que si une documentation est recherchée, elle doit répondre à des critères stricts. Seules les cultures quantitatives de LBA, de PDP ou de biopsie du poumon avec des seuils précis sont admises par le CDC pour établir un diagnostic bactériologique. L’AT ne l’est pas. Pourtant l’AT reste très souvent utilisée en pédiatrie. Ses limites sont nombreuses. L’AT qualitative doit être abandonnée. L’AT quantitative ne peut pas s’affranchir de la contamination de l’arbre respiratoire sous cordal qui est extrêmement précoce après mise en place de la VM [14]. Dans une revue récente de la littérature pédiatrique, Venkatachalam et al. [15] soulignent que la culture quantitative de l’AT a une sensibilité et une spécificité variables, respectivement de 31 % à 69 % et de 55 % à 100 %, mais en tous points comparables à celles du LBA (sensibilité de 11 à 90 % et spécificité de 43 % à 100 %). Dans le cadre d’une PAVM, le pédiatre-réanimateur s’attachera à obtenir une flore pure, au seuil de significativité de 106 UFC/ml, s’il souhaite adapter son antibiothérapie. En dehors de ces critères de qualité, une autre technique devra être discutée, en évaluant au mieux la balance bénéfices-risques. Le LBA ou la brosse, au mieux fibro-dirigé, apparaissent comme les examens présentant la plus grande spécificité mais requièrent le plus souvent un pneumopédiatre et un matériel adapté au diamètre étroit des SIT, très souvent non disponible pour les petits calibres. Ces deux contraintes techniques pourraient être à l’origine d’un retard diagnostique préjudiciable au patient voire à amener à la mise en route d’une antibiothérapie probabiliste avant la réalisation du prélèvement. Enfin, chez les patients les plus sévères, leur réalisation est très souvent contre-indiquée au risque d’aggraver encore la situation ventilatoire très fragile. Le prélèvement distal protégé à l’aveugle (PDP), s’affranchissant de la colonisation trachéobronchique haute, semble un bon compromis s’il est réalisé suivant un protocole rigoureux. Le choix de la méthode recommandée pour le diagnostic des PAVM de l’enfant n’est donc pas à ce jour clairement défini et doit dépendre de l’expertise locale, de l’expérience, des possibilités et du coût [1,9]. Quelle que soit la technique utilisée, il est indispensable de réaliser une culture quantitative des sécrétions purulentes en respectant les seuils de significativité définis par consensus pour chaque type de prélèvements avant toute initiation d’une antibiothérapie. Quels germes ? Quels traitements ? Bien que l’étude bactériologique ne soit pas un critère obligatoire pour porter le diagnostic de PAVM selon le CDC 2011 [9], connaître la microbiologie des PAVM est indispensable afin de guider l’antibiothérapie probabiliste. A notre connaissance, seules les études rapportées par Chevret et al. [16] et Chomton et al. [17] ont documenté en pédiatrie des différences microbiologiques notables entre PAVM précoces et tardives. Ce résultat, s’il était confirmé chez l’enfant par l’étude d’un plus grand nombre d’épisodes, pourrait avoir des conséquences pratiques importantes. La forte probabilité d’un germe communautaire en cas de PAVM précoce pourrait permettre d’entamer au plus tôt une désescalade thérapeutique, limitant ainsi l’exposition inutile aux antibiotiques, démarche absolument fondamentale aujourd’hui en URP. Pour les PAVM tardives, il serait sans doute très intéressant d’évaluer le rôle du portage chronique dans l’écologie bactérienne. De part la multitude d’études réalisées sur les PAVM chez l’adulte (294 recensées dans les recommandations de l’American Thoracic Society en 2005 [1]), un guide de prise en charge des PAVM a pu être réalisé établissant ainsi des recommandations thérapeutiques. Une antibiothérapie empirique à large spectre (bithérapie initiale, malgré l’absence de supériorité formellement établie sur la monothérapie, surtout en cas de suspicion de bactérie multirésistante) doit être instituée rapidement en tenant compte des antibiothérapies déjà reçues, de la gravité du patient et du risque d’infection par une bactérie multi-résistante. Ces recommandations internationales détaillent, situation par situation, l’antibiothérapie recommandée chez l’adulte. Cette antibiothérapie doit être réévaluée à 48 heures une fois le germe identifié et l’antibiogramme reçu. La durée de traitement reste débattue chez l’adulte. En pédiatrie, il n’existe pas de consensus international formalisé, ni pour l’antibiothérapie probabiliste, ni pour la durée théorique du traitement. A notre connaissance, seul Morrow et al. ont proposé un guide des antibiotiques utilisés en URP pour les PAVM [6]. Perspectives Les scores Certains scores clinico-radio-biologiques composites comme par exemple le Clinical Pulmonary Infection Score (CPIS), validé chez l’adulte et systématiquement utilisé par certaines équipes pour affiner la probabilité d’une PAVM, ne font pas partie de cette définition. Plusieurs pédiatresréanimateurs ont tenté récemment d’en adapter le format à l’enfant [6] malgré l’absence de « gold standard » permettant sa validation définitive. Ils pourraient être une aide précieuse à la surveillance systématique pluriquotidienne des PAVM et à la décision thérapeutique. Les trachéobronchites acquises sous VM Les atteintes infectieuses trachéobronchiques acquises sous VM, sans pneumopathie associée, font l’objet de nombreuses publications chez l’adulte depuis plusieurs années, soit sous forme d’une entité à part, soit considérées comme un prélude à la survenue d’une PAVM. Déjà étudiées en 1997 par Fagon et al. [19], certains pédiatres-réanimateurs ont plaidé récemment pour leur inclusion dans un groupe plus général des trachéo-broncho-pneumopathies acquises sous VM [20]. Les pneumopathies acquises sous VNI La VNI utilisée de plus en plus fréquemment en pédiatrie est potentiellement pourvoyeuse de trachéobroncho-pneumopathies liées aux soins. La physiopathologie est sans doute différente puisque elle n’inclut pas l’altération du fonctionnement de l’escalator mucociliaire ou la même modification de l’homéostasie bactérienne nasobuccale. Néanmoins certains auteurs proposent que cette technique bénéficie aussi d’une surveillance épidémiologique rigoureuse au sein de chaque URP. Programme de prévention et d’amélioration de la qualité des soins De nombreux pédiatres-réanimateurs se sont attelés à tester les FDR de survenue d’une PAVM en URP. Malgré les grandes différences anatomiques et physiologiques avec l’adulte, de nombreux FDR semblent communs aux deux périodes de la vie : durée de la VM, ré-intubation, nutrition entérale continue, sonde d’intubation sans ballonnet, fibroscopie bronchique, transport en dehors de l’URP, utilisation d’antiacide ou de corticoïdes… Néanmoins, la validité externe de ces résultats fait très souvent défaut compte tenu des nombreuses particularités des études décrites précédemment. Quoi qu’il en soit, des protocoles de soins très simples, fondés sur les recommandations adultes adaptées à l’enfant (lavage des mains, position surélevée de la tête, soins de bouche, techniques d’aspiration…) et proposées dans des algorithmes très faciles d’utilisation après formation des personnels concernés ont démontré une possibilité de réduction massive de l’incidence des PAVM tant dans des pays à haut [20] qu'à faible PIB [21]. Etudes multicentriques Malgré les nombreuses limites décrites précédemment, la nouvelle définition du CDC 2011 et surtout l’augmentation franche de la littérature pédiatrique devrait permettre de construire un travail prospectif multicentrique afin d’améliorer encore le niveau de preuves concernant les particularités pédiatriques des PAVM tant en ce qui concerne les FDR, le diagnostic que les traitements. Conclusion La démarche diagnostique, l’épidémiologie bactérienne ou encore la prise en charge thérapeutique des PAVM, seconde cause d’infection nosocomiale en URP, sont parcellaires car reposant sur un faible nombre d’études, essentiellement monocentriques. Leur nombre semble néanmoins augmenter ces dernières années témoignant de l’importance du sujet. La clarification de la définition des PAVM de l’enfant par le CDC en 2011 devrait constituer un point de départ essentiel à l’amélioration des pratiques, en invitant chaque URP à mesurer systématiquement la densité d’incidence selon des critères homogènes. Elle sera sans doute revisitée dans un proche avenir comme l’a été la définition du SDRA en tenant compte des progrès techniques et diagnostiques, mais elle apparaît d’ores et déjà comme une base solide pour la construction d’études multicentriques sur le sujet. Tableau 1: Résumé des critères diagnostiques de la définition d’une PAVM du nourrisson, de l’enfant et de l’adolescent selon les critères du CDC 2011 Contexte - Survenant chez un patient hospitalisé en réanimation - Sous ventilation mécanique ou l’ayant été dans les 48H précédentes Critères radiologiques Avec au moins 1 radio thoracique (et 2 radio thoraciques si pathologie cardio-respiratoire sous-jacente) présentant soit : a - un nouvel infiltrat ou un infiltrat évolutif b - une consolidation c - une cavitation Critères cliniques < 1an - Altération des échanges gazeux (désaturation < 94 %, augmentation des besoins en O2, augmentation de la ventilation) Et au moins 3 critères parmi : - Instabilité température sans autre cause 1 an - 12 ans > 12 ans Au moins 3 critères parmi : Un critère parmi : - Fièvre > 38,4 °C ou < 36,5 °C sans autre cause - Fièvre > 38 °C sans autre cause - GB < 4 000/mm3 ou > 15 000/mm3 - GB < 4 000/mm3 ou > 15 000/mm3 - Sécrétions purulentes ou changement d’aspect ou augmentation des sécrétions Et au moins 2 critères parmi : - GB < 4 000/mm3 ou > 15 000/mm3 - Survenue ou aggravation de la toux, ou de la dyspnée, apnée, tachypnée - Sécrétions purulentes - Altération des échanges gazeux -Sécrétions purulentes ou changement d’aspect ou augmentation des sécrétions (SpO2TC < 94 %, augmentation des besoins en O2, augmentation de la ventilation) -Survenue ou aggravation de la toux, ou changement d’aspect ou augmentation des sécrétions - Dyspnée, apnée, tachypnée, signes de lutte - Survenue ou aggravation de la toux ou de la dyspnée, apnée, tachypnée - Râles ou ronchi - Râles ou ronchi -Altération des échanges gazeux (SpO2TC < 94 %, augmentation des besoins en O2, augmentation de la ventilation) Tableau 2 : Présentation des résultats des principales études concernant les PAVM en URP de 1999 à 2014. Les travaux français de Chevret et al. et Chomton et al. ont été respectivement présentés au congrès de la Société de Réanimation de Langue Française en 2013 et 2014. “Etude dédiée” : l’étude était construite spécifiquement pour décrire l’incidence des PAVM. “%VM” : proportion de patients en VM dans l’URP concernée. “Nbre VM” : nombre de patients ou nombre de jours de VM correspondant (j). “% PAVM” et “Incidence PAVM” : fréquence et densité d’incidence des PAVM pour 1 000 jours de VM. Pour les quelques études type “pré-post ” les fréquences et densité d’incidence rapportées sont celles de la phase “pré”. Les germes sont classés par ordre de fréquence décroissante dans chaque étude. Pa: Pseudomonas aeruginosa. Sa: Staphylococcus aureus. Ab: Acinetobacter baumani. Hi: Haemophilus influenzae. Ec: Enterobacter cloacae. Sm: Stenotrophomonas maltophilia. Ec: Escherichia coli. Kp: Klebsiella pneumoniae. Mc: Moraxella catarrhalis. BGN: Autres bacilles à Gram négatif. Premier auteur Date Pays Années étudiées Nbre URP Type étude Etude dédiée % VM Nbre VM Richards 1999 USA 1992-1997 61 Surveillance Oui 47% Raymond 2000 Europe 1996-1997 5 Questionnaire Non - - Stover 2001 USA 1998 24 Questionnaire Non - Lopriore 2002 Pays-Bas 1998-2000 1 Rétrospective Non - Yildizdas 2002 Turquie 2000-2002 1 Prospective Non Groshkopf 2002 USA - Canada 1999 35 1 jour Non Elward 2002 USA 1999-2000 1 Prospective Oui Urrea 2003 Espagne 2000 1 Prospective Non Sarginson 2004 Angleterre 1999-2003 1 Prospective Non - Almuneef 2004 Arabie saoudite 2000-2002 1 Prospective Oui El-Nawawy 2006 Egypte 2003-2004 1 Prospective Zuchneid 2007 Allemagne 1999-2003 2 Stacey 2008 USA 2006 Taira 2009 USA Sharma 2009 Inde % PAVM Incidence PAVM Germes plus fréquents 6,0 / 1000 j Pa, Sa 12,7% - Pa, Scn, Sa - - 3,7 / 1000 j - 200 8,4% - BGN 160 44% - Pa, Kp, Sa, Ab 50% - 22,7% - Sa, BGN, Pa, Kp 71% 646 5,3% 11,6 / 1000 j Pa, Kp, Sa 19% 23,9 / 1000 j Scn, Pa - 10,6% 9,1 / 1000 j Sa, Pa, Hi 52% 656 10,3% 8,9 / 1000 j Pa, Sa, Kp Non - - 16% 10,9 / 1000 j - Surveillance Non 33% j 5112 j - 4,7 / 1000 j - 1 Surveillance Oui - - - 12,2 / 1000 j - 1995-2006 1 Surveillance Oui 4,7% 4,4% 13,8 / 1000 j - ? 1 Prospective Oui - 20% - Ec, Sa, Ab - Morrow 2009 Afrique du Sud 2004-2005 1 Rétrospective Oui 52% 940 5,9% - Ab, Kp, Sa, Pa Bigham 2009 USA 2005 1 Rétrospective Oui - 2502 j 4,2% 8,8 / 1000 j Pa, Sa, Hi Srinivasan 2009 USA 2004-2005 Prospective Oui - - - - Sa, BGN, Hi, Ec Richardson 2010 Angleterre 2007 1 Prospective Oui 3,4% 5,6 / 1000 j - Hsieh 2010 Taiwan 2003-2004 1 Prospective Non 14,6% 9 / 1000 j - - Becera 2010 Pérou 2006-2007 1 Prospective Non 74% 8,6% 7,9 / 1000 j Pa, Kp Casado 2011 Brésil 2005-2006 1 Prospective Oui 48% 366 10,7% 27,1 / 1000 j BGN Duenas 2011 Salvador 2007-2009 1 Prospective Non 81% 7709 j 8,1% 12,1 / 1000 j Pa, Ec, Ab Roeleveld 2011 Pays-Bas 2008 1 Retrospective Oui 63% - - 17,1 / 1000 j Hi, Mc, Sa, Pa Rasslan 2012 Egypte 2008-2010 3 Prospective Non 27% 1644 j 12,6% 31,8 / 1000 j Kp, Sa, Pa Hamid 2012 Pakistan 2008-2009 1 Surveillance Oui - - 17% - Pa, Kp, Ec Gautam 2012 Australie 2010-2011 1 Prospective Oui 60% 692 6,7% 7,0 / 1000 j Sm, Pa El-Kholy 2012 Egypte 2009-2010 2 Prospective Non 38% 1478 j 25,6% 36,5 / 1000 j Ab, Kp, Pa Kusahara 2012 Brésil - 1 Prospective Non - - 32,3% 16,4 / 1000 j Pa, Ab, Kp, Ent Sebastian 2012 Inde 2007-2009 1 Prospective Non 78% 86 - 38,5 / 1000 j Ab, Pa, Kp, Ec Samransamruajkit 2012 Thailande 2006-2007 1 Prospective Non - - 12,6% 12 / 1000 j Pa, Ab Morrow 2012 Afrique du Sud 2008 1 Prospective Non - - 22,4% 45,1 / 1000 j Ab, Kp, Pa, Hi Brierley 2012 Angleterre 2008-2009 1 Surveillance Oui 61% - - 5,6 / 1000 j - Rosenthal 2012 3 continents 8 Surveillance Oui 57% 5212 j - 11,7 / 1000 j Pa, Ab, Ec Patria 2013 Italie 2007-2010 1 Prospective Ning 2013 Chine 2007-2011 1 Esteban 2013 Espagne 2006-2006 1 Surveillance Non 50% 970 j - 28,3 / 1000 j - Chevret * 2013 France 2006-2011 1 Surveillance Oui 48% 1632 5% 10,5 / 1000 j Pa, Sa, Hi Chomton * 2014 France 2012 1 Surveillance Oui 51% 194 4,2% 11,5 / 1000 j Hi, Pa 31% 6,6% 24,6% Ab, Ec, Sm, Kp Figure 1: Nombre annuel de publications concernant les PAVM de l’enfant référencées dans PubMed. Références: 1 - Guidelines for the management of adults with hospital-acquired, ventilator-associated, and healthcare-associated pneumonia. Am J Respir Crit Care Med 2005;171:388-416 2 - Masterton RG, Galloway A, French G, et al. Guidelines for the management of hospital acquired pneumonia in the UK: Report of the Working Party on Hospital-Acquired Pneumonia of the British Society for Antimicrobial Chemotherapy. J Antimicrob Chemother 2008;62:5-34 3 - Bradley JS. Considerations unique to pediatrics for clinical trial design in hospital-acquired pneumonia and ventilator-associated pneumonia. Clin Infect Dis 2010;51:S136-43 4 - Srinivasan R, Asselin J, Gildengorin G, et al. A prospective study of ventilator-associated pneumonia in children. Pediatrics 2009;123:1108-15 5 - Turton P. Ventilator-associated pneumonia in paediatric intensive care: a literature review. Nurs Crit Care 2008;13:241-8 6 - Morrow BM, Argent AC, Jeena PM, et al. Guideline for the diagnosis, prevention and treatment of paediatric ventilator-associated pneumonia. S Afr Med J 2009;99:255-267 7 - Sachdev A, Chugh K, Sethi M, et al. Diagnosis of ventilator-associated pneumonia in children in resource-limited setting: a comparative study of bronchoscopic and nonbronchoscopic methods. Pediatr Crit Care Med 2010;11:258-66 8 - Argent AC, Morrow BM. Ventilator-associated pneumonia: the answer depends on the question being asked. Pediatr Crit Care Med 2013;14:109-11 9 - 6pscVAPcurrent.pdf (Objet application/pdf) [Internet]. [cited 2011 Nov 27]. Available from: http://www.cdc.gov/nhsn/PDFs/pscManual/6pscVAPcurrent.pdf 10 - Roeleveld PP, Guijt D, Kuijper EJ, et al. Ventilator-associated pneumonia in children after cardiac surgery in The Netherlands. Intensive Care Med 2011;37:1656-1663 11 - Angoulvant F, Llor J, Alberti C, et al. Inter-observer variability in chest radiograph reading for diagnosing acute lung injury in children. Pediatr. Pulmonol. 2008;43:987-91 12 - Labenne M, Poyart C, Rambaud C, et al. Blind protected specimen brush and bronchoalveolar lavage in ventilated children. 1999;27:2537-43 13 - Gauvin F, Dassa C, Chaïbou M, et al. Ventilator-associated pneumonia in intubated children: comparison of different diagnostic methods. Pediatr Crit Care Med 2003;4:437-443 14 - Willson DF, Conaway M, Kelly R, et al. The Lack of Specificity of Tracheal Aspirates in the Diagnosis of Pulmonary Infection in Intubated Children Pediatr Crit Care Med 2014;15 :299-305 15 - Venkatachalam V, Hendley JO, Willson DF. The diagnostic dilemma of ventilator-associated pneumonia in critically ill children. Pediatr Crit Care Med 2011;12:286-296 16 - Chevret L, Bailly-Salin J, Lambert J, et al. Pneumopathies acquises sous ventilation mécanique en unité de réanimation pédiatrique: étude prospective 2006-2011. 41° Congrès de la Société de Réanimation de Langue Française, 2013, Paris 17 - Chomton M, Avran D, Legarrec S, et al. Incidence des pneumopathies acquises sous ventilation mécanique en réanimation pédiatrique: étude pilote prospective monocentrique. 42° Congrès de la Société de Réanimation de Langue Française, 2014, Paris 18 - Fayon MJ, Tucci M, Lacroix J, et al. Nosocomial pneumonia and tracheitis in a pediatric intensive care unit. Am J respir Crit Care Med 1997;155:162-9 19 - Morrow BM, Argent AC. Pediatric ventilator-associated tracheobronchitis and pneumonia: time to regroup. Pediatr Crit Care Med 2013;14:553-5 20 - Brierley J, Highe L, Hines S, et al. Eur J Pediatr 2012;171:323-30 21 - Rosenthal VD, Álvarez-Moreno C, Villamil-Gómez W, et al. Effectiveness of a multidimensional approach to reduce ventilator-associated pneumonia in pediatric intensive care units of 5 developing countries: International Nosocomial Infection Control Consortium findings. American Journal of Infection Control 2012;40 :497-501 Pneumonies nécrosantes de l’enfant Chloé Lemaître, Flaviu Gabor, Philippe Bidet, Albert Faye, Mathie Lorrot Service de Pédiatrie générale – Hôpital Robert Debré 48, boulevard Sérurier – 75 019 Paris [email protected] Introduction Les pneumonies communautaires aiguës (PAC) de l’enfant représentent une cause fréquente de consultation en ville et aux urgences (1). En dehors des complications systémiques des PAC, on distingue différents types de complications locales : l'épanchement pleural, l’empyème, l’abcès pulmonaire, la pneumonie nécrosante et la pneumatocèle. Une augmentation du nombre de PAC compliquées, particulièrement des empyèmes, est observée depuis les années 2000 dans les pays développés (2,3). En France, l’incidence des PAC et de leurs complications est mal connue. La mise en place d’un Observatoire National des Pneumonies de l’Enfant, coordonné par ACTIV pour le Groupe de Pathologie Infectieuse Pédiatrique, devrait permettre de fournir de nouvelles données épidémiologiques. Les pneumonies nécrosantes (PNC) ont été initialement décrites chez l’adulte dans un contexte de comorbidités et de co-infection avec des bactéries anaérobies et représentent une complication rare des PAC de l’enfant. Leur incidence est estimée entre 5 et 25 % des PAC compliquées dans les pays développés (4-6). Seulement cinq études ont rapporté des séries de PNC de l’enfant dues à différents micro-organismes. En 2000 et 2003, les études de Wong et al. et Chen et al. ont décrit respectivement 21 et 17 enfants hospitalisés pour PNC dans 2 hôpitaux de Taïwan (7,8). Hacimustafaoglu et al., en Turquie, ont publié en 2004 une série de 36 PNC de l’enfant sur une période de 4 ans (9). Aux Etats-unis, Sawicki et al. ont analysé 80 cas de PNC de l’enfant hospitalisés à l’hôpital pédiatrique de Boston entre 1990 et 2004 et ont noté dans leur série une augmentation du nombre absolu de cas entre 1993 et 2004 (10). En 2013, nous avons publié la première série européenne de PNC de l’enfant qui regroupait 41 cas (6). Dans cette étude, entre mai 2006 et avril 2011, 4859 patients ont consulté aux urgences pour pneumonie : 635 (13 %) ont nécessité une hospitalisation de plus de 24 heures et 41 (0,8 %) ont présenté une pneumonie nécrosante. Définition d’une pneumonie nécrosante Si le terme de « pneumonie nécrosante » est le plus retrouvé dans la littérature, d’autres expressions sont utilisées pour désigner ce qui semble être une même entité : pneumonie cavitaire, nécrose cavitaire ou encore gangrène pulmonaire. Le terme de cavitation ou cavité pulmonaire est défini radiologiquement comme une zone d’opacité avec en son sein une zone de radiotransparence indépendamment de l’épaisseur de la paroi. Au sein des cavitations dues à un micro-organisme (Mycobacterium tuberculosis exclu), la distinction peut être faite entre abcès pulmonaire et PNC sur des critères radiologiques. L’abcès pulmonaire est diagnostiqué sur la radiographie de thorax par un niveau hydro-aérique au sein d’une condensation parenchymateuse. Le scanner thoracique montre une cavité liquidienne associée ou non à un niveau hydro-aérique et à paroi épaisse qui se rehausse après injection de produit de contraste (11). La PNC est visualisée sur la radiographie de thorax par des zones de radiotransparence sans niveau hydro-aérique. A l’échographie, elle se présente comme une pneumonie peu vascularisée ou associée à des zones hypoéchogènes liquidiennes. Le scanner montre une perte de l’architecture normale du parenchyme pulmonaire visible sous la forme d’une absence ou d’un défaut de rehaussement du parenchyme avec présence d’une ou plusieurs cavités ou d’images liquidiennes à parois fines (11). Présentation clinique et biologique L’âge médian des patients hospitalisés pour PNC dans les différentes séries se situe entre 14 mois et 3,6 ans avec des extrêmes allant du nouveau-né à l’adolescent (6-10). Le diagnostic de pneumonie est posé sur l’association de signes cliniques d’infection pulmonaire : fièvre, toux, augmentation de la fréquence respiratoire, anomalies auscultatoires. Le syndrome inflammatoire est le plus souvent important avec une augmentation de la CRP, des leucocytes, des neutrophiles et une anémie inflammatoire (6-10). Une seule étude a comparé les PNC aux pleuropneumopathies et aux PAC hospitalisées et a montré pour les patients présentant une PNC une augmentation significative de la CRP, des leucocytes plus importante et de la durée des symptômes avant l’hospitalisation (9). Par ailleurs, l’étude de Hsieh et al., qui regroupe 71 patients hospitalisés pour PAC à pneumocoque compliquée d’un empyème pleural ou d’une nécrose pulmonaire, a montré que l’absence de maladie sousjacente et une CRP > 120 mg/l étaient des facteurs de risque d’évolution vers la nécrose ou l’empyème (12). La présence à l’admission d’une altération de l’état général importante, d’une hyperthermie supérieure à 39°C, de signes de sepsis grave, d’hémoptysie ou de leucopénie doit faire évoquer une PNC à Staphylococcus aureus producteur de la toxine de Panton et Valentine (cf. paragraphe « PNC à S. aureus »). Présentation radiologique Le diagnostic de PNC est posé sur la radiographie de thorax et/ou le scanner thoracique. La nécrose n’est pas toujours diagnostiquée dès l’admission et les différentes études retrouvent une médiane d’apparition de la nécrose de 4 jours (6,10). Ainsi, dans l’étude menée à Robert Debré, la radiographie de thorax mettait en évidence la nécrose à l’admission dans seulement 27 % des cas et la nécrose était diagnostiquée après 7 jours d’hospitalisation dans 20 % des cas. Le scanner thoracique doit être envisagé chez les patients avec une évolution clinique défavorable (fièvre persistante malgré traitement antibiotique bien conduit) ou lorsqu’il existe un doute sur une nécrose sur la radiographie de thorax. De plus, les complications autres des pneumonies et notamment l’empyème pleural doivent être recherchées. L’empyème doit être distingué d’un épanchement pleural réactionnel à l’aide des critères de Light : épanchement > 50 % de l’hémithorax ou cloisonné, examen direct ou culture du liquide pleural positif, liquide pleural purulent défini par pH < 7.2, glucose < 60 ou LDH > 3 fois la limite supérieure du sérum (13). L’association à un épanchement pleural est retrouvée dans plus de 2/3 des cas de PNC (Figure 1) (6-10). Les autres complications sont le pneumothorax et l’hydropneumothorax (image hydroaérique de nature pleurale) (Figure 2) et la pneumatocèle (séquelle de nécrose parenchymateuse se traduisant par une image kystique à paroi fine). Dans l’étude menée à Robert Debré, 8/41 patients ont présenté un pneumothorax incluant 6 hydropneumothorax et 4 patients ont présenté une pneumatocèle (10 %). Cette proportion de pneumatocèles (10 %) est équivalente à celle des autres séries et leur évolution semble favorable sans prise en charge spécifique (6,10). Etiologies des pneumonies nécrosantes Dans les séries de PNC, le diagnostic étiologique est porté au mieux dans 50 % des cas (6,10). Il doit être posé sur des arguments microbiologiques bien définis. On peut retenir par exemple : (i) au moins 1 hémoculture positive (à l’exception des Staphylocoques à coagulase négative ou des microcoques qui font évoquer une contamination), (ii) et/ou un prélèvement pleural positif avec présence de pus, (iii) et/ou un prélèvement distal protégé avec compte de bactéries > à 103 UFC/ml, (iv) et/ou un compte de bactéries > 104 UFC/ml sur liquide de lavage broncho-alvéolaire (LBA), (v) et/ou un examen histologique positif en culture (biopsie transbronchique ou biopsie pulmonaire transthoracique). Alors que les principaux micro-organismes responsables de PAC de l’enfant sont les virus et les bactéries Streptococcus pneumoniae et Mycoplasma pneumoniae les microorganismes responsables de PNC sont dominés par S. aureus et S. pneumoniae (6-10). Des cas cliniques de PNC à M. pneumoniae et Streptococcus pyogenes ont également été rapportés et certains virus, comme le virus de la grippe, ont été décrits dans le cadre de PNC nosocomiales ou de co-infection avec une bactérie. Dans l’étude menée à Robert Debré, un micro-organisme a été identifié dans 21/41 cas (51 %) : 13 S. aureus, 7 S. pneumoniae et 1 Fusobacterium nucleatum chez un enfant de 14 ans drépanocytaire (Figure 1) (6). Sur les 13 souches de S. aureus isolées dans cette série, une seule était résistante à la méticilline (SARM) ce qui est cohérent avec l’épidémiologie des SARM en France et en Europe (< 10 % des souches). Les souches de S. aureus étaient isolées chez 6 enfants < 6 mois, 4 enfants entre 6 mois et 3 ans et 3 enfants de plus de 3 ans et toutes étaient porteuses des gènes codant pour la synthèse de la leucocodine de Panton Valentine. Les PNC de l’enfant à S. pneumoniae Avant les années 1990, les PNC à pneumocoque étaient décrites exclusivement chez l’adulte et étaient associées d’une part à des facteurs de risque (alcoolisme et autres comorbidités) et d’autre part à des co-infections par des germes anaérobies. Les PNC à pneumocoque de l’enfant ont été décrites pour la première fois en 1994 (14) ; la plus grande série a été publiée en 2008 et regroupe 33 enfants (15). La distribution des PNC à S. pneumoniae suit celle des infections invasives à pneumocoque (IIP) qui surviennent en majorité chez les jeunes enfants (6 mois – 2 ans). Cependant, certaines séries de PNC de l’enfant à S. pneumoniae ont retrouvé un âge médian supérieur à 36 mois et une survenue de complications au cours d’une PAC significativement plus fréquente chez les enfants > 36 mois (12,15). Depuis l’introduction du PCV7, on assiste à un remplacement des sérotypes vaccinaux du PCV7 (4, 6B, 9V, 14, 18C, 19F et 23F) par des sérotypes non vaccinaux tels que le 1, le 3 ou le 19A comme cela était le cas dans notre série de 41 patients hospitalisés entre 2006 et 2011 (1 sérotype 7F, 2 sérotypes 3 et 2 sérotypes 19A chez 5 enfants correctement vaccinés avec le PCV7) (6). Les sérotypes 7F et 19A sont connus pour avoir un « higher disease potential » dans les pneumonies de l’enfant et le sérotype 3 est un des principaux sérotypes responsables de pleuropneumopathies et de PNC à pneumocoque de l’enfant (12,15). Ceci s’explique par son épaisse capsule polysaccharidique possédant une grande charge antigénique et responsable d’une inflammation importante et d’une réponse humorale diminuée chez l’hôte. En France, l’introduction en juin 2010 du PCV13 comprenant 6 sérotypes additionnels (1, 3, 5, 6A, 7F et 19A) devrait permettre de couvrir ces sérotypes émergents. Les PNC de l’enfant à S. aureus La forme historique de pneumonie à S. aureus de l’enfant a été décrite dans les années 1950 sous le terme de staphylococcie bulleuse du nourrisson ou staphylococcie pleuropulmonaire (16). Il s’agit d’une pneumonie survenant principalement chez le nourrisson de moins de 1 an et qui se manifeste par une dégradation rapide de l’état général avec des signes digestifs dans plus de la moitié des cas. Elle se caractérise radiologiquement par une atteinte bilatérale extensive fréquemment associée à un épanchement pleural et à l’apparition de bulles intra-parenchymateuses. Cette présentation clinique est décrite dans les pays développés dans des publications anciennes et il est admis qu’on la rencontre de nos jours principalement dans les pays en voie de développement. En 2001, Gillet et al. ont décrit pour la première fois chez des patients de réanimation des tableaux cliniques de PAC très sévères liées à des souches de S aureus porteuses des gènes codant la leucocidine de Panton et Valentine (LPV) (26). En raison de la présence de nécrose pulmonaire à l’autopsie chez 3 patients, cette présentation clinique de pneumonie à S. aureus LPV+ a été appelée « pneumonie nécrosante ». La LPV est une exotoxine synergohyménotropique formée de deux sous-unités codées respectivement par les gènes lukS-PV et lukF-PV et qui agissent de façon synergique pour créer des pores dans la membrane cellulaire. In vitro, la LPV induit une lyse des cellules sanguines mononuclées de l’hôte telles que les polynucléaires neutrophiles, les monocytes et les macrophages, entraînant l’apoptose et une libération importante de médiateurs de l’inflammation. Les PNC à S. aureus LPV+ décrites par Gillet et al. concernent des grands enfants et des adultes jeunes (âge médian : 14,8 ans), sans antécédent particulier, et présentant des signes respiratoires précédés d’un syndrome grippal (17). A l’admission, les patients présentent une importante altération de l’état général et une hyperthermie supérieure à 39°C, des signes fréquents de sepsis grave, des signes respiratoires et une leucopénie. L’évolution vers un état de choc septique et un SDRA est très fréquente et le taux de mortalité est supérieur à 50 % (17,18). La présence à l’admission d’une hémoptysie et d’une leucopénie < 3000 leucocytes/mm3 sont des facteurs de risque de mortalité (18). A l’inverse, les pneumonies à S. aureus LPV- concernent des personnes âgées (âge médian : 70 ans) présentant des comorbidités, sans syndrome grippal préalable et sans leucopénie à l’admission. Dans l’étude menée à l’hôpital Robert Debré, un seul patient a présenté un tableau similaire à celui décrit par Gillet et al. Les 12 autres patients hospitalisés pour PNC à S. aureus étaient également infectés par des souches de S. aureus LPV+ mais les tableaux cliniques présentés par ces patients étaient très différents : l’âge médian était de 5 mois, il n’y avait pas de leucopénie à l’admission et seulement 25 % d’entre eux ont effectué un séjour en réanimation. De plus, il n’y a pas eu de décès dans cette série. Ces résultats se rapprochent de l’étude de Carillo-Marquez et al. qui regroupe 117 enfants hospitalisés pour PAC à S. aureus avec un âge médian de 0,9 an : plus de 90 % des souches de S. aureus dans cette série étaient LPV+ et 27 % des patients ont présenté des images cavitaires ou une pneumatocèle d’évolution favorable (5). Quelle prise en charge spécifique des PNC de l’enfant ? Les directives de traitement des PAC de l’enfant émises en 2005 par l’AFSSAPS recommandent l’utilisation de l’amoxicilline en première intention chez les enfants de moins de 3 ans. L’amoxicilline n’est pas active sur S. aureus qui est la première bactérie retrouvée dans notre série. Nos données microbiologiques sont à confirmer par de plus larges études mais, en cas de nécrose parenchymateuse constatée sur la radiographie de thorax chez un enfant présentant une pneumonie, une C3G ou l’association amoxicilline-acide clavulanique semble préférable. L’identification bactérienne par des prélèvements multiples (hémocultures répétées, ponction du liquide pleural…) reste essentielle afin d’optimiser l’antibiothérapie de ces infections sévères et de limiter l’apparition de résistances. L’équipe de Gillet et al. propose pour les PNC à S. aureus LPV + une antibiothérapie intraveineuse initiale par C3G et vancomycine, avec relais par cloxacilline en cas de SASM et vancomycine ou linézolide en cas de SARM, et dans tous les cas une association à un antibiotique antitoxinique comme la clindamycine, la rifampicine ou le linézolide (19). Par ailleurs, cette même équipe préconise les immunoglobulines polyclonales intraveineuses dans les cas avec leucopénie < 3000/mm3 et/ou hémorragie pulmonaire (19). A l’inverse des PNC de l’adulte où la prise en charge chirurgicale doit être envisagée notamment dans les cas les plus sévères (20), une excision chirurgicale de la nécrose ne nous paraît pas indiquée dans les PNC de l’enfant. En effet, aucun enfant n’a subi de drainage chirurgical de la nécrose dans les plus grandes séries et tous ont évolué favorablement (6,10). A l’inverse, la nécessité de drainer un empyème doit toujours se discuter en fonction de l’état clinique et de la tolérance du patient. Les PNC de l’enfant : une présentation clinique grave mais une évolution favorable Les PNC de l’enfant sont associées à une morbidité significative puisque les enfants hospitalisés pour une PNC ont une durée d’antibiothérapie et d’hospitalisation prolongée avec un retour tardif à l’apyrexie (7 jours en moyenne) (6-10). Cependant, malgré cette présentation sévère, l’évolution est favorable pour la majorité des patients à l’exception des cas de PNC à S. aureus PLV+ décrits par Gillet et al. et dont le mécanisme physiopathologique semble être différent avec une nécrose de l’épithélium respiratoire aboutissant à un syndrome de détresse respiratoire aiguë sans apparition de cavitations dans la plupart des cas (17,18). Les quelques données concernant l’évolution à long terme de ces patients montrent qu’elle semble favorable pour la majorité avec une récupération sans séquelle et une disparition des cavités sur les radiographies et scanners de contrôle (6,10). Conclusion Les PNC constituent une complication rare et peu connue des PAC de l’enfant. La persistance de la fièvre au cours d’une PAC, malgré un traitement antibiotique adéquat, doit faire rechercher la survenue de complications parmi lesquelles la PNC. Devant le risque de sous-estimation de cette pathologie par la radiographie de thorax, la réalisation d’un scanner thoracique peut être indiquée. L’antibiothérapie doit tenir compte des bactéries responsables de la majorité des cas de PNC, S. aureus et S. pneumoniae. Pour finir, il existe différents tableaux cliniques de PNC à S. aureus LPV+. A côté des tableaux sévères de réanimation décrits par Gillet et al. existent des PNC survenant chez des nourrissons et qui se rapprochent des staphylococcies bulleuses décrites dans les années 1950. Bibliographie 1. Rudan I, Boschi-pinto C, Biloglav Z. Bulletin of the World Health Organization. Epidemiology and etiology of childhood pneumonia. B World Health Organ 2008;1– 14. 2. Lee GE, Lorch SA, Sheffler-Collins S et al. National hospitalization trends for pediatric pneumonia and associated complications. Pediatrics 2010;2:204–13. 3. Schultz KD, Fan LL, Pinsky Jet al. The changing face of pleural empyemas in children: epidemiology and management. Pediatrics 2004;1136:1735–40. 4. Resti M, Moriondo M, Cortimiglia M et al. Community-acquired bacteremic pneumococcal pneumonia in children: diagnosis and serotyping by real-time polymerase chain reaction using blood samples. Clin Infect Dis 2010;9:1042–9. 5. Carrillo-Marquez MA, Hulten KG, Hammerman W et al. Staphylococcus aureus pneumonia in children in the era of community-acquired methicillin-resistance at Texas Children’s Hospital. Pediatric Infect Dis J 2011;7:545–50. 6. Lemaître C, Angoulvant F, Gabor F et al. Necrotizing pneumonia in children: report of 41 cases between 2006 and 2011 in a French tertiary care center. Pediatr Infect Dis J 2013;10:1146-9. 7. Wong KS, Chiu CH, Yeow KM et al. Eur J Pediatr 2000;9:684–8. 8. Chen K-C, Su Y-T, Lin W-L et al. Clinical analysis of necrotizing pneumonia in children: three-year experience in a single medical center. Acta Paediatr Taiwan 2003;6:343–8. 9. Hacimustafaoglu M, Celebi S, Sarimehmet H et al. Necrotizing pneumonia in children. Acta Paediatr 2004;9:1172–7. 10. Sawicki GS, Lu FL, Valim C et al. Necrotising pneumonia is an increasingly detected complication of pneumonia in children. Eur Respir J 2008;6:1285–91. 11. Gadkowski LB, Stout JE. Cavitary pulmonary disease. Clin Microbiol Rev 2008;2:305–33. 12. Hsieh Y-C, Hsueh P-R, Lu C-Y et al. Clinical manifestations and molecular epidemiology of necrotizing pneumonia and empyema caused by Streptococcus pneumoniae in children in Taiwan. Clin Infect Dis 2004;6:830–5. 13. Light RW. Parapneumonic effusions and empyema. Proceedings of the American Thoracic Society 2006;1:75-80. 14. Kerem E, Bar Ziv Y, Rudenski B et al. Bacteremic necrotizing pneumococcal pneumonia in children. Am J Resp Crit Care 1994;1:242–4. 15. Bender JM, Ampofo K, Korgenski K et al. Pneumococcal necrotizing pneumonia in Utah: does serotype matter? Clin Infect Dis 2008;9:1346–52. 16. Edwards RL, Gresham GA. Staphylococcal pneumonia in the neonatal period. Lancet 1960;7159:1057–8. 17. Gillet Y, Issartel B, Vanhems Pet al. Association between Staphylococcus aureus strains carrying gene for Panton-Valentine leukocidin and highly lethal necrotising pneumonia in young immunocompetent patients. Lancet 2002;9308:753–9. 18. Gillet Y, Vanhems P, Lina G et al. Factors predicting mortality in necrotizing community-acquired pneumonia caused by Staphylococcus aureus containing PantonValentine leukocidin. Clin Infect Dis 2007;3:315–21. 19. Gillet Y, Dumitrescu O, Tristan A et al. Pragmatic management of Panton-Valentine leukocidin-associated staphylococcal diseases. Int J Antimicrobial AG 2011;6:457–64. 20. Schweigert M, Dubecz A, Beron M, Ofner D, Stein HJ. Surgical therapy for necrotizing pneumonia and lung gangrene. Thorac Cardiovasc Surg 2013;7:636-41. Figure 1. Radiographie thoracique (A) et scanner thoracique en coupe axiale (B) chez une patiente de 3 ans hospitalisée pour pneumonie nécrosante à S. pneumoniae avec épanchement pleural. Figure 2. Radiographie thoracique (A) et scanner thoracique en coupe axiale (B) chez un patient de 16 mois hospitalisé pour pneumonie nécrosante à S. pneumoniae avec hydropneumothorax. Rôle de l’hôte dans la survenue des pneumopathies graves Julie Toubiana1,2, Fanny Alby-Laurent2, Jean-Daniel Chiche2 1 Service de Pédiatrie générale, Hôpital Necker,139 rue de Sèvres, 75015 Paris 2 Institut Cochin, INSERM U1016, 22 rue Méchain, 75014 Paris Les pneumopathies infectieuses graves constituent une cause fréquente d’admission en réanimation chez l’enfant [1]. Les pathogènes les plus souvent responsables sont Streptococcus pneumoniae, Haemophilus influenzae, Staphylococcus aureus, les pathogènes intracellulaires et atypiques et les virus à tropisme respiratoire. Les tableaux cliniques peuvent varier largement, allant des pneumopathies sans aucun signe de détresse respiratoire et peu hypoxémiantes aux formes fulminantes qui évoluent rapidement vers le choc ou le syndrome de détresse respiratoire aigu (SDRA). Les facteurs expliquant cette variabilité de présentation clinique incluent des facteurs en rapport avec l’inoculum et la virulence du pathogène, l’environnement (co-infections, malnutrition, tabagisme passif, médicaments) mais également des facteurs liés à l’hôte. Chez ce dernier, outre le terrain et comorbidités sous-jacents, de nombreux arguments cliniques et expérimentaux se sont accumulés au cours de ces 10 dernières années pour supporter l’hypothèse de prédispositions génétiques aux pneumonies sévères. Deux approches génétiques complémentaires ont permis de mieux comprendre le large panel de la variabilité aux infections ; Elles ont permis d’identifier d’un côté des variants génétiques rares de transmission mendélienne dont la conséquence clinique à l’échelle de l’individu est important, d’un autre côté des variants communs ou polymorphismes associés à une susceptibilité accrue aux infections et/ou une augmentation de la sévérité de celles-ci [2]. Ces variants touchant les gènes codant pour les protéines impliquées dans la reconnaissance du pathogène, la régulation de la réponse inflammatoire, ou l’organisation de la coagulation ont été associés à des pneumopathies sévères chez l’enfant comme chez l’adulte. La sévérité des pneumopathies infectieuses est également influencée par des protéines régulant l’intensité de la réponse inflammatoire en aval des récepteurs de reconnaissance des bactéries. Les principaux mécanismes physiopathologiques de défense de l’hôte au cours des pneumopathies et le rôle des facteurs génétiques dans le développement des pneumopathies communautaires seront ici développés. 1 Physiopathologie de l’interaction hôte – pathogène au sein de l’appareil respiratoire L’appareil respiratoire est l’organe le plus exposé au milieu extérieur, augmentant le risque de dissémination microbienne dans l’organisme. L’appareil respiratoire possède donc des mécanismes de défense très performants pour maintenir la stérilité des espaces aériens sans générer de réaction inflammatoire superflue qui pourrait perturber les échanges gazeux [3]. Plusieurs facteurs non immunologiques assurent la défense du poumon vis-à-vis des pathogènes. Des facteurs anatomiques limitent la progression des pathogènes vers le poumon profond (arborisation bronchique) et vers l'espace interstitiel (jonctions serrées entre les cellules épithéliales de surface). Des facteurs dynamiques, comme l’épuration mucociliaire et la toux, piègent et éliminent les particules inhalées de plus de 5 M. Cependant, l’hôte nécessite un système de défense plus complexe pour combattre les micro-organismes souvent de taille inférieure. Le système immunitaire inné, retrouvé chez tous les organismes pluricellulaires, va compléter ces premières lignes de défense. L’engagement de l’immunité résulte d’une reconnaissance relativement spécifique de structures microbiennes conservées par l’hôte à travers des récepteurs cellulaires ou solubles (Figure 1). Les interactions hôte-pathogène les mieux étudiées au cours de l’infection pulmonaire sont celles qui suivent l’invasion microbienne par le staphylocoque, le pneumocoque et les virus (VRS, ou virus de la grippe) [3, 4]. Les récepteurs membranaires de type Toll (TLRs), exprimés par les polynucléaires neutrophiles, monocytes, macrophages et les cellules épithéliales naturellement en contact avec des pathogènes, sont les acteurs principaux de la réponse innée pulmonaire. Les TLRs appartiennent au petit groupe des récepteurs de l’immunité innée dédiés à la reconnaissance des motifs bactériens. Ces récepteurs, appelés Pattern Recognition Receptors (PRRs), reconnaissent des motifs hautement conservés des micro-organismes, appelés PAMPs (Pathogen-Associated Molecular Pattern) [5]. On compte parmi les PAMPs le Lipopolysaccharide (LPS) présent essentiellement à la membrane externe des bactéries à Gram négatif, et le peptidoglycane, constituant des parois des bactéries à Gram négatif et à Gram positif. La reconnaissance d’un PAMP par un PRR peut donner naissance à un signal intracellulaire aboutissant à l’élimination du pathogène suite à l’activation de facteurs transcriptionnels tels que NF-κB. Les TLRs font partie de cette famille de PRRs à laquelle appartiennent également les récepteurs NODs. Les macrophages alvéolaires sont les premières cellules en contact avec les micro-organismes ayant échappé aux facteurs anatomiques de la défense pulmonaire. Ces cellules sont capables de phagocyter toutes sortes de particules inhalées, micro-organismes, cellules apoptotiques et débris cellulaires. La phagocytose des micro-organismes est médiée par des récepteurs membranaires d’endocytose, fortement exprimés à la surface des macrophages. Après internalisation, plusieurs mécanismes concourent à la dégradation du pathogène dans les vacuoles de phagocytose : production de monoxyde d’azote, et de radicaux oxygénés, libération d’enzymes lysosomales et de peptides antimicrobiens. Outre leur rôle central dans l’élimination des micro-organismes, les macrophages alvéolaires ont également d’importantes fonctions de signalisation et d’immunomodulation en favorisant l’activation et le chimiotactisme d’autres cellules de la défense anti-infectieuse : des cytokines pro-inflammatoires, comme l’interleukine-1, le TNFα et l’interleukine-6 ; des chémokines, comme l’interleukine-8 qui favorisent l’afflux de polynucléaires neutrophiles au site de l’infection et des facteurs de croissance qui prolongent la durée de vie des cellules monocytaires. L’épithélium des voies aériennes est capable de répondre à un nombre important de PAMPs et d’agonistes des TLRs. L’activation des TLRs dans les cellules épithéliales des gènes codant pour des médiateurs, des molécules d’adhésion et des effecteurs antimicrobiens solubles comme les collectines et les peptides antimicrobiens [6]. TLR4 est le récepteur le plus étudié. Son importance dans la réponse au LPS inhalé a été démontrée chez l’homme par la mise en évidence d’un polymorphisme avec perte de fonction dans la région codante de TLR4 chez des individus déclenchant une faible bronchoconstriction en réponse au LPS inhalé [7]. Contrairement à TLR4, une forte expression de TLR2 a été démontrée au pôle apical de plusieurs lignées cellulaires bronchiques humaines, particulièrement en réponse à une stimulation par S. aureus ou P. aeruginosa. TLR3 est impliqué dans la réponse des cellules épithéliales des voies aériennes aux ligands d’origine virale de type ARN double brin, induisant une réponse inflammatoire avec production d’interféron de type I et III mais aussi l’expression de β-défensines [5]. Les effecteurs solubles de l’immunité innée pulmonaire sont des sécrétions pulmonaires qui possèdent des propriétés bactériostatiques et bactéricides, soit à piégeant les micro-organismes comme les mucines, soit possédant des activités antimicrobiennes directes comme les -défensines, cathélicidines ou collectines [8]. Parmi ces dernières, les protéines SPA et SPD du surfactant sont sécrétées par les pneumocytes de type II et ont la capacité d’opsoniser un large panel de bactéries, de levures, de virus et même des particules inorganiques, et ont des propriétés chémo-attractantes pour les macrophages alvéolaires. Enfin, des médiateurs comme les facteurs de croissance et les chémokines (ex. IL-8) favorisent la phagocytose des micro-organismes par les macrophages alvéolaires, par des cellules issues du compartiment sanguin (PNNs), ou par les cellules épithéliales. Les cytokines TNFα et l’IL-1 jouent un rôle important car leur inhibition concomitante rend les modèles animaux très susceptibles à la pneumopathie à pneumocoque et autres bactéries. En revanche, la cytokine anti-inflammatoire IL-10 empêche une défense appropriée contre l’infection primaire à pneumocoque ou secondaire à une infection grippale [4]. De façon intéressante, l’IL-17 et autres cytokines issues de l’activation de la voie Th-17 se situent entre la réponse immunitaire innée adaptative. Elles permettent de contrôler la colonisation des muqueuses, comme l’arbre respiratoire, par la flore commensale (S. pneumoniae et H. influenzae tout particulièrement) et d’ainsi éviter l’invasion et le développement d’une infection pulmonaire [9]. Figure 1. Défense immunitaire innée au cours des infections pulmonaires. Les récepteurs de reconnaissance des pathogènes (PRRs) tels que les TLRs sont exprimés sur les macrophages alvéolaires, les cellules épithéliales et endothéliales, cellules dendritiques et permettent l’activation de facteurs de transcription comme NF-κB et la production de médiateurs inflammatoires et de peptides antimicrobiens. Les cellules dendritiques permettent l’engagement de la réponse adaptative. D’après Opitz et al. AJRCCM 2010. En revanche, la réponse de l’hôte peut être délétère au cours des infections pulmonaires, modifiant ainsi la sévérité de l’infection. En effet la sévérité et le pronostic en terme de mortalité des patients septiques sont liés à l’engagement de TLRs et à l’intensité de l’activation de NF- B et de la production de cytokines pro-inflammatoires [10]. Par ailleurs, le SDRA observé au cours des infections graves est la conséquence de l’inflammation dépendante de NF- B et de la migration des polynucléaires neutrophiles dans le poumon entraînant des lésions épithéliales [11]. Une autre voie joue un rôle essentiel dans le pronostic des infections graves, la voie de l’inflammasome. Celle-ci est activée à travers des signaux appelés DAMPs (Damage associated molecular patterns), molécules endogènes libérées par les cellules de l’hôte suite à leur destruction ou au stress induit par l’agression microbienne. Cette voie complexe, nécessaire à l’éradication du pathogène, permet la transformation de la pro-IL-1 en IL-1 par la caspase-1, mais son activation excessive peut aggraver les lésions tissulaires et la réponse systémique à l’infection [12]. Les voies de coagulation sont activées par le système immunitaire inné au cours des infections invasives comme l’infection à pneumocoque, à la fois au niveau systémique et pulmonaire [4]. Elles sont initiées en général par le facteur tissulaire et visent à éradiquer l’infection locale. L’activation du système de coagulation peut cependant être délétère pour l’hôte, en favorisant la production de microthrombi qui aggrave les lésions alvéolaires, et pouvant à l’extrême entraîner une CIVD. 2 Facteurs de risque d’infection pulmonaire sévère liés à l’hôte En dehors de toute pathologie chronique, tous les individus ne semblent pas égaux devant le risque infectieux pulmonaire. La survenue et la sévérité d’une pneumopathie dépendent d’un nombre important de facteurs, incluant la pathogénicité du germe en cause mais aussi de facteurs dépendant de l’hôte. Parmi eux, des facteurs non génétiques ont été initialement décrits. Chez l’adulte, il est maintenant admis que l’âge, le tabac, la dénutrition, une maladie respiratoire chronique sous-jacente (asthme, broncho-pneumopathie chronique obstructive), cardiopathie, maladie neurologique, l’insuffisance rénale ou hépatique augmentaient le risque de pneumopathie [13]. Des facteurs génétiques modifiant les défenses de l’hôte peuvent aussi favoriser le développement ou augmenter la gravité des infections pulmonaires. Une étude scandinave a réussi à analyser l’influence respective des facteurs génétiques et celle des facteurs environnementaux dans le risque de mortalité par infection [14]. Sorensen et al. ont comparé l’incidence de décès par infection chez 960 enfants danois adoptés, chez leurs parents adoptifs et chez leurs parents biologiques. Ils ont montré que le risque relatif de décès par infection d'un individu était 5,8 fois supérieur si un de ses parents biologiques était décédé d’une maladie infectieuse avant l’âge de 50 ans, alors que ce risque pour l’enfant adopté n’était pas augmenté lorsqu’un de ses parents adoptifs était mort d’une infection, concluant à la primauté des facteurs génétiques par rapport aux facteurs environnementaux. Le spectre des prédispositions génétiques aux maladies infectieuses est un continuum entre schématiquement trois groupes : i) prédispositions mendéliennes (mutations rares, à effets forts, s’exprimant surtout dans l’enfance et à transmission héréditaire classique) à de multiples infections ou à un agent pathogène particulier ; ii) prédisposition génétique multifactorielle aux maladies infectieuses communes (dépendant d’un grand nombre de variants géniques chacun à effet faible) ; iii) prédisposition à pénétrance forte vis-à-vis d’un pathogène donné et relevant de gènes dits majeurs [2]. Tous ces facteurs ont pu être identifiés à l’aide des stratégies de la génétique classique et de la génétique moléculaire : études familiales, études de liaison, analyses de gènes candidats, analyses génomiques systématiques par puces ADN (Genome Wide Association Studies ou GWAS) et maintenant séquençage à haut débit. L’infection pulmonaire sévère ou répétée doit faire penser à la présence d’une de ces prédispositions. 2.1 Prédisposition monogénique Le rôle des facteurs génétiques de prédisposition aux infections a initialement été mis en évidence par l’étude des déficits immunitaires héréditaires, définis comme une atteinte monogénique affectant le système de défense de l’hôte. Ces déficits peuvent toucher l’immunité humorale (agammaglobulinémie, déficit en sous-classe etc.) entraînant des infections bactériennes et/ou certains virus (entérovirus), ou cellulaire (déficit immunitaire combiné sévère etc.) favorisant des infections virales ou par des pathogènes opportunistes. Ils sont en général rares, et l’on retrouve souvent un terrain de consanguinité. Les signes infectieux apparaissent dans l’enfance à type d’infections graves et récurrentes occasionnées par des germes peu virulents. Plus de 200 phénotypes ont été observés conduisant à la caractérisation d’une centaine de mutations génétiques. Chez ces enfants les explorations immunologiques de routine (dosage pondéral des immunoglobulines, fonction des anticorps, phénotypage lymphocytaire) sont souvent anormales et le phénotype infectieux est souvent accompagné d’une bronchiectasie sous-jacente favorisant et/ou aggravant les infections pulmonaires sévères, notamment à certains pathogènes comme le Pseudomonas aeruginosa ou S. aureus. Certains déficits immunitaires dits monogéniques confèrent une prédisposition à un type d’infection plus restreint [15]. Et parmi eux, la granulomatose septique chronique (CGD) (déficit en CYBB, en CYBA, en NCF1 et en NCF2) est un déficit immunitaire touchant la phagocytose entraînant une susceptibilité à développer des infections bactériennes et fongiques, tout particulièrement à S. aureus et S. epidermidis, à bactéries Gram négatif comme Salmonella spp et Pseudomonas spp., et à Aspergillus et Candida. Les défauts génétiques de l’adhésion leucocytaire (déficit autosomique récessif en CD18 ou LAD) sont caractérisés par un mauvais recrutement et un défaut de migration des polynucléaires neutrophiles, et se compliquent par de fréquentes infections à S. aureus ainsi que par des infections fongiques. Les neutropénies congénitales ont différentes causes génétiques, en particulier les gènes codant l’élastase neutrophile ELA2 (neutropénie cyclique), la protéine mitochondriale HAX1 (Syndrome de Kostmann) ou SDBS (Maladie de Schwachman) et se compliquent d’infections bactériennes à type d’abcès et pneumopathies en particulier à S. aureus. Le syndrome hyper-IgE est un déficit immunitaire impliquant des mutations hétérozygotes du gène STAT3. La molécule STAT3 est impliquée dans la signalisation de nombreuses cytokines telles que l’IL-10 et l’IL-6. Sur le plan infectieux, les patients se caractérisent par la survenue d’abcès « froids » cutanés récurrents à staphylocoque et de pneumopathies bactériennes ou fongiques, et par une augmentation importante des immunoglobulines E. D’autres défauts génétiques ‘non classiques’ touchent les voies de l’immunité innée et élargissent le panel des prédispositions mendéliennes aux infections, mais restent comme celles-ci des affections rares. Ils touchent l’axe IL12/IFN associé à une prédisposition aux infections mycobactériennes, ou la voie de signalisation des récepteurs TLRs associés aux infections bactériennes. Parmi ces derniers, la dysplasie ectodermique anhidrotique avec déficit immunitaire (EDA-ID) est caractérisée par une anomalie de développement des structures dérivées de l’ectoderme et par un déficit immunitaire. Le phénotype infectieux retrouvé chez les enfants atteints est caractérisé par des infections récurrentes à pyogènes comme à Haemophilus influenzae, S. pneumoniae, ou S. aureus, ainsi que des infections à Mycobacterium avium. Quelques cas d’infections virales par le Cytomegalovirus ou le virus Herpes simplex de même que quelques cas de pneumonies à P. jyroveci ont été décrits. Deux autres prédispositions génétiques aux infections ont été décrites, les déficits en IRAK4 et MyD88. Elles affectent la voie de signalisation de la majorité des récepteurs TLRs. Ces patients ont tous en commun des infections invasives et/ou récidivantes restreintes à certains pyogènes, principalement à S. aureus et S. pneumoniae dans les premières années de vie. Certaines maladies monogéniques ne touchent pas directement l’immunité, mais favorisent les infections pulmonaires graves en modifiant des gènes de protéines essentielles à l’éradication du pathogène au niveau pulmonaire ; c’est le cas de la mucoviscidose dont la mutation au niveau de la protéine CFTR entraîne un défaut de clairance, une augmentation de l’adhérence bactérienne, un défaut de bactéricidie par inefficacité de la phagocytose, un défaut de production de NO, un environnement inflammatoire et enfin de multiples lésions épithéliales [16]. Ces patients sont plus susceptibles aux pneumopathies à certains pathogènes comme le S. aureus et P. aeruginosa. 2.2 Génétique « non mendélienne » et susceptibilité aux infections Les facteurs génétiques impliqués ici ne sont ni nécessaires ni suffisants à la survenue d’un phénotype infectieux, mais constituent des facteurs de risque ou de gravité. Parmi eux, les polymorphismes génétiques sont des variations de séquence du génome dont la fréquence est supérieure à 1 % dans la population générale, et correspondent à des polymorphismes de séquence dans 90 % des cas, dus à la substitution d’un nucléotide (SNP, pour Single Nucleotide Polymorphism) ou à l’insertion/délétion d’un nucléotide ou d’une séquence nucléotidique. L’initiation en 2002 du projet HapMap, dont l’objectif est la construction d’une base de données permettant de définir les SNPs les plus représentatifs des haplotypes humains, a permis d’estimer à plus de 10 millions le nombre de SNPs existant dans le génome humain et il existe plus de 3 millions de variations de type insertion délétion. Les SNPs sont localisés sur l’ensemble du génome, aussi bien dans les séquences intergéniques que dans les exons. Ils sont dits SNPs « fonctionnels » s’ils changent la fonction ou la quantité de la protéine. De nombreuses études d’association génétique ont été conduites chez l’homme à la recherche de polymorphismes génétiques influençant la survenue et/ou la sévérité des infections notamment pulmonaires. Parmi eux, les polymorphismes situés dans des gènes codant pour les protéines importantes pour la reconnaissance des pathogènes, des protéines de l’inflammation ou de la coagulation sont des candidats fréquemment étudiés (Tableau 1). Ces études ne répondant cependant pas toutes aux critères de qualité requis et nécessitant une validation par la répétition des résultats, il est important de les considérer avec précaution. Gène candidat Phénotype clinique associé Reconnaissance microbienne & signalisation MBL, MASP 2 Pneumopathies sévères, sepsis à S. pneumoniae Surfactant SP-A Bronchiolite à VRS sévère Surfactant SP-B Pneumopathie bactérienne sévère (SDRA, choc) TLR 1,2 Sepsis à gram +, infections à S. aureus TLR 4 Sepsis gram -, bronchiolite VRS TLR5 Légionellose NOD2/CARD15 Tuberculose TIRAP/MAL Infection invasive à pneumocoque (protecteur) I B Infection invasive à pneumocoque (protecteur) et I B IgG2 receptor (Fc RIIa) Infection invasive à pneumocoque IL1 receptor associated kinase 1 (IRAK 1) Sévérité pulmonaire au cours du choc septique Inflammation MIF Pneumopathie sévère IL-1 Sévérité au cours du choc septique IL 6 Sepsis sévère CXCL2 Sepsis sévère Régulation de l’inflammation IL10 Pneumopathie bactérienne sévère, Gram + IL1 receptor antagonist Sévérité au cours du choc septique HSP 70 Pneumopathie bactérienne sévère (choc) CISH Bactériémie, tuberculose Molécules activées par l’inflammation Fibrinogène beta Détresse respiratoire aiguë Factor V Leiden Sepsis sévère (défaillance d’organe) Protéine C Sepsis sévère (défaillance d’organe) PAI-1 Pneumopathie bactérienne sévère, sepsis sévère Enzyme de conversion à l’angiotensine Sepsis Tableau 1. Principaux polymorphismes génétiques associés aux infections graves 2.2.1 Gènes candidats Il existe de multiples SNPs fonctionnels localisés au sein du promoteur et des régions codantes du gène MBL2. Ces SNPs, modifiant les taux et la fonction de la protéine, sont associés à la gravité des pneumopathies, en terme de sepsis sévère ou de pronostic, tout particulièrement aux infections invasives à pneumocoque [17]. Parmi les autres collectines, des polymorphismes des gènes des protéines du surfactant SP-B ont été associés à la survenue de pneumonies [18]. Un certain nombre d’études ont retrouvé une association entre infections et polymorphismes fonctionnels sur les gènes des TLRs [18]. Ces SNPs modifient ainsi soit la quantité, soit la qualité (gain ou perte de fonction) de ces récepteurs. Les SNPs sur TLR4 Asp299Gly (TLR4 + 896A>G) et Thr399Ile diminuent la réponse au LPS, et sont associés à un risque accru d’infection bactérienne sévère. Le SNP Asp299Gly est par ailleurs associé aux bronchiolites à virus respiratoire syncytial (VRS) [19] - TLR4 reconnaît en effet la protéine de fusion (F) du VRS - mais semble aussi associé à une résistance aux infections pulmonaires à Legionella pneumophila. Le SNP Arg753Gln au sein de TLR2 diminue la réponse immunitaire innée aux lipoprotéines et semble être associé aux infections sévères à gram positif. D’un autre côté, TLR1, essentiel à l’engagement des voies de signalisation pro-inflammatoires TLR2-dépendantes, est modifié par le SNP 7202G qui augmente in vitro la réponse inflammatoire. Ce SNP est associé à la sévérité du sepsis à gram positif en terme de SDRA, de multidéfaillance d’organe, et de mortalité [20]. Les gènes de protéines de signalisation peuvent être aussi touchées. Ainsi TIRAP est modifié par le variant TIRAP-180L qui affecte l’activation de NF-κB après stimulation de TLR2 et a un effet protecteur à l’état hétérozygote contre les infections invasives à pneumocoque ; ces données suggèrent le rôle délétère de l’inflammation exagérée au cours des infections [21]. Par ailleurs la sévérité pulmonaire est associée à la présence d’un polymorphisme fonctionnel d’IRAK1 (IRAK1-1595C) chez des patients atteints de choc septique. Ce SNP entraîne une hyperactivation de NF-κB suite à la stimulation de TLR4 [22]. Deux variants sur les gènes de I B et I B , protéines inhibitrices de NF-κB, ont été associés à un effet protecteur dans le développement des infections invasives à pneumocoques [23]. Les gènes de l’inflammation peuvent être également touchés, pro-inflammatoires comme pour l’IL1- ou l’IL-6 dont les SNPs respectifs IL-1B+3954 et IL6-174G>C sont associés à la sévérité du sepsis, mais aussi anti-inflammatoires tels que l’IL-10 ou le récepteur antagoniste de l’IL-1 [18]. Enfin, certains SNPs localisés dans les gènes de protéines de coagulation fortement impliquées dans le sepsis sévère, notamment PAI-1, ont été retrouvés comme associés à la sévérité des infections pulmonaires [4, 18]. Cette stratégie dite « protéine candidate » fondée sur une connaissance préétablie des molécules impliquées dans les voies de signalisation de l’immunité limite cependant le nombre de gènes et de polymorphismes susceptibles d’être associés au développement d’une infection ou à sa sévérité. 2.2.2 Nouvelles approches d’étude d’association génétique Les études sur génome entier (Genome wide association studies, GWAS) ouvrent un large répertoire de facteurs génétiques. Les progrès techniques actuels (puces à ADN etc.) permettent effectivement de génotyper jusqu’à un million de SNPs en parallèle, et un certain nombre d’études ont déjà révélé de nouvelles voies de signalisation contribuant aux développement des maladies infectieuses. Ainsi, l’association de deux études africaines type GWAS sur les facteurs génétiques de susceptibilité à la tuberculose a permis d’identifier un polymorphisme sur un nouveau locus situé au niveau du chromosome 18, région pauvre en gènes qui intervient très probablement dans les systèmes de régulation transcriptionnelle [24]. Une autre nouvelle approche d’étude de susceptibilité génétique aux infections, le séquençage à haut-débit de l’exome, est issue des études des maladies de transmission mendélienne. Elle permet d’étudier les SNPs à fort risque de conséquence fonctionnelle étant localisés sur la région codante du génome. En revanche, il existe un véritable enjeu car les effectifs de patients doivent être très élevés. Une équipe a pu augmenter la puissance de son étude en proposant le séquençage de patients ayant des phénotypes extrêmes (sains vs infections sévères). Ils ont pu ainsi caractériser des variants sur le gène de la dynactine associés à la précocité des infections pulmonaires à P. aeruginosa chez des patients atteints de mucoviscidose [25]. 