METTRE EN ŒUVRE LA DEMARCHE D’INVESTIGATION : LA MATERIALITE DE L’AIR AU CYCLE 3 André Laugier Maitre de conférences en Sciences physiques IUFM d’Aquitaine Depuis un quart de siècle la nécessité d’adapter l’enseignement scientifique aux réalités scolaires, en prenant en compte les résultats des travaux de psychologie cognitive et de didactique des sciences, est à l’origine des nombreuses réformes qui tentent de le rénover. Les textes parus concernent aussi bien l’école primaire que le collège et le lycée. La réflexion sur les programmes qui accompagnent ces tentatives de rénovation se caractérise par un déplacement d’une culture des savoirs disciplinaires vers une culture des démarches d’apprentissage. Derrière cette évolution se cache une véritable révolution épistémologique initiée par les épistémologues depuis le milieu du XXème : à l’idée d’une science œuvre de découverte s’est progressivement substituée celle d’une science œuvre d’invention. Si la connaissance scientifique doit être découverte alors l’enseignement scientifique doit proposer à l’élève des expériences prototypiques faces auxquelles, guidé par les questions de l’enseignant dans ses observations, il sera à son tour conduit à lire dans le monde visible l’évidence des relations qui lient entre eux les objets et les phénomènes. C’est sur ce schéma que les célèbres « leçons de choses » étaient fondées épistémologiquement : « Ce n’est rien d’autre qu’une accumulation d’observations pertinentes, dont la récurrence fonde progressivement le matériau empirique, dont pourra naître la claire conscience d’une relation de cause à effet ou d’une loi » (La main à la pâte, 1996). L’épistémologie contemporaine a proposé de revoir la place de l’observation et du réel dans la construction de la connaissance scientifique. Paul Valéry faisait d’ailleurs observer : « Il fallait être Newton pour apercevoir que la Lune tombe sur la Terre quand chacun voit qu’elle ne tombe pas ». On considère aujourd’hui que la connaissance scientifique n’est plus directement induite par l’observation mais doit être questionnée puis élaborée. Alors l’enseignement scientifique doit s’efforcer de mettre l’élève en situation de construire des problèmes à partir de questions sur les objets et les phénomènes puis d’imaginer des solutions pour les résoudre. Cette révolution épistémologique s’est accompagnée à partir des années 1960 – 1970 d’une autre révolution, pédagogique celle-ci. A la suite des travaux de Piaget, Wallon, l’idée d’un élève acteur de ses apprentissages s’est progressivement substituée à celle d’un élève « cire molle qu’il suffit d’imprégner ». Grand N n° 74, pp. 77 à 98, 2004 77 L’accent a été mis sur l’importance de l’activité de l’élève dans l’apprentissage et cela s’est traduit dans les textes par une invitation à lui faire pratiquer des activités telles qu’elles sont censées être mises en œuvre par les scientifiques dans leurs laboratoires. L’élève doit maintenant être capable de « proposer la mise en œuvre des étapes caractéristiques de la démarche expérimentale 1 » Cette réflexion n’est pas réservée au seul enseignement scientifique à l’école. Dans les nouveaux programmes de physique- chimie pour le lycée, mis en place en 2000/2001, l’importance de l’expérimental est clairement affirmée « parce qu’il offre la possibilité de répondre à une situation problème par la mise au point d’un protocole, la réalisation pratique de ce protocole, la possibilité d’aller-retour entre théorie et expérience, l’exploitation des résultats ». Une des conditions nécessaire pour que cet enseignement joue son rôle est que « les élèves doivent savoir ce qu’ils cherchent, anticiper (quitte à faire des erreurs) un ou des résultats possibles, agir, expérimenter, conclure et ainsi élaborer des connaissances ». Mais ce déplacement d’une culture des choses et de leurs usages vers une culture des démarches appliquées à la connaissance des phénomènes n’est pas chose facile et la difficulté de la tâche a parfois découragé les enseignants. Pendant quelques années, les instructions qui leur étaient données ont oscillé entre ce qui a été vécu comme un activisme débridé (IO sur les activités d’éveil en 1979) et un retour au disciplinaire le plus strict (programmes de 1985). Revus en 1995 à travers les programmations de cycle, les programmes de sciences du primaire laissent les enseignants de l’école toujours aussi démunis lorsqu’il s’agit de concevoir et conduire des séquences d’enseignement scientifique dans leur classe. Avec l’opération La Main à la Pâte, sous l’impulsion du Professeur Charpak et de l’Académie des Sciences, un nouvel élan va être trouvé. En 2002 les programmes rénovés de sciences et technologie se proposent d’apporter avec les documents d’accompagnement et d’application une aide efficace aux enseignants et tout