1. Introduction
L’ambition de cet article est de contribuer à enrichir la caractérisation des concepts de performance et
d’innovation dans la recherche sur les Petites et Moyennes Entreprises (PME) et sur les Très Petites Entreprises
(TPE). Les notions de performance et d’innovation, et plus encore les relations de causalité entre elles, font
l’objet de débats (Ledent et al., 2002 ; De Winne et Sels, 2010 ; Freel, 2000 ; Miles et Snow, 1984) dont la
vivacité témoigne aussi de la prégnance de ces dimensions dans la caractérisation de la finalité de la gestion des
entreprises. La nature de ces variables et les relations qu’elles entretiennent entre elles étant considérées comme
« allant de soi ». A cette forme de naturalisation, nous voulons opposer une vision élargie de la performance
(sociale, environnementale, p.ex.) et de l’innovation (aussi relative), rendant mieux compte de la diversité des
finalités de la gestion des entreprises et contribuant par-là à l’opérationnalisation d’une vision plus sociétalement
responsable du management.
Tout d’abord, certains auteurs mettent en avant un lien de cause à effet entre ces deux dimensions (Geroski et
Machin, 1992 ; Chaston, 1997 ; Ledent et al., 2002): l’innovation serait alors un déterminant de la performance
qui l’influencerait de manière positive (De Winne et Sels, 2010 ; Liouville et Bayad, 1998) ou négative (Simon
et al., 2002). Ensuite, d’autres auteurs estiment qu’il s’agirait plutôt d’une relation « d’indépendance » : les
entreprises performantes ne se caractérisent pas forcément par un degré élevé d’innovation, et vice versa
(Lallement et Wisnia-Well, 2007 ; Freel, 2000). Enfin, d’autres chercheurs s’inscrivent dans une approche
contingente et considèrent plutôt une « approche d’inclusion » où l’innovation serait un des critères de mesure de
la performance (Schuler et Jackson, 1987 ; Kochan et Barocci, 1985 ; Miles et Snow, 1984 ; Fombrun et al.,
1984 ; Youndt et al., 1996) .
Dans cet article, nous choisissons d’adopter une approche « agnostique » qui vise à étudier ces concepts,
indépendamment l’un de l’autre. Le choix de cette démarche semble se justifier par le manque de consensus
autour des définitions et des liens conceptuels. Ainsi, nous proposons tout d’abord d’éclaircir le débat et
d’approfondir, successivement les définitions de performance et d’innovation, en vue de les caractériser. L’étude
de ces dimensions au sein des TPE et PME wallonnes et bruxelloises permet d’opérationnaliser notre grille de
mesure intégratrice et la caractérisation englobante de ces deux construits. L’analyse des résultats nous amène
finalement à discuter les liens entre performance et innovation et à ouvrir quelques pistes de recherche futures.
2. L’étude de la performance en gestion
A l’image de ce que Gilbert et Charpentier (2004) affirment, il existe une «conceptualisation plurielle de la
performance ». Ainsi, ils considèrent que la performance serait un «(…) mot-éponge ou mot-valise (…), qui
recouvre des notions dont le sens est très largement contextuel et autorise des interprétations nombreuses »
(pp.48-50). En effet, dans de très nombreux cas, les chercheurs en sciences de gestion qualifient la performance
dans l’entreprise de sociale, de financière ou encore, d’environnementale (voir notamment Allouche et al., 2004 ;
Fabi et al., 2006 ; Ducrou, 2008). Dès lors, il serait plus judicieux de parler des performances plutôt que de la
performance de l’entreprise. Au terme de la revue de littérature à laquelle nous nous sommes adonnés, onze
types de performance peuvent être identifiés: sociale (Dohou et Berland, 2008; Fabi et al., 2006; Baggio et al.,
2006; Frimousse et al., 2006; Allouche et al., 2004; Igalens et Gond, 2003; Decock et Good, 2001; Liouville et
Bayad, 1998; Savall et Zardet, 1989; Carroll, 1979), organisationnelle (Dany et Hatt, 2007; Poissonnier et
Drillon, 2008; Arcand et al., 2004; Morin et Savoie, 2002; Chandler et McEvoy, 2000; Liouville et Bayad, 1998;
Chaston, 1997; Morin, Savoie et Beaudin, 1994), sociétale (Ducrou, 2008), opérationnelle (Fabi et al., 2006;
Sels et al., 2003), environnementale (Ducrou, 2008; Dohou et Berland, 2007), économique (Merck et Sutter,
2009; Ducrou, 2008; Savall et Zardet, 1989), croissance (Fabi et al., 2006), financière (Bnouni, 2011; Zeribi et
Boussoura, 2007; Fabi et al., 2006; Allouche et Laroche, 2005; Sels et al., 2003; Griffin et Mahon, 1997),
comptable et boursière (Bughin et Colot, 2008; Allouche et al., 2004.), humaine, commerciale et productive
(Allouche et al., 2004; Barrette et Carrière, 2003) et globale ou non-qualifiée (Benamar, 2010; Tocher et
Rutherford, 2009; Merck et Sutter, 2008; Poissonnier et Drillon, 2008; Dohou et Berland, 2007; Upon et
Seaman, 2006; Neely et al., 2002; Miloud, 2001; Spanos et Lioukas, 2001; Delery et Doty, 1996). Cette dernière
forme de performance pose la question de la relation entre les différentes formes de performances qualifiées et
une hypothétique performance globale, que nous ne traiterons pas ici.
Par ailleurs, l’examen de la littérature rend compte de la difficulté contextuelle qui réside dans l’exercice de
définition des performances. Ainsi, comme pour la grande majorité des auteurs, nous proposons de partir du
postulat que la définition de chaque performance ne peut se faire qu’à travers ses indicateurs et l’occurrence de
ceux-ci. En effet, son caractère polysémique transforme l’exercice de définition en une tentative de
caractérisation de celle(s)-ci passant par l’analyse des indicateurs qui la (les) représente(nt).