3 Conclusion Les études génétiques complémentaires permettant d’identifier des facteurs génétiques de susceptibilité aux infections ou à leur sévérité ont permis de mieux comprendre le rôle de l’hôte dans les infections pulmonaires sévères chez l’enfant et chez l’adulte. Ces facteurs participent largement à la variabilité inter-individuelle face à l’invasion microbienne. Nous pouvons dès à présent mieux identifier les patients qui nécessiteraient une thérapie préventive (antibioprophylaxie, vaccination hors recommandations), et une meilleure prise en charge de ces patients à risque. A moyen terme, nous espérons que ces travaux aboutiront à la mise au point de nouveaux traitements adjuvants du sepsis. En revanche, il est nécessaire de considérer d’autres facteurs liés à l’hôte tels que les facteurs épigénétiques, et les facteurs microbiens et environnementaux pour mieux comprendre le phénotype infectieux ; La modélisation de toutes ces interactions qui déterminent aujourd’hui le phénotype clinique, orienteront demain les stratégies thérapeutiques. Bibliographie [1] Esposito S, Cohen R, Domingo JD, et al. Antibiotic therapy for pediatric community-acquired pneumonia: do we know when, what and for how long to treat? The Pediatric infectious disease journal 2012; 31:e78-85. [2] Alcais A, Quintana-Murci L, Thaler DS, et al. Life-threatening infectious diseases of childhood: single-gene inborn errors of immunity? Annals of the New York Academy of Sciences 2010; 1214:18-33. [3] Opitz B, van Laak V, Eitel J, et al. Innate immune recognition in infectious and noninfectious diseases of the lung. American journal of respiratory and critical care medicine 2010; 181:1294-1309. [4] van der Poll T, and Opal SM. Pathogenesis, treatment, and prevention of pneumococcal pneumonia. Lancet 2009; 374:1543-1556. [5] Akira S, Uematsu S, and Takeuchi O. Pathogen recognition and innate immunity. Cell 2006; 124:783-801. [6] Mookherjee N, Brown KL, Bowdish DM, et al. Modulation of the TLR-mediated inflammatory response by the endogenous human host defense peptide LL-37. Journal of immunology 2006; 176:2455-2464. [7] Arbour NC, Lorenz E, Schutte BC, et al. TLR4 mutations are associated with endotoxin hyporesponsiveness in humans. Nature genetics 2000; 25:187-191. [8] Ganz T. Defensins: antimicrobial peptides of innate immunity. Nature reviews 2003; 3:710-720. [9] Lu YJ, Gross J, Bogaert D, et al. Interleukin-17A mediates acquired immunity to pneumococcal colonization. PLoS pathogens 2008; 4:e1000159. [10] Arnalich F, Garcia-Palomero E, Lopez J, et al. Predictive value of nuclear factor kappaB activity and plasma cytokine levels in patients with sepsis. Infection and immunity 2000; 68:19421945. [11] Ware LB, and Matthay MA. The acute respiratory distress syndrome. The New England journal of medicine 2000; 342:1334-1349. [12] Ogura Y, Sutterwala FS, and Flavell RA. The inflammasome: first line of the immune response to cell stress. Cell 2006; 126:659-662. [13] Torres A, Peetermans WE, Viegi G, et al. Risk factors for community-acquired pneumonia in adults in Europe: a literature review. Thorax 2013; 68:1057-1065. [14] Sorensen TI, Nielsen GG, Andersen PK, et al. Genetic and environmental influences on premature death in adult adoptees. The New England journal of medicine 1988; 318:727-732. [15] Bustamante J, Boisson-Dupuis S, Jouanguy E, et al. Novel primary immunodeficiencies revealed by the investigation of paediatric infectious diseases. Current opinion in immunology 2008; 20:39-48. [16] Gibson RL, Burns JL, and Ramsey BW. Pathophysiology and management of pulmonary infections in cystic fibrosis. American journal of respiratory and critical care medicine 2003; 168:918-951. [17] Brouwer MC, de Gans J, Heckenberg SG, et al. Host genetic susceptibility to pneumococcal and meningococcal disease: a systematic review and meta-analysis. The Lancet infectious diseases 2009; 9:31-44. [18] Chung LP, and Waterer GW. Genetic predisposition to respiratory infection and sepsis. Critical reviews in clinical laboratory sciences 2011; 48:250-268. [19] Tal G, Mandelberg A, Dalal I, et al. Association between common Toll-like receptor 4 mutations and severe respiratory syncytial virus disease. The Journal of infectious diseases 2004; 189:2057-2063. [20] Wurfel MM, Gordon AC, Holden TD, et al. Toll-like receptor 1 polymorphisms affect innate immune responses and outcomes in sepsis. American journal of respiratory and critical care medicine 2008; 178:710-720. [21] Khor CC, Chapman SJ, Vannberg FO, et al. A Mal functional variant is associated with protection against invasive pneumococcal disease, bacteremia, malaria and tuberculosis. Nature genetics 2007; 39:523-528. [22] Toubiana J, Courtine E, Pene F, et al. IRAK1 functional genetic variant affects severity of septic shock. Critical care medicine 2010; 38:2287-2294. [23] Chapman SJ, Khor CC, Vannberg FO, et al. Common NFKBIL2 polymorphisms and susceptibility to pneumococcal disease: a genetic association study. Critical care 2010; 14:R227. [24] Thye T, Vannberg FO, Wong SH, et al. Genome-wide association analyses identifies a susceptibility locus for tuberculosis on chromosome 18q11.2. Nature genetics 2010; 42:739741. [25] Emond MJ, Louie T, Emerson J, et al. Exome sequencing of extreme phenotypes identifies DCTN4 as a modifier of chronic Pseudomonas aeruginosa infection in cystic fibrosis. Nature genetics 2012; 44:886-889. TABLE RONDE 4 Purpuras vasculaires Purpura d’origine virale chez l’enfant Emmanuelle Bourrat Dermatologue Service de pédiatrie générale Hôpital Robert Debré Paris [email protected] Les virus, comme beaucoup de micro-organismes, sont des agents étiologiques non rares de purpura chez l’enfant (1). Des mécanismes physiopathogéniques variés, parfois intriqués, souvent hypothétiques font que la classification de ces purpuras n’est pas toujours facile. A part, le purpura thrombopénique idiopathique parfois rapporté à une virose et le fulminans « idiopathique » survenant au décours d’une varicelle, qui sont de diagnostic clinique ou biologique souvent évident et ne seront pas abordés dans cet exposé consacré aux purpuras vasculaires ou inflammatoires. Les effets délétères d’une réplication virale sur l’endothelium ou la paroi des vaisseaux du derme sont d’origines multiples : - Un tropisme direct du virus pour les vaisseaux du derme (2) est démontré dans certains cas (parvovirus B19) - Une action indirecte via la formation de complexes immuns (3) circulants est le mécanisme le plus volontiers proposé à l’origine de vascularites infectieuses d’origine virale : le dépôt des CIC sur les parois vasculaires entraîne successivement o l’activation du complément d’où la production de facteurs de chimiotactisme et du complexe d’attaque membranaire o l’altération des cellules endothéliales avec libération de cytokines et de molécules d’adhésions o l’interaction entre les cellules endothéliales et les polynucléaires neutrophiles et basophiles d’où sécrétion de substances vasodilatatrices et enzymes protéolytiques o la destruction des parois vasculaires et l’extravasation des globules rouges. Cette séquence physiopathologique semble démontrée et admise pour les cas de vascularites liées à l’hépatite B et C (avec cryoglobulinémie de type II) : il s’agit de vascularites leucocytoclasiques typiques cliniquement (purpura infiltré + nécrose) et histologiquement mais très rarement rencontrées en pédiatrie. En effet, dans la pratique pédiatrique courante, le purpura le plus fréquent reste l’exanthème purpurique fébrile non lié à un sepsis bactérien ou à une cause mécanique (vomissements, toux) où l’hypothèse virale est retenue par défaut mais rarement documentée : la biopsie cutanée de ce purpura volontiers pétéchial n’est jamais proposée, le bilan microbiologique vise essentiellement à éliminer une cause bactérienne et non pas à identifier un virus précis. De ce fait, les observations de la littérature avec lien supposé entre purpura et virus sont nombreuses mais l’imputabilité du virus est souvent hypothétique et même quand elle est prouvée (parvovirus B19), son mécanisme physiopathogénique reste assez mystérieux. Les questions posées ce jour seront donc plutôt d’ordre pratique, à savoir : - 1) D’abord et surtout, comment différentier un purpura fébrile viral d’un sepsis bactérien grave ? Le sepsis bactérien et plus particulièrement la méningite à méningocoque est une cause rare d’exanthème purique de l’enfant mais l’éliminer doit rester une obsession pour tout praticien en tenant compte des conséquences en matière de prise en charge thérapeutique et de pronostique. Plusieurs études se sont intéressées à la sensibilité (4, 5, 6) et la spécificité des différents paramètres cliniques et biologiques pour le diagnostic positif de purpura en rapport avec une méningite et/ou une septicémie d’origine bactérienne. Ces études, bien que très hétérogènes en termes de populations étudiées et de méthodologie convergent toutes vers o une forte valeur prédictive positive de l’altération de l’état général et de conscience, des perturbations hémodynamiques, de la lésion élémentaire dermatologique caractéristique : purpura de taille supérieure à 2 mm non infiltré, aux contours géographiques, plutôt déclive (partie inférieure du corps) rapidement extensif en surface et en topographie ; o une forte valeur prédictive négative d’une topographie strictement localisée au territoire cave supérieur (purpura mécanique au cours des cris, efforts de toux ou vomissements), d’un bilan inflammatoire et hématologique normal, d’un état général et hémodynamique parfaitement conservé et stable malgré la fièvre ; o du point de vue du dermatologue - rarement sollicité dans ce type de situation qui relève du médecin de ville ou de l’urgentiste - un exanthème d’emblée diffus avec une ou plusieurs lésions élémentaires - autres que le purpura (macules ou papules érythémateuses), une topographie élective ou de renforcement du purpura, souvent bilatérale et symétrique type « gloves and socks » orientent plus volontiers vers une cause virale d’autant plus que les critères de gravité sont absents. Une leucopénie et/ou une thrombopénie modérées et une cytolyse hépatique sont aussi des arguments en faveur d‘une infection virale. - 2) Quels sont les virus responsables d’exanthèmes purpuriques chez l’enfant ? Pratiquement tous les virus (et certains vaccins) sont incriminés, avec des niveaux de preuve très variables et discutables (cf Tableau 1). Il s’agit d’une liste non exhaustive, par ordre de fréquence : o le parvovirus et CMV qui sont probablement les plus susceptibles d’être à l’origine d’un exanthème purpurique. L’arbovirus responsable du chinkungunya doit être rajouté à cette liste (7). o une étude récente sur l’imputabilité respective des différents virus dans les exanthèmes purpuriques montre qu’une co-infection est fréquente, surtout chez le jeune enfant (8). o noter qu’au cours des infections virales qui ne s’accompagnent pas en général d’une composante purpurique, une telle lésion élémentaire est souvent un signe de forme grave : varicelle, rougeole. - 3) Quels sont les éléments cliniques et paracliniques d’orientation vers un virus précis ? Le gloves and socks syndrome ou exanthème purpurique en gants et chaussettes a initialement été considéré comme une éruption spécifiquement due au parvovirus B19 (9). Au fur et à mesure des publications, il s’est avéré que : o d’une part le renforcement - voire la localisation exclusive - d’un exanthème purpurique aux extrémités des membres (gloves and socks syndrome ou syndrome « en gants et chaussettes » ) n’était pas le seul tableau évocateur du parvovirus B19 : une atteinte des grands plis et plus particulièrement inguinaux, une atteinte péribuccale et des signes muqueux (énanthème, purpura, érosions) sont fréquemment rapportés au cours de cette primoinfection ; o le gloves and socks syndrome a progressivement été rapporté à de nombreux virus (voir au cours de réactions postvaccinales), confirmant la relative faible concordance entre un type donné d’exanthème et un virus spécifique : le même virus peut donner différentes présentations dermatologiques (et extradermatologiques : angine, diarrhées, arthralgies ….) et plusieurs virus peuvent donner une présentation identique. - 4) Quel est l’intérêt pratique d’identifier le virus causal devant un exanthème purpurique fébrile de l’enfant ? Un bilan virologique exhaustif n’est pas envisageable pour des raisons de faisabilité (plateau technique souvent non disponible), de coût et de rentabilité : les résultats de sérologies (qui doivent idéalement être répétées à 15 jours d’intervalle), et des PCR sont parfois d’interprétation délicate et l’imputabilité d’un virus identifié n’est pas toujours certaine. Les conséquences thérapeutiques sont nulles chez l’enfant immunocompétent qui est souvent déjà guéri avant l’arrivée des résultats. Les indications du bilan viral sont donc réservées à des cas particuliers : o contage avec une femme enceinte (mère, nourrice) dans les jours précédant l’éruption : vérifier les vaccinations et les sérologies vaccinales pour rubéole, CMV, parvovirus B19 chez le sujet contact à risque puis chez l’enfant atteint en fonction des résultats (inutile si la mère a des AC protecteurs pour les virus à risque). Si risque de séroconversion chez la mère (par exemple mère séronégative pour le parvovirus B19 et primo-infection au même virus prouvée chez l’enfant) surveillances sérologiques rapprochées maternelles et mesures adaptées (échographies fœtales rapprochées) si séroconversion constatée ; o exanthème purpurique chez un enfant souffrant d’une anémie chronique (ou en contact avec un enfant dans le même contexte pathologique) : surveiller la NFS pour dépister une érythroblastopénie avec risque d’anémie mal tolérée au cours d’une infection à parvovirus B19 chez un enfant drépanocytaire. Références: 1) Eulalia Baselga, Beth A. Drolet, and Nancy B. Esterly, Purpura in infants and children J Am Acad Dermatol 1997;37:673-705 2) Mike McNeely, Jeremy Friedman, MD, , and Elena Pope. Generalized petechial eruption induced byparvovirus B19 infection J Am Acad Dermatol 2005;52:S109-13. 3) Mouthon L. Causes and mechanisms of systemic vasculitides. Rev Prat. 2008 Mar 15;58(5):487-91. 4) H E Nielsen, E A Andersen, J Andersen, B Böttiger, K M Christiansen, P Daugbjerg, S O Larsen, I Lind,M Nir, K Olofsson Diagnostic assessment of haemorrhagic rash and fever Arch Dis Child 2001;85:160–165 5) Mandl KD, Stack AM, Fleisher GR. Incidence of bacteremia in infants and children with fever and petechiae. J Pediatr. 1997 Sep;131(3):398-404. 6) L C Wells, J C Smith, V C Weston, J Collier, N Rutter1 The child with a non-blanching rash: how likely is meningococcal disease? Arch Dis Child 2001; 85:218–222 7) Pakran J, George M, Riyaz N, Arakkal R, George S, Rajan U, Khader A, Thomas S, Abdurahman R, Sasidharanpillai S, Thumbayil L.Purpuric macules with vesiculobullous lesions: a novel manifestation of Chikungunya. Int J Dermatol. 2011 Jan;50(1):61-9. Doi.1111/j.13654632.2010.04644.x. 8) Schneider H, Adams O, Weiss C, Merz U, Schroten H, Tenenbaum T.Clinical characteristics of children with viral single- and co-infections and a petechial rash. Pediatr Infect Dis J. 2013 May; 32(5):e186-91. doi: 10.1097/INF.0b013e318280618d 9) Fretzayas A, Douros K, Moustaki M, Nicolaidou P Papular-purpuric gloves and socks syndrome in children and adolescents. Pediatr Infect Dis J. 2009 Mar; 28(3):250-2. doi: 10 Tableau 1 - Causes virales des purpuras de l’enfant d’après Eulalia Baselga, Beth A. Drolet, and Nancy B. Esterly, Purpura in infants and children J Am Acad Dermatol 1997;37:673-705 PF : Purpura Fulminans Le purpura rhumatoïde et l’œdème aigu hémorragique Maryam Piram Service de pédiatrie générale et rhumatologie pédiatrique, centre de référence des maladies auto-inflammatoires de l’enfant, CHU de Bicêtre, APHP, Inserm 1018 CESP, Université Paris Sud, 78 avenue du Général Leclerc, 94270 Le Kremlin Bicêtre. [email protected] Le purpura rhumatoïde, récemment renommé vascularite à IgA (IgAV) (1) est une vascularite leucocytoclasique des petits vaisseaux touchant principalement la peau, les articulations, le tube digestif, le rein et plus rarement d’autres organes. C’est la vascularite la plus fréquente de l’enfant dont le pronostic est principalement lié à la survenue d’une atteinte rénale ou à la sévérité de l’atteinte digestive. La maladie évolue le plus souvent favorablement, mais elle est source d’une anxiété importante de l’enfant et de sa famille de par la symptomatologie parfois impressionnante en phase aiguë, mais aussi devant l’impuissance médicale à prédire ou prévenir l’évolution défavorable de la maladie. Epidémiologie Bien que la maladie ait été décrite jusqu’à 86 ans, l’IgAV est une pathologie avant tout pédiatrique qui touche surtout l’enfant entre 3 et 12 ans avec un pic de fréquence vers 7 ans et une légère prédominance de garçons (2). L’IgAV est une pathologie ubiquitaire dont l’incidence annuelle a été estimée en Europe entre 6 et 27 pour 100 000 enfants de moins de 16 ans et entre 1 et 5 pour 100 000 adultes (2,3). Une saisonnalité a été décrite dans de nombreuses études pédiatriques soulignant une incidence plus élevée durant les mois froids et une diminution de fréquence en été. Physiopathologie La maladie a été décrite il y a plus de 200 ans mais son étiologie reste un mystère et sa physiopathologie est mal comprise. Histologiquement, la maladie est caractérisée par une vascularite leucocytoclasique avec dépôts de complexes immuns à immunoglobulines A (IgA) au niveau des vaisseaux de petits calibres des organes atteints et du mésangium rénal. Une anomalie de glycosylation des IgA1 pourrait diminuer leur clairance en mettant à jour le domaine N-acetylgalactosamine, domaine exprimé par de nombreux micro-organismes tels que les virus et bactéries, favorisant la formation de complexes immuns IgA1-IgG anti Nacetylgalactosamine (4,5). D’ailleurs la saisonnalité de la maladie et la fréquence élevée (30 à 65 %) d’infections des voies aériennes supérieures précédant la maladie suggèrent le rôle d’un facteur infectieux dans le déclenchement de la maladie (2). De nombreux agents infectieux ont été incriminés mais aucun agent causal identifié. Parmi les autres agents décrits comme associés à l’IgAV figurent les médicaments, les vaccins ainsi que les cancers dans les formes de l’adulte (6). L’IgAV est probablement déclenché par un agent environnemental chez des sujets génétiquement prédisposés. Ce dernier constat repose sur la description de loci de susceptibilité ou de protection de la maladie dans certains gènes HLA, de polymorphismes au niveau du gène de l’enzyme de conversion de l’angiotensine et sur la description d’un lien entre le gène MEFV responsable de la fièvre méditerranéenne familiale et la maladie (2). Manifestations cliniques L’IgAV est une vascularite systémique touchant principalement la peau, les articulations, le tube digestif et le rein. L’atteinte cutanée est caractérisée par un purpura vasculaire qui peut ne pas être le premier signe de la maladie mais qui sera présent chez tous les patients au cours de l’évolution (7). Il s’agit d’un purpura infiltré, déclive, prédominant sur les membres inférieurs, de distribution relativement symétrique d’aspect pétéchial, ecchymotique, vésiculo-bulleux voire nécrotique (figure 1). L’atteinte du visage et du tronc est possible mais plus rare. Un œdème des extrémités y est associé dans plus de la moitié des cas. Des plaques urticariennes peuvent être présentes. L’atteinte musculo-squelettique est le deuxième signe le plus fréquent, retrouvé chez 60 à 80 % des patients. Plus souvent arthralgies qu’arthrites vraies, l’atteinte articulaire touche principalement les grosses articulations des membres inférieurs, ne se complique pas de déformations et disparaît en quelques jours. L’atteinte digestive dominée par les douleurs abdominales touche 40 à 65 % des patients. Ces douleurs parfois très intenses peuvent s’accompagner de nausées, vomissements, anorexie et d’hémorragie digestive basse. Rarement l’IgAV est source d’une invagination intestinale aiguë localisée principalement au niveau de l’intestin grêle ou de péritonite sur vascularite nécrosante. L’atteinte rénale est rapportée chez 20 à 60 % des enfants. Cette variabilité tient aux multiples définitions d’atteinte rénale utilisées dans la littérature et au choix de la source des données. Elle peut se traduire par une protéinurie et/ou une hématurie microscopique ou macroscopique, un syndrome néphrotique, un syndrome néphritique, une hypertension artérielle isolée, une insuffisance rénale. L’atteinte génitale touche environ 13 % des garçons (8) et se manifeste le plus souvent par un œdème des bourses ou du pénis ne nécessitant aucun traitement. L’orchite vraie, la sténose urétérale, la thrombose des veines spermatiques, la torsion testiculaire restent exceptionnelles. L’IgAV étant une vascularite, potentiellement tous les organes peuvent être atteints, bien que les autres atteintes viscérales restent anecdotiques. Examens complémentaires L’IgAV est un diagnostic clinique. Le seul examen indispensable initialement est la bandelette urinaire à la recherche d’une atteinte rénale de la maladie. Dans les cas douteux ou atypiques une biopsie cutanée sur une lésion récente peut confirmer le diagnostic. Le taux de plaquettes est normal, le syndrome inflammatoire est absent ou modéré, et le taux d’IgA sériques est inconstamment augmenté. Des explorations néphrologiques complémentaires (bilan sanguin, urinaire ± biopsie rénale) peuvent être nécessaires en cas d’atteinte rénale dépistée à la bandelette urinaire. L’échographie abdominale recherchera une invagination intestinale aiguë en cas de douleurs abdominales intenses. Classification Des critères de classification de l’IgAV de l’enfant ont été publiés en 2010 sous l’égide de 3 sociétés savantes européennes : European League against Rheumatism / Paediatric Rheumatology International Trial Organization / Paediatric Rheumatology European Society (EULAR / PRINTO /PReS) (9). Ces critères requièrent la présence d’un purpura prédominant aux membres inférieurs et un autre critère parmi : 1) atteinte digestive (douleurs, invagination intestinale, hémorragie digestive) ; 2) vascularite leucocytoclasique ou glomérulonéphrite avec dépôts prédominants d’IgA ; 3) arthrites ou arthralgies ; 4) protéinurie > 0,3 g/24 h (rapport albuminurie sur créatininurie > 30 mmol/mg) ou hématurie ≥ 2 + à la bandelette urinaire (> 5 globules rouges/champs). Ces critères permettent désormais d’homogénéiser les critères d’inclusion des études et d’améliorer la comparabilité des résultats. Evolution Pour la grande majorité des enfants, l’évolution sera favorable avec résolution spontanée des signes et symptômes en environ 3 à 4 semaines. Un quart à un tiers des enfants aura des poussées récidivantes, souvent moins importantes que la poussée initiale. L’atteinte rénale, lorsqu’elle survient, est détectée dans 85 % des cas dans le premier mois d’évolution de la maladie ; dans 91 % des cas dans les six premières semaines et dans 97 % des cas dans les 6 mois suivant la poussée initiale justifiant un suivi prolongé des malades (10). Il s’agit le plus souvent d’une hématurie microscopique et/ou d’une protéinurie modérée. La protéinurie atteint un seuil néphrotique chez environ 20 % des patients ayant une atteinte rénale, soit moins de 10 % des patients atteints d’IgAV (10,11). Moins d’1 % des patients au final garderont une insuffisance rénale terminale. Les enfants ayant eu une atteinte rénale et jugés en rémission devront tout de même être surveillés sur le long terme au vu du risque d’hypertension artérielle ou de néphropathie à l’âge adulte en particulier durant la grossesse (12). Traitement Les complications de la maladie et les modalités de prise en charge doivent être expliquées aux parents qui apprendront à surveiller la survenue d’une atteinte rénale par la réalisation de bandelettes urinaires hebdomadaires (type Albustix®) durant les trois premiers mois puis mensuelles durant 6 mois. Le traitement associera en premier lieu repos et antalgiques adaptés à l’intensité de la douleur. En cas de douleurs abdominales intenses, une hospitalisation peut être nécessaire pour repos digestif ou mise en route d’une alimentation entérale continue. La corticothérapie est indiquée en cas d’atteintes digestives, articulaires, rénales sévères ou en cas d’atteinte neurologique ou testiculaire. Une corticothérapie précoce ne prévient pas la survenue d’une atteinte rénale (13). L’atteinte rénale peu importante (protéinurie < 0,5 g/l) ne nécessite aucun traitement hormis une surveillance de l’évolution. Au-delà un avis néphrologique devra être demandé pour introduction d’un inhibiteur de l’enzyme de conversion à visée protecteur rénal et/ou une corticothérapie après biopsie rénale. Des atteintes sévères peuvent justifier la mise en route de traitements immunosuppresseurs. L’œdème aigu hémorragique (OAH) L’OAH est une vascularite leucocytoclasique cutanée de l’enfant de moins de 2 ans. Il se caractérise cliniquement par une triade fébricule, purpura et œdème des extrémités (mains, oreilles, paupières, organes génitaux externes). La maladie est souvent précédée d’une symptomatologie infectieuse en particulier des voies aériennes supérieures ou succède à une prise médicamenteuse ou des vaccinations. L’évolution est habituellement bénigne avec disparition spontanée des lésions en quelques semaines. De rares cas d’atteintes articulaires, abdominales ou rénales transitoires ont été décrits. Se basant sur les similitudes cliniques entre OAH et IgAV, certains auteurs suggèrent que l’OAH est une variante bénigne de l’IgAV chez le jeune enfant. Toutefois ces pathologies présentent également des différences sémiologiques et histologiques. Dans l’OAH, les lésions purpuriques sont habituellement larges, en cocarde, de distribution symétrique et touchent les quatre membres, le siège et le visage et ont une évolution ecchymotique. L’aspect parfois impressionnant de l’atteinte cutanée contraste avec le bon état général de l’enfant. A l’histologie, on objective une vascularite leucocytoclasique des petits vaisseaux avec des dépôts d’immunoglobulines qui peuvent être indifféremment des IgA (30 %), IgG (20 %), IgM (80 %) et/ou IgE (30 %). L’atteinte viscérale est exceptionnelle et ne justifie pas la réalisation d’explorations invasives ou de surveillance prolongée. Figure 1 : Purpura palpable, déclive, touchant les membres inférieurs et les coudes chez un enfant consultant pour purpura rhumatoïde REFERENCES 1) Jennette J, Falk R, Bacon P, et al. 2012 Revised International Chapel Hill Consensus Conference Nomenclature of Vasculitides. Arthritis Rheum 2013; 65:1–11. 2) Piram M, Mahr A. Epidemiology of Immunoglobulin A vasculitis : current state of knowledge. Curr Opin Rheumatol 2013; 25:171-8. 3) Hočevar A, Rotar Z, Ostrovršnik J et al. Incidence of IgA vasculitis in the adult Slovenian population. Br J Dermatol. 2014 Epub. 4) Kiryluk K, Moldoveanu Z, Sanders JT et al. Aberrant glycosylation of IgA1 is inherited in both pediatric IgA nephropathy and Henoch-Schönlein purpura nephritis. Kidney Int. 2011; 80: 79–87. 5) Trnka P. Henoch-Schönlein purpura in children. J Paediatr Child Health. 2013 ;49:995-1003 6) Pillebout E, Nochy D, Thervet E. Purpura Rhumatoïde. Nephrol Ther. 2009;5 :66375. 7) Calvo-Río V, Loricera J, Mata C et al. Henoch-Schönlein purpura in northern Spain: clinical spectrum of the disease in 417 patients from a single center. Medicine (Baltimore). 2014;93: 106-13. 8) Søreide K. Surgical management of nonrenal genitourinary manifestations in children with Henoch-Schönlein purpura. J Pediatr Surg. 2005 ;40: 1243-7. 9) Ozen S, Pistorio A, Iusan SM, et al. EULAR/PRINTO/PRES criteria for HenochSchonlein purpura, childhood polyarteritis nodosa, childhood Wegener granulomatosis and childhood Takayasu arteritis: Ankara 2008. Part II: Final classification criteria. Ann Rheum Dis 2010; 69:798–806. 10) Narchi H. Risk of long term renal impairment and duration of follow up recommended for Henoch–Schönlein purpura with normal or minimal urinary findings: a systematic review. Arch Dis Child , 2005; 90:916–920 11) Jauhola O, Ronkainen J, Koskimies O et al. Renal manifestations of Henoch-Schonlein purpura in a 6-month prospective study of 223 children. Arch Dis Child. 2010;95:877-82 12) Ronkainen J, Nuutinen M, Koskimies O. The adult kidney 24 years after childhood Henoch-Schonlein purpura: a retrospective cohort study. Lancet 2002;360: 666—70. 13) Ronkainen J, Koskimies O, Ala-Houhala M, et al Early prednisone therapy in Henoch-Schönlein purpura: a randomized, double-blind, placebo-controlled trial. J Pediatr. 2006;149:241-7. 14) Savino F, Lupica MM, Tarasco V et al. Acute hemorrhagic edema of infancy: a troubling cutaneous presentation with a self-limiting course. Pediatr Dermatol. 2013;30: 149-52. TABLE RONDE 5 Médicaments et grossesse : effets à long terme Une toxicité médicamenteuse méconnue pour le rein fœtal : La dysgénésie tubulaire acquise Georges Deschênes APHP-Robert-Debré Georges Deschênes, Service de Néphrologie Pédiatrique, Hôpital Robert-Debré, 48 Bd Sérurier, 75973 Paris cedex 19, France Email [email protected] Plusieurs classes de médicaments sont concernées par des effets toxiques sur le rein néonatal mais cette revue ne concerne que l’exposition fœtale aux traitements ciblant le système rénine angiotensine et aux antiinflammatoires non stéroïdiens. En fait ces deux types de traitement touchent au plus près la régulation de la filtration glomérulaire puisque le diamètre de l’artériole glomérulaire afférente est contrôlé par les prostaglandines (effet vasodilatateur qui augmente la pression d’alimentation des capillaires glomérulaires) et le diamètre de l’artériole glomérulaire efférente est contrôlé par l’angiotensine-2 (effet vasoconstricteur qui augment la pression intracapillaire en augmentant la résistance à l’échappement du réseau capillaire glomérulaire). Le jeu intégré des deux sphincters permet une régulation très étroite de la pression régnant dans les capillaires glomérulaires et donc du débit de filtration glomérulaire en période anténatale comme en période postnatale (1). Chez le fœtus, les composants du système rénine-angiotensine sont exprimés très précocement dès la 5ème semaine de gestation et concerne l’ensemble du système artériel rénal. La rénine et les produits de la protéolyse de l’angiotensinogène sont présents dans la circulation fœtale à forte concentration chez le fœtus humain et ne proviennent que de la production fœtale (2). Le placenta est une barrière étanche pour l’ensemble des composants circulants du système rénine-angiotensine et isole parfaitement le système maternel et le système fœtal. L’angiotensine-2 produite par le système vasculaire fœtal est indispensable au fonctionnement harmonieux de la vascularisation glomérulaire (qui est exclusivement artérielle, l’artère glomérulaire efférente drainant un réseau capillaire glomérulaire qui fonctionne à une demi-pression aortique). L’interruption de la production d’angiotensine-2 secondaire à l’altération d’un gène du système rénine est responsable d’une maladie autosomique récessive, la dysgénésie tubulaire rénale. Elle n’empêche pas la multiplication des néphrons ni le développement des glomérules mais altère la paroi des artères arquées, des artères interlobulaires, et des artères préglomérulaires sous la forme d’un épaississement et d’une désorganisation de la couche musculaire. Ces anomalies vasculaires sont associées à une rétraction du floculus capillaire, une altération de la fonction rénale fœtale avec un oligoamniosqui traduit un défaut sévère de la hémodynamique intraglomérulaire et de la filtration glomérulaire fœtale. L’aspect histologique de cette maladie est paradoxalement marqué par la réduction de la masse tubulaire proximale, la fermeture des lumières tubulaires et la dé-différentiation des autres structures tubulaires rénales avec une dilatation pseudokystique des segments tubulaires distaux (3). L’interstitium est parfois dissocié par une fibrose précoce. Ces anomalies histologiques ont une traduction échographique précoce sous la forme d’une hyperéchogénicité rénale. La dysgénésie tubulaire rénale aboutit à la mort fœtale in utero ou postnatale précoce dans la très grande majorité des cas. Les quelques survivants gardent une insuffisance rénale chronique parfois très sévère. Des tableaux cliniques et histologiques voisins de ceux de cette maladie génétique ont été décrits dans les accidents de vascularisation fœtale et en particulier dans le syndrome transfuseurtransfusé. L’exposition fœtale à des inhibiteurs de l’angioconvertase ou des antagonistes du récepteur de l’angiotensine-2 donnés comme traitement d’une hypertension artérielle maternelle – présente dans 10 à 15% des grossesses – donne un tableau histologique exactement identique de dysgénésie tubulaire acquise. Quatre séries regroupant une centaine de cas (4-7) et plusieurs cas cliniques isolés ont été rapportés. La mort fœtale ou l’interruption médicale de grossesse concerne 25 à 50 % des enfants selon les séries. Un oligoamnios est présent dans 60 % des cas et il est aisément repérable par l’échographie fœtale. Il est d’autant plus fréquent que le traitement est prolongé au-delà de 20 semaines et il est réversible lorsque le traitement est arrêté avant la 30ème semaine de grossesse. L’échographie rénale fœtale permet aussi de mettre en évidence des reins de taille normale ou légèrement augmentés de volume avec un parenchyme hyperéchogène. La présence de kystes rénaux de taille millimétrique est possible. Les enfants survivants sont presque tous exposés à la maladie rénale chronique. L’absence de séquelle rénale n’est pas fréquente mais a été rapportée. Les manifestations extrarénales sont principalement l’hypocalvaria, c'est-à-dire l’insuffisance d’ossification de la voûte crânienne qui se traduit par des fontanelles trop larges et trop longtemps ouvertes, le retard de croissance intra-utérin et la thrombose cave inférieure (4-7). Les anti-inflammatoires non stéroïdiens sont prescrits pendant la grossesse en cas de menace d’accouchement prématuré, d’hydramnios mais aussi de douleurs de toute origine. Ils augmentent les résistances vasculaires rénales et perturbent donc l’hémodynamique glomérulaire, et reproduisent également chez le fœtus un tableau de dysgénésie tubulaire avec une même sévérité et un même aspect échographique et histologique. Les effets rénaux sont identiques : oligoamnios en période anténatale et maladie rénale chronique postnatale. Une hypocalvaria a aussi été décrite dans un cas. Les autres effets secondaires sont marqués par la fermeture du canal artériel, très rapidement mortelle lorsqu’elle survient in utero et par le développement de lésions digestives d’entérocolite (8-10). En pratique, la consultation du diagnostic prénatal ne doit jamais manquer de faire la liste exacte des traitements maternels en particulier quand le motif de consultation est une hyperéchogénicité rénale fœtale. Les traitements ciblant le système rénine-angiotensine doivent être systématiquement arrêtés au cours de la grossesse. Les antiinflammatoires non stéroïdiens ont des indications restreintes et la surveillance échographique doit être rapprochée dans le but d’arrêter immédiatement les traitements en cas de complications fœtales. Bibliographie 1. Arima S. Role of angiotensin II and endogenous vasodilators in the control of glomerular hemodynamics. Clin Exp Nephrol. 2003;7:172-8 2. Gubler MC, Antignac C. Renin-angiotensin system in kidney development: renal tubular dysgenesis. Kidney Int. 2010;77:400-6 3. Plazanet C1, Arrondel C, Chavant F, Gubler MC. Fetal renin-angiotensin-system blockade syndrome: renal lesions. Pediatr Nephrol. 2014 Jul;29(7):1221-30 4. Serreau R, Luton D, Macher MA, Delezoide AL, Garel C, Jacqz-Aigrain E. Developmental toxicity of the angiotensin II type 1 receptor antagonists during human pregnancy: a report of 10 cases. British Journal of Obstetrics and Gynaecology. 2005;112:710-2. 5. Oppermann M, Padberg S, Kayser A, Weber-Schoendorfer C, Schaefer C. Angiotensin-II receptor 1 antagonist fetopathy-risk assessment, critical time period and vena cava thrombosis as a possible new feature. Br J Clin Pharmacol. 2013;75:822-30. 6. Sedman AB1, Kershaw DB, Bunchman TE. Recognition and management of angiotensin converting enzyme inhibitor fetopathy. Pediatr Nephrol. 1995;9:382-5. 7. Hünseler C1, Paneitz A, Friedrich D, Lindner U, Oberthuer A, Körber F, Schmitt K, Welzing L, Müller A, Herkenrath P, Hoppe B, Gortner L, Roth B, Kattner E, Schaible T. Angiotensin II receptor blocker induced fetopathy: 7 cases. Klin Padiatr. 2011;223:10-4. 8. Peruzzi L, Gianoglio B, Porcellini MG, Coppo R. Neonatal end-stage renal failure associated with maternal ingestion of cyclo-oxygenase-type-1 selective inhibitor nimesulide as tocolytic. Lancet. 1999 ;354:1615. 9. Locatelli A, Vergani P, Bellini P, Strobelt N, Ghidini A. Can a cyclo-oxygenase type-2 selective tocolytic agent avoid the fetal side effects of indomethacin? British Journal of Obstetrics and Gynaecology. 2001;108:325-6. 10. Kaplan BS, Restaino I, Raval DS, Gottlieb RP, Bernstein J. Renal failure in the neonate associated with in utero exposure to non-steroidal anti-inflammatory agents. Pediatr Nephrol. 1994 ;8:700-4 Anticonvulsivants maternels et risques de retard cognitif et d’autisme Nadia Bahi Buisson (1,2,3) 1- Université Paris Descartes, Sorbonne Paris Cité, Institut Imagine 2- INSERM UMR-1163, Embryology and genetics of congenital malformations 3- Service de Neurologie pédiatrique, Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), Hôpital Necker, Paris, France L’épilepsie chez la femme en âge de procréer est une situation assez commune, et la prévalence rapportée de l’utilisation d’anti-épileptiques au cours de la grossesse se situe entre 0,2 et 0,5 % [1, 2]. L’exposition prénatale est associée pour la majorité des anti-épileptiques à une augmentation du risque de malformations congénitales par 2 ou 3, de façon dose dépendante [3, 4]. Les principales malformations rencontrées sont des anomalies de fermeture du tube neural, des malformations cardiaques, des fentes labiales et/ou palatines, des malformations génito-urinaires et squelettiques [5]. Certains traits dysmorphiques (hypertélorisme, épicanthus, hypoplasie de la dernière phalange) ont également été décrits [6]. Ce risque varie en fonction de la nature, de l’association des antiépileptiques (polythérapie) mais également de la dose de l’anti-épileptique [7], particulièrement avec les anti-épileptiques d’ancienne génération en particulier le valproate (estimé à 10,7 %) et le phénobarbital, dans une moindre mesure la phénytoine et la carbamazépine (estimé à 2,9 %), mais également le topiramate [8-10]. Les effets des anti-épileptiques sur le développement cognitif sont moins bien connus bien qu’il soit établi que l’exposition in utero soit associée à des difficultés psychomotrices, de langage, de comportement ainsi qu’une baisse des scores de quotient intellectuel (QI) [11-17]. Parmi les troubles neuro-développementaux, les troubles du spectre autistique, les troubles attentionnels et la dyspraxie sont les plus fréquemment rapportés. Des données récentes suggèrent que les enfants exposés in utero aux anti-épileptiques (lamotrigine, valproate, carbamazépine, et polythérapie) ont un risque plus important de développer un retard précoce mesuré à 18 et 36 mois. Le retard porte sur les fonctions motrices et le langage, mais également le comportement et les interactions sociales avec le développement précoce de traits autistiques, de façon indépendante à la survenue de malformation, d’un retard de croissance et de la supplémentation en folate. Neurotoxicité développementale des anti-épileptiques Une revue récente a fait le point des données acquises sur les études humaines portant sur les conséquences d’une exposition in utero aux anti-épileptiques sur le développement cognitif, psychomoteur et du langage et comportemental [18]. L’exposition in utero à la phénytoine « le Fœtal Hydantoin Syndrome » a été le premier trouble neurodéveloppemental lié aux anti-épileptiques décrits [19]. Celui-ci est caractérisé par un retard du développement, une déficience intellectuelle et un déficit de motricité fine et visuo-spatial qui persistent jusqu’à l’âge adulte [20, 21]. Toutefois, les conséquences de l’exposition in utero à la phénytoine sur le QI global à 3 et 4,5 ans sont moins importantes qu’après un traitement par valproate [22]. De la même manière les conséquences de l’exposition au phénobarbital sont bien connues. Les enfants exposés ont une déficience intellectuelle globale avec des déficits d’apprentissage et des fonctions visuo-spatiales ainsi que des troubles moteurs qui persistent également jusqu’à l’âge adulte [23, 24]. L’existence d’une toxicité du valproate in utero sur le développement est connue depuis 1996 [25]. Ainsi, les enfants exposés ont un risque accru d’avoir un retard du développement précoce visible dès 18 mois sur la motricité globale et 3 ans pour le langage, ainsi qu’une réduction du QI global à 3 ans [13, 26-28]. Les troubles comportementaux tels que l’hyperactivité et les troubles autistiques sont de découverte plus récente [29-31]. A l’âge scolaire, les enfants exposés au valproate ont un risque accru de présenter un QI verbal plus faible ainsi qu’une diminution des performances non verbales et des capacités de mémorisation. De plus, ils sont également plus à risque de développer des troubles attentionnels et une hyperactivité comme cela a été observé chez les plus jeunes enfants [32]. De façon intéressante, la proportion de droitiers est plus faible que dans la population contrôle suggérant que l’exposition in utero au valproate pourrait influencer le processus de latéralisation cérébrale [33]. Enfin, les enfants exposés au valproate présentent des troubles adaptatifs importants responsables de difficultés dans leur insertion sociale et leur vie quotidienne [14]. La relation entre l’exposition in utero aux anti-épileptiques et un risque accru de troubles du spectre autistique est maintenant bien établie [34, 35]. Ce risque est particulièrement étudié pour le valproate [36, 37]. Les conséquences d’une exposition à la carbamazépine in utero sur le développement entre 6 mois et 6 ans ont également été évaluées. Celle-ci est à l’origine d’une diminution légère du QI associée à des difficultés de motricité fine et de socialisation observées dès l’âge de 18 mois et une majoration du risque de développer des comportements agressifs à 3 ans. L’exposition in utero à la carbamazépine a un impact significativement plus important sur les compétences verbales que non verbales de façon dose dépendante [22, 38]. Toutefois, les résultats d’études portant sur de plus larges cohortes de patientes [11, 27] semblent en contradiction puisqu’elles suggèrent que la monothérapie par carbamazépine n’aurait pas d’impact sur le développement intellectuel. A l’heure actuelle, certaines équipes conseillent l’utilisation de la carbamazépine pendant la grossesse en raison de son efficacité sur le contrôle des crises et le risque “discuté” de sa neurotoxicité développementale. La lamotrigine est le médicament anti-épileptique le plus connu comme n’ayant pas d’effet adverse sur le développement intellectuel et du langage de l’enfant [17, 38]. Toutefois, une étude prospective récemment publiée [39] rapporte un risque d’altération des compétences non verbales, motrices et de troubles du comportement supérieur à la population contrôle, mais inférieur à l’exposition au valproate. Parmi les anti-épileptiques de nouvelle génération, des données sont disponibles pour le levetiracetam et le topiramate. L’exposition in utero au levetiracetam ne semble pas associée à un retard du développement, observé sur les tests de motricité globale, de compréhension et de langage oral [40]. Par contre, l’exposition au topiramate semble associée à une diminution des performances cognitives et des troubles du comportement à long terme, bien que d’autres études soient nécessaires pour préciser les conséquences de ce traitement. En revanche, aucune étude humaine n’est disponible sur les conséquences neuro-développementales de l’exposition in utero aux autres anti-épileptiques (vigabatrin, gabapentine, ethosuccimide, zonisamide, primidone, felbamate, pregabalin, lacosamide et rufinamide). L’exposition aux anti-épileptiques in utero , mais pas l’allaitement maternel, est associée à des troubles de motricité fine détectables dès l’âge de 6 mois Une étude prospective norvégienne sur une cohorte mère enfant (Mother and Child Cohort Study (MoBa) a examiné le devenir neurocomportemental des enfants exposés aux anti-épileptiques in utero et/ou par le biais de l’allaitement maternel [28]. Le développement psychomoteur et le comportement des enfants ont été évalués par le biais de questionnaires validés aux âges de 6, 18, et 36 mois [41-44]. Les enfants présentent dès 6 mois, un décalage des acquisitions de motricité fine, avec un risque comparable quelle que soit la monothérapie par lamotrigine, valproate, ou carbamazépine. Par contre, le risque de développer des troubles comportementaux en plus des troubles de motricité fine est largement augmenté en cas de polythérapie. En revanche, la motricité globale est comparable au groupe non exposé à l’âge de 6 mois. Ces effets sont spécifiques de l’exposition aux anti-épileptiques car ils ne sont pas retrouvés chez les enfants dont la mère est épileptique non traitée ou dont le père est épileptique. L’allaitement maternel par une mère sous anti-épileptique n’est pas associé à une augmentation du risque de troubles du développement précoce (6-36 mois). Au contraire, il y aurait même un bénéfice pour les enfants allaités qui présentent moins de traits autistiques à 6 mois. Toutefois, certains anti-épileptiques, tels que la lamotrigine, le levetiracetam, le topiramate et la zonisamide pénètrent plus facilement dans le lait maternel [45] et les données sur leurs conséquences à long terme sont encore incomplètes. Le développement cognitif à 3 et 6 ans après une exposition fœtale aux anti-épileptiques [13, 46] L’étude observationnelle prospective NEAD (Neurodeveloppemental Effects of Antiepileptic Drugs) a permis de rapporter les conséquences à 3 ans de 303 grossesses exposées à une monothérapie antiépileptique (92 sous carbamazépine, 99 sous lamotrigine, 52 sous phenytoine, et 60 sous valproate) entre octobre 1999 et février 2004. De façon cohérente avec les études précédentes, l’exposition au valproate induit les conséquences les plus délétères sur le développement cognitif (QI global à 3 ans) de façon dose dépendante. Dans une étude plus récente menée sur 528 enfants de 6 ans (243 patientes et 285 contrôles) exposés in utero aux anti-épileptiques au cours de grossesses suivies dans le nord-est de l’Angleterre entre 2000 et 2004, les mères avaient reçu une monothérapie par carbamazépine (59), valproate (59), lamotrigine (36) et d’autres anti-épileptiques (14) ou une polythérapie (41). Les conséquences neurodéveloppementales les plus fréquemment observées à 6 ans sont les troubles du spectre autistique dont la prévalence est multipliée par 6 en cas de monothérapie par le valproate et par 10 en cas de polythérapie comportant du valproate. Une étude danoise [36] confirme cette prévalence accrue des troubles du spectre autistique avec un risque absolu de 4,15 % (95 % CI, 2,20 %-7,81 %) pour les enfants de mère épileptique exposés au valproate, et un risque absolu de 2,95 % (95 % CI, 1,42 %6,11 %) pour l’autisme infantile, versus 2,44 % (95 % CI, 1,88 %-3,16 %) pour les troubles du spectre autistique et 1,02 % (95 % CI, 0,70 %-1,49 %) pour l’autisme infantile chez les enfants non exposés. En revanche, dans cette étude, les expositions à la carbamazépine, l’oxcarbazépine, la lamotrigine, et le clonazepam utilisés en monothérapie ne sont pas associés à un risque accru de troubles du spectre autistique [36]. Il semble que ces troubles du spectre autistique s’inscrivent dans un continuum de conséquences neuro-développementales de l’exposition in utero au valproate, dans les formes les plus sévères desquelles on retrouve un retard cognitif sévère avec des troubles du langage et de la motricité, et les formes modérées, des troubles des interactions sociales et de la communication, des troubles attentionnels et/ou une dyspraxie. Ainsi, les auteurs concluent que le valproate est à éviter formellement dans le traitement de l’épilepsie des femmes en âge de procréer, ce d’autant plus que 50 % des grossesses ne sont pas programmées. Si la patiente poursuit un traitement par valproate et qu’elle est enceinte, il convient d’utiliser la dose minimale (500 mg par jour), d’y associer de l’acide folinique et surtout de programmer un suivi neurodéveloppemental de l’enfant à venir de manière à mettre en place précocement un programme rééducatif adapté. Ainsi, en prenant en compte ces résultats récents et à la lumière des travaux déjà publiés, l’exposition in utero aux anti-épileptiques, plus particulièrement avec le valproate, conduit à une augmentation du risque de retard du développement. Le spectre de ces troubles neuro-développementaux est en cours de caractérisation et inclut dans ses formes les moins sévères, des troubles du spectre autistique, des troubles attentionnels ou une dyspraxie. Si le valproate est le seul traitement de l’épilepsie de la future maman, les femmes doivent être informées sur les conséquences prévisibles de cette exposition in utero. Cette information doit être réalisée avant la conception car les effets observés traduisent probablement de lésions très précoces au cours de la grossesse [47]. Les enfants exposés in utero aux anti-épileptiques, en particulier au valproate, doivent impérativement être suivis au cours de leur développement précoce, de manière à dépister et prendre en charge le plus tôt possible une déficience intellectuelle, une dyspraxie, des troubles de la socialisation ou encore des troubles attentionnels. Remerciements au Pr Alexandra Benachi (Hôpital Antoine-Béclère Gynécologie-Obstétrique et Médecine de la Reproduction) et Dr Marie Laure Moutard (Hôpital Trousseau Neurologie Pédiatrique) pour leur aide pour la rédaction du manuscrit et à l’élaboration de la présentation Références 1. Wallace, H., S. Shorvon, and R. Tallis, Age-specific incidence and prevalence rates of treated epilepsy in an unselected population of 2,052,922 and age-specific fertility rates of women with epilepsy. Lancet, 1998. 352(9145): p. 1970-3. 2. Fairgrieve, S.D., et al., Population based, prospective study of the care of women with epilepsy in pregnancy. BMJ, 2000. 321(7262): p. 674-5. 3. Holmes, L.B., et al., The teratogenicity of anticonvulsant drugs. N Engl J Med, 2001. 344(15): p. 1132-8. 4. Tomson, T., et al., Dose-dependent risk of malformations with antiepileptic drugs: an analysis of data from the EURAP epilepsy and pregnancy registry. Lancet Neurol, 2011. 10(7): p. 60917. 5. Kaneko, S., et al., Congenital malformations due to antiepileptic drugs. Epilepsy Res, 1999. 33(2-3): p. 145-58. 6. Gaily, E., et al., Minor anomalies in offspring of epileptic mothers. J Pediatr, 1988. 112(4): p. 520-9. 7. Tomson, T., et al., Pregnancy registries: differences, similarities, and possible harmonization. Epilepsia, 2010. 51(5): p. 909-15. 8. Hernandez-Diaz, S., et al., Comparative safety of antiepileptic drugs during pregnancy. Neurology, 2012. 78(21): p. 1692-9. 9. Holmes, L.B., et al., Fetal effects of anticonvulsant polytherapies: different risks from different drug combinations. Arch Neurol, 2011. 68(10): p. 1275-81. 10. Harden, C.L., et al., Practice parameter update: management issues for women with epilepsy-focus on pregnancy (an evidence-based review): teratogenesis and perinatal outcomes: report of the Quality Standards Subcommittee and Therapeutics and Technology Assessment Subcommittee of the American Academy of Neurology and American Epilepsy Society. Neurology, 2009. 73(2): p. 133-41. 11. Wide, K., et al., Psychomotor development in preschool children exposed to antiepileptic drugs in utero. Acta Paediatr, 2002. 91(4): p. 409-14. 12. Thomas, S.V., et al., Intellectual and language functions in children of mothers with epilepsy. Epilepsia, 2007. 48(12): p. 2234-40. 13. Meador, K.J., et al., Cognitive function at 3 years of age after fetal exposure to antiepileptic drugs. N Engl J Med, 2009. 360(16): p. 1597-605. 14. Vinten, J., et al., The behavioral consequences of exposure to antiepileptic drugs in utero. Epilepsy Behav, 2009. 14(1): p. 197-201. 15. Banach, R., et al., Long-term developmental outcome of children of women with epilepsy, unexposed or exposed prenatally to antiepileptic drugs: a meta-analysis of cohort studies. Drug Saf, 2010. 33(1): p. 73-9. 16. Forsberg, L., K. Wide, and B. Kallen, School performance at age 16 in children exposed to antiepileptic drugs in utero--a population-based study. Epilepsia, 2011. 52(2): p. 364-9. 17. Nadebaum, C., et al., Language skills of school-aged children prenatally exposed to antiepileptic drugs. Neurology, 2011. 76(8): p. 719-26. 18. Verrotti, A., et al., Developmental neurotoxicity and anticonvulsant drugs: A possible link. Reprod Toxicol, 2014. 19. Hanson, J.W., et al., Risks to the offspring of women treated with hydantoin anticonvulsants, with emphasis on the fetal hydantoin syndrome. J Pediatr, 1976. 89(4): p. 662-8. 20. Vanoverloop, D., et al., The effects of prenatal exposure to phenytoin and other anticonvulsants on intellectual function at 4 to 8 years of age. Neurotoxicol Teratol, 1992. 14(5): p. 329-35. 21. Scolnik, D., et al., Neurodevelopment of children exposed in utero to phenytoin and carbamazepine monotherapy. JAMA, 1994. 271(10): p. 767-70. 22. Meador, K.J., et al., Effects of fetal antiepileptic drug exposure: outcomes at age 4.5 years. Neurology, 2012. 78(16): p. 1207-14. 23. Reinisch, J.M., et al., In utero exposure to phenobarbital and intelligence deficits in adult men. JAMA, 1995. 274(19): p. 1518-25. 24. Dessens, A.B., et al., Association of prenatal phenobarbital and phenytoin exposure with small head size at birth and with learning problems. Acta Paediatr, 2000. 89(5): p. 533-41. 25. Koch, S., et al., Antiepileptic drug treatment in pregnancy: drug side effects in the neonate and neurological outcome. Acta Paediatr, 1996. 85(6): p. 739-46. 26. Titze, K., et al., Prenatal and family risks of children born to mothers with epilepsy: effects on cognitive development. Dev Med Child Neurol, 2008. 50(2): p. 117-22. 27. Bromley, R.L., et al., Early cognitive development in children born to women with epilepsy: a prospective report. Epilepsia, 2010. 51(10): p. 2058-65. 28. Veiby, G., et al., Exposure to antiepileptic drugs in utero and child development: a prospective population-based study. Epilepsia, 2013. 54(8): p. 1462-72. 29. Viinikainen, K., et al., The effects of valproate exposure in utero on behavior and the need for educational support in school-aged children. Epilepsy Behav, 2006. 9(4): p. 636-40. 30. Dean, J.C., et al., Long term health and neurodevelopment in children exposed to antiepileptic drugs before birth. J Med Genet, 2002. 39(4): p. 251-9. 31. Cohen, M.J., et al., Fetal antiepileptic drug exposure: motor, adaptive, and emotional/behavioral functioning at age 3 years. Epilepsy Behav, 2011. 22(2): p. 240-6. 32. Cohen, M.J., et al., Fetal antiepileptic drug exposure: Adaptive and emotional/behavioral functioning at age 6years. Epilepsy Behav, 2013. 29(2): p. 308-15. 33. Meador, K.J., et al., Fetal antiepileptic drug exposure and cognitive outcomes at age 6 years (NEAD study): a prospective observational study. Lancet Neurol, 2013. 12(3): p. 244-52. 34. Williams, G., et al., Fetal valproate syndrome and autism: additional evidence of an association. Dev Med Child Neurol, 2001. 43(3): p. 202-6. 35. Moore, S.J., et al., A clinical study of 57 children with fetal anticonvulsant syndromes. J Med Genet, 2000. 37(7): p. 489-97. 36. Christensen, J., et al., Prenatal valproate exposure and risk of autism spectrum disorders and childhood autism. JAMA, 2013. 309(16): p. 1696-703. 37. Bromley, R.L., et al., Autism spectrum disorders following in utero exposure to antiepileptic drugs. Neurology, 2008. 71(23): p. 1923-4. 38. Ornoy, A. and E. Cohen, Outcome of children born to epileptic mothers treated with carbamazepine during pregnancy. Arch Dis Child, 1996. 75(6): p. 517-20. 39. Rihtman, T., S. Parush, and A. Ornoy, Developmental outcomes at preschool age after fetal exposure to valproic acid and lamotrigine: cognitive, motor, sensory and behavioral function. Reprod Toxicol, 2013. 41: p. 115-25. 40. Shallcross, R., et al., In utero exposure to levetiracetam vs valproate: development and language at 3 years of age. Neurology, 2014. 82(3): p. 213-21. 41. Robins, D.L., et al., The Modified Checklist for Autism in Toddlers: an initial study investigating the early detection of autism and pervasive developmental disorders. J Autism Dev Disord, 2001. 31(2): p. 131-44. 42. Dumont-Mathieu, T. and D. Fein, Screening for autism in young children: The Modified Checklist for Autism in Toddlers (M-CHAT) and other measures. Ment Retard Dev Disabil Res Rev, 2005. 11(3): p. 253-62. 43. Dale, P.S., et al., Outcomes of early language delay: I. Predicting persistent and transient language difficulties at 3 and 4 years. J Speech Lang Hear Res, 2003. 46(3): p. 544-60. 44. Richter, J. and H. Janson, A validation study of the Norwegian version of the Ages and Stages Questionnaires. Acta Paediatr, 2007. 96(5): p. 748-52. 45. Meador, K.J., et al., Effects of breastfeeding in children of women taking antiepileptic drugs. Neurology, 2010. 75(22): p. 1954-60. 46. Bromley, R.L., et al., The prevalence of neurodevelopmental disorders in children prenatally exposed to antiepileptic drugs. J Neurol Neurosurg Psychiatry, 2013. 84(6): p. 637-43. 47. Rodier, P.M., et al., Embryological origin for autism: developmental anomalies of the cranial nerve motor nuclei. J Comp Neurol, 1996. 370(2): p. 247-61. Biothérapie au cours de la grossesse : quelles conséquences chez l’enfant ? Brigitte Bader-Meunier Immunologie et rhumatologie pédiatriques, centre de référence des maladies rares en rhumatologie et maladies inflammatoires pédiatriques (CERHUMIP), Hôpital Necker-Enfants Malades ; 75015 Paris [email protected] L'utilisation croissante de biothérapies, au cours des rhumatismes inflammatoires et autres pathologies auto-immunes, fait poser la question de toxicité éventuelle au cours de la grossesse. Ces traitements sont fréquemment associés à un traitement de fond immunosuppresseur pour augmenter leur efficacité et inhiber la formation d'anticorps neutralisants (1,2). Ces biothérapies comportent en totalité ou en partie des immunoglobulines G (IgG). L'exposition du fœtus aux IgG est très faible pendant l'organogenèse, mais le transfert placentaire commence au début du deuxième trimestre et augmente jusqu'au terme. Toutes les biothérapies contenant la portion Fc des IgG sont transférées activement à travers le placenta par les récepteurs Fc fœtaux exprimés dans le trophoblaste (7). Pour les biothérapies qui sont constituées d’un anticorps IgG, le traitement de la mère dans la deuxième partie de la grossesse peut conduire à la présence de fortes concentrations sériques dans le sang du cordon, si l'exposition est proche de la naissance. Les immunoglobulines persistent chez le nouveau-né et disparaissent généralement dans les 6 premiers mois de vie. 1 Biothérapie par anti-Tumor Necrosis Factor (TNF) Les agents anti-TNF comportent des anticorps monoclonaux (infliximab , adalimumab , et golimumab), une protéine de fusion étanercept) et un fragment Fab péguylé se liant au TNF (certolizumab). Tous ces inhibiteurs du TNF ont été classés aux Etats-Unis par la Food and Drug Administration (FDA) dans la catégorie « Médicaments B » , ce qui signifie que les études de reproduction chez l'animal n'ont pas montré de risque pour le fœtus, mais il n’y a aucune étude contrôlée chez la femme au cours de la grossesse. Il existe quelques publications issues de données de registre ou sous forme de cas cliniques, portant sur environ 2000 femmes exposées à un anti-TNF durant la grossesse, traitées pour maladies inflammatoires intestinales ou rhumatologiques ou psoriasis (1-8). Les taux sériques d’anti-TNF α dans le sang du cordon sont plus élevés après un traitement par anticorps monoclonal qu’après traitement par étanercept ou certolizumab (1). D’après ces données, il ne semble pas y avoir de sur-risque de fausses couches, hypotrophie, prématurité ou malformations. Il existe un risque théorique plus élevé d’infections durant les premiers mois de vie chez le nourrisson tant que persiste un taux sérique élevé d’anti-TNF . Un cas de BCGite létale a été rapporté après vaccination par le BCG chez un nourrisson âgé de 4 mois (9). L’etanercept est secrété dans le lait maternel. L’infliximab est indétectable dans la plupart des cas avec quelques exceptions (2). L’allaitement est donc contre-indiqué au cours d’un traitement par anti-TNF . 2 Le rituximab Le rituximab est un anticorps monoclonal dirigé contre les lymphocytes B, de la sous-classe IgG1, et a un passage transplacentaire actif. Lorsqu'il est administré au cours des deuxième et troisième trimestres, son taux dans le sang du cordon est égal ou supérieur à celui de la mère à terme. Deux séries de cas ont montré que l'utilisation du rituximab avant la grossesse, ou même à proximité de conception, n'est pas associée à une toxicité chez l'enfant (1,2,10). Cent cinquante trois cas de grossesses sous rituximab ont été rapportés, issus d’un registre de tolérance (10). L’association du rituximab à d’autres traitements immunosuppresseurs, et la nature de la pathologie maternelle (pathologies auto-immunes et malignes) pourraient contribuer à expliquer un taux élevé d’avortements spontanés (22 %), d’interruption de grossesse (18 %), et de prématurité (24 %). Au décours des grossesses exposées au rituximab et menées à terme, on ne note pas d’excès de décès ou malformations congénitales (2,2 %) (10). Le taux de rituximab était détectable chez trois nouveau-nés prélevés (10). Onze nouveau-nés avaient des anomalies hématologiques à la naissance, comportant une neutropénie et une lymphopénie B. La plupart de ces anomalies étaient modérées et transitoires et régressaient spontanément en quelques semaines ou mois. L’existence d’une neutropénie n’était pas associée à un risque accru d’infection. La survenue d’une lymphopénie B survenait essentiellement après exposition au rituximab pendant les deux premiers trimestres de la grossesse (10,11). Quatre infections néonatales ont été rapportées chez des nourrissons sans neutropénie (maladie fébrile à l’âge de 3 semaines, chorioamniotite, bronchiolite et transmission verticale de cytomégalovirus (CMV). La réponse aux vaccinations a été étudiée chez le singe : la synthèse d’anticorps T dépendants est normale après primovaccination et rappel (1). En outre, on observe une réponse immunologique normale après vaccinations à l’âge de 8-20 mois contre le tétanos, la diphtérie, l'hépatite B, la rougeole, les oreillons, la rubéole et la coqueluche chez plusieurs enfants exposés au rituximab in utero. Cependant, ces données sont insuffisantes pour en tirer des conclusions formelles. L'utilisation de rituximab avant la conception ou pendant le premier trimestre de la grossesse semble donc ne pas exposer le fœtus à un excès de risque de toxicité. En revanche, une exposition au cours des deuxième et troisième trimestres de la grossesse provoque une déplétion transitoire en lymphocytes B chez le fœtus, dont les effets à long terme sont inconnus. 3 Autres biothérapies : abatacept, anakinra, tocilizumab, belimumab Pour ces biothérapies, il existe peu ou pas de données. L’abatacept, constitué du CTLA4 et d’une immunoglobuline humaine de fusion, inhibe l’activation des cellules T et traverse le placenta. Il n’existe pas de donnée sur sa tolérance durant la grossesse. L’anakinra, est un antagoniste du récepteur de l’interleukine-1 (IL 1) et a une demi-vie courte de 4-6 heures. Des études menées chez l’animal n’ont montré aucune toxicité de l’anakinra sur le fœtus, même à des doses égales à 100 fois la dose thérapeutique, en dépit de la détection de l'anakinra dans le liquide amniotique. Trois grossesses chez les patientes traitées par anakinra pendant la grossesse pour une maladie de Still ont été décrites (1,2) : les enfants sont nés à terme sans pathologie particulière. Le dosage de l'anakinra dans le sérum maternel ou du cordon n'a pas été effectué. Le tocilizumab (TCZ) est un anticorps monoclonal humanisé dirigé contre le récepteur de l'IL 6. Deux séries de cas ont rapporté l'issue de 39 grossesses chez les patientes atteintes de polyarthrite rhumatoïde traitées par TCZ en monothérapie ou en association (12,13) : une interruption volontaire de grossesse a été réalisée chez 13 femmes, sept fausses couches spontanées (dont cinq femmes qui avaient reçu du méthotrexate à la conception) sont survenues et 17 femmes ont accouché de nouveau-nés en bonne santé à terme. Le belimumab est un anticorps monoclonal qui bloque l’activité de Blys, cytokine activatrice des lymphocytes B. Des études menées chez le singe ont montré un passage transplacentaire du belimumab mais pas d’anomalies congénitales chez les nouveau-nés. Une diminution du nombre de lymphocytes B a été retrouvée dans le sang périphérique des mères et des nourrissons, et dans les tissus lymphoïdes fœtaux. Chez la femme, les seules données disponibles sont issues d’études de phase II et III (grossesses non désirées) : 24 % d’interruption volontaire de grossesse, 27 % d’avortement spontané et 42 % de naissances à terme sont survenus parmi 83 grossesses dont l'issue est connue (14). Aucune augmentation de la fréquence d’anomalie congénitale n’a été observée. En raison du manque de données, aucune recommandation concernant la poursuite de l'abatacept, de l'anakinra, du TCZ, ou du belimumab pendant la grossesse ne peut être formulée. L'abatacept et le TCZ doivent être interrompus trois mois avant la conception. En raison de sa courte demi-vie, l'arrêt de l'anakinra avant une grossesse n'est pas nécessaire, et il doit être poursuivi au cours de la grossesse si aucune autre option thérapeutique n’est envisageable pour la maladie maternelle. Les données actuelles sont donc insuffisantes pour permettre des conclusions valides sur l’absence de toxicité à court et long terme chez l’enfant dont la mère a reçu une biothérapie durant la grossesse. La conduite de registres prospectifs est indispensable. Références 1. Ostensen M. Safety issues of biologics in pregnant patients with rheumatic diseases. Ann N Y Acad Sci. 2014 May 19. doi: 10.1111 2. Vinet E, Pineau C, Gordon C et al. Biologic therapy and pregnancy outcomes in women with rheumatic diseases. Arthritis Rheum. 2009; 61: 587-92. 3. Mahadevan, U. et al. 2013. Placental transfer of antitumor necrosis factor agents in pregnant patients with inflammatory bowel disease. Clin. Gastroenterol. Hepatol. 11: 286–292. 4. Berthelot, J.M. et al. 2009. Exposition to anti-TNF drugs during pregnancy: outcome of 15 cases and review of the literature. Joint Bone Spine 76: 28–34. 5. Schnitzler, F. et al. Outcome of pregnancy in women with inflammatory bowel disease treated with antitumor necrosis factor therapy. Inflamm. Bowel Dis 2011 17: 1846–1854. 6. Nielsen, O.H., E.V. Jr Loftus, T. Jess. Safety of TNF-_inhibitors during IBD pregnancy: a systematic review. BMC Med. 2013; 11: 174. 7. Diav-Citrin, O. et al. Pregnancy outcome following gestational exposure to TNF-alphainhibitors: A prospective, comparative, observational study. Reprod. Toxicol 2013; 43C: 78– 84. 8. Carter, J.D. et al. A safety assessment of tumor necrosis factor antagonists during pregnancy: a review of the Food and Drug Administration database. J. Rheumatol 2009; 36: 635–641. 9. Cheent, K. et al. Case report: fatal case of disseminated BCG infection in an infant born to a mother taking infliximab for Crohn’s disease. Colitis 2010; 4: 603–605. 10. Chakravarty, E.F. et al. 2011. Pregnancy outcomes following maternal exposure to rituximab. Blood 2008; 117: 1499–506. 11. Klink, D.T. et al. Rituximab administration in third trimester of pregnancy suppress neonatal B-cell development. Clin. Dev. Immunol 2008; 27: 1363. 12. Berger, C.T. et al. A patient’s wish: anakinra in pregnancy. Ann. Rheum. Dis 2009; 68: 1794– 1795. 13. Fischer-Betz, R., C. Specker & M. Schneider. Successful outcome of two pregnancies in patients with adultonset Still’s disease treated with IL-1 receptor antagonist (anakinra). Clin. Exp. Rheumatol 2011; 29: 1021–1023. 14. GlaxoSmithKline. Use of intravenous (IV) benlysta in pregnant patients with systemic lupus erythematosus (SLE). TABLE RONDE 6 Moyens non médicamenteux de lutte contre la douleur des gestes : de l’Evidence-Based-Medicine à la pratique L’allaitement maternel pour soulager la douleur des gestes R Carbajal 1 Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, Hôpital Armand Trousseau. Service des Urgences Pédiatriques. 26 av du Dr Netter, 75012 Paris. Correspondance : [email protected] 1. Introduction Les gestes diagnostiques et thérapeutiques comportant une effraction cutanée sont devenus ubiquitaires dans la pratique de la médecine, et la néonatalogie n’est pas une exception. Alors que les nouveau-nés en bonne santé subissent systématiquement quelques procédures de nature douloureuse telles que les ponctions pour les dépistages systématiques ou les vaccins, les nouveau-nés, malades ou prématurés, peuvent subir des centaines de gestes douloureux pendant leur séjour hospitalier (1). Il est actuellement reconnu qu'il est important de soulager la douleur aiguë pour, d'une part, diminuer le stress et la souffrance créée chez ces enfants et, d'autre part, réduire l'effet potentiellement néfaste à long terme de la douleur sur le développement neurologique (2). On sait également que les expériences douloureuses subies en période néonatale peuvent modifier le comportement face à la douleur plusieurs mois plus tard (3). Les études épidémiologiques récentes ont montré que l'utilisation des moyens analgésiques pour les gestes de nature douloureuse pratiqués chez le nouveau-né en réanimation est insuffisante (1). Ce type de données n'est pas disponible pour les enfants hospitalisés en néonatologie. La douleur liée aux gestes peut être, en fonction de la nature du geste et de son intensité douloureuse, prévenue ou atténuée par des moyens médicamenteux ou non médicamenteux. Les moyens non médicamenteux constituent une option prioritaire pour l'analgésie des gestes couramment pratiqués chez le nouveau-né dans un service de néonatologie ou en maternité. Ces moyens ont une place importante dans la prise en charge de la douleur du nouveau-né, soit seuls, soit en combinaison avec des moyens médicamenteux. Les moyens non médicamenteux les plus utilisés sont l'emmaillotement, l'enveloppement, la contention, les solutions sucrées, la succion des tétines, le contact peau-à-peau, l’analgésie par l’allaitement maternel, le lait maternel, et la musique. Cet article présente les preuves de l'efficacité de l'allaitement maternel en tant que moyen analgésique pour la réalisation des gestes légèrement ou moyennement douloureux chez le nouveau-né. 2. L'Allaitement maternel En 2002 et 2003, deux études ont montré que l’allaitement maternel lors d’un geste douloureux constituait un puissant analgésique chez les nouveau-nés à terme (4,5). Dans une étude, les nouveaunés à terme qui étaient tenus et allaités par leur mère lors d’une ponction au talon et d’un prélèvement sanguin ont vu leurs pleurs et leurs grimaces réduits de 91 % et 84 %, respectivement, par rapport à ceux qui subissaient le même test emmaillotés dans leur berceau (4). Dans une autre étude, Carbajal et coll. ont randomisé 180 nouveau-nés subissant une ponction veineuse sur 4 interventions analgésiques (5). Des diminutions significatives des scores de douleur ont été notées pour les groupes allaitement et glucose plus tétine par rapport aux groupes placebo et « contenus dans les bras de leurs mères ». Une revue Cochrane de la littérature conduite en 2012 a identifié 10 études sur les effets analgésiques de l’allaitement maternel et 10 études sur les effets du lait maternel. Sur les 20 études, 16 ont été realisées durant une ponction au talon et 4 lors des ponctions veineuses. Les nouveau-nés dans le groupe allaitement maternel ont présenté une moindre augmentation de la fréquence cardiaque, une réduction du temps total des pleurs et une diminution de la durée du premier cri comparés à ceux du groupe placebo, tenus dans les bras de leurs mères, installés dans un berceau, tétant une tétine ou recevant une solution de saccharose oral. Lorsqu’une échelle d’évaluation de la douleur fut utilisée, les scores de douleur obtenus avec les échelles PIP ou DAN furent plus bas chez les enfants ayant reçu un allaitement maternel par rapport à ceux ayant reçu du placebo ou tenus dans les bras de leurs mères. Les scores de douleur NFCS furent plus bas dans le groupe allaitement que dans le groupe placebo, tenus dans les bras de leurs mères, ou ayant reçu du glucose oral. Au total, cette méta-analyse montre que les nouveau-nés dans le groupe allaitement avaient des évaluations unidimensionnelles et composites de la douleur plus basses comparées au placebo (6). Chez l’enfant prématuré de 30 à 36 semaines d’aménorrhée, Holsti et al ont étudié les effets analgésiques de l’allaitement maternel (7). Ils ont conclu que les scores de douleur n’étaient pas modifiés durant les prises de sang. Cependant, ces auteurs ont signalé qu’il pourrait y avoir un effet analgésique pour les plus matures de ce groupe. Lait maternel Les études concernant l’effet analgésique du lait maternel (sans allaitement) pour réduire la douleur des gestes chez les nouveau-nés ont abouti à des résultats non concordants (6). Son efficacité analgésique semble limitée et les données disponibles ne sont pas en faveur de l’utilisation du lait comme mesure unique de soulagement de la douleur des gestes. 3. Quel mécanisme d'action ? Bien qu'aucun mécanisme n'ait été clairement identifié pour expliquer l'efficacité de l'allaitement maternel pour soulager la douleur des gestes, plusieurs mécanismes peuvent être évoqués. Les composants de l’allaitement maternel qui pourraient apporter un effet analgésique inclus la présence d’une mère réconfortante, un contact physique de peau-à-peau au moins partiel, un détournement de l’attention, le discret effet sucré du lait et probablement le caractère prépondérant que l’allaitement a chez un nouveau-né qui deviendrait prioritaire par rapport aux autres expériences sensorielles (6). 4. Conclusion Une des principales sources de douleur chez le nouveau-né est la douleur induite par les actes. La prévention de la douleur est une priorité des soins. Des gestes agressifs « mineurs », parfois banalisés par le personnel soignant, tels que les ponctions veineuses ou artérielles, les piqûres au talon, entre autres, sont quotidiennement réalisées chez des nouveau-nés. Ces « petits gestes » nécessitent une analgésie. Une option intéressante dans ces situations est l’utilisation des moyens non médicamenteux tels que les solutions sucrées concentrées associées à la succion d’une tétine, et pour les enfants à terme qui sont allaités, on peut proposer de réaliser les gestes douloureux avec un allaitement maternel. Il est indispensable que les services de néonatologie ou de maternité établissent des protocoles écrits permettant à tous les nouveau-nés de bénéficier d’un traitement analgésique adapté à leur condition clinique. 5. Références 1. Carbajal R, Rousset A, Danan C, Coquery S, Nolent P, Ducrocq S, et al. Epidemiology and treatment of painful procedures in neonates in intensive care units. Jama. 2008;300(1):60-70. 2. Grunau RE. Neonatal pain in very preterm infants: long-term effects on brain, neurodevelopment and pain reactivity. Rambam Maimonides medical journal. 2013;4(4):e0025. Epub 2013/11/15. 3. Taddio A, Goldbach M, Ipp M, Stevens B, Koren G. Effect of neonatal circumcision on pain responses during vaccination in boys. Lancet. 1995;345(8945):291-2. 4. Gray L, Miller LW, Philipp BL, Blass EM. Breastfeeding is analgesic in healthy newborns. Pediatrics. 2002;109(4):590-3. 5. Carbajal R, Veerapen S, Couderc S, Jugie M, Ville Y. Analgesic effect of breast feeding in term neonates: randomised controlled trial. Bmj. 2003;326(7379):13. 6. Shah PS, Herbozo C, Aliwalas LL, Shah VS. Breastfeeding or breast milk for procedural pain in neonates. Cochrane Database Syst Rev. 2012;12:CD004950. Epub 2012/12/14. 