particulièrement dans ce qui constitue aujourd’hui l’élément central de la mise en œuvre de ces programmes : la « démarche d’investigation ». Celle-ci est présentée sous forme d’un canevas possible pour une séquence dans lequel sept phases sont identifiées : - le choix d’une situation problème par le professeur ; - l’appropriation du problème par les élèves ; - la formulation de conjectures, d’hypothèses, de protocoles ; - l’investigation ou la résolution du problème conduite par les élèves ; - l’échange argumenté autour des propositions élaborées ; - l’acquisition et la structuration des connaissances ; - l’opérationnalisation des connaissances. Si ces derniers programmes et les documents qui les accompagnent attestent d’une « maturité institutionnelle », toutes les difficultés ne sont pas levées pour autant. Les questions des enseignants Tous les courants pédagogiques affirment la nécessité de confronter l’élève au fait expérimental mais encore faut-il se mettre d’accord sur le sens que l’on donne à cette expression et, plus précisément, sur les modalités de cette confrontation, en définissant ce qui relève de l’initiative de l’enseignant et ce qui est dévolu à l’élève. 1 Ministère de l’Education Nationale Les cycles à l’école primaire, Paris, Hachette éducation (1991). 78 Une recherche menée au sein de l’INRP (1999 – 2001) a essayé de clarifier cette question. Pour aider l’enseignant dans sa gestion de la classe, il faut savoir quels sont les descripteurs les plus pertinents à retenir pour une activité scientifique devant se dérouler selon les principes énoncés dans les programmes rénovés. La question sous-jacente étant : comment séparer dans une activité scientifique l’événementiel de ce qui est reproductible ou comment repérer le noyau dur des invariants ? Cette recherche a apporté des éléments de réponse sur la nature des inquiétudes des enseignants. Comment associer les élèves à la construction du problème ? En résumé comment positionner le curseur entre un enseignement traditionnel (de type transmissif) et un enseignement rénové (de type socio-constructiviste 2) et comment le dire simplement. Comment prendre en compte les conceptions des élèves ? Pour les enseignants, les outils pédagogiques disponibles offrent peu d’informations sur les représentations des élèves et, lorsqu’il y en a, rien n’est dit sur la gestion par l’enseignant de ces représentations. Dans les 26 fiches d’accompagnement 3, ces conceptions initiales des élèves sont désormais explicitées dans la rubrique « difficultés provenant des idées préalables des élèves ». Comment gérer le débat dans la classe ? L’expression « débat » se banalise dans les documents didactiques destinés aux enseignants mais cette phase, présentée comme cruciale, effraie ces derniers qui craignent de ne pas pouvoir maîtriser les échanges et de ce fait ont tendance à l’escamoter. Comment gérer les erreurs des élèves ? Comment laisser les élèves se tromper (expérience qui ne marche pas) et comment utiliser cet « échec » pour progresser ? Comment utiliser les traces écrites produites au cours de l’activité pour construire les connaissances Cette inquiétude concernant la gestion des traces écrites doit être replacée dans un contexte plus large qui est celui de la gestion des activités langagières dans la classe et plus généralement celui d’un appel largement médiatisé à un recentrage sur les « apprentissages fondamentaux ». Ces interrogations des enseignants du primaire prennent toute leur valeur aujourd’hui où les nouveaux programmes de collège 4 demandent explicitement aux enseignants du collège de se référer à la démarche d’investigation mise en place à l’école primaire avec les PRESTE5. 2 Comme toute science, la didactique a un langage qui lui est propre. Schématiquement, l’expression socioconstructivisme désigne ici un modèle d’enseignement dans lequel l’élève est placé en situation d’action par opposition à un enseignement de type transmissif dans lequel l’élève « reçoit » l’information de la part de l’enseignant 3 Fiches Connaissances des Documents d’Application des Programmes CNDP octobre 2002 4 En consultation sur le site du Ministère de l’Education Nationale depuis le 31 mars 2004 sur www.eduscol.education.fr 5 PRESTE pour Plan de Relance de l’Enseignant des Sciences et de la Technologie à l’Ecole 79 La problématique de la recherche Ce travail a été conduit sur trois années dans le cadre institutionnel de la recherche INRP dont nous avons déjà précisé l’objet, avec une enseignante du niveau CE2 – CM1. Il s’agissait d’examiner sur un exemple quelques -uns des points clés de cette démarche d’investigation telle qu’elle nous est proposée et pour lesquels les enseignants déclarent éprouver des difficultés de mise en œuvre. - Partir d’une situation-problème - Comment la choisir ? -. - Faire