7. Holsti L, Oberlander TF, Brant R. Does breastfeeding reduce acute procedural pain in preterm infants in the neonatal intensive care unit? A randomized clinical trial. Pain. 2011;152(11):2575-81. Epub 2011/10/22. Conflit d’intérêt : aucun Solutions sucrées et tétines chez le nouveau-né et le jeune nourrisson Aline Rideau, Raphaëlla Stern, Anna Zanin, Sophie Soudée, Caroline Farnoux, Olivier Baud, Valérie Biran* *Auteur correspondant: Service de réanimation et pédiatrie néonatales, Hôpital Robert Debré, APHP, Université Paris-Diderot, Sorbonne Paris Cité ; Département Hospitalo-Universitaire "PROTECT", 75019 Paris; Inserm U1141, PremUP Fondation Tel : +331 40034191 ; Fax : +331 40032470 ; [email protected] La prise en charge de la douleur des nouveau-nés et nourrissons est essentielle lors des gestes douloureux mineurs, répétitifs et des procédures plus invasives du fait des conséquences à court et long terme. Des données récentes suggèrent que la douleur répétée et prolongée pourrait modifier le développement ultérieur du système de la douleur et contribuer à l'apparition d'altérations du développement cérébral et du comportement à long terme chez les nouveau-nés (1,2). Parmi les stratégies analgésiques non médicamenteuses lors de gestes douloureux mineurs, l’utilisation des solutions sucrées concentrées oralement (principalement saccharose et glucose) chez le nouveau-né a été très largement étudiée avec des études randomisées publiées à partir des années 1980 (3). Les solutions sucrées peuvent également être utilisées chez le jeune nourrisson jusqu’à 6-12 mois avec une efficacité analgésique récemment documentée (4). L’association à la succion non nutritive d’une tétine a également montré son efficacité analgésique. Mécanisme d’action des solutions sucrées et des tétines L’effet antalgique du sucre est très probablement lié à la libération de morphiniques endogènes car chez l’animal l’effet antalgique a été bloqué par l’administration préalable d’un antagoniste de morphiniques, la naloxone (5). Cette hypothèse n’a pas encore été prouvée ; une première étude préliminaire chez le nouveau-né humain n’a pas montré d’élévation de la concentration sérique de ßendorphine après l’administration orale d’une solution de saccharose. Le mécanisme d’action exact des tétines n’est pas encore connu mais dans la littérature deux explications possibles ont été proposées. La première est la dominance sensorielle, selon laquelle la succion chez le nouveau-né est une stimulation tellement intense et agréable que les sensations qu’elle provoque peuvent bloquer la perception de la douleur. La deuxième est que la tétine permet une autorégulation de la perception douloureuse en donnant la possibilité au nouveau-né de réguler, par la succion, la quantité de stimulation reçue par son système nerveux (6). Efficacité des solutions sucrées Une revue systématique de la littérature concernant les effets analgésiques du saccharose chez le nouveau-né lors de gestes douloureux a été mise à jour par la Cochrane Collaboration en 2013 (7). Cette revue a identifié toutes les études randomisées contrôlées faisant intervenir des nouveau-nés à terme et prématurés subissant une ponction au talon, une ponction veineuse, sous-cutanée, une circoncision, un examen du fond d’œil à la recherche d’une rétinopathie du prématuré. Cinquante sept études ont été retenues par les auteurs, incluant 4 730 nouveau-nés. Vingt-sept études concernaient exclusivement des enfants prématurés. Les données montrent un effet antalgique du saccharose à partir d’une concentration de 24 %. L’effet analgésique est observé deux minutes après l’administration de la solution de saccharose et dure environ quatre minutes. Les auteurs de cette revue signalent que l’efficacité du saccharose, bien que constante après une ponction au talon, n’est que modérée pour les autres procédures douloureuses et que d’autres moyens doivent lui être associés afin d’accroître l’efficacité analgésique. La dose optimale analgésique de saccharose et l’innocuité de doses répétées chez les nouveau-nés restent à déterminer. Une étude confirme également la diminution des signes de douleur par l’administration d’une solution de saccharose orale aux nouveau-nés à terme mais sans modification de l’activité nociceptive au niveau de la moelle épinière et du cerveau, suggérant un manque d’efficacité analgésique du saccharose (8), ces données sont à confirmer du fait de biais méthodologiques (faible nombre d’enfants inclus et de quantité de saccharose). Les solutions orales de glucose à 20 et 30 % ont une efficacité analgésique comparable à celle du saccharose comme il a été démontré dans la revue de Bueno et al (9). Dans trente-cinq études (3 785 nouveau-nés à terme et prématurés), une diminution des scores de douleur, de l’incidence et de la durée des pleurs a été mise en évidence lors d’une ponction au talon ou d’une ponction veineuse. Chez les nourrissons de 1 à 12 mois, une méta-analyse a été réalisée par Harrison et al (4) sur l’efficacité des solutions sucrées concentrées (glucose, saccharose) administrées avant les vaccinations. Quatorze études avec 1 674 injections ont été retenues par les auteurs, elles montrent une réduction significative de la fréquence, durée des pleurs, des scores comportementaux pendant et surtout après l’injection mais pas de réduction significative des paramètres physiologiques (fréquence ou variabilité cardiaque) (10). L’efficacité analgésique des solutions sucrées est plus modérée que chez les nouveau-nés (11), la concentration de sucre utilisée varie d’une étude à une autre (24 à 75 %), mais les concentrations plus élevées semblent plus efficaces (glucose 40 %, saccharose 50 %), la durée d’analgésie est de une minute après administration. L’efficacité analgésique des solutions sucrées concentrées n’a pas été mise en évidence pour les gestes plus longs tels que les ponctions veineuses, les mises en place d’une sonde urinaire. Effets secondaires des solutions sucrées données oralement Aucun effet secondaire immédiat n’a été rapporté dans la littérature après l’utilisation du saccharose ou du glucose oral chez le nouveau-né à terme et le nourrisson. Six études décrivent une tendance à présenter des désaturations légères (85–88 %) avec une récupération spontanée lors de la prise orale de la solution sucrée concentrée ou de placebo chez quelques nouveau-nés prématurés (7). Ceci souligne la nécessité d’administrer lentement et par gouttes les solutions sucrées chez les enfants très prématurés. Aucun effet secondaire après administration de doses répétées de saccharose chez des nouveau-nés n’a été mis en évidence (5 études (7). Aucune étude n’a rapporté les effets du saccharose sur le développement neuromoteur à 18-24 mois ou à plus long terme. Sur le plan métabolique, le risque d’hyperglycémie après administration de solutions sucrées concentrées n’a pas été décrit jusqu’à ce jour. L’étude de Mellah (12) est une des rares où les glycémies capillaires après la ponction au talon ont été relevées : là aussi, elles étaient normales (sans différence significative entre les groupes placebo et saccharose). Taddio et al. (13) confirme l’absence de modification de glycémie chez des nouveau-nés à terme de mère diabétique après administration de saccharose à 24 %. Les quantités de saccharose administrées au nouveau-né (0,1 à 0,15 g/kg) sont très faibles et constituent1/50e à 1/100e des apports journaliers en glucose d’un nouveau-né, d’autre part le délai entre l’administration orale et la réalisation du prélèvement est habituellement très court et ne peut pas modifier l’équilibre glycémique. Les contre-indications absolues sont l’atrésie de l’œsophage, la fistule œsotrachéale non opérées. L’intolérance connue au fructose est une contre-indication absolue au saccharose, le glucose est, quant à lui, autorisé. Une suspicion d’entérocolite et les troubles de déglutition représentent des contreindications relatives. Succion d’une tétine Des effets analgésiques et réconfortants ont été aussi rapportés pour la succion non nutritive des tétines lors des ponctions capillaires, veineuses et vaccinations. Cette efficacité est surtout démontrée chez les nouveau-nés prématurés et à terme. Campos RG (14) a étudié chez 60 nouveau-nés à terme les effets réconfortants de la succion d’une tétine après une ponction au talon. En évaluant les signes de détresse (pleurs, agitation), cet auteur a trouvé que les tétines avaient un meilleur effet réconfortant que le bercement ; le bercement était mieux que l’absence d’intervention. Certaines études montrent un effet analgésique de la succion d’une tétine seule ou associée à du saccharose lors de la réalisation des ponctions veineuses chez des nouveau-nés à terme (15) et des examens ophtalmologiques à la recherche d’une rétinopathie du prématuré (16). La synergie analgésique des solutions sucrées concentrées a aussi été trouvée par d’autres auteurs (9). Chez le nourrisson, l’efficacité analgésique de la tétine et du saccharose a été montrée chez des enfants de moins de 6 mois lors des prélèvements veineux ou des vaccinations ; en revanche, l’utilisation d’une tétine seule ne modifie pas la durée des pleurs (4). L’Académie Américaine de Pédiatrie (2009) recommande l’utilisation d’une tétine à visée non nutritive en association avec d’autres moyens analgésiques non médicamenteux lors des gestes douloureux suivants : prélèvements au talon, ponctions veineuse, lombaire, pose de perfusion, examen ophtalmologique à la recherche d’une rétinopathie du prématuré, circoncision. Utilisation pratique (d’après http://www.pediadol.org) Les solutions sucrées doivent être administrées sur prescription médicale ou dans le cadre d’un protocole de service dans les situations suivantes : effraction cutanée, ponction veineuse, prélèvement capillaire au talon ou au doigt (à réaliser à l’aide de lancette à ressort ou de stylo autopiqueur, les lancettes à main sont à proscrire), injection intramusculaire (vaccination, etc.), injection sous-cutanée, pose d’une voie d’abord périphérique ou centrale, ponction lombaire (associer à l’application de crème anesthésiante Emla®), injection intradermique, intradermoréaction (IDR) ; pose d’une sonde gastrique, d’une sonde urinaire ; aspiration rhino-pharyngée, aspiration trachéale, ablation de pansement adhésif, mobilisation du bébé potentiellement douloureuse : toilette, change, pesée, etc. Le saccharose a une concentration d’au moins 24 %, a une efficacité très proche du glucose à 30 %, la solution de glucose présente l’avantage pratique d’être rapidement disponible dans tous les services et ne nécessite pas une préparation préalable par la pharmacie ou la biberonnerie. Certaines solutions sucrées de saccharose à 24 % prêtes à l’emploi (par exemple, Algopédol® Crinex ; « Sweet ease », PDGsystem) sont disponibles sur le marché en France. Plus que la quantité absolue de sucre ou de solution, ce sont la concentration et le goût sucré de la solution sucrée qui semblent intervenir dans l’effet analgésique : il est donc intéressant d’utiliser une solution en petite quantité, mais à concentration assez élevée (au moins 24 % pour le glucose comme pour le saccharose) et de l’utiliser si besoin plusieurs fois par jour. La dose efficace minimale semble être (pas de véritable consensus) de l’ordre de 1 à 2 gouttes (0,05 à 0,1 ml) pour le nouveau-né prématuré de moins de 1 000 g, 3 à 4 gouttes pour un poids de 1 500 g, 8 à 10 gouttes après 2 000 g. Il s’est avéré que l’effet antalgique, mesuré sur le temps passé en pleurs, était maximal si un intervalle libre de 2 minutes était respecté avant le soin. L’effet synergique de solutions sucrées et de la succion de tétines a été clairement montré et justifie leur association en pratique. Pour les enfants à terme qui sont allaités, on peut proposer des prélèvements lors de l’allaitement dont l’efficacité analgésique est nettement supérieure à l’administration de glucose à 30 %, avec une tendance à être supérieure, sans atteindre une signification statistique, à l’association glucose 30 % plus succion d’une tétine (17). Prévention de la douleur Un des moyens les plus efficaces pour réduire la douleur chez les nouveau-nés et les nourrissons est la prévention. Réduire la survenue ou la fréquence des interventions douloureuses est l'une des principales recommandations de l'Académie Américaine de Pédiatrie et de la Société canadienne de pédiatrie (18). Une récente publication (19) suggère que la fréquence des procédures douloureuses mineures telles que des dextro, aspirations trachéales… sont encore trop nombreuses chez les nouveau-nés et devraient faire l’objet de protocole de service améliorant l’organisation des soins, la coordination entre les prélèvements nécessaires à la surveillance et au traitement de l’enfant. Conclusion L’ensemble des études publiées montre une efficacité analgésique des solutions sucrées concentrées associées à une tétine à visée non nutritive essentiellement chez le nouveau-né et le jeune nourrisson de moins de 6 mois pour des procédures douloureuses mineures. Lors de la réalisation des gestes plus douloureux d’autres moyens analgésiques plus importants doivent être utilisés. Plusieurs questions sur les mécanismes de l’effet analgésique des solutions sucrées et des tétines sont à explorer : les voies opioïdes impliquées, les conséquences des utilisations répétées et prolongées des solutions sucrées, notamment chez les grands prématurés, l’efficacité de l’association des solutions sucrées à d’autres moyens non médicamenteux (stimulations multisensorielles, allaitement, acupuncture, contact en peau à peau) et médicamenteux (opioïdes). Bibliographie 1.Grunau RE, Whitfield MF, Petrie-Thomas J, Synnes AR, Cepeda IL, Keidar A, Rogers M, Mackay M, Hubber-Richard P, Johannesen D. Neonatal pain, parenting stress and interaction, in relation to cognitive and motor development at 8 and 18 months in preterm infants. Pain. 2009; 143:138-46 2.Brummelte S, Grunau RE, Chau V, Poskitt KJ, Brant R, Vinall J, Gover A, Synnes AR, Miller SP. Procedural pain and brain development in premature newborns. Ann Neurol. 2012; 71:385-96 3.Harrison D, Beggs S, Stevens B. Sucrose for procedural pain management in infants. Pediatrics. 2012; 130:918-25 4. Harrison D, Stevens B, Bueno M, Yamada J, Adams-Webber T, Beyene J, Ohlsson A. Efficacy of sweet solutions for analgesia in infants between 1 and 12 months of age: a systematic review. Arch Dis Child. 2010; 95:406-13 5.Blass EM, Fitzgerald E. Milk-induced analgesia and comforting in 10-day-old rats: opioid mediation. Pharmacol Biochem Behav. 1988; 29:9-13 6.Carbajal R, Lenclen R, Gajdos V, Jugie M, Paupe A. Crossover trial of analgesic efficacy of glucose and pacifier in very preterm neonates during subcutaneous injections. Pediatrics. 2002 ;110:389-93 7.Stevens B, Yamada J, Lee GY, Ohlsson A. Sucrose for analgesia in newborn infants undergoing painful procedures. Cochrane Database Syst Rev 2013 ; 31:CD001069 8.Slater R, Cornelissen L, Fabrizi L, Patten D, Yoxen J, Worley A, Boyd S, Meek J, Fitzgerald M. Oral sucrose as an analgesic drug for procedural pain in newborn infants: a randomised controlled trial. Lancet. 2010; 376:1225-32 9.Bueno M, Yamada J, Harrison D, Khan S, Ohlsson A, Adams-Webber T, Beyene J, Stevens B. A systematic review and meta-analyses of nonsucrose sweet solutions for pain relief in neonates. Pain Res Manag. 2013;18:153-61 10.Lindh V, Wiklund U, Blomquist HK, Håkansson S. EMLA cream and oral glucose for immunization pain in 3-month-old infants. Pain. 2003; 104:381-8 11.Tsao JC, Evans S, Meldrum M, Altman T, Zeltzer LK. A Review of CAM for Procedural Pain in Infancy: Part I. Sucrose and Non-nutritive Sucking. Evid Based Complement Alternat Med. 2008; 5:371-8 12.Mellah D, Gourrier E, Merbouche S, Mouchnino G, Crumière C, Leraillez J. Analgesia with saccharose during heel capillary prick. A randomized study in 37 newborns of over 33 weeks of amenorrhea. Arch Pediatr. 1999; 6:610-6 13.Taddio A, Shah V, Hancock R, Smith RW, Stephens D, Atenafu E, Beyene J, Koren G, Stevens B, Katz J. Effectiveness of sucrose analgesia in newborns undergoing painful medical procedures. CMAJ. 2008 1; 179:37-43 14.Campos RG. Rocking and pacifiers: two comforting interventions for heelstick pain. Res Nurs Health. 1994; 17:321-31 15.Carbajal R, Chauvet X, Couderc S, Olivier-Martin M. Randomised trial of analgesic effects of sucrose, glucose, and pacifiers in term neonates. BMJ. 1999; 319:1393-7 16.Boyle EM, Freer Y, Khan-Orakzai Z, Watkinson M, Wright E, Ainsworth JR, McIntosh N. Sucrose and non-nutritive sucking for the relief of pain in screening for retinopathy of prematurity: a randomised controlled trial. Arch Dis Child Fetal Neonatal Ed. 2006; 91:F1668 17.Carbajal R, Veerapen S, Couderc S, Jugie M, Ville Y. Analgesic effect of breast feeding in term neonates: randomised controlled trial.BMJ. 2003 ;326:13 18.American Academy of Pediatrics Committee on Fetus and Newborn, American Academy of Pediatrics Section on Surgery, Canadian Paediatric Society Fetus and Newborn Committee, et al.: Prevention and management of pain in the neonate: an update. Pediatrics 2006, 118:2231–2241 19.Carbajal R, Rousset A, Danan C, et al. Epidemiology and treatment of painful procedures in neonates in intensive care units.JAMA 2008, 300:60-70 La distraction lors des soins douloureux ou anxiogènes aux urgences pédiatriques de l’hôpital Trousseau : l’expérience des tablettes tactiles C. Laffaille, M. Beauchet filleau, Christelle Nguyen, Claire Tournier, Pauline Gatterre, R. Carbajal Service des Urgences pédiatriques, Hôpital Armand Trousseau, 26 avenue du Dr Arnold Netter, 75012 Paris Introduction Selon les études, plus de 30 % des enfants consultant aux urgences pédiatriques présentent une douleur à leur arrivée ou subissent un geste de nature douloureuse [1,2]. De plus, le grand nombre d’intervenants et le caractère urgent de certains soins urgents créent un climat d'anxiété pour les enfants et leurs familles. La prise de conscience de la nécessité de prendre en charge efficacement la douleur et l'anxiété des enfants dans ces services a conduit certaines équipes à développer un accueil adapté à l'âge de l'enfant, à évaluer la douleur le plus souvent possible et à utiliser des traitements médicamenteux et non médicamenteux pour soulager et prévenir la douleur des enfants. L’utilisation d’une analgésie non médicamenteuse n’est pas encore suffisamment répandue. Et même dans les services où les traitements analgésiques sont courants, la prise en charge de la douleur des enfants reste, dans un certain nombre de cas, non optimale et ce malgré les différents moyens thérapeutiques antalgiques utilisés : antalgiques de palier 1, 2 ou 3, ou mélange 50/50 de protoxyde d'azote/oxygène (MEOPA). Ce constat a motivé notre souhait d’élargir les moyens pour soulager la douleur et l'anxiété des enfants et améliorer le confort des patients consultant dans notre service. La distraction est une approche cognitivo-comportementale qui permet d'engager activement les enfants et les aide à diriger leur attention ailleurs que sur les gestes anxiogènes et douloureux [3]. Convaincus par les données de la littérature [4] et par les résultats positifs observés dans notre pratique sur les bénéfices de la distraction, nous utilisons depuis plusieurs années des moyens tels que les bulles de savon, des chansons, des récits, des histoires et la participation des parents. Nous avons constaté que la clé du succès était de fournir à l'enfant, en fonction de son développement cognitif, un moyen de distraction ayant un fort pouvoir pour capter son attention. Nous avons donc décidé de tester l’utilité des tablettes tactiles lors des gestes douloureux ou anxiogènes chez les enfants accueillis au sein de nos urgences. 1 Le projet Une revue systématique de la littérature publiée en 2013 sur les moyens non pharmacologiques utilisés aux urgences pédiatriques a trouvé 10 articles sur la distraction sur 14 articles dédiés à ce sujet [4]. Dans 5 des 10 études, la musique était le seul moyen de distraction. Dans les 5 autres études, une combinaison de moyens de distraction fut utilisée. Bien que les résultats de ces études ne fussent pas unanimes, essentiellement en raison de leurs conceptions variées, la plupart ont montré un effet bénéfique sur la douleur et l'anxiété des enfants. Par ailleurs, la distraction est un moyen qui peut être utilisé avec une formation rapide, ne comporte pas de risque, et présente un bon rapport coût/efficacité. Les auteurs de la revue systématique citée ci-dessus signalent que les services d'urgences devraient posséder une variété des moyens de distraction pour les enfants en fonction de l'âge [4]. Nous avons donc recherché dans notre service un nouveau moyen de distraction à utiliser aux urgences. Les tablettes tactiles, par leur potentiel attractif et ludique touchant presque tous les âges, nous ont semblé intéressantes. Nous avons donc décidé de tester l’utilité des tablettes tactiles lors des procédures invasives couramment réalisées aux urgences pédiatriques médico-chirurgicales de l’hôpital Trousseau. 2. Mise en place des tablettes et évaluation du projet : l’adhésion des enfants, des parents et des soignants Depuis le début de l’année 2011, le service d’accueil des urgences pédiatriques de l’hôpital A. Trousseau a mis en place l'utilisation d'une tablette tactile, afin de proposer de la distraction aux enfants lors de procédures douloureuses. Cette tablette a été utilisée essentiellement pour des sutures et des prélèvements sanguins. Après la mise en place de cette première tablette tactile, nous avons recueilli de façon informelle le ressenti des enfants, de leurs parents et du personnel soignant au cours de l’été 2012. Ce premier retour d’expérience étant positif, nous avons donc enrichi le projet. Cette mise en place de la tablette a nécessité de résoudre un certain nombre des contraintes matérielles et logistiques que nous détaillerons dans la partie discussion de cet article. Après l'expérience acquise avec la première tablette et les solutions logistiques apportées, nous avons acquis 6 autres tablettes tactiles. S’en est suivie une période de réévaluation basée sur un questionnaire qualitatif « enfantsparents-soignants » dans le courant du mois de mars 2013. Ce questionnaire reprenait l’âge des enfants, les soins qui avaient été effectués aux enfants, ainsi que le ressenti des parents et celui des soignants. Les soins comprenaient : • les prélèvements sanguins • les sutures (fils, stéri-strip, agrafes, colle) • les fractures (besoin d’une réduction, réalisation d’un plâtre circulaire ou d’une attelle) • la prescription d’une analgésie (Xylocaïne®, paracétamol, codéine, nalbuphine, morphine) • utilisation de la tablette tactile. Les questions posées aux parents reprenaient : • l’impact de la tablette sur l’anxiété, sur le ressenti douloureux de l’enfant. Les parents pouvaient répondre par nul/ peu efficace/ plutôt efficace/ très efficace • l’utilité de la tablette aux urgences en lui mettant une note entre 0 et 10. Les questions pour les soignants reprenaient l’effet de la distraction dans la facilitation des soins et dans la durée des soins. Les soignants pouvaient répondre par nulle/peu efficace/plutôt efficace/ très efficace. Nous avons également demandé aux enfants âgés de plus de 6 ans de noter la tablette tactile avec une échelle visuelle avec des notes comprises entre 0 et 10. Les enfants ont tout d’abord largement donné leur impression positive en mettant une note de 9.3/10 aux tablettes tactiles lorsqu’on leur posait la question s’ils avaient aimé l’utilisation de la tablette pendant les soins. Les parents ont également eu un discours positif, 88 % d’entre eux pensent que cela a eu un impact bénéfique sur l’anxiété, de même 90 % d’entre eux pensaient que cela avait eu un impact bénéfique sur la douleur. Enfin les soignants sont globalement conquis : 92 % des soignants ont estimé que les soins ont été facilités par les tablettes tactiles et 72 % d’entre eux pensent que l’utilisation des tablettes améliore leurs conditions de travail. 3. Discussion Nous avons rapidement observé que la tablette tactile est un outil puissant et efficace en complément des autres moyens antalgiques. Dans notre expérience quotidienne, un franc bénéfice est apparu au fil de son utilisation, pour les enfants comme pour leurs parents. Les conditions dans lesquelles sont réalisées les procédures douloureuses (prélèvements, sutures, réductions) ont été améliorées par l’utilisation conjointe de la tablette et des thérapeutiques antalgiques usuelles. Non seulement son potentiel de distraction s’intègre spontanément dans la prise en charge de la douleur, mais son caractère relaxant permet également une diminution de l’anxiété chez l’enfant et ses parents. En effet, ceux-ci abordent les soins douloureux plus sereinement en voyant leur enfant calme et détendu, et sont eux-mêmes distraits. Par ce biais, les soins sont rendus plus faciles et parfois même raccourcis. Certains soins difficiles chez les enfants réfractaires au MEOPA ont été réalisés avec la tablette tactile seule dans de bonnes conditions lorsque les autres moyens thérapeutiques avaient échoué (rappelons que 20-30 % des enfants ne sont pas répondeurs au MEOPA). Nous avons constaté que la tablette tactile permet une distraction intense même chez des jeunes enfants. Nous avions initialement limité l'utilisation aux enfants de plus d'un an mais nous nous sommes rapidement aperçus que même des enfants plus jeunes pouvaient être attirés par un contenu audio-visuel adapté à leur âge (par exemple, comptines chantées). De manière occasionnelle, la tablette peut être utilisée pour aider à examiner un enfant très anxieux. Un autre effet bénéfique procuré par la distraction induite par l'utilisation des tablettes est le renforcement d’une « culture douleur et d’accueil personnalisé et serein des patients et de leurs familles ». En effet, la démarche réalisée par les soignants lors de chaque soin visant à connaître les goûts et intérêts des enfants pour pouvoir leur proposer le contenu le plus adapté, permet de mieux connaître l'enfant et de personnaliser son accueil et distraction. Cela met l'enfant et sa famille en confiance et contribue à créer une meilleure relation du couple parent-enfant avec les soignants. Le fait de chercher la meilleure distraction possible pour l'enfant dans le but de réduire la douleur et l'anxiété conduit les soignants à ne pas négliger tout autre moyen médicamenteux ou non médicamenteux pouvant contribuer à cet objectif. Cependant avant la mise en place de tablettes tactiles dans un service plusieurs paramètres doivent être pris en compte. L’engouement pour cette nouvelle méthode non pharmacologique a été rapide. Mais nous avons dû surmonter certaines difficultés logistiques et informatiques. Dès l'acquisition de notre première tablette, l’une des préoccupations initiales a été la prévention du risque de vol ou de dégradation de notre matériel. Pour répondre à nos contraintes d’ergonomie et de sécurité, nous avons fait appel à un industriel pour créer un bras maintenant la tablette tactile. Ce bras a une tête rotative s’inclinant à 180 ° dans le plan horizontal et à 360 ° dans le plan sagittal (photo 1). L’enfant est capable de voir et de manipuler l’écran de la tablette dans n’importe quelle position et même si on lui administre du MEOPA en même temps (le masque ne cache pas l’écran). D’autre part le matériel est sécurisé contre le vol. Le système est maintenu par des vis antivol et le chargeur de la tablette est intégralement caché dans le bras articulé. La portée du bras est d'environ 2 mètres par rapport au mur de fixation et cela permet d'atteindre toute position que l'enfant peut prendre lors du soin. Photo 1 : Bras articulé maintenant la tablette tactile dans la salle de prélèvement. Pour permettre une utilisation facile par les soignants et les patients, l’ensemble de la flotte des tablettes tactiles a été formaté de manière identique. Le service a rapidement été doté d’un WI-FI pour permettre l’utilisation optimale des tablettes. En effet il nous a semblé intéressant que les enfants puissent avoir accès aux musiques et clips vidéos de leur choix afin de capter au mieux leur attention pendant un soin. En revanche, afin de sécuriser leur navigation web, nous avons restreint leur accès, seules les vidéos et musiques accessibles au moins de 12 ans sont disponibles. Dans le courant de l’année 2013, un groupe de travail a réfléchi sur le contenu précis des applications et des vidéos proposées. Ces applications ont été installées sur les tablettes tactiles et classées par âge. L’ensemble de notre équipe soignante a également été formé au fonctionnement et au contenu des tablettes tactiles. En effet pour permettre à l’enfant de s’extraire complètement de la procédure douloureuse, le personnel doit connaître les applications pour commencer à jouer avec l’enfant au démarrage du soin et pouvoir l’encourager pendant le soin. La distraction sera d’autant meilleure si l’enfant est actif. Par exemple, au cours d’une suture nous pouvons encourager l’enfant à gagner une partie à l’instant même où nous effectuons les points. Conclusion La tablette tactile a montré une réelle efficacité dans l'amélioration de la prise en charge de la douleur de l’enfant en association avec les thérapeutiques médicamenteuses usuelles. La franche adhésion des enfants, des parents et des soignants nous incite à poursuivre et à étendre le champ d’utilisation de cet outil innovant. Ce projet a contribué à améliorer le bien-être, le confort et la prise en charge des enfants consultant dans notre service d'urgences. Il concerne potentiellement des milliers d'enfants qui subissent des gestes douloureux ou présentent une douleur lors de l’arrivée aux urgences pédiatriques. Même si la durée de séjour aux urgences peut être relativement courte pour certains enfants par rapport à une hospitalisation, tout doit être fait pour que ce séjour ne soit pas vécu comme une période traumatisante pour l'enfant et sa famille. « L’auteur n’a pas déclaré de conflit d’intérêts en relation avec cet article ». Références bibliographiques 1. Bauman, B.H. and J.G. McManus, Jr., Pediatric pain management in the emergency department. Emerg Med Clin North Am, 2005. 23(2): p. 393-414, ix. 2. Drendel, A.L., D.C. Brousseau, and M.H. Gorelick, Pain assessment for pediatric patients in the emergency department. Pediatrics, 2006. 117(5): p. 1511-8. 3. Khan, K.A. and S.J. Weisman, Nonpharmacologic Pain Management Strategies in the Pediatric Emergency Department. Clinical Pediatric Emergency Medicine, 2007. 8(4): p. 240247. 4. Wente, S.J., Nonpharmacologic pediatric pain management in emergency departments: a systematic review of the literature. J Emerg Nurs, 2013. 39(2): p. 140-50. L’hypnose pour la douleur des gestes de soins chez l’enfant : de l’Evidence-Based-Medicine à la pratique JPP 2014 Bénédicte LOMBART (Infirmière, Cadre de Santé, CHU Armand Trousseau AP-HP) Elisabeth FOURNIER- CHARRIERE (pédiatre, Centre d’étude et de traitement de la douleur, CHU Bicêtre, AP-HP) Bénédicte Lombart auteure correspondant Cadre de santé, (CHU Hôpital Armand Trousseau AP-HP 26 rue Arnold Netter 75012 Paris ) [email protected] L’hypnose : perspective historique et connaissances actuelles L’usage de l’hypnose pour réduire la douleur iatrogène est ancien, en particulier dans le domaine de la chirurgie. Des chirurgiens tels Jules Cloquet (1829) pour une ablation du sein, John Elliotson (1843) en Angleterre pour une amputation ou James Esdaille qui effectua 261 interventions chirurgicales majeures (1852) à Calcutta, utilisaient « l’anesthésie mesmérienne », appelée aussi état magnétique. James Braid, médecin écossais, considère cet état « comme un sommeil nerveux obtenu par la focalisation sur un objet brillant », comme l’indiquent Isabelle Celestin-Lhopiteau et Antoine Boy dans leur récent ouvrage sur l’hypno-analgésie et l’hypnosédation [1]. Cette technique qui fait appel à la focalisation de l’attention et aux suggestions pour soulager le malade est ancienne. C’est Franz Anton Mesmer qui le premier au 18ème siècle a fondé une théorie médicale à propos du « magnétisme animal »[2], d’où l’usage de l’adjectif « mesmérien » ou encore « mesmérique » dans le vocabulaire relatif au « magnétisme », dénomination antérieure au terme d’« hypnose ». L’usage de l’hypnose pour anesthésier les patients lors d’une chirurgie va péricliter avec l’avènement de la pharmacopée de l’anesthésie, avec l’éther puis avec le chloroforme en 1846. Notons toutefois la remarquable expérience d’une infirmière pionnière de l’anesthésie, Alice Magaw [3], qui en associant l’hypno-sédation (c’est-à-dire communication individualisée et suggestions de sécurité et de bien-être) à l’induction anesthésique chimique obtint une épargne de produits inhalés de 80 %, réduisant ainsi de façon spectaculaire les décès au cours de l’anesthésie [4]. L’hypnose réapparaît dans la pratique médicale au XXème siècle grâce au psychiatre américain, Milton Erickson, qui donne à partir des années 1950 un nouvel essor à cette méthode. L’hypnose ericksonienne représente désormais le courant le plus fréquemment utilisé dans le contexte médical. L’anesthésie est l’un des domaines précurseurs de la réhabilitation de l’usage de l’hypnose médicale. On retrouve dès 1959 des publications sur l’intérêt de l’hypnose dans l’anesthésie et l’analgésie de l’enfant opéré d’une chirurgie cardiaque [5]. Les travaux d’Elisabeth Faymonville, anesthésiste à Liège, vont également grandement contribuer à objectiver l’intérêt de l’hypno-sédation, pour améliorer les suites opératoires et l’analgésie post-opératoire [6] [7] [8]. Pour Elisabeth Faymonville, « l’hypnose place le patient dans un état de conscience intermédiaire, entre veille et sommeil, provoqué par la stimulation verbale. C'est un état d'extrême concentration auquel chacun peut accéder, à condition d'être consentant et motivé ». Par cette formulation le Pr Faymonville insiste sur le fait que c’est le processus hypnotique qui produit un effet et non le professionnel qui conduit l’hypnose. Ce qui implique que l’hypnose est un processus naturel propre à chacun. Les neurosciences nous ont donné un accès aux circuits neuronaux des processus psychiques, et Pierre Rainville et son équipe ont montré grâce à l’imagerie cérébrale fonctionnelle, la réponse corticale aux suggestions hypnotiques [9], ainsi que les modulations de la perception de la douleur sous hypnose [10]. L’hypnose modifie les zones cérébrales activées par la douleur et leurs connections aux zones impliquées dans les pensées, les émotions, la mémorisation, le stress, ce qu’on appelle le réseau de la pain matrix, en diminuant l’ampleur de l’impact du stimulus algogène. Les applications concrètes de l’hypnose dans le domaine de l’analgésie sont aujourd’hui nombreuses tant dans le domaine des douleurs iatrogènes que dans celui des douleurs chroniques. Selon la division de l’American Psychological Association, qui étudie plus précisément l’hypnose, the Society of Psychological Hypnosis, l’hypnose se définit comme « A state of consciousness involving focused attention and reduced peripheral awareness characterized by an enhanced capacity for response to suggestion ». Cet état de conscience obtenu grâce à la focalisation de l’attention, caractérisé par une capacité accrue du sujet pour répondre aux suggestions, peut être utilisé à visée psychothérapeutique mais également en analgésie. On parle alors d’hypno-analgésie. Les suggestions proposées dans ce cadre tendent à éloigner, à transformer et à réduire les sensations douloureuses tout en modifiant l’expérience émotionnelle associée à la douleur. Des preuves d’efficacité antalgique pour l’hypnose On retrouve une littérature relativement récente sur le thème de l’hypno-analgésie, en particulier chez l’enfant. L’occurrence dans Pubmed des articles sur le thème avec les mots « hypnosis and pain » est de 1631 références, en jouxtant la notion de « medical » à celles d’« hypnosis and pain » l’occurrence tombe à 315 articles. Les différences entre « medical hypnosis » et « hypnosis » ne sont pas très claires. Il semble que les auteurs utilisent indifféremment les deux terminologies pour désigner de manière générale l’hypnose dans un cadre médical, même si cela n’est pas spécifié dans l’intitulé. Lorsqu’on ajoute le mot « child ou children » à la recherche, cette occurrence tombe à 221. En ce qui concerne les études qui portent sur l’hypnose pour réduire la douleur provoquée par les procédures en pédiatrie (hypnosis and procedural pain and children) on ne retrouve plus que 17 occurrences. Par ailleurs une synthèse récente sur la même thématique chez l’adulte retrouve 34 essais contrôlés incluant 2597 patients [11]. Plusieurs synthèses ou méta-analyses récentes sont disponibles. Accardi en 2009[12] retrouve 10 essais randomisés contrôlés sur l’effet de l’hypnose sur la douleur des soins chez l’enfant, incluant 393 enfants, subissant majoritairement ponctions lombaires ou médullaires, et conclut que l’hypnose est équivalente ou supérieure à la distraction pour diminuer la douleur, mais les méthodologies très variables ne permettent pas d’arriver à une conclusion suffisamment étayée. La méta-analyse de la Cochrane Collaboration publiée en octobre 2013 par Uman et al [13] (mise à jour des versions de 2006 et 2008) concernant les interventions psychologiques utilisées pour réduire la douleur et de la détresse chez les enfants et les adolescents lors des piqûres, apporte des éléments de preuve intéressants en particulier en ce qui concerne la distraction et l’hypno-analgésie. Cette revue de la littérature a inclus 39 essais de qualité méthodologique suffisante, ce qui représente 3394 participants (tout en excluant 128 études de qualité insuffisante). Les gestes le plus étudiés dans les essais contrôlés étaient la ponction veineuse (13 études), la pose de voie veineuse (7 études), la vaccination (6 études), la ponction lombaire (5 études), le myélogramme (2 études). Les études incluaient des enfants âgés de 2 à 19 ans, avec le plus de preuves disponibles pour les enfants de moins de 12 ans. Les « interventions psychologiques » les plus étudiées pour les injections étaient la distraction (19 études), l'hypnose (7 études) et les thérapies cognitivo-comportementales. Les auteurs concluent qu’il existe globalement des preuves solides de l'efficacité de la distraction et de l'hypnose pour la douleur et la détresse liée aux injections chez les enfants et les adolescents, avec un effect size plus important avec l’hypnose ; par contre aucune preuve n’est actuellement solidement acquise sur l’effet antalgique de la préparation et de l'information. Les auteurs notent qu’il persiste un défaut d’études méthodologiquement fiables pour évaluer les interventions psychologiques pour prévenir la douleur et la détresse liées aux injections. La cancérologie pédiatrique est le secteur qui a fait l’objet de nombreuses d’études d’évaluation de l’efficacité de ces techniques. L’équipe anglaise de Liossi a comparé l’utilisation de l’hypno-analgésie versus prise en soins courante ou simple attention (avec crème anesthésiante EMLA® pour tous) pour les ponctions veineuses chez l’enfant atteint de cancer : les résultats montrent une supériorité sur l’anxiété et sur la douleur et sur la détresse comportementale dans le groupe associant l’hypnose à la crème anesthésiante [14]. Cette équipe avait déjà dans des études précédentes, mis en évidence l’avantage d’associer l’hypnose à la crème anesthésiante lors des ponctions lombaires (réduction supplémentaire de l’anxiété, de la douleur et de la détresse comportementale), [15] [16] et montré la supériorité de l’hypnose sur des techniques cognitivo-comportementales lors des myélogrammes [17]. Landier et al en 2010 [18] dans leur revue de la littérature concernant les méthodes alternatives pour réduire la douleur et l’anxiété de l’enfant en oncologie, ont retenu 30 articles (dont 20 avec méthodologie suffisante pour accorder un niveau de preuve correct), qui mettent en évidence l’efficacité des méthodes de distraction, de distraction associée à l’imagerie mentale, et d’hypnose, seules ou associées à un traitement pharmacologique, pour réduire douleur, anxiété et détresse provoquées par les soins, avec une supériorité de l’hypnose dans les deux essais comparatifs. ToméPires et al en 2012 ont analysé dans une synthèse l’intérêt de l’hypnose pour réduire la douleur chronique et la douleur liée aux soins chez les enfants soignés en oncologie pédiatrique ; ils ont retenu 10 études randomisées qui montrent l’efficacité de l’hypnose lors des soins, mais déplorent le niveau de preuve souvent insuffisant de ces études [19]. En effet, en raison de la nature même de la technique, celle-ci ne peut être étudiée en double aveugle mais doit être comparée en ouvert soit à la distraction soit à la réalisation en soins courants ou à d’autres méthodes. Cependant Hunt et al en 2010 [20] signalent que les études se rapportant à l’utilisation de l’hypnose sont de meilleure qualité méthodologique que celles réalisées pour les autres méthodes non pharmacologiques complémentaires. Le nombre d’études dans le domaine de l’évaluation de l’hypno-analgésie lors des procédures en pédiatrie va sans doute s’étoffer dans les années à venir compte tenu du développement de cette méthode dans de nombreux services de pédiatrie. Il n’est pas étonnant que la pédiatrie se soit saisie des techniques d’hypno-analgésie car les soins entraînent anxiété et douleur auxquelles l’enfant est particulièrement sensible, et c’est justement sur ces deux aspects que l’hypnose agit. Des travaux se poursuivent d’ailleurs pour améliorer l’évaluation de l’anxiété de l’enfant lors des procédures [21] : dans cette étude menée par une des spécialistes australiennes de la douleur liée aux gestes de soins chez l’enfant, il est clairement démontré qu’il est impossible de séparer douleur et autres causes de détresse avec les outils de mesure comportementaux qui ont été mis au point pour mesurer la douleur, comme le score FLACC : chez les jeunes enfants entre 6 mois et 4 ans, les scores montent dès les préparatifs et la contention. Ainsi, de même qu’il est indispensable d’évaluer, de prévenir la douleur de l’enfant, il est incontournable aujourd’hui de reconnaître et de prévenir ou traiter l’anxiété liée aux soins : ce sont tous les facteurs de détresse qui doivent être prévenus ou traités, c’est pourquoi information, préparation, installation, confort, dans un contexte de bienveillance, d’attention à ce que vit l’enfant, sont aussi indispensables que les mesures antalgiques, pharmacologiques ou non, dont elles vont d’ailleurs conditionner le succès. Duff et al soulignent qu’ « il est temps de suivre des recommandations pour réduire la détresse des enfants pendant les soins »[22]. Place de l’hypno-analgésie pour les soins en pédiatrie L’hypnose aide l’enfant à ne pas être débordé par la douleur, par la peur pendant le soin, cependant il demeure impératif de vérifier l’adéquation du traitement antalgique à l’intensité de la douleur. La complémentarité des moyens est désormais un standard : ainsi l’hypno analgésie est recommandée en association avec l’administration d’antalgiques [23]. Les traitements doivent être systématiques et adaptés à l’intensité de la douleur déclenchée par le geste : préparation, information, organisation sont indispensables ; l’analgésie est prévue : crème anesthésiante, MEOPA, prémédication morphinique et/ou anxiolytique, selon le soin et selon l’enfant. Plusieurs recommandations à la fois très bien étayées et très pratiques ont été publiées récemment par des auteurs qui ont travaillé sur ce sujet, Alistair Duff [22], Amy Baxter [24], et Grace Lee [25]. Pourtant malgré une analgésie appropriée certains soins restent douloureux et difficiles à vivre pour l’enfant. La perception de la douleur n‘est pas un simple phénomène sensoriel, les composantes cognitives et émotionnelles interviennent pour en moduler la perception. La capacité de mettre à distance, de « relativiser » la douleur n’est pas à la portée du jeune enfant. Il est incapable de donner un sens au soin ou à l’examen. C’est là qu’intervient la plus-value d’une méthode telle que l’hypnoanalgésie. Il s’agit donc de découvrir avec lui d’autres moyens de faire face, de développer de nouvelles stratégies inhibitrices de la douleur. Car si l’enfant est effectivement vulnérable face à la douleur, il dispose aussi d’un pouvoir imaginaire riche et précieux, qui lui permet de s’évader quasiment naturellement d’une situation pénible. La réalité du soin est ainsi modifiée, l’enfant y prend une place active. Il sort d’une expérience désagréable pour vivre paradoxalement un moment de détente et d’évasion. Les méthodes dites « psycho-corporelles » (relaxation, sophrologie, hypnose) interviennent dans ce cadre et notamment l’hypnose pour renforcer cette évasion. En pratique, il arrive souvent que l’enfant se focalise sur la douleur sans parvenir à s’y soustraire. La douleur et la peur envahissent tout son espace psychique sans laisser de place à ses propres ressources. Cette « hypnose négative » est entièrement focalisée sur le problème. L’hypno analgésie vise à inverser ce phénomène en proposant à l’enfant de défocaliser son attention ailleurs. L’hypnose est aussi un outil de communication, une manière particulière de rentrer en relation. Cela exige une disponibilité majeure du soignant pour le patient. La personne qui propose l’accompagnement en hypno-analgésie doit aller à la rencontre de l’enfant, rejoindre son univers en s’appuyant sur les préférences, les goûts les passions de l’enfant. Les parents sont de précieux partenaires et livrent souvent sur l’enfant des renseignements et des informations qui aideront à rentrer plus facilement en relation. Petit à petit une sorte de bulle relationnelle se crée autour de l’enfant et du soignant. Cette attention particulière n’est d’ailleurs pas spécifique à l’hypno-analgésie car de nombreux soignants ont ce talent relationnel et déploient au quotidien des capacités « hypnotiques » sans le savoir… Néanmoins une formation en hypno-analgésie permet au soignant d’utiliser des techniques avec une plus grande efficacité. Le processus d’hypno-analgésie Il est complexe de décrire l’hypno-analgésie de façon chronologique ou hiérarchisée tant le mode opératoire varie en fonction de l’enfant, de ses préférences, du contexte. L’entrée en relation se fait le plus souvent sur un mode conversationnel. Tranquillement, avec un ton de voix un peu plus bas, on cherche à faire connaissance, à connaître des détails de la vie de l’enfant : son sport, ses passions, son animal familier… Il est toujours préférable de questionner l’enfant de manière ouverte : « Qu’est-ce que tu aimes, toi ? » plutôt que de réciter une liste fastidieuse d’activités… Ces précieuses informations étayeront les suggestions du soignant durant l’hypno-analgésie. On explique à l’enfant qu’il lui arrive peut-être d’avoir la tête ailleurs. Comme par exemple lorsqu’il est bien assis sur sa chaise, dans la classe, à l’école, le professeur parle et pourtant il pense à autre chose. C’est donc possible d’être ici et ailleurs en même temps… Ces techniques exploitent cette capacité naturelle de rêverie, pour s’évader sur commande, « comme si on apprenait à envoyer, à chaque fois que c’est utile, sa tête en vacances ». L’attention de l’enfant est captée en lui proposant de regarder, de sentir ou d’entendre quelque chose en particulier. Il s’agit d’induire l’état d’hypnose, pour cela on sature son attention de suggestions sensorielles. Les propositions balaient les cinq sens : la vue, l’odorat, le toucher, le goût, l’audition et font concurrence aux perceptions habituelles. Ce procédé entraîne une sorte de confusion qui inaugure une dissociation propre à l’état hypnotique. La dissociation (entre la perception sensorielle et l’émotion désagréable) est particulièrement recherchée en hypno analgésie. Par ailleurs la perception de la douleur elle-même peut être travaillée et modifiée. Une fois que l’enfant est installé dans un état d’hypnose, c’est-à-dire que son attention est dissociée du soin, qu’il est parti se promener dans un endroit imaginaire, où il se sent protégé et à l’abri, alors on lui suggère d’endormir la partie de son corps concernée par le soin. On propose par exemple d’imaginer qu’il étale une crème anesthésiante, ou encore de couper l’interrupteur de la douleur ou d’éloigner pour un moment la partie du corps qui est gênante. Quelle que soit la situation, chaque geste, chaque étape du soin est intégrée à la séance. La fraîcheur de la compresse que l’on passe sur la plaie devient la langue du petit chien qui vient jouer avec l’enfant, la pose d’un pansement se transforme en une séance d’essayage… Par moment l’état hypnotique oscille et il est fréquent que l’enfant reprenne contact avec la réalité du lieu et de la situation ; on peut alors lui proposer de laisser les soignants faire ce qu’ils ont à faire et reprendre le cours de la promenade imaginaire… Là encore la saturation de suggestions sensorielles fait concurrence aux perceptions désagréables en suggérant des émotions agréables. Un des aspects primordiaux de l’hypno-analgésie est de se centrer sur l’enfant, de partir de là où il se trouve, c'est-à-dire d’accompagner ce qu’il ressent, et de « broder » les suggestions à partir de ce qu’il nous dit, de ses réactions, de ses envies. Cela implique de respecter son rythme, de faire des pauses, et surtout de se coordonner avec le soignant qui fait le soin. La connaissance des soins est donc un atout pour accompagner l’enfant avec l’hypnose. Cela optimise la coordination et la pertinence des suggestions. La prise en charge des enfants phobiques des soins illustre bien la valeur de cette interdisciplinarité. Vignette clinique On doit effectuer une ablation de redon chez le petit Hugo, âgé de 6 ans. Il a une passion pour les avions. L’infirmière propose à Hugo de faire comme s’il pilotait un avion. Elle l’invite à se concentrer sur sa respiration. Hugo respire le MEOPA. Le masque d’inhalation de MEOPA est comparé au masque d’un pilote d’avion. Il est à la place du pilote, il s’installe confortablement. Son attention est alors dirigée sur les multiples boutons nécessaires au décollage. Hugo doit actionner tous ces boutons au fur et à mesure du déroulement du soin. Plus le soin devient technique plus l’attention d’Hugo est saturée avec des suggestions : appuyer sur les boutons, regarder les voyants, tirer sur le manche, ainsi l’attention du jeune garçon est totalement détournée du soin. Le Gant magique Leora Kutner, psychologue américaine très impliquée dans l’usage de l’hypno-analgésie en pédiatrie, décrit une technique efficace d’hypno-analgésie pour la douleur des soins. Il s’agit du magic glove [26] http://www.youtube.com/watch?v=cyApK8Z_SQQ On propose à l’enfant de visualiser un gant, de la couleur et de la forme de sa préférence. On lui propose ensuite d’enfiler ce gant sur la main qu’il préfère. On accentue la suggestion en mimant sur la main le mouvement du gant qui glisse sur les doigts, tout en marquant la délimitation au niveau du poignet. Les suggestions de lourdeur, d’engourdissement, etc, sont proposées à l’enfant et renforcent l’image de protection et d’anesthésie. Un test au tact est alors réalisé du côté de la main non gantée puis sur la main où est installé le gant. Cet exercice peut être réalisé avant une ponction veineuse ou autre piqûre. La question de la reproductibilité de cette méthode peut se poser à plusieurs niveaux : Elle nécessite beaucoup d’énergie et un engagement personnel de la part des soignants. En cas de soins répétés, il faut privilégier l’autonomie de l’enfant en lui apprenant l’autohypnose. Les résistances parfois rencontrées face à l’aura négative de l’hypnose sont battues en brèche par un travail de présentation concret de la réalité du déroulé des séances. Conclusion L’hypno-analgésie est donc efficace pour réduire peur et douleur lors des soins chez l’enfant. Sa place est à situer au sein d’une prise en soin globale incluant les méthodes pharmacologiques et non pharmacologiques, dans le cadre d’une relation avec l’enfant et sa famille. Elle nécessite une formation et un investissement particulier du soignant. L’hypno-analgésie ne pose pas seulement des questions d’équipement ou de formation. Il s’agit d’un choix professionnel, d’une volonté d’équipe : celle de transformer une expérience de soin en moment d’évasion. Cette stratégie s’appuie aussi sur la compétence de l’enfant à devenir acteur pendant le soin, à utiliser ses propres ressources pour faire face à une situation douloureuse. Cette démarche potentialise les effets des médicaments et prévient la survenue de la phobie des soins, cependant elle présente également des limites. Il arrive que malgré l’hypnose associée aux antalgiques le soin s’avère trop douloureux. Dans ce cas le soin doit être suspendu et les stratégies modifiées. Prendre soin de l’enfant implique une adaptation constante aux particularités de chacun. Il s’agit donc d’un élément qui participe à une éthique du soin en pédiatrie. Ces méthodes transforment la communication avec l’enfant et introduisent un changement dans l’organisation des soins en pédiatrie. L’usage de l’hypnose conduit à repenser globalement les habitudes professionnelles. La pondération du nombre des gestes, la discussion des indications, l’ajustement des moyens et l’individualisation de l’accompagnement participent à l’amélioration des pratiques quotidiennes. L’hypnose s’intègre ainsi dans une conception humaniste des soins en pédiatrie. [1] Célestin-Lhopiteau I, Bioy A. Aide-mémoire - Hypnoanalgésie et hypnosédation - en 43 notions. Paris: Dunod; 2014. [2] Mesmer FA. Mémoire sur la découverte du magnétisme animal. Paris: Allia; 2006. [3] Koch E. Alice Magaw and the great secret of open drop anesthesia. AANA J 1999;67:33–4. [4] Magaw alice. “Observations in Anæsthesia,” Northwestern Lancet 19 : 207-10 1899. [5] Marmer MJ. Hypnoanalgesia and hypnoanesthesia for cardiac surgery. J Am Med Assoc 1959;171:512–7. [6] Faymonville ME, Fissette J, Mambourg PH, Roediger L, Joris J, Lamy M. Hypnosis as adjunct therapy in conscious sedation for plastic surgery. Reg Anesth Pain Med 1995;20:145–51. [7] Faymonville ME, Meurisse M, Fissette J. Hypnosedation: a valuable alternative to traditional anaesthetic techniques. Acta Chir Belg 1999;99:141–6. [8] Faymonville M-E, Mambourg PH, Joris J, Vrijens B, Fissette J, Albert A, et al. Psychological approaches during conscious sedation. Hypnosis versus stress reducing strategies: a prospective randomized study. Pain 1997;73:361–7. [9] Rainville P, Hofbauer RK, Paus T, Duncan GH, Bushnell MC, Price DD. Cerebral mechanisms of hypnotic induction and suggestion. J Cogn Neurosci 1999;11:110–25. [10] Rainville P, Carrier B, Hofbauer RK, Bushnell MC, Duncan GH. Dissociation of sensory and affective dimensions of pain using hypnotic modulation. Pain 1999;82:159–71. [11] Tefikow S, Barth J, Maichrowitz S, Beelmann A, Strauss B, Rosendahl J. Efficacy of hypnosis in adults undergoing surgery or medical procedures: A meta-analysis of randomized controlled trials. Clin Psychol Rev 2013;33:623–36. [12] Accardi MC, Milling LS. The effectiveness of hypnosis for reducing procedurerelated pain in children and adolescents: a comprehensive methodological review. J Behav Med 2009;32:328–39. [13] Uman LS, Birnie KA, Noel M, Parker JA, Chambers CT, McGrath PJ, et al. Psychological interventions for needle-related procedural pain and distress in children and adolescents. Cochrane Database Syst Rev 2013;10:CD005179. [14] Liossi C, White P, Hatira P. A randomized clinical trial of a brief hypnosis intervention to control venepuncture-related pain of paediatric cancer patients. Pain 2009;142:255–63. [15] Liossi C, White P, Hatira P. Randomized clinical trial of local anesthetic versus a combination of local anesthetic with self-hypnosis in the management of pediatric procedurerelated pain. Health Psychol 2006;25:307. [16] Liossi C, Hatira P. Clinical hypnosis in the alleviation of procedure-related pain in pediatric oncology patients. Int J Clin Exp Hypn 2003;51:4–28. [17] Liossi C, Hatira P. Clinical hypnosis versus cognitive behavioral training for pain management with pediatric cancer patients undergoing bone marrow aspirations. Int J Clin Exp Hypn 1999;47:104–16. [18] Landier W, Tse AM. Use of complementary and alternative medical interventions for the management of procedure-related pain, anxiety, and distress in pediatric oncology: an integrative review. J Pediatr Nurs 2010;25:566–79. [19] Tomé-Pires C, Miró J. Hypnosis for the management of chronic and cancer procedure-related pain in children. Int J Clin Exp Hypn 2012;60:432–57. [20] Hunt K, Ernst E. The evidence-base for complementary medicine in children: a critical overview of systematic reviews. Arch Dis Child 2011;96:769–76. [21] Babl FE, Crellin D, Cheng J, Sullivan TP, O’Sullivan R, Hutchinson A. The use of the faces, legs, activity, cry and consolability scale to assess procedural pain and distress in young children. Pediatr Emerg Care 2012;28:1281–96. [22] Duff AJ, Gaskell SL, Jacobs K, Houghton JM. Management of distressing procedures in children and young people: time to adhere to the guidelines. Arch Dis Child 2012;97:1–4. [23] Yaster M. Multimodal analgesia in children. Eur J Anaesthesiol 2010;27:851–7. [24] Baxter A. Common office procedures and analgesia considerations. Pediatr Clin North Am 2013;60:1163–83. [25] Lee GY, Yamada J, Shorkey A, Stevens B. Pediatric Clinical Practice Guidelines for Acute Procedural Pain: A Systematic Review. Pediatrics 2014;133:500–15. [26] Kuttner L. Pediatric hypnosis: pre-, peri-, and post-anesthesia. Paediatr Anaesth 2012;22:573–7. Communications libres 1 Immunothérapie dans l’asthme de l’enfant J JUST Centre de l’Asthme et des Allergies, Hôpital d’Enfants Armand Trousseau, 26, Avenue du Dr. Arnold Netter, 75571 Paris Cedex 12 – Université Pierre et Marie Curie, Paris 06, France et Epidemiology of Allergic and Respiratory diseases (EPAR) Department, UMR-S 707 INSERM & UPMC, Paris 6, France Introduction Dans les pays industrialisés, la prévalence des maladies allergiques s’est considérablement accrue au cours des 20 dernières années. Les facteurs responsables de cette augmentation (théorie hygiéniste, tabagisme passif, pollution automobile...) restent encore incomplètement élucidés. Pour lutter contre la composante allergique, les moyens dont on dispose sont l’éviction des allergènes et l’immunothérapie allergénique spécifique (ITA), qui reste le seul traitement spécifique de l’allergie respiratoire. L’ITA consiste à administrer des doses croissantes d’allergène pour entraîner une tolérance clinique vis-à-vis de ces allergènes responsables de manifestations allergiques cliniques. L’introduction précoce d’un traitement spécifique de l’allergie respiratoire par l’ITA pourrait modifier l’histoire naturelle de l’allergie chez l’enfant. 1. Mécanisme d’action de l’ITA Actuellement, l’inflammation bronchique est considérée comme une constante de la physiopathologie de l’asthme. Cette inflammation a une composante allergique chez plus de 80 % des enfants asthmatiques d’âge scolaire. L’intérêt de l’ITA réside dans une inhibition immunologique spécifique de la réponse inflammatoire1. L’ITA induirait une réponse anticorps spécifique dirigée contre allergène de type IgG, qui bloquerait la réponse allergique. Cependant il y a peu de corrélation entre l’augmentation des IgG et l’efficacité clinique de l’ITA. La réponse T cellulaire spécifique de l’antigène est modifiée également par l’ITA. Ainsi dans la peau et dans le nez, après un test de provocation allergénique, l’ITA induit une réduction des populations T cellulaires de type Th2, et du recrutement des éosinophiles. En prenant en considération l’ensemble de ces données, l’ITA aurait un effet modulateur de la réponse T cellulaire spécifique à allergène. Des études récentes ont montré des changements immunologiques dans le tissu local, avec un nombre élevé de cellules T FoxP3, CD4+ CD25 + inductrice d'IL-10 + et TGF- b dans les muqueuses nasales. Cette augmentation des cellules T régulatrices au sein de l'organe cible s’accompagne d’une amélioration clinique du fait des réactions allergiques inflammatoires réduites. Ainsi, l’ITA entraînerait une modulation de la réponse lymphocytaire vers une réponse normale et représenterait une approche thérapeutique plus rationnelle que les traitements anti-inflammatoires (tels que les corticoïdes) qui inhibent la production des cytokines dérivant des Th2 de façon suspensive et non pérenne. 2. les indications de l’ITA L’indication de l’ITA par voie injectable dans les allergies respiratoires de l’enfant doit prendre en considération : • la sévérité et l’ancienneté de la maladie ; • les besoins et les effets secondaires des traitements médicamenteux ; • le nombre et le type de sensibilisations allergéniques (IgE médiées) ; • le rôle des allergènes dans le déclenchement des symptômes ; • l’attitude de l’enfant et de sa famille vis-à-vis de l’adhésion à un traitement contraignant et de longue durée. On peut ainsi dégager une indication consensuelle qui représente un traitement spécifique de l’allergie respiratoire. Il s’agit de la rhinite allergique (RA) de gravité moyenne à sévère et/ou de l’asthme de gravité légère à moyenne, donc déjà invalidante, nécessitant un traitement préventif médicamenteux continu ; principalement secondaire à une monosensibilisation par un allergène perannuel (comme les acariens de la poussière de maison) et/ou saisonnier mais invalidant (tel que les pollens de graminées). Dans cette indication, une réduction des traitements médicamenteux est une perspective réaliste. Les voies d’administration de l’ITA L'immunothérapie sous-cutanée (SCIT) Une récente revue systématique Cochrane a portée sur l'efficacité de la SCIT dans la RA 2. Sur 1111 études identifiées, 51 études répondaient aux critères d'inclusion, ce qui représente un total de 2871 participants (1645 avec le principe actif et 1226 avec le placebo). L'efficacité de la SCIT chez les patients atteints de RA a été démontrée par une réduction significative de l'ensemble des scores (de symptômes, de médicaments et de qualité de vie). Une méta-analyse Cochrane a évalué l’efficacité de la SCIT dans l’asthme allergique3. Quatre-vingt huit essais cliniques remplissaient les critères d'inclusion avec un total de 3 792 patients impliqués. Il y avait une amélioration significative des scores de symptômes d’asthme et une réduction significative des médicaments. Les résultats sur la fonction pulmonaire étaient hétérogènes, bien que globalement il y avait une tendance à l'amélioration, avec principalement une amélioration dans l'hyperréactivité bronchique non spécifique (HRB) (SMD -0.35 , IC à 95 % -0,59 à 0,11). La SCIT améliore également considérablement l’HRB à l’allergène, ce qui est cliniquement pertinent, puisque les patients atteints d'asthme allergique sont à risque de dégradation soudaine lorsqu'ils sont exposés à des niveaux accrus d'aéroallergènes auxquels ils sont sensibles. Une étude4 a évalué les effets de la SCIT comme un traitement additif au traitement pharmacologique et à l'éviction allergénique, chez les patients souffrant d'asthme et de l'allergie à acariens légère à modérée. Après trois années d’administration d’une SCIT vis-à-vis des acariens, il existe une diminution significative du nombre de sujets nécessitant des bronchodilatateurs de secours. Une autre étude a démontré un effet d’épargne des corticoïdes inhalés chez les enfants après une SCIT aux acariens en comparaison au traitement pharmacologique. Effets indésirables de le SCIT. Toutes les préparations qui sont actuellement disponibles (extrait standardisé, allergoïdes et allergène recombinant peuvent déclencher des effets secondaires. Une méta-analyse Cochrane de SCIT pour les patients asthmatiques5 a signalé des effets indésirables systémiques et locaux avec un risque relatif global de 1,4 (IC 95 % 0,97 à 2,02) et de 2,45 (IC à 95 % 1,91 à 3,13) respectivement. Cette méta-analyse Cochrane montre 8 % de réactions syndromiques de grade II et 7 % de réactions systémiques de grade III (selon la classification de l'Académie européenne d'allergologie et d'immunologie clinique). L’adrénaline a dû être donnée dans 0,13 % des injections. La prévalence des réactions à risque létale dans cette méta-analyse a été de 1 à 1,0 millions d'injections et des réactions fatales pour 1 à 2,5 millions d'injections. Les facteurs de risques pour la réaction indésirable grave au cours de la SCIT ont été identifiés comme suit : (1) Asthme coexistant, asthme mal contrôlé ; (2) Antécédents de réaction systémique à l’ITA ; (3) Retard ou non utilisation de l'adrénaline dans le traitement de l’anaphylaxie ; (4) Erreur de dosage et/ou réaction à la première dose d'un nouveau flacon. Compte tenu de ces risques, au Royaume-Uni, la SCIT est interdite dans le traitement de l'asthme. Cependant, lorsque la SCIT est effectuée en milieu spécialisé par un personnel qualifié, avec une présence immédiate d'un médecin expérimenté, la SCIT comporte un faible risque d'effets indésirables significatifs. L'immunothérapie sublinguale (ITS) Efficacité dans la rhinite et l'asthme. L’ITSL est administré tous les jours à la différence de l’injection mensuelle de la SCIT à la phase de maintenance. Des revues systématiques et des méta-analyses ont évalué l'efficacité de l'ITSL chez les enfants atteints de RA. Penagos6 a évalué dix études regroupant quatre cent quatrevingt quatre enfants et adolescents, avec une histoire de RA (avec ou sans l'asthme). Les résultats ont montré une réduction significative des symptômes nasaux par rapport au placebo. Une analyse en sous-groupe a montré une réduction de l'importance dans les scores de symptômes pour les pollens (SMD, 0,53 , IC 95 % , 0,94 à 0,12 , p = 0,01), mais pas pour les acariens (SMD , 0,76 , IC 95 % , 1,77 à 0,72 , p = 0,41). Une explication possible peut être en rapport avec la différence de doses employées. En effet, dans une étude qui a impliqué une dose cumulée de 12 mg d'allergène majeur, l'efficacité clinique est apparue supérieure à celle des essais qui employaient des doses plus faibles789. Dans une méta-analyse regroupant 7 études, Olaguibel et coll.10 ont montré une efficacité importante de l’ITSL (y compris aux acariens) chez des enfants atteints d'allergie respiratoire. Toutefois, la petite taille des populations étudiées et l'hétérogénéité élevée ne permet pas de généraliser ces résultats. Les études plus récentes ont évalué l’efficacité de l’ITSL non plus sous forme de solution mais sous forme de comprimés. Une étude réalisée aux Etats-Unis11 a évalué l'efficacité et la sécurité des comprimés de pollens de graminées contenant 15 mg Phlp5 chez 345 enfants et adolescents avec symptômes de RA saisonnière, 90 % étaient polysensibilisés et un quart avait un asthme associé. L’ITSL améliorait le score total combiné dans 26 % des cas par rapport au placebo (p = 0,001). Ces résultats sont comparables à ceux rapportés par l’étude européenne de l’ITSL aux pollens de graminées sous forme de comprimé, réalisée dans la RA saisonnière chez des enfants12. Compalati et coll.13 ont effectué une méta-analyse de l’ITSL aux acariens dans des études réalisées chez des adultes et des enfants. Cette méta-analyse dans sa globalité confirme l’efficacité de l’ITSL mais la grande hétérogénéité de sélection des patients et de la méthodologie empêche, la encore, des conclusions définitives. De même façon, Calamita et coll. 14 ont évalué 25 études randomisées et contrôlées sur l’efficacité de l’ITSL dans l'asthme allergique chez des adultes et des enfants. Les résultats ont montré une réduction significative du score de symptômes et de la consommation de médicaments avec une amélioration significative de la fonction respiratoire (FEV1 %, DEM25 - 75 % ). Encore une fois les auteurs soulignent l’hétérogénéité des études. En 2008, Penagos et coll.15 ont rapporté une métaanalyse sur l'efficacité de l’ITSL chez les enfants souffrant d'asthme avec des résultats similaires. Il est important de noter que l’ITSL était aussi efficace dans la RA saisonnière chez les patients multisensibilisés en comparaison aux patients monosensibilisés et sans aggravation de l'asthme chez les patients asthmatiques16. Au total, l'efficacité de l’ITSL dans l'allergie saisonnière chez les adultes et les enfants est bien documentée, les données disponibles pour l’ITSL pour les allergènes perannuelles et dans l'asthme sont moins fiables et manquent particulièrement en pédiatrie. Tout cela, souligne la nécessité de réaliser de grandes études avec ITSL vis-à-vis d’allergènes perannuelles, notamment dans l’asthme. Tolérance de l'ITSL. L'un des avantages de l’ITSL par rapport à la SCIT est une plus grande sécurité de cette voie d’administration, ce qui permet l'administration de ce traitement au domicile des patients. De nombreux essais cliniques ont montré que l’ITSL (en gouttes ou en comprimé) est bien tolérée chez les adultes et les enfants. Entre 40 et 85 % des patients éprouvent des effets secondaires locaux, tels que de légères démangeaisons et un oedème des lèvres. Ces symptômes se développent rapidement en quelques minutes après l’administration du traitement et ne durent que quelques minutes. De plus les symptômes s'installent habituellement uniquement dans les 1 et 2 semaines après l’instauration du traitement17. Rares sont les effets indésirables assez gênants pour aboutir à l'arrêt du traitement. Les autres effets indésirables décrits sont gastro-intestinaux (nausées, douleurs abdominales), respiratoire (rhino-conjonctivite, toux). Des réactions systémiques très rares ont été signalées comme une urticaire, un oedème de Quincke, et de l'asthme. Dix cas d’événement indésirable grave après administration de l’ITSL ont été rapportés dans la littérature. Le plus souvent des facteurs de risque étaient retrouvés : comme de l'asthme, une mauvaise tolérance d’une ITSC antérieure, l’utilisation non recommandée d’un mélange d’allergènes, d’allergène comme le latex, un surdosage d’allergène18 ou encore la survenue à la première dose d'administration d’un comprimé d'allergène aux pollens de graminées pris sans surveillance au domicile (ce qui n’est pas recommandé pour la première dose qui doit être prise sous surveillance médicale). Les patients doivent donc être enseignés sur les modalités de ce traitement avec des instructions spécifiques sur la façon de gérer les effets indésirables et la façon de traiter les interruptions imprévues. 3. L’effet « modificateur de l‘histoire naturelle de la maladie » de l’ITA Des études mettent en évidence que l’ITA serait non seulement un mode thérapeutique efficace mais aussi pourrait modifier l’histoire naturelle de l’allergie respiratoire et induire une rémission prolongée. Dans une étude réalisée avec une ITS aux acariens chez des enfants, une durée de 3 ans de traitement, mais pas de 1 ou 2 ans, entraînait une rémission prolongée à l'arrêt du traitement19. Plus récemment des études réalisées chez des adultes souffrant de RA saisonnière modérée à sévère montrent de même que 3 ans avec ITSL en comprimés aux graminées réduit les scores symptômes et médicamenteux de 25 % à 36 % par rapport au placebo durant les 3 ans de traitement mais aussi les 2 ans suivant l’arrêt du traitement20. Bien que les études manquent de robustesse, des preuves s'accumulent également sur le fait que l’ITA pourrait de plus : - réduire le risque de progression de la maladie de la RA à l'asthme - et réduire l'apparition de nouvelles sensibilisations. En effet, les patients souffrant de RA peuvent développer un asthme. Il a été suggéré que l’ITA pourrait modifier l’histoire naturelle de l’allergie en empêchant l’apparition de l’asthme chez des sujets prédisposés. En se basant sur cette hypothèse, une étude majeure multicentrique (Preventive Allergy Treatment [PAT]-study) a été réalisée chez 205 enfants âgés de 6 à 14 ans21. Cette cohorte d’enfants présentait une RA saisonnière liée aux pollens de bouleau et/ou de graminées. Dans le groupe traité par une SCIT par rapport au groupe contrôle non désensibilisé, il existe : une diminution des symptômes conjonctivaux durant les 3 ans du traitement ; une diminution de la RA à partir de 2 années de traitement ; une amélioration de la réactivité bronchique non spécifique durant la saison pollinique et de façon perannuelle dès la première et après la deuxième année de traitement respectivement ; et surtout, chez les 151 enfants non asthmatiques à l’inclusion, une réduction très significative du risque de développer un asthme (odds ratio : 2,5 ; p < 0,05). Le même groupe montre que cet effet persiste 12 ans après l’arrêt du traitement22. Une étude prospective23 a été réalisée chez 60 enfants atteints de RA et/ou d’asthme secondaire à une allergie aux acariens dont 35 recevaient une ITSL durant 4 à 5 ans. Le groupe traité par ITSL présente, 5 ans après la fin du traitement, moins d’asthme (p < 0,001) par rapport à la prévalence de l’asthme à l’inclusion, alors qu’aucune différence n’est retrouvée dans le groupe contrôle. De nombreuses études longitudinales montrent que la sensibilisation allergénique s’accroît au cours de l’enfance. Des études longitudinales ont eu pour objectif d’apprécier le rôle que pourrait avoir l’ITSC dans la prévention de nouvelles sensibilisations allergéniques chez des enfants monosensibilisés. Une étude24 a été menée chez 44 enfants monosensibilisés aux acariens répartis pour moitié en deux groupes : un groupe recevant une ITSC aux acariens, un groupe contrôle non désensibilisé. Dix des 22 enfants traités par ITSC sont restés monosensibilisés après 3 ans de traitement, alors qu’aucun des 22 enfants du groupe non traité n’est resté monosensibilisé. L’étude de Pajno et coll.25 confirme cet effet préventif de l’ITSC sur le développement de nouvelles sensibilisations. Dans cette étude, une cohorte de 134 enfants âgés de 5 à 8 ans, et présentant un asthme intermittent et une monosensibilisation aux acariens, sont inclus. Soixante-quinze d’entre eux reçoivent une ITSC durant 3 ans, et tous sont suivis pendant 6 ans. Les auteurs constatent que l’apparition de nouvelles sensibilisations est significativement moindre dans le groupe d’enfants recevant une ITSC par rapport au groupe témoin non désensibilisé (24,6 % contre 66,7 % d’apparition de sensibilisations aux pollens de pariétaire et d’olivier dans le suivi). Une autre étude rétrospective26 réalisée chez 8 396 patients âgés de 14 ans ou plus présentant une rhinite et/ou un asthme modéré monosensibilisé aux acariens ou à un pollen (herbacées, arbres ou graminées), montre qu’une ITSC poursuivie pendant 4 ans (réalisée chez 7 182 enfants) réduit significativement le risque de polysensibilisation ultérieure par rapport au groupe non désensibilisé (23,75 % contre 68,03 % à 4 ans et 26,95 % contre 76,77 % à 7 ans [p < 0,0001]). 4. Conclusion L’ITA, en modifiant la réponse Th1/Th2 vis-à-vis des allergènes, est un traitement efficace de l’allergie respiratoire. Cependant il faut poursuivre de larges études randomisées en double aveugle contre placebo pour déterminer des bonnes pratiques concernant (1) les bons répondeurs à l’ITA, (2) les dose adéquates d’allergènes à administrer, (3) l’effet sur la modification de l’histoire naturelle de l’allergie respiratoire notamment sur le passage de la RA à l’asthme avec ITSL. Références 1 Akdis M, Akdis CA.Mechanisms of allergen-specific immunotherapy: multiple suppressor factors at work in immune tolerance to allergens. J Allergy Clin Immunol. 2014 Mar;133(3):621-31. 2 Calderon MA, Alves B, Jacobson M, Hurwitz B, Sheikh A, Durham S. Allergen injection immunotherapy for seasonal allergic rhinitis. Cochrane Database Syst Rev 2007; CD001936. 3 Abramson MJ, Puy RM, Weiner JM. Injection allergen immunotherapy for asthma. Cochrane Database Syst Rev 2010. 4 Maestrelli P, Zanolla L, Pozzan M, Fabbri LM; Regione Veneto Study Group on the “Effect of immunotherapy in allergic asthma”. Effect of specific immunotherapy added to pharmacologic treatment and allergen avoidance in asthmatic patients allergic to house dust mite. J Allergy Clin Immunol 2004; 113:643- 9. 5 Lockey RF, Benedict LM, Turkeltaub PC, Bukantz SC. Fatalities from immunotherapy (IT) and skin test- ing (ST). J Allergy Clin Immunol 1987; 79:660-77. 6 Penagos M, Compalati E, Tarantini F, Baena-Cagnani R, Huerta J, Passalacqua G, et al. Efficacy of sublingual immunotherapy in the treatment of allergic rhinitis in pediatric patients 3 to 18 years of age: a meta-analysis of randomized, placebocontrolled, double-blind tri- als. Ann Allergy Asthma Immunol 2006; 97:141-8; 7 Ippoliti F, De Santis W, Volterrani A, Lenti L, Canitano N, Lucarelli S, et al. Immunomodulation during sublingual therapy in allergic children. Pediatr Allergy Immunol 2003; 14:216-21. 8 Tari MG, Mancino M, Monti G. Efficacy of sublingual immunotherapy in patients with rhinitis and asthma due to house dust mite. A double-blind study. Allergol Immunopathol (Madr) 1990; 18:277-84. 9 Bahçeciler NN, Isik U, Barlan IB, Basaran MM. Efficacy of sublingual immunotherapy in children with asthma and rhinitis: a double-blind, placebocontrolled study. Pediatr Pulmonol 2001; 32:49- 55. 10 Olaguíbel JM, Alvarez Puebla MJ. Efficacy of sub- lingual allergen vaccination for respiratory allergy in children. Conclusions from one meta-analysis. J Investig Allergol Clin Immunol 2005; 15:9-16. 11 Blaiss M, Maloney J, Nolte H, Gawchik S, Yao R, Skoner DP ; Efficacy and safety of timothy grass allergy immunotherapy tablets in North American children and adolescents. J Allergy Clin Immunol. 2011 Jan;127(1):64-71. 12 Bufe A, Eberle P, Franke-Beckmann E, Funck J, Kimmig M, Klimek L, et al. Safety and efficacy in children of an SQ-standardized grass allergen tablet for sublingual immunotherapy. J Allergy Clin Immunol 2009; 123:167-73. 13 Compalati E, Passalacqua G, Bonini M, Canonica GW. The efficacy of sublingual immunotherapy for house dust mites respiratory allergy: results of a GA2LEN metaanalysis. Allergy 2009; 64:1570-9. 14 Calamita Z, Saconato H, Pelá AB, Atallah AN. Efficacy of sublingual immunotherapy in asthma: systematic review of randomized-clinical trials using the Cochrane Collaboration method. Allergy 2006; 61:1162-72. 15 Penagos M, Compalati E, Tarantini F, Baena-Cagnani R, Huerta J, Passalacqua G, et al. Efficacy of sublingual immunotherapy in the treatment of allergic rhinitis in pediatric patients 3 to 18 years of age: a meta-analysis of randomized, placebocontrolled, double-blind tri- als. Ann Allergy Asthma Immunol 2006; 97:141-8. 16 Malling HJ, Montagut A, Melac M, Patriarca G, Panzner P, Seberova E, et al. Efficacy and safety of 5-grass pollen sublingual immunotherapy tablets in patients 10 with different clinical profiles of allergic rhi- noconjunctivitis. Clin Exp Allergy 2009; 39:387-93. 17 Cox LS, Larenas Linnemann D, Nolte H, Weldon D, Finegold I, Nelson HS. Sublingual immunotherapy: a comprehensive review. J Allergy Clin Immunol 2006; 117:1021-35. 18 Dunsky EH, Goldstein MF, Dvorin DJ, Belecanech GA. Anaphylaxis to sublingual immunotherapy. Allergy 2006; 61:1235. 19 Price JF, Warner JO, Hey EN, Turner MW, Soothill JF. A controlled trial of hyposensitization with adsorbed tyrosine Dermatophagoides pteronyssinus antigen in childhood asthma: in vivo aspects. Clin Allergy 1984; 14:209-19. 20 Durham SR, Emminger W, Kapp A, de Monchy JG, Rak S, Scadding GK, et al. SQ-standardized sublingual grass immunotherapy: confirmaiton of disease modification 2 years after 3 years of treatment in a randomized trial. J Allergy Clin Immunol 2012; 129:717-25. 21 Moller C, Dreborg S, Ferdousi HA, Halken S, Host A, Jacobsen L, et al. Pollen immunotherapy reduces the development of asthma in children with seasonal rhinoconjunctivitis (the P A T-study). J Allergy Clin Immunol 2002 ; 109 : 251-6. 22 Eng PA, Borer-Reinhold M, Heijnen IA, Gnehm HP. Twelve-year follow-up after discontinuation of preseasonal grass pollen immunotherapy in childhood. Allergy 2006; 61:198-201. 23 Di Rienzo V, Marcucci F, Puccinelli P, Parmiani S, Frati F, Sensi L, et al. Long lasting effect of sublingual immunotherapy in children with asthma due to house-dust mites : a ten-year prospective study. Clin Exp Allergy 2003 ; 33 : 206-10. 24 Des Roches A, Paradis L, Menardo JL,Bouges S, Daures JP, Bousquet J. Immunotherapy with a standardized Dermatophagoides pteronyssinus extract. VI. Specific immunotherapy prevents onset of new sensitizations in children. J Allergy Clin Immunol 1997 ; 99 : 450-3. 25 Pajno GB, Barberio G, De Luca F. Prevention of new sensitizations in asthmatic children monosensitized to house-dust mite by specific immunotherapy. A six-year follow-up study. Clin Exp Allergy 2001 ; 31 : 1392-7. 26 Purello-D’Ambrosio F, Gangemi S, Merendino RA. Prevention of new sensitizations in monosensitized subjects submitted to specific immunotherapy or not. A retrospective study. Clin Exp Allergy 2001 ; 31 : 1295-302. EPIDEMIOLOGIE DU SYNDROME NEPHROTIQUE EN REGION FRANCILIENNE ENTRE 2007 ET 2013 par C.Dossier, N.Lapidus, G.Deschênes Claire Dossier Service de Néphrologie Pédiatrique, Hôpital Robert-Debré, 48 Bd Serrurier, 75019 Paris [email protected] Introduction Le Syndrome Néphrotique Idiopathique, ou « néphrose », est une maladie universelle et la glomérulopathie acquise la plus fréquente chez l’enfant. Il est la cause de plus de 90 % des syndromes néphrotiques de l’enfant entre 1 et 10 ans, et plus de 50 % après l’âge de 10 ans. Dans sa forme corticosensible, il s’agit d’une maladie rénale acquise, avec un début aigu et une évolution imprévisible souvent prolongée, par poussées, sur plusieurs années avant une guérison définitive. Dans la littérature, peu de données épidémiologiques sont disponibles. Plusieurs études rétrospectives, menées à l’échelle d’une ville ou d’une région, ont estimé l’incidence annuelle à 2-3,4 nouveaux cas pour 100 000 enfants et la prévalence à 16 cas pour 100 000 enfants. Les principaux résultats de ces études sont résumés dans 2 revues de la littérature : [1] et [2]. Seulement trois études prospectives, en population, à l’échelle d’un pays, ont été publiées. Elles rapportent une incidence annuelle de 1,15 cas pour 100 000 enfants en Australie, 1,9 en Nouvelle-Zélande [3] et 1.5 aux PaysBas [2]. En France, plusieurs centres de néphrologie pédiatrique ont mesuré l’incidence dans leur région et ont retrouvé des résultats comparables avec une incidence annuelle entre 1,7 et 3,4 pour 100 000 enfants. Enfin, à la différence d’autres pathologies pédiatriques impliquant le système immunitaire et l’interaction hôte-environnement, l’incidence du syndrome néphrotique idiopathique apparaît stable au cours des dernières décennies [4]. Cohorte Nephrovir Les résultats présentés ici sont ceux établis à partir de la cohorte prospective NEPHROVIR. NEPHROVIR est une étude multicentrique, menée sur toute l’Ile-de-France avec la participation des 35 services de Pédiatrie Générale et des 3 services de Néphrologie Pédiatrique franciliens, et qui a cherché à inclure tous les enfants âgés de 6 mois à 15 ans, résidant en Ile-de-France et qui ont présenté une première poussée de syndrome néphrotique entre décembre 2007 et juin 2010. C’est une étude cas-témoin qui cherchait à répondre à la question du lien entre infection virale et première poussée de syndrome néphrotique. NEPHROVIR a permis de constituer une cohorte, exhaustive, en population d’enfants nouvellement diagnostiqués avec un syndrome néphrotique sur une période de 30 mois consécutifs. Cette cohorte se distingue des autres rapportées dans la littérature par son effectif, sa grande homogénéité dans le temps, l’espace et dans le protocole de traitement[5]. Elle a fait le lit de nouvelles questions de recherche et de l’étude NEPHROVIR 2 qui cherche à identifier les facteurs de risque cliniques, virologiques, et épidémiologiques de corticodépendance à 2 ans d’évolution, à partir d’une cohorte constituée sur 6 années consécutives (2007-2013). L’analyse de la cohorte NEPHROVIR et des résultats préliminaires de NEPHROVIR 2 apporte des données actualisées sur les caractéristiques au diagnostic et le mode évolutif du syndrome néphrotique de l’enfant, mais surtout des données épidémiologiques, temporelles et géographiques, tout à fait originales. Incidence du Syndrome néphrotique idiopathique Sur la période 2007-2010, 186 nouveaux cas de syndrome néphrotique ont été diagnostiqués chez les enfants franciliens âgés de 6 mois à 15 ans. Une cause génétique était retrouvée chez 2 enfants. Le diagnostic de syndrome néphrotique idiopathique a été retenu chez 184 enfants, soit un calcul d’incidence annuelle à 3,25 nouveaux cas pour 100 000 enfants de moins de 16 ans. Cette incidence est légèrement plus élevée que celles rapportées dans les autres cohortes prospectives. Ceci peut être expliquée en partie par le caractère essentiellement urbain et semi-urbain de la région francilienne, en effet il est admis que l’incidence est plus élevée dans les centres urbains comparée aux zones rurales [6] et inversement corrélée au niveau socio-économique [7]. Cette incidence plus élevée est aussi peut être en rapport avec des caractéristiques épidémiologiques propres à la région Ile-deFrance, que nous aborderons plus loin dans le texte. Caractéristiques cliniques Les données démographiques et cliniques au diagnostic sont comparables aux données historiques et séries récentes[8]. L’âge médian au diagnostic du syndrome néphrotique est à 4,1, le sexe ratio est à 1,7 garçons pour 1 fille, plus précisément 2 garçons pour 1 fille avant l’âge de 10 ans, puis s’inverse après 10 ans avec 2 fois plus de filles que de garçons. Un épisode infectieux dans le mois précédent est retrouvé à l’interrogatoire chez 40 % des enfants. Au diagnostic, un tiers des patients ont une hématurie microscopique, 15 % ont une hypertension artérielle, et moins de 3 % ont une insuffisance rénale aiguë. La réponse au traitement corticoïde conditionne le pronostic de cette maladie. En effet, en cas de syndrome néphrotique corticorésistant (10 % des patients), le risque est l’évolution vers l’insuffisance rénale terminale, avec 50 % de survie rénale à 10 ans, et la récidive du syndrome néphrotique après transplantation rénale dans 30 % des cas [9]. En cas de syndrome néphrotique corticosensible (plus de 90 % des patients), le pronostic rénal est bon dans l’immense majorité des cas. L’évolution est cependant imprévisible, souvent prolongée avec la survenue de rechutes sur plusieurs mois ou années, parfois jusqu’à l’âge adulte [10]. La morbidité est dans ce cas liée à l’évolution prolongée, aux complications du syndrome néphrotique et des traitements immunosuppresseurs requis. Dans NEPHROVIR, le syndrome néphrotique est corticosensible chez 92 % des patients, avec un délai médian de mise en rémission de 9 jours. 5 % des patients corticosensibles ont nécessité des bolus de methylprednisolone pour obtenir la rémission. L’évolution est ensuite marquée par la survenue d’une ou plusieurs rechutes dans la grande majorité des cas, en effet seul 1 malade sur 5 a présenté une poussée unique après un suivi médian de 3 ans. Autrement dit, 80 % des patients corticosensibles rechutent, et ceci malgré un traitement bien conduit. Parmi les rechuteurs, plus de 50 % sont dépendants d’une corticothérapie au long cours pour maintenir la rémission. Epidémiologie temporelle et spatiale, et « cas groupés » L’incidence mensuelle du syndrome néphrotique en Ile-de-France est variable entre 1 et 14 nouveaux-cas, sans périodicité saisonnière évidente, comme cela avait pu être rapporté par une équipe Japonaise[11]. L’analyse de la survenue des cas par centre a permis de repérer des « clusters » dans le temps. L’analyse a été affinée en géolocalisant les patients à partir de leur adresse. Cette géolocalisation des cas a montré l’existence de cas groupés dans le temps et l’espace, ainsi qu’une vague d’Est en Ouest dans la survenue des cas sur la période d’étude, suggérant une évolution sur un mode épidémique impliquant un facteur environnemental. Nous avons constaté par ailleurs que la moitié des patients de la cohorte (87/184) résidaient dans une zone géographique limitée, au Nord-Est de Paris, en forme de « croissant » s’étendant de la frontière du 94 à l’Est, sur le 93 au Nord et jusqu’à la limite des départements 92 et 95 à l’Ouest. Dans cette zone, l’incidence est à 4,5 nouveaux cas/100 000/an. Dans le reste de l’Ile-de-France, l’incidence est à 2,6 nouveaux cas/100 000/an, c’est à dire comparable aux incidences rapportées dans les autres études [2]. L’analyse temporelle au niveau du « croissant » a retrouvé une périodicité saisonnière, hivernale, sans que ce résultat ne soit retrouvé sur le reste de l’Ile-de-France. L’analyse des cas « dans le croissant » comparés aux cas « hors croissant » n’a pas mis en évidence de différence significative concernant les caractéristiques cliniques et biologiques au diagnostic, ni la réponse au traitement corticoïde et le risque de corticodépendance. Il existe donc une zone en Ile-DeFrance où le syndrome néphrotique est plus fréquent, avec une périodicité hivernale dans la survenue des cas, mais sans que les caractéristiques au diagnostic ni le mode évolutif ne diffèrent. L’étude NEPHROVIR 2, actuellement en cours, prévoit l’inclusion des nouveaux cas sur 3 années supplémentaires et l’analyse des données épidémiologiques au diagnostic, des données virologiques, de pharmacogénétique et de suivi des patients à 2 ans. Ces résultats épidémiologiques pourraient apporter de nouveaux éclairages sur la physiopathologie du syndrome néphrotique idiopathique. Conclusion En conclusion, le syndrome néphrotique idiopathique est une maladie universelle, dont l’incidence est stable dans le temps. L’étude NEPHROVIR a permis de constituer une cohorte tout à fait unique. En Ile-de-France, il existe une zone en croissant au Nord-Est de Paris où l’incidence du syndrome néphrotique est presque deux fois plus élevée que dans le reste de la région, et au sein de ce croissant nous avons fait la démonstration d’une périodicité saisonnière. Ces différentes données épidémiologiques permettent de suggérer que le syndrome néphrotique idiopathique est un modèle de maladie de l’interaction hôteenvironnement. Références [1] Deschênes G, Leclerc A. Epidemiology of the idiopathic nephrotic syndrome. Arch Pediatr 2010;17:622–3. [2] El Bakkali L, Rodrigues Pereira R, Kuik DJ, Ket JCF, van Wijk JAE. Nephrotic syndrome in The Netherlands: a population-based cohort study and a review of the literature. Pediatr Nephrol 2011;26:1241–6. [3] Wong W. Idiopathic nephrotic syndrome in New Zealand children, demographic, clinical features, initial management and outcome after twelve-month follow-up: results of a three-year national surveillance study. J Paediatr Child Health 2007;43:337–41. [4] McKinney PA, Feltbower RG, Brocklebank JT, Fitzpatrick MM. Time trends and ethnic patterns of childhood nephrotic syndrome in Yorkshire, UK. Pediatr Nephrol 2001;16:1040–4. [5] French National Authority for Health: Idiopathic Nephrotic Syndrom in children. French National Authority for Health, pp1–22. 2008. [6] Feehally J, Kendell NP, Swift PG, Walls J. High incidence of minimal change nephrotic syndrome in Asians. Arch Dis Child 1985;60:1018–20. [7] Schlesinger ER, Sultz HA, Mosher WE, Feldman JG. The nephrotic syndrome. Its incidence and implications for the community. Am J Dis Child 1968;116:623–32. [8] Nakanishi K, Iijima K, Ishikura K, Hataya H, Nakazato H, Sasaki S, et al. Two-year outcome of the ISKDC regimen and frequent-relapsing risk in children with idiopathic nephrotic syndrome. Clin J Am Soc Nephrol 2013;8:756–62. [9] McBryde KD, Kershaw DB, Smoyer WE. Pediatric steroid-resistant nephrotic syndrome. Curr Probl Pediatr Adolesc Health Care 2001;31:280–307. [10] Fakhouri F, Bocquet N, Taupin P, Presne C, Gagnadoux M-F, Landais P, et al. Steroidsensitive nephrotic syndrome: from childhood to adulthood. Am J Kidney Dis 2003;41:550–7. [11] Toyabe S, Nakamizo M, Uchiyama M, Akazawa K. Circannual variation in the onset and relapse of steroid-sensitive nephrotic syndrome. Pediatr Nephrol 2005;20:470–3. La néphropathie du purpura rhumatoïde, actualités et avenir à long terme Tim Ulinski Service de Néphrologie Pédiatrique, Hôpital Trousseau, APHP et Université Pierre et Marie Curie, Paris 6 1/ Introduction Le purpura rhumatoïde ou purpura Schoenlein-Henoch est la plus fréquente vascularite chez l'enfant. Il existe une légère prédominance masculine. L'atteinte multiviscérale se caractérise essentiellement par un syndrome cutané (éruption polymorphe mais à prédominance purpurique, surtout sur la face postérieure des membres inférieurs) par des manifestations articulaires, par un syndrome abdominal conditionnant le pronostic à court terme, enfin, par un syndrome rénal conditionnant le pronostic à long terme. Moins fréquemment on retrouve une atteinte testiculaire ou uréthrale. 2/ Epidémiologie Le purpura rhumatoïde touche des enfants surtout entre 4 et 7 ans, mais l'affection peut survenir à tout âge (cependant rarement avant 18 mois). Il existe une légère prédominance masculine. On retrouve classiquement un rythme saisonnier avec une recrudescence pendant l’automne et l’hiver. Souvent, un contexte infectieux ou allergique précède de quelques jours l'installation du syndrome clinique. Parmi les nombreux germes incriminés, l'infection streptococcique est souvent évoquée. Il existerait une liaison entre le purpura rhumatoïde et certains antigènes d'histo-compatibilité (HLA, B35 et DR4). 3/ Physiopathologie Bien que le mécanisme pathogénique exact du purpura rhumatoïde reste inconnu, l’apparition est le plus souvent liée à un contexte particulier : soit post-infectieux, soit allergique, soit idiopathique, et serait secondaire à une anomalie du système immunitaire des IgA. Le pronostic de purpura rhumatoïde, malgré la possibilité de rechutes précoces du syndrome cutanéo-articulaire, est dans l'ensemble bon chez l'enfant. L'hypothèse physiopathologique actuellement retenue fait du purpura rhumatoïde une vascularite immunologique secondaire à des facteurs acquis et/ou génétiques. L'immun-complexe résulterait d'une agression antigénique (bactérienne, virale, alimentaire, médicamenteuse, ...), agression initialement muqueuse d'où la participation prépondérante des IgA. L'activation du complément par la voie alterne serait l'intermédiaire de cette agression vasculaire. Un taux élevé d'IgA sérique est noté chez 1/3 des patients. 4/ Histologie Le purpura rhumatoïde est une vascularite avec infiltration périvasculaire inflammatoire et hémorragique, localisée aux petits vaisseaux. Cette vascularite est disséminée et peut atteindre tous les organes. Elle se caractérise par des dépôts granuleux d'IgA dans la paroi des capillaires, dépôts prépondérants, parfois associés à d'autres immunoglobulines, du C3 ou du fibrinogène. Au niveau du rein, ce sont des lésions de glomérulonéphrite avec prolifération mésangiale et dépôts d'IgA dans le mésangium de tous les glomérules. 5/ Manifestations rénales L'atteinte rénale influence le pronostic à long terme du purpura rhumatoïde. Sa fréquence est rapportée entre 10 et 50 % des cas selon la fréquence et la répétition de l'analyse des urines. L'atteinte rénale se limite habituellement à une hématurie microscopique ou macroscopique sans ou avec protéinurie. On peut voir un syndrome néphrotique ou néphritique, parfois avec insuffisance rénale aiguë oligo ou anurique. Un de ces signes peut être prépondérant voire isolé. L’atteinte rénale peut être aggravée par l’hématurie macroscopique elle-même parfois responsable d’une toxicité tubulaire avec nécrose tubulaire aiguë. Cette atteinte rénale est habituellement précoce, accompagnant la symptomatologie cutanée articulaire et abdominale. Exceptionnellement, l'atteinte rénale précède les autres manifestations du purpura rhumatoïde ou survient à distance de la poussée initiale, au-delà du troisième mois. L'incidence de l'atteinte rénale serait plus sévère chez les sujets les plus âgés, et ceux subissant plusieurs poussées d'éruption purpurique. Seules 5 % de ces formes rénales évolueront vers l'insuffisance rénale terminale nécessitant un traitement de suppléance ou une transplantation. La gravité potentielle de l’atteinte rénale justifie sa recherche systématique, tant que persiste la symptomatologie cutanée articulaire et abdominale du purpura rhumatoïde. Sa surveillance nécessite un suivi néphrologique au long cours des patients atteints de purpura rhumatoïde (1 à 3 ans). En cas de protéinurie significative en dehors de l’hématurie macroscopique ou en cas de protéinurie néphrotique, une insuffisance rénale ou une hypertension, une ponction biopsie rénale s'impose à titre pronostique et indication thérapeutique. L'étude de l'histologie rénale révèlera dans tous les cas une atteinte mésangiale, faite de dépôts granuleux d'IgA avec discrète prolifération cellulaire. Selon l'association, l'importance et la situation de la prolifération et des dépôts, différents types d'atteinte glomérulaire peuvent être décrits : soit glomérulonéphrite non proliférative (50 % des cas), soit lésions glomérulaires minimes ou hyalinose segmentaire et focale, soit glomérulonéphrites prolifératives avec ou sans croissant (prolifération extracapillaire). Ces glomérulonéphrites prolifératives associées à des croissants constituent l'atteinte rénale la plus sévère, pouvant évoluer vers l'insuffisance rénale chronique terminale, et justifient de traitements : emboles de méthylprednisolone et exceptionnellement des échanges plasmatiques ou de la cyclophosphamide. 6/ Efficacité des emboles de méthylprednisolone Il se pose la question d’un possible sous-traitement des formes d’atteinte rénale histologiquement peu sévères. Notre étude récente sur 142 patients pédiatriques atteints d’une néphropathie du purpura rhumatoïde et ayant eu une ponction biopsie rénale montre que la protéinurie à long terme des formes histologiquement sévères ayant reçu des emboles de corticoïdes n’est pas plus élevée que la protéinurie dans les classes I et II. L’évolution de la protéinurie n’a pas montré de différence significative entre les patients traités avec versus ceux sans emboles de méthylprednisolone. Ceci peut être interprété en faveur d’un traitement par méthylprednisolone, étant donné que ce traitement a été utilisé pour les formes à prolifération extracapillaire (classes III et IV et V). 7/ « Double rôle » des inhibiteurs d’enzyme de conversion Nous avons trouvé une protéinurie plus faible après 2 et 5 ans pour les patients pour lesquels des inhibiteurs d’enzyme de conversion ont été introduits dans les 15 premiers jours suivant le début de la maladie. Il est possible que le traitement visant la diminution de l’angiotensine II n’intervienne pas seulement sur la vasomotricité mais qu’il puisse aussi avoir un effet anti-inflammatoire. Il est bien connu que l’angiotensine II (AT-II) interagit avec plusieurs voies de signalisation d’inflammation (Figure 1). La néphroprotection à visée anti-AT-II possède plusieurs facettes et ouvre probablement des possibilités de traitement intéressantes non seulement pour la protéinurie résiduelle mais aussi contre les lésions inflammatoires glomérulaires initiales elles-mêmes. Figure 1 Glomérulosclérose et fibrose interstitielle AT1-R : récepteur de type 1 de l’angiotensine II ; NF-κB : nuclear factor-kappa B ; TGF-β : transforming growth factor beta ; SN Σ : système nerveux sympathique Programmation fœtale de la maladie rénale chronique : de l’enfant à l’adulte Rémi Salomon Service de Néphrologie Pédiatrique, Centre de référence des Maladies Rénales Héréditaires de l'Enfant et de l'Adulte (MARHEA), Université Paris Descartes, Hôpital Necker-Enfants Malades, Paris La plupart des maladies ont une origine à la fois génétique et environnementale, il en est ainsi de l’hypertension artérielle, de la maladie athéromateuse ou du diabète par exemple. Des études épidémiologiques ont montré que le risque de développer ces maladies pouvait être influencé par l’environnement au cours de la vie fœtale. Le petit poids de naissance (PPN) augmente le risque de voir apparaître au cours de la vie une hypertension artérielle, un diabète de type 2, de l’athérome ou une insuffisance rénale. Barker introduit en 1989 le concept de « fetal programming » pour décrire ces observations (1). Le PPN résulte d’un retard de croissance intra-utérin et/ou d’une naissance prématurée. L’incidence du PPN est en augmentation constante dans le monde du fait du plus grand nombre de naissances prématurées dans les pays développés ou de la malnutrition chronique dans les pays en voie de développement. Les conséquences à long terme du PPN représentent donc un véritable problème de santé publique pour l’avenir. Nous proposons d’exposer les observations épidémiologiques qui ont été faites durant ces 30 dernières années, de présenter quelques travaux expérimentaux et les conclusions que l’on peut en tirer pour expliquer ces phénomènes. Les implications pour la prise en charge des sujets concernés seront envisagées. La détermination précoce des maladies de l’adulte : des données épidémiologiques Un lien clair a été établi entre un petit poids à la naissance (PPN) et les états qui précèdent la maladie athéromateuse telle l’épaisseur de l’intima-média (2). Le syndrome métabolique (SM) défini par l’obésité, la résistance à l’insuline, l’hypertension artérielle et la dyslipidémie sont également liés au poids de naissance. Ainsi, des facteurs de risque de développer une insuffisance rénale chronique à l’âge adulte pourraient être déterminés par l’environnement fœtal. Plusieurs études épidémiologiques montrent que le risque d’insuffisance rénale chronique lui-même est directement lié au PPN. Dès le début des années 1990 plusieurs études démontrent le lien entre un PPN et l’hypertension artérielle. Une étude anglaise portant sur 1231 personnes âgées de 59 à 71 ans, montre que le fait d’avoir un poids de naissance inférieur à 3180g est lié à une augmentation de la pression artérielle de 4 à 8 mmHg par rapport aux personnes ayant un poids de naissance supérieur à cette limite (3). Une méta-analyse récente sur les dix dernières années recense 57 études portant sur le PPN, une croissance de rattrapage durant les deux premières années de la vie et la survenue d’un syndrome métabolique. La plupart de ces études indiquent que la résistance à l’insuline serait le prélude aux autres éléments du SM (4). La Bogalusa Heart Study a pour objectif d’analyser sur le long terme les facteurs de risque cardio-vasculaires sur l’ensemble de la population d’une petite ville semi-rurale de Louisiane (USA). Cette cohorte comporte 11 976 participants, des enfants de 3 à 20 ans et des jeunes adultes de 20 à 37 ans. Sur un sous-groupe de 1 176 sujets, les éléments du SM ont été analysés entre les âges de 5 et 17 ans et huit années plus tard (5). Les résultats de cette étude démontrent très clairement que les différents facteurs de risque cardio-vasculaires étudiés qui constituent le SM ou qui y sont étroitement reliés (HTA, HDL-cholestérol, insulinémie) sont déjà présents à l’âge pédiatrique et huit ans après. Il est vraisemblable que des altérations du métabolisme glucidique et lipidique apparaissent très tôt au cours de la vie. Sur cette même cohorte l’épaisseur de l’intima-média au niveau de la carotide a été mesurée chez 486 adultes entre 25 et 37 ans. Il existe une corrélation entre les valeurs du LDL-cholestérol et l’index de masse corporelle à l’âge pédiatrique et l’épaisseur de l’intima-média carotidienne chez l’adulte jeune (6). Cet indice est considéré comme un stade précoce de la maladie athéromateuse. Les mêmes observations ont été faites en considérant l’insuffisance rénale quelle qu’en soit la cause (7, 8). Une étude norvégienne portant sur le registre des naissances de plus de deux millions d'enfants nés entre 1967 et 2004 permet d’identifier 526 personnes en insuffisance rénale terminale (IRT). Comparés aux individus dont le PN est compris entre le 10ème et le 90ème percentile, ceux dont le PN est inférieur au 10ème percentile ont un facteur de risque relatif de 1,7 d’avoir une IRT au cours de leur vie. Cette association persiste lorsque sont intégrés dans l’analyse les malformations congénitales, les naissances multiples ou la prééclampsie maternelle. Cette étude dont le recul maximum est de 38 ans est l’une des rares de cette ampleur. L’analyse de certaines populations dans lesquelles le retard de croissance intrautérin est nettement plus fréquent comme les aborigènes d’Australie ou les indiens Pima en Amérique du Sud démontrent également une augmentation considérable de la prévalence de l’IRT, jusqu’à 2 700 par million chez les aborigènes. La néphrogénèse est influencée par l’environnement fœtal : implication pour l’avenir La néphrogénèse débute chez l’homme à partir de la 9ème semaine du développement pour se terminer peu de temps avant le terme vers la 34-36ème semaine. Le nombre de néphrons à la naissance (capital néphronique) est déterminé à la fois par des facteurs génétiques et environnementaux. Une relation inverse entre le poids de naissance et le nombre de néphrons a été démontrée (9). Deux études récentes démontrent que les enfants nés prématurément avant 30-32 semaines d’aménorrhée ont des reins plus petits et une pression artérielle plus élevée par rapport à des sujets nés à terme (10, 11). Brenner émet l’hypothèse qu’une réduction du nombre de néphrons jouerait un rôle déterminant dans l’apparition d’une hypertension artérielle et éventuellement d’une insuffisance rénale à long terme. Chaque néphron filtre plus d’urine, cette situation d’hyperfiltration peut aboutir à des lésions glomérulaires à type de hyalinose segmentaire et focale qui peuvent se traduire par l’apparition d’une micro-albuminurie (12). Les individus naissant avec un PPN auraient un capital néphronique réduit et de ce fait seraient susceptibles de développer plus facilement une insuffisance rénale au cours de leur vie si d’autres facteurs de risque viennent s’ajouter au déficit néphronique. Le ralentissement de la croissance fœtale est déterminé d’une part par l’insuffisance placentaire et le défaut d’apport nutritionnel qui en résulte d’autre part par une plus forte exposition aux glucocorticoïdes. Des modèles animaux de ligature de l’artère utérine permettent de reproduire une situation d’insuffisance placentaire et les conséquences sur la croissance fœtale. La réduction de la ration protéique chez la femelle gestante a les mêmes effets sur la croissance fœtale. Ces modèles animaux de retard de croissance intra-utérin (RCIU) permettent de reproduire les états pathologiques qui ont été observés chez l’homme à l’âge adulte telles l'hypertension artérielle, la résistance à l’insuline ou une réduction du débit de filtration glomérulaire. Les mécanismes impliqués ont pu être analysés chez l’animal. Une réduction de la néphrogénèse est observée chez les rats ayant un RCIU induit par restriction protéique chez la mère (13). De façon intéressante une alimentation riche en protéines après la naissance augmente le risque de voir apparaître une insuffisance rénale chez ces rats avec un PPN (14). Une autre observation intéressante a été faite sur ce modèle animal : le niveau d’expression de la rénine augmente dans les reins des rats adultes issus de rates ayant subi une déprivation protéique au cours de la gestation (15). Une surexpression des récepteurs de l’angiotensine II 1b (AT1b-R) a également été observée dans les surrénales. Cette modification de l’expression du gène AT1b-R est probablement de nature épigénétique dans la mesure où a été observée une hypométhylation du promoteur (16). Au cours de la grossesse normale, les niveaux maternel et fœtal de glucocorticoïdes (GC) augmentent progressivement. Chez le fœtus cette augmentation à l’approche du terme est importante pour la maturation des organes et en particulier pour celle du poumon afin de le préparer à la vie extra-utérine. Une exposition à un niveau trop élevé de GC peut entraîner un arrêt prématuré de la croissance. L’enzyme placentaire 11beta-hydroxysteroid dehydrogenase de type 2 (11beta-HSD2) inactive les GC et protège ainsi le fœtus d’un excès de GC d’origine maternelle. L’inhibition de cette enzyme peut entraîner un ralentissement de la croissance fœtale. Ceci a pu être observé chez des femmes enceintes ayant consommé de la réglisse ou en cas de mutation inactivatrice du gène codant pour l’enzyme (excès apparent de minéralocorticoïdes). Une réduction de l’activité de la 11beta-HSD2 a même été observée chez des femmes anxieuses pendant la grossesse (17). Une théorie de l’évolution (thrifty phenotype), la plasticité développementale L’hypothèse la plus souvent citée pour expliquer le déterminisme anténatal de ces maladies s’appuie sur l’idée que l’environnement maternel au cours de la grossesse induit chez le fœtus et l’enfant des modifications lui permettant de s’adapter à des conditions similaires au cours de sa vie. Ainsi une alimentation pauvre en calories et en protéines chez la mère déterminerait des adaptations métaboliques en conséquence à l’âge pédiatrique mais également tout au long de la vie (18). Lorsque, à la génération suivante, l’alimentation devient plus riche, il peut apparaître une inadéquation entre les adaptations déterminées très précocement et l’environnement dont certains pensent qu’elle explique au moins en partie les pathologies observées, notamment la résistance à l’insuline et les autres éléments du SM. Nous engageons le lecteur à lire deux revues récentes sur le sujets pour plus de détails (19,20). Conclusion Le déterminisme d’un certain nombre de maladies de l’adulte dès la vie fœtale et probablement pendant les premières années de la vie est un élément connu depuis une vingtaine d’années dont nous prenons conscience progressivement. Les mécanismes de ce « programming fœtal » sont encore mal connus, des facteurs environnementaux semblent jouer un rôle important. Des modifications de l’expression de certains gènes pourraient être impliquées, l’épigénétique (modifications de l’ADN qui ne changent pas la séquence nucléotidique) pourrait être un des mécanismes du programming fœtal expliquant l’effet de l’environnement sur l’expression de certains gènes. Pour le clinicien, la connaissance de ces phénomènes est importante dans la mesure où le petit poids de naissance constitue en soit un facteur de risque de ces maladies agrégées autour du syndrome métabolique. Le cardiologue, le diabétologue et le néphrologue devraient considérer le poids de naissance de leurs patients. Un suivi plus rigoureux des enfants nés avec PPN devrait probablement être institué tout au long de leur vie. Ceci suppose une bonne coopération entre le néonatologue, le pédiatre et le médecin qui suivra cette personne tout au long de sa vie. REFERENCES 1. Barker DJ, Winter PD, Osmond C, Margetts B, Simmonds SJ. Weight in infancy and death from ischemic heart disease. Lancet 1989;2 :577-580. 2. Skilton MR, Evans, N, Griffiths KA, Harner JA, Celermajer DS. Aortic wall thickness in newborns with intrauterine growth restriction. Lancet 2005;365 :1484-1486. 3. Law CM, de Swiet M, Osmond C, Fayers PM, Barker DJ, Cruddas AM, Fall CH. Initiation of hypertension in utero and its amplification throghout life. BMJ 1993;306 :24-27. 4. Nobili V, Alisi A, Panera N, Agostini C. Low birth weight and catch-up growth associated with metabolic syndrome : a ten year systematic review. Pediatr Endocrinol Rev 2008;6 :241-247. 5. Bao W, Srinivasan SR, Wattigney WA, Berenson GS. Persistence of multiple cardiovascular risk clustering related to syndrome X from childhood to young adulthood. The Bogalusa Heart Study. Arch Intern Med. 1994;154:1842-1847 6. Li S, ChenW, Srinivasan SR, Bond MG, Tang R, Urbina EM, Berenson GS. Childhood cardiovascular risk factors and cardotid vascular changes in adulhood : the Bogalusa Herat Study. JAMA 2003;290 :2271-2276 7. Lackland DT, Bendall HE, Osmond C, Egan BM, Barker DJ. Low birth weight contribute to high rates of early-onset chronic rénal failure in the Southeastern United States. Arch intern Med 2000;160 :1472-1476. 8. Vikse BE, Irgens LM, Leivestad T, Hallan S, Iversen BM. Low birth weight increases risk for end-stage rénal disease. J Am Soc Nephrol 2006;17 :837-845. 9. Hughson M, Farris AB, Douglas-Denton R, Hoy WE, Betram JF. Glomerular number and size in autopsy kidneys : the Relationship to birth weight. Kidney Int 2003;63 :2113-2122. 10. Bacchetta J, Harambat J, Dubourg L, Guy B, Liutkus A, Canterino I, Kassaï B, Putet G, Cochat P. Both extrauterine and intrauterine growth restriction impair renal function in children born very preterm. Kidney Int. 2009 ;76:445-52. 11. Keijzer-Veen MG, Kleinveld HA, Lequin MH, Dekker FW, Nauta J, de Rijke YB, van der Heijden BJ. Renal function and size at young adult age after intrauterine growth restriction and very premature birth. Am J Kidney Dis. 2007 ;50:542-51. 12. Brenner BM, Garcia DL, Anderson S. Glomeruli and blood pressure. Less of one, more the other? Am J Hypertens. 1988;1:335-47 13. Merlet-Benichou C. Influence of fetal environnment on kidney development. Int J Dev Biol 1999; 43 : 453-456. 14. Boubred F, Buffat C, Feuerstein JM, Daniel L, Tsimaratos M, Oliver C, LelièvrePégorier M, Simeoni U. Effects of early postnatal hypernutrition on nephron number and long-term renal function and structure in rats. Am J Physiol Renal Physiol. 2007;293:F1944-9 15. Sahajpal V, Ashton N. Renal function and angiotensin AT1 receptor expression in young rats following intrauterine exposure to a maternal low-protein diet. Clin Sci (Lond). 2003;104:607-14 16. Bogdarina I, Welham S, King PJ, Burns SP, Clark AJ. Epigenetic modification of the renin-angiotensin system in the fetal programming of hypertension. Circ Res. 2007;100:520-6 17. O'Donnell KJ, Bugge Jensen A, Freeman L, Khalife N, O'Connor TG, Glover V. Maternal prenatal anxiety and downregulation of placental 11β-HSD2. Psychoneuroendocrinology. 2012;37:818-26 18. Glukman PD, Hanson MA, Phil D, Cooper C, Thornburg KL. Effect of in utero and early li-life conditions on adult health and disease. N Engl J Med 2008;359 :61-73. 19. Carmody JB, Charlton JR. Short-term gestation, long-term risk: prematurity and chronic kidney disease. Pediatrics. 2013;131:1168-79. 20. Luyckx VA, Bertram JF, Brenner BM, Fall C, Hoy WE, Ozanne SE, Vikse BE. Effect of fetal and child health on kidney development and long-term risk of hypertension and kidney disease. Lancet. 2013;382:273-83. Utilisation de la kétamine à faible dose pour les soins douloureux. La présence d’un médecin anesthésiste est-elle nécessaire ? Pr Daniel Annequin Centre de référence de la migraine, de la Douleur de l’enfant et de l’adolescent Hôpital Trousseau 75012 [email protected] Aux USA1, en Australie2, la kétamine IV à faible dose (< 2 mg/kg) est largement utilisée par des médecins non anesthésistes dans les services d’urgence et pour les actes douloureux et invasifs. Des recommandations françaises (AFSSAPS 20093) évoquent cette alternative en cas d’échec des méthodes habituelles. La kétamine possède un profil particulièrement original4 : les réflexes de protection laryngée sont maintenus, voire amplifiés (ce qui diminue le risque d’inhalation du contenu gastrique en cas de vomissement), la respiration spontanée, le système cardiovasculaire ne sont pas déprimés5. On observe une déconnexion thalamo-corticale associée et une dissociation de l’état de conscience : le patient garde les yeux ouverts (souvent associé à un nystagmus) et ne réagit pas aux stimulations sensorielles, notamment nociceptive (effet antalgique). Il est déconnecté de son environnement, il est dans un rêve ; à plus forte dose, des hallucinations peuvent survenir (effet psychodysleptique). Objectif Préciser les conditions optimales de sécurité et d’efficacité de la kétamine seule (sans atropine ni midazolam) pour une utilisation régulière par des médecins non anesthésistes. Méthodologie Etude prospective, observationnelle ; un enregistrement vidéo de l’ensemble du geste a été réalisé pour chaque administration. Critère d’inclusion : tout enfant pour lequel les méthodes de sédation habituelles étaient en échec. Aucune consigne de jeûne n’a été donnée. Monitoring : uniquement observation clinique continue visuelle , pas d’utilisation de cardioscope et d’oxymètre. Après avoir éliminé les contre-indications (hypertension intracrânienne, airway obstructif, médicaments associés, infection aiguë voies aériennes sup…), la posologie initiale prescrite entre 0,5 et 1 mg/kg était adaptée au niveau d’anxiété et aux posologies utilisées précédemment. Les réinjections et leur posologie sont décidées par DA (auteur de l’article). Résultats 36 enfants ont été inclus ; 68 enregistrements ont été réalisés (durée enregistrement vidéo = 10 h) entre mars 2010 et janvier 2014. 36 (52 %) administrations ont été réalisées dans les 6 derniers mois de 2013. 58 % des enfants ont entre 2 et 4 ans (médiane = 4 ans). 90 % des gestes ont été réalisés dans le service d’hématologie. Nombre d’acte par enfant 14 enfants ont eu entre 2 et 7 actes sous Kétamine. Services demandeurs et indications Neurologie : 2 PL pour enfant présentant des troubles du comportement. Nephrologie : 1 biopsie rénale dans le service de radiologie. Chirurgie viscérale : 6 administrations (biopsie rectale, sonde vésicale, sonde urétérale, pansement hypospade, abcès). Hématologie : 43 PL (34 % en position latérale) ; 19 myélogrammes ; 4 associations myélo + PL ; 5 autres associations. Voie d'administration La majorité (94 %) des administrations a été faite par voie veineuse. 4 administrations ont utilisé une autre voie (1 IntraRectale, 3 IntraMusculaire) Délai d’action Le produit agit en 2 minutes. Posologie IV totale Pour 36 administrations (61 %) 1 injection était suffisante : 0,63 mg/kg ± 0,19. La durée du geste, le niveau de stress de l’enfant ont nécessité plus d’une injection : 19 administrations ont nécessité 2 injections, totalisant 1,19 mg/kg ± 0,70 2 administrations ont nécessité 3 injections, totalisant 1,30 mg/kg ± 0,70 2 administrations ont nécessité 5 injections, totalisant 2,50 mg /kg. Association médicamenteuse 44 % des administrations ont été réalisées en association avec une inhalation de MEOPA. Durée du geste Durée médiane : 7 min; durée moyenne : 8,9 ±7,3 min. Réveil 95 % des administrations ont donné lieu à un réveil de l’enfant en moins de cinq minutes. 31 % ont eu un réveil immédiat ou se sont réveillés avant la fin du geste. 4 enfants ont eu un délai de réveil supérieur à 5 min ; ils se sont tous réveillés dans les 25 minutes suivantes. Evaluation Tous les gestes ont pu être réalisés simplement et rapidement sans contention majeure ; une contention légère a été utilisée pour moins de 50 % des enfants. Tous les parents ont exprimé leur grande satisfaction et leurs remerciements vis-à-vis de cette méthode qui permet « simplement » de réaliser des gestes invasifs qui nécessitaient auparavant l’utilisation de contention majeure. Quelques rares parents ont exprimé leur « peur » devant l’état de leur enfant « déconnecté, les yeux grands ouverts en permanence ». Un certain nombre d’enfants lors de l’effraction cutanée, lors de l’aspiration médullaire ont « gémi », « vocalisé » sans réaction de retrait ; une fois réveillés, ils déclarent ne pas avoir eu mal et ne pas se souvenir du geste. Une enfant de 4 ans a dit avoir eu mal contrairement aux données comportementales observées. Effets secondaires 1 vomissement (associé à 20 min de MEOPA) ; 3 épisodes de salivation sans toux ; 1 épisode isolé de pâleur (en position assise) ; 10 enfants ont eu un réveil anxieux lié aux distorsions sensorielles (hallucinations, diplopie, impression de cécité …). Toutes ces manifestations ont été courtes (moins de 20 min) et ont bien répondu aux réassurances parentales. Quelques enfants ont présenté un certain degré d'hypotonie. DA est intervenu activement une fois (épisode de pâleur). Conclusion Ces données confirment les résultats de la littérature sur l’efficacité et la sécurité6,7 de faibles doses de Kétamine sans midazolam ; elles permettent d’élaborer un protocole précis* d’utilisation pour les médecins seniors. *Le protocole complet est téléchargeable sur http://bit.ly/ketaDA Références 1 Krauss B, Green SM. Procedural sedation and analgesia in children. Lancet 2006 ; 4;367(9512):766-80 Royal Australasian College of Physicians, Paediatrics & Child Health Division. Management of procedure-related pain in children and adolescents. J Paediatr Child Health 2006;42:S1-S29 3 Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé AFSSAPS. Prise en charge médicamenteuse de la douleur aigue et chronique chez l'enfant. Recommandations de bonne pratique 2009 4 Annequin D. La kétamine en 2012:comment l'utiliser pour la douleur provoquée par les soins chez l'enfant ? Arch Pediatr 2012;19(7):777-9 5 Green SM, Roback MG, Kennedy RM, Krauss B. Clinical practice guideline for emergency department ketamine dissociative sedation: 2011 update. Ann Emerg Med 2011;57(5):449-61. 6 Annequin D. Sécurité de l'utilisation de la kétamine. Arch Pediatr 2013 ;20(3):313-4. 7 Mion G, Granry JC. Utilisation de la kétamine lors de la réalisation de soins douloureux chez l'enfant. Arch Pediatr 2012 ; 29;(12)1372-3 2 The Les Clowns en Pédiatrie « Petit bonhomme, je veux encore t’entendre rire… » Le Petit Prince, Antoine de Saint Exupéry Professeur Denis DEVICTOR Réanimation néonatale et Pédiatrique Hôpital de Bicêtre Président de l’association « Le Rire-Médecin » [email protected] La joie est naturelle chez l’enfant. Elle témoigne de son goût de vivre et de son émerveillement face au monde qu’il découvre. Mais ce sentiment est fragile. La maladie, la douleur, la peur, ont vite fait de l’éloigner. Alors le champ est libre pour que la tristesse puisse s’installer. C’est pour que la joie demeure en l’enfant, pour entendre encore son rire que des associations se sont créées dans les hôpitaux. Leur but est d’humaniser le quotidien des enfants et de leurs parents. C’est dans ce contexte que les clowns ont fait leur entrée dans les hôpitaux. Quels sont les risques psychologiques d’une hospitalisation ? La réponse semble évidente : toute hospitalisation est potentiellement déstructurante. Séparé de ses parents, de la sécurité de son milieu familial et privé de ses repères habituels, l’enfant hospitalisé ne se sent plus en sécurité. Au sentiment d’abandon peut s’ajouter la culpabilité de voir ses parents souffrir. La maladie acutise son hypersensibilité naturelle à l’environnement. L’hôpital, en dépit des efforts de tous, devient alors hostile : longs couloirs, bips inquiétants, multiplicité des nouveaux visages au milieu desquels l’enfant est isolé et perdu. Tout concourt à morceler sa vie et à restreindre sa capacité de jeu et de joie. Tristesse et stress, peur et malheur s’installent alors, pour le temps de l’hospitalisation ou pour plus longtemps. Au maximum l’enfant ou ses parents garde pour séquelle un état de stress post-traumatique (ESPT). Les ESPT ont été décrits chez l’enfant hospitalisé dans différentes situations (cancer, maladies chroniques, traumatismes graves par exemple). Ils sont particulièrement fréquents après une hospitalisation en réanimation. A l’origine, les ESPT avaient été identifiés chez les soldats exposés au combat. Puis ils ont été décrits chez des personnes ayant vécu un traumatisme intense tel que catastrophes naturelles, attentat, violence physique, guerre, accidents graves, par exemple. Enfin ils ont été reconnus chez les patients hospitalisés. Dans le cas présent, les ESPT peuvent s’installer chez l’enfant lui-même, mais aussi chez ses parents. Le tableau se présente sous la forme d’une réexpérience de l’événement, de cauchemars, ou d’envahissement de la conscience en plein éveil, ou encore de résurgence de souvenirs douloureux. Ces troubles s’accompagnent souvent d’insomnie, de dépression, d’irritabilité, parfois de violence. Ils peuvent durer quelques mois, ou au contraire s’installer dans la chronicité. Lara Nelson a récemment publié une revue sur le sujet (1). Dans cet article, l’auteur rapporte une prévalence d’ESPT après une hospitalisation en réanimation pédiatrique allant de 5 % à 28 %. Dans la seule étude utilisant une méthodologie validée, la prévalence est de 21 % (2). Des troubles apparentés aux ESPT sont retrouvés dans 35 % à 62 % des cas. Six études ont analysé les facteurs de risque. Parmi ces facteurs, l’âge et le sexe ne semblent pas être favorisants. Par contre, la sévérité de la maladie, la durée de séjour, le nombre de procédures médicales invasives subies par l’enfant semblent être prédictifs. Les ESPT n’épargnent pas les parents. Six études ont rapporté l’incidence des ESPT chez les parents. Elle se situerait entre 10,5 % à 21 % des cas, et on retrouverait des symptômes apparentés aux ESPT dans 84 % des cas, les mères étant plus vulnérables. Comment les clowns peuvent-ils atténuer la souffrance psychique ? Dès le début du XXIème siècle, on trouve des témoignages de clowns intervenant dans les services de pédiatrie notamment en Angleterre. L'intuition qui est à l’origine des clowns à l’hôpital est que le jeu, la création d’un monde imaginaire permettaient à l’enfant de retrouver sa joie de vivre. Pour ce faire, les clowns adaptent leur savoir-faire à chaque cas. Ils travaillent en étroite collaboration avec les équipes paramédicales et médicales. Avant chaque intervention, les infirmières transmettent aux comédiens différents renseignements sur l’état physique et psychique de l’enfant, sur son état médical et des informations sur sa famille (visites, anxiété, frères et sœurs…). Cette transmission permet d’adapter le jeu à chaque cas, chaque enfant, chaque famille. La personnalisation du jeu est le secret du clown : chaque jeu est personnalisé, tout comme les prescriptions sont adaptées à chaque enfant. Ceci exige de la part du comédien un grand professionnalisme, lui impose non seulement de connaître la personnalité de l’enfant, mais aussi d’être imaginatif et créatif. Le second point fort du comédien est de faire participer l’enfant et ses parents au jeu qu’il invente. Ainsi peuvent-ils se libérer des peurs qui les menacent et apprivoisent-ils l’environnement de l’hôpital. Une perfusion devient le fil d’une canne à pêche, le bruit du respirateur, le halètement d’une locomotive… Ainsi le clown crée un nouvel espace-temps, une nouvelle bulle de sécurité où l’enfant et sa famille retrouvent un sentiment de sécurité. Cette bulle prend le contre-pied de la tristesse, de la souffrance et du stress de l’hôpital. Les clowns maintiennent ainsi l’équilibre psychique de l’enfant et de sa famille et luttent contre le morcellement qui les menace. Les clowns agissent non seulement sur l’enfant mais également sur ses parents et sur le personnel soignant. Les parents sont en effet systématiquement inclus dans leur jeu. Les comédiens aident ainsi à rétablir une relation joyeuse et apaisée entre l’enfant et sa famille. L’expérience montre que des liens très forts s’instaurent ainsi entre les clowns et le personnel soignant. Beaucoup de services les considèrent comme membres de l’équipe à part entière. Les comédiens font prendre du recul sur les pratiques médicales et donnent l’occasion d’avoir d’autres rapports avec les malades. Leur présence « redonne le moral » au personnel médical et paramédical souvent débordé et pris par l’urgence. L’efficacité des clowns hospitaliers est-elle démontrée? Il n’existe pas d’études contrôlées montrant que la présence des clowns réduit le stress vécu par les enfants hospitalisés ou diminue la fréquence des ESPT après une hospitalisation. Par contre, plusieurs auteurs ont analysé l’efficacité des comédiens dans la réduction du stress en péri-opératoire. Par exemple, L Vagnoli a étudié l’efficacité des clowns dans la réduction de l’anxiété préopératoire en hôpital de jour chirurgical sur un échantillon de 75 enfants âgés de 5 à 12 ans (3, 4). L’auteur a mesuré l’anxiété grâce à un score validé dans trois groupes d’enfants : enfants accompagnés par les clowns et un parent, enfants recevant du midazolam et accompagné d’un parent et enfin enfants seulement accompagnés par un parent (groupe contrôle). Les résultats montrent que les enfants du premier groupe (groupe clown) sont nettement moins anxieux que les enfants des deux autres groupes (score d’anxiété 37,50 ± 21,48 versus 68,25 ± 28,42). Par contre, il n’y a pas de différences significatives entre le groupe recevant du midazolam et le groupe contrôle (3). En 2009, Yip P et coll ont publié une méta-analyse dans la Cochrane Library sur les méthodes nonpharmacologiques permettant de diminuer l’anxiété des enfants lors d’inductions anesthésiques (5). Dix-sept études ont été retenues correspondant à un échantillonnage de 1796 enfants. Neuf études montrent que la présence des parents ne réduit pas l’anxiété des enfants. L’une d’entre elle montre même que la présence des parents pourrait augmenter l’anxiété des enfants. Cette méta-analyse rapporte également les résultats de six études utilisant d’autres méthodes cherchant à atténuer l’anxiété des enfants : jeux-vidéo, hypnose, création d’une atmosphère « feutrée », musique par exemple. Seule la présence des clowns réduit significativement l’anxiété des enfants. Qui sont ces clowns et comment sont-ils formés ? Les clowns qui interviennent à l’hôpital sont des comédiens formés à l’exercice hospitalier. Il leur est demandé d’être comédien professionnel, de jouer d’un instrument de musique, d’être passé par le spectacle de rue ou les arts du cirque et d’avoir suivi la formation de l’Institut de formation du Rire Médecin. Cette formation a pour objectif de leur faire comprendre l’univers hospitalier, leur apprendre à respecter son fonctionnement et ses contraintes mais également d’adapter leur jeu à ce cadre spécifique. Les clowns interviennent toujours en duo, ce travail en équipe permettant d’éviter un phénomène d’usure et permettant de supporter à deux les souffrances et les malheurs côtoyés dans un service hospitalier. Les clowns appartiennent à des associations à but non lucratif. Le Rire Médecin est la principale d’entre elles. Ces associations fonctionnent grâce à des donateurs et la générosité du public. Le Rire Médecin est une association agréée par le Comité de la Charte. Ce comité indépendant contrôle la gestion de la plupart des grandes associations françaises et garantit leur fonctionnement et l’utilisation des dons. Ces associations n’interviennent à l’hôpital qu’après signature d’une convention avec la direction de celui-ci. Celle-ci garantit que l’action des clowns est soumise aux devoirs déontologiques, et aux règles éthiques de toute personne intervenant à l’hôpital, comme par exemple le secret professionnel. Actuellement les 101 clowns du Rire Médecin sont implantés dans 15 hôpitaux, interviennent dans une quarantaine de service où ils ont délivré plus de 2100 journées de rires. Notons qu’il existe une Fédération européenne des comédiens intervenant en milieu hospitalier. Conclusion : La maladie, la souffrance, voire la mort d’un enfant se situe dans le registre de l’absurde. Selon son étymologie, ab-surdité veut dire « dissonance » dans l’harmonie du monde. Le monde de l’enfant doit rester celui de la joie et du rire et non celui de la tristesse, de la douleur physique ou psychique. Et pourtant c’est le risque qui le guette lorsqu’il doit être hospitalisé. Le clown intervient alors pour lui réinsuffler le goût de vivre, afin que lui-même, ses parents et son entourage puissent de nouveau entendre ses éclats de rire. Références : 1. Nelson LP, Gold JI. Post traumatic stress disorder in children and their parents following admission to the pediatric intensive care unit: a review. Pediatr Crit Care Med 2012 ; 13 : 33847 2. Rees G, Gledhill J, Garralda ME, et al : Psychiatric outcome following paediatric intensive care unit (PICU) admission : A cohort study. Intensive Care Med 2004 ; 30 : 1607-1614 3. Vagnoli L, Caprilli S, Robiglio A, Messeri A. Clown Doctors as a treatment for preoperative Anxiety in children : A Randomized, Prospective Study. Pediatrics 2005 ; 116 :e563 4. Vagnoli L, Caprilli S, Messeri A. Parenteral presence, clowns or sedative premedication to treat preoperative anxiety in children: what could be the most promising option? Pediatric Anesthesia 2010 ; 20 :937-943 5. Yip P, Middleton P, Cyna AM, Carlyle AV. Non pharmacological interventions for assisting the induction of anaesthesia in children (review)Cochrane review 2010 ; 11 Communications libres 2 Peut-on prédire les infections bactériennes chez le nourrisson de moins de trois mois ? Milcent Karen1, Faesch Sabine², Gras-Le Guen Christèle3, Dubos François4, Gajdos Vincent1 1 Service de Pédiatrie Générale, Hôpital Antoine Béclère (AP-HP), Clamart - Université Paris Sud, ²Service des urgences pédiatriques, Hôpital Necker-Enfants Malades (AP-HP), 3Service de Pédiatrie Générale CHU Nantes, 4Service des urgences pédiatriques, CHU Lille, France. Auteur correspondant : Karen Milcent Adresse : Service de Pédiatrie, Hôpital Antoine Béclère, 157 rue de la Porte de Trivaux, 92141 CLAMART Cedex Mail : [email protected] La fièvre chez le nourrisson âgé de moins de 3 mois est un problème fréquemment rencontré et les modalités de sa prise en charge sont sources de controverses. Ces jeunes nourrissons ont la particularité d’être à relativement haut risque d’infections bactériennes sévères (IBS), en particulier d´infections bactériennes invasives (IBI), avec une prévalence d’IBS estimée entre 8 et 15 % (1). Chez ces enfants, les symptômes et le seul examen clinique sont souvent mis en défaut dans le dépistage d’IBS. Il est ainsi souvent difficile de distinguer les nourrissons porteurs d’une IBS de ceux porteurs d’une infection virale bénigne. Des scores clinicobiologiques ont été décrits afin de mieux prédire les enfants à haut ou faible risque d’IBS (25). Mais ils restent imparfaits dans cette tranche d’âge et ne font pas l’objet d’un consensus. Il en découle une prise en charge très variable d'un centre à l'autre (6) et souvent « agressive » comprenant à des degrés divers la réalisation d’explorations biologiques et microbiologiques exhaustives, la prescription d’antibiothérapies empiriques, et l’hospitalisation pour certains systématique (7), à l’origine d’un coût important et d’une morbidité chez certains de ces enfants (8). La réflexion pour l'optimisation de la prise en charge doit prendre en compte l’épidémiologie actuelle des IBS dans cette tranche d’âge ; elle pourrait être améliorée par l’utilisation de tests de diagnostic rapide de maladies virales et/ou de nouveaux marqueurs biologiques, comme la procalcitonine (PCT). L’intérêt de ce marqueur chez des enfants plus âgés a déjà été largement étudié. Plusieurs études montrent que la PCT a une meilleure valeur prédictive négative (VPN) que la CRP pour le diagnostic des IBI (9). La démonstration de la valeur ajoutée de ce marqueur chez les nourrissons âgés de moins de trois mois est moins étudiée. Une étude prospective multicentrique (PRONOUR) incluant plus de 2000 enfants, dont l’objectif principal est d’évaluer l’intérêt du dosage de la concentration sérique de la procalcitonine chez les nourrissons fébriles sans point d’appel âgés de moins de 3 mois consultant aux urgences, a été menée en France. 1. Epidémiologie 1.1. Les changements d’épidémiologie des infections bactériennes sévères chez les nourrissons fébriles L’évolution des pratiques de prévention ces vingt dernières années a eu un impact sur l’épidémiologie des IBS en pédiatrie. La prévalence des infections materno-fœtales précoces (avant sept jours de vie) à Streptocoque du groupe B a diminué après la généralisation de l’antibioprophylaxie du per-partum des femmes porteuses de ce germe. Chez les nourrissons plus âgés, la généralisation de la vaccination anti-pneumococcique a permis de réduire la prévalence des infections invasives à Pneumocoque mais aussi la prévalence des résistances de ce germe aux antibiotiques. Concernant les nourrissons âgés de moins de 3 mois, une étude récente a analysé la fréquence, la distribution et l’évolution dans le temps des IBS chez ces enfants entre 1997 et 2006 (10). Une augmentation de la fréquence des IBS a été constatée chez ces nourrissons ces 10 dernières années, allant de 6,5 % pour la période 1997-2001 à 14,4 % pour la période 2002-2006. Ce changement était en rapport avec une forte augmentation de la fréquence des pyélonéphrites à Escherichia coli qui concernait en majorité les nourrissons âgés de 30 à 90 jours. En effet, l’augmentation de la fréquence des pyélonéphrites n’était pas significative chez les nourrissons âgés de moins de trente jours. Les fréquences des bactériémies et méningites bactériennes étaient stables sur cette période, quel que soit le groupe d’âge. Une des hypothèses expliquant l’émergence des infections à E. coli chez les nourrissons de moins de 3 mois serait la généralisation de l’antibioprophylaxie perpartum pour le Streptocoque du groupe B (10). 1.2. Données de l’épidémiologie actuelle française des infections bactériennes sévères chez les nourrissons fébriles Une étude prospective multicentrique sur la fièvre des nourrissons âgés de moins de trois mois fébriles sans point d’appel a été menée entre octobre 2008 et mars 2011 dans 15 centres français d’urgences pédiatriques (PRONOUR clinical trial NCT00800488). Le pourcentage d’IBI est de 1,0 %, avec 0,5 % de méningites bactériennes et 0,6 % de bactériémies. E. coli est responsable dans près de la moitié des cas d’IBI, essentiellement les bactériémies ; et le Streptocoque du groupe B dans 20 % des IBI. Le pourcentage global des pyélonéphrites est de 13 % et varie selon la technique de recueil des urines, de 5 % sur sondage et 8 % sur poche. E. coli est retrouvé dans plus de 90 % des pyélonéphrites (Tableau 1). 2. Quels outils sont disponibles et fiables pour la détection d’infections bactériennes sévères ? Il est connu que l’évaluation du risque d’avoir une IBS chez les nourrissons âgés de moins de trois mois est extrêmement difficile. Une analyse de la littérature récente a fait le point sur les propriétés diagnostiques des données cliniques seules, des données biologiques seules et des scores combinant les deux (11). L’histoire évocatrice d’infection materno-fœtale, bien qu’intuitivement prise en compte, n’a pas montré de relation évidente avec le risque d’IBS. Les éléments cliniques pris isolément, tels que l’âge inférieur à un mois, le sexe, la fièvre (température supérieure à 39°C) n’ont qu’une faible sensibilité dans la détection des enfants porteurs d’IBS. Quant aux marqueurs inflammatoires dans cette classe d’âge, peu d’études ont évalué leur intérêt et seulement quatre ont étudié l’intérêt de la PCT (12-15). 2.1. Sensibilité et spécificité des scores cliniques seuls, des marqueurs biologiques seuls et des scores clinico-biologiques pour le dépistage des IBS chez le nourrissons âgés de moins de trois mois. Les scores clinico-biologiques, dont les plus connus sont les scores de Rochester (2), de Philadelphie (3), de Boston (4) et de Milhaukee (5) et qui n’intègrent pas le CRP, ont une sensibilité plus élevée (84 à 100 %) comparée aux critères cliniques seuls ou aux biologiques seuls pour le dépistage des IBS chez les nourrissons âgés de moins de trois mois. Ils ont néanmoins une plus faible spécificité (27 à 69 %) comparée aux scores cliniques et biologiques seuls. Ces résultats sont similaires pour le dépistage des IBI que sont les bactériémies et les méningites. Ainsi, les scores cliniques et biologiques seuls ont une fiabilité insuffisante pour éliminer la présence d’IBS. Concernant la tranche d’âge 0-1mois, l’ensemble des scores ont une moins bonne sensibilité que pour la tranche d’âge 1-3mois dans l’identification de la présence d’IBS, allant de 82 à 84 % pour les scores combinés (11). 2.2. Ces scores sont-ils fiables pour identifier les enfants fébriles âgés de moins de trois mois à bas et haut risque d’IBS ? Le score de faible risque le plus étudié (Rochester) a une VPN pour la détection d’IBS allant de 93 à 99 %°pour les nourrissons de moins de 3 mois et de 93 à 97 % pour les plus jeunes âgés de moins d’un mois. La prévalence d’IBS dans le groupe à faible risque est d’environ 1 à 2 % pour les nourrissons âgés de moins de trois mois et de 3 à 5 % pour les nourrissons âgés de moins d’un mois. En d’autres termes, la proportion d’enfants mal classés dans le groupe à bas risque pour les scores clinico-biologiques (cas manqués d’IBS) est inférieure à 10 %. L’évaluation des marqueurs biologiques seuls (PNN < 5 000 ou >15 000/mm3, PCT ≥ 0,5 ng/mL, CRP ≥ 30 mg/L, et pléiocytose sur le liquide céphalorachidien) est beaucoup moins étudiée (8 études pour 27 études pour les scores clinico-biologiques) ; et montre des VPN plus faibles dans la détection d’IBS (78 à 91 %) (11). La valeur prédictive positive (VPP) des groupes classés à haut risque pour la présence d’IBS par les différents scores clinico-biologiques sont faibles et varient de 3 à 49 %, témoignant d’un grand nombre de faux positifs (11). 2.3. La présence d’une infection virale identifiée aide-t-elle à prédire l’absence d’IBS ? L’analyse de 11 études montre une relation inverse statistiquement significative entre un test diagnostique positif pour une maladie virale et la présence d’IBS chez les nourrissons fébriles (11). Même en l’absence de test de diagnostic rapide, 3 études ont montré une relation inverse similaire entre le diagnostic clinique d’une bronchiolite et une IBS (11). De plus, la combinaison des scores clinico-biologiques à la pratique de tests de diagnostic rapide de maladies virales permet d’améliorer la sensibilité de ces scores. En effet, des études ont montré que le fait de remplir les critères de faible risque d’IBS et d’avoir une infection virale authentifiée (à VRS par exemple) diminuait considérablement la probabilité de présence d’une IBS (11). La pratique de tests de diagnostic rapide d’infection virale (en fonction de signes cliniques et des épidémies en cours) permet peut être d’éviter bon nombre d’examens complémentaires, d’antibiothérapies et d’hospitalisations inutiles. Même si très peu de cas de méningite et de bactériémie sont décrits chez le nourrisson porteur d’une bronchiolite ou autre infection virale prouvée, la taille des échantillons et la très faible prévalence d’IBI ne permettent pas formellement de répondre au dilemme de la nécessité ou non d’une ponction lombaire. Pour les nourrissons âgés de moins d’un mois, en raison d’une plus forte prévalence d’IBS et d’une précision des tests de diagnostic rapide différente dans cette tranche d’âge comparée aux nourrissons plus âgés, il semble prudent, encore une fois, de considérer ce groupe différemment. La seule étude dans cette tranche d’âge (16) montre qu’il n’y a pas de différence significative dans la prévalence d’IBS entre les nourrissons âgés de moins d’un mois porteurs ou non d’infection à VRS prouvée. 3. Utilisation de la procalcitonine dans la détection d’infections bactériennes sévères chez le nourrisson âgé de moins de trois mois fébrile sans point d’appel 3.1. Données existantes La procalcitonine (PCT) est un marqueur inflammatoire qui conjugue les propriétés suivantes : son ascension en cas de syndrome inflammatoire est rapide (6 heures), alors qu’il est de 12h pour l’ascension de la C-reactive protein (CRP) ; et il est spécifique des infections bactériennes. L’intérêt de ce marqueur chez des enfants plus âgés a déjà été largement étudié. Globalement, les performances de la PCT sont meilleures que celles des globules blancs (GB), mais semblent comparables à celles de la CRP. Néanmoins, les performances diagnostiques de la PCT sont meilleures 1) lorsque la durée de la fièvre est inférieure à 12 heures ; 2) pour le diagnostic des bactériémies et des méningites purulentes avec une meilleure VPP (9); ce qui en ferait un atout majeur pour les nourrissons fébriles de moins de trois mois qui 1) consultent rapidement après l’apparition de la fièvre; 2) qui sont plus à risque d’IBI. Seules quatre études évaluent l’intérêt de la PCT spécifiquement chez le nourrisson fébrile âgé de moins de trois mois (12-15). La seule étude prospective, avec un faible échantillon (n = 234), compare la PCT uniquement aux GB ; et ne distingue pas les IBS des IBI (12). De plus, elle utilise un seuil très bas de PCT. Avec un seuil à 0,12 ng/mL, la sensibilité de la PCT pour la détection d’IBS est de 95 %, mais la spécificité est faible à 26 %. Dans les 3 autres études rétrospectives, les performances diagnostiques de la PCT et de la CRP sont similaires pour la détection des IBS avec des aires sous la courbe (AUC) Receiver Operating Characteristic (ROC) allant de 0,74 à 0,77 et de 0,78 à 0,79, respectivement (13-15). En revanche, les résultats confirment l’intérêt, dans la détection des IBI, de la PCT par rapport à la CRP avec des AUC allant de 0,83 à 0,95 et de 0,68 à 0,88, respectivement (13-15). (Tableau 2). Les performances de la PCT sont également meilleures que celles de la CRP lorsque la durée de la fièvre est < 12 heures (13,14). Les infections bactériennes sévères pour lesquelles la PCT est mise en défaut sont donc les pyélonéphrites aiguës. Toutefois, le diagnostic de ces infections est facile aux urgences avec la réalisation d’une analyse d’urines. Il sera d’autant plus facilité dans un avenir proche, grâce à la possible généralisation de l’utilisation de la bandelette urinaire (BU). En effet, une étude récente, sur un très large échantillon (n = 6394), a comparé les performances de la BU avec celles de la microscopie électronique pour le dépistage des pyélonéphrites chez le nourrisson âgé de moins de trois mois. La VPP de la BU (66,8 %) était significativement plus élevée que celle de la microscopie (58,6 %). Les VPN de la BU et de la microscopie étaient similaires (98,7 % et 98,6 %, respectivement) (17). 