élaborer par les élèves un protocole expérimental - Est-ce que des élèves de cycle 3 ayant jusque là peu manipulé par eux-mêmes, sont capables de s’engager avec profit dans des activités de résolution de problèmes expérimentaux ? - Quelle est leur capacité à proposer un protocole expérimental préalable à l’expérience ? Quelle attitude pour l’enseignant face à un protocole erroné ? -. - Faire discuter les élèves entre eux - A quel moment ? - Comment gérer ce débat ? Quel est le rôle des discussions dans la classe entre élèves et entre élèves et enseignant ? - . - Faire écrire les élèves - Quels types d’écrits ? - A quel moment ? - Pour quoi faire ? -. L’hypothèse générale retenue pour la construction de la séquence de classe est l’hypothèse socio-constructiviste. Une première composante de cette hypothèse est celle d’un élève en interaction avec un milieu organisé par l’enseignant. Elle rejoint la perspective piagétienne de l’élève participant activement à l’élaboration des contenus de connaissance. La deuxième composante concerne le rôle des interactions entre pairs (Perret-Clermont, 1979) ainsi que la dimension sociale des apprentissages, explicitement revendiquée par Vygotsky (1934). Nous avons eu l’occasion d’expliciter notre cadre de référence dans un précédent article paru dans le BUP6 ainsi que dans un article pour la revue Chemistry Education : research and pratice disponible à l’adresse http://www.uoi.gr/cerp/2003_October/08.html. Nous ne discuterons ici que les points qui concernent directement les phases de la démarche d’investigation décrites dans le document d’accompagnement et dont nous allons analyser la mise en œuvre dans une classe de niveau CE2 – CM1 de 25 élèves. La séance étudiée La place de la séance dans la progression La progression suivie en classe est brièvement rappelée dans l’annexe I. La fiche pédagogique décrivant pour chaque étape l’activité attendue de l’enseignant et celle des élèves est en annexe II. Le thème choisi était celui de la matérialité de l’air et l’objectif de l’enseignement était de convaincre les élèves que l’air est de la matière au même titre qu’un solide ou un liquide. L’ensemble du travail en classe (vidéos, fiches pédagogiques, traces écrites) est présenté dans un cédérom7. Dans cet article, nous allons discuter les résultats de l’observation de la séance 3 sur la récupération dans une bouteille de l’air 6 Laugier A. & Dumon A. (1998) Enseigner les sciences physiques avec de jeunes élèves : quelle épistémologie pour quelle démarche ? Bulletin de l’Union des Physiciens, n° 806 juillet/août/septembre, pp. 1257-1278 7 Convaincre ses élèves de la matérialité de l’air en cycle 2 et 3 : un pari qui peut être gagné. Cédérom dans la collection Démarches et Pédagogie édité par le CRDP Aquitaine - Bordeaux 80 enfermé dans un sac en plastique. Nous considérerons le problème, d’une part d’un point de vue théorique (didactique et épistémologique) et d’autre part d’un point de vue pratique c’est-à-dire du point de vue des conditions de mise en œuvre effective par l’enseignant en respectant les contraintes usuelles d’une classe. Remarque concernant le contenu de l’enseignement : L’air existe ; il est tout autour de nous. Cette affirmation, souvent faite en classe sur le mode de l’évidence, est en contradiction avec la difficulté de reconnaissance par la communauté scientifique de cette existence de l’air en tant que matière. Jusqu’au XVIIème siècle, l’air n’était pas considéré comme une substance mais comme une structure « lieu où se rendent les gaz » avec une finalité, « l'air a été créé pour servir de réceptacle aux exhalaisons » (Van Helmont 1577 – 1644). Cette conception s’est opposée à la prise de conscience de la matérialité de l’air en fonctionnant comme un véritable obstacle épistémologique. Bachelard (1938) parle à son sujet de l’obstacle de l’air éponge. Il faudra attendre 1794 pour que Lavoisier fasse reconnaître l’air comme une substance susceptible d’intervenir dans les transformations chimiques au même titre qu’un solide ou un liquide. La construction de cette reconnaissance de la matérialité de l’air par des enfants de 8 – 9 ans ne pourra être que lente et progressive. Elle doit s’accompagner de la prise de conscience qu’à côté de l’état solide et de l’état liquide, il existe un autre état de la matière, l’état gazeux, dont les propriétés sont très différentes (en particulier un gaz n’a pas de volume propre). Si tout le monde est prêt à admettre que nous sommes entourés d’air, nous avons rarement conscience de vivre au fond « d’un océan d’air », celui-ci exerçant en permanence sur notre corps une pression considérable 8. Analyse de la séance La présentation de la situation-problème par le professeur (5 min en collectif) Au cours des premières séances les élèves ont « attrapé » de l’air