3.2. Données de l’étude PRONOUR Les faibles effectifs des travaux précédents étudiant la PCT ou leur caractère rétrospectif ne leur confèrent pas une puissance suffisante, mais ces résultats sont corroborés par l’étude PRONOUR plus large et prospective. Les AUC de la PCT et de la CRP dans le diagnostic d’IBS sont de 0,79 et 0,82, respectivement ; et dans le diagnostic d’IBI de 0,94 et 0,83, respectivement. Le cut-off optimal pour la PCT dans la détection des IBS du nourrisson âgé de moins de 3 mois a été estimé à 0,3 ng/mL. (Tableau 2). Le calcul des rapports de vraisemblance positif et négatif pour différents seuils de PCT et de CRP permet d’estimer la probabilité post-test d’avoir une IBS ou une IBI en utilisant comme probabilité pré-test la prévalence de la maladie dans la population ; c’est-à-dire dans notre étude une prévalence de 18 % pour les IBS et de 1 % pour les IBI. Ces résultats, indiqués dans la figure 1, montrent la supériorité de la PCT par rapport à la CRP dans le diagnostic d’IBI. Un dosage de PCT inférieur à 0,3 ng/mL permet de réduire la probabilité d’avoir une IBI à 0.1 % ; alors qu’un dosage de CRP inférieur à < 20 mg/mL réduit cette probabilité à 0,3 %. Dans le sens opposé, une PCT supérieure à 1 ng/mL et une CRP supérieure à 40 mg/mL augmente la probabilité d’avoir une IBI à 10 % et 4 % respectivement. En revanche, les propriétés de la PCT et de la CRP sont similaires que ce soit pour prédire l’absence d’infection bactérienne (PCT < 0,3 ng/mL et CRP < 20 mg/mL) ou pour confirmer la présence d’infection bactérienne (PCT > 1 ng/mL et CRP > 40 mg/mL). Ainsi, la procalcitonine présente un grand intérêt pour prédire l’absence de bactériémie et de méningite dans cette population et a de meilleures propriétés diagnostiques que celles de la CRP dans cette prédiction. L’utilisation d’un seuil de procalcitonine à 0,3 ng/mL 1) augmente sa performance dans le dépistage des infections bactériennes comparée à un seuil à 0,5 ng/mL et 2) n’augmente pas considérablement le nombre de faux positifs contrairement au seuil de 0,12 ng/mL choisi par Maniaci et al (12). 3.3. Perspectives Une des voies de recherche consiste à combiner plusieurs tests diagnostiques afin d’augmenter le pouvoir discriminant du score ainsi constitué. Dans ce contexte, un nouvel outil diagnostique baptisé Labscore a été développé. Il s’agit d’un outil qui combine les résultats de la bandelette urinaire, du dosage sérique de la CRP et de celui de la PCT. Les auteurs de ce score ont dans un premier temps procédé à sa construction et à sa validation interne (18). Puis, une validation externe de l’outil a été réalisée. Ces travaux de construction et de validation interne ont montré que le score avait pour la détection d’IBS chez le nourrisson âgé de moins de trois mois (n = 104) une sensibilité de 78 %, une spécificité de 90 %, une valeur prédictive positive de 72 % et négative de 92 %, des rapports de vraisemblance positif à 7,7 et négatif à 0,25. Ceci plaide pour un bon pouvoir discriminant du score et permet de faire l’hypothèse que son utilisation permettrait de diminuer les explorations et antibiothérapies inutiles chez les enfants ayant un score bas. Selon les auteurs, si le score avait été utilisé sur leur population, il aurait permis une baisse de 50 % des prescriptions d’antibiotiques. Il est maintenant nécessaire de le valider sur une population différente. Une autre voie de recherche consisterait à mieux intégrer le jugement des cliniciens dans la prise en charge du nourrisson fébrile âgé de moins de trois mois. Comme l’a montré Pantell (19), la prise en charge de ces patients par des cliniciens expérimentés est à la fois plus influencée et plus pertinente dans l’évaluation du risque d’IBS de par leur examen et leur impression cliniques que par une application stricte des recommandations publiées. Cette observation s’apparente à la notion de « gut felling », qui peut se définir comme l’intuition que « quelque chose ne va pas » malgré des signes cliniques objectifs en faveur d’une infection non grave. Il s’agit donc d’une intime conviction ; différente de l’impression clinique basée sur l’interrogatoire et l’examen clinique ; influencée par une crainte inhabituelle des parents et l’apparence de l’enfant (20). Enfin, un modèle de prédiction intégrant des critères cliniques et la CRP a été récemment élaboré et validé pour l’estimation du risque, à la fois de pneumopathie et d’IBS, chez l’enfant fébrile de 1 à 15 ans (21). Il est maintenant nécessaire de réaliser un essai interventionnel d’impact pour montrer que les nourrissons qui consultent aux urgences pour fièvre tirent bénéfice de l’utilisation de cet outil diagnostique et que son utilisation est économiquement pertinente. 4. Conclusion Les algorithmes actuels de prise en charge des nourrissons fébriles âgés de moins de trois mois ne font pas l’objet d’un consensus, en raison d’une fiabilité insuffisante pour la détection d’IBS, en particulier chez les enfants âgé de moins d’un mois et d’une utilisation en pratique courante non optimale. En l’absence de données fiables sur la morbidité, le coût de la prise en charge du nourrisson fébrile âgé de moins de trois mois, les cliniciens continuent à « sur traiter » un grand nombre d’enfants non porteurs d’IBS. L’utilisation de nouveaux outils, comme la PCT, les tests rapides de diagnostic viral et le jugement du clinicien méritent sûrement d’être plus exploités. Références 1. Baraff LJ, Oslund SA, Schriger DL, et al. Probability of bacterial infections in febrile infants less than three months age: a meta-analyses. Pediatr Infect Dis J. 1992 Apr;11(4):257-64 2. Dagan R, Powell KR, Hall CB, Menegus MA. Identification of infants unlikely to have serious bacterial infection although hospitalized for suspected sepsis. J Pediatr 1985;107(6):855-60. 3. Baker MD, Bell LM, Avner JR. Outpatient management without antibiotics of fever in selected infants. N Engl J Med 1993;329(20):1437-41. 4. Baskin MN, O'Rourke EJ, Fleisher GR. Outpatient treatment of febrile infants 28 to 89 days of age with intramuscular administration of ceftriaxone. J Pediatr. 1992 Jan;120(1):22-7. 5. Bonadio WA, Hagen E, Rucka J, Shallow K, Stommel P, Smith D. Efficacy of a protocol to distinguish risk of serious bacterial infection in the outpatient evaluation of febrile young infants. Clin Pediatr (Phila). 1993;32(7):401-4. 6. Goldman RD, Scolnik D, Chauvin-Kimoff L, et al. Practice variations in the treatment of febrile infants among pediatric emergency physicians. Pediatrics. 2009 Aug;124(2):439-45. 7. NICE clinical guideline 160: feverish illness in children. May2013. http://guidance.nice.org.uk/CG160/NICEGuidance/pdf 8. Byington CL, Reynolds CC, Korgenski K,et al. Costs and infant outcomes after implementation of a care process model for febrile infants. Pediatrics. 2012 Jul;130(1):e16-24 9. Fernandez Lopez A, Luaces Cubells C, Garcia Garcia JJ, Fernandez Pou J. Procalcitonin in pediatric emergency departments for the early diagnosis of invasive bacterial infections in febrile infants: results of a multicenter study and utility of a rapid qualitative test for this marker. Pediatr Infect Dis J 2003;22(10):895-903. 10. Watt K, Waddle E, Jhaveri R. Changing epidemiology of serious bacterial infections in febrile infants without localizing signs. PLoS One. 2010 Aug 27;5(8):e12448. 11. Hui C, Neto G, Tsertsvadze A, et al. Diagnosis and Management of Febrile Infants (0–3 Months) Evid Rep Technol Assess. 2012 Mar;(205):1-297. 12. Maniaci V, Dauber A, Weiss S, et al. Procalcitonin in young febrile infants for the detection of serious bacterial infections. Pediatrics. 2008 Oct;122(4):701-10. 13. Olaciregui I, Hernández U, Muñoz JA, et al. Markers that predict serious bacterial infection in infants under 3 months of age presenting with fever of unknown origin. Arch Dis Child. 2009 Jul;94(7):501-5 14. Gomez B, Bressan S, Mintegi S, et al. Diagnostic value of procalcitonin in well-appearing young febrile infants. Pediatrics. 2012 Nov;130(5):815-22. 15. Gajdos V, Moulin F, Hau I, et al. Serum Procalcitonin and C-Reactive Protein for predicting serious bacterial infection in febrile infants less than 3 months. 25rd annual meeting of the European Society For Paediatric Infectious Diseases – ESPID; 2007; Porto; 2007. 16. Levine DA, Platt SL, Dayan PS, Macias CG, Zorc JJ, Krief W, et al. Risk of serious bacterial infection in young febrile infants with respiratory syncytial virus infections. Pediatrics. 2004;113(6):1728-34. 17. Glissmeyer EW, Korgenski EK, Wilkes J, et al. Dipstick Screening for Urinary Tract Infection in Febrile Infants. Pediatrics. 2014 Apr 28. 18. Lacour AG, Zamora SA, Gervaix A. A score identifying serious bacterial infections in children with fever without source. Pediatr Infect Dis J 2008;27:654–6. 19. Pantell RH, Newman TB, Bernzweig J, Bergman DA, Takayama JI, Segal M, et al. Management and outcomes of care of fever in early infancy. Jama. 2004;291(10):1203-12. 20. Van den Bruel A, Thompson M, Buntinx F, et al. Clinicians' gut feeling about serious infections in children: observational study. BMJ. 2012 Sep 25;345:e6144. 21. Nijman RG, Vergouwe Y, Thompson M, et al. Clinical prediction model to aid emergency doctors managing febrile children at risk of serious bacterial infections: diagnostic study. BMJ. 2013 Apr 2;346:f1706. Tableau 1 : Diagnostic d’infection bactérienne chez 2047 nourrissons fébriles âgés de moins de 3 mois et bactéries isolées Total ≤ 30 jours > 30 jours n=1632 n=415 n=2047 (%) 21 (1) 9 12 Méningites 8 (0.5) 4 4 Bactériémie 13 (0.6) 5 8 IBI Bactérie S. agalactiae (3), E coli (2), N. meningiditis (1), S. pneumoniae (1), Gemella hemolysans (1) E. coli (8), S.pneumoniae(1), N.meningiditis (1), S. agalactiae (1), S. aureus (1),Proteus mirabillis (1) 124 (6) 22 102 115 (5.2) 20 95 4 (0.2) 1 3 H. influenzae(2), S. pneumoniae (1), Group A streptococcus (1) 3 (0.1) 1 2 Salmonella Typhimirium (3) Coqueluche 2 (0.1) 0 2 IBS présumées 234 (11.4) 59 175 Pyélonéphrites (poche) Pneumopathie 173 (8) 53 120 44 (2) 5 39 Otite moyenne aiguë Tissus mous 13 (0.6) 0 13 4 (0.2) 1 3 IBS prouvées Pyélonéphrites (sondage) Otite moyenne aiguë Gastroentérite Pas d’IB E. coli (105), Klebsielle (6), Enterococcus (4) E. coli (159), Klebsielle (6), Enterococcus (7), Citrobacter (1) 1668 (81) IBS : infection bactérienne sévère, IBI : infection bactérienne invasive, IB : infection bactérienne Tableau 2: Propriétés diagnostiques des globules blancs, de la C-reactive protéine et de la procalcitonine dans le dépistage des infections bactériennes sévères et invasives du nourrisson fébrile âgé de moins de trois mois. Étude n %IB Cut off GB Maniaci12 IBS Pro 234 IBI Olaciregui13 IBS IBS Rétro 347 IBS Rétro 1112 Rétro 456 IBI Pronour IBS IBI GB CRP 0.12 24 15 4 IBI Gajdos15 13 PCT PCT Spécificité (%) GB CRP AUC PCT GB 26 0.61 89 87 0.67 74 93 95 CRP PCT 0.76 2.5 IBI Gomez14 CRP Sensibilité (%) 2047 0.5 30 0.5 38 59 63 56 86 84 0.79 0.77 0.68 0.84 26 0.69 0.78 0.74 2 0.58 0.75 0.83 22 3 Pro 30 18.5 1 15 20 0.5 20 0.3 20 0.3 71.4 93.3 44 69 63 29 76 91 88 92.6 86 85 85 86 85 87 0.88 0.95 0.73 0.82 0.79 0.50 0.83 0.94 n: nombre de patients , Pro: Prospective; Rétro: Rétrospective; GB: Globules blancs (×1000/mm3);CRP: C-reactive protein (mg/L); PCT: Procalcitonine (ng/mL); AUC: Area under the receiver operation characteristic curve; IBS : Infection Bactérienne sévère; IBI : Infection Bactérienne Invasive Figure 1 : Nomogramme de Fagan avec les probabilités post-tests d’infection bactérienne sévère et d’infection bactérienne invasive chez le nourrisson fébrile âgé de moins de trois mois selon différents seuils de Procalcitonine et de C-Reactive Protein 0.1 99.9 0.2 0.3 0.5 0.7 1 99.8 99.7 99.5 99.3 99 0.2 0.3 0.5 0.7 1 99.8 99.7 99.5 99.3 99 98 97 95 93 90 2 3 5 7 10 2 3 5 7 10 20 30 40 50 60 70 80 90 93 95 97 98 Likelihood Ratio 1000 500 200 100 50 20 10 5 2 1 0.5 0.2 0.1 0.05 0.02 0.01 0.005 0.002 0.001 80 70 60 50 40 30 20 10 7 5 3 2 Pre-test Probability (%) 99.9 20 30 40 50 60 70 80 90 93 95 97 98 Likelihood Ratio 1000 500 200 100 50 20 10 5 2 1 0.5 0.2 0.1 0.05 0.02 0.01 0.005 0.002 0.001 98 97 95 93 90 80 70 60 50 40 30 20 10 7 5 3 2 99 99.3 99.5 99.7 99.8 1 0.7 0.5 0.3 0.2 99 99.3 99.5 99.7 99.8 1 0.7 0.5 0.3 0.2 99.9 0.1 99.9 0.1 PCT < 0.3 ng/mL PCT > 1 ng/mL CRP < 20 mg/L CRP > 40 mg/L Probabilité pré-test d’Infection Bactérienne Sévère : 18 % Probabilité pré-test d’Infection Bactérienne Invasive : 1 % IBS : Infection Bactérienne Sévère ; IBI : procalcitonine ; CRP : C-reactive protein Infection Bactérienne Invasive; PCT : Post-test Probability (%) IBI 0.1 Post-test Probability (%) Pre-test Probability (%) IBS Calendrier vaccinal du prématuré J. Gaudelus6, R. Cohen7, Y. Aujard8 Les enfants nés prématurément (avant 37 semaines d'aménorrhée (SA) : 7 à 8 % des naissances en France) et surtout les « grands prématurés » nés avant 33 SA (un prématuré sur cinq) sont des enfants à haut risque de contracter des infections dont certaines peuvent être prévenues par la vaccination. Plus de 20 % des grands prématurés seront réhospitalisés au cours de la première année, majoritairement pour les pathologies infectieuses au premier rang desquelles les infections respiratoires à virus respiratoire syncytial, Bordetella pertussis et pneumocoque (1). La vulnérabilité particulière de ces enfants résulte de leur immaturité immunitaire et de leurs faibles taux d'anticorps d'origine maternelle. Les compétences immunitaires du nouveau-né dépendent de la maturation prénatale (chaque semaine supplémentaire d'âge gestationnel voit augmenter les réponses aux antigènes). La maturation postnatale qui débute dès l’exposition aux antigènes de l'environnement se fait chez le prématuré à une vitesse comparable à celle de l'enfant à terme (2). Les anticorps d'origine maternelle sont transmis essentiellement pendant le troisième trimestre de la gestation et leur taux à la naissance dépend directement de l'âge gestationnel. Le coefficient de transfert des anticorps maternels au nouveau-né est de 0,1 entre 17 et 22 SA, autour de 0,5 entre 28 et 30 SA pour être au-dessus de 1 chez l'enfant à terme (3). I- Les prématurés ont une augmentation du risque d'infection à prévention vaccinale pour - La coqueluche (4) : la grande majorité des décès qui y sont associés surviennent chez des enfants âgés de moins de six mois et surtout de moins de trois mois, trop jeunes pour avoir initié ou complété leur vaccination comme le confirment les récentes épidémies survenues en Europe, au Canada et aux États-Unis. Dans une étude française portant sur 105 enfants hospitalisés pour coqueluche en réanimation pédiatrique, les prématurés représentaient un tiers des coqueluches malignes et un peu moins de 10 % des hospitalisations avec un taux de mortalité de 6,6 % (5). - Les infections invasives à pneumocoque. Le risque relatif est de 2,6 chez les enfants de moins de 2 500 g et 6,7 pour les enfants dont le poids de naissance est inférieur à 1 500 g. Le risque d'infections 6 Hôpitaux Universitaires Paris-Seine-Saint-Denis, service de pédiatrie, hôpital Jean Verdier, avenue du 14 juillet, 93143 Bondy cedex, France. 7 Centre hospitalier intercommunal de Créteil, 40 avenue de Verdun, 94010 Créteil cedex 8 Pôle de Périnatologie, Hôpital Robert Debré 48 Blvd Sérurier (Paris), Université Paris VII, France invasives par les sérotypes vaccinaux est pratiquement décuplé pour les enfants nés avant 32 SA:RR = 9,1 (6). - Les infections invasives à Hib (7). Comparativement à des enfants nés à terme, le risque relatif a été évalué à 1,5 (IC95 % : 0,9 à 2,6). Dans une étude menée en France de 2001 à 2006, le premier facteur de risque de méningites à Hib était la prématurité (8). - La grippe (9) même si les données disponibles sont plus limitées. Enfin le risque de contracter une rougeole ou une varicelle dans la première année de vie est plus élevé chez les enfants prématurés (10). Les prématurés ont un risque augmenté d’hospitalisation pour gastroentérite aiguë (11). Les diarrhées à rotavirus semblent à risque plus élevé de déshydratation et d’hospitalisation chez les prématurés. II- Réponses immunitaires du prématuré aux antigènes du calendrier vaccinal Les vaccins dont nous disposons en France sont utilisables chez les prématurés. Les vaccins pentavalents (diphtérie, tétanos, coqueluche, poliomyélite, Haemophilus b et le vaccin hexavalent (auquel se surajoute l’hépatite B). Toutes les études dont on dispose ont été effectuées avec trois doses en primovaccination. (12-17). Vis-à-vis de différents antigènes : Chez les prématurés de moins de 32 SA, en utilisant un vaccin pentavalent contenant un vaccin coquelucheux acellulaire avec trois doses à 2, 3 et 4 mois, on ne retrouve pas de différence entre les prématurés et les enfants nés à terme aussi bien en terme de pourcentage d’enfants séroprotégés qu’en terme de Moyenne Géométrique des taux d’anticorps (MGT) pour le tétanos et la diphtérie (12). Vis-à-vis de la poliomyélite, dans une population de 50 prématurés d’âge gestationnel de 28,5 SA après administration d’un vaccin pentavalent (Pediacel) à 2, 3 et 4 mois Slack et al (14) ont montré que tous les enfants avaient un titre ≥ 1/8 pour les sérotypes I, II et III. Il n’existait pas de différence significative par rapport aux enfants à terme. La MGT est par contre diminuée chez les prématurés de manière significative pour les anticorps antipolio 2 et 3 (15). Vaccins coquelucheux acellulaires En utilisant l’Infanrix Quinta contenant comme antigènes coquelucheux PT (toxine pertussique), FHA (hémaglutinine filamenteuse) et PRN (pertactine) à 2, 3 et 4 mois, il a été montré que la MGT est comparable pour les Ac FHA et les Ac PRN chez 130 enfants prématurés par rapport à 54 enfant nés à terme. Pour les Ac PT, il existe une diminution significative de la réponse en MGT [Prématurés : 21 (IC95 % = 18,4-23,9), enfants nés à terme : 33,4(IC95 % = 28,2-39,5) p < 0,001]. Haemophilus b. Dans une série de 107 enfants prématurés de moins de 32 SA vaccinés par Infanrix Quinta à 2, 3 et 4 mois, la réponse immunitaire mesurée par la MGT est significativement plus basse : [0,27 µg/ml (IC95 % = 0,21-0,35)] que chez les enfants à terme : 0,81µg/ml (IC95 % = 0,521,25) p < 0,001. Seuls 55 % des prématurés atteignent le taux de 0,15 µg/ml et moins d’un quart (21 %) a un niveau > 1,0 µg/ml comparativement aux enfants nés à terme chez qui 80 % atteignent le taux de 0,15 µg/ml et 46 % le taux de 1 µg/ml. p = 0,001 (16). Hépatite B. Plusieurs études ont montré que la proportion de répondeurs et les taux d’anticorps sont plus faibles chez les prématurés que chez les enfants nés à terme (18). Chez les enfants nés de mère Ag-HBs positive, il est indispensable d’administrer le vaccin dans les premières heures de vie quel que soit le poids de naissance ou l’âge gestationnel. Chez les enfants de moins de 2 000 g, cette première dose n’est pas comptée dans le programme vaccinal et ces enfants doivent recevoir trois doses supplémentaires, la première de ces trois doses étant donnée à 1 mois et la dernière avec un intervalle d’au moins six mois entre la troisième et la quatrième dose. Un contrôle sérologique un mois après la troisième ou quatrième dose suivant les cas est indispensable. Les enfants de mère Ag-HBs négative seront vaccinés en l’absence de risque particulier à partir de l’âge de 2 mois comme ceci est recommandé dans le calendrier vaccinal. Le vaccin hexavalent est utilisable dès l’âge de 2 mois. Une étude a comparé les réponses à un vaccin hexavalent administré à l’âge de 2, 4 et 6 mois de 94 prématurés (âge gestationnel moyen 31,1 ± 3,45 semaines ; poids de naissance moyen 1 420 g ± 600 g) à 92 nouveau-nés à terme (17). Bien qu’avec des taux d’Ac parfois moins élevés chez les prématurés, tous les enfants ont atteint des taux protecteurs d’Ac contre la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite (type 1, 2 et 3) après les 3 doses de primovaccination. Plus de 98,9 % des enfants des deux groupes ont développé des réponses immunes contre la coqueluche (17). Concernant l’Haemophilus b, le pourcentage d’enfants avec respectivement ≥ 0,15 µg/ml et ≥ 1 µg/ml d’Ac après la troisième dose donnée à 6 mois est respectivement de 92,5 % et 76,3 % chez les prématurés alors qu’il est de 97,8 % et de 86,5 % chez les nouveau-nés à terme. Des taux protecteurs vis-à-vis de l’hépatite B sont obtenus dans 93,4 % chez les prématurés et 95,2 % chez les enfants nés à terme. Pneumocoque Dans l’essai vaccinal ayant mis en évidence l’efficacité du vaccin heptavalent antipneumococcique conjugué, 1 756 enfants de faible poids (131 de moins de 1 500 g et 17 de moins de 1 000 g) et 4 340 enfants nés avant 38 semaines d’AG (2 971 nés à 36 semaines, 1 180 nés entre 32 et 36 semaines, et 167 nés à moins de 32 semaines d’AG) ont pu être évalués pour ce vaccin (6). Après 3 doses de vaccin les prématurés fabriquent des Ac vis à vis des sept sérotypes vaccinaux avec des taux d'Ac plus faibles en particulier pour les sérotypes les moins immunogènes mais considérés comme suffisants à la protection contre les maladies invasives à pneumocoque. Ruggeberg et al (19) ont immunisé par trois injections de vaccin pneumococcique 7 valents à 2, 3, 4 mois, 68 enfants prématurés (AG = 30 semaines) et 69 enfants nés à terme. Les prématurés avaient des taux d'Ac significativement plus faibles à deux mois (prévaccinaux, taux d'Ac maternels plus bas) et postvaccinaux à cinq mois (reflétant une réponse vaccinale moindre). Quatre semaines après la troisième dose (cinq mois), des taux d'Ac considérés comme protecteurs sont obtenus pour six des sept sérotypes. Pour le sérotype 6B, seuls 41 % des prématurés ont un taux ≥ 0,35 µg/ml. L'induction d'une mémoire immunitaire est démontrée dans ce travail, plus de 93 % des enfants atteignant alors un taux protecteur contre tous les sérotypes vaccinaux. D’autres études sont venues conforter le fait de maintenir trois doses en primovaccination pour ce vaccin chez les prématurés (20, 21). Vaccins rotavirus Les deux vaccins disponibles ont été étudiés chez le prématuré (22,23) y compris chez le grand prématuré comparativement à un placebo. Les effets indésirables, qu’ils soient graves ou non, surviennent avec une fréquence comparable dans le groupe vacciné et le groupe placebo. L’immunogénicité, évaluée par le taux de séroconversion des IgA spécifiques antirotavirus pour le vaccin vivant atténué d’origine humaine (Rotarix) après administration de la deuxième dose, est de 85,7 % (IC95 % = 79,0-90,9) dans le groupe vacciné et de 16 % (IC95 % = 8,8-25,9) dans le groupe placebo. Les MGT étaient de 202,2 U/ml (IC95 % = 153,1-267,1) dans le groupe vacciné et inférieur à 20 U/ml dans le groupe placebo. Les enfants nés à 27-30 SA avaient un taux de séroconversion et une MGT plus faibles que les enfants nés à 31-36 SA, respectivement 75,9 % (IC95 % = 56,5-89,7) et 110,2 U/ml (IC95 % = 56,1-216,5) versus 88,1 % (IC95 % = 80,9-93,4) et 234,8 U/ml (IC95 % = 173,4-318,0) (22). Pour le vaccin vivant pentavalent reassortant bovin-humain (Rotateq), l’efficacité a été évaluée après trois doses par la réduction du taux d’hospitalisation et de recours aux urgences pour gastroentérite aiguë à rotavirus qui a été de 100 % (IC95 % = 82,2-100) par rapport au groupe placebo. Toute sévérité confondue, la diminution des diarrhées à rotavirus a été de 73 % (IC95 % = -2,2-95,2) (23). BCG Le principal facteur de risque de faire une tuberculose est l'exposition au BK et tout particulièrement au domicile d'un patient bacillifère. La prématurité n'est pas en soi un facteur de risque, sauf peut-être de faire une forme grave compte tenu de l'immaturité immunitaire. Dans les pays ou la prévalence de la tuberculose est élevée, la vaccination est pratiquée dès la naissance (programme élargi de vaccination) dans la mesure ou pour être efficace le vaccin doit être administré avant tout contact avec un bacille tuberculeux. Les données publiées à propos de la vaccination BCG des prématurés concernent avant tout les réactions tuberculiniques post-BCG (2425). L’étude de Dawodu (24) ne montre pas de différence dans la positivation des réactions tuberculiniques chez 12 prématurés d’âge gestationnel inférieur à 32 semaines vaccinés à la naissance par rapport à 15 nourrissons nés à terme vaccinés dans les mêmes conditions et par rapport à 8 prématurés vaccinés 4 à 8 semaines après la naissance. Thayyil-Sudhan et al (25) ont randomisé 62 prématurés d’âge gestationnel < 35 semaines, le premier groupe a été vacciné à 34-35 et le second à 38-40 semaines d’âge postconceptionnel. La réponse immunitaire cellulaire a été évaluée par le test de Mantoux (IDR) et un test d’inhibition de la migration lymphocytaire 6 à 8 semaines après la vaccination par le BCG. Il n’a pas été observé de différence entre les deux groupes, qu’il s’agisse du taux de positivation des réactions tuberculiniques (80 % vs 80,7 %) de la positivité du test de migration lymphocytaire (86,6 % vs 90,3 %) ou de la présence d’une cicatrice du BCG (90,0 % vs 87,1 %). Grippe Peu de données existent chez les nourrissons en général et chez les prématurés en particulier. Aucune étude n’existe chez les nourrissons de moins de six mois qu'ils soient nés à terme ou prématurément. Une étude effectuée en 1992 a comparé les réponses humorales et cellulaires à un vaccin antigrippal inactivé trivalent chez 15 ex prématurés ayant une maladie pulmonaire chronique de degré variable et chez 18 nourrissons nés à terme 6 et 20 semaines après vaccination (26). Bien que l’immunité cellulaire ait été trouvée déprimée chez les enfants ayant une maladie pulmonaire chronique à un stade avancé, pratiquement tous les prématurés produisent des Ac vis-à-vis des trois souches vaccinales à un taux considéré comme suffisant à la protection. Comparativement à 40 enfants nés à terme, 40 prématurés avaient une immunogénicité comparable ou supérieure après vaccination antigrippale par un vaccin trivalent après deux doses (27). Rougeole La vaccination précoce (avant 12 mois) des nourrissons nés à terme est limitée par l'immaturité immunitaire et par la persistance des Ac maternels. La perte de protection induite par les Ac maternels est très rapide chez le prématuré du fait du faible taux d'Ac maternels transmis mais également de la diminution des taux d'Ac observée chez les femmes en âge de procréer (28). Cette rapide décroissance des Ac transmis augmente le risque d'infection. Il y a peu de données d’immunogénicité d’une vaccination rougeole précoce (avant 12 mois) chez le prématuré en dehors de situation de contage (29). L’immunogénicité de la vaccination anti rougeoleuse effectuée à l’âge de 9 mois est moindre que celle obtenue à partir de l’âge de 12 mois chez l’enfant né à terme même en l'absence d'Ac antirougeole (30). Vaccin méningococcique C conjugué Cette vaccination ne pose pas de problème particulier chez le prématuré dans la mesure où elle est recommandée à l’âge de un an. Elle est possible avant l’âge de 12 mois si nécessaire. Les seules données disponibles concernent un schéma à trois doses en primovaccination données respectivement à 2, 3 et 4 mois (14, 16, 31). La moyenne géométrique des titres d’anticorps bactéricides passe de 2,51 (IC95 % = 2,05-3,07) avant immunisation à 1245,10 (IC95 % = 745,62-2079,20) après la troisième injection (p < 0,0001), 100 % des enfants ayant un titre d’anticorps bactéricides ≥ 1,8 (14). Dans l’étude de Collins (31) comparativement à des nouveau-nés à terme, il n’existait pas de différence de pourcentage d’enfants ayant une activité bactéricide du sérum ≥ 1/8 ou une multiplication par 4 du taux des Ac après primo-vaccination. La moyenne géométrique des titres d’Ac était moindre chez les prématurés mais la différence n’était pas significative (p = 0,07). La persistance des Ac à 12 mois mesurée par l’activité bactéricide du sérum était comparable à celle obtenue chez les nouveau-nés à terme. Lorsque les enfants sont vaccinés avant 12 mois, un rappel est indispensable dans la deuxième année. III- Tolérance des vaccins chez le prématuré La réactogénicité locale (douleur, gonflement) et systémique (fièvre, irritabilité) a beaucoup diminué depuis l’utilisation de vaccins acellulaires contre la coqueluche. Diverses études ont montré que les prématurés de moins de 33 semaines (ou d’un poids inférieur à 1 500 g) pouvaient présenter lors de la vaccination une recrudescence d’apnées, de bradycardies et/ou de désaturation, en particulier chez les enfants suffisamment instables pour nécessiter encore une hospitalisation à 60 jours de vie. Les facteurs de risque sont maintenant bien identifiés : le faible âge gestationnel, l’instabilité clinique et la présence d’apnées avant la vaccination (32). Les propositions admises au niveau international sont donc de vacciner sous monitoring cardiorespiratoire pendant 48 heures les enfants prématurés de moins de 33 SA et/ou d’un poids inférieur à 1 500 g et qui sont encore hospitalisés. Tout doit être fait, dans la mesure du possible, pour initier les vaccinations de ces enfants avant leur retour à domicile. Si, lors de cette première injection, l’enfant a présenté une apnée, bradycardie et/ou désaturation, la seconde dose sera faite en milieu hospitalier et sous monitoring compte tenu du risque de récidive évalué autour de 20 % dans l’expérience suisse (33). Si par contre, il n’y a pas eu d’effet indésirable lors de la première injection, la seconde injection peut être faite en ambulatoire sans précaution particulière. Les enfants suffisamment stables pour être déjà à domicile ne nécessitent sauf cas particulier aucune précaution particulière (33). IV- Vaccination de l’entourage La protection des enfants nés prématurément pendant les premiers mois de vie repose en grande partie sur la prévention des contages. Au-delà des règles d’hygiène de base, certaines vaccinations des parents, des grands-parents, de la fratrie ainsi que des personnels ayant l’enfant en garde, effectuées avant ou juste après la naissance permettent de diminuer considérablement le risque d’exposition. Il est donc nécessaire de vérifier et si besoin de mettre à jour les vaccinations de l’entourage particulièrement pour la coqueluche : vaccination de rappel des parents d’enfants nés prématurément dont la dernière dose de vaccin coquelucheux date de plus de cinq ans et mise à jour des vaccins des grands-parents, des frères et des sœurs. Ces vaccinations peuvent être proposées dans le service durant l’hospitalisation. La ou les personnes ayant la garde de l’enfant, comme le personnel de santé qui s’occupe de ces enfants doivent également bénéficier d’une mise à jour régulière de leurs vaccins. Les jeunes enfants sont également la source principale de contagion par les bactéries encapsulées (Hib, Pneumocoque). Les enfants de la fratrie de moins de 2 ans doivent être à jour de leur vaccination contre le pneumocoque et ceux de moins de 5 ans être à jour de leur vaccination contre l’Haemophilus Influenzae b. Tout l’entourage de l’enfant né prématurément doit être vacciné contre la grippe pendant les deux premiers hivers. Enfin les risques d’exposition à la rougeole justifient d’appliquer les recommandations de rattrapage à l’entourage : Pour la rougeole, tous les sujets nés depuis 1980 doivent avoir reçu deux doses de vaccin triple Rougeole Rubéole Oreillons. V- Commentaires Compte tenu des connaissances acquises sur la maturation postnatale du système immunitaire des enfants prématurés, ces enfants doivent être vaccinés dès l’âge de deux mois (à deux mois d’âge chronologique) par les mêmes vaccins et avec les mêmes doses que les enfants nés à terme. Les données d’immunogénicité des vaccins sont peu nombreuses dans la littérature et le nombre d’enfants inclus dans les études est, compte tenu de la population étudiée, faible. Les enfants les plus à risque sont les grands prématurés (< 33 SA) qu’il est nécessaire de protéger au mieux. La quasi-totalité des études comparant l’immunogénicité des vaccins chez les grands prématurés et chez les enfants nés à terme a été réalisée avec des schémas de primovaccination en trois injections. Ces schémas permettent d’obtenir pour la plupart des valences et pour la majorité des patients une immunité considérée comme protectrice. Pour les valences comme Tétanos, Diphtérie et Polio, le pourcentage d’enfants ayant des taux protecteurs après la troisième injection est comparable à ceux obtenus chez les enfants nés à terme. Par contre les données concernant les MGT sont soit inférieures à celles obtenues chez les nouveau-nés à terme, soit comparables, mais les effectifs sont insuffisants pour démontrer une non infériorité. Pour d’autres valences (Coqueluche, pneumocoque, Hib, Hépatite B) quels que soient les critères retenus, l’immunogénicité est nettement moins bonne, ce qui fait craindre que le passage à deux doses ne permette pas d’une part de protéger suffisamment à court terme ces prématurés et d’autre part laisse craindre une moins bonne réponse immunitaire après le rappel à 11 mois. De plus, la majorité de ces enfants devant être vaccinés avant la sortie de l’hôpital, nombre d’entre eux seront vaccinés plus tôt, dès six semaines. Un des arguments avancés par les tenants du schéma simplifié à deux doses y compris chez le prématuré est que les bonnes couvertures vaccinales du reste de la population (et notamment celle des nourrissons) contribuent à la protection de ces enfants insuffisamment immunisés. Cette immunité de groupe est majeure pour certaines maladies comme les infections invasives à Hib et différents sérotypes de pneumocoque contenus dans les vaccins pneumococciques conjugués. Cet effet est cependant moins marqué pour la coqueluche pour laquelle malgré les bonnes couvertures vaccinales et les recommandations concernant les adultes dont le cocooning, de nombreux cas de coqueluche surviennent encore chez de très jeunes nourrissons, les plus à risque. Même si la vaccination contre la coqueluche était proposée aux femmes enceintes, les grands prématurés n’en bénéficieraient que partiellement du fait du faible passage d’anticorps maternels. Par ailleurs, pour le pneumocoque dans l’observatoire GPIP-ACTIV, la majorité des méningites de sérotype 7F après l’implémentation du Prévenar 13 est survenue chez des enfants de moins de 3 mois non vaccinés. Enfin, dans un pays ou la perte de confiance vis-à-vis des vaccins gagne du terrain d’années en années, il paraît imprudent de fonder la protection des prématurés principalement sur l’immunité de groupe. L’ensemble de ces éléments nous paraît justifier le maintien d’une primovaccination en trois doses chez les prématurés de moins de 33 SA. Ce calendrier n’entraînera pas de visite supplémentaire puisque de toute façon ces enfants ont une primovaccination en trois doses pour le pneumocoque respectivement à 2, 3 et 4 mois. Les risques d’apnées et/ou de bradycardie et/ou de désaturation font recommander la première vaccination à l’âge de 2 mois sous monitoring cardio-respiratoire pendant 48 heures avant la sortie de l’hôpital. Cette date peut être avancée à six semaines pour les enfants qui peuvent sortir avant l’âge de 2 mois, la seconde dose sera alors faite à l’âge de 3 mois et la troisième à l’âge de 4 mois. Concernant la rougeole, la moindre immunogénicité de la vaccination antirougeoleuse effectuée à l'âge de 9 mois par rapport à ce qu'elle est à partir de l'âge de 12 mois chez les enfants nés à terme a fait maintenir la recommandation de faire la première dose de vaccin triple à 12 mois dans le nouveau calendrier vaccinal (30). Sauf cas particulier (voyage en pays d'endémie, contact avec un rougeoleux) il n'y a pas lieu de modifier les recommandations chez les prématurés par rapport à ce qu'elles sont chez le nouveau-né à terme. Si on doit vacciner avant 12 mois, le vaccin monovalent doit être utilisé qu'il faudra compléter après 12 mois par deux injections de vaccin triple Rougeole Rubéole Oreillons à au moins un mois d’intervalle (34). Le BCG sera effectué aux enfants nés prématurément avec les mêmes indications que pour les enfants nés à terme, c'est-à-dire s’il existe un risque d’exposition au BK, et sera effectué avant le retour à domicile de l'enfant. Le vaccin rotavirus peut être débuté dès six semaines d’âge chronologique (35). Le vaccin contre la grippe est recommandé pour les prématurés atteints d’une maladie pulmonaire chronique (bronchodysplasie pulmonaire) à partir de l’âge de 6 mois puis chaque année en automne au moins pendant les deux premières années. La vaccination comporte lors de la première vaccination deux injections d’une demi-dose de vaccin à un mois d’intervalle puis une seule demi-dose l’année suivante. Le vaccin conjugué contre le méningocoque C sera proposé (sauf cas particulier) à 12 mois comme pour les enfants nés à terme. Le calendrier vaccinal du prématuré de moins de 33 semaines d’âge gestationnel est présenté dans le tableau 1. Conclusion Les prématurés nés avant 33 semaines d’âge gestationnel justifient le maintien d’une primovaccination par trois injections respectivement à 2, 3 et 4 mois d’âge chronologique non seulement pour le vaccin pneumococcique conjugué mais aussi pour les vaccins combinés hexavalents ou pentavalents. Comme chez les enfants nés à terme, l’âge du rappel du vaccin hexa ou pentavalent et du vaccin pneumococcique conjugué est de 11 mois. La première dose du vaccin triple Rougeole Rubéole Oreillons et le vaccin méningococcique C conjugué sont effectués à 12 mois. Il faut y ajouter, à partir de l’âge de 6 mois, le vaccin antigrippal chez ceux qui présentent une maladie pulmonaire chronique. Les risques d’apnées et/ou de bradycardie et/ou de désaturation font recommander la première vaccination sous monitoring cardio-respiratoire pendant 48 heures avant la sortie de l’hôpital. Cette date peut être avancée à 6 semaines. Les doses suivantes peuvent être administrées sans précaution particulière à tous ceux n’ayant pas posé de problème lors de la première vaccination et pour ceux suffisamment stables pour être déjà à domicile à l’âge de 60 jours. La vaccination de l’entourage doit être vérifiée et mise à jour. Conflit d’intérêt J Gaudelus R Cohen Y Aujard Ne déclarent aucun conflit d’intérêt en relation avec ce travail Tableau 1 Calendrier vaccinal des grands prématurés < 33 SA 2 mois, 3 mois, 4 mois, 11 mois Hexavalent de préférence ou Pentavalent. Vaccin pneumococcique conjugué 13 valent. A partir de 6 mois Grippe 2 injections à un mois d’intervalle. A 12 mois Rougeole Oreillons Rubéole n°1 et Méningocoque C conjugué. BCG avant la sortie chez les enfants à risque. Vaccin rotavirus : 2, 3 si vaccin monovalent 2, 3, 4 si vaccin recombinant reassortant pentavalent. Dès la deuxième année, le calendrier vaccinal est le même que celui des enfants nés à terme. Références : 1- Underwood MA, Danielsen B, Gilbert WM. Cost, causes and rates of rehospitalization of preterm infants. J of Perinat. 2007;27:614-9. 2- Bonhoeffer J, Siegrist C-A, Heath PT. Immunisation of premature infants. Arch Dis Child, 2006;91:929-35. 3- Van den Berg JP, Westerbeek AM, Berbers GAM, Van Gageldonk PGM, Van Derkliss FRM, Van Elburg RM Transplacental transport of IgG antibodies specific for pertussis, diphtheria, tetanus, Haemophilus influenzae type b and Neisseria meningitidis serogroup C in preterm compared with term infants. Ped Inf Dis J 2010;9:801-5. 4- Langkamp DL, Davis JP. Increased risk of reported pertussis and hospitalization associated with pertussis in low birth weight children. J Pediatr 1996;128,654-9. 5- Guillois B. Aspects épidémiologiques et cliniques des coqueluches graves hospitalisées en reanimation de 1990 à 1994. Med Mal Infect 1995;25(S3) :1272-80. 6- Shinefield H, Black S, Ray p, Fireman B, Schwalbe J, Lewis E ; Efficacy, immunogenicity and safety of heptavalent pneumococcal conjugate vaccine in low birth weight and preterm infants. Pediatr Infect Dis j 2002;21,182-186. 7- Heath PT, Booy R, McVernon J, Bowen-Morris J, Griffiths H, Slack MP et al. Hib vaccination in infants born prematurely. Arch Dis Child. 2003;88:206-10 8- Pop-Jora D. Surveillance des meningites à Haemophilus Influenzae de l’enfant en France, 20012006. Arch Pediatr 2008 ;15, (S148-53). 9- Harper SA, Fukuda K, Uyeki TM, Cox NJ, Bridges CB. Prevention and control of influenza. Recommendations of the Advisory Committee on Immunization Practices (ACIP). MMWR Recomm Rep. 2005 ;54(RR-8):1-40. 10- Leineweber B, Grote V, Schaad U.B., Heininger U. Transplacentally acquired immunoglobulin G antibodies against measles, mumps, rubella and varicella – zoster virus in preterm and full term newborns. Pediatr Infect Dis J 2004;23:361-3 11- Newman RD, Grupp-Phelan J, Shayd K et al. Perinatal risk factors for infant hospitalization with viral gastroenteritis. Pediatrics 1999;103, E3. 12- Slack MH, Schapira D, Thwaites RJ, Schapira C, Bamber J, Burrage M et al. Acellular pertussis vaccine given by accelerated schedule. Response of preterm infants. Arch Dis Child Fetal Neonatal Ed. 2004;89:57-60. 13- Vazquez L, Garcia F, Rüttimann R, Coconier G, Jacquet JM, Schuerman L. Immunogenicity and reactogenicity of DTPa-HBV-IPV/Hib vaccine as primary and booster vaccination in low-birthweight premature infants. Acta Paediatr. 2008;97:1243-9. 14- Slack MH Cade S, Schapira D, Thwaites RJ, Crowley-Luke A, Southern J et al. DT5aP-Hib-IPV and MCC vaccines: preterm infants' response to accelerated immunisation. Arch Dis Child. 2005;90:338-41. 15- Baxter D. Vaccine responsiveness in premature infants. Human Vaccines 2010;6,506-11 16- Slack HM, Schapira D, Thwaites R , Burrage M, Southern J, Andrews N et al. Immune response of premature infants to meningococcal serogroup C and combined diphteria-tetanus toxoids, acellular pertussis, Haemophilus influenzae type b conjugate vaccine. J Infect Dis 2001;184,161720. 17- Omeñaca F, Garcia-Sicilia J, García-Corbeira P, Boceta R, Romero A, Lopez G et al. Response of preterm newborns to immunization with a hexavalent diphtheria-tetanus-acellular pertussishepatitis B virus-inactivated polio and Haemophilus influenzae type b vaccine: first experiences and solutions to a serious and sensitive issue. Pediatrics. 2005;116: 1292-8. 18- Blondheim O, Bader D, Abend M, Peniakow M, Reich D, Potesman I et al. Immunogenicity of hepatitis B vaccine in preterm infants. Arch Dis Child Fetal ed 1998;79 : 206-8. 19- Ruggeberg JU, Collins C, Clarke P, Johnson N, Sinha R, Everest N et al. Immunogenicity and induction of immunological memory of the heptavalent pneumococcal conjugate vaccine in preterm UK infants. Vaccine. 2007;25: 264-71. 20- Moss SJ, Fenton AC, Toomey JA, Grainger AJ, Smith J, Gennery AR. Responses to a conjugate pneumococcal vaccine in preterm infants immunized at 2, 3, and 4 months of age. Clin Vaccine Immunol. 2010;17: 1810-6. 21- D'Angio CT, Heyne RJ, O'Shea TM, Schelonka RL, Shankaran S, Duara S et al. Heptavalent pneumococcal conjugate vaccine immunogenicity in very low birth weight, premature infants. Pediatr Infect Dis J 2010;29: 600-6. 22- Omenaca F, Sarlangue J, Szenborn L, Nogueira M, Suryakiran PV, Smolenov IV, Han HH and ROTA-54 Study Group. Safety, reactogenicity and immunogenicity of the human rotavirus vaccine in preterm European Infants : a randomized phase IIIb study. Pediatr Infect Dis J. 2012;31: 487-93. 23- Goveia MG, Rodriguez ZM, Dallas MJ, Itzier RF, Boslego JW, Heaton PM, DiNubile MJ, Rest study team. Safety and efficacy of the pentavalent human-bovine (WC3) reassortant rotavirus vaccine in healthy premature infants. Pediatr Infect Dis J 2007;26: 1099-104. 24- Dawodu AH. Tuberculin conversion following BCG vaccination in preterm infants. Acta Paediatr Scand 1985;74: 504-7. 25- Thayyil-Sudhan S, Kumar A, Singh M, Paul VK, Deorari AK Safety and effectiveness of BCG vaccination in preterm babies. Arch Dis Child Fetal Neonatal Ed 1999;81(1):F64-6 26- Groothuis JR, Levin MJ, Leh MV, Weston JA, Hayward AR. Immune response to split-product influenza vaccine in preterm and full term young children. Vaccine 1992;10 : 221-5. 27- D'Angio CT, Heyne RJ, Duara S, Holmes LC, O'Shea TM, Wang H et al. Immunogenicity of trivalent influenza vaccine in extremely low birth weight, premature versus term infants. Pediatr Infect Dis J. 2011;30: 570-4. 28- Pinquier D, Gagneur A, Aubert M, Brissaud O, Gras Le Guen C, Hau-Rainsard I et al. Distribution of serum measles-Neutralizing antibodies according to age in women of childbearing age in France in 2005-206. Impact of routine immunization. Pediatr Infect Dis J 2007;26: 749-50. 29- Ichikawa T, Tsuji A, Fujino M et al. Effect of early measles vaccination (AIK-C strain) for preterm infants. Pediatr Int 2013, S5: 163-8. 30- Le Calendrier des vaccinations et les recommandations vaccinales 2013 selon l’avis du Haut Conseil de la Santé Publique. Bull Epidemiol Hebd n°14-15 du 19 avril 2013;pp129-158. 31- Collins CL, Ruggeberg JU, Balfour G et al. Immunogenicity and immunologic memory of meningococcal C conjugate vaccine in premature infants. Pediatr Infect Dis J 2005;24, 966-8. 32- Klein NP, Massolo ML, Greene J et al. Risk factors for developping apnea after immunization in the neonatal intensive care unit. Pediatrics 2008;121, 463-9. 33- Office federal de la santé publique. Commission fédérale pour les vaccinations. Société suisse de néonatalogie. Société suisse de pédiatrie. Vaccination des enfants nés prématurément. Directives et recommandations. Berne : office fédéral de la santé publique.2009. http://www.bag.admin.ch/themen/medizin/00682/00684/02535/index.html?lang=fr. 34- Haut Conseil de la Santé Publique. Avis relatif à la vaccination contre la rougeole avant l’âge de 12 mois du 28 juin 2013. www.hcsp.fr/explore.cgi/avisrapportsdomaine?clefr=362 35- Dommergues M-A, Gaudelus J, Weil-Olivier C et al. La vaccination rotavirus en 2012. Position du groupe de Pathologie Infectieuse Pédiatrique (GPIP) et de l’Association Française de Pédiatrie Ambulatoire (AFPA). Arch Pediatr 2012;19:Suppl 3, S150-7. Génétique des épilepsies néonatales Mathieu Milh 1,2 1. Service de Neurologie Pédiatrique, Hôpital de la Timone-Enfants 264 Rue saint Pierre Marseille. 2. INSERM U910 Mathieu MILH Tél : 04 91 38 68 07 Fax : 04 91 38 68 09 Mail : [email protected] Introduction On entend par « crise néonatale » une crise d’épilepsie, quels qu’en soient les symptômes, survenant au cours du premier mois de vie. La survenue de crises d’épilepsie dans la période néonatale est relativement fréquente (2 à 3/1000 naissances), d’autant plus fréquente dans les centres tertiaires. Le terme « épilepsie néonatale » sous entend que les causes occasionnelles de crises ont été écartées, ainsi que les maladies générales, métaboliques ou neurologiques se révélant pas des crises épileptiques, mais associées à d’autres désordres évidents. Les épilepsies néonatales sont donc beaucoup plus rares que les crises néonatales, car la proportion de crises symptomatiques d’autres maladies est importante à cet âge. Dans cet exposé, ne seront traitées que les épilepsies néonatales génétiques au sens de la classification actuelle de la ligue internationale contre l’épilepsie, c’est à dire dont l’anomalie génétique, connue ou suspectée, est directement en cause dans les symptômes. Les épilepsies en rapport avec une anomalies structurale du cerveau, acquise ou constitutionnelle (polymicrogyrie, lissencéphalie, porencéphalie), ne seront donc pas traitées ici. Le diagnostic d’épilepsie néonatale probablement génétique ne peut se faire qu’après avoir éliminé une cause acquise, une cause métabolique et une cause malformative évidente. Une fois le diagnostic d’épilepsie néonatale posé, le mode de début, l’analyse de l’examen clinique, des crises, de l’EEG critique et intercritique, sont autant d’éléments qui permettent parfois d’orienter la démarche étiologique. 1.1 Diagnostic Tout type de crise peut-être observé, à l’exception des crises généralisées tonico-cloniques qui n’existent pas à cet âge. Le plus souvent, il s’agit de crises motrices : contractions toniques, myoclonies massives ou erratiques, clonies uni ou bilatérales. Mais on peut observer également des phénomènes végétatifs, des occuloclonies, des modifications du rythme respiratoire, de la coloration…Les crises peu ou pas symptomatiques sont très fréquentes chez les nouveaux-nés et il est toujours intéressant de faire des enregistrement EEG couplés à la vidéo. L’étude de l’activité EEG en intercritique est également utile. La normalité de l’EEG intercritique initial ne permet pas d’éliminer une épilepsie néonatale, même sévère. Le tracé EEG intercritique peut montrer : - Un tracé de type « suppression-burst », avec des bouffées d’activité synchrones, faites de pointes et de polypopintes, entrecoupées de périodes de silence électrique. - Un tracé du suppression-burst atypique, avec des périodes de silence asynchrones, ou de simples périodes d’aplatissement des tracés. - Des pointes multififocales, plus ou moins synchrones, sur un tracé continu. - Un tracé trop lent, sans anomalie paroxystique, - Il peut être normal. L’association de crises néonatales et d’un tracé EEG durablement anormal et paroxystique doit faire évoquer le diagnostic d’encéphalopathies épileptiques précoces, où la succession des crises et/ou les anomalies EEG intercritiques sont sensées impacter négativement, et durablement, le développement neurologique. Le terme d’encéphalopathie épileptique est cependant discuté car aucune étude n’a pu montrer que les crises et/ou l’EEG avaient, par eux-même, un impact négatif sur le développement. En revanche, la cause de l’épilepsie semble être un facteur déterminant pour le pronostic. Même en phase aigue, il est parfois difficile de faire la part des choses entre l’impact des crises, de la cause sous-jacente et celui du traitement, sur l’état neurologique de l’enfant, et en particulier les troubles de la conscience entre les crises, qui sont finalement peu fréquents dans les épilepsies néonatales, et souvent liès aux traitement quand ils sont présents. Actuellement, près d’une quinzaine de gènes ont été impliqués dans les épilepsies néonatales. Les outils de dernière génération ont permis de trouver une explication moléculaire pour plus de la moitié des patients, lorsqu’ils sont utilisés. Cependant actuellement, ses outils ne sont pas disponibles dans tous les centres, et une approche rationnelle de l’exploration de ces épilepsies reste utile, basée sur l’analyse des crises, de l’EEG intercritique, de l’examen neurologique, de l’anamnèse familiale et personnelle. C’est la démarche « syndromqiue » 1.2 Démarche syndromique La classification internationale reconnaît 4 syndromes épileptiques, dont 1 bénin, pouvant débuter dans cette période : le syndrome d’Ohtahara, l’épilepsie myoclonique précoce ou syndrome d’Aicardi, et l’épilepsie avec crises partielles migrantes et les crises néonatales familiales bénignes. 1.2 1 Epilepsies néonatales bénignes Il s’agit de formes d’épilepsie qui sont transitoires, de rémission spontanée en quelques jours à quelques semaines, et qui sont associées à un pronostic favorable. Les crises peuvent être très nombreuses initialement, évoluant sous forme d’un orage dont l’intensité est proche de celle des formes sévères (1). Les crises sont souvent motrices, toniques asymétriques, parfois cyanosantes. Généralement, l’EEG intercritique est normal ou montre simplement des anomalies discrètes. L’orage de crises est plus ou moins sensible au traitement mais fini dans tous les cas par s’arrêter. Le diagnostic est facile dans les formes familiales, car un des parents décrit des crises en période néonatale. Dans les formes sporadiques, le diagnostic est souvent fait a posteriori, quand les crises cessent, avec un examen neurologique restant rassurant. En 1998, les déterminants génétiques des formes bénignes ont été décrits ; il s’agit de KCNQ2 et KCNQ3 (2). 1.3.1 Syndrome d’Ohtahara Le syndrome d’Ohtahara est une forme d’EEP définie par l’association : - De crises essentiellement motrices : sursauts, spasmes, crises toniques asymétriques, clonies… - D’un EEG de type « suppression-burst », avec des périodes de silence plus brèves que les bursts en moyenne. Ce type de tracé est observable plusieurs jours de suite, en moyenne de 15 jours à plusieurs mois (3). Dans environ 50% des cas, ce syndrome est en rapport avec une anomalie structurale du SNC, dans le reste des cas, il est d’origine génétique. Actuellement, deux gènes majeurs sont retrouvés mutés dans plus de 50% des syndromes d’Ohatahra, il s’agit de STBP1 et de KCNQ2. - MUNC18-1/STXBP1 est un gène codant pour une protéine qui joue un rôle majeur dans la libération vésiculaire de neurotransmetteurs dépendant du complexe SNARE. Des anomalies de ce gène ont été initialement décrites chez 5 patients porteurs d’un syndrome d’Ohatahara sporadique. L’épilepsie débutait entre 10 jours et 3 mois et l’évolution était sévère, avec une totale absence de développement neurologique chez tous les patients. Quatre patients étaient porteurs de mutations ponctuelles et un patient d’une délétion de tout le gène(4). D’autres études ont confirmé le caractère fréquent des anomalies de STXBP1 dans les cas de syndrome d’Ohtahara (5,6). Parmi les patients porteurs d’un syndrome d’Ohtahara, ceux qui avaient une mutation de STXBP1 avaient également des mouvements anormaux très fréquents. Au cours de l’évolution, l’épilepsie devenait moins sévère, voire disparaissait, ainsi que les anomalies EEG, mais tous les enfants gardaient un trouble sévère du développement. Dans notre expériences, des anomalies de STXBP1 sont retrouvées dans environ 20% des patients ayant une épilepsie néonatale (début avant 1 mois), avec orage de crises focales, sursauts et mouvments anormaux, tracé EEG suppression-burst ou discontinu. Le pronostic neurologique est sévère, moins de la moitié des enfants marchent, aucun n’acquière un langage riche et le retard mental est constant. L’examen retrouve une croissance du PC conservée, des mouvements anormaux fréquents et une certaine forme d’ataxie (Di Meglio en préparation). - KCNQ2 est un gène codant pour une sous-unité d’un canal potassique responsable d’un courant nommé Im. C’est le gène le plus fréquemment retrouvé anormal dans les syndromes d’Ohatahara (Près de 50% dans notre expérience). Typiquement, le début est très précoce, au cours de la 1ere semaine de vie. Il s’agit d’un orage de crises toniques asymétriques, ou cloniques, qui nécessitent souvent une hospitalisation en réanimation compte tenu de leur très grande fréquence. L’EEG est soit discontinu, soit de type SB (7). Le GARDENAL est inefficace. Les bloqueurs sodiques pourraient avoir une meilleure efficacité. Par la suite, l’évolution est plus imprévisible que pour STXBP1 : en terme de crises, 50% ont une rémission rapide et 50% une épilepsie persistante, mais le plupart du temps sous forme d crises rares. En terme de développement, 50% acquièrent la marche , mais dans notre série, un seul patient à une efficience cognitive dans la norme (8). Le PC reste normal. Ces deux gène peuvent être responsables de tableaux très priches, mais il existe tout de même quelques différences. Les OS en rapport avec STXBP1 peuvent débuter sur une période plus prolongée, les crises sont généralement mieux tolérées, focales plus prolongées mais sans cyanose, le tracé EEG intercritique est plus rapidement continu. Inversement, les OS en rapport avec KCNQ2 sont explosifs, très précoces, avec des crises toniques cyanosantes très résistantes. UN même gène, KCNQ2, peut donc être associé à des formes bénignes et à des formes très sévères d’épilepsie. A ce jour, les mutations décrits dans les formes bénignes et les formes sévères ont toujours été différentes. Ceci tendrait à montrer que les mutations « bénignes « et les mutations « sévères » ont des conséquences différentes sur le fonctionnement neuronal. D’autres gènes oint été retrouvé mutés, de manière beaucoup plus rare dans les OS : - SCN2A. Comme KCNQ2, ce gène a tout d’abord été décrit dans des formes d’épilepsie bénigne. (Epilepsies familiales néonatales-infantiles bénignes). Certaines mutations peuvent être responsables d’un tableau de OS (9). Le pronostic neurologique est alors assez sombre. Ce gène est impliqué dans moins de 10% des OS. - ARX : il s’agit d’un gène situé sur le chromosome X impliqué dans divers tableaux neurologiques : retard mental, épilepsie, malformations cérébrales… En 2007, une expansion de novo de polyalanines dans la séquence codante du gène ARX a été retrouvée chez deux garçons non apparentés présentant une EEP (Kato et al. 2007). Il s’agissait de deux garçons issus de deux familles non consanguines. L’épilepsie a débuté très précocement, au cours de la première semaine de vie dans les deux cas. Le tracé intercritique montrait un aspect de suppression-burst. L’IRM cérébrale retrouvait des anomalies minimes (corps calleux hypoplasique et anomalies de signal aspécifiques de la substance blanche). Les deux patients ont évolué vers un tableau d’encéphalopathie sévère avec épilepsie intraitable. L’EEG est devenu hypsarythmique, avec des anomalies continues, polymorphes et généralisées, à partir de l’âge de trois mois (10). - GC1 : Il s’agit d’un gène autosomique codant pour un transporteur mitochondrial du glutamate. Ce gène a été initialement rapporté comme anormal chez 2 patients apparentés issue d’une famille consanguine porteurs d’une EEP (11). Deux autres cas ont été rapportés depuis (12). Il s’agissait de patients consanguins microcéphales ayant également une rétinite pigmentaire. - SRGAP2 : Un patient a récemment été décrit avec une délétion de ce gène. Il avait une épilepsie et un EEG compatibles avec le diagnostic de syndrome d’Ohtahara (13). Ces gènes expliquent environ 70% des syndromes d’Ohtahara. L’ensemble des modes de transmission sont possibles, rendant le conseil génétique reservé en l’absence de cause retrouvée. 1.2.3 L’épilepsie myoclonique précoce Il s’agit d’une forme très rare d’épilepsie. Les crises sont essentiellement constituées par des myoclonies erratiques incessantes. Il existe parfois des myoclonies massives, mais pas de spasmes épileptiques. L’EEG est pauvre, de type suppression-burst, mais avec des périodes de silence plus longues que les bursts en moyenne. La corrélation entre activité EEG et myoclonies n’est pas claire. Aucune anomalie génétique n’a été retrouvée ce jour. L’IRM cérébrale ne retrouve jamais d’anomalie structurale initialement. Les cas familiaux sont plus fréquents. 1.2.4 L’épilepsie avec crises partielles migrantes Ce syndrome épileptique rare, décrit pour la première fois en 1995 est une encéphalopathie épileptique débutant toujours avant 6 mois, mais souvent avant trois mois et évoluant vers des crises partielles subcontinues qui migrent d’une région à l’autre du cortex associées à une détérioration psychomotrice majeure (14). L’âge de début varie entre la première semaine de vie et 7 mois avec un âge moyen de 3 mois. Les crises peuvent être peu fréquentes au début, puis leur fréquence augmente avec le temps. Elles se caractérisent par des manifestations essentiellement non motrices, neurovégétatives, oculaires… avec une participation motrice secondaire chez la moitié des patients au cours de l’évolution. L’observation clinique et vidéo-EEG met en évidence des manifestations cliniques variées rendant compte des différentes régions impliquées par les décharges critiques successives : déviation latérale de la tête et des yeux, secousses latérales yeux, regard fixe, secousses cloniques des paupières, hypertonie ou clonies d’un membre ou d’un hémicorps, mâchonnement, apnées, érythrose faciale, cyanose, salivation. Les décharges critiques sont caractérisées par une activité thêta rythmique commençant dans une région s’étendant progressivement aux régions voisines tout en diminuant de fréquence. Les crises successives peuvent se superposer, une crise débutant avant la fin de la précédente. A la phase d’état, qui intervient quelques semaines après les premières crises, il en résulte une activité critique continue et migrante, réalisant un aspect complexe d’état de mal épileptique. Les décharges critiques sont plus ou moins corrélées avec la sémiologie clinique. Les crises partielles durent plusieurs minutes et sont plus longues que les crises partielles habituelles du nourrisson. L’examen neurologique est caractérisé par une quasi-absence d’acquisition. L’IRM cérébrale ne met pas en évidence de malformation corticale. L’évolution est marquée par une microcéphalie acquise. L’épilepsie est pharmacorésistante : les anti-épileptiques et les corticoïdes sont inefficaces. Certains enfants meurent avant la fin de la première année de vie de crises particulièrement fréquentes et de détresse respiratoire. Récemment, le gène majeur de cette maladie a été mis en évidence, il s’agit de KCNT1, qui code pour une sous-unité d’un canal potassique impliqué dans le maintient du potentiel de repos des neurones (15). D’autres gènes ont été décrits : SCN1A, GC1, PLP1, TBC1D24 . 1.2.5 Epilepsies néonatales inclassables. La majorité des épilepsies néonatales n’entrent pas dans une description syndromique précise. Dans ce cas, il est très difficile de proposer une stratégie d’exploration génétique et l’utilisation de panels de gènes semble être la meilleure approche. En juin 2014, 18 gènes impliqués dans les épilepsies néonatales ont été décrits. Les deux plus fréquents étant CDKL5 et STXBP1 (16). Conclusion L’arrivée d’outil génétique de dernière génération, permettant d’explorer de très nombreux gènes en même temps, a permis de progresser de manière extraordinaire dans la connaissance des déterminants génétique des épilepsies néonatales. Bientôt, ces outils seront utilisés en diagnostic de routine et permettront probablement de trouver la cause de l’épilepsie dans plus de la moitié des cas. Cependant, ses outils nécessitent également une expertise clinique, pour que la mutation mise en évidence soit validée comme étant responsable de l’ensemble des symptômes présents par le patient. Dans ce cadre, l’exploration phénotypique précise des nouveaux-nés, la description des crises, l’analyse de l’EEG critique et intercritqiue, les éléments d’anamnèse personnelle et familiale, auront toujours un rôle majeur. Cette démarche syndromique, débutée bien avant l’air de la génétique, à d’ailleurs été validée par la génétique. EN effet, reconnaître un syndrome d’Ohathara ou un syndrome des crises partielles migrantes du nourrisson permet de faire rapidement le diagnostic dans près de ¾ des cas. 1. Kaminska A, MOURDIE J, BARNERIAS C, BAHIBUISSON N, PLOUIN P, Huon C. Conduite à tenir en cas de « convulsions » néonatales. Archives de Pédiatrie. 2007 Sep;14(9):1137–51. 2. Biervert C, Schroeder BC, Kubisch C, Berkovic SF, Propping P, Jentsch TJ, et al. A potassium channel mutation in neonatal human epilepsy. Science. 1998 Jan 16;279(5349):403–6. 3. Ohtahara S, Yamatogi Y. Ohtahara syndrome: with special reference to its developmental aspects for differentiating from early myoclonic encephalopathy. Epilepsy Research. 2006 Aug;70 Suppl 1:S58–67. 4. Saitsu H, Kato M, Mizuguchi T, Hamada K, Osaka H, Tohyama J, et al. De novo mutations in the gene encoding STXBP1 (MUNC18-1) cause early infantile epileptic encephalopathy. Nat Genet. 2008 May 11;40(6):782–8. 5. milh M, Villeneuve N, Chouchane M, Kaminska A, Laroche C, Barthez MA, et al. Epileptic and nonepileptic features in patients with early onset epileptic encephalopathy and STXBP1 mutations. Epilepsia. 2011 Oct;52(10):1828–34. 6. Saitsu H, Kato M, Okada I, Orii KE, Higuchi T, Hoshino H, et al. STXBP1 mutations in early infantile epileptic encephalopathy with suppression-burst pattern. Epilepsia. 2010 Dec;51(12):2397–405. 7. Weckhuysen S, Mandelstam S, Suls A, Audenaert D, Deconinck T, Claes LRF, et al. KCNQ2 encephalopathy: emerging phenotype of a neonatal epileptic encephalopathy. Ann Neurol. 2012 Jan;71(1):15–25. 8. milh M, Boutry-Kryza N, Sutera-Sardo J, Mignot C, Auvin S, Lacoste C, et al. Similar early characteristics but variable neurological outcome of patients with a de novo mutation of KCNQ2. Orphanet J Rare Dis. 2013;8:80. 9. Nakamura K, Kato M, Osaka H, Yamashita S, Nakagawa E, Haginoya K, et al. Clinical spectrum of SCN2A mutations expanding to Ohtahara syndrome. Neurology. 2013 Sep 10;81(11):992–8. 10. Kato M, Saitoh S, Kamei A, Shiraishi H, Ueda Y, Akasaka M, et al. A Longer Polyalanine Expansion Mutation in the ARX Gene Causes Early Infantile Epileptic Encephalopathy with Suppression-Burst Pattern (Ohtahara Syndrome). The American Journal of Human Genetics. 2007 Aug;81(2):361–6. 11. Molinari F, Raas-Rothschild A, Rio M, Fiermonte G, Encha-Razavi F, Palmieri L, et al. Impaired mitochondrial glutamate transport in autosomal recessive neonatal myoclonic epilepsy. Am J Hum Genet. 2005 Feb;76(2):334–9. 12. Molinari F, Kaminska A, Fiermonte G, Boddaert N, Raas-Rothschild A, PLOUIN P, et al. Mutations in the mitochondrial glutamate carrier SLC25A22in neonatal epileptic encephalopathy with suppression bursts. Clinical Genetics. 2009 Aug;76(2):188–94. 13. Saitsu H, Osaka H, Sugiyama S, Kurosawa K, Mizuguchi T, Nishiyama K, et al. Early infantile epileptic encephalopathy associated with the disrupted gene encoding Slit-Robo Rho GTPase activating protein 2 (SRGAP2). Am J Med Genet A. 2012 Jan;158A(1):199–205. 14. COPPOLA G, PLOUIN P, Chiron C, Robain O, DULAC O. Migrating partial seizures in infancy: a malignant disorder with developmental arrest. Epilepsia. 1995 Oct;36(10):1017–24. 15. Barcia G, Fleming MR, Deligniere A, Gazula V-R, Brown MR, Langouet M, et al. De novo gain-of-function KCNT1 channel mutations cause malignant migrating partial seizures of infancy. Nat Genet. 2012 Nov;44(11):1255–9. 16. Epi4K Consortium, Epilepsy Phenome/Genome Project, Allen AS, Berkovic SF, Cossette P, Delanty N, et al. De novo mutations in epileptic encephalopathies. Nature. 