en courant dans la cour avec un sac plastique ouvert, puis ont imaginé des expériences pour prouver que ce sac contenait bien « quelque chose ». Dans la logique de ce qui précède nous avons retenu comme situation de départ pour la nouvelle séance qui va faire l’objet de notre analyse, la question suivante : « Comment pourriez-vous récupérer dans une bouteille l’air qui est dans le sac ? » Duggan et Gott (1995) définissent une activité d’investigation en classe comme « une sorte de problème pour lequel les élèves ne peuvent immédiatement voir la réponse ou se rappeler la méthode à mettre en œuvre pour arriver à la solution ». Définition que précise Millar (1996) en disant que « l’investigation est une tâche pratique où l’approche à suivre pour s’attaquer à une question ou résoudre un problème est ouverte : les élèves peuvent décider ce qu’ils observent ou mesurent, ce qu’ils modifient ou manipulent, quel équipement ils utilisent » (dans le cadre des ressources disponibles). Il conviendrait en toute rigueur de distinguer la situation de départ de la situation problème proprement dite. La première est posée aux élèves par l’enseignant, souvent sous la forme 8 Ce que nous appelons la pression atmosphérique, due au poids de l’air au dessus de nous correspond pour chaque centimètre carré de notre corps à une force équivalente à celle exercée par une masse de 1 kg. Pour un individu moyen cela représente une masse globale de plusieurs centaines de kilogrammes.. Seule la présence d’air à l’intérieur de notre corps permet d’équilibrer cette pression et d’éviter notre « écrasement ». 81 d’une question. Elle doit être considérée par eux comme motivante pour qu’ils s’engagent volontiers dans l’activité et nécessiter de leur part un recours à l’expérimental avec des prises de décisions non automatiques pour résoudre le problème. C’est au cours des premières tentatives de résolution que les élèves vont progressivement prendre conscience de l’existence d’un problème jusque là non rencontré par eux. Pour résoudre ce problème ils auront besoin d’une connaissance dont l’acquisition constitue justement l’enjeu de la séance. C’est lorsque cette prise de conscience aura eu lieu que l’on pourra effectivement parler de situation-problème pour les élèves. Dans le cas de la matérialité de l’air, si l’enseignant souhaite que les élèves soient réellement en situation de s’interroger sur le caractère matériel de l’air, il ne faudra pas commencer la séance en écrivant en titre au tableau « L’air est de la matière » ! De même, le maître ne présentera pas à ses élèves les expériences « classiques » du verre - ou de la bouteille - « vide », renversé sur la cuve à eau. Il évitera également la présentation de la bouteille au fond coupé et coiffée d’un ballon de baudruche qui se gonfle quand on enfonce celle-ci dans l’eau. Il utilisera encore moins l’expérience souvent faite pour « prouver » l’existence de l’air qui consiste à utiliser la pression atmosphérique pour maintenir une carte postale plaquée contre un verre plein d’eau retourné. Dans toutes ces situations l’élève assiste à une manipulation qui a été conçue en dehors de lui et qui est éloignée de toute interrogation de sa part. Seul l’enseignant sait pourquoi ces expériences ont un rapport avec la matérialité de l’air. Si on sait que l’air existe, si on a déjà compris ce que cela signifie en terme de matérialité alors la lecture de ces expériences est évidente. Mais l’élève n’est pas dans cette situation. Cette présentation d’expériences par l’enseignant est très éloignée de la démarche d’investigation telle qu’elle est souhaitée par les textes officiels. L’élaboration du protocole par les élèves (10 – 15 min en petits groupes) La situation de départ étant exposée l’enseignant va inviter les élèves à se regrouper (groupe de 3 à 4 élèves) pour imaginer un protocole. Ici le matériel n’est pas imposé par l’enseignant (ce qui aurait été possible dans un autre contexte pour contenir les protocoles dans des limites compatibles avec les ressources de l’école). Mais les élèves, lors de la séance précédente, ont percé leur sac plein d’air dans une cuve contenant de l’eau ; ils se tournent donc spontanément vers l’utilisation d’une bassine d’eau. Les recherches menées sur le fonctionnement des scientifiques dans leur laboratoire montrent que pour eux aussi les protocoles qu’ils sont amenés à élaborer sont fortement conditionnés par le matériel dont ils disposent (Roth, 1994, 1995) ainsi d’ailleurs que par les relations qu’ils entretiennent avec leurs collègues (Latour, B. & Woolgars, S. 1988). Cette élaboration du protocole par les élèves est une de celle qui semble la plus problématique aux enseignants. Lors des formations continues auxquelles nous avons participé, les réactions les plus fréquentes sont du type « Ah mais les miens seraient incapables de proposer quoi que ce soit ! », « il faut que je leur mâche le travail sinon ils ne savent pas quoi faire ! ». L’objectif n’est pas que les élèves trouvent seuls le « bon protocole » mais qu’ils s’approprient le problème à résoudre. Cette appropriation passe par l’émergence de questions, de remise en cause d’idées a priori sur les phénomènes en jeu dans la situation. C’est en laissant aux élèves le temps de se poser des questions que l’enseignement pourra leur donner les moyens de construire des réponses. Pendant cette phase, les élèves vont examiner le problème, en discuter entre eux en se posant librement les questions cruciales, le reformuler pour finalement se l’approprier (cette appropriation n’impliquant nullement leur capacité à le résoudre seuls). 82 Encore une fois il faut réaffirmer avec Bachelard qu’il n’y a pas d’activité scientifique indépendamment d’un problème à résoudre et « quoi qu’on dise dans la vie scientifique les problèmes ne se posent pas d’eux- mêmes et c’est ce sens du problème qui porte la marque d’un véritable esprit scientifique » (Bachelard 1938). Cette idée – « les élèves étant incapables d’imaginer seuls le protocole correct, il est inutile d’y passer du temps (ce serait une perte de temps) » - pose le statut de l’erreur en science : une expérience qui ne vérifie pas les hypothèses est-elle une expérience utile ? Mais ce cadre de travail dans lequel les élèves sont placés doit être bien défini. Si on veut que les élèves s’investissent réellement dans la production d’un protocole, il faut qu’ils sachent : - qu’à l’issue de cette réflexion ils devront le présenter à leurs camarades à l’aide d’une affiche ;. - que c’est leur protocole qu’ils mettront ensuite en œuvre. ; - qu’ils ne doivent pas compter sur l’enseignant pour se substituer à eux . L’analyse des échanges à l’intérieur des groupes fait apparaître des différences de comportements d’un groupe à l’autre. Si, pour certains, la discussion est productive, pour d’autres, ce type d’échanges fait peu évoluer le protocole expérimental. Ce dernier est souvent proposé par un individu qui joue un rôle de leader et dont les propositions seront difficilement remises en cause même en cas d’échec. La capacité à écouter les arguments de l’autre est une compétence qui se travaille. Par contre ce type d’échange permet à l’ensemble des membres du groupe de s’investir dans la tâche. Examinons ici quelques aspects de cette phase. capacité d’élaboration : D’abord les élèves adhèrent à ce type d’activité et les 5 groupes réussissent à imaginer et à rédiger dans le temps voulu un protocole qui soit structuré (ce qui ne veut pas dire correct). Nous en présentons ici deux exemples. premier exemple : Protocole A Pour ces élèves les bulles d’air peuvent être saisies, « attrapées » avec un ustensile approprié. 83 Ce type de protocole n’est pas si « exotique » que cela. Chaque fois que cette séance a pu être mise en place dans une classe selon ces modalités, nous avons pu observer que des groupes faisaient ce type de propositions. Dans la même classe, un autre groupe proposera d’utiliser le plateau d’une balance Roberval pour attraper les bulles afin de les verser ensuite dans une bouteille. Ces élèves ont commencé à admettre que l’air peut être manipulé comme un solide ou un liquide mais ils n’ont pas encore perçu que l’état gazeux a des propriétés spécifiques. Le concept de gaz n’est pas encore construit. Dans le groupe la discussion porte essentiellement sur la possibilité pratique de se saisir des bulles sans les crever (confusion avec des bulles de savon). Le groupe se mettra d’accord en précisant que l’opération n’aura des chances de réussir que si elle est faite « très délicatement ». Deuxième exemple : protocole B Ce protocole présente une évolution intéressante puisqu’il s’appuie sur la nécessité de 84 manipuler l’air dans des récipients fermés pour éviter que celui-ci ne s’échappe. L’erreur repose sur l’idée que l’air contenu dans le sac va « tomber » dans la bouteille pleine d’eau. Cette conception place l’air dans la même catégorie que les objets usuels : le mouvement naturel du contenu (solide ou liquide) d’un sac lors de l’ouverture de celui-ci se fait toujours du haut vers le bas ! Ce point avait d’ailleurs déjà fait l’objet d’une discussion dans la séance précédente au cours de laquelle, devant mettre en évidence l’air contenu dans un sac par rapport à l’eau d’une bassine, les élèves se demandaient si l’air allait ou non descendre dans l’eau de la bassine pour faire des bulles quand ils ouvriraient le sac au dessus de l’eau. Remarque : Ces protocoles vont constituer la première trace écrite de l’activité. Ici pour en faciliter la présentation collective ils ont été rédigés sur des affiches ; ils seront réduits et photocopiés pour que