2013 Sep 12;501(7466):217–21. Communications libres 3 Paludisme d’importation pédiatrique en France : Pertinence des critères de gravité OMS. Justine Lanneaux1, Luu-ly Pham2, François Dubos3, Stéphane Dauger1, François Angoulvant4* pour le groupe des investigateurs pédiatres 1. Service de Réanimation Pédiatrique, AP-HP, Hôpital Robert Debré, Université Paris Diderot, Sorbonne Paris Cité, Paris 2. Service des Urgences Pédiatriques, AP-HP, Hôpital Le Kremlin-Bicêtre, Université Paris Sud, Bicêtre 3. Unité de Pédiatrie générale, urgences et maladies infectieuses, Université Lille Nord-deFrance, UDSL, CHRU Lille, F-59000 Lille 4. Service des Urgences Pédiatriques, AP-HP, Hôpital Necker-Enfants Malades, Université Paris Descartes, Inserm UMRS 1123 – ECEVE, Sorbonne Paris Cité, Paris *Auteur Correspondant : Dr. François ANGOULVANT Service d’Accueil des Urgences Pédiatriques Hôpital Necker-Enfants Malades, 149 rue de Sèvres, 75015, Paris, France ECEVE – INSERM UMR 1123 Tel : +33 1 71 39 69 68 Email : [email protected] I. Introduction Le paludisme est l’infection parasitaire la plus répandue mondialement et la plus meurtrière. Malgré une diminution de 25 % de la mortalité depuis l’an 2000, on recense encore 216 millions de cas et 655 000 décès en 2010 [1]. Le continent africain est le plus touché, avec 91 % des décès dus à cette infection, dont 86 % chez des enfants de moins de 5 ans [1]. La France est le pays occidental le plus touché par le paludisme d’importation avec 4 000 cas par an dont 13,3 % chez des enfants de moins de 15 ans [2]. Les décès restent exceptionnels [2]. La sévérité de l’infection est appréciée par la présence de critères de gravité définis par l’OMS en 1990 (révisés en 2000) suite à des études menées chez l’adulte en zone d’endémie palustre (Tableau 1) [1]. La Conférence de consensus recommande leur application chez l’enfant en France mais il existe peu de données sur la validité de ces critères hors zone endémique, particulièrement en pédiatrie [3]. La pertinence de ces critères a fait l’objet d’études récentes en France chez l’adulte [4]; les plus pertinents chez l’adulte admis en réanimation étaient la présence de troubles neurologiques, d’une détresse respiratoire, d’un choc ou d’une insuffisance rénale [4]. La mortalité était de l’ordre de 10 % [4]. Chez l’enfant, les cas sévères de paludisme d’importation sont rares, et peu d’études ont été publiées dans les pays occidentaux [5-6]. L’objectif de cette étude observationnelle rétrospective était d’évaluer la pertinence des critères de gravité OMS chez l’enfant en pays occidental non endémique. II. Matériel et Méthodes Cette étude nationale, cas-témoin, rétrospective a été menée dans 8 centres hospitaliers universitaires français disposant d’un service de réanimation pédiatrique. Les enfants admis dans ces services avec un diagnostic de paludisme d’importation entre le 1er janvier 2006 et le 31 décembre 2012 ont été inclus. Un paludisme d’importation était défini par la présence d’une infection à Plasmodium acquise en zone d’endémie et traitée en France. Pour chaque patient une fiche standardisée a permis le recueil rétrospectif des données à partir du dossier médical. Les critères d’inclusion des cas (REA) étaient : (i) hospitalisation en réanimation pédiatrique, (ii) accès palustre confirmé biologiquement (présence de formes asexuées de Plasmodium), (iii) âge inférieur à 18 ans. Pour chaque cas, nous avons inclus comme témoins (TEM) les 2 cas précédents de paludisme pédiatrique confirmé biologiquement pris en charge aux urgences pédiatriques du même centre hospitalier. A partir du dossier médical, nous avons recueilli les antécédents, des données socio-démographiques, anamnestiques, cliniques et paracliniques dont les critères de gravité définis par l’OMS révisés en 2000. En l’absence de décès, la sévérité des patients était appréciée par la présence d’une défaillance d’organe et/ou le recours à des Actes Thérapeutiques Majeurs (ATM), définis par un remplissage vasculaire, une transfusion de produits sanguins labiles, l’utilisation d’amines vasopressives, d’une ventilation mécanique, de mesures de lutte contre l’hypertension intracrânienne ou d’une hémodialyse. La sévérité ainsi appréciée était comparée à la présence de critères de gravité de L’OMS. Une analyse descriptive a été réalisée. Les variables de distribution Gaussienne étaient décrites par leur médiane et interquartile, ou par leur moyenne et écart-type. L’analyse comparative des populations a été réalisée par un test du χ2 ou par un test exact de Fisher. La comparaison des variables quantitatives entre les deux populations a été réalisée à partir du test t de Student pour les variables de distribution Gaussienne, et par le test non paramétrique de Wilcoxon pour les autres variables. Une probabilité inférieure à 5 % a été considérée comme significative. Certaines variables quantitatives ont été analysées de manière dichotomique après définition d’un seuil d’intérêt. Les analyses statistiques ont été réalisées à l’aide du logiciel Stata v11 (StataCorp LP, College Station, Texas, USA). III. Résultats Nous avons inclus 165 patients présentant un accès palustre au cours de la période étudiée dont 55 pris en charge en réanimation pédiatrique (REA) et 110 témoins (TEM). Les caractéristiques générales de la population sont décrites Tableau 2. La proportion de nourrissons était supérieure dans le groupe REA (REA 20 % vs TEM 7 % ; p < 0,02). La majorité des patients dans les 2 groupes étaient nés en France (REA 86 % vs TEM 88 %). La présence d’une comorbidité n’était pas liée à la gravité dans notre étude. La majorité des infections était acquise en zone subsaharienne (REA 80 % vs TEM 85 %). La durée médiane du séjour en zone endémique était de 6 semaines. Un antécédent de pathologie d’importation au cours d’un précédent séjour était retrouvé chez 9 patients du groupe REA (6 paludismes, deux fièvres typhoïdes) et chez 16 patients témoins (14 paludismes, 2 fièvres typhoïdes). Le délai médian entre le début d’apparition des symptômes et l’admission était de 4 jours (Q1 : 2 ; Q3 : 6) pour le groupe REA contre 2 jours (Q1 : 1 ; Q3 : 5) pour le groupe TEM. La prise d’une prophylaxie adaptée conjuguée à une bonne observance était rare au sein de ces deux populations (Tableau 2). Les critères de gravité les plus souvent retrouvés chez les patients de réanimation étaient la présence de troubles neurologiques (REA 71 % vs TEM 5 % ; p < 0,001), de troubles hémodynamiques (REA 23 % vs TEM 1 % ; p < 0,001) et d’une parasitémie supérieure à 4 % (REA 50 % vs TEM 20 %) (Tableau 3). Parmi les 39 patients de réanimation avec des troubles neurologiques, 12 avaient un GCS < 11 (coma), 9 présentaient des convulsions et 3 une HTIC. Neuf patients de réanimation ont été investigués par une imagerie cérébrale (4 IRM, 5 TDM), 6 par une ponction lombaire, 7 patients ont été intubés pour raison neurologique et 10 patients ont reçu un traitement anti-épileptique. Chez les témoins, 2 patients ont bénéficié d’une imagerie cérébrale (1 IRM, 1 TDM) et 1 patient d’une ponction lombaire. Au cours de leur séjour, 19 patients du groupe REA ont bénéficié d’au moins un remplissage vasculaire et 6 ont nécessité un traitement par amines vasopressives. La parasitémie médiane était significativement plus élevée chez les patients de réanimation (4,4 %, Q1-Q3 : 2-11 %) que chez les témoins (1,5 %, Q1-Q3 : 0,2-3,2 %). Une insuffisance rénale était retrouvée chez 11 patients du groupe REA et chez 1 témoin. Cette insuffisance rénale était rapidement résolutive et aucun enfant n’a nécessité de recours à une épuration extrarénale. Une acidose métabolique était retrouvée chez 14 patients de réanimation. D’autres critères de gravité de l’OMS étaient rarement retrouvés chez les patients de réanimation comme chez les témoins, tels que la présence d’une détresse respiratoire, d’une hypoglycémie ou de troubles de la coagulation (Tableau 3). La présence d’une anémie définie selon les critères de gravité OMS adaptés à l’enfant (hémoglobine < 5 g/dL) était peu fréquente dans les deux groupes (REA 9 % vs TEM 1 %) ce qui contraste avec le nombre de transfusions en globules rouges (REA 38 % vs TEM 7% ; p < 0,001). Un ictère clinique était retrouvé indifféremment dans les 2 groupes (REA 15 % vs TEM 13%). En revanche une bilirubinémie > 50 µmol/L était retrouvée plus souvent dans le groupe REA (20 % vs 5 % ; p < 0,001). Une thrombopénie < 50 000/mm3 était fréquemment notée (REA 47 % vs TEM 7 % ; p < 0,001). Les critères liés à la gravité en termes de défaillance d’organes et/ou de réalisation d’ATM étaient la présence de troubles neurologiques, hémodynamiques, d’une insuffisance rénale et d’une parasitémie élevée. Les patients REA ont été traités en intraveineux dans 49 cas (89 %) ; par quinine dans 45 cas ou artésunate dans 4 cas. Dans le groupe REA, 34 patients (63 %) ont requis au moins 1 ATM : intubation (n = 10, dont 7 pour un motif neurologique), remplissage vasculaire (n = 18), transfusions de culot globulaire (n = 23), de concentrés plaquettaires (n = 5), amines vasopressives (n = 6), mesures de lutte contre l’HTIC (n = 3). Dans le groupe témoin, seuls 11 (10 %) patients ont requis un ATM, à savoir une transfusion de produit sanguin labile dans tous les cas, associée à une expansion volémique pour un patient. Aucun décès n’a été déploré et 4 patients du groupe REA ont présenté des séquelles (ischémie des orteils, encéphalite postcoma, hypertonie pyramidale et atteinte rénale de type hyalinose segmentaire et focale). Au final, 7 patients (13 %) du groupe REA n’avaient pas de défaillance d’organes et n’ont pas eu besoin d’ATM versus 92 (84 %) patients du groupe TEM. IV. Discussion Cette étude, l’une des plus importantes réalisée sur le paludisme d’importation chez l’enfant, nous a permis d’apprécier la pertinence des critères de gravité définis par l’OMS. C’est à notre connaissance l’étude analysant le plus grand nombre de cas sévères admis en réanimation pour paludisme sur une période de 7 ans dans un pays avec un accès facile à des soins intensifs de pédiatrie. Les critères définis par l’OMS sont globalement pertinents dans l’appréciation de la gravité des infections à P. falciparum de l’enfant. En effet dans notre étude, nous observons une corrélation entre la gravité des patients appréciée par une défaillance d’organes ou le recours à des actes thérapeutiques majeurs et la présence de critères de gravité définis par l’OMS. Ces critères sont ceux actuellement utilisés pour l’admission en réanimation et seuls 7 patients (13 %) du groupe REA de notre étude n’avaient ni défaillance d’organes ni recours à des ATM. Quatre de ces patients avaient été admis en réanimation pour administration de quinine intraveineuse dans un contexte d’intolérance alimentaire totale. Les critères de gravité liés au pronostic en termes de défaillance d’organes ou de recours à des ATM dans notre étude, étaient la présence de troubles neurologiques, hémodynamiques, d’une insuffisance rénale et d’une hyperparasitémie. Le critère le plus fréquent dans le groupe REA était la présence de troubles neurologiques (72 %), ce qui est encore supérieur aux données de l’OMS [1] et de la littérature dans lesquelles on retrouve habituellement 30 % de troubles de la conscience chez les patients atteints de paludisme grave [7]. Sa valeur pronostique est majeure, notamment en cas de coma ou de convulsions. Concernant la prise en charge des troubles neurologiques, la conférence de consensus recommande la réalisation d’une imagerie cérébrale en cas de coma, et la surveillance de l’apparition d’une HTIC par échodoppler-transcrânien (EDTC) [4]. Cette recommandation n’a pas été systématiquement appliquée dans notre étude, avec seulement 9 imageries cérébrales et 7 EDTC pour les 12 patients souffrant d’un coma. Une prise en charge précoce des troubles neurologiques semble améliorer le pronostic [4]. A la différence des données de l’OMS [1], la présence de troubles hémodynamiques était également fréquente (24 %), ce qui concorde avec d’autres données de la littérature [8]. La prise en charge suivait les recommandations françaises actuelles, malgré les récentes controverses sur le remplissage vasculaire [9]. La présence d’une parasitémie > 4 %, décrite comme rare et de faible valeur pronostique par l’OMS [1], était présente chez 50 % des patients REA et 20 % du groupe TEM. Il semble difficile de définir un seuil d’intérêt discriminant bien que des données récentes retrouvaient une meilleure corrélation au pronostic avec des seuils de 10 et 15 % et un meilleur rapport sensibilité-spécificité [10]. L’insuffisance rénale était retrouvée chez 20 % des patients REA. Bien qu’elle soit rapidement et spontanément résolutive, elle est significativement associée à la présence en réanimation. Aucun patient n’a nécessité de dialyse. Contrairement aux données de la littérature en zone d’endémie et aux critères OMS 2000 [1], la présence d’une anémie sévère selon la définition de l’OMS (Hb < 5 g/dL) était rarement retrouvée et ce, malgré un nombre important de transfusions réalisées. Ce seuil de 5 g/dL, défini en zone d’endémie où la prévalence des maladies hémolytiques et de la carence en fer est plus importante, n’apparaît pas adapté à notre population. Un seuil de 7 g/dL semble mieux adapté à notre population et mieux corrélé au nombre de transfusions (23 soit 40 %). De même la définition clinique de l’ictère semble moins adaptée à notre population qu’une définition biologique (hyperbilirubinémie > 50 µmol/L) comme cela est défini pour le paludisme de l’adulte [1]. Dans notre population, certains critères étaient très rarement retrouvés contrairement aux données de l’OMS tels quel la détresse respiratoire (n = 4), l’OAP (n = 2), les troubles de la coagulation (n = 2) et l’hypoglycémie (n = 4). Dans la littérature, la présence d’une détresse respiratoire avec acidose est assez fréquente en zone d’endémie, et liée à une évolution fatale dans 30 % des cas [11] ; ces patients sont probablement plus sévères que notre population dans laquelle on ne recense aucun décès. Le faible nombre d’hypoglycémie dans notre étude est surprenant au regard de la littérature. En effet, certaines études décrivent des hypoglycémies atteignant jusqu’à 20 % des enfants au cours de l’accès palustre [11-12]. Cela est peut-être dû à un état nutritionnel préservé chez ces enfants et à la perfusion systématique de soluté glucosé dans la population étudiée (sérum glucosé 10 % pour les patients traités par quinine en intraveineux et sérum glucosé 5 % pour les patients traités par artésunate IV), et à un monitoring des glycémies capillaires. D’autres éléments intéressants ressortent de notre étude. Ainsi, bien que le paludisme soit encore responsable de 500 000 décès chez l’enfant dans le monde, que les deux plus grandes études réalisées en zone d’endémie retrouvent une mortalité entre 13 % et 22 % selon le traitement reçu [13-14], que la mortalité chez l’adulte dans des études récentes hors zone d’endémie en soins intensifs soit légèrement supérieure à 10 % [4], nous ne déplorons aucun décès dans notre étude. Cette faible mortalité chez l’enfant hors zone d’endémie est également rapportée par le CNR [2] et d’autres données de la littérature pédiatrique [6,15]. Cette faible mortalité peut s’expliquer par la précocité de la prise en charge et un taux plus faible de comorbidité qu’en zone d’endémie. Enfin, certaines variables biologiques non définies dans les critères OMS présentaient un intérêt notable dans notre étude, en particulier la présence d’une thrombopénie. Ce critère est souvent observé lors de l’infection à P. falciparum, et semble fortement corrélé à l’admission en réanimation dans notre étude avec 47 % des patients du groupe REA ayant une thrombopénie < 50 000/mm3. La prise en charge thérapeutique du paludisme est en pleine évolution avec l’arrivée depuis 2011 des dérivés de l’artémisinine sur le marché européen. Les nouvelles recommandations privilégient la prescription de l’artésunate IV en première intention dans le traitement des infections sévères à Plasmodium [16-17]. Dans notre étude, 4 patients ont reçu ce traitement en 2012 et nous n’avons recensé aucun effet indésirable tout en maintenant une surveillance hebdomadaire du taux d’hémoglobine pendant un mois, suite à la description de cas d’hémolyse [18-19]. Nous avons réalisé l’appariement entre les cas et les témoins sur le centre et en incluant les deux cas précédents. Nous n’avons pas apparié sur l’âge qui est en lui-même un facteur de gravité reconnu du paludisme [3]. Ainsi nous avons observé une plus forte proportion de nourrissons chez les patients admis en réanimation. Malheureusement la faible puissance de notre étude n’a pas permis d’investiguer le degré de dépendance et de corrélation entre l’âge et les autres facteurs de gravité. Nous ne pouvons exclure un biais avec un échec d’identification de certains cas amenant à un manque d’exhaustivité. Néanmoins, l’effectif bien que restreint (165 patients), réunit plus de la moitié des infections sévères dues au paludisme chez l’enfant en France métropolitaine au cours des 7 dernières années et la majorité des cas hospitalisés en réanimation pédiatrique [2]. En comparaison, les plus larges études réalisées en soins intensifs chez l’adulte hors zone d’endémie réunissaient environ 400 patients [4] et chez l’enfant entre 10 et 30 patients [10]. Huit centres hospitaliers universitaires pourvus d’une réanimation pédiatrique ont participé à cette étude sur l’ensemble du territoire. Elle couvre une période récente avec application des dernières recommandations de prise en charge thérapeutique et décrit les premiers cas pédiatriques traités par artésunate en France. V. Conclusion Malgré un grand nombre de cas de paludisme d’importation dans les grandes villes de France, pays d’Europe le plus touché par cette infection, le nombre de cas sévères est rare en pédiatrie et les décès sont exceptionnels. Notre étude confirme la pertinence des critères de gravité de l’OMS pour évaluer la sévérité de l’infection et décider d’une éventuelle hospitalisation en réanimation. Parmi eux, les troubles neurologiques, particulièrement le coma et les convulsions, les troubles hémodynamiques, l’insuffisance rénale sont les plus prédictifs de la gravité et doivent faire l’objet d’une attention particulière. Toutefois, une évolution de certains critères pourrait être envisagée pour apprécier la sévérité du paludisme d’importation chez l’enfant tels que, l’usage d’un seuil de 7 g/dL pour définir l’anémie sévère, une définition biologique de l’ictère (hyperbilirubinémie > 50 µmol/L par exemple) et un critère de thrombopénie < 50 000/mm3. Remerciements : Nous tenons à remercier le Centre National de Référence du paludisme et les médecins suivants pour leur aide précieuse dans la réalisation de ce travail : Emmanuelle Bosdure, Ricardo Carbajal, Gérard Chéron, Albert Faye, Yves Gillet, Serge Gottot, Stéphane Leteurtre, Laurence Morin, Pierre Mornand, Jérôme Naudin, Renaud, Vialet, Michel Wolff. VI. Bibliographie 1. World Malaria Report. World Health Organization 2011;www.who.int/malaria 2. Rapport d'activité 2011. Centre National de Référence du Paludisme.www.cnrpaluFrance.org 3. Prise en charge et prévention du paludisme d’importation : recommandations pour la pratique clinique 2007 (Révision de la Conférence de Consensus 1999) Société de pathologie infectieuse de langue française 2007;www.infectiologie.com 4. Bruneel F, Tubach F, Corne P, et al. Severe imported falciparum malaria: a cohort study in 400 critically ill adults. PLoS One 2010;5:e13236 5. Ladhani S, Garbash M, Whitty C. Prospective, national clinical and epidemiologic study on imported childhood malaria in the United Kingdom and the Republic of Ireland. Pediatr Infect Dis J 2010;29:434-8 6. Driessen G, Pereira R, Brabin J, et al. Imported malaria in children: a national surveillance in the Netherlands and a review of European studies. Eur J Public Health 2008;18:184-8 7. Laurent V, Tubach F, Wolff M, et al. Neuropaludisme d'importation de l'adulte : étude descriptive et facteurs prédictifs. Réanimation 2012;21:S27-8 8. Bruneel F, Gachot B, Timsit J, et al. Shock complicating severe falciparum malaria in European adults. Intensive Care Med 1997;23:698-701 9. Maitland K, Kiguli S, Opoka R, et al. Mortality after fluid bolus in African children with severe infection. N Engl J Med 2011;364:2483-95 10. Askling H, Bruneel F, Burchard G et al. Management of imported malaria in Europe. Malar J 2012;11:328 11. White N, Miller K, Marsh K et al. Hypoglycaemia in African children with severe malaria. Lancet 1987;1:708-11 12. Onyiriuka A, Peter O, Onyiriuka L, et al. Point-of-admission hypoglycaemia among under-five Nigerian children with plasmodium falciparum malaria: prevalence and risk factors. Med J Islam Repub Iran 2012;26:78-84 13. Dondorp A, Nosten F, Stepniewska K, et al. Artesunate versus quinine for treatment of severe falciparum malaria: a randomised trial. Lancet 2005;366:717-25 14. Dondorp A, Fanello C, Hendriksen I, et al. Artesunate versus quinine in the treatment of severe falciparum malaria in African children (AQUAMAT): an open-label, randomised trial. Lancet 2010 ; 376:1647-57 15. Yombi JC1, Jonckheere S, Colin G, et al. Imported malaria in a tertiaryhospital in Belgium: epidemiological and clinical analysis. Acta Clin Belg 2013;68:101-6 16. Guidelines for the treatment of malaria, Update april 2011. World Health Organization 2011; www.who.int/malaria 17. Dubos F, Dauriac A, El Mansouf L, et al. Imported malaria in children: incidence and risk factors for severity. Diagn Microbiol Infect Dis 2010;66:169-74 18. Zoller T, Junghanss T, Kapaun A, et al. Intravenous artesunate for severe malaria in travelers, Europe. Emerg Infect Dis 2011;17:771-7 19. Kreeftmeijer-Vegter A, van Veldhuizen C, Visser L, et al. Treatment outcome of intravenous artesunate in patients with severe malaria in the Netherlands and Belgium. Malar J 2012;11:102 Tableau 1 : Critères de Gravité OMS révisés en 2000 Critères de gravité OMS 2000 Fréquence Valeur pronostique - Coma (GCS < 11) - Troubles de conscience (GCS<15) / Prostration +++ +++/+ - Convulsions +++ + - Syndrome de détresse respiratoire +++ +++ - Ictère +++ ++ + +++ - Saignement anormal +/- +++ - Oedème pulmonaire (radiologique) +/- +++ - Hémoglobinurie macroscopique +/- + + ++ - Hypoglycémie (< 2,2 mmol/l) +++ +++ - Acidose métabolique (HCO3-< 15 mmol/l ou pH < 7,35) +++ +++ - Anémie grave (Hb < 5 g/dL) +++ + - Hyperlactatémie (> 5 mmol/l) ++ +++ - Hyperparasitémie (≥ 4 % sujet non immun) + +/- Cliniques - Défaillance cardio-circulatoire - Insuffisance rénale Biologiques GCS : Score de Glasgow D’après Prise en charge et prévention du paludisme d’importation : recommandations pour la pratique clinique 2007 (Révision de la Conférence de Consensus 1999) Société de pathologie infectieuse de langue française, 2007 ; www.infectiologie.com. Tableau 2 : Caractéristiques démographiques et anamnestiques Caractéristiques, n (%) REA TEM P (n=55) (n=110) Garçons, n (%) 29/55 (52,7%) 65/110 (59,1%) 0,44 Age en mois, médiane (Q1-Q3) 94 (33-147) 87 (39-134) 0,96 Nourrissons (< 2 ans), n (%) 11/55 (20%) 8/110 (7,3%) 0,016 Nés en zone d’endémie, n (%) 8/55 (14,5%) 13/110 (11,8%) 0,63 Zone d’endémie visitée : Afrique Sub-saharienne n (%) 158/159 (99,4%) Durée médiane du séjour, en jour (Q1-Q3) (données manquantes n = 16) 46 (29-90) 51 (31-62) 0,96 Durée médiane des symptômes, en jour (Q1Q3) (données manquantes n = 27) 4 (2-6) 2 (1-5) 0,04 --- Prophylaxie anti-palustre 0,40 Appropriée 3/52 (5,8%) 10/104 (9,6%) Inappropriée et/ou faible compliance 22/52 (42,3%) 53/104 (51,0%) Aucune 27/52 (51,9%) 43/104 (41,4%) REA : Patients hospitalisés en réanimation ; TEM : Patients pris en charge aux urgences Tableau 3 : Caractéristiques cliniques et paracliniques REA TEM Odds ratio (n=55) (n=110) [95 % CI] 39/55 (70,9%) 5/110 (4,5%) 51 [18-149] Convulsions 9/55 (16,4%) 0/110 (0%) --- Troubles hémodynamiques 13/55 (23,6%) 1/110 (0,9%) 34 [4-266] Détresse respiratoire ou OAP 4/55 (7,3%) 2/110 (1,8%) 4,2 [0,8-24] Troubles de la coagulation 2/55 (3,5%) 1/110 (0,9%) 4,1 [0,4-46] Ictère 8/55 (14,6%) 14/110 (12,7%) 1,2 [0,5-3,0] Insuffisance rénale 11/55 (20,0%) 1/110 (0,9%) 27 [3,4-217] Hémoglobinurie 6/55 (10,9%) 3/110 (2,7%) 4,4 [1-18] Hypoglycémie < 2,2 mmol/L 2/49 (4,1%) 0/67 (0%) --- Anémie < 5 g/dL 4/54 (7,4%) 2/101 (2,0%) 4,0 [0,7-22] Anémie < 7 g/dL 22/54 (40,7%) 13/101 (12,9%) 4,7 [2,1-10] Thrombopénie < 50 000/mm3 25/54 (46,3%) 7/102 (6,9%) 11,7 [4,6-30] Thrombopénie < 100 000/mm3 41/54 (75,9%) 37/102 (36,3%) 5,5 [2,6-12] Parasitémie > 4 % 29/50 (58,0%) 22/98 (22,5%) 4,8 [2,3-10] Parasitémie > 10 % 15/50 (30,0%) 8/98 (8,2%) 4,8 [1,9-12] pH < 7,35 et/ou Bicarbonatémie < 15mmol/L 18/47 (38,3%) 0/79 (0%) --- Hyperlactémie > 5mmol/L 5/29 (17,2%) 0/3 (0%) --- Hyperbilirubinémie (> 50 µmol/L) 10/40 (25,0%) 5/65 (7,7%) 4 [1,3-13] Paramètres Troubles de conscience : (GCS <15 ou prostration) GCS : Score de Glasgow Dermatoses du retour Emmanuelle Bourrat Dermatologue Service de pédiatrie générale Hôpital Robert Debré Paris [email protected] Laureen PullUrgentiste Service des urgences pédiatriques Hôpital Robert Debré Paris [email protected] Les dermatoses représentent le troisième motif de consultation par ordre de fréquence (après les diarrhées et les infections respiratoires) chez l’enfant au retour d’un voyage dans son pays d’origine (1,2). Il s’agit surtout de dermatoses infectieuses, soit à des germes cosmopolites (pyogènes surtout) mais dans des présentations inhabituelles liées aux conditions de vie (climat chaud et humide favorisant les phénomènes de macération, accès difficile à l’eau et aux soins à l’origine d’une hygiène défectueuse), soit à des germes plus exotiques (parasites, dermatophytes). La fréquence respective de ces dermatoses infectieuses est difficile à préciser : les études publiées sur le sujet (3,4,5) s’intéressent plus souvent à la population adulte, sont issues de services spécialisés en pathologie infectieuse tropicale ou en médecine du voyage (non concernées par les dermatoses non infectieuses souvent les plus bénignes) et concernent des populations probablement très hétérogènes en terme d’objectifs de voyage (tourisme versus retour au pays d’origine des parents immigrés), de lieu (Caraïbes, Amérique du Sud versus Afrique) et de conditions de séjour (hôtel, club de vacances versus habitat local). Toutes les études disponibles convergent néanmoins vers une large prédominance des pathologies infectieuses, et parmi ces dernières, les infections bactériennes, la larva migrans et les piqûres d’arthropodes (arbitrairement rangées dans les pathologies parasitaires mais qui sont des réactions immuno-allergiques). Dans notre expérience personnelle, la larva migrans, qui complique plus volontiers des voyages touristiques (bord de mer) que des retours au pays, reste une pathologie rare en consultation dans un CHU pédiatrique recrutant dans Paris et dans la région nord de l’Ile de France. Par contre, les infections bactériennes plus souvent secondaires que primitives (impétiginisation plus qu’impétigo) et le prurigo strophulus réactionnel aux piqûres d’insectes sont effectivement les étiologies dominantes dans notre patientèle. Les leishmanioses cutanées de l’ancien monde sont relativement fréquentes en France compte tenu des fréquents séjours estivaux au Maghreb, sont l’objet d’errances diagnostiques et thérapeutiques car elles se déclenchent souvent plusieurs semaines après le retour, ont une évolution souvent indolente (aspect de pyodermites résistant aux traitements antibiotiques) et relèvent de traitements spécialisés. A noter par contre que certaines dermatoses infectieuses « tropicales » ne touchent qu’exceptionnellement le voyageur (adulte ou enfant) alors même qu’elles sont endémiques dans le pays visité, et ce probablement parce que la contamination et/ou l’infection sous-entend soit une exposition prolongée ou répétée à l’agent infectieux, soit des facteurs de risque liés au mode de vie (marche pieds nus) ou au terrain (dénutrition, carences). Ces infections, souvent graves et difficiles à prendre en charge (ulcère de Buruli, NOMA, lèpre …) ne seront pas abordées dans cet exposé. Le diagnostic d’une dermatose du retour suit dans un premier temps la démarche habituelle en dermatologie (6) : anamnèse centrée sur les dates et le lieu du séjour (possibilité d’incubations prolongées pour la leishmaniose et la larva migrans), analyse de la topographie de la lésion élémentaire puis du contexte (signes généraux, atteinte extracutanée). Dans un second temps, les prélèvements autres que la bactériologie standard et la mycologie nécessitent par contre souvent des laboratoires spécialisés et les biopsies cutanées, quand elles sont indiquées, doivent orienter l’anatomopathologiste : recherche d’arguments indirects (granulome d’allure infectieuse) ou directs (visualisation des micro-organismes incriminés par des colorations adaptées) en faveur d’une infection inhabituelle. Enfin, la fréquence de l’impétiginisation secondaire des dermatoses prurigineuses et/ou avec effraction de la barrière cutanée chez l’enfant voyageur justifie souvent un traitement antibiotique oral efficace sur les pyogènes (plus détersion des lésions à l’eau et au savon antiseptique) avant de pouvoir évoquer ou confirmer une dermatose primitive sur des caractères spécifiques initialement masqués par la surinfection à pyogène. 1) Kamimura-Nishimura K, Rudikoff D, Purswani M, Hagmann S. Dermatological conditions in international pediatric travelers: Epidemiology, prevention and management Travel Med and Infect Dis 2013 ;11 : 350-356. 2) Hagmann S, Neugebauer R, Schwartz E et al. Illness in children after international travel: Analysis from the GeoSentinel Surveillance Network. Pediatrics 2010 ; 125 : e1072-80. 3) O’Brien BM. A practical approach to common skin problems in returning travellers. Travel Med Infect Dis 2009 ; 7 : 125-146. 4) Freedman DO, Weld LH, Kozarsky PE et al. Spectrum of diseases and relation to place of exposure among ill returned travellers. N Engl J Med 2006 ; 354 :119-30. 5) Lederman ER, Weld LH, Elyazar IR et al. Dermatologic conditions of the ill returned traveler: an analysis from the GeoSentinel Surveillance Network. Int J Infect Dis 2008 ; 12 : 593-602. 6) Monsel G, Caumes E. Recent developments in dermatological syndromes in returning travelers. Curr Opin Infect Dis 2008 ; 21 : 495-9. Appendicite aiguë chez l’enfant : Algorithme diagnostique et thérapeutique actualisé Henri Kotobi Introduction L’appendicite aiguë (AA) est en France l’urgence viscérale la plus fréquente chez l’enfant. Toutefois son incidence semble être en nette diminution depuis deux décennies. Pour comprendre cette évolution, une simple perspective historique permet de dégager trois « moments » dans l’histoire de l’AA susceptibles d’expliquer, par leur enchaînement, pourquoi nous assistons à l’échelle nationale à une diminution du taux d’appendicectomie et non de l’incidence de la pathologie elle-même. Il ressort en effet de cette perspective historique, d’une part, le « dogme » de « l’absence de concordance anatomoclinique ». Exposé par Henri Mondor en 1940 dans son ouvrage intitulé Diagnostics urgents de l’abdomen, ce dogme a sans doute à voir avec l’incidence d’appendicectomie la plus élevée au monde, retrouvée en France jusque dans les années 80. « Toute appendicite aiguë doit être opérée en raison de l’absence de parallélisme anatomoclinique […] la crise aiguë est d’avenir imprévisible. Les plus instruits ont été souvent trompés et les abstentionnistes ont perdu plus de malades que les opérateurs du premier jour » (1). D’autre part, le principe d’une hospitalisation pour surveillance et réévaluation clinique des enfants suspects d’AA, que l’on a vu progressivement s’imposer dans les années 80. Et enfin, le recours récent à des moyens d’imagerie inédits, tels que l’échographie dans les années 90, puis la tomodensitométrie (TDM) dans les années 2000, qui ont indiscutablement permis d’affiner le diagnostic d’AA, réduisant d’autant le taux d’appendicectomie « inutiles »… A la lumière de ces évolutions récentes dans la prise en charge de l’appendicite aiguë de l’enfant, notre objectif est donc ici de redéfinir la place de chaque moyen diagnostique et de chaque option thérapeutique, dans le but de proposer aux cliniciens concernés par cette pathologie un algorithme diagnostique et thérapeutique actualisé. Clinique L’examen clinique est longtemps resté le socle du diagnostic d’AA, ceci jusqu’aux années 90, où la clinique s’est vue progressivement relayée au second plan par les techniques modernes d’imagerie. Néanmoins, une évolution récente des pratiques semble redonner à l’examen clinique toute son importance, avec l’usage des scores diagnostiques (clinique et biologique), destinés à permettre aux cliniciens d’orienter leur choix de recourir, ou non, à un examen d’imagerie. De plus, il faut se rappeler que l’examen clinique peut aider à préciser le caractère compliqué ou non de l’AA (empâtement d’un abcès ou d’un plastron appendiculaire, défense ou contracture généralisée d’une péritonite appendiculaire), voire même son éventuelle localisation ectopique : rétrocoecale ou sous hépatique (douleur du flanc droit ou de l’hypochondre droit, psoïtis), mésocoeliaque (vomissements répétés), ou pelvienne (douleur à la miction). Enfin, l’examen clinique, qui comprend une bandelette urinaire (BU) et une prise de température systématique, reste fondamental pour évoquer ou éliminer bon nombre de diagnostics différentiels devant un syndrome appendiculaire chez l’enfant, tels qu’une pneumopathie franche lobaire aiguë, un purpura rhumatoïde, un syndrome néphrotique, une pyélonéphrite aiguë, une colique néphrétique, une torsion du testicule, etc… Sur un plan pratique, l’examen clinique de l’enfant doit être mené en présence de ses parents, dans un lieu calme, respectant la pudeur et la confidentialité. Il débute par l’interrogatoire de l’enfant (s’il est en âge de répondre) et de ses parents, sans tenir compte d’un éventuel diagnostic préalable (lettre du médecin traitant), à la recherche des premiers symptômes (mode de révélation), de vomissements, de troubles de transit, de brûlures mictionnelles, etc. L’examen clinique se poursuit par l’inspection du faciès (pâleur, langue saburrale, etc.), de la marche (bien observer l’enfant lorsqu’il monte sur la table d’examen), de l’abdomen (cicatrices, ballonnement, etc.), des membres (purpura, marbrures, etc.). L’examen physique doit être initié à la suite, mains réchauffées, par la région de l’abdomen supposée être la moins douloureuse, à la recherche d’une défense, d’un psoïtis, d’une contracture, d’un empâtement, d’une masse ou de signes d’irritation péritonéale (rappel : signe de Blumberg = douleur à la décompression de la fosse iliaque droite (FID) ; signe de Rovsing = douleur à droite déclenchée par une compression de la fosse iliaque gauche), pour se terminer par la palpation systématique des organes génitaux externes (OGE) chez le garçon (douleur, rougeur, gonflement, rétraction) et leur inspection chez la fille (bombement, écoulement). Le toucher rectal, en revanche, n’est plus recommandé chez l’enfant suspect d’AA, du fait de son caractère agressif, voire traumatisant, sans protoxyde d’azote et de son manque d’intérêt sous protoxyde d’azote. Biologie Les examens biologiques standards à la recherche d’un syndrome inflammatoire (NFS – CRP) restent indiqués devant toute suspicion clinique d’AA. Il s’agit, en effet, d’examens rapides et peu onéreux, rarement normaux en cas d’AA au-delà des 24 premières heures et modérément perturbés en cas d’infection virale. De plus, la répétition de leur dosage à 24h ou 48h semble augmenter leur sensibilité (2). Toutefois, bien que très sensibles, ces marqueurs restent peu spécifiques et ne sont donc que l’un des éléments diagnostiques à confronter aux autres données cliniques et paracliniques. Enfin, même si aucun marqueur biologique nouveau ne s’est imposé à ce jour en pratique courante, l’étude de marqueurs plus spécifiques semble être une voie de recherche intéressante tant pour faciliter le diagnostic d’AA (bilirubine (3), myeloid-related-protein 8/14 (4)), que pour préciser son caractère compliqué ou non (granulocyte colony stimulating factor (5), procalcitonine (6)). Imagerie Le recours massif aux techniques d’imagerie moderne pour suspicion d’AA constitue la principale nouveauté de ces deux dernières décennies, tant chez l’adulte que chez l’enfant. Cette évolution a d’ailleurs rendu caduque l’usage de l’abdomen sans préparation (ASP) dans l’exploration des douleurs abdominales, laissant une place de choix à l’échographie, aujourd’hui prépondérante, du moins chez l’enfant. Toutefois, signalons que la littérature anglo-saxonne reste quelque peu ambiguë quant au recours à l’échographie de première intention chez l’enfant, sans doute, du fait qu’outre Atlantique les examens d’échographie ne sont généralement pas réalisés par les radiologues eux-mêmes, mais par des techniciens habilités… (le radiologue interprétant des clichés statiques sélectionnés et non l’examen dynamique lui-même). Ce point explique en partie l’augmentation continue depuis 10 ans du nombre de TDM prescrit chez l’enfant dans cette indication ; phénomène également favorisé par le fait que nombre d’enfants sont pris en charge par des équipes d’urgences polyvalentes adultes-enfants, au sein d’établissements privés ou d’hôpitaux généraux, elles-mêmes influencées par la médecine d’urgence adulte, dont les recommandations sont plutôt en faveur du TDM de première intention en cas de suspicion d’AA. En pratique, quels examens d’imagerie privilégier chez l’enfant en 2014 ? ASP : même si un stercolithe radio opaque en FID reste fortement évocateur d’AA, l’ASP de première intention n’est plus recommandé par l’HAS, ni devant un tableau d’AA, ni devant un tableau de constipation (7). En pratique, seules certaines situations cliniques particulières relèvent encore d’un ASP chez l’enfant (syndrome occlusif, doute clinique entre gastroentérite fébrile et péritonite aiguë asthénique), qui ne devrait donc plus être prescrit qu’après l’examen clinique du chirurgien et avec son accord. Echographie abdominale : L’échographie est bien l’examen d’imagerie de première intention chez l’enfant devant une forte suspicion clinique d’AA, avec une sensibilité et une spécificité estimées respectivement à 72,5 et 97 % (8). De plus, la répétition de l’échographie à 24h ou 48h augmenterait sa sensibilité sans surcoût important (9). En revanche, la sensibilité de l’échographie diminuerait chez l’enfant obèse (10) mais également en cas de syndrome occlusif associé (iléus réflexe), lorsque l’appendice est en position ectopique (mésocoeliaque, rétrocoecale, sous hépatique ou pelvienne), ou encore lorsque l’échographie est réalisée trop précocement par rapport au début de la symptomatologie (<24h). Dans ce dernier cas, l’échographie pourrait même être interprétée à tort comme « rassurante ». D’autre part, devant un tableau clinique évocateur de plastron ou d’abcès appendiculaire, suffisamment bien toléré pour envisager un traitement médical de première intention, l’échographie est indiquée pour confirmer à la fois le diagnostic d’abcès ou de plastron appendiculaire et son caractère bien limité. En revanche, l’échographie n’est pas nécessaire lorsque le tableau clinique d’AA ou de péritonite aiguë est évident. Les critères échographiques classiques d’AA sont l’augmentation de diamètre de l’appendice au-delà de 6 mm, l’épaisseur de la paroi appendiculaire à 3 mm ou plus, la perte de l’aspect stratifié de ses trois couches (muqueuse, sous-muqueuse et musculeuse), sa non compressibilité, l’infiltration de la graisse et/ou des tissus à son contact et la présence d’un stercolithe avec cône d’ombre en son sein (11). Par ailleurs, même si l’adénolymphite mésentérique d’origine virale reste la première cause de douleur abdominale aiguë fébrile chez l’enfant, la présence d’adénopathies mésentériques n’élimine pas le diagnostic d’AA, a fortiori lorsque celles-ci sont exclusivement localisées en FID. Tomodensitométrie (TDM) : La sensibilité et la spécificité de la TDM chez l’enfant sont estimées respectivement à 96 % et 97 %, ceci, que l’enfant soit obèse ou non (12). Sans atteindre les chiffres de sensibilité et de spécificité chez l’adulte (proches de 100 %), du fait d’un tissu adipeux intra-abdominal moins développé chez l’enfant, la TDM est donc un examen plus sensible que l’échographie à l’âge pédiatrique. Néanmoins, il s’agit d’un examen irradiant qui, par conséquent, ne doit pas être prescrit de première intention dans cette indication chez l’enfant, suivant les recommandations de la directive Euratom 97/43 (protection des personnes contre les rayonnements) et le principe d’optimisation ALARA (as low as reasonably achievable), à l’exception toutefois de l’enfant porteur d’une obésité sévère. En pratique, la TDM ne devrait donc être prescrite qu’en deuxième intention, devant la persistance d’une forte suspicion clinique d’AA, après au moins une échographie non contributive et avec l’accord du chirurgien ayant lui-même examiné l’enfant. L’imagerie par résonnance magnétique (IRM) : bien que non irradiante et possédant une sensibilité de 97,6 % et une spécificité de 97 % (13) très performantes dans cette indication, l’IRM ne s’est pas imposée à ce jour en pratique courante du fait des difficultés pour y accéder en urgence. Scores Les premiers scores dits « diagnostiques » sont apparus dans les années 80. Signalons en France le score de Bargy, décrit en 1982, puis abandonné du fait de l’inclusion de l’ASP dans ses critères. Par la suite, le score d’Alvarado (14), décrit en 1986, fut adopté dans de nombreux pays pour s’imposer dès les années 90 comme le score de référence à l’échelle internationale. Néanmoins, un score spécifiquement pédiatrique décrit en 2002 - le Pediatric Appendicitis Score (PAS) (15) -, somme toute très proche du score d’Alvarado, semble être aujourd’hui le plus couramment utilisé chez l’enfant. Depuis 20 ans, de nombreuses études ont ainsi montré que ces scores diagnostiques permettent de limiter le recours aux examens d’imagerie, comme le nombre d’appendicectomie « inutiles » (16). Mais pour expliquer la place croissante occupée par ces scores diagnostiques dans l’algorithme de prise en charge des enfants suspects d’AA, sans doute faut-il également évoquer le fait que la plupart de ces enfants sont initialement examinés par un médecin urgentiste ou par un pédiatre (et non directement par un chirurgien d’adulte ou pédiatre), lui permettant ainsi de cibler d’avantage ses demandes d’examens d’imagerie et de mieux cerner le moment où il devra faire appel au chirurgien. En pratique courante, ces scores se révèlent particulièrement intéressants dans leurs valeurs extrêmes : soit pour écarter le diagnostic d’AA devant un score ≤ 3 (PAS) ou ≤ 4 (Alvarado) et permettre ainsi à l’enfant de rentrer à son domicile avec de simples consignes de surveillance ; soit pour suspecter fortement le diagnostic d’AA devant un score ≥ 7 (PAS) ou ≥ 8 (Alvarado) et demander d’emblée l’avis du chirurgien. En revanche, les scores entre 4 et 6 (PAS) ou entre 5 et 7 (Alvarado) ne se révèlent ni sensibles ni spécifiques pour le diagnostic d’AA, justifiant pleinement le recours aux examens d’imagerie devant ces valeurs moyennes (17,18). A noter tout de même que l’un des deux items majeurs de ces deux scores nécessite de définir si l’enfant présente ou non une « défense », ce qui demande une réelle maîtrise de l’examen clinique chez l’enfant, au risque de fausser le score par excès ou par défaut. Score d’Alvarado Douleur migrante Anorexie Nausées ou vomissements Défense en FID Douleur à la percussion, au rebond Température orale ≥ 37°3 GB ≥ 10 000/mm3 Neutrophilie ≥ 75 % 0/1 0/1 0/1 0/2 0/1 0/1 0/2 0/1 Score PAS Douleur migrante Anorexie Nausées ou vomissements Défense en FID Douleur à la toux, à la percussion Fièvre GB > 10 000 mm3 Neutrophilie 0/1 0/1 0/1 0/2 0/2 0/1 0/1 0/1 Enfant de moins de 5 ans Du fait de leurs spécificités, les particularités anatomique et clinique de l’AA de l’enfant de moins de cinq ans ne doivent pas être ignorées des cliniciens. Ainsi, la localisation de la douleur est le plus souvent péri-ombilicale et mal systématisée, la fièvre est en règle plus élevée, la diarrhée et les vomissements sont fréquents, la défense est moins nette, voire absente, y compris en cas de péritonite généralisée lorsque l’abdomen est asthénique. Par ailleurs, le taux de perforation appendiculaire est supérieur et, parmi les appendicites aiguës compliquées, les péritonites généralisées sont plus fréquentes, du fait d’un épiploon souvent trop court pour limiter la diffusion de l’infection en venant s’accoler sur l’appendice perforé. Sur le plan biologique, l’hyperleucocytose est moins spécifique que chez le grand enfant. En imagerie, la présence d’un stercolithe calcifié est nettement plus fréquente (19). Proposition d’algorithme diagnostique et thérapeutique actualisé (20) : Suspicion d’appendicite aiguë chez l’enfant algorithme diagnostique et thérapeutique actualisé (2014) 1re étape : Examen clinique complet Comprenant systématiquement : interrogatoire, inspection, prise de température, recherche d’une défense, d’un psoïtis, de signes d’irritation péritonéale, examen des OGE, BU, examen de la sphère ORL et auscultation pulmonaire. Si suspicion clinique d’appendicite aiguë => 2e étape 2e étape : NFS + CRP + calcul du score diagnostique (PAS) Si score (PAS) bas ≤ 3 : retour à la maison avec fiche de consignes de surveillance ± contrôle clinique à 24 ou 48h si symptomatologie persistante => 1re étape Si score (PAS) intermédiaire : 4-6 => 3e étape Si score (PAS) élevé ≥ 7 => 4e étape 4e étape : Examen clinique du chirurgien 3e étape : Echographie abdominale Soit indication opératoire, avec ou sans échographie préalable Si appendice normal et vu en (chirurgien convaincu) => 5e étape totalité en échographie : retour à la maison avec fiche de Soit hospitalisation pour surveillance et contrôle clinique + consignes de surveillance ± biologique ± échographique à 24h (chirurgien inquiet) contrôle clinique à 24 ou 48h si symptomatologie persistante Soit retour à la maison avec contrôle clinique + biologique à 24 ou 48h (chirurgien peu inquiet) => 1re étape Si échographie en faveur d’une appendicite aiguë ou échographie équivoque (appendice non vu en totalité ou infiltration de la graisse en FID) => 4e étape Soit ASP ou TDM (après échographie non contributive) devant un tableau clinique atypique ou une obésité sévère (chirurgien perplexe) Soit indication à un traitement médical de première intention pour abcès ou plastron appendiculaire cliniquement bien toléré et confirmé en imagerie (chirurgien avisé) => 5e étape 5e étape : intervention chirurgicale En urgence, par laparoscopie ou par Mac Burney : appendicite aiguë simple, non ectopique, chez un garçon ou une fille non pubère et non obèse. En urgence, préférentiellement par laparoscopie : péritonites appendiculaires localisées ou généralisées, appendicite aiguë chez une jeune fille pubère ou prépubère, chez une enfant obèse, ou si suspicion d’appendicite ectopique (rétrocoecale, sous hépatique, mésocoeliaque, pelvienne) Après 8 à 10 semaines, par laparoscopie : abcès ou plastron appendiculaire ayant répondu au traitement médical. Bibliographie : 1. Mondor H. Diagnostics urgents de l’abdomen. Paris: Masson; 1940, p 57. 2. Wu HP, Chen CY, Kuo IT, Wu YK, Fu YC. Diagnostic values of a single serum biomarker at different time points compared with Alvarado score and imaging examinations in pediatric appendicitis. J Surg Res. 2012 May 15;174(2):272-7. 3. Emmanuel A, Murchan P, Wilson I, Balfe P. The value of hyperbilirubinaemia in the diagnosis of acute appendicitis. Ann R Coll Surg Engl. 2011 Apr;93(3):213-7. 4. Huckins DS, Simon HK, Copeland K, Spiro DM, Gogain J, Wandell M. A novel biomarker panel to rule out acute appendicitis in pediatric patients with abdominal pain. Am J Emerg Med. 2013 Sep;31(9):1368-75. 5. Allister L, Bachur R, Glickman J, Horwitz B. Serum markers in acute appendicitis. J Surg Res. 2011 Jun 1;168(1):70-5. 6. Yu CW, Juan LI, Wu MH, Shen CJ, Wu JY, Lee CC. Systematic review and meta-analysis of the diagnostic accuracy of procalcitonin, C-reactive protein and white blood cell count for suspected acute appendicitis. Br J Surg. 2013 Feb;100(3):322-9. 7. HAS - Que reste-t-il de la radio d’abdomen sans préparation chez l’enfant ? Bon usage des technologies de santé. Jan 2009 :1. 8. Mittal MK, Dayan PS, Macias CG, Bachur RG, Bennett J, Dudley NC, Bajaj L, Sinclair K, Stevenson MD, Kharbanda AB; Pediatric Emergency Medicine Collaborative Research Committee of the American Academy of Pediatrics. Performance of ultrasound in the diagnosis of appendicitis in children in a multicenter cohort. Acad Emerg Med. 2013 Jul;20(7):697-702. 9. Schuh S, Man C, Cheng A, Murphy A, Mohanta A, Moineddin R, Tomlinson G, Langer JC, Doria AS. Predictors of non-diagnostic ultrasound scanning in children with suspected appendicitis. J Pediatr. 2011 Jan;158(1):112-8. 10. Kutasy B, Hunziker M, Laxamanadass G, Puri P. Increased incidence of negative appendectomy in childhood obesity. Pediatr Surg Int. 2010 Oct;26(10):959-62. 11. Trout AT, Sanchez R, Ladino-Torres MF. Reevaluating the sonographic criteria for acute appendicitis in children: a review of the literature and a retrospective analysis of 246 cases. Acad Radiol. 2012 Nov;19(11):1382-94. 12. Abo A, Shannon M, Taylor G, Bachur R. The influence of body mass index on the accuracy of ultrasound and computed tomography in diagnosing appendicitis in children. Pediatr Emerg Care. 2011 Aug;27(8):731-6. 13. Moore MM, Gustas CN, Choudhary AK, Methratta ST, Hulse MA, Geeting G, Eggli KD, Boal DK. MRI for clinically suspected pediatric appendicitis: an implemented program. Pediatr Radiol. 2012 Sep;42(9):1056-63. 14. Alvarado A. A practical score for the early diagnosis of acute appendicitis. Ann Emerg Med. 1986 May;15(5):557-64. 15. Samuel M. Pediatric appendicitis score. J Pediatr Surg. 2002 Jun;37(6):877-81. 16. Kulik DM, Uleryk EM, Maguire JL. Does this child have appendicitis? A systematic review of clinical prediction rules for children with acute abdominal pain. J Clin Epidemiol. 2013 Jan;66(1):95-104. 17. Escribá A, Gamell AM, Fernández Y, Quintillá JM, Cubells CL Prospective validation of two systems of classification for the diagnosis of acute appendicitis. Pediatr Emerg Care. 2011 Mar;27(3):165-9. 18. Ohle R, O'Reilly F, O'Brien KK, Fahey T, Dimitrov BD. The Alvarado score for predicting acute appendicitis: a systematic review. BMC Med. 2011 Dec 28;9:139. doi: 10.1186/17417015-9-139. 19. Bansal S, Banever GT, Karrer FM, Partrick DA. Appendicitis in children less than 5 years old: influence of age on presentation and outcome. Am J Surg. 2012 Dec;204(6):1031-5. 20. Kotobi H. Algorithme diagnostique actualisé. In Le dossier. Appendicite : une vieille pathologie revisitée. Réal Pédiatr. 2014 Apr;185(1):9-13. Les gastro-entéro-colites à éosinophiles J. Lemale, P. Tounian [email protected] INTRODUCTION Les pathologies à éosinophiles peuvent être séparées en 3 entités cliniques distinctes, les œsophagites à éosinophiles, les gastroentérites à éosinophiles (GEE) et les colites à éosinophiles (CE). Leur incidence semble en augmentation depuis une dizaine d’années mais il n’est pas exclu qu’elles aient été, jusqu’à il y a peu de temps, insuffisamment diagnostiquées compte tenu de l’éventail de symptômes non spécifiques qu’elles engendrent. Leur diagnostic est clinico-histologique, ces manifestations étant liées à une infiltration importante d’un ou plusieurs segments du tube digestif par des éosinophiles. Nous nous intéresserons ici aux deux dernières entités, bien moins connues que les œsophagites à éosinophiles. LES GASTROENTERITES A EOSINOPHILES Les GEE sont des maladies rares dont la première description remonte à 1937. Il existe à ce jour moins de 300 cas décrits dans la littérature touchant aussi bien l’adulte que l’enfant (1). Les centres de références nord-américains évaluaient dans les années 1980 la maladie à un 1 cas pour 100 000 personnes. Les descriptions sont en augmentation depuis les années 2000 avec une prévalence actuelle estimée à 22 cas pour 100 000 personnes (2). Distribution des éosinophiles dans le tube digestif : la frontière entre le normal et le pathologique Les éosinophiles résident normalement dans la muqueuse de tous les segments digestifs sauf dans l’œsophage. Il existe un gradient proximal à distal de la densité des éosinophiles du tube digestif. Par ailleurs, dans la lamina propria de l’intestin grêle, les éosinophiles sont plus concentrés en profondeur qu’à la surface et sont plus nombreux entre les cryptes qu’entre les villosités. Ils sont facilement visualisés en anatomo-pathologie avec une coloration standard type HES. Il n’existe aucun consensus sur le nombre d’éosinophiles normalement présents dans la muqueuse digestive, sauf dans l’œsophage où un nombre supérieur à 15 par champ est désormais retenu comme pathologique et permet de poser le diagnostic d’œsophagite à éosinophiles (3). Peu d’études rapportent le nombre théorique « attendu » d’éosinophiles dans la muqueuse digestive car ces cellules sont rarement comptabilisées lorsque les biopsies sont considérées comme normales et les enfants n’ayant pas de symptômes digestifs n’ont pas d’endoscopie. De plus, plusieurs facteurs environnementaux comme le climat, la vie urbaine/rurale et l’alimentation semblent influencer le nombre d’éosinophiles. Une étude a retrouvé chez des enfants ayant des biopsies gastriques normales un pic moyen d’éosinophiles de 8 par champ (HPF) dans l’antre et de 11/HPF dans le fundus (4). Dans l’intestin grêle, certains auteurs ont établi une limite normale d’éosinophiles à 20 par champ alors que d’autres l’estiment à 50 éosinophiles/HPF (4-5). Le diagnostic doit donc être posé avec l’aide d’un anatomo-pathologiste expérimenté car, indépendamment du nombre de ces cellules, plusieurs aspects histologiques doivent être recherchés pour définir une réelle entité pathologique. Les agrégats d’éosinophiles sont plus suspects que quelques éosinophiles seuls retrouvés habituellement dans la muqueuse intestinale. Des signes histologiques d’inflammation des cryptes avec une destruction partielle ou totale, des abcès cryptiques à éosinophiles, un aspect dégénératif et régénératif de l’épithélium, la présence d’éosinophiles intraépithéliaux ou d’autres signes d’inflammation minime aiguë ou chronique doivent être présents pour pouvoir porter le diagnostic de GEE (Photo 1). Physiopathologie La physiopathologie précise est actuellement inconnue. Il semblerait que chez les individus en bonne santé, les éosinophiles soient présents en petits nombres dans le tube digestif pour pouvoir en cas d’infection, notamment parasitaire, se multiplier et s’activer rapidement. Dans les GEE, une dysfonction immune mimant une infection parasitaire conduirait à une réaction inflammatoire. Les lésions histologiques seraient alors causées par l’infiltration éosinophilique et la dégranulation de ces cellules. Les cytokines IL3, IL5 et le GMCSF (granulocyte macrophage colony stimulating factor) pourraient être responsables du recrutement et de l’activation des éosinophiles (6). Par ailleurs, l’eotaxin jouerait un rôle dans la régulation du homing des éosinophiles dans la lamina propria de l’estomac et de l’intestin grêle. Les éosinophiles sont souvent impliqués dans les pathologies allergiques. Une augmentation de la prévalence des allergies a été notée chez les patients ayant des GEE. Dans cette population, une étude retrouve que l’incidence de la rhinite allergique est de 63 %, de l’asthme de 39 % et d’un eczéma de 10 %. Sur un terrain génétique prédisposant, des facteurs environnementaux tels que les allergènes alimentaires ou respiratoires pourraient déclencher cette réaction inflammatoire et entraîner une dégranulation des mastocytes et le recrutement des éosinophiles. Un modèle animal de GEE a été observé avec des rats mutés pour le gène Lyp codant pour une GTPase de la protéine GIMAP5 impliquée dans la protection des cellules contre l’apoptose. Les murins homozygotes pour cette mutation ont une perte de poids et une diarrhée. Une augmentation des éosinophiles et des mastocytes est retrouvée sur les biopsies de l’intestin grêle. Les cellules T Lyp/Lyp sécrètent un taux élevé d’IL4, d’IL5 et d’IL13 orientant vers un phénotype Th2 habituellement retrouvé dans les maladies atopiques. Des taux élevés d’IgE sont également observés (7). De même, l’efficacité de certains traitements dans la prise en charge oriente au moins en partie vers un mécanisme allergique. Chez l’homme, le traitement de 9 adultes atteints de GEE avec un anticorps monoclonal anti-IgE a montré une diminution des éosinophiles dans le sang et dans la muqueuse intestinale. Dans la mesure où la diminution n’est souvent que partielle, cela suggère que des mécanismes non IgE médiés sont également potentiellement impliqués. L’amélioration des symptômes chez l’enfant après une diète élémentaire confirme l’implication probable de certains allergènes alimentaires dans cette pathologie. Aspects cliniques Les GEE peuvent apparaître à n’importe quel âge avec une prédominance chez les garçons. Même si la majorité des cas rapportés surviennent chez des caucasiens, les cas cliniques décrits partout dans le monde ne suggèrent pas de prédominance ethnique. Une histoire personnelle d’allergie, d’eczéma, d’asthme est présente dans la majorité des cas. La survenue de symptômes après l’ingestion de certains aliments doit être recherchée. On observe parfois une variation des symptômes selon les saisons, notamment lors de l’exposition à certains pollens. Il faut rechercher une symptomatologie identique chez d’autres membres de la famille car des cas familiaux ont été décrits. Les GEE sont responsables de symptômes non spécifiques. Nous considérons ici les GEE idiopathiques anciennement appelées gastroentéropathies allergiques. En cas d’atteinte gastrique, les patients présentent fréquemment des douleurs abdominales, des nausées et vomissements et parfois des hémorragies digestives. En cas d’entérite, on observe souvent une diarrhée, une entéropathie exsudative. Indépendamment du site atteint, Klein et al. ont proposé une classification en fonction de l’infiltration éosinophilique de la paroi digestive (Cf tableau 1) (8). Sur le plan biologique, il existe une hyperéosinophilie périphérique dans 2/3 des cas. Les IgE totales sont également augmentées dans la majorité des cas. L’intérêt de l’imagerie est limité, des sténoses digestives ou un épaississement des parois digestives, notamment de l’estomac et de l’intestin grêle, peuvent être cependant visualisés en cas d’atteinte de la musculeuse. La fibroscopie œso-gastro-duodénale avec biopsies duodénales et gastriques permet de faire le diagnostic. Sur le plan macroscopique endoscopique, un érythème gastrique et duodénal, des plis gastriques épais, une muqueuse friable parfois nodulaire et/ou parsemée de micro-ulcération peuvent être visualisés. Cependant, dans certains cas, la fibroscopie est considérée comme normale. Les prélèvements doivent être réalisés en zones saines et pathologiques avec au moins 6 biopsies dans chaque zone car il peut exister des formes en patch. L’infiltration éosinophilique est retrouvée dans 26 à 81 % des cas dans l’estomac et dans 28 à 100 % des cas dans le duodénum. L’histologie met en évidence les lésions précédemment décrites. En cas de suspicion de GEE, il convient cependant d’éliminer les causes responsables d’augmentation des éosinophiles dans le sang et dans la muqueuse digestive (tableau 2) (9) : une parasitose de type helminthiases, une maladie inflammatoire intestinale, une maladie cœliaque, une tuberculose, un lymphome, une prise médicamenteuse (carbamazepine, sels d’or…), une mastocytose systémique et plus rarement chez l’enfant une slérodermie ou une vascularite (Syndrome de Churg-Strauss). Des tests cutanés (prick-tests et patchs-tests) ainsi que la recherche d’IgE spécifiques à des allergènes alimentaires et respiratoires sont réalisés en pratique courante. Il n’est pas rare de retrouver une sensibilisation à de multiples allergènes mais celle-ci n’est pas constante (10). Dans les formes responsables d’une symptomatologie de pseudo-obstruction intestinale, une biopsie chirurgicale profonde de la paroi digestive est parfois nécessaire. Dans tous les cas, devant l’absence de signes spécifiques, la corrélation histologie-symptômes sera jugée sur la réponse au traitement. Evolution L’évolution naturelle des GEE est peu connue car il n’existe pas d’études longitudinales prospectives, le nombre de cas rapportés étant faibles. Il apparaît, comme pour les œsophagites à éosinophiles, que certains patients ont une résolution complète des symptômes au cours du temps alors que d’autres ont une maladie persistante. Quand une sensibilisation à certains allergènes alimentaires est identifiée, le pronostic est bon après l’exclusion alimentaire. Il est néanmoins possible que la maladie évolue et touche d’autres segments du tube digestif, il convient alors d’être prudent car une GEE peut être le précurseur d’autres maladies et notamment des syndromes hyperéosinophiliques. Traitement Les recommandations dans la prise en charge des GEE sont limitées à des cas cliniques ou des petites séries de patients rétrospectives. Si des sensibilisations à des aliments sont identifiées par des tests allergologiques, un régime d’éviction est préconisé. Celui-ci doit être élaboré avec l’aide d’une diététicienne afin d’éduquer les patients et de lutter contre des carences potentielles secondaires. Parfois, une résolution complète des symptômes nécessite l’utilisation d’une diète élémentaire à base d’acides aminés pendant au moins 6 à 8 semaines voire plus longtemps. Le respect strict du régime est souvent difficile chez l’enfant et l’adolescent et les rechutes sont fréquentes à l’arrêt de la diète spécifique (10). Si aucune sensibilisation alimentaire n’est mise en évidence ou si un régime à base d’acides aminés a échoué, un traitement par prednisone ou methylprednisone plus ou moins associé à des corticoïdes locaux (fluticasone ou budésonide déglutis) est recommandé. En cas d’allergènes environnementaux identifiés, les patients doivent être traités par des antihistaminiques et des corticoïdes intra-nasaux. En cas d’échec, des petites séries de patients ont été traités avec succès par du cromoglycate de sodium oral (11), des anti-leucotriènes (montelukast) (12), des anti-histaminiques (ketotifen), des anticorps humanisés anti-IL5, des anticorps anti-IgE (omalizumab) (13). Dans certains cas, des agents immunosuppresseurs tels que l’azathioprine, le methotrexate ou même plus récemment les anti-TNF-α ont permis d’obtenir une amélioration clinique (14). LES COLITES A EOSINOPHILES Les CE sont également des pathologies rares avec seulement quelques petites séries de patients publiées. Il n’existe aucune étude de prévalence réalisée. Cela tient probablement au fait que cette entité est difficile à définir en l’absence de critères histologiques bien établis (16). Cette pathologie semble cependant en augmentation ou tout au moins plus souvent diagnostiquée comme en témoigne l’augmentation des nombres de cas publiés ces 10 dernières années. Physiopathologie La physiopathologie demeure également imprécise mais présente des similitudes avec les autres pathologies à éosinophiles. Il existe une prédisposition génétique indéniable comme en témoigne les formes familiales décrites. L’exposition à des facteurs environnementaux (allergènes respiratoires et alimentaires) activant les LT conduit à l’expression d’interleukines, de chemokines et d’eotaxines. Le déclenchement de la maladie par un mécanisme IgE médié ou non reste débattu selon les auteurs. Certains suggèrent que l’accumulation de mastocytes dans le tissu interstitiel colique chez les patients atteints de CE est responsable de la présence d’IgE (17). D’autres études mettent en avant un processus non IgE médié passant par les lymphocytes CD4 de type Th2. Un terrain atopique est en revanche souvent retrouvé car jusqu’à 80 % des patients ont un autre type d’allergie. Présentation clinique et diagnostic Les CE, anciennement appelées colites allergiques, ont une distribution bimodale, elles touchent plus fréquemment les nourrissons d’environ 2 mois et les adolescents. Les symptômes sont variables et dépendent du degré et de la localisation de l’infiltration éosinophilique. L’atteinte peut être segmentaire mais également pancolique. Les nourrissons ont volontiers une diarrhée glairo-sanglante trainante contrastant avec un état général conservé. Les enfants plus grands présentent également des selles diarrhéiques, sanglantes ou non, souvent associées à des douleurs abdominales, une perte de poids et une anorexie, le tableau peut mimer une recto-colite hémorragique (18). Sur le plan biologique, une anémie ferriprive est souvent observée, ainsi qu’une hypoalbuminémie par entéropathie exsudative. L’hyperéosinophilie serait en revanche plus rare que dans les GEE. Il n’y a communément pas de syndrome inflammatoire biologique. La coloscopie retrouve un aspect macroscopique non spécifique avec un érythème de la muqueuse, parfois en patch et parfois la présence d’ulcérations superficielles. Dans certains cas, l’endoscopie est décrite comme normale. Sur le plan histologique, la muqueuse colique est le siège de plages d’éosinophiles infiltrant la lamina propria avec souvent une extension à travers la musculaire muqueuse voire la sous-muqueuse. Des abcès cryptiques ainsi qu’une hyperplasie lymphoïde sont également courants. Ces aspects peuvent être segmentaires ou diffus, des biopsies multiples sont nécessaires. Il faut également prendre en compte la présence normale d’éosinophiles dans la muqueuse colique avec un gradient descendant du côlon proximal au distal (caecum : 35 éosinophiles/HPF, rectum : 10 éosinophiles/HPF). Il convient pour porter le diagnostic d’éliminer également toutes les causes potentielles d’infiltration de la muqueuse colique par les éosinophiles, c’est-à-dire, rechercher une infection parasitaire (helminthiases), la prise de médicaments (surtout carbamazépine, rifampicine, inhibiteurs de la calcineurine), des arguments pour une vascularite (syndrome de Churg-Strauss, sclérodermie) ou un syndrome hyperéosinophilique. Les investigations allergologiques ont quelques limites, les pricks-tests négatifs permettent juste d’exclure une forme d’allergie IgE médiée. La positivité de ceux-ci ne permet pas de certifier le diagnostic mais oriente vers la possibilité d’une allergie alimentaire. Traitement Les formes des nourrissons alimentés par des préparations infantiles sont traitées par l’exclusion des protéines de lait de vache avec administration d’un hydrolysat extensif de protéine de lait de vache voire une solution d’acides aminés. La réponse au régime est en général favorable avec dans la majorité des cas une amélioration de la symptomatologie dans les 72 heures. La disparition des symptômes peut en revanche être plus prolongée avec un arrêt des rectorragies 1 à 2 mois après l’exclusion des protéines de lait de vache. Dans les formes de l’enfant plus grand et de l’adolescent, la réponse au régime est souvent plus limitée d’autant que d’éventuels allergènes alimentaires sont rarement identifiés. La corticothérapie systémique est souvent utilisée avec succès mais les rechutes sont fréquentes à l’arrêt. Dans ces cas, des traitements de fond par immunosuppresseurs de type azathioprine peuvent être tentés (19). Par ailleurs, comme pour les GEE, les nouvelles biothérapies par omalizumab (anti-IgE) ou mepolizumab (anti-IL5) pourraient être au moins partiellement efficaces dans les formes sévères mais d’autres travaux avec des séries de patients plus grandes sont nécessaires pour confirmer leur intérêt. CONCLUSION Les GEE et CE, bien qu’elles aient augmenté ces dernières années, restent des maladies rares. Les symptômes cliniques sont variés et non spécifiques c’est pourquoi le diagnostic histologique doit être fait par un anatomopathologiste expérimenté. L’évolution naturelle est inconnue. Les régimes d’éviction alimentaire, pouvant aller jusqu’à une diète élémentaire, doivent être tentés en premier lieu pour les GEE et les CE du nourrisson. Ce n’est qu’en cas d’échec que les corticoïdes systémiques voire les immunosuppresseurs ou les biothérapies seront envisagés. Photo 1 : Biopsie duodénale. Infiltration d’éosinophiles dans le chorion, quelques éosinophiles intraépithéliaux. Tableau 1 : Classification de Klein (Gastro-entérite à éosinophiles) Localisation éosinophiles Muqueuse des Distribution 57,5 % Symptômes Nausées, vomissements Douleurs abdominales Saignement digestif, anémie Malabsorption, diarrhée, entéropathie exsudative Retard de croissance Musculeuse 30 % Signes d’obstruction luminale Troubles de la motricité digestive Séreuse 12,5 % Ascite Ballonnement Péritonite Tableau 2 : Bilan proposé devant une suspicion de GEE - FOGD avec biopsies de l’œsophage, de l’estomac et du duodénum multiples Analyse histologique et en immunohistochimie (protéines des granules des éosinophiles et des mastocytes). Recherche d’Helicobacter pylori Marqueurs sanguins, urinaires et fécaux : eosinophil cationic protein (ECP), eosinophilderived neurotoxin (EDN) et eosinophil protein X (EPX) NFS Immunophénotypage lymphocytaire CRP, vitesse de sédimentation IgE totales et IgE spécifiques (allergènes alimentaires et respiratoires) Prick-tests et patch-tests Intradermoréaction à la tuberculine Examen parasitologique des selles Anticorps anti-transglutaminases, ANCA, ASCA Bibliographie (1) Kaijser R. Zur kenntnis der allergischen affektionen des verdauungskanal vom standpunkt des chirurgen aus. Arch Klin Chir 1937;188:36-64. (2) Prussin C. Eosinophilic Gastroenteritis and related Eosinophilic Disorders. Gastroenterol Clin North Am. 2014;43:317-27. (3) Liacouras CA, Furuta GT, Hirano I et al. Eosinophilic esophagitis : update consensus recommendations for children and adults. J Allergy Clin Immunol 2011;128:4-20. (4) DeBrosse CW, Case JW, Putnam PE et al. Quantify and distribution of eosinophils in the gastrointestinal tract of children. Pediatr Dev Pathol 2006;9:210-8. (5) Lowichk A, Weinberg AG. A quantitative evaluation of mucosal eosinophils in the pediatric gastrointestinal tract. Mod Pathol 1996;9:110-4. (6) Masterson JC, Furuta GT, Lee JJ. Update on clinical and immunological features of eosinophilic gastrointestinal diseases. Curr Opin Gastroenterol 2011;27:515-22. (7) Cousins L, Graham M, Tooze R et al. Eosinophilic bowel disease controlled by the BB ratderived lymphopenia/giamp5 gene. Gastroenterology 2006;131:1475-85. (8) Klein NC, Hargrove RL, Sleisenger MH et al. Eosinophilic gastroenteritis. Medecine 1970;49:299-319. (9) Fleischer DM, Atkins D. Evaluation of the patient with suspected eosinophilic gastrointestinal disease. Immunol Allergy Clin 2009;29:53-63. (10) Ishimura N, Furuta K, Sato S et al. Limited role of allergy testing in patients with eosinophilic gastrointestinal disorders. Journal of gastroenterology and hepatology 2013;28:1306-13. (11) Chehade M, Magid MS, Mofidi S et al. Allergic eosinophilic gastroenteritis with proteinlosing enteropathy : intestinal pathology, clinical course and long-term follow-up. J Pediatr Gastroenterol Nutr 2006;42:516-21. (12) Di Gioacchino M, Pizzicannella G, Fini N et al. Sodium cromoglycate in the treatment of eosinophilic gastroenteritis. Allergy 1990;45:161-6. (13) Neustrom MR, Friesen C. Treatment of eosinophilic gastroenteritis with montelukast. J Allergy Clin Immunol 1999;104:506. (14) Foroughi S, Foster B, Kim N et al. Anti-IgE treatment of eosinophil-associated gastrointestinal disorders. J Allergy Clin Immunol 2007;120:594-601. (15) Turner D, Wolters VM, Russell RK et al. Anti-TNF, Infliximab, and Adalimumab can be effective in eosinophilic bowel disease. J Pediatr Gastroenterol Nutr 2013;56:492-497. (16) Yan BM, Schaffer EA. Primary eosinophilic disorders of gastrointestinal tract. Gut 2009;58:721-32. (17) Inamura H, Kashiwase Y, Morioka J et al. Accumulation of mast cells in the interstitium of eosinophilic colitis. Allergol Immunopathol 2006;34:228-30. (18) Elawad MA, Hill SM, Smith V et al. Eosinophilic colitis after infancy. J Pediatr Gastroenterol Nutr 2004;39:S243. (19) Rothenberg ME. Eosinophilic gastrointestinal disorders. J Allergy Clin Immunol. 2004 ;113 :11-28. Communications libres 4 Pathologies hématologiques induites par l’EBV chez les patients atteints de déficits immunitaires primitifs Bénédicte Neven1,2, Stéphane Blanche1, Sylvain Latour2 1. Unité d’immuno-hématologie pédiatrique, Hôpital Necker-Enfant Malades, Assistance Publique des Hôpitaux de Paris, Paris, France 2. Développement normal et pathologique du système immunitaire, Unité INSERM U768, Université Descartes, Sorbonne Paris Cité, Institut IMAGINE, Paris, France Le virus d'Epstein-Barr (EBV) est un virus ubiquitaire de la famille des herpès gamma qui infecte la très grande majorité des êtres humains, l’incidence de la primo-infection est > 90 % à 30 ans. Le réservoir de l'EBV est strictement humain, la transmission inter-humaine se fait par la salive. La primo-infection passe le plus souvent inaperçue, mais elle peut induire une maladie lymphoproliférative bénigne, la Mononucléose Infectieuse (MNI) qui se caractérise par une maladie auto-limitée avec un syndrome grippal, fièvre, fatigue, pharyngite, adénopathies cervicales, parfois une splénomégalie transitoire. Le diagnostic repose sur la clinique, confirmé par la sérologie, les IgM anti-VCA (antigènes capsulaires) apparaissent précocement mais transitoirement suivis par les IgG anti-VCA. Les IgG anti-EBNA (antigène nucléaire) apparaissent secondairement après 1 à 3 mois et témoignent d’une séroconversion complète. Lors de la primo-infection, le virus infecte les cellules épithéliales de l’oropharynx puis les lymphocytes B naïfs pour lesquels l’EBV a un tropisme marqué. Sous l’influence de l’EBV, les lymphocytes B infectés prolifèrent et se transforment en lymphoblastes qui sont la cible des lymphocytes T CD8 cytotoxiques spécifiques du virus et des cellules NK. Cette réponse immune permet de contrer le virus dans sa forme latente au sein d’un petit contingent de lymphocytes B mémoires, un nombre limité de gènes viraux sont alors exprimés 1. Le virus EBV est également associé à certaines pathologies tumorales affectant les cellules B (lymphome de Burkitt, maladie de Hodgkin, lymphomes non-hodgkiniens), les cellules T (lymphomes T), ou des cellules épithéliales (carcinome du rhinopharynx, adénocarcinomes gastriques). Chez les sujets immunodéprimés (sujet infecté par le VIH, transplanté d’organe ou de moelle sous immunosuppresseurs…), les réactivations de l’EBV peuvent être responsables de syndrome lymphoprolifératif post-transplantation. Dans certains déficits immunitaires primitifs (DIP), le virus EBV peut également être responsable de pathologies spécifiques. Il s’agit principalement de DIP associé à un défaut de cytotoxicité, un défaut de l’immunité cellulaire ou encore un défaut de l’interaction entre lymphocytes B et T 2, 3. Ces situations autorisent la persistance d’une infection chronique active par le virus EBV et prédisposent à différentes situations cliniques pathologiques telles que : - une mononucléose infectieuse fulminante avec un syndrome d’hémophagocytose lympho-histiocytaire (HLH) (syndrome d’activation macrophagique ou SAM) au moment de la primo-infection par l’EBV ; - un syndrome lymphoprolifératif EBV induit (pouvant aller jusqu'à un lymphome B), associé à une réplication sanguine chronique. ; - Une infection chronique à EBV caractérisée par la persistance de signes cliniques de MNI chroniques ou intermittents > 6 mois, associés à une réplication virale sanguine chronique. L’étude de ces déficits immunitaires permet de décrypter les fonctions et protéines au sein des lymphocytes T et NK qui sont essentielles au contrôle de ce virus 2(latour review). 1. DIP associés à un défaut de cytotoxicité Les lymphocytes T CD8 cytotoxiques et les cellules NK sont essentiels pour assurer l’élimination de cellules infectées par des agents viraux et jouent également un rôle dans l’immunosurveillance anticancéreuse. Les fonctions cytotoxiques de ces cellules requièrent une machinerie de polarisation et d’exocytose de granules cytotoxiques contenant la perforine et les granzymes au niveau de la synapse immunologique, visant ainsi l’élimination de la cellule cible. Plusieurs défauts moléculaires sont responsables d’une anomalie de cette machinerie cytotoxique et se traduisent en clinique par un syndrome d’hémophagocytose lympho-histiocytaire (HLH), caractérisé par une réponse immune exagérée et mal contrôlée4. Cette réponse immune inappropriée de l’hôte est généralement déclenchée par un agent infectieux viral, et en particulier l’EBV. L’agent viral ne peut être éliminé du fait du défaut de cytotoxicité et sa persistance engendre une hyperactivation des lymphocytes T CD8 et des cellules NK qui produisent de l’interféron gamma en grande quantité et stimulent les macrophages (Figure 1). Cette activation engendre un état hypercytokinique et hyperinflammatoire rendant compte des principaux signes cliniques et biologiques du syndrome HLH 5. Le diagnostic de syndrome hémophagocytaire6 se définit par la présence d’au moins 5 des critères suivants : 1. fièvre 2. splénomégalie 3. bicytopénie : Hb < 90 g/l (< 100 g/l dans la période néonatale); plaquettes < 100 000/mm³ ; polynucléaires neutrophiles < 1000/mm³ 4. hypertriglycéridémie (≥ 3,0 mmol/l, à jeun) et/ou hypofibrinogénémie (< 1,5 g/l) 5. hémophagocytose dans la moelle osseuse, rate ou ganglions (sans maladie maligne) 6. hyperferritinémie (≥ 500 µg/l) 7. taux élevé de CD25 soluble (≥ 2400 UI/ml) 8. défaut de la cytotoxicité des lymphocytes NK. Dans ces circonstances, une activation intracérébrale est fréquente et doit être recherchée cliniquement, biologiquement (méningite lymphocytaire, excès de T activés dans le LCR) et radiologiquement (IRM cérébrale). Les causes moléculaires de DIP associé a à un défaut de cytotoxicité sont présentées Table 1. La lymphohistiocytose familiale (LHF) (défaut en perforine, MUNC 13.4, synthaxine 11 ou MUNC 18.2) se manifeste classiquement par un HLH très précoce, dès les premières semaines ou mois de vie. L’EBV est donc rarement impliqué comme facteur déclenchant à cet âge de la vie. Certains patients avec défauts partiels (mutations hypomorphes des gènes impliqués dans la LHF) peuvent se manifester plus tardivement dans l’enfance voire à l’âge adulte7. Dans ces situations particulières, tout comme dans les syndromes hémophagocytaires associés à un alibinisme partiel (cf table 1) l’EBV est fréquemment l’agent déclenchant. Une atteinte neurologique prédominante est possible et constitue un piège diagnostique à ne pas méconnaître. 2. Défaut d’activation T et d’interaction entre lymphocytes T et B Il s’agit d’un groupe hétérogène de DIP caractérisés par un mauvais contrôle de l’infection par l’EBV. La persistance de ce virus peut entraîner sur le plan clinique, un syndrome lymphoproliferatif EBV-induit plus ou moins agressif ou un HLH. Nous insisterons sur les DIP où la susceptibilité à l’infection par l’EBV et les symptômes qui y sont associés domine le mode de révélation clinique. Parmi ces diagnostics, le syndrome lymphoprolifératif lié à l'X (ou XLP) représente l'une des formes les mieux caractérisées. Il existe deux formes moléculaires (XLP-1 et XLP-2) qui présentent des similitudes mais aussi des différences sur le plan clinique 8. Nous évoquerons également les déficits immunitaires combinés tels que le déficit en CD27, le déficit en ITK et le XMEN syndrome décrits plus récemment et dont le mode de révélation principal est en lien avec un mauvais contrôle de l’EBV. A côté de ces DIP bien caractérisés sur le plan moléculaire, le CA-EBV (chronic active EBV infection) est une pathologie rare, dont une forme particulière caractérisée par une infection des lymphocytes T et/ou NK par l’EBV est retrouvée principalement au Japon et en Asie du Sud-Est, nous en évoquerons les contours diagnostiques. Le syndrome XLP-1 (ou syndrome de Putilo) est causé par une mutation du gène SH2D1A qui code pour la protéine SAP (SLAM-associated protein) 9, 10. Il s’agit d’une protéine cytoplasmique adaptatrice exprimée dans les cellules T CD8 cytotoxiques, les cellules NK et les cellules NKT. Ces derniers représentent un contingent minoritaire de cellules T de type « immunité innée » qui reconnaissent des antigènes lipidiques présentés par la molécule CD1d et ont la capacité de monter une réponse immune rapide mais peu spécifique. Ces cellules joueraient un rôle important dans l’immunité antivirale et est discuté dans l’immunité antitumorale. La protéine SAP est indispensable à la genèse de ce contingent cellulaire, absent ou très fortement diminué en cas de déficit en SAP. SAP joue également un rôle important dans la signalisation des récepteurs SLAM (signaling lymphocyte activation molécule) exprimés à la surface des cellules hématopoïétiques, en induisant un message activateur ou de co-stimulation 11. Le défaut en SAP induit un défaut de cytotoxicité des cellules NK et les CD8 cytotoxiques incapables d’éliminer les lymphocytes B infectés par l’EBV. C’est ce défaut de cytotoxicité qui est principalement responsable de la susceptibilité à l’EBV 12 13 14. Le phénotype clinique du déficit en SAP est variable. La majorité des garçons atteints développent, suite à la rencontre avec l’EBV, un syndrome d'activation macrophagique ou mononucléose infectieuse maligne. Un lymphome B, plus ou moins lié à l’EBV peut également survenir et peut être la première manifestation du syndrome de Purtilo. Une hypogammaglobulinémie se développe fréquemment dans 40 % des cas. Une séroconversion incomplète (présence d’IgG anti-VCA, absence d’IgG anti-EBNA) est fréquente. Le syndrome XLP-2 est causé par une mutation du gène XIAP (X-linked inhibitor of apoptosis) 15. Ce gène code pour une protéine cytoplasmique appartenant à la famille des protéines inhibitrices de l’apoptose. Elle est exprimée de façon ubiquitaire. Le lien entre déficit en XIAP et susceptibilité à l’EBV n’est pas encore pleinement élucidé. Cliniquement, le déficit en XIAP peut se manifester par un syndrome HLH EBV-induit comme le déficit en SAP. Il diffère de ce dernier par l’absence de risque de développement de lymphome. Une colite mimant une maladie inflammatoire du tube digestif peut également révéler un déficit en XIAP dans 20 à 30 % des cas 16, 17. Une splénomégalie chronique est fréquemment retrouvée. Sur le plan immunologique, ces garçons présentent une diminution du nombre de NKT circulants mais moins prononcée que dans le déficit en SAP. Une séroconversion incomplète est également fréquente. Plus récemment, des mutations du gène ITK (Interleukin 2 – inducible T-cell kinase) ont été identifiées chez des patients présentant un syndrome lymphoprolifératif EBV induit18, 19. Le mode de transmission est autosomique récessif. La protéine ITK est exprimée principalement dans les lymphocytes T et joue un rôle dans la signalisation proximale du récepteur T (TCR) et la transduction du signal activateur via la mobilisation du flux calcique intracellulaire. ITK jouerait également un rôle dans la maturation et la survie des cellules NKT chez la souris. A ce jour, 8 patients ont été décrits. Le mode de révélation est, chez tous ces patients, un syndrome lymphoprolifératif B- EBV induit survenant dans l’enfance (3-14 ans). Une atteinte pulmonaire caractérisée par des nodules pulmonaires est fréquente (6 patients/8). Ces SLP ont évolué vers un lymphome (majoritairement de type Hodgkin) chez 5 patients. Sur le plan immunologique, le déficit en ITK se caractérise par une lymphopénie en particulier CD4 progressive et une hypogammaglobulinémie. Un défaut en NKT a également été documenté chez les patients étudiés. Le déficit en CD27 Le CD27 est une molécule transmembranaire exprimée sur certaines populations lymphocytaires T, B et NK. Il s’agit d’un marqueur utile pour définir les populations mémoires T et B. L’interaction de CD27 avec son ligand, le CD70, fourni un message de costimulation nécessaire à l’activation des lymphocytes T, B et NK et permet également la différentiation de ces populations. En particulier, cette interaction est importante dans la génération de lymphocytes T mémoires antiviraux et dans l’induction de la cytotoxicité NK dépendante. Le déficit autosomique récessif en CD27 a été rapporté chez 10 individus issus de 4 familles. 20 21 . Le phénotype clinique varie entre une lymphopénie B mémoires isolée (n = 3), une virémie EBV chronique associée à un syndrome lymphoprolifératif chronique (n = 5) incluant 1 patient évoluant secondairement vers une aplasie médullaire. Le développement d’un lymphome (n = 3) est également possible. Une hypogammaglobulinémie et un défaut partiel des réponses anticorps postvaccinales sont observés de façon inconstante. Le taux de lymphocytes T CD4 et CD8 semblent préservés chez les malades décrits, la lymphopénie NKT est inconstante. XMEN syndrome Ce syndrome XMEN (X-linked immunodeficiency with magnesium defect, EBV infection, and neoplasia) est causé par une mutation perte de fonction du gène codant pour un transporteur du magnésium (MAGT1) 22. MAGT1 bien que exprimé de façon ubiquitaire, l’est fortement dans le système hématopoïétique. La perte de fonction de MAGT1 entraîne une abolition du flux transitoire de Mg2+ induit par la stimulation du TCR et nécessaire à son activation optimale. La conséquence est également une diminution du taux basal de Mg2+ libre dans la cellule ce qui entraîne la diminution d’expression de récepteur NKG2D à la surface des cellules NK et des lymphocytes T cytotoxiques, impliqué dans les fonctions cytotoxiques de ces cellules 23. Huit patients (garçons) atteints de syndrome XMEN sont décrits à ce jour avec un âge de révélation très variable s’étendant de la petite enfance à l’âge adulte (3-45 ans) 24. Ils se caractérisent par une virémie EBV chronique et un risque important de développer une pathologie lymphomateuse EVB-induite. Certains patients présentent également des manifestations infectieuses autres traduisant le caractère combiné de ce DIP (varicelle grave, zona, molluscum, otite moyenne aiguë, sinusite…). Sur le plan immunologique, une lymphopénie CD4 et une réduction du pourcentage de lymphocytes T naïfs est décrite. Un défaut de prolifération lymphocytaire aux mitogènes et antigènes est inconstamment retrouvé de même qu’une dysgammaglobulinémie. CA-EBV (chronic-active EBV infection) Certains patients, sans signe de déficit immunitaire par ailleurs, présentent de façon chronique (> 6 mois) ou récurrente des symptômes compatibles avec une mononucléose infectieuse tels que fièvre, hépatosplénomégalie, lymphadénopathie associés à une réplication EBV chronique dans le sang et une séroconversion incomplète. Le terme « infection chronique active à EBV » (CAEBV) est maintenant généralement employé pour décrire cette situation clinique pathologique25. Une forme particulière de CAEBV se rencontre principalement au Japon, en Asie du Sud Est et en Amérique centrale. Elle se caractérise par une expansion poly, oligo ou monoclonale de Cellules T ou NK infectées par EBV26, 27. Il s’agit d’une entité hétérogène sur le plan clinique. Le plus fréquemment, ces patients présentent des signes compatibles avec un CAEBV (symptômes chroniques ou récurrents de mononucléose infectieuse associés à une réplication sanguine chronique de l’EBV) associés parfois à des cytopénies, une diarrhée, une hépatite, une uvéite ou encore des calcifications intracérébrales. Une atteinte cutanée à titre d’hypersensibilité aux piqûres d’insectes ou d’un hydroa vacciniforme peut être associée ou précéder les signes cliniques de mononucléose infectieuse chronique. L’hypersensibilité aux piqûres d’insectes se manifeste par une réaction locale érythémateuse bulleuse, suintante puis nécrotique évoluant vers des cicatrices importantes. L’Hydroa vacciniforme correspond à une éruption vésiculopapuleuse nécrotique des zones exposées au soleil, là aussi laissant place à de larges cicatrices. L ‘analyse histologique de ces lésions révèlent une infiltration par des lymphocytes infectés par l’EBV (EBER positif) soit NK (le plus souvent dans les cas d’hypersensibilité aux piqûres d’insectes) soit de lymphocytes T (en cas d’hydroa vacciniforme). Le développement d’une véritable pathologie maligne de type lymphome ou leucémie T/NK est possible y compris après plusieurs années de CAEBV indolent. Ces formes particulières de CAEBV peuvent également se manifester par des formes systémiques fulminantes associant HLH, défaillance multiviscérale et coagulation intra- vasculaire disséminée le plus souvent concomitante de la primo-infection EBV. La physiopathologie de ces formes de CAEBV est à ce jour mal comprise. A côté de ces situations pathologiques particulières, rappelons que de nombreux déficits immunitaires combinés (DIC) peuvent s’accompagner d’une virémie EBV chronique parfois compliquée d’un syndrome lymphoprolifératif EBV induit. Ces DIC constituent un groupe hétérogène de DIP qui affecte l’immunité cellulaire et l’immunité humorale (soit intrinsèquement soit secondairement). Chez ces patients, les problèmes liés à l’EBV surviennent dans un contexte clinique plus global en rapport avec la susceptibilité aux infections vis-à-vis des agents viraux et des agents opportunistes, parfois associés à des manifestations auto-immunes, dysimmunes ou une lymphoprolifération chronique. Nous citerons ici le déficit en DOCK8, le déficit en STK4 ou encore le syndrome de WiskottAldrish ou ces lymphoproliférations ± EBV induites sont fréquentes. Conclusion L’étude de ces déficits immunitaires principalement révélés par un mauvais contrôle de l’infection par l’EBV permet de mieux comprendre les interactions complexes entre ce virus et le système immunitaire de l’hôte et en souligne les acteurs et fonctions clés dans le contrôle de cette infection. Le rôle des lymphocytes T (activation et fonction cytotoxique) apparaît clairement de même que celui des cellules NKT, fréquemment diminués dans les DIP discutés et dont les propriétés antivirale et antitumorale font l’objet de nombreuses recherches. Le clinicien confronté à un patient présentant des symptômes cliniques (HLH, syndrome lymphoprolifératif, fièvre persistante ou récurrente) et/ou biologiques (virémie EBV persistante, séroconversion incomplète) évocateurs d’un mauvais contrôle de l’EBV doit être alerté. Ces situations justifient d’un avis immunologique spécialisé de façon à rechercher un déficit immunitaire primitif. Ces explorations viseront à éliminer un défaut de cytotoxicité, un déficit en SAP et XIAP, un défaut de l’immunité cellulaire et en particulier un défaut d’activation lymphocytaire T. Références 1. Cohen JI. Epstein-Barr virus infection. N Engl J Med. 2000; 343(7): 481-92. 2. Parvaneh N, Filipovich AH, Borkhardt A. Primary immunodeficiencies predisposed to Epstein-Barr virus-driven haematological diseases. Br J Haematol. 2013; 162(5): 573-86. 3. Veillette A, Perez-Quintero LA, Latour S. X-linked lymphoproliferative syndromes and related autosomal recessive disorders. Curr Opin Allergy Clin Immunol. 2013; 13(6): 614-22. 4. Fischer A, Latour S, de Saint Basile G. Genetic defects affecting lymphocyte cytotoxicity. Curr Opin Immunol. 2007; 19(3): 348-53. 5. de Saint Basile G, Menasche G, Fischer A. Molecular mechanisms of biogenesis and exocytosis of cytotoxic granules. Nat Rev Immunol. 2010; 10(8): 568-79. 6. Lehmberg K, Ehl S. Diagnostic evaluation of patients with suspected haemophagocytic lymphohistiocytosis. Br J Haematol. 2013; 160(3): 275-87. 7. Zhang K, Jordan MB, Marsh RA et al. Hypomorphic mutations in PRF1, MUNC13-4, and STXBP2 are associated with adult-onset familial HLH. Blood. 2011; 118(22): 5794-8. 8. Pachlopnik Schmid J, Canioni D, Moshous D et al. Clinical similarities and differences of patients with X-linked lymphoproliferative syndrome type 1 (XLP-1/SAP deficiency) versus type 2 (XLP-2/XIAP deficiency). Blood. 2011; 117(5): 1522-9. 9. Purtilo DT, Cassel CK, Yang JP, Harper R. X-linked recessive progressive combined variable immunodeficiency (Duncan's disease). Lancet. 1975; 1(7913): 935-40. 10. Nichols KE, Harkin DP, Levitz S et al. Inactivating mutations in an SH2 domain-encoding gene in X-linked lymphoproliferative syndrome. Proc Natl Acad Sci U S A. 1998; 95(23): 13765-70. 11. Engel P, Eck MJ, Terhorst C. The SAP and SLAM families in immune responses and Xlinked lymphoproliferative disease. Nat Rev Immunol. 2003; 3(10): 813-21. 12. Latour S, Veillette A. Molecular and immunological basis of X-linked lymphoproliferative disease. Immunol Rev. 2003; 192: 212-24. 13. de Saint Basile G, Menasche G, Latour S. Inherited defects causing hemophagocytic lymphohistiocytic syndrome. Ann N Y Acad Sci. 2011; 1246: 64-76. 14. Palendira U, Low C, Chan A et al. Molecular pathogenesis of EBV susceptibility in XLP as revealed by analysis of female carriers with heterozygous expression of SAP. PLoS Biol. 2011; 9(11): e1001187. 15. Rigaud S, Fondaneche MC, Lambert N et al. XIAP deficiency in humans causes an X-linked lymphoproliferative syndrome. Nature. 2006; 444(7115): 110-4. 16. Speckmann C, Lehmberg K, Albert MH et al. X-linked inhibitor of apoptosis (XIAP) deficiency: the spectrum of presenting manifestations beyond hemophagocytic lymphohistiocytosis. Clin Immunol. 2013; 149(1): 133-41. 17. Aguilar C, Lenoir C, Lambert N et al. Characterization of Crohn disease in X-linked inhibitor of apoptosis-deficient male patients and female symptomatic carriers. J Allergy Clin Immunol. 2014. 18. Huck K, Feyen O, Niehues T et al. Girls homozygous for an IL-2-inducible T cell kinase mutation that leads to protein deficiency develop fatal EBV-associated lymphoproliferation. J Clin Invest. 2009; 119(5): 1350-8. 19. Linka RM, Risse SL, Bienemann K et al. Loss-of-function mutations within the IL-2 inducible kinase ITK in patients with EBV-associated lymphoproliferative diseases. Leukemia. 2012; 26(5): 963-71. 20. van Montfrans JM, Hoepelman AI, Otto S et al. CD27 deficiency is associated with combined immunodeficiency and persistent symptomatic EBV viremia. J Allergy Clin Immunol. 2012; 129(3): 787-93 e6. 21. Salzer E, Daschkey S, Choo S et al. Combined immunodeficiency with life-threatening EBVassociated lymphoproliferative disorder in patients lacking functional CD27. Haematologica. 2013; 98(3): 473-8. 22. Li FY, Chaigne-Delalande B, Kanellopoulou C et al. Second messenger role for Mg2+ revealed by human T-cell immunodeficiency. Nature. 2011; 475(7357): 471-6. 23. Chaigne-Delalande B, Li FY, O'Connor GM et al. Mg2+ regulates cytotoxic functions of NK and CD8 T cells in chronic EBV infection through NKG2D. Science. 2013; 341(6142): 186-91. 24. Li FY, Chaigne-Delalande B, Su H et al. XMEN disease: a new primary immunodeficiency affecting Mg2+ regulation of immunity against Epstein-Barr virus. Blood. 2014; 123(14): 2148-52. 25. Cohen JI, Kimura H, Nakamura S et al. Epstein-Barr virus-associated lymphoproliferative disease in non-immunocompromised hosts: a status report and summary of an international meeting, 8-9 September 2008. Ann Oncol. 2009; 20(9): 1472-82. 26. Kimura H. Pathogenesis of chronic active Epstein-Barr virus infection: is this an infectious disease, lymphoproliferative disorder, or immunodeficiency? Rev Med Virol. 2006; 16(4): 251-61. 27. Fujiwara S, Kimura H, Imadome K et al. Current research on chronic active Epstein-Barr virus infection in Japan. Pediatr Int. 2014; 56(2): 159-66. Figure 1: Lors d’une infection virale chez un sujet sain, les lymphocytes T CD8 spécifiques s’activent et subissent une expansion clonale transitoire. Ils produisent de l’IFNγ et éliminent les cellules cibles infectées via leur activité cytotoxique. En cas de défaut de cytotoxicité, les lymphocytes T CD8 subissent une expansion clonale incontrôlée et produisent de l’IFNγ de façon importante, activant les macrophages responsables du processus d’hémophagocytose. Les lymphocytes T CD8 et les macrophages activés infiltrent les tissus et induisent une destruction tissulaire. Table 1 : Principaux Déficits immunitaires primitifs associés à des anomalies hématologiques EBV induites DIP associé à un défaut de cytotoxicité défaut génétique transmission gène virémie HLH chro. LPD lymphome hypo-gamma Défaut en perforine (FHL2) AR PRF1 + - + - Défaut en MUNC 13.4 (FHL3) AR UNC13D + - - +/- Défaut en syntaxine 11 (FHL4) AR STX11 + - - - Défaut en MUNC 18.2( FHL5) AR STXBP2 + - + + diarrhée chronique (formes complètes) Syndrome de Chediak-Higashi AR LYST + - - - albinisme partiel Syndrome de Griscelli AR RAB27A + - - - albinisme partiel Hermansky-Pudlak Syndrome type 2 AR AP3B1 +/- - + - albinisme partiel autres manifestations cliniques Autres DIP se présentant principalement par un défaut de contrôle de EBV Déficit en SAP (XLP1) lié à X SH2DIA + - + + Déficit en XIAP (XLP2) lié à X XIAP + + - variable Déficit en CD27 AR CD27 + + + variable Déficit en ITK AR ITK + + + + Syndrome XMEN lié à X MAGT1 - + + variable infections virales (varicelle grave, zona…) CAEBV ? ? + + + ? Hypersensibilité aux piqûres d'insectes Colite, fièvre récurrente, splénomégalie chronique Hydroa vacciniforme, AR : autosomique récessif ; FHL : familial hemophagocytic lymphohistiocytosis = lymphohistiocytose familiale ; HLH : hemophagocytic lymphohistiocytosis virémie chro.: virémie chronique ; +: présent, +/-: rare, -: non rapporté Histiocytose : avancées génétiques et perspectives thérapeutiques Jean DONADIEU, Sébastien HERITIER Registre des histiocytoses Centre de Référence des Histiocytoses Service d'Hémato-Oncologie Pédiatrique AP HP Hopital Trousseau 26 avenue du Dr Netter F 75012 Paris E mail : [email protected] Tel 33 1 44 73 53 14 / 33 1 71 73 82 66 www.histiocytose.org www.eurohistio.net Les histiocytoses : généralités Les histiocytoses sont les pathologies liées à l'accumulation au sein de tissus d'histiocytes, c'est à dire de cellules de la lignée monocytaire - macrophagique. La classification de ces différentes pathologies est à ce jour histologique, mais aussi causale1. De façon très schématique, on considère 3 groupes d'histiocytose : 1) le groupe des histiocytoses "malignes", avec prolifération clonale de cellules de la lignée monocytaire-macrophagique, présentant les critères cytologiques de malignité, depuis la leucémie aigüe monoblastique jusqu'aux sarcomes à cellules inter digitées et aux sarcomes histiocytaires. 2) le groupe des histiocytoses 'réactionnelles', conséquence d'une stimulation immunologique inappropriée dans les syndromes d'activation macrophagique génétiques ou lymphohistiocytoses2, d'une accumulation intra cytoplasmique d'une substance en quantité anormale dans les maladies de surcharge génétique comme la maladie de Gaucher ou la maladie Niemann-Pick, ou enfin d'une infection à micro-organismes intracellulaires comme dans les mycobactéries (tuberculose et mycobactéries atypiques), la gale, la maladie de Whipple... 3) le groupe des histiocytoses primitives comportant une accumulation d'histiocytes sans étiologie déterminée jusqu’à récemment. Pour le langage médical usuel, seul ce dernier groupe est dénommé 'histiocytoses'. Ces histiocytoses sont donc définies à la fois par l'exclusion des autres diagnostics et par l'aspect morphologique et immunophénotypique des cellules : on définit ainsi l'histiocytose à cellules de Langerhans (la plus fréquente), l'histiocytose sinusale ou maladie de Rosai Dorfman, la maladie d'Erdheim Chester, le xanthogranulome juvénile. Ces entités ont toujours posé des difficultés de diagnostic aux cliniciens et aux pathologistes, les formes de passage étant fréquentes entre elles. De plus, la certitude diagnostique reste toujours fragile, impliquant une confrontation radio clinique et pathologique et le clinicien se doit d'être toujours aux aguets pour ne pas passer à côté des autres membres de la grande famille des histiocytoses, réactionnelles ou malignes. Mais nous limiterons notre propos ici à l'entité la plus fréquente : l'histiocytose langerhansienne. L'histiocytose langerhansienne : vue d'ensemble en 2014 L’histiocytose langerhansienne est une pathologie multi systémique rare liée à l’accumulation de cellules de Langerhans au sein de différents organes. C'est la plus fréquente des histiocytoses. Selon les manifestations cliniques, différentes appellations ont été utilisées dans la littérature : granulome éosinophile, maladie de Hand-Schuller-Christian, maladie de Letterer-Siwe, maladie d’HashimotoPritzker. Le terme générique d’histiocytose X les a regroupé puis celui d’histiocytose langerhansienne. La plupart des organes du corps peuvent être atteints et les plus fréquents sont l’os (80 %), la peau (33 %), l’hypophyse (25 %). D’autres organes peuvent être atteints comme le poumon, le foie, la rate, le système hématopoïétique dans 15 %, les ganglions dans 5 à 10 %, le système nerveux central en dehors de l’hypophyse dans 2 à 4% des cas3. L’évolution va de la régression spontanée à une progression rapide pouvant parfois conduire au décès. La maladie induit des séquelles permanentes dans 30 à 40 % des cas, dont certaines peuvent être dramatiques : insuffisance respiratoire chronique, insuffisance hépato cellulaire et cholangite sclérosante, atteinte neuro-dégénérative, surdité, atteinte hypophysaire… Les patients dont la maladie reste localisée ont besoin d’un traitement local voire d’aucun traitement. A l’inverse, les atteintes multiviscérales, fréquentes chez les enfants de moins de deux ans, ont un pronostic plus réservé et doivent bénéficier d’un traitement comportant l’association de médicaments cytotoxiques4. L'épidémiologie descriptive est connue chez l'enfant. L'incidence annuelle en France est d'environ 60 cas par an chez l'enfant de moins de 15 ans tandis qu'il existe environ 500 cas prévalents. L'âge du diagnostic est très précoce avec un âge médian de diagnostic de 18 mois. La thérapeutique de l'histiocytose langerhansienne a progressé dans les dernières années à la fois par la clarté des indications et son efficacité, au moins pour la survie qui atteint chez l'enfant environ 98 % de survie à 5 ans4. Les médicaments utilisés sont tous des cytostatiques et les principaux sont la vinblastine, les stéroïdes, le 6-Mercaptopurine, la Cladribine (2-CdA) et l'Aracytine. La Cladribine seule ou en association avec l'Aracytine permet de contrôler les rares formes qui échappent au traitement standard associant Vinblastine, stéroïde et 6-Mercaptopurine. Ces traitements, quoiqu'efficace sur les poussées de la maladie, ne parviennent pas à en faire régresser les séquelles. De plus, le traitement des formes multiviscérales et réfractaires de la maladie sont accompagnées d'effets indésirables majeurs et impliquent des hospitalisations très longues. On peut ajouter que ces traitements, issus d'une pratique empirique, ne disposent d'aucune base rationnelle. Ils sont efficaces, mais impossible de savoir pourquoi ! Physiopathogénie de l'histiocytose langerhansienne : ce qui était connue Ces inconnus, l'efficacité partielle des traitements motivent depuis des années la recherche de la physiopathogénie de cette maladie. Jusqu'à 2010, on connaissait le profil immunophénotypique des cellules de Langerhans de l’histiocytose langerhansienne (CHL), en particulier l’expression de CD1a, de la Langerine (CD207) et la présence de granule de Birbeck, caractéristiques partagées avec les cellules de Langerhans normales (CL), mais également de nombreuses différences par rapport à celles-ci : expression anormales de molécules d’adhésion (CD2 et de façon variable CD11a et CD11b) et d’autres marqueurs membranaires comme PNA (peanut agglutinin), PLAP (placental alcaline phosphatase) et récepteur à l’interféron γ. Sur le plan fonctionnel, il a été montré que les CHL ont un profil incomplètement mature avec une fonction présentatrice antigénique très diminuée par rapport à des CL normales matures issues d'un même sujet. Elles sont par ailleurs capables de produire un certain nombre de cytokines pro-inflammatoire dont l'IL1, le TNFα et le GM-CSF, qui peuvent expliquer certains signes systémiques de la maladie comme la fièvre et la cachexie. De grandes quantités de GM-CSF ont été mises en évidence dans le cytoplasme de CHL et les enfants atteints de formes graves d'Histiocytose Langerhansienne ont un taux circulant de GM-CSF plus élevé que des sujets témoins, suggérant un rôle autocrine du GM-CSF5. Ainsi, le profil d’expression des molécules d’adhésion, le profil de production cytokinique et le profil d'expression des gènes des cytokines6 des CHL est très particulier par rapport au CL. Au sein des lésions, les CHL dont le caractère proliférant est débattu7;8, sont accompagnées d’un cortège de cellules inflammatoires composant le granulome histiocytaire. Lors de la constitution du granulome histiocytaire, structure tissulaire qui constitue la lésion typique de l’histiocytose langerhansienne, des cellules giganto cellulaires sont observées. Ces cellules giganto cellulaires possèdent les caractéristiques d’ostéoclastes même si ces cellules sont observées dans des lésions extra osseuses9. Ces cellules sont issues de la fusion de plusieurs cellules macrophagiques et / ou CHL. Des métallo protéases (MMP-9 et MMP-12), libérées lors de la constitution du granulome histiocytaire, sont alors présentes et sont potentiellement responsables de dégâts cellulaires. Au sein d’un granulome histiocytaire, les CHL ne prolifèrent pas et il existe une infiltration importante de CD4 T régulateurs, mais aussi de cellules vasculaires qui prolifèrent plus que les CHL. Le processus physiopathogénique de l’histiocytose langerhansienne comporte donc une accumulation de cellules CHL, au sein d’un environnement cellulaire réactionnel, et non une prolifération de ces cellules. Enfin, des arguments faibles existaient en faveur d'une origine clonale des CHL par étude de l'inactivation du chromosome X10. Ces résultats obtenus sur moins de 10 cas, sont apparus contredits par l'analyse de lésions pulmonaires simultanées mais distinctes anatomiquement d’un même patient11. Enfin, les études par CGH et de pertes d’hétérozygotie sur les CHL n’ont pas montré d’anomalies structurales récurrentes12. L'histiocytose langerhansienne : une pathologie de la voie des MAP Kinases ! Mais dans l'été 2010, une étude à partir de 61 tissus histiocytaires a montré la présence dans environ 50 % (n=34) des cas d’histiocytose langerhansienne de la mutation activatrice BRAFV600E au sein des CHL13. Ce résultat a été maintenant confirmé par toutes les équipes impliquées dans les recherches sur cette maladie14-17. La voie RAS-RAF-MEK-ERK (ou voie des MAP Kinases) est une voie de transduction de la membrane au noyau, composée par une cascade de kinases qui aboutit à une modulation de l'expression de gènes impliqués dans la croissance cellulaire, la prolifération et la différenciation en réponse à des facteurs de croissance, cytokines et hormones (cf figure 1). La protéine B-RAF, composant important de cette cascade, est une des 3 kinases de la famille de RAF avec A-RAF, et C-RAF (ou RAF-1), B-RAF ayant la plus forte activité kinase des 3. L’activation de RAF est initiée par l'association de RAS-GTP avec un domaine de liaison de RAS, aboutissant à des changements dans la phosphorylation de RAF, une stimulation de son activité kinase et activation de MEK et ERK. Figure 1 : Cascade des MAP-Kinases La présence de mutation dans cette voie de signalisation est commune à de nombreux cancers. Environ 15% des cancers humains ont des mutations activatrices RAS et récemment, des mutations dans BRAF ont été identifiées dans de nombreux cancers. Les mutations somatiques de B-RAF sont associées aux mélanomes malins, aux cancers colorectaux, aux cancers de l'ovaire, aux carcinomes papillaires thyroïdiens, aux tumeurs gliales. L'analyse des séquences du gène B-RAF associées aux cancers de l'homme identifie plus de 30 mutations faux-sens, principalement dans le domaine kinase. La plupart des mutations de B-RAF sont regroupées dans deux régions: la boucle riche en glycine P du lobe N et le segment d'activation et des régions adjacentes. Une substitution Glu pour Val au niveau du résidu 600 dans le segment d'activation, représente 90% des mutations B-RAF dans les cancers humains. Le mutant V600E (anciennement V599E) de B-RAF possède les caractéristiques d'un oncogène classique. L'activité kinase de cette protéine mutante est très élevée, elle stimule l'activité constitutive ERK in vivo indépendant de RAS 18. Les conséquences de cette découverte vont au delà de l'affirmation de la clonalité de l'histiocytose langerhansienne. On peut résumer cette avancée sur plusieurs points: * Cette découverte ne vient bien sur pas contredire le caractère cliniquement bénin de la maladie. Une maladie peut être auto régressive et clonale ! Ceci souligne que les conséquences physiologiques des mutations sont dépendantes du système cellulaire dans lequel elles apparaissent, de l’environnement cellulaire et de l’association avec d’autres évènements mutationnels ou modifications épi génétiques. * L'apparition d'une réaction clonale peut tout à fait être le fruit d'une stimulation antigénique. Le rôle d'une infection a été mainte fois suggéré à partir d’observations individuelles d'un déclenchement d'une histiocytose par une infection et, de même pour l'effet d'une vaccination et du tabac. Cet effet de déclenchement n'a cependant rien de nécessaire et d’obligatoire et la seule étude cas-témoin n’a pas confirmé pas le rôle causal du CMV, de l’EBV, de HHV6 19. Mais ceci n’exclut pas un rôle potentiel non spécifique d’une infection, ou d'un stimulus chimique comme le tabac, pour favoriser l'apparition d'une histiocytose en jouant un rôle de trigger sur une cellule présentatrice d’antigène (la cellule de Langerhans) qui serait préalablement porteuse d’une mutation activatrice ou au contraire favoriser l'apparition d'une mutation. * Au delà de la mutation ponctuelle BRAFV600E mise en évidence dans la moitié des cas, il a été montré que les produits d'activation de cette voie : ERK +/- MEK, étaient constamment phosphorylés dans toutes les histiocytose langerhansiennes, impliquant la présence d’autres mutations activatrices de cette voies20. Ainsi, il y a quelques mois, une mutation de A-RAF 21 a été rapportée, puis cet été des mutations de MAP2K1 (=MEK1 )22 . * Il existe dés lors un outil moléculaire de diagnostic de la maladie. Cet outil permet aussi d'affirmer la présence de cellules circulantes histiocytaires B-RAFV600E 14 et pourrait présenter un facteur pronostic et décisionnel dans la stratification thérapeutiques. * Les mutations B-RAFV600E sont retrouvés dans une même proportion dans la maladie d'Erdheim Chester15 qui était considérée comme une pathologie distincte, quoique très proche avec des formes de recouvrement 23 . Mais la présence d'une mutation identique, chez des patients pouvant présenter successivement une histiocytose de Langerhans et une histiocytose d'Erdheim Chester tend à considérer qu'il s'agit d'une pathologie identique, dont les expressions cellulaire, morphologique, immunophénotypique sont liées à l'âge. * La présence de mutations activatrices de BRAFV600E a logiquement suscité un intérêt pour la nouvelle classe de traitement ciblant cette voie : les anti-BRAF. Ces traitements ont été développés pour le traitement de plusieurs cancers et des effets intéressants ont été observés dans le mélanome métastatique24. Les premières utilisations thérapeutiques chez des adultes porteurs d'histiocytose de formes mixtes Erdheim Chester / histiocytose langerhansienne ont montrés une efficacité du Vemurafenib (un des inhibiteurs de B-RAF) sur les 2 contingents de cellules 25 et l'utilisation pilote chez un nouveau-né porteur d'une histiocytose langerhansienne suggère aussi un effet thérapeutique très actif de ces molécules dans les histiocytoses langerhansiennes. En conclusion, la conception physiopathogénique de l'histiocytose langerhansienne a profondément changés ces 4 dernières années avec la découverte des mutations activatrices d’oncogènes impliqués dans la voie des MAP-kinases. Ces découvertes offres de nouvelles perspectives et des outils dans l’évaluation des patients, avec de nouvelles approches thérapeutiques qui sont à suivre ! References 1. Cline MJ. Histiocytes and histiocytosis. Blood 1994;84:2840-2853. 2. de Saint BG, Menasche G, Latour S. Inherited defects causing hemophagocytic lymphohistiocytic syndrome. Ann.N.Y.Acad.Sci. 2011;1246:64-76. 3. Donadieu J, Egeler M, Pritchard J. Langerhans cell histiocytosis: a clinical update. In: Weitzman S, Egeler M, eds. Histiocytic Disorders of Children and Adults. 2005:95-129. 4. Donadieu J, Chalard F, Jeziorski E. Medical management of langerhans cell histiocytosis from diagnosis to treatment. Expert.Opin.Pharmacother. 2012;13:1309-1322. 5. Emile JF, Fraitag S, Andry P et al. Expression of GM-CSF receptor by Langerhans' cell histiocytosis cells. Virchows Arch. 1995;427:125-129. 6. Allen CE, Li L, Peters TL et al. Cell-specific gene expression in Langerhans cell histiocytosis lesions reveals a distinct profile compared with epidermal Langerhans cells. J.Immunol. 2010;184:4557-4567. 7. Senechal B, Elain G, Jeziorski E et al. Expansion of regulatory T cells in patients with Langerhans cell histiocytosis. PLoS.Med. 2007;4:e253. 8. Schouten B, Egeler RM, Leenen PJ et al. Expression of cell cycle-related gene products in Langerhans cell histiocytosis. J Pediatr Hematol.Oncol. 2002;24:727-732. 9. Da Costa CE, Annels NE, Faaij CM et al. Presence of osteoclast-like multinucleated giant cells in the bone and nonostotic lesions of Langerhans cell histiocytosis. J.Exp.Med. 2005;201:687-693. 10. Willman CL, Busque L, Griffith BB et al. Langerhans'-cell histiocytosis (histiocytosis X)--a clonal proliferative disease. N.Engl.J Med. 1994;331:154-160. 11. Yousem SA, Colby TV, Chen YY, Chen WG, Weiss LM. Pulmonary Langerhans' cell histiocytosis: molecular analysis of clonality. Am.J Surg.Pathol. 2001;25:630-636. 12. Da Costa CE, Szuhai K, van ER et al. No genomic aberrations in Langerhans cell histiocytosis as assessed by diverse molecular technologies. Genes Chromosomes.Cancer 2009;48:239-249. 13. Badalian-Very G, Vergilio JA, Degar BA et al. Recurrent BRAF mutations in Langerhans cell histiocytosis. Blood 2010;116:1919-1923. 14. Berres ML, Lim KP, Peters T et al. BRAF-V600E expression in precursor versus differentiated dendritic cells defines clinically distinct LCH risk groups. J.Exp.Med. 2014;211:669-683. 15. Haroche J, Charlotte F, Arnaud L et al. High prevalence of BRAF V600E mutations in ErdheimChester disease but not in other non-Langerhans cell histiocytoses. Blood 2012 16. Satoh T, Smith A, Sarde A et al. B-RAF mutant alleles associated with Langerhans cell histiocytosis, a granulomatous pediatric disease. PLoS.One. 2012;7:e33891. 17. Sahm F, Capper D, Preusser M et al. BRAFV600E mutant protein is expressed in cells of variable maturation in Langerhans cell histiocytosis. Blood 2012;120:e28-e34. 18. Mercer K, Giblett S, Green S et al. Expression of endogenous oncogenic V600EB-raf induces proliferation and developmental defects in mice and transformation of primary fibroblasts. Cancer Res. 2005;65:11493-11500. 19. Jeziorski E, Senechal B, Molina TJ et al. Herpes-virus infection in patients with Langerhans cell histiocytosis: a case-controlled sero-epidemiological study, and in situ analysis. PLoS.One. 2008;3:e3262. 20. Badalian-Very G, Vergilio JA, Fleming M, Rollins BJ. Pathogenesis of Langerhans cell histiocytosis. Annu.Rev.Pathol. 2013;8:1-20. 21. Nelson DS, Quispel W, Badalian-Very G et al. Somatic activating ARAF mutations in Langerhans cell histiocytosis. Blood 2014;123:3152-3155. 22. Brown NA, Furtado LV, Betz BL et al. High prevalence of somatic MAP2K1 mutations in BRAF V600E negative Langerhans cell histiocytosis. Blood 2014 23. Hervier B, Haroche J, Arnaud L et al. Association of both Langerhans cell histiocytosis and ErdheimChester disease linked to the BRAFV600E mutation: a multicenter study of 23 cases. Blood 2014 24. Flaherty KT, Puzanov I, Kim KB et al. Inhibition of mutated, activated BRAF in metastatic melanoma. N.Engl.J.Med. 2010;363:809-819. 25. Haroche J, Cohen-Aubart F, Emile JF et al. Dramatic efficacy of vemurafenib in both multisystemic and refractory Erdheim-Chester disease and Langerhans cell histiocytosis harboring the BRAF V600E mutation. Blood 2013;121:1495-1500. Communications libres 5 Anorexie mentale du sujet prépubère : actualités sur le diagnostic et la prise en charge Dr Anne Bargiacchi (Service de Pédopsychiatrie, Hôpital Robert Debré 48 bd Sérurier 75019 PARIS [email protected]) INTRODUCTION L’anorexie mentale (AM) est une pathologie potentiellement sévère qui peut toucher des sujets avant l’âge de la puberté avec une prévalence dans ce cas évaluée aux alentours de 0,5 % (0,2 à 0,6 %) dans la population générale. L’AM de l’enfant prépubère, ou AM à début précoce, est grave compte tenu du retentissement majeur à court terme et à long terme sur le développement psychiatrique, émotionnel et somatique dans une phase où l’enfant est en pleine maturation. DEFINITIONS L’anorexie mentale à début précoce peut se définir par la coexistence d’une perte de poids provoquée, de cognitions anormales concernant l’aspect physique et/ou le poids et de préoccupations anormales concernant le poids et/ou l’aspect physique et/ou l’alimentation (critères du Great Ormond Street Hospital) chez des sujets de moins de 14 ans. Les cognitions et préoccupations anormales concernant le poids et/ou l’aspect physique peuvent être remplacées par une peur des vomissements ou des douleurs abdominales. Ainsi, l’absence de cognitions anorexiques à proprement parler ne doit pas faire éliminer d’emblée le diagnostic d’anorexie dans cette tranche d’âge. Chez l’enfant, la restriction hydrique est classique (par opposition à la potomanie des adolescentes et adultes jeunes) ; les vomissements provoqués sont rarissimes. La comorbidité avec les troubles obsessionnels et compulsifs est très fréquente (1). EPIDEMIOLOGIE On estime que l'AM de l’enfant prépubère représente près de 5 % de tous les cas d’AM. La prévalence serait d'environ 0,2 à 0,6 % en population générale, avec un sex ratio de 3 garçons pour 10 filles. Il est intéressant de noter que dans une étude, Lask et ses collègues ont constaté que chez les filles ayant reçu un diagnostic d’AM à début précoce, on retrouve un taux plus élevé de visites chez le médecin au cours des 5 années précédant le diagnostic que chez les filles sans diagnostic de trouble du comportement alimentaire. Une seule visite chez le médecin ayant pour motif l’alimentation ou le poids serait par ailleurs un facteur prédictif d'un diagnostic ultérieur d'AM. Cependant, lors de ces consultations, les symptômes seraient fréquemment attribués à autre chose que l'AM (comme une manifestation de la puberté ou une manière de tester les limites parentales). ÉTIOLOGIES L'anorexie mentale (AM) est une maladie d’étiologie multifactorielle, complexe, dont l’apparition résulte de facteurs de risque, de facteurs précipitants (ou « déclenchants ») et de facteurs pérennisants (favorisant le maintien du trouble). Certains facteurs de risque sont connus pour augmenter le risque d’AM : facteurs périnataux (hypoxie cérébrale), facteurs génétiques et épigénétiques (gènes monoaminergiques et gènes impliqués dans le contrôle du poids, de l’appétit, de la balance énergétique), sexe féminin, antécédents familiaux de trouble du comportement alimentaire, abus sexuels dans l'enfance, troubles alimentaires de la petite enfance, certains troubles psychiatriques (en particulier troubles anxieux comme les troubles obsessionnels compulsifs), certains sports (par exemple la danse, avec un risque relatif de développer une AM 6 à 25 fois supérieur chez les danseuses, ou tout sport pratiqué à haut niveau, de manière intensive ou sport avec catégorie de poids), certains traits tempéramentaux et profils neuropsychologiques (rigidité, perfectionnisme, difficultés à exprimer ses sentiments) et enfin facteurs de risque socioculturels (pression pour être mince dans un environnement obésogène) (2). Il n’existe à l’heure actuelle pas de facteurs de risque spécifiques connus pour l’anorexie mentale du sujet prépubère. DIAGNOSTIC ET ÉVALUATION Une AM doit être recherchée chez tout enfant ayant perdu du poids ou arrêté de prendre du poids et/ou ayant cassé sa courbe de croissance staturo-pondérale et/ou ayant modifié récemment ses habitudes alimentaires et/ou verbalisant des préoccupations pour son poids ou pour l’alimentation. L’observation d’un enfant pour qui un diagnostic d’AM est suspecté doit comporter une évaluation des comportements de restriction alimentaire (relevé des prises alimentaires sur les derniers jours en faisant préciser ce qui a été consommé au petit-déjeuner, déjeuner, goûter et dîner, s’il y a eu des repas sautés) et la recherche d’une sélectivité alimentaire (en fonction des calories, éviction de toute graisse, des sucres…). Les éventuelles cognitions anorexiques ou équivalents sont notées (pensées erronées et obsédantes sur le corps ou les formes corporelles, sur le poids, sur l’alimentation, peur de grossir, maux de ventre ou envie de vomir pendant les repas, peur de voir son corps changer…) ainsi que les comportements anorexiques, comme les rituels alimentaires (couper en tout petit, mâcher longtemps, trier, éparpiller dans l’assiette,…), une trop grande rigidité sur les horaires de repas et les conditions de prise alimentaire, des vomissements, une hyperactivité (très fréquente), un hyperinvestissement scolaire. Des comorbidités sont également recherchées, en particulier anxieuse (symptômes obsessionnels compulsifs), dépressive. Les éventuels facteurs de risque et les facteurs précipitants (moqueries à l’école, conflits à la maison…) sont notés. Le poids, la taille et l’indice de masse corporelle (IMC = P/T2) sont reportés sur les courbes correspondantes. Le stade de Tanner doit être évalué. Les enfants perdent généralement du poids plus rapidement que les adolescents et les adultes, du fait de leur faible masse grasse. L’examen clinique recherche des signes de gravité, en particulier les symptômes de dénutrition et de déshydratation. Un bilan biologique pour évaluer le retentissement et pour rechercher des signes de gravité doit être systématique. A cet âge, des conséquences métaboliques et endocriniennes sévères sont observées, avec un effet délétère de la survenue de l’anorexie mentale sur l’évolution de la puberté ainsi que sur la croissance et la taille adulte. L’intensité des anomalies métaboliques observées en relation avec la dénutrition est responsable d’un ralentissement voire d’un arrêt de la croissance staturale, d’un retard pubertaire (retard de survenue de la ménarche de 2 à 3 ans lorsque l’anorexie mentale survient chez l’enfant prépubère ou en tout début de puberté) ou d’un arrêt de progression de la puberté avec aménorrhée primaire ainsi que d’anomalies de la composition corporelle avec ostéopénie et défaut d’acquisition de masse osseuse. L’amélioration de l’anorexie mentale et le retour à une nutrition normale entraînent généralement une reprise de la croissance [même si le rattrapage pourrait être dans certains cas incomplet, certaines études rapportant une perte staturale définitive moyenne de 4 cm (3,9 cm chez 30 % d’entre elle pour Léger et al. 2011)], de la puberté et une acquisition plus adéquate de masse osseuse. Cependant, certains sujets conservent un déficit statural important avec petite taille définitive, irrégularités menstruelles et ostéopénie, le plus souvent liés à la sévérité et à la durée de l’affection. L’âge de la ménarche semblerait corrélé à l’âge au début de l’anorexie et à l’âge où l’IMC a été le plus bas. La durée observée pour la reprise de l’évolution pubertaire semblerait plus longue que la reprise de la croissance staturale (3). Un avis endocrinologique spécialisé est systématiquement demandé pour évaluer le retentissement du trouble alimentaire sur la croissance et le développement pubertaire et envisager des stratégies thérapeutiques adaptées. A l’issue de ce bilan, une orientation appropriée peut être décidée pour la prise en charge. PRISE EN CHARGE Elle doit être la plus précoce possible, multidisciplinaire, en favorisant l’ambulatoire. Le médecin généraliste ou le pédiatre travaille si possible en lien avec un psychiatre, un diététicien et un thérapeute familial. Les indications d’hospitalisation temps plein sont rappelées dans les recommandations de l’HAS parues en 2010. Dans tous les cas, le traitement doit prendre en compte à la fois les aspects physiques et psychologiques de ce trouble alimentaire. Le traitement a trois objectifs principaux : • Corriger les problèmes médicaux qui peuvent survenir. • Aider les jeunes à atteindre un « poids de bonne santé » (entre le 25ème et le 50ème percentile en termes d’IMC dans la majorité des cas) et à développer des habitudes alimentaires saines. • Aider les jeunes à parler de leurs sentiments et à apprendre des façons plus ajustées de faire face aux problèmes. Pour atteindre ces objectifs, le traitement doit se concentrer sur: • Travailler sur la motivation à se soigner. • Inciter les parents à reprendre un rôle d’équipe parentale soudée et efficace. • Modifier progressivement les comportements alimentaires et permettre de retrouver un poids santé, permettant la reprise de la croissance et du développement pubertaire. • Développer des stratégies de gestion du stress et de résolution de problèmes. • Apprendre à communiquer et à gérer des émotions difficiles, au sein de la famille et avec les autres. • Développer des compétences relationnelles efficaces. Le poids de bonne santé est déterminé en fonction de l’âge et de la taille (IMC cible entre le 25ème et le 50ème percentile, ou dans certains cas, poids auquel une reprise de la croissance staturale est observée). La modification progressive des habitudes alimentaires vise en général une reprise de 500 g par semaine en ambulatoire. Il est important d’expliquer à l’enfant quels sont les objectifs du traitement ainsi que les différentes étapes. Lors de la phase initiale du traitement, il est fréquent de dispenser l’enfant d’activité physique afin de ne pas accroître les dépenses énergétiques. HOSPITALISATION Les critères d’hospitalisation sont rappelés dans les recommandations HAS de 2010. Des hospitalisations de jour ou une hospitalisation à domicile peuvent parfois être une alternative pour les sujets motivés et sans critères de gravité. L’hospitalisation a lieu idéalement en service spécialisé, parfois en pédiatrie générale pour débuter la renutrition et la réhydratation. La renutrition doit être progressive (initialement 10 à 15 kcal/kg/jour) pour éviter le syndrome de renutrition inapproprié. Une supplémentation en phosphore est recommandée de manière systématique (PHOSPHONEUROS 50 à 100 gouttes par jour). Le traitement en milieu hospitalier dure habituellement de trois à six mois. La durée du traitement ambulatoire psychologique et le contrôle physique après une période de traitement en milieu hospitalier devrait normalement être d'au moins 12 mois. En hospitalisation, l’objectif de reprise de poids est souvent plus rapide (500 g à 1 kg par semaine). Pour certains patients, la renutrition peut être proposée par sonde naso-gastrique (aphagie totale par exemple) (4). TRAITEMENT AMBULATOIRE Lorsque cela est possible, le traitement ambulatoire est favorisé. Il associe idéalement le médecin traitant, le psychiatre, le thérapeute familial et le diététicien. Chez l’enfant, la thérapie familiale a fait la preuve de son efficacité dans la prise en charge de l’AM. La prise en charge familiale a pour but non pas de tenter d'éclaircir les processus familiaux qui peuvent avoir eu un effet de « causalité » mais plutôt ceux qui sont des réponses à ce problème et qui peuvent avoir un effet pérennisant. Le but de la thérapie familiale est donc d'aider la famille, à l'aide de leurs propres idées et de leurs propres forces. L’idée est de soutenir les compétences de résolution de problèmes de l’enfant et de sa famille en incitant les parents à se positionner comme une équipe soudée contre la maladie. Il s’agit également de faire comprendre à la famille qu'ils font partie de la solution et non du problème. Tous les membres de la famille vivant à la maison, y compris les frères et sœurs, participent à la prise en charge. Les sessions sont hebdomadaires ou bimensuelles. Des groupes de parents ou des groupes de thérapie multifamiliale peuvent parfois être proposés (5). Dans certains cas, une thérapie individuelle est proposée à l’enfant, utilisant des techniques d’entretien motivationnel, des techniques cognitives et comportementales ou encore psychodynamiques. TRAITEMENT MEDICAMENTEUX En dehors de la supplémentation des éventuelles carences (calcium, vitamine D, phosphore), aucun traitement médicamenteux n’est recommandé dans le traitement de l’anorexie mentale de l’enfant (6). Ponctuellement, un traitement anxiolytique (hydroxyzine 1mg/kg/jour) peut être prescrit (en cas d’anxiété majeure au moment des repas par exemple). D’autres stratégies thérapeutiques peuvent être proposées au cas par cas, par exemple en cas de retentissement prolongé sur la vitesse de croissance, un traitement par hormone de croissance peut être envisagé (essai thérapeutique en cours à l’hôpital Robert Debré). PRONOSTIC ET EVOLUTION L’évolution de l’AM chez l’enfant est favorable dans 70 % des cas après 5 à 7 ans de prise en charge. Dans 10 % des cas, il existerait une chronicisation des troubles et dans les 20 % des cas restants, une évolution vers un TCA atypique ou une boulimie. L’apparition de comorbidités psychiatriques est très fréquente (trouble anxieux dans 53 % des cas, trouble de l’humeur dans 60 % des cas). CONCLUSION L’AM de l’enfant est une pathologie sévère, actuellement encore mal connue et sous-diagnostiquée. Il est important d’y penser devant toute cassure de la courbe de croissance staturo-pondérale chez un enfant qui modifie ses comportements alimentaires qualitativement ou quantitativement, ou qui se plaint de nausées ou douleurs abdominales répétées. Le médecin généraliste est l’un des acteurs principaux dans le suivi de la reprise de poids progressive, en lien avec psychiatre, psychothérapeute et diététicien. BIBLIOGRAPHIE 1. MC Mouren, C Doyen, MF Le Heuzey, S Cook. Les troubles du comportement alimentaire de l’enfant. Elsevier Masson. 2011. 2. Lask Bryan. Eating disorders in early chlidhood and adolescence. Routledge. 2007. 3. Rozé C, Doyen C, Le Heuzey M-F, Armoogum P, Mouren M-C, Léger J. Predictors of late menarche and adult height in children with anorexia nervosa. Clin. Endocrinol. (Oxf). 2007 Sep;67(3):462–7. 4. Yon L, Doyen C, Asch M, Cook-Darzens S, Mouren M-C. [Treatment of anorexia nervosa in young patients in a special care unit at Robert-Debré Hospital (Paris): guidelines and practical methods]. Arch Pediatr. 2009 Nov;16(11):1491–8. 5. Cook-Darzens S, Doyen C, Mouren M-C. Family therapy in the treatment of adolescent anorexia nervosa: current research evidence and its therapeutic implications. Eat Weight Disord. 2008 Dec;13(4):157–70. 6. Doyen C, Asch M. [Eating disorders in childhood and early adolescence]. Rev Prat. 2008 Jan 31;58(2):173–6. Troubles du spectre de l’autisme et pathologies associées Dr GUERIN Pascaline Unité de Psychopathologie de l’Enfant et de l’Adolescent (Troubles Envahissants du Développement / Troubles spécifiques des apprentissages) Hôpitaux Universitaires Est Parisien - Hôpital Armand Trousseau/La Roche-Guyon (AP/HP). E-mail : [email protected] Chercheur associé CNRS-UMR 7355 – Laboratoire « Immunologie et Neurogénétique Expérimentales et Moléculaires » – Université d’Orléans. Les troubles du spectre de l’autisme (TSA), tels qu’ils sont définis dans les nosographies internationales et dernièrement dans le DSM V, regroupent des tableaux cliniques très hétérogènes, hétérogénéité relevant en partie de l’étendue des critères diagnostiques requis, mais aussi de troubles surnuméraires, dont le retard mental et l’épilepsie, rattachables dans un certain nombre de cas à des pathologies associées. Les origines métabolique et/ou génétique de ces comorbidités sont parfois déjà bien connues et peuvent orienter vers des conduites à tenir spécifiques, de surveillance entre autres. Dans d’autres cas, ces syndromes associés (syndrome X fragile, syndrome de Rett), mais aussi la mise en évidence de nouvelles anomalies génétiques, facilitée par des techniques de plus en plus performantes dans l’analyse du génome (puces à ADN pangénomique, séquençage de l’exome), ouvrent des perspectives encourageantes pour une meilleure compréhension des dysfonctionnements observés dans les troubles autistiques et servent de modèles d’études pour envisager des pistes thérapeutiques innovantes. Des tableaux cliniques et des causes polymorphes L’hétérogénéité clinique des TSA, imputable à la définition nosographique, est souvent compliquée par 3 facteurs : 1- l’épilepsie et le retard mental sont beaucoup plus fréquents chez les sujets autistes que dans la population générale et s’expriment sous des formes et des intensités variables selon les sujets 2- des signes cliniques non spécifiques à l’autisme (colères, agressivité, auto-mutilations, troubles anxieux et de l’humeur, troubles du sommeil, troubles alimentaires et digestifs (diarrhées, constipation) peuvent se surajouter et être parfois révélateurs d’une comorbidité 3- dans 20% à 25% des cas, coexistent une autre maladie, d’origine infectieuse, métabolique ou génétique bien identifiée, dont la symptomatologie propre se surajoute aux signes autistiques. Cependant dans 75 à 80% des cas d’autisme, l’étiologie reste à ce jour non élucidée. Les facteurs génétiques étiologiques ont été mis au premier plan pour les arguments suivants : - La prévalence des TSA est estimée ce jour à 1/110 enfants de 8 ans avec un sexe ratio déséquilibré de 4 garçons pour une fille (2/1 en cas de retard mental associé) (1). - Les études de jumeaux montrent une différence considérable de concordance entre jumeaux monozygotes et jumeaux dizygotes (il y a concordance, quand les deux jumeaux sont atteints, et discordance quand un seul des deux l’est). Ce taux de concordance est de 70 à 90% pour les jumeaux monozygotes (qui partagent le même génome, c’est à dire l’intégralité de leurs gènes) et d’environ 10% seulement pour les jumeaux dizygotes. - Le risque de récurrence dans les fratries comprenant un enfant autiste non syndromique est de 5 à 10% pour un tableau d’autisme complet et de 10% à 15% pour des symptômes plus mineurs (troubles du langage, du contact social, troubles psychiatriques) (2,3). Pour les familles comprenant deux enfants affectés ou plus, ce risque atteindrait 35%. Cependant, ce risque décroit brutalement à 1% (rejoignant ainsi celui de la population générale) avec le degré des apparentés (2ème et 3ème degré), écartant ainsi un mode de transmission monogénique. - au total, un fort taux dit d’«héritabilité» génétique avoisinant les 80-90% (4,5) et la stabilité avec le temps des traits autistiques chez l’enfant d’âge moyen (6) feraient de l’autisme le trouble développemental ayant le substratum génétique le plus fort. Cependant des études récentes de jumeaux (7) et d’agrégation familiale sur de larges populations (8) font état d’’un taux d’héritabilité plus faible, de 50%, laissant ainsi évoquer une participation, plus importante que celle supposée antérieurement, de facteurs d’environnement qu’il resterait à déterminer. La rareté de certaines des maladies rapportées comme associées à l’autisme fait se poser la question soit d’une simple coïncidence dans leur survenue conjointe, soit de l’existence de mécanismes physiopathologiques communs en tout ou partie. Leur association physiopathologique présumée à l’autisme pourrait être médiée davantage par le retard mental presque toujours présent dans ces pathologies que par le syndrome autistique lui-même. I- Maladies infectieuses et expositions toxiques Des facteurs infectieux ont été évoqués comme possiblement impliqués dans l’autisme (tableau n°1), de même que l’exposition fœtale précoce à certains toxiques ou médicaments (acide valproïque, thalidomide, alcool, insecticide organophosphoré : chlorpyriphos-éthyl) (9). Ces facteurs tératogènes restent toutefois anecdotiques et ne sont rapportés dans la littérature comme la cause que de quelques cas d’autisme. II- Maladies métaboliques et autisme Le tableau n°2 recense les principales maladies métaboliques rapportées comme associées dans l’autisme. Dans les pays, où est établi le dépistage systématique par le test de Guthrie de la phénylcétonurie entre autres, cette association est rare, mais doit rester présente à l’esprit devant des sujets originaires de pays où ce dépistage néonatal n’est pas mis en place (ressortissants des pays en voie de développement ou de l’Est de l’Europe) : le diagnostic et le traitement de la phénylcétonurie peuvent avoir été tardifs ou inexistants (10) . La même remarque s’applique à l’hypothyroïdie congénitale pour laquelle des cas d’autisme ont été décrits. Parmi les maladies métaboliques, et bien que rares dans l’autisme, sont à connaître : 1- le déficit en adénylsuccinate lyase (11), enzyme chargée de catalyser la conversion du SAICAR (succinylaminoimidazole carboxamide ribotide) en AICAR (aminoimidazole carboxamide ribotide), et dont le déficit conduit à une augmentation de l’excrétion urinaire du SAICAR. Il s’agit d’une maladie autosomique récessive rare. Le tableau clinique comporte un retard psychomoteur, une épilepsie et des troubles du comportement de type autistique parfois associés à un retard de croissance et une amyotrophie. 2 - les 3 syndromes de déficience en créatine (12): deux concernent la synthèse de la créatine par déficit en guanidinoacétate méthyltransférase (GAMT) ou en L- arginine glycine amidinotransférase (AGAT), le troisième résulte d’un déficit en transporteur membranaire de la créatine (gène SLC6A8). Ils aboutissent à un déficit intracérébral en créatine et se manifestent par un retard mental de sévérité variable, associé à un retard de langage sévère, une épilepsie, des signes extrapyramidaux, des comportements autistiques avec automutilations. La maladie se révèle la plupart du temps pendant l’enfance, mais des cas adultes ont été rapportés. Les déficits en GAMT et en AGAT sont traitables de façon efficace par la créatine orale, alors que le déficit en transporteur ne semble pas répondre à ce traitement. Le diagnostic repose sur le dosage du guanidinoacétate et de la créatine dans les urines et le plasma, et sur l’absence totale de créatine/phosphocréatine intracérébrale en spectroscopie à résonance magnétique. 3- Le syndrome de Smith-Lemli-Opitz résulte d’un déficit en 7-déhydrocholestérol réductase, enzyme de la biosynthèse du cholestérol, qui convertit le 7-déhydrocholestérol (7DHC) en cholestérol (d’où une augmentation du taux de 7DHC plasmatique). Présent dès la naissance, il peut se révéler plus tardivement dans l’enfance, voire à l’âge adulte. A côté de malformations congénitales (polydactylies des mains et des pieds, anomalies cardio-vasculaires, hypoplasie du corps calleux…) et d’un retard de croissance (microcéphalie dans 80% des cas), il se manifeste par un déficit intellectuel, des automutilations répétées, une hyperréactivité sensorielle, une dérégulation de la température, des troubles du sommeil. 50% à 86% des sujets porteurs d’un syndrome de SmithLemli-Opitz présenteraient des troubles autistiques (13). III Anomalies génétiques et autisme Le gène de l’autisme n’existe pas : plus de 200 gènes ont été identifiés comme impliqués dans l’autisme, mais ce nombre pourrait atteindre le millier, confirmant l’important degré d’hétérogénéité des loci concernés(14). Les anomalies génétiques dans l’autisme comportent (15) : - Des anomalies chromosomiques visibles en cytogénétique, c’est à dire détectables sur le caryotype ou par FISH (5%) - Des maladies monogéniques dont les manifestations neurologiques peuvent être de type autistique (5%) - Des variations du nombre de copies de séquences ADN (CNVs) (délétions et duplications submicroscopiques) (10-20%) III-1- Des anomalies chromosomiques visibles en cytogénétique On peut citer : - La duplication 15q11-15q13 d’origine maternelle dans la région critique de PraderWilli/Angelman. Cette région contient plusieurs gènes soumis à empreinte parentale, est sensible aux remaniements cliniquement parlants, dont les délétions responsables des syndromes de Prader-Willi (délétion sur le chromosome paternel) et d’Angelman (délétion sur le chromosome maternel)). La duplication de cette région se manifeste le plus souvent sous forme d’un marqueur chromosomique surnuméraire constitué d’une inversion/duplication de la région proximale 15q : syndrome de duplication inversée 15q11 ou syndrome du chromosome 15 isodicentrique (idic(15)). Les duplications 15q11-15q13 doivent être évoquées devant l’association d’une hypotonie précoce, d’une discrète dysmorphie, d’une épilepsie rebelle, de troubles du développement avec TSA, et sont les anomalies chromosomiques les plus fréquemment observées dans l’autisme (détectées chez 1 à 3% des enfants avec autisme). - La délétion 2q37 (région contenant plusieurs gènes), qui se manifeste par un retard de développement ou un déficit intellectuel, une dysmorphie faciale, des malformations squelettiques, associés à d’autres signes plus inconstants (petite taille, microcéphalie ou macrocéphalie, troubles du comportement de type autistique entre autres) - Les délétions 22q13.3 et Xp22.3, qui ont permis l’identification, chez des sujets porteurs d’autisme sans cause connue, de mutations respectivement dans les gènes SHANK3 et NLGNX4. - La trisomie 21 (incidence de l’autisme estimée à 7%) - L’aneuploïdie des chromosomes sexuels, le plus souvent anecdotique : Syndrome de Turner (45X), Syndrome de Klinefelter (XXY), XXX, XYY, Y isodicentrique. III-2- Des maladies monogéniques dont les manifestations neurologiques peuvent être de type autistique Le tableau n°3, sans être exhaustif, recense les syndromes ou maladies génétiques pour lesquelles l’association à des TSA a été le plus fréquemment rapportée dans la littérature, même si l’occurrence d’une telle association pour chacune d’elles reste rare. Les gènes responsables pour chacun de ces syndromes sont dispersés sur le génome, de même leur mode de transmission est variable. Le syndrome X fragile et le syndrome de RETT, tous les deux liés à l’X, présentent un intérêt particulier dans l’autisme : - 1- La prévalence de la symptomatologie autistique dans ces 2 pathologies est importante (même si elle peut n’être que transitoire dans l’évolution de la maladie, comme dans le syndrome de RETT) - 2- Du fait de leur parenté clinique avec l’autisme, les modèles animaux du syndrome X fragile ou du syndrome de RETT permettent d’extrapoler à la compréhension de la physiopathologie des TSA. Le modèle souris KO de l’X fragile (i.e. dans lequel le gène FMR1 est absent comme dans le syndrome X fragile chez l’homme) constitue un bon modèle d’autisme syndromique, et reproduit les mêmes anomalies cellulaires et fonctionnelles, notamment dans la synapse au glutamate, que celles induites dans le modèle souris KO des neuroligines 3 et 4, dont les gènes ont été décrits comme impliqués dans l’autisme non syndromique (ie. sans cause connue) (16). Ces anomalies seraient réversibles, y compris sur le plan comportemental. Cette réversibilité phénotypique a été initialement montrée dans un modèle de syndrome de RETT (17), dans lequel le gène MECP2 responsable du syndrome de RETT avait été rendu au préalable silencieux : les souris développaient alors des signes neurologiques et comportementaux similaires à ceux observés en clinique humaine dans le syndrome de RETT et chez les souris sans gène MECP2. La réexpression du gène MECP2 conduisait à la réexpression de la protéine MECP2, et au recouvrement des fonctions déficientes et du comportement normal chez l’animal pourtant adulte. Le comportement initialement anormal au cours du développement ne serait donc pas irrémédiablement fixé, mais pourrait être réversible, d’où des espoirs thérapeutiques étendus aux TSA. - 3- Ainsi, le syndrome X fragile est le cadre d’essais thérapeutiques, à la fois sur modèle murin et chez l’homme, qui visent à rétablir les défauts de plasticité synaptique et à freiner l’hyperactivation des récepteurs au glutamate, induits par l’absence de la protéine FMRP codée par le gène FMR1 défaillant. Des antagonistes des récepteurs au glutamate de type mGluR5 sembleraient donner des améliorations significatives sur les troubles du comportement (en particulier les comportements répétitifs) chez des sujets porteurs d’un syndrome X fragile avec syndrome autistique, permettant d’envisager ainsi des extrapolations pharmacologiques aux troubles autistiques idiopathiques (16,18). - III- 3- Des variations du nombre de copies de séquences ADN (CNVs) (délétions et duplications submicroscopiques) Les techniques de génétique moléculaire (CGH array ou puces à ADN), du fait de leur sensibilité de détection toujours meilleure, permettent de « scanner » avec un très fort pouvoir de résolution le génome entier d’un individu à la recherche de délétions (perte de matériel génétique) ou de duplications (excès de matériel génétique), non décelables par les techniques conventionnelles, et ont permis la découverte de nombreux CNVs dans l’autisme (Copy Number Variants). Les CNVs sont des variations du nombre de copies de segments chromosomiques, contenant ou non des gènes codants ; il reste toutefois encore difficile de déterminer les CNVs qui constituent des facteurs de risque et ceux qui ne seraient que de simples variantes à la norme sans traduction pathologique. Le fait qu’un CNV survienne « de novo », c’est-à-dire n’existe pas chez l’un des deux parents, ou qu’il soit décrit dans la littérature comme statistiquement plus fréquent chez les personnes autistes que chez les témoins normaux, est un argument en faveur de sa contribution dans le phénotype autistique. La fréquence des CNVs de novo est plus grande (10%) chez les sujets avec autisme sporadique (un seul membre atteint dans la famille) que chez les sujets appartenant à des familles avec plusieurs cas d’autisme (2%), et que chez les témoins sains (1%) (19). Cependant les CNVs mis en évidence sont le plus souvent non spécifiques de l’autisme, car retrouvés dans d’autres troubles neuropsychiques. En outre, s’ils sont hérités, leurs manifestations phénotypiques peuvent être différentes au sein d’une même famille. Le séquençage à haut débit de l’exome dans son entier (génome codant), « exome sequencing », qui permet de détecter des mutations sur un seul nucléotide, va accroître les possibilités d’identification de gènes impliqués dans l’autisme. Il semblerait que la survenue de ces mutations ponctuelles soit corrélée avec l’âge paternel (20). Les gènes identifiés à ce jour comme impliqués dans l’autisme codent pour des protéines qui interviennent soit : - Dans l’organisation neuronale et corticale (prolifération cellulaire, migration neuronale, croissance axonale et dendritique) au cours de la neurogenèse : protéine Reelin, NGF (nerve growth factor), BDNF (brain-derived neurotrophic factor), neurotrophines 3 et 4 - Dans la neurotransmission et neuromodulation, en particulier dans l’homéostasie fonctionnelle entre activité excitatrice et inhibitrice du cerveau à travers l’équilibre glutamate/GABA : gène SLC6A4 codant pour le transporteur de la sérotonine, gènes codant pour les sous-unités α5, β3, γ3 du récepteur au GABA, gènes des récepteurs ionotropiques (GluR6) et métabotropiques (GRM8) au glutamate - Dans la formation, l’architecture et la stabilité des synapses : gènes SHANK3 (délétion 22q13), gène de la Neurexine-1 (2p16.3), gènes NLGN3 et NLGN4 (Xp22.3) codant pour les neuroligines 3 et 4 - Dans la synthèse et le fonctionnement de canaux ioniques voltage-dépendants au calcium (CACNA1C), au sodium (SCN1A et SCN2A) et au potassium (KCNMA1), intervenant dans la transmission du signal synaptique. Des méta-analyses récentes montrent que les régions impliquées avec la plus forte récurrence dans les TSA sont : 7q11.23, 16p11.2, 16p13.2, 15q11-13, 15q13.2. De même, six gènes ont été identifiés, avec une forte récurrence dans l’autisme, comme porteurs de mutations « de novo » avec perte de fonction de leur transcrit (20) : il s’agit du gène SCN2A, et de gènes qui agissent sur le modelage de la chromatine et la régulation de la transcription (CHD8, DYRK1A, POGZ), sur les récepteurs au glutamate (GRIN2B), et sur les microtubules axonaux (KATNAL2). L’abondance toujours croissante de nouvelles anomalies, mises en évidence par la génétique, et possiblement liées à la survenue d’un trouble autistique, amène à rechercher si des correspondances génotype/phénotype peuvent être établies. Ce type de corrélations n’est qu’à ses débuts, mais le tableau n°5 résume certaines dimensions cliniques (épilepsie, troubles moteurs, troubles du sommeil, macrocéphalie) dont l’occurrence dans l’autisme pourrait orienter plus spécifiquement vers certaines anomalies génétiques (21). La génétique moléculaire a pu ainsi définir de nouveaux syndromes (délétion 22q11 ou syndrome de Di George – délétion ou duplication 16p11.2) auxquels non seulement l’autisme peut être associé, mais aussi d’autres troubles neurocognitifs (déficience mentale, schizophrénie, TDAH, épilepsie, troubles du langage). Des mutations du gène PTEN associées à des macrocéphalies importantes (> + 5.5DS en moyenne) ont été décrites dans l’autisme : le gène PTEN est responsable de syndromes sévères (Syndrome tumoral hamartomateux lié à PTEN, dont la maladie de Cowden) avec risque de cancers du sein, de l’endomètre, du rein et de la thyroïde ; aussi les sujets autistes porteurs de cette mutation doivent bénéficier d’un protocole de surveillance resserré. Conclusion La multiplicité des anomalies génétiques et des maladies décrites comme associées aux TSA confirment que les mécanismes physiopathologiques qui sous-tendent l’installation d’un TSA n’est probablement pas unique. Si l’hétérogénéité diagnostique des TSA peut en apparaitre compliquée plus que solutionnée, ces nouvelles données ouvrent des perspectives encourageantes: – Les cliniciens vont devoir repenser leurs délimitations diagnostiques dans un continuel aller/retour entre génotypes et phénotypes, avec des conduites à tenir et des conseils génétiques pour les familles plus précis en fonction des associations syndromiques décelées. – La mise à jour de nouveaux mécanismes cellulaires, communs ou propres à ces multiples anomalies génétiques, en est attendue. – Des perspectives thérapeutiques ciblées, ajustées aux différentes étiologies identifiées à un niveau cellulaire et moléculaire, en découleront. Au total, tout enfant présentant un TSA devrait bénéficier d’un bilan génétique avec examen clinique spécialisé et analyse du génome par CGH array, désormais disponible en routine clinique (22). Tableau 1 : Maladies infectieuses possiblement causales de cas d’autisme Infections prénatales - Rubéole - Cytomégalovirus - Herpes virus simplex type1 et type2 - Tréponème - VIH - Virus varicelle-zona - Toxoplasmose Infections postnatales - Encéphalite herpétique - Haemophilus influenzae (méningites et épiglottites) - Oreillons Tableau 2 : Maladies métaboliques associées à l’autisme Métabolisme Maladie • Acide aminés • Nature des anomalies Phénylcétonurie non traitée • (↗phénylalanine) hydroxylase. Déficit • Homocystinurie en phénylalanine-4- Déficit en cystathionine β synthase • Purines et pyrimidines Histidémie (↗histidine) Faiblesse musculaire avec retard • Déficit en histidase • psychomoteur et convulsions Glucides Déficit en Adénylosuccinate Lyase • Acidoses lactiques • Hyperlactacidémie • Mucopolysaccharidoses (I et • Déficit en héparane-sulfatase III) (Maladie de San Filippo) Cholestérol Créatine et guanidinoacétique acide • Smith-Lemli-Opitz • 3 Syndromes de déficience Déficits en : de la créatine : ↗ 7 déhydrocholestérol retard mental + retard de langage + autisme + automutilations • 1- GAMT • 2- AGAT • 3- Transporteur de la créatine Tableau 3 : Syndromes et maladies génétiques monogéniques, les plus fréquemment rapportés comme associés à l’autisme, et leurs phénotypes Syndromes génétiques ou Maladies Gène/localisation génomique Phénotypes Syndromes neuro-cutanés 1- Sclérose tubéreuse Bourneville de TSC1 (9q34) – TSC2 (16p13) Triade classique : épilepsie sévère, retard mental, adénomes sébacés du visage de Pringle. Taches cutanées achromiques- tubers corticaux – autisme (14 à 44%) 2- Neurofibromatose de type 1 17q11.2 Angelman 15q11-q13 (UBE3A) Taches « café au lait » (>6)- neurofibromes - épilepsies (5%) - retard mental (4 à 8%)- difficultés d’apprentissage (30 à 65%)- autisme (0.6 à 6%) Convulsions – ataxie – microcéphalie - absence de langage Sourires fréquents et précoces. Eclats de rire sans objets aux stimulations (Happy puppet syndrome) Hyperactivité/instabilité Williams-Beuren 7q11.23 Hypercalcémie néonatale - dysmorphie – cardiopathie Hyperactivité - sujets joviaux - déficit visuo-spatial Loquacité superficielle (Cocktail party syndrome) Smith-Magenis 17p11.2 (RAI1) Hyperactivité – colères intenses – auto-agressivité - inversion du rythme veille/sommeil - stéréotypies Joubert Sept gènes : AHI1 (6q23), NPHP1 (2q13), CEP290 (12q21), TMEM67 (8q22), RPGRIP1L (16q12), ARL13B (3p12.3-q12.3) et CC2D2A (4p15) Hypotonie – ataxie - retard du développement moteur - apraxie oculomotrice et cérébelleuse - hypoplasie du vermis cérébelleux (« signe de la molaire » à l’IRM) - facultés intellectuelles variables (de normales à sévèrement altérées) Cornelia de Lange NIPBL (5p13.2) Dysmorphie faciale - anomalies des extrémités - retard mental de sévérité variable - important retard de croissance à début anténatal - retard de langage - troubles alimentaires précoces - risque de surdité - autisme Formes mineures : SMC1A (Xp11.22p11.21) ; SMC3 (10q25) Sotos NSD1 (5q35) Gigantisme avec macrocéphalie après la naissance - visage particulier anomalies cardiaques et urogénitales congénitales - retard variable du développement moteur (hypotonie néonatale) et intellectuel - traits autistiques X fragile FMR1 (Xq27.3) Retard mental modéré à sévère - visage allongé avec grandes oreilles décollées - macro-orchidie chez le sujet pubère – autisme (5 à 25% des cas) ; Présent chez 0.5% à 4% des sujets autistes Rett MECP2 (Xq28) Uniquement chez les filles : retard mental sévère, ataxie/apraxie à la marche, perte de la préhension volontaire, absence de langage, stéréotypies manuelles, épilepsie souvent résistante, troubles respiratoires, ostéoporose, scoliose. Autisme à la phase de régression entre 6-18 mois (50%), persistant dans 19% des cas ultérieurement Tableau 4 : Corrélations génotype/phénotype selon 4 dimensions symptomatiques Epilepsie Hypotonie – Troubles du sommeil Macrocéphalie retard moteur (PC > +3DS) • STB (TSC1, TSC2) • Rett (MECP2) • CNTNAP2 • SYN1 Phelan- • X Fragile McDermid Phelan-McDermid • Del 1q21.1 (Shank3- (Shank3- • Dup7q11.23 del22q13.3) del22q13.3) • Dup 15q11-15q13 • AUTS2 • Del 1q21.1 • Del16q11.2 • Del NRXN1 • Dup15q11.1-q13.3 • Dup18q12.1 • Del • Del 18q12.1 • Del22q11.2 (Syndrome de • • Di George ou syndrome Vélo- cardio-Facial ou syndrome de Shprintzen) • Syndrome d’Angelman • Syndrome McDermid del22q13.3) de Phelan(Shank3- Rett • Rett (stéréotypies) • Syndrome Syndrome ou de 2q23.1 • Dup q13.3 15q11.1- de Syndrome PTEN Maladie Smith-Magenis • dup • (dont de Cowden) de • Syndrome Sotos de Bibliographie 1- Weintraub K. (2011) The prevalence puzzle: Autism counts. Nature; 479 (7371): 22-24 2- Lauritsen MB, Pedersen CB, Mortensen PB. Effects of familial risk factors and place of birth on the risk of autism: a nationwide register-based study. J Chil Psychol Psychiatry. 