chacun puisse les mettre dans son cahier. Au même titre que le cahier du chercheur dans son laboratoire, ils témoigneront du tâtonnement expérimental des élèves dans la recherche de la solution. L’enseignante réalise un montage qui regroupe tous les protocoles proposés dans la classe (annexe III). Chaque élève, en fin d’activité, portera pour chacun d’eux une annotation précisant si le protocole a permis ou non de résoudre le problème et pourquoi. Ce sera la deuxième trace écrite figurant sur leur cahier d’expériences. Rôle de l’enseignant : Pendant cette phase, l’enseignant est en retrait ; les échanges sont du type élève / élève. Il est là pour éventuellement débloquer une situation, mais ne doit pas se substituer à ces derniers. Même si la tentation est grande de remettre un groupe « sur la bonne voie », il faut les laisser mener leur travail à son terme. La recherche menée au sein de l’INRP sur la mise en œuvre d’activités d’investigation a révélé l’absence quasi totale d’hypothèses fausses dans les cahiers d’expériences des élèves comme un indice d’une conception de la science très « mécanique », celle-ci ne fonctionnant, dans l’esprit des enseignants, que par validation expérimentale de « bonnes » hypothèses. L’apprentissage du respect de l’autre ne va pas toujours de soi. Lorsque, dans un groupe, la parole est monopolisée par un élève, l’enseignant joue également un rôle de régulation pour faciliter la discussion entre les élèves. Cet apprentissage du travail en commun fait aussi partie des objectifs qu’une activité de ce type permet de viser. Présentation, mise en œuvre et discussion des protocoles (35 – 40 min) Dans la classe que nous avons observée, l’enseignante a fait le choix de faire venir l’un après l’autre chaque groupe au tableau pour qu’il présente ses hypothèses et son protocole et qu’il mette en œuvre celui-ci devant ses camarades. Il serait également possible de séparer ces deux phases (présentation des protocoles puis test dans chaque groupe avant la mise en commun). La stratégie retenue permet de gagner du temps sur la mise en commun et la discussion des résultats puisque tout le monde assiste aux différentes tentatives et participe à leur analyse. L’ordre de passage des groupes est déterminé par l’enseignant en fonction des différents protocoles élaborés. Il ne s’agit évidemment pas de faire passer en premier le groupe dont le protocole est le plus près de la réussite. Pour chaque protocole l’enseignant va aider les élèves à mettre en évidence ce qu’ils ont appris - par exemple que l’air ne peut pas être saisi comme un solide ou qu’il ne tombe pas 85 du sac dès que celui-ci est ouvert -. Il laisse les élèves aller au bout de leur raisonnement. Ce n’est pas à lui de les convaincre que leur protocole est erroné ; c'est après la mise en œuvre de celui-ci qu’une véritable réflexion pourra être organisée sur les raisons possibles de son échec Cette socialisation des protocoles permet à chacun de prendre connaissance des propositions des autres groupes et de les comparer aux siennes. Progressivement les élèves se sentent impliqués dans un projet collectif. Présentation du protocole A : Ils vont mettre en œuvre un protocole expérimental pour lequel ils n’ont aucune certitude de réussite. Aussi dès que les difficultés se précisent les discussions entre eux reprennent. C’est pendant ce travail que le problème se construit dans l’esprit des élèves, on observe un va et vient permanent entre les observations faites lors de la mise en œuvre du protocole et les questionnements d’ordre conceptuel. Les réflexions sur l’impossibilité de procéder ainsi sont formulées dans les groupes. Le groupe ayant proposé d’utiliser une cuillère sera le dernier à être convaincu et encore uniquement après avoir essayé. Pourtant l’échec du groupe utilisant le plateau aurait pu le faire changer d’avis. Mais il pensait que, la cuillère étant arrondie, elle allait permettre d’attraper les bulles sans les crever. Présentation protocole B La discussion porte d’abord sur la question de savoir si l’air peut descendre dans la bouteille ou non. Pour un élève, comme on ne voit pas de bulles « c’est parce que la bouteille est pleine d’eau » et que par conséquent il n’y a pas la place pour l’air. Le camarade qui est à l’origine du protocole explique alors que, au contraire, c’est « parce qu’il n’y a pas assez d’eau ». Devant l’air étonné de ses camarades il poursuit « pour voir l’air il faut le mettre dans l’eau ». La question qui se pose ensuite est de savoir ce que font les bulles d’air dans l’eau. Suivent-elles le mouvement « naturel » des corps c'est-à-dire vont-elles au fond de la bouteille ou bien remontent-elles vers la surface une fois immergées ? L’expérience, refaite sous le contrôle vigilant de la classe, permet de trancher le débat : dans l’eau, les bulles 86 remontent toujours vers la surface. Le problème - comment faire passer l’air du sac dans la bouteille pleine d’eau - apparaît un moment insoluble. Elaboration collective d’un nouveau protocole (10 min en groupe classe) Lorsque l’enseignante voit que les élèves ont épuisé les tentatives de mise en œuvre de leur protocole, et avant que le découragement ne l’emporte, elle arrête le travail et les invite collectivement à rechercher pourquoi « ça n’a pas marché ». Pour conduire ce débat elle va demander aux élèves de revenir sur les protocoles erronés et sur les enseignements que la classe a tiré de leur analyse. Les élèves ont déjà conscience que c’est dans ces tâtonnements expérimentaux qu’ils vont trouver le moyen de résoudre le problème. C’est tout l’intérêt de leur avoir laisser le temps d’acquérir de l’expérience sur ce sujet. Reprenant l’idée de Thomas Kuhn on pourrait dire qu’un paradigme commun9 à la communauté scientifique de la classe a pu être construit. C’est au cours de cette discussion qu’un élève va proposer de renverser la bouteille d’eau et de la placer au-dessus du sac d’air. Sitôt dit, sitôt fait ! Sous les yeux ébahis des élèves les bulles d’air montent dans la bouteille pendant que l’eau descend dans le sac. Une nouvelle rotation de l’ensemble bouteille/sac permet de transvaser l’air en sens inverse. Un élève est envoyé au tableau et va formaliser, sous la dictée de ses camarades, le protocole fondé sur cette manipulation. Mise en œuvre du protocole commun (10 min en petits groupes) Tous les groupes sont invités à réaliser à leur tour cette expérience qui répond enfin au problème posé par la question de départ. Cette mise en œuvre est rapide car les élèves connaissent bien le matériel et maîtrisent le protocole. 9 Paradigme : ce mot, introduit par Thomas Kuhn dans son livre « la structure des révolutions scientifiques » désigne, pour une époque déterminée, à la fois l’ensemble des théories et des axiomes acceptés par la communauté scientifique ainsi que le champ d’activité de la science normale. Ici il va représenter l’ensemble des connaissances et des questions que les élèves à ce moment de l’activité se posent au sujet de la dissolution. 87 Bilan final (5 min) Il s’agit là pour les élèves, sous l’autorité scientifique de l’enseignant, de proposer une trace écrite qui résume ce que la classe a appris. Cette trace écrite - la troisième de l’activité - figurera sur le cahier des élèves. Ce jour-là, il s’agissait d’un protocole expérimental ; suivant les circonstances, elle pourra traduire un contenu disciplinaire plus affirmé. Quelques conclusions Du point de vue de l’enseignant La gestion du temps est certainement le point qui inquiète le plus. Dans notre séance « expérimentale », la durée totale, telle que nous l’avons chronométrée, a été de 85 minutes. Cette durée excède la durée souhaitable - 45 min environ - pour une même activité à l’école. Il est tout à fait possible de mettre en œuvre les phases 1 - situation de départ – et 2 - élaboration des protocoles - lors d’une première séance ; la partie mise en œuvre, discussion et bilan ayant lieu lors de la séance suivante. L’alternance des phases réclame une grande rigueur dans la gestion du temps. Lors des phases d’élaboration du protocole, avec rédaction de celui-ci sur une affiche, comme lors de la mise en œuvre des protocoles il faut maintenir les élèves « sous pression » afin de contenir ces phases dans des durées compatibles avec le crédit temps que l’on peut s’accorder pour ce type d’activités. Toutes les parties du programme ne sont pas nécessairement susceptibles d’être traitées de 88 cette façon là et il n’est pas question de demander à chaque fois aux élèves d’élaborer le protocole de l’expérience. Sur ce point, les instructions fournies aux enseignants sont très claires : « l’investigation réalisée par les élèves peut s’appuyer sur diverses méthodes : expérimentation directe, réalisation matérielle, observation, recherche de documents, enquête, visite ». Imaginer une bonne situation de départ qui va déboucher sur une situation-problème pertinente n’est pas toujours une chose facile. Elle doit s’organiser autour d’un obstacle pour les élèves, préalablement repéré - par exemple ici, la nécessité de construire la matérialité de l’air en l’absence de maîtrise du concept de gaz - afin de les mettre en situation de confronter leurs idées initiales avec le réel. L’expérience que nous avons pu acquérir en formation, tant initiale que continue, montre qu’il y a là une difficulté réelle pour un enseignant même lorsque celui-ci maîtrise sur le plan pédagogique la mise en œuvre par ses élèves d’une démarche d’investigation. Les documents d’accompagnement proposent quelques situations de départ avec leur exploitation dans le cadre d’une démarche d’investigation. Du