2005, 46(9):963-71. 3- Selkirk CG, McCarthy Veach P, Lian F, Schimmenti L, LeRoy BS. Parents' perceptions of autism spectrum disorder etiology and recurrence risk and effects of their perceptions on family planning: Recommendations for genetic counselors. J Genet Couns. 2009; 18(5):507-19 4- Losh M, Sullivan PF, Trembath D, Piven J. Current developments in the genetics of autism: from phenome to genome.J Neuropathol Exp Neurol. 2008; 67(9):829-37 5- Lichtenstein P, Carlström E, Råstam M, Gillberg C, Anckarsäter H The genetics of autism spectrum disorders and related neuropsychiatric disorders in childhood. Am J Psychiatry. 2010; 167(11):1357-63 6- Holmboe K, Rijsdijk FV, Hallett V, Happé F, Plomin R, Ronald A Strong genetic influences on the stability of autistic traits in childhood. J Am Acad Child Adolesc Psychiatry. 2014; 53(2):221-30 7- Hallmayer J, Cleveland S, Torres A, Phillips J, Cohen B, Torigoe T, Miller J, Fedele A, Collins J, Smith K, Lotspeich L, Croen LA, Ozonoff S, Lajonchere C, Grether JK, Risch N. Genetic heritability and shared environmental factors among twin pairs with autism. Arch Gen Psychiatry. 2011; 68(11):1095-102 8- Sandin S, Lichtenstein P, Kuja-Halkola R, Larsson H, Hultman CM, Reichenberg A. The familial risk of autism. JAMA, 2014; 311(17):1770-7 9- Landrigan PJ. What causes autism? Exploring the environmental contribution. Curr Opin Pediatr. 2010; 22(2):219-25 10- Baieli S, Pavone L, Meli C, Fiumara A, Coleman M. Autism and phenylketonuria. J Autism Dev Disord. 2003 ;33(2):201-4. 11- Stathis SL, Cowley DM, Broe D. Autism and adenylosuccinase deficiency. J Am Acad Child Adolesc Psychiatry. 2000; 39(3):274-5 12- Newmeyer A, deGrauw T, Clark J, Chuck G, Salomons G. Screening of male patients with autism spectrum disorder for creatine transporter deficiency. Neuropediatrics. 2007; 38(6):310-2 13- Manzi B, Loizzo AL, Giana G, Curatolo P Autism and metabolic diseases. J Child Neurol. 2008 ; 23(3):307-14. 14- Sanders SJ, Murtha MT, Gupta AR, Murdoch JD, Raubeson MJ, Willsey AJ, ErcanSencicek AG, DiLullo NM, Parikshak NN, Stein JL, Walker MF, Ober GT, Teran NA, Song Y, El-Fishawy P, Murtha RC, Choi M, Overton JD, Bjornson RD, Carriero NJ, Meyer KA, Bilguvar K, Mane SM, Sestan N, Lifton RP, Günel M, Roeder K, Geschwind DH, Devlin B, State MW. De novo mutations revealed by whole-exome sequencing are strongly associated with autism.Nature. 2012 ;485(7397):237-41 15- Miles JH. Autism spectrum disorders--a genetics review. Genet Med. 2011;13(4):278-94. 16- Baudouin SJ, Gaudias J, Gerharz S, Hatstatt L, Zhou K, Punnakkal P, Tanaka KF, Spooren W, Hen R, De Zeeuw CI, Vogt K, Scheiffele P. Shared synaptic pathophysiology in syndromic and nonsyndromic rodent models of autism. Science. 2012 ; 338(6103):128-32. 17- Guy J, Gan J, Selfridge J, Cobb S, Bird A. Reversal of neurological defects in a mouse model of Rett syndrome. Science 2007; 315(5815):1143-7 18- Williams SC. Drugs targeting mGLUR5 receptor offer « fragile » hope for autism. Nat. Med. 2012; 18(6):840 19- Sebat J, Lakshmi B, Malhotra D, Troge J, Lese-Martin C, Walsh T, Yamrom B, Yoon S, Krasnitz A, Kendall J, Leotta A, Pai D, Zhang R, Lee YH, Hicks J, Spence SJ, Lee AT, Puura K, Lehtimäki T, Ledbetter D, Gregersen PK, Bregman J, Sutcliffe JS, Jobanputra V, Chung W, Warburton D, King MC, Skuse D, Geschwind DH, Gilliam TC, Ye K, Wigler M. Strong association of de novo copy number mutations with autism. Science. 2007;316(5823):445-9 20- Murdoch JD, State MW. Recent developments in the genetics of autism spectrum disorders.Curr Opin Genet Dev. 2013; 23(3):310-5 21- Jeste S.S., Geschwind DH. Disentangling the heterogeneity autism spectrum disorder through genetic findings. Nat. Rev. Neurol. 2014; 10:74-81 22- Heil KM., Schaaf C.P. The genetics of Autism Spectrum Disorders - a guide for clinicians. Curr Psychiatry Rep. 2013 ; 15 :334 Comment aborder un trouble de l’identité de genre ? Dr Laetitia Martinerie, Dr Anne Bargiacchi, Pr Juliane Léger, Pr Jean-Claude Carel, Dr Marie-France Leheuzey Dr Laetitia Martinerie, Service d’Endocrinologie et Diabétologie Pédiatrique, Hôpital Robert Debré, Paris ; [email protected] Dr Anne Bargiacchi, Service de Psychiatrie de l’Enfant et de l’Adolescent, Hôpital Robert Debré, Paris ; [email protected] Chaque être humain présente trois caractéristiques bien distinctes : • le sexe biologique, mâle ou femelle, qui est inscrit dans le corps (organes génitaux, chromosomes) • le genre, masculin ou féminin, qui est inscrit dans l'esprit, et qui est la conviction que l'on a d'être un homme ou une femme • et l'attirance sexuelle, vers le sexe opposé, vers le même sexe (homosexualité), vers les deux (bisexualité), ou vers aucun des deux. Le terme « transgenre » est, comme le disent les anglo-saxons « an umbrella term (un terme parapluie) », utilisé pour identifier les individus dont l’identité de genre ne se conforme pas à l’identité et aux rôles conventionnels relatifs à son sexe biologique, masculin ou féminin. Plus précisément, une femme transgenre (transsexualisme masculin ou hommefemme ou male-to-female) est un homme ayant une identité de genre féminine ; à l’inverse, un homme transgenre (transsexualisme féminin ou femme-homme ou female-to-male) est une femme s’identifiant au genre masculin. Le Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (DSM) dans sa 5ème édition (1), a remplacé le terme « trouble de l’identité de genre » par « dysphorie de genre », défini comme une discordance entre l’expérience/le genre exprimé d’un individu et le genre assigné à la naissance, générant une détresse clinique significative et une altération sociale, scolaire ou dans d’autres domaines importants (2). La prévalence chez l’adulte du transsexualisme varie, selon les pays et les publications, de 1/12000 à 1/37000 mâles biologiques, et de 1/30000 à 1/110000 femelles biologiques. Cependant, les chiffres exacts sont d'autant plus difficiles à obtenir que les différences culturelles d'un pays à l’autre modifient non seulement l'expression de ces troubles de l'identité de genre, mais aussi la façon dont ils sont perçus par la société en général et par la médecine en particulier. Enfin, ce trouble de l’identité, s’il est plus facilement exprimé à l’âge adulte, remonte le plus souvent à l’enfance, parfois très précocement. Pourtant, les jeunes qui consultent sont rares. Le sujet reste encore très tabou dans de nombreux pays, y compris la France. A l’hôpital Robert Debré à Paris, nous avons débuté en 2013 une activité de consultation conjointe entre le service d’endocrinologie pédiatrique et de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, pour les jeunes patients présentant un trouble de l’identité de genre. Au sein de cette consultation, notre évaluation pluridisciplinaire a pour but, après avoir confirmé le diagnostic et éliminé des comorbidités psychiatriques et somatiques, d’accompagner les enfants ou adolescents dans une prise en charge conforme aux recommandations actuelles. Le concept de trouble de l’identité de genre chez l’enfant et l’adolescent reste cependant un sujet controversé, parfois du fait de sa méconnaissance mais aussi à cause des enjeux éthiques qu’il soulève. Il est important de différencier « trouble de l’identité de genre ou dysphorie de genre » des situations cliniques d’ « intersexualités » ou « troubles de la différenciation sexuelle ». En effet, ces dernières regroupent l’ensemble des affections organiques, génétiques et/ou hormonales, conduisant à un défaut de développement des organes génitaux externes et/ou internes, responsable d’une difficulté dans l’assignation du genre à la naissance. Il arrive que dans certaines situations, l’assignation dans un genre soit différent du sexe chromosomique (par exemple un enfant 46,XY ayant une insensibilité complète aux androgènes, élevé dans le genre féminin), sans que pour autant il n’y ait de trouble de l’identité de genre chez ces patients : les patientes 46,XY avec résistance complète aux androgènes s’identifient pleinement au genre féminin. Dans les situations cliniques de « dysphorie de genre » il n’y a pas d’anomalie de la différenciation des organes génitaux et le développement pubertaire ainsi que les fonctions hormonales, sexuelles et reproductives sont normales. Dans ce texte, seront abordés successivement les critères diagnostiques, l’évaluation et la prise en charge de ces patients selon les recommandations actuelles et les expériences thérapeutiques de certains pays. Une approche complémentaire à la fois somatique/endocrinologique et psychologique/psychiatrique est indispensable tant sur le plan de l’évaluation que de la prise en charge de ces patients, notamment par le fait que l’arrivée dans le circuit de prise en charge peut se faire par le biais de l’une ou l’autre de ces disciplines. 1. Critères diagnostiques Les critères diagnostiques du trouble de l’identité de genre étaient jusqu’en 2013 listés dans le DSM IV-TR (3) comme suit : - 1) identification intense et persistante à l’autre sexe (ne concerne pas exclusivement le désir d’obtenir les bénéfices culturels dévolus à l’autre sexe) : o chez les enfants, la perturbation se manifeste par quatre (ou plus) des critères suivants : exprime de façon répétée le désir d’appartenir à l’autre sexe ou affirme qu’il (elle) en fait partie chez les garçons, préférence pour les vêtements féminins ou un attirail d’objets permettant de mimer la féminité ; chez les filles insistance pour porter des vêtements typiquement masculins préférence marquée et persistante pour les rôles dévolus à l’autre sexe au cours des jeux de faire semblant ou fantaisies imaginatives d’appartenir à l’autre sexe, désir intense de participer aux jeux et aux passe-temps typiques de l’autre sexe, préférence marquée pour les compagnons de jeu appartenant à l’autre sexe ; o chez les adolescents (et les adultes), la perturbation se manifeste par des symptômes tels que l’expression d’un désir d’appartenir à l’autre sexe, l’adoption fréquente de conduites où on se fait passer pour l’autre sexe, un désir de vivre et d’être traité comme l’autre sexe, ou la conviction qu’il (elle) possède les sentiments et réactions typiques de l’autre sexe. - 2) sentiment persistant d’inconfort par rapport à son sexe ou sentiment d’inadéquation par rapport à l’identité de rôle correspondante : o chez les enfants, la perturbation se manifeste par l’un ou l’autre des éléments suivants : chez le garçon, assertion que son pénis ou ses testicules sont dégoûtants ou vont disparaître, ou qu’il vaudrait mieux ne pas avoir de pénis, ou aversion envers les jeux brutaux et rejet des jouets, jeux et activités typiques d’un garçon, chez la fille refus d’uriner en position assise, assertion qu’elle a un pénis ou que celui-ci va pousser, qu’elle ne veut pas avoir de seins ni de règles, ou aversion marquée envers les vêtements conventionnellement féminins, o chez les adolescents (et les adultes), l’affection se manifeste par des symptômes tels que : vouloir se débarrasser de ses caractères sexuels primaires et secondaires, ou penser que son sexe de naissance n’est pas le bon ; - 3) l’affection n’est pas concomitante d’une affection responsable d’un phénotype hermaphrodite (terme malheureusement utilisé dans le DSM IV); - 4) l’affection est à l’origine d’une souffrance cliniquement significative ou d’une altération du fonctionnement social, professionnel ou dans d’autres domaines importants. Ces critères ont été récemment revus dans le DSM V, le terme retenu étant maintenant celui de dysphorie de genre, entre autre dans le but de supprimer le qualificatif de « trouble », associé à l’idée de « maladie mentale ». La dysphorie de genre serait caractérisée par les manifestations suivantes (traduction par les auteurs, le DSM V étant encore en cours de traduction) : - 1) identification à l'autre sexe forte et persistante (ne concerne pas exclusivement le désir d’obtenir les bénéfices culturels dévolus à l’autre sexe). o chez l'enfant, le trouble se manifeste par six (ou plus) des éléments suivants pendant au moins une durée de 6 mois : a déclaré à plusieurs reprises le désir d'être, ou la conviction qu'il ou elle est, de l'autre sexe, chez les garçons, préférence pour les vêtements féminins ou un attirail d’objets permettant de mimer la féminité ; chez les filles insistance pour porter des vêtements typiquement masculins préférence marquée et persistante pour les rôles dévolus à l’autre sexe au cours des jeux de faire semblant ou fantaisies imaginatives d’appartenir à l’autre sexe, un fort rejet de jouets / jeux habituellement typiques pour le sexe d’origine intense désir de participer à des jeux stéréotypés et passe-temps de l'autre sexe forte préférence pour les camarades de l'autre sexe forte aversion de son anatomie sexuelle, un fort désir pour les caractères sexuels primaires (par exemple, pénis, vagin) ou secondaires (par exemple, les menstruations) de l'autre sexe, o chez les adolescents et les adultes, la perturbation se manifeste par des symptômes tels que la volonté affirmée d'être de l'autre sexe, le désir de vivre ou d'être considérés comme de l'autre sexe, ou la conviction qu'il ou elle a le type de sentiments et de réactions de l'autre sexe. - 2) malaise persistant vis à vis de son genre ou sentiment d'inadéquation dans le rôle de genre o chez les enfants, la perturbation se manifeste par un des éléments suivants: chez les garçons, l'affirmation que son pénis ou ses testicules sont dégoûtants ou vont disparaître ou affirmation selon laquelle il serait préférable de ne pas avoir de pénis, aversion envers les jeux brutaux et rejet des jouets, jeux et activités typiques d’un garçon ; chez les filles, le refus d'uriner en position assise, assertion qu’elle a un pénis ou que celui-ci va pousser, qu’elle ne veut pas avoir de seins ni de règles, ou aversion marquée envers les vêtements conventionnellement féminins, o chez les adolescents et les adultes, la perturbation se manifeste par des symptômes tels que vouloir se débarrasser de ses caractères sexuels primaires et secondaires (par exemple, la demande pour les hormones, la chirurgie ou d'autres procédures pour modifier physiquement ses caractéristiques sexuelles ou pour simuler l'autre sexe) ou la croyance qu'il ou elle est née avec le mauvais sexe. - 3) La perturbation n'est pas cumulable avec une intersexualité physique. - 4) La perturbation entraîne une souffrance cliniquement significative ou une altération dans les domaines sociaux, professionnels, ou autres domaines importants du fonctionnement. Par ailleurs, le DSM V inclut la notion de « Post-transition », lorsque l'individu est « passé » dans le genre désiré (avec ou sans légalisation du changement de sexe) et a fait l'objet (ou est en cours de) au moins une procédure médicale du sexe opposé ou du schéma thérapeutique, à savoir, traitement hormonal cross-sex ou chirurgie de changement de sexe confirmant le sexe désiré (par exemple, l'ablation du pénis, la vaginoplastie pour un mâle de naissance, mastectomie et phalloplastie pour une femme de naissance). Il est important de noter que ces critères révisés impliquent maintenant chez l’enfant la nécessité que le désir d’être ou la conviction d’appartenir à un autre genre soit verbalisé ; par ailleurs, une durée minimale de persistance durant 6 mois des symptômes est désormais spécifiée. Il faut donc bien retenir que ce doit être la persistance des symptômes qui alerte et doit conduire le pédiatre ou le médecin à orienter ces patients vers une consultation spécialisée. En effet, en population générale, 2 à 4% des garçons et 5 à 10% des filles entre 4 et 18 ans se comportent « de temps en temps » comme s’ils étaient de sexe opposé, selon leur mère ; 5 à 13% des adolescents et 20 à 26% des adolescentes rapportent avoir parfois des comportements de l’autre sexe ; et 2 à 5% des adolescents et 15 à 16% des adolescentes disent désirer « parfois » être du sexe opposé (4). Dans une étude portant sur 77 enfants âgés de 5 à 12 ans (59 garçons, 18 filles), la persistance des symptômes de trouble de l’identité de genre est retrouvée dans 27% des cas (5). Dans une autre étude portant sur 127 adolescents (79 garçons, 48 filles), la persistance ou la désistance de la dysphorie de genre après 12 ans semblait corrélée à l’intensité des symptômes dans l’enfance. Par contre, le fonctionnement psychologique dans l’enfance et la qualité des relations avec les pairs ne semblaient pas corrélés à la persistance ou non de la dysphorie de genre à l’adolescence (6). Enfin, plusieurs études récentes révèlent un nombre équivalent de patients dans les deux sexes venant ainsi contredire l’idée initialement admise d’une prédominance du transsexualisme masculin (male-to-female) (2). 2. Organisation de l’évaluation Lors des premières consultations avec un enfant ou un adolescent qui nous est adressé pour suspicion de dysphorie de genre, la confirmation ou non du diagnostic se fonde donc sur les critères DSM V, la reconnaissance diagnostique étant la première étape pour permettre l’accès aux soins adaptés. Cette reconnaissance diagnostique comporte toujours un volet somatique et un volet psychologique avec la nécessité d’une approche bi-disciplinaire. Evaluation organique L’évaluation organique/somatique est primordiale chez ces patients qui, bien souvent, à l’heure d’internet, ont soit directement, soit par l’intermédiaire des parents, consultés de nombreux sites ou médias véhiculant des informations complexes et parfois confuses (cf définition des différents termes ci-dessus). Ces patients, lorsqu’ils arrivent à la consultation d’endocrinologie ont souvent le faux espoir qu’une anomalie génétique ou hormonale va être retrouvée permettant d’expliquer le mal-être qu’ils éprouvent. L’examen clinique attentif et explicatif des transformations corporelles sera un élément indispensable de la prise en charge. Lorsque l’adolescent consulte au stade 4 ou 5 de Tanner avec des organes génitaux normalement développés et, chez la jeune femme notamment, des règles régulières, il est évident pour le clinicien qu’aucune anomalie hormonale ou des chromosomes sexuels ne sera retrouvée. Cependant, la réalisation de dosages hormonaux de base (LH, FSH, testostérone, oestradiol), d’un caryotype et/ou d’une échographie pelvienne pourra s’avérer nécessaire pour que l’adolescent/les parents puissent avancer dans leur réflexion et compréhension. Chez l’enfant prépubère, les dosages hormonaux sont inutiles si l’examen clinique est parfaitement normal. Un caryotype et/ou une échographie pelvienne pourront être proposés. Evaluation psychiatrique Les premières consultations psychiatriques ont pour objectif tout d’abord de confirmer le diagnostic et d’évaluer la souffrance engendrée par la dysphorie de genre, en second lieu de rechercher et de préciser d’éventuelles comorbidités. Lors de la consultation, l’entretien avec les parents permet de déterminer l’âge, le mode de début, les signes qui les ont conduit à consulter, leur persistance dans le temps et leur évolution, comment et par qui les symptômes ont été repérés…mais également de noter les antécédents personnels et familiaux, le mode de vie, les étapes du développement psychomoteur, le déroulement de la scolarité, les éventuels suivis antérieurs. Cet entretien permet de préciser le tableau clinique et de rechercher la présence ou non des critères diagnostiques du DSM. L’observation de l’enfant (en situation de jeu libre durant la consultation par exemple) ou du jeune adolescent, et en fonction de son âge son interrogatoire, permettent de préciser la symptomatologie plus finement. Là aussi, le clinicien pourra s’attacher à préciser si les critères du DSM sont remplis, y compris le critère de durée. Son mode d’habillement, le choix spontané de ses jeux, sa façon de parler de lui, seront notés. Un questionnaire à 16 items, le Gender Identity Questionnaire (7), pouvant s’avérer utile dans le dépistage, peut être également soumis aux parents, ses questions portant sur les jeux choisis, les identifications dans les dessins animés, le choix des vêtements... L’évaluation psychiatrique permet également de rechercher d’éventuelles comorbidités, fréquentes chez ces enfants et adolescents, tout d’abord lors de l’interrogatoire clinique, et parfois à l’aide d’échelles standardisées (K-SADS , Child Behavior Checklist, Spielberger Trait Anxiety Scale) ; il est à noter que les troubles dits internalisés ou émotionnels (troubles anxieux, troubles de l’humeur), seraient plus fréquents dans cette population que les troubles dit externalisés ou perturbateurs, tels que le déficit de l’attention avec hyperactivité ou le trouble oppositionnel. Des difficultés relationnelles avec les pairs sont également fréquemment rapportées. Ces comorbidités peuvent apparaître comme secondaires à la dysphorie de genre et en être des complications ; il peut s’agir également d’un trouble co-occurent, comme un trouble du spectre autistique. L’entretien médical et l’observation de l’enfant dans ses jeux libres peuvent être complétés par des questionnaires standardisés : une CDI (Child Depression Inventory) est remplie par l’enfant ou l’adolescent afin de rechercher un épisode dépressif majeur. Le JTCI (Junior Temperament and Character Inventory) dans sa version parents permet de donner des éléments de tempéraments chez le jeune (8). L’insatisfaction corporelle peut être cotée grâce à la Children Body Image Scale (9) ou à la Body Image Scale (10) chez les plus de 12 ans. Enfin, un bilan psychologique est systématiquement réalisé, comprenant une évaluation de l’efficience intellectuelle (WISC IV) et parfois, la réalisation de tests projectifs. Un dessin du « bonhomme » est proposé aux plus jeunes. 3. Organisation de la prise en charge La prise en charge des enfants et adolescents présentant une dysphorie de genre reste, tout comme le diagnostic en lui même, très délicate et controversée. Le processus décisionnel de choix sur l'état à long terme est difficile chez l'enfant et l'adolescent du fait des difficultés de projection et d'évaluation "éclairée" des diverses options. D'autre part, le processus de décision médicale chez l'enfant et l'adolescent est légalement dévolu aux parents. Prise en charge somatique Les premières recommandations dans la prise en charge de ces personnes ont été publiées en 1979 par la World Professional Association of Transgender Health (Harry Benjamin Society), et sont depuis régulièrement revisitées. L’équipe de Cohen-Kettenis et coll, aux Pays-Bas, a été pionnière en Europe, dans le diagnostic et la prise en charge thérapeutique de ces patients à l’âge pédiatrique (5,11-12). L’Amsterdam Gender Identity Clinic a développé un protocole permettant de stopper le développement pubertaire à l’aide des mêmes thérapeutiques que celles utilisées dans le traitement des pubertés précoces : les analogues de la GnRH (Gonadotropin-Releasing Hormone). Ces traitements sont mis en place uniquement après confirmation du diagnostic, avec persistance des symptômes au démarrage pubertaire (stade 2 ou 3 de Tanner). Un délai de 1 an minimum entre le début de la prise en charge et une prise en charge médicale active est recommandé. Cette période de suppression pubertaire permet une meilleure évaluation et prise en charge psychiatrique afin de s’assurer que la décision de changement de genre est faite après considérations de tous les éléments. Plusieurs études rétrospectives évaluant l’impact physique et émotionnel de telles thérapeutiques ont mis en évidence des effets bénéfiques sur le plan psychologique, dépassant tout effet négatif lié au blocage pubertaire (2,5). Passée cette période (habituellement à partir de l’âge de 16 ans aux Pays-Bas), les patients reçoivent une hormonothérapie « cross sex » (androgènes ou oestrogènes) similaire aux traitements utilisés dans les inductions pubertaires chez les patients agonadiques ou ayant un hypogonadisme hypogonadotrope. Cependant, de fortes doses d’oestrogènes sont nécessaires pour surpasser les effets de la testostérone, ce qui peut poser problème chez les adolescents obèses, tabagiques ou hypertendus. Par ailleurs, aucune étude prospective n’a évaluée les conséquences à long terme de ces traitements hormonaux dans cette population. Les principes de ces traitements sont résumés sur le tableau 1, avec les effets attendus et les inconvénients potentiels. Enfin, la chirurgie de réassignation n’est pas autorisée en France avant 18 ans, et n’est réalisée qu’après un minimum de deux ans de vie selon l’autre sexe. En 2009, l’Endocrine Society aux Etats-Unis, a publié des recommandations pour le traitement des patients transsexuels, incluant des recommandations sur la prise en charge des adolescents (13). Dans ce domaine, il n’existe pas de consensus en France, du fait entre autres de l’absence d’étude publiée sur cette population de patients (épidémiologie, incidence, prise en charge) et de l’absence de recommandations évaluées sur le plan national. Prise en charge psychiatrique Il est très fréquent que les enfants ou adolescents présentant une dysphorie de genre relèvent d’un soutien psychologique, en parallèle de l’évaluation qui est menée à visée diagnostique, mais aussi tout au long de la prise en charge proposée. La période de prise en charge en psychothérapie peut parfois permettre également de préciser le diagnostic lorsque celui ci n’est pas certain. Ce délai permet enfin d’explorer la motivation du jeune à s’engager dans une prise en charge médicale, ses capacités à se projeter dans l’avenir, mais aussi à envisager concrètement les changements attendus et leurs conséquences (changement de prénom ? d’établissement scolaire ? annonce éventuelle à l’entourage ?). La prise en charge dite « Dutch Approach », décrite par De Vries et Cohen Kettenis (11), des jeunes à la fois prépubères (moins de 12 ans) et adolescents (au delà de 12 ans), commence par une évaluation rigoureuse du fonctionnement de ces jeunes et par la prise en charge des éventuelles difficultés dépistées. Chez les enfants, cette équipe recommande une surveillance de l’évolution de la dysphorie de genre lors des premières étapes de la puberté, afin d’envisager un éventuel traitement médical en cas de persistance. Pour les équipes reconnues internationalement, il semblerait que repousser les interventions médicales physiques ferait « plus de mal que de bien » : le fonctionnement psychologique de ces enfants et adolescents s’améliore après la prise en charge médicale, ceci soulignant l’importance du dépistage et de l’orientation appropriée de ces jeunes très souvent en souffrance (5-6). La période 10/13 ans serait particulièrement importante pour ces enfants, marquant un âge où la dysphorie de genre diminue (parfois évoluant vers une « désistance ») ou au contraire s’accentue (persistance) avec, dans ce dernier cas de figure, un vécu souvent très douloureux de l’apparition des caractères sexuels secondaires, parfois à l’origine de perturbations du comportement. Chez ces jeunes, la suppression de la puberté semblerait à l’inverse entraîner une diminution des difficultés comportementales et émotionnelles, ainsi que de la symptomatologie dépressive (5). Les symptômes anxieux ne sembleraient par contre pas évoluer de manière aussi nette, ni l’insatisfaction corporelle. Enfin, l’accompagnement des parents et de la fratrie de ces enfants nous parait indispensable et est systématiquement proposé. Selon une étude menée chez des adultes transgenres sur les besoins qu’ils ont pu identifier en temps qu’enfant « gender-variant » (14), il est souligné que l’accompagnement des parents et figures d’autorité aide à accepter, à soutenir et à encourager la liberté d’expression de leur enfant sur son identité, permettant de les guider pour valider et reconnaitre ses besoins. 4. Conclusion Au final, concernant ce sujet sensible, particulièrement à l’heure des polémiques sur la « théorie du genre », il est important que les pédiatres se forment et s’informent en tenant compte des expériences internationales, afin de dépister et d’apporter des réponses aux questionnements des jeunes et de leurs familles et savoir les adresser précocement à des équipes mixtes endocrinologues/pédo-psychiatres, ethicistes et travailleurs sociaux susceptibles de les accompagner. Références 1. American Psychiatric Association. Diagnostic and statistical manual of mental disorders (5th ed.). 2013. Arlington, VA: American Psychiatric Publishing. 2. Khatchadourian K, Amed S, Metzger DL. Clinical management of youth with gender dysphoria in Vancouver. J Pediatr 2014. 164 (4) : 906-11. 3. American Psychiatric Association. Diagnostic and statistical manual of mental disorders (4th ed., text rev.) 2000. Washington, DC: Author. 4. Le Heuzey MF. Le concept de trouble de l’identité sexuelle chez l’enfant et l’adolescent. Qu’en savoir ? Que dire ? Que faire ? Archives de Pédiatrie 2013. 20 : 318-122. 5. De Vries AL, Steensma TD, Doreleijers TA, et al. Puberty suppression in adolescents with gender identity disorder: a prospective follow-up study. J Sex Med 2011. 8 (8) : 2276-83. 6. Steensma TD, McGuire JK, Kreukels BP et al. Factors associated with desistence and persistence of childhood gender dysphoria : a quantitative follow-up study. JACAP 2013. 52 (6) : 582-90. 7. Deogracias JJ, Johnson LL, Heino FL et al. The Gender Identity/Gender Dysphoria Questionnaire for Adolescents and Adults., Suzanne J. The Journal of Sex Research 2007. 44 (4). 8. Cloninger CR, Przybek TR, Svracik DM et al. The temperament and character inventory. A guide to its development and use. Center for psychobiology of personality 1994. Washington University, St Louis, MO 9. Truby H, Paxton SJ. Development of the Children's Body Image Scale. Br J Clin Psychol 2002. 41(2) : 185-203. 10. Lindgren TW, Pauly IB. A body image scale for evaluating transsexuals. Arch Sex Behav 1975. 4 : 639–56. 11. De Vries AL, Cohen-Kettenis PT. Clinical management of gender dysphoria in children and adolescents : the Dutch approach. J Homosex 2012. 59 (3) : 301-20. 12. Kreukels BP, Cohen-Kettenis PT. Puberty suppression in gender identity disorder: the Amsterdam experience. Nat Rev Endocrinol 2011. 7 (8) : 466-72. 13. Hembree WC1, Cohen-Kettenis P, Delemarre-van de Waal HA et al. Endocrine treatment of transsexual persons: an Endocrine Society clinical practice guideline. J Clin Endocrinol Metab 2009. 94 (9) : 3132-54. 14. Riley EA, Clemson L, Sithartan G, et al. Suriviving a gender-variant childhood: the views of transgender adults on the needs of gender-variant children and their parents. J Sex Marital Ther 2013. 39 (3) : 241-63. Tableau 1. Principes et chronologies des traitements endocriniens pouvant être proposés dans les dysphories de genre Traitement Age de début Durée Effet Inconvénients Agonistes GnRH - Soit dès l'apparition des premiers signes pubertaires Théoriquement à vie ou jusqu'à réalisation d'une gonadectomie - Prévention de l'apparition des caractères sexuels du sexe biologique - Maintien du statut prépubère tant que les stéroides sexuels ne sont pas donnés (conséquences psychologiques) - Facilite l'action des stéroïdes sexuels du sexe opposé - Soit en cours de puberté Estrogènes puis estroprogestatifs chez les garçons biologiques - A partir de l'âge de 16 ans dans les protocoles validés A vie Développement des seins, composition corporelle de type féminine - Impact sur la minéralisation osseuse - Effets oncogéniques sur la glande mammaire - Effets vasculaires/thromboemboliques ? Androgènes chez les filles biologiques - A partir de l'âge de 16 ans dans les protocoles validés A vie Caractères sexuels secondaires masculins (voix, pilosité), composition corporelle de type masculine - Difficulté d'obtenir une parfaite substitution androgénique avec les médicaments actuels - Polyglobulie ? Session des lauréats du DES de pédiatrie 2013 Taille finale de 134 patientes suivies pour puberté précoce centrale idiopathique. Auteurs : Eloïse Giabicani¹, Pierre Lemaire², Raja Brauner¹. 1 Université Paris Descartes et Fondation Ophtalmologique Adolphe de Rothschild, 75940 Paris, France 2 Université Grenoble Alpes, G-SCOP et CNRS, F-38000 Grenoble, France Correspondance : Eloïse Giabicani, MD ou Raja Brauner MD, PhD Fondation Ophtalmologique Adolphe de Rothschild 25 rue Manin, 75940 Paris Cedex 19 [email protected] Abréviations : FSH : hormone folliculo-stimulante, GnRH : gonadolibérine, IMC : indice de masse corporelle, LH : hormone lutéinisante, PP : puberté précoce, TF : taille finale. Introduction Dans la prise en charge des pubertés précoces (PP) centrales idiopathiques chez les filles il n’y a pas de consensus international (1). Le traitement freinateur par analogues de la gonadolibérine (GnRH) semble permettre d’atteindre une taille finale (TF) satisfaisante dans le cas de pubertés rapidement évolutives (2). Mais des travaux sur les pubertés avancées mettent en avant une réduction du potentiel de croissance chez les patientes traitées (3) et posent la question de l’innocuité de ce traitement sur la croissance pubertaire des patientes ayant une PP. De même peu de travaux publiés se sont intéressés à l’évolution staturale spontanée des patientes en dehors de tout traitement. Notre objectif était de comparer les TF de patientes traitées ou non et de rechercher des facteurs influant sur le pronostic statural des patientes non traitées. Matériels et méthodes À partir de notre cohorte de 493 patientes suivies pour puberté centrale idiopathique (4), nous avons étudié celles d’entre elles ayant atteint leur TF. 345 patientes âgées de plus de 14 ans étaient concernées. Nous disposions de leur TF pour 76 patientes et 269 questionnaires ont été envoyés aux parents demandant la taille actuelle de leur enfant et son gain statural l’année précédente. 93 courriers nous sont revenus comme non distribués et nous avons reçu 60 réponses sur les 176 (34 %) courriers reçus par les parents. Parmi ces réponses, 2 patientes n’ayant pas atteint leur TF (gain statural l’année précédente de plus de 2 cm) ont été exclues. Nous avons donc inclus 134 patientes ayant consulté le Pr R. Brauner entre septembre 1981 et mars 2007. 78 patientes ont été traitées par un analogue de la GnRH (Triptoréline 3,75 mg en intramusculaire tous les 24-26 jours), tandis que 56 n’ont pas été traitées mais surveillées régulièrement pendant toute leur phase de croissance pubertaire. Les critères de mise sous traitement freinateur étaient 1) une taille prédite (selon la méthode de Bayley et Pinneau (5)) à la première consultation de moins de 155 cm (-2DS) et/ou 2) un rapport des pics de hormone lutéinisante (LH)/ hormone folliculo-stimulante (FSH) lors du test de stimulation à la GnRH supérieur à 0,66 et/ou 3) un taux d’estradiol plasmatique supérieur à 15 pg/mL. Les groupes ont été comparés statistiquement par le test de Wilcoxon-Mann-Whitney (MWUt), les corrélations ont été analysées selon le test de Spearman, et les proportions comparées par le test de Chi-2. Les données sont exprimées en moyenne ± écarttype.Résultats Les données comparatives des patientes, traitées ou non, sont représentées dans le tableau 1. Les patientes traitées avaient une avance d’âge osseux, un taux d’estradiol plasmatique et un rapport des pics LH/FSH significativement plus élevés que les patientes non traitées. Les patientes traitées avaient un âge moyen au début du traitement de 7,6 ± 1,6 ans, une durée moyenne de traitement de 2,8 ± 1,4 ans et un âge à la fin de traitement de 10,7 ± 0,8 ans. Leur TF était comparable à leur taille prédite et à leur taille cible. La majorité d’entre elles (n = 58, 74,4 %) ont atteint une TF différant de leur taille cible de moins d’1DS. Cette TF était corrélée à leur taille à la première consultation (r = 0,61, p < 0,0001), à leur taille cible (r = 0,53, p < 0,0001) et à leur taille prédite à la première consultation (r = 0,47, p < 0,0001), mais pas aux autres données cliniques, biologiques ou radiologiques. Les patientes non traitées ont également atteint une TF différant de moins d’1DS avec leur taille cible pour 76,8 % d’entre elles (n = 43). Cette TF était corrélée à leur taille à la première consultation (r = 0,53, p < 0,0001), à leur taille cible (r = 0,54, p < 0,0001) et à leur taille prédite (r = 0,58, p < 0,0001), mais pas aux autres données. Ces patientes ont eu leurs premières règles à un âge moyen de 10,6 ± 1,1 ans, ce qui correspond à un délai moyen entre le début de leur puberté et les premières règles de 3,6 ± 1,5ans. Discussion Cette cohorte fait partie des plus larges cohortes publiées, notamment concernant l’évolution des patientes non traitées. Un des résultats majeur est que l’on retrouve une TF relativement préservée dans cette sous-population, si l’on compare la TF avec la taille cible, mais aussi une TF qui est majoritairement normale en valeur absolue. Ces résultats sont donc rassurants concernant le pronostic de taille chez nos patientes suivies pour puberté précoce centrale idiopathique sans traitement. Nous n’avons pas pu mettre en évidence de facteur pronostique évident chez ces patientes, probablement du fait d’un trop faible nombre de patientes non traitées ayant une petite TF inférieure à -1DS. Concernant les patientes traitées, on ne retrouve pas de différence statistique entre taille prédite et TF ce qui ne nous permet pas de montrer un effet positif du traitement sur la TF, comme précédemment décrit (2). Il n’y a en tous cas pas de détérioration de la TF avec le traitement. Des modèles mathématiques sont à l’étude pour prédire la TF des patientes à la première consultation et aider dans la décision de mise en place de traitement freinateur ou non. En effet pouvoir anticiper en fonction des données cliniques et biologiques initiales la TF sans traitement pourrait constituer un élément pronostique à prendre en compte dans la décision d’instauration d’un traitement ou non. Figure 1 : Tailles finales (cm) des patientes selon le traitement. Tableau 1 : Caractéristiques des 134 patientes suivies pour PP centrale idiopathique Toutes les patientes Valeurs remarquables Âge au premier signe pubertaire (ans) ≤ 6 ans 1 ère consultation Âge (ans) Développement mammaire (stade Tanner) Développement pilosité (stade Tanner) Avance d’âge osseux (ans) ≥ 2 ans Vitesse de croissance l’année avant le premier signe pubertaire (DS) 6,63 ± 1,36 7,54 ± 1,41 2,58 ± 0,56 1,99 ± 0,91 1,50 ± 1,30 - ≥ 15pg/mL 2,36 ± 2,35 1,47 ± 1,69 0,91 ± 1,14 19,9 ± 16,29 - ≤ 11 ans 129 129 64 4,66 ± 1,95 11,29 ± 1,24 - 134 134 132 122 132 122 2,11 ± 1,24 162,1 ± 5,61 161,7 ± 4,91 161,9 ± 7,98 0,38 ± 5,1 -0,04 ± 6,81 ≥ 2 DS Rapport des pics LH/FSH ≥ 0,66 Estradiol (pg/mL) Durée de la puberté (ans) Âge des 1ères règles (ans) Taille à la 1ère consultation (DS) Taille finale (cm) Taille cible (cm) Taille prédite (cm) Taille finale – Taille cible (cm) Taille finale – Taille prédite (cm) 134 32 134 134 134 131 50 63 134 40 134 75 130 63 IMC (DS) Croissance Moyenne ± DS 127 ≥ 2 DS Évolution n % Patientes traitées Moyenne ± n DS 78 22 78 78 78 77 34 6,42 ± 1,53 7,36 ± 1,59 2,72 ± 0,51 1,94 ± 0,87 1,77 ± 1,36 - 48,5 75 40 78 22 78 50 75 45 2,43 ± 2,36 1,38 ± 1,63 1,14 ± 1,23 23,79 ± 18,52 - 49,6 73 73 21 5,44 ± 1,86 11,85 ± 1,02 - 78 78 77 71 77 71 1,95 ± 1,37 160,9 ± 5,7 161,5 ± 5,38 159,5 ± 7,63 -0,66 ± 5,25 0,92 ± 7,26 23,9 38,2 49,6 29,9 56,0 Patientes non traitées % n Moyenne ± DS 56 10 56 56 56 54 16 6,93 ± 1,01 7,8 ± 1,08 2,39 ± 0,57 2,07 ± 0,97 1,13 ± 1,13 2,25 ± 2,35 1,6 ± 1,78 60,0 52 23 56 18 56 15 55 18 0,59 ± 0,92 14,82 ± 10,82 - 28,8 56 56 43 3,64 ± 1,57 10,57 ± 1,12 - 56 56 55 51 55 55 2,35 ± 1,0 163,8 ± 5,0 162,0 ± 4,20 165,2 ± 7,28 1,83 ± 4,53 -1,39 ± 5,94 28,2 44,2 53,3 28,2 64,1 MWUt % p 0,04 17,9 0,22 0,0004 0,51 0,004 29,6 0,34 44,2 0,78 32,1 <0,0001 26,8 0,0008 32,7 <0,0001 <0,0001 76,8 0,09 0,003 0,73 0,0001 0,009 0,03 Références 1. Willemsem R H, Elleri D, Williams R M, Ong K K and Dunger D B. Pros and cons of GnRHa treatment for early puberty in girls. Nat Rev Endocrinol 2013, 10(6):352-63. 2. Lazar L, Padoa A and Phillip M. Growth pattern and final height after cessation of gonadotropin suppressive therapy in girls with central sexual precocity. J Clin Endocrinol Metab 2007, 92(9):3483–348. 3. Bouvattier C, Coste J, Rodrigue D, Teinturier C, Carel J-C, Chaussain J-L, and Bougnères P F. Lack of effect of GnRH agonists on final height in girls with advanced puberty: a randomized long-term pilot study. J Clin Endocrinol Metab 1999, 84(10):3575–3578. 4. Giabicani E, Allali S, Durand A, Sommet J, Couto-Silva A-C, and Brauner R. Presentation of 493 consecutive girls with idiopathic central precocious puberty: A single-center study. PLoS ONE 2013, 8(7): e70931 5. Bayley N and Pinneau S R. Tables for predicting adult height from skeletal age: revised for use with the greulich-pyle hand standards. J Pediatr 1952, 40(4) Prévention du « syndrome du bébé secoué » par une information en période néonatale. Auteurs : Hina Simonnet, Anne Laurent-Vannier, Sakil Valimahomed, Marie Hully, Malek Bourennane, Mathilde Chevignard Le syndrome du bébé secoué (SBS) ou traumatisme non accidentel par secouement, à l’origine de décès et de séquelles le plus souvent très sévères, est sous-estimé de façon certaine. Il s’agit de la première cause de décès d’enfants liés à une maltraitance, et les pleurs sont le facteur déclenchant dominant du secouement. Plusieurs programmes de prévention ont été développés aux Etats-Unis [1, 2] et au Québec [3] avec de nombreux moyens, incluant difficilement les pères. Peu d’études ont évalué la connaissance des parents avant et après une intervention à la maternité. Les objectifs de notre étude étaient donc d’évaluer la connaissance des parents sur le SBS et sur les pleurs de l’enfant ainsi que leur aptitude à s’y adapter ainsi que d’évaluer l’impact et la faisabilité d’une information courte à la naissance dans l’objectif de son application régulière à des fins de prévention. L’inclusion a été réalisée après l’information et le consentement écrit des parents d’enfants nés consécutivement à la maternité de Saint Maurice du 20 décembre 2010 au 20 janvier 2011. A J2 de vie un questionnaire pré-information était proposé aux parents ; puis lors de l’examen systématique de l’enfant par le pédiatre, une information orale de moins de 3 minutes (Figure), sur les pleurs du nouveau-né et le SBS leur était donnée ainsi qu’une brochure. A 6 semaines de vie un nouveau questionnaire était proposé par téléphone. Certaines questions posées étaient similaires aux questionnaires pré et postintervention. Des analyses statistiques ont été conduites afin d’évaluer l’efficacité de l’information donnée. Les parents de 190 enfants (202 naissances) ont été inclus (268 parents ; 69 % de mères et 31 % de pères) et ont répondu au questionnaire pré-information. Vingt sept pour cent des mères et 36 % des pères n’avaient jamais entendu parler du SBS. Cent quatre vingt neuf parents (79 % mères, 21 % pères) ont répondu au questionnaire postinformation. La différence des réponses avant et après l’information est significative pour la plupart des questions. Tous les parents ont trouvé cette information utile et la recommandent aux nouveaux parents en période néonatale. Une information courte et simple donnée par le pédiatre à la naissance permet une meilleure connaissance et compréhension par les parents des pleurs et du SBS et ainsi, on peut le supposer, aide à sa prévention. Les moyens utilisés semblent peu onéreux et facilement réalisables. Dans les suites des recommandations d’experts établies en 2011 [4, 5], le but serait d’introduire ce moyen de prévention dans toutes les maternités et de la divulguer à tous les professionnels de santé impliqués dans la petite enfance. Figure : Information orale donnée au cours de l’examen systématique du pédiatre en maternité. 1) UN BEBE, CA PLEURE ! UN BEBE PEUT PLEURER JUSQU'A 2 HEURES PAR JOUR ET C’EST NORMAL. Cela ne veut pas dire que vous vous occupez mal de votre enfant ou qu’il est malade. 2) LE SYNDROME DU BEBE SECOUE, CA EXISTE ! Les pleurs exaspérants d’un bébé peuvent conduire certains adultes qui n’en peuvent plus, à le secouer. C’est le syndrome du bébé secoué. 3) SECOUER UN BEBE PEUT LE TUER OU LE RENDRE HANDICAPE POUR TOUTE LA VIE. - Secouer, c’est bien plus grave qu’une chute ou qu’une gifle. - Secouer n’a rien à voir avec le jeu. Jouer avec un bébé ce n’est pas le secouer ! 4) IL SUFFIT D’UNE FOIS ! ET C’EST POUR TOUTE LA VIE. 5) Si votre enfant pleure, il vous faut vérifier : – Qu’il n’a pas faim, – Que sa couche n’est pas sale, – Qu’il n’a pas de fièvre, qu’il n’est pas trop couvert, Si malgré tout, il continue à pleurer ET QUE VOUS N’EN POUVEZ-PLUS COUCHEZ-LE, SUR LE DOS, DANS SON LIT ET PARTEZ puis appelez quelqu’un de proche SURTOUT NE LE SECOUEZ PAS ! 1. Dias MS, Smith K, DeGuehery K, Mazur P, Li V, Shaffer ML. Preventing abusive head trauma among infants and young children: a hospital-based, parent education program. Pediatrics. 2005;115(4):e470-7. Epub 2005/04/05. 2. Barr RG, Rivara FP, Barr M, Cummings P, Taylor J, Lengua LJ, et al. Effectiveness of educational materials designed to change knowledge and behaviors regarding crying and shaken-baby syndrome in mothers of newborns: a randomized, controlled trial. Pediatrics. 2009;123(3):972-80. Epub 2009/03/04. 3. Goulet C, Frappier JY, Fortin S, Deziel L, Lampron A, Boulanger M. Development and evaluation of a shaken baby syndrome prevention program. Journal of obstetric, gynecologic, and neonatal nursing : JOGNN / NAACOG. 2009;38(1):7-21. Epub 2009/02/12. 4. Laurent-Vannier A, Nathanson M, Quiriau F, Briand-Huchet E, Cook J, Billette de Villemeur T, et al. A public hearing "Shaken baby syndrome: guidelines on establishing a robust diagnosis and the procedures to be adopted by healthcare and social services staff". Guidelines issued by the Hearing Commission. Annals of physical and rehabilitation medicine. 2011;54(9-10):600-25. Epub 2011/11/29. 5. Laurent-Vannier A, Nathanson M, Quiriau F, Briand-Huchet E, Cook J, Billette de Villemeur T, et al. A public hearing. "Shaken baby syndrome: guidelines on establishing a robust diagnosis and the procedures to be adopted by healthcare and social services staff". Scoping report. Annals of physical and rehabilitation medicine. 2011;54(9-10):533-99. Epub 2011/11/29. Surveillance IRM de la surcharge en fer chez les enfants avec hémoglobinopathies polytransfusées Mélodie AUBART Introduction La surcharge en fer est une complication inéluctable et grave chez les enfants polytransfusés. Historiquement décrite dans la thalassémie majeure (TM) cette complication concerne désormais les patients drépanocytaires (sickle cell anemia, SCA) pour lesquels le programme transfusionnel chronique s’est imposé dans l’arsenal préventif notamment des accidents vasculaires cérébraux (AVC). La surcharge en fer est particulièrement toxique pour le foie et le cœur, et met en jeu le pronostic vital des patients à moyen et long terme. Le dosage de ferritine plasmatique, peu coûteux et facilement disponible, est largement utilisé à la fois comme marqueur diagnostique de surcharge en fer et de suivi d’efficacité thérapeutique du traitement chélateur. Historiquement, la biopsie hépatique a été considérée comme le gold standard pour mesurer précisément la surcharge en fer. Plus récemment, des techniques non invasives par IRM T2* cardiaques et hépatiques ont été développées et ont démontré leur fiabilité pour mesurer la surcharge en fer tissulaire. Les études pédiatriques demeurent cependant peu nombreuses avec des résultats contradictoires concernant le degré de corrélation entre ferritine sérique et mesures IRM dans la population d’enfants thalassémiques et drépanocytaires (1,2,3). L’objectif de cette étude était d’évaluer la surcharge en fer par dosage de ferritine et par IRM cardiaque et hépatique dans une cohorte d’enfants SCA et TM sous programme transfusionnel et recevant un traitement chélateur du fer afin d’analyser de manière longitudinale la relation entre ces différents paramètres. Patients et méthodes Les données concernant tous les enfants thalassémiques et drépanocytaires âgés de moins de 18 ans transfusés chroniquement (>10/an) et ayant bénéficié d’une surveillance par IRM hépatique et cardiaque entre juin 2007 et avril 2012 à l’Hôpital Necker-Enfants-Malades (Paris) ont été collectées rétrospectivement. Les indications du programme transfusionnel étaient pour les patients thalassémiques le maintien d’une Hb > 9 g/dL et pour les patients drépanocytaires la prévention du risque d’AVC ou l’échec d’un traitement par hydroxyurée. Les objectifs transfusionnels et d’échanges transfusionnels respectaient les recommandations habituelles. Tous les enfants ont reçu un traitement chélateur par deferasirox selon les recommandations. Les mesures IRM ont été réalisées selon un protocole précédemment décrit (4). La surcharge en fer hépatique a été considérée comme absente si <100 µmol/g, modérée entre 100 et 250, sévère au-delà. La surcharge cardiaque était considérée comme absente pour un T2*> 20ms, modérée entre 10 et 20 et sévère en deçà. Les moyennes des dosages mensuels de ferritine durant les 6 mois précédant l’imagerie ont été collectées. Pour l’étude longitudinale, ces valeurs ont été comparées entre elles en considérant une variation ≥ 20 % comme significative. De même, une variation ≥ 10 %. des résultats IRM a été considérée comme significative. Si la variation de ces deux paramètres dans le temps allaient dans le même sens, nous avons conclu que le dosage de ferritine pouvait prédire la surcharge tissulaire, et inversement. En l’absence de variation significative de l’un des deux paramètres, nous avons défini les résultats comme non concluants. Les résultats sont présentés sous forme de médiane [minimum – maximum]. Résultats Trente sept enfants (30 SCA et 7 TM, 17 garçons) ont été inclus dans l’étude, avec une durée moyenne de programme transfusionnel de 10 ans [1-14] et un volume médian transfusionnel de 86 ml/kg/an. Aucune différence significative des paramètres démographiques entre les patients TM et SCA n’a été mise en évidence en dehors de l’âge médian au début du traitement chélateur (8,5 ans pour les SCA, 4 pour les TM, p = 0,037). La médiane de ferritine était de 1550 mg/L [184-6204], 1917 mg/L chez les SCA, 842 mg/L chez les TM, différence non significative. Une relation a été mise en évidence entre le niveau de ferritine et la charge transfusionnelle en fer, avec une augmentation de la ferritine de 97,2 ± 28,5 mg/L pour 100 mg/kg de charge en fer (p < 0,001), et ce, en dépit du traitement chélateur. Soixante treize IRM hépatiques ont été analysées. Dix enfants en ont eu 2 mesures, 12 plus de 2. L’absence de surcharge a été notée dans 21 mesures (28,8 %), modérée dans 24 (32,9 %), sévère dans 28 (38,3 %), sans différence notable entre les patients SCA ou TM. Une corrélation élevée a été trouvée entre la surcharge hépatique en fer et le dosage de ferritine (p < 0,001), corrélation également valable dans l’analyse de sous-groupes (SCA/TM, garçons/filles) (Figure 1). Cinquante cinq IRM cardiaques ont été analysées, 14 enfants (40 %) ont bénéficié d’au moins 2 mesures. Seules 4 retrouvaient une surcharge modérée. Une surcharge sévère n’a été notée que dans un cas de patient thalassémique. Aucune corrélation n’a été mise en évidence entre ces mesures et le dosage de ferritine, mais de manière intéressante, les 5 mesures retrouvant une surcharge cardiaque en fer concernaient des patientes thalassémiques avec des dosages de ferritine paradoxalement <1500 mg/L (Figure 1). L’analyse de la variation des dosages de ferritine et des mesures d’IRM hépatiques et cardiaques ont pu être réalisées dans respectivement 37 et 19 cas (Tableau 1). L’évolution contradictoire des paramètres ferritine/IRM n’a été observée que chez les patients SCA, dans 3 cas (8 %) pour la surcharge hépatique en fer, dans 5 (26 %) concernant la surcharge cardiaque en fer. Discussion et conclusion Ces résultats confirment une corrélation élevée entre le dosage de ferritine et le degré de surcharge hépatique en fer, en dépit d’un traitement chélateur du fer. Inversement, aucune corrélation n’a pu être mise en évidence entre ferritine et surcharge cardiaque. En outre, chez les sujets SCA en particulier, l’évolution dans le temps de la ferritine ne permet pas de prédire correctement l’évolution de la surcharge tissulaire hépatique ou cardiaque, puisque ces paramètres évoluent de manière contradictoire dans 8 % des cas pour le foie et 26 % pour le cœur. Ces résultats plaident, notamment chez les patients SCA, pour une surveillance de la surcharge en fer par IRM plutôt que par le dosage plasmatique de la ferritine tant pour le diagnostic de la surcharge en fer que pour l’adaptation du traitement chélateur. Cette étude souligne en outre que, malgré le progrès des traitements chélateurs du fer, la surcharge en fer chez les enfants SCA et TM polytransfusés demeure une problématique préoccupante. La valeur prédictive de la ferritine doit de ce fait être considérée avec précautions Figure 1 : Corrélation entre le dosage de ferritine et A- la surcharge hépatique en fer (n = 73) ou B- la surcharge cardiaque en fer en IRM (n = 55). Le cercle rouge entoure notamment les 5 mesures de surcharge cardiaque en fer modérée ou sévère avec un dosage de ferritine paradoxalement inférieur à 1500 mg/L. Tableau 1 : Comparaison de l’évolution dans le temps des dosages de ferritine et de la surcharge en fer hépatique ou cardiaque. Evolutions similaires n ( %) Evolutions opposées n ( %) Indéterminés n ( %) Total 19 (51) 3 (8) 15 (41) Hépatique SCA 13 (35) 3 (8) 11 (30) TM 6 (16) 0 (0) 4 (11) Total 5 (26) 5 (26) 9 (48) Cardiaque SCA 2 (10) 5 (26) 6 (32) 3 (16) 0 (0) 3 (16) TM Références 1 Porter JB Pathophysiology of transfusional iron overload : contrasting patterns in thalassemia major and sickle cell disease. Hemoglobin 2009;33 Suppl 1:S37-45 2 Adamkiewicz TV, Abboud MR, Paley C et al Serum ferritin level changes in children with sickle cell disease chronic blood transfusions are nonlinear and associated with iron load and liver injury. Blood 2009;114:4632-4638. 3 Wood JC, Enriquez C, Ghugre N et al MRI R2 and R2* mapping accurately estimates hepatic iron concentration in transfusion dependent thalassemia and sickle cell disease patients. Blood 2005;106:1460-1465. 4 Ghugre NR, Enriquez CM, Coates TD et al Improved R2* measurements in myocardial iron overload. J Magn Reson Imaging 2006;23:9-16. FACTEURS INFLUENÇANT LA SENSIBILITE DES TDR STREPTOCOCCIQUES Jérémie Cohen, Martin Chalumeau, Corinne Levy, Mohamed Benani, Marc Koskas, Philippe Bidet, Robert Cohen Sous la direction du Professeur Martin Chalumeau Service de Pédiatrie Générale, Hôpital Necker-Enfants Malades, Faculté Paris Descartes, Paris Ce travail est dédié à la mémoire du Professeur Edouard Bingen (1946-2012). Ce travail a été publié sous la référence : Cohen JF, Chalumeau M, Levy C, Bidet P, Benani M, Koskas M, Bingen E, Cohen R. Effect of clinical spectrum, inoculum size and physician characteristics on sensitivity of a rapid antigen detection test for group A streptococcal pharyngitis. European Journal of Clinical Microbiology & Infectious Diseases. 2013; 32:787-793. Introduction Il a été montré que les performances du test de diagnostic rapide (TDR) pour les pharyngites à streptocoque du groupe A (SGA) sont susceptibles de varier en fonction de la présentation clinique des patients et de l’inoculum bactérien (quantité de bactéries retrouvées en culture) (1,2). Il a aussi été montré que la sensibilité du TDR pouvait varier en fonction de la personne réalisant le test (« effet médecin ») (3). Les objectifs de cette étude étaient d’étudier pour la première fois les effets indépendants du spectre clinique pris de manière binaire et extrême (pharyngite contre porteur asymptomatique), de l’inoculum bactérien et du médecin réalisant le TDR et de tenter d’identifier les déterminants de l’effet médecin. Méthodes Des enfants âgés de 3 à 15 ans avec une pharyngite ou consultant leur pédiatre pour une visite de routine (enfants asymptomatiques) ont été inclus prospectivement entre octobre 2009 et mai 2011 par 17 pédiatres du réseau ACTIV. Tous les enfants ont été soumis à un prélèvement de gorge pour réaliser un TDR (StreptAtest) et une mise en culture (test de référence). En cas de culture positive pour le SGA, l'inoculum était estimé en fonction du nombre de colonies présentes dans la boîte de Pétri (inoculum faible, <50 colonies ; fort, >50 colonies par boîte). Les 17 pédiatres ont aussi répondu à un questionnaire concernant leurs caractéristiques sociodémographiques, leur type d’exercice médical et les caractéristiques de leur cabinet, leurs habitudes concernant la réalisation du TDR et leurs connaissances et croyances concernant la pathologie à SGA. Nous avons réalisé des analyses univariées puis utilisé un modèle logistique multivarié multiniveaux afin d’identifier les facteurs liés aux patients et liés aux médecins susceptibles d’affecter la sensibilité du TDR. Résultats L’analyse a porté sur 1776 patients dont 1482 enfants avec pharyngite et 294 enfants asymptomatiques. La prévalence du SGA était de 38 % dans le groupe pharyngite et de 11 % chez les enfants asymptomatiques. La sensibilité du TDR était de 87 % et la spécificité de 93 %. La sensibilité du TDR variait de 56 % à 96 % en fonction du médecin ayant réalisé le test (p=0,01). En analyses univariées et multivariées, la sensibilité du TDR était significativement plus élevée chez les enfants ayant une pharyngite que chez les porteurs asymptomatiques (OR ajusté 4,5 [intervalle de confiance à 95 % 1,8–11,4]), chez les enfants de moins de 9 ans (ORa 2,5 [1,1–5,5]) et chez ceux ayant un inoculum fort (ORa 11,0 [6,1–20,0]). Le fait d’avoir une activité clinique hospitalière en plus de l’activité clinique au cabinet était la seule caractéristique des médecins associée à des variations de sensibilité du TDR (ORa 3,4 [1,9– 6,3]) et cette variable expliquait la quasi-totalité de l’effet médecin. Discussion Les résultats de cette étude confirment l’effet du spectre clinique sur les performances du TDR en montrant une sensibilité plus élevée chez les enfants avec pharyngite que chez les porteurs asymptomatiques. Nos résultats confirment également l’importance de l’inoculum bactérien et de l’effet médecin sur la sensibilité du TDR. Dans la littérature, l’effet de l’inoculum et l’effet médecin sont conçus comme étant liés entre eux, les médecins les plus expérimentés obtenant plus souvent un fort inoculum bactérien d’une part et les inocula forts étant associés à une sensibilité du TDR plus élevée d’autre part. Nos résultats montrent que l’effet médecin sur la sensibilité du TDR persiste de manière indépendante de l’inoculum. Les résultats de cette étude élargissent la vision que nous pouvons avoir des facteurs susceptibles de faire varier les performances d’un test diagnostique. Le diagnostic médical, comme tout processus de décision clinique, est soumis à l’influence de nombreux facteurs(4). Cette étude confirme que la sensibilité d’un test diagnostique ne doit pas être appréhendée comme un paramètre fixe intrinsèque au test et qu’elle est affectée de manière indépendante par la présentation clinique des patients ainsi que par le médecin réalisant le test (5). Le fait que la sensibilité du TDR varie en fonction du médecin réalisant le test indépendamment du spectre clinique et de l’inoculum bactérien devrait être pris en compte dans les programmes de formation des médecins dans le but de tirer les performances des médecins vers le haut (benchmarking) et de réduire les variations de sensibilité du TDR pouvant exister entre eux. Références 1. Edmonson MB, Farwell KR. Relationship between the clinical likelihood of group a streptococcal pharyngitis and the sensitivity of a rapid antigen-detection test in a pediatric practice. Pediatrics 2005; 115:280-285 2. Kurtz B, Kurtz M, Roe M, et al. Importance of inoculum size and sampling effect in rapid antigen detection for diagnosis of Streptococcus pyogenes pharyngitis. J Clin Microbiol 2000; 38:279-281 3. Fox JW, Cohen DM, Marcon MJ, et al. Performance of rapid streptococcal antigen testing varies by personnel. J Clin Microbiol 2006; 44:3918-3922 4. Landon BE, Reschovsky J, Reed M, et al. Personal, organizational, and market level influences on physicians' practice patterns: results of a national survey of primary care physicians. Med Care 2001; 39:889-905 5. Lijmer JG, Mol BW, Heisterkamp S, et al. Empirical evidence of design-related bias in studies of diagnostic tests. JAMA 1999; 282:1061-1066 Campagne nationale de prévention de l’acidocétose au diagnostic du diabète de type 1 chez l’enfant et l’adolescent J. Maitre1,2, C. Choleau1, C. Elie3, M. Cahané1, JJ. Robert1,2 et le Groupe d’Etude de l’AJD (AJD Study Group) 1 Aide au Jeunes Diabétiques (AJD), Paris, France 2 Diabète de l’Enfant et de l’Adolescent, Hôpital Necker – Enfants Malades, Université Paris Descartes Sorbonne Paris Cité, Paris, France 3 Unité de Recherche Clinique Paris Centre, Hôpital Necker – Enfants Malades, Université Paris Descartes Sorbonne Paris Cité, Paris, France L’acidocétose est une complication grave et fréquente au diagnostic du diabète de type 1 (DT1), d’autant plus redoutable que l’incidence de cette pathologie augmente régulièrement chez l’enfant et l’adolescent en France, en Europe et dans le Monde (1-3). Cette augmentation des nouveaux cas de DT1 est deux fois plus rapide chez les moins de 5 ans, particulièrement vulnérables aux complications métaboliques inaugurales (1-2). La prévention de l’acidocétose au diagnostic est devenue un objectif majeur de la Société Internationale pour le Diabète de l’Enfant et de l’Adolescent (ISPAD). L’association « L’Aide aux Jeunes Diabétiques » (AJD) a lancé le 14 novembre 2010, sur le modèle d’un programme italien (4), une campagne nationale pour la prévention de l’acidocétose au diagnostic du DT1 en France. Un Observatoire national a été au préalable constitué afin de suivre de manière prospective la fréquence de l’acidocétose avant et après lancement de cette campagne (5). L’objectif de cette étude était d’évaluer l’impact à 1 an de la campagne nationale d’information sur la fréquence et la sévérité de l'acidocétose au diagnostic du DT1 chez l'enfant et l'adolescent en France. Les données suivantes ont été collectées pendant deux années consécutives chez les jeunes (< 15 ans) débutant un DT1 dans les 146 services de Pédiatrie participant à l’Observatoire : âge, sexe, durée d’évolution des symptômes, parcours du patient, signes cliniques et biologiques au diagnostic, antécédents familiaux de DT1. L’acidocétose était définie par un pH < 7,30 ou une réserve alcaline (RA) < 15 mmol/l ; l’acidocétose sévère par un pH < 7,10 ou une RA < 5 mmol/l. A partir de la deuxième année de recueil des données, la campagne d’information destinée aux professionnels de santé et au grand public a débuté avec pour objectif d’éviter les retards au diagnostic et donc de réduire la fréquence d’acidocétose inaugurale (Figure 1). Les données de la première année de campagne (Année 1) ont été comparées à celles de l’année précampagne (Année 0) (5). Les données concernent 1299 jeunes de moins de 15 ans pour l’Année 0 et 1247 pour l’Année 1, dont un quart a moins de 5 ans. Une polyurie-polydipsie était présente au diagnostic chez la quasi totalité des patients et elle durait depuis plus d’une semaine dans plus de 80 % des cas. Près d’un patient sur deux présentait également une énurésie. Les patients étaient en majorité adressés à l’hôpital par un médecin généraliste et non par un pédiatre. Un antécédent familial de DT1 était retrouvé dans presque 15 % des cas. Entre l’année 0 et l‘année 1, la fréquence de l’acidocétose a diminué de 43,9 % à 40,5 % (p = 0,08), exclusivement du fait d’une diminution des acidocétoses sévères, de 14,8 à 11,4 % (p < 0,01). La baisse relative de la fréquence de l’acidocétose a été de 13 % et 15 %, et celle des formes sévères de 23 % et 41 % dans les groupes d’âge 0-5 ans et 5-10 ans ; elle a été de 34 % et 7 %, et celle des formes sévères de 39 % et 32 % chez les patients adressés à l’hôpital par un pédiatre ou venus à l’initiative de la famille ; aucun changement n’a été observé chez les jeunes de 10-15 ans et ceux qui ont été adressés par un médecin généraliste (Tableau 1). En analyse multivariée, une fréquence plus élevée d’acidocétose inaugurale était associée au jeune âge de l’enfant (< 5 ans), au fait d’être venu à l’hôpital à l’initiative de la famille plutôt qu’adressé par un médecin, et à l’absence d’antécédent familial de DT1 ; une fréquence plus élevée d’acidocétose sévère était associée à ces deux derniers facteurs mais pas à l’âge de l’enfant. La connaissance de la campagne de prévention de l’AJD par les patients ou leur famille était encore limitée pour cette Année 1 (6,6 % des cas) mais la fréquence de l’acidocétose était nettement plus basse chez les enfants issus de ces familles (22 % versus 42 % lorsque la campagne n’était pas connue, p = 0,01). La fréquence de l’acidocétose inaugurale et notamment des formes sévères reste élevée au diagnostic de DT1 chez l’enfant et l’adolescent mais la campagne nationale d’information a permis de la diminuer dès la première année de lancement. Les résultats ont permis de mieux définir la stratégie et les cibles de la campagne. En effet, l’âge de l’enfant et le parcours jusqu’au diagnostic à l’hôpital sont les éléments qui ont le plus d’influence sur la présence d’une acidocétose et la prise en compte de ces facteurs devrait permettre de réduire de manière de plus en plus efficace la morbi-mortalité au diagnostic du DT1 chez l’enfant. Références bibliographiques 1. Barat P, Valade A, Brosselin P, et al. The growing incidence of type 1 diabetes in children: the 17-year French experience in Aquitaine. Diabetes Metab 2008; 34: 601-5 2. Patterson C, Dahlquist G, Gyürüs E et al. and the EURODIAB ACE Study Group. Incidence trends for childhood type 1 diabetes in Europe during 1989-2003 and predicted new cases 2005-20: a multicentre prospective registration study. Lancet 2009; 373: 2027-33 3. The DIAMOND Project Group. Incidence and trends of childhood type 1 diabetes worldwide 1990-1999. Diabet Med 2006; 23: 857- 66 4. Vanelli M, Chiari G, Ghizzoni L et al. Effectiveness of a prevention program for diabetic ketoacidosis in children. An 8-year study in schools and private practices. Diabetes Care 1999; 22: 7-9 5. Choleau C, Maitre J, Filipovic Pierucci J et al and the AJD Study Group. Ketoacidosis at diagnosis of type 1 diabetes in French children and adolescents. Diabetes Metab. 2014; 40(2) : 137-42 Figure 1 - Outils de la campagne nationale de prévention de l’acidocétose au diagnostic Affiches publicitaires à destination du grand public Plaquette d’information à destination des professionnels de santé Tableau 1. Pourcentage de patients présentant une acidocétose et une acidocétose sévère au diagnostic de diabète de type 1 pendant l’année précédant (Année 0) et la première année (Année 1) après le début de la campagne ________________________________________________________________________________ Acidocétose ____________________ Année 0 Année 1 Acidocétose sévère ____________________ Année 0 Année 1 _______________________________________________________________________________ Global 43,9 % 40,5 % 14,8 % 11,4 % 0-5 ans 54,2 %* 47,3 % 16,6 %* 12,7 % 5-10 ans 43,4 % 37,0 % 14,4 % 8,5 % 10-15ans 37,1 % 39,7 % 13,9 % 13,2 % Généraliste 36,7 % 37,0 % 7,6 % 7,9 % Pédiatre 39,3 % 25,8 % 5,1 % 3,1 % Famille 53,5 % 49,6 % 26,6 % 18,0 % Autre hôpital 65,1 % 55,9 % 36,1 % 23,8 % Antécédents de DT1 20,1 % 24,6 % 4,4 % 5,6 % - 22,0 % - 7,3 % Age Parcours au diagnostic Connaissance de la campagne ________________________________________________________________________________ Acidocétose : ensemble des acidocétoses, modérées plus sévères *0-2 ans : 62,2 %, sévère 26,8 %