point de vue des élèves Les travaux de psychologie cognitive nous ont appris depuis longtemps que l’élève n’apprend pas tout seul. L’interaction avec ses pairs est une composante indispensable Or, il semble que la pédagogie des Sciences Expérimentales habituellement pratiquée dans les classes s'appuie essentiellement sur une interaction « professeur / classe », à travers un cours dialogué. Pour A.N. Perret-Clermont ce type de pédagogie "institue une sorte de vide social dans la relation « maître / élèves » puisqu'elle n'offre pas alors les conditions d'une communication et par là-même prive l'élève d'interactions sociales d'ordre cognitif sur les contenus abordés". Si on pense que la genèse des structures cognitives résulte non pas d'une appropriation passive par le sujet de connaissances extérieures mais d'une activité structurante sur le réel, l'expérience conçue par lui dans le cadre d’une démarche d’investigation, apparaît comme indispensable pour que l'élève utilise ses conceptions sur le phénomène étudié. En ce qui concerne les acquis notionnels, nous ne pouvons tirer de conclusions sur une seule séance. Les élèves réussissent à mettre en œuvre un protocole correct, c’est vrai. Mais comme le souligne A.N. Perret-Clermont : "... cette expérience met en évidence qu'une interaction entre pairs peut modifier les comportements opératoires. Il reste à évaluer la portée de ces changements au niveau des structures cognitives ". Dans le cas de la matérialité de l’air liée au concept d’état gazeux - celle-ci ne peut se construire dans la durée et la diversité des situations. D’autres situations doivent être présentées dans lesquelles les élèves seront amenés à sentir le vent, s’interroger sur le caractère pesant de l’air (au cycle 3) ainsi que sur la nécessité de sa présence pour les êtres vivants. Ce travail sera poursuivi au collège puis au lycée. Par contre, au niveau de la motivation, les élèves plébiscitent ce type d’activité. C’est un résultat que tous les travaux de didactique sur les situations problèmes ont largement validé ces dernières années. Du point de vue de l’écrit La gestion des traces écrites en sciences, dans le cadre d’une démarche d’investigation telle que nous venons de la présenter, est un des éléments nouveaux introduits par cette démarche. Il ne s’agit plus simplement de faire figurer dans le cahier de l’élève un bilan de l’activité - protocole correct ou résumé de ce qu’il faut retenir -. 89 Dans la séance que nous avons présentée, l’enseignante s’est constamment appuyée sur les écrits produits au cours de l’activité et présentés au tableau. L’idée, souvent exprimée, est que les activités scientifiques doivent être « l’occasion » de faire écrire et de faire parler les élèves ; ceci dans le but de développer leurs compétences dans ces domaines. C’est intéressant, mais aujourd’hui, il n’est pas possible d’ignorer le rôle des activités langagières, orales et écrites, dans la construction des concepts scientifiques (Jaubert & Rebière, 2001). A chacune des phases de l’activité correspond un écrit traduisant à travers le protocole proposé un certain niveau de conceptualisation. Après chaque confrontation d’un protocole au réel une reformulation de l’écrit initial est conduite par l’enseignant. Les trois traces écrites successives témoignent d’un véritable progrès conceptuel qui accompagne l’activité expérimentale des élèves. Ce n’est pas un hasard si c’est dans le cadre des nouveaux programmes de Français pour le cycle 3 de l'école primaire (2001) que cette relation activités langagières / construction de connaissances disciplinaires est abordée. En effet, l'apprentissage du langage y est présenté comme inéluctablement lié aux apprentissages disciplinaires qu'il contribue à construire. Cette nouvelle conception du langage est en adéquation avec les théories selon lesquelles chaque sphère d'activité humaine développe des pratiques qui lui sont propres, génératrices des savoirs qui la caractérisent ainsi que des discours qui en permettent l'élaboration et la communication. Ces pratiques définissent ainsi une véritable communauté discursive dans laquelle savoirs et compétences, pour les dire, deviennent consubstantiellement liés. Du point de vue du savoir construit L’objectif de l’enseignement était de convaincre les élèves du caractère matériel de l’air. Ces quatre séances s’inscrivent dans un cursus d’apprentissage dans lequel, au cours des cycles précédents, les élèves ont déjà rencontré des situations dans lesquelles l’air intervient : déplacement de l’air pour expliquer le mouvement d’un moulinet, respiration des êtres vivants, etc. Il est évident qu’il ne faudrait pas penser que le travail présenté ici est suffisant pour permettre aux élèves de franchir l’obstacle constitué par l’aspect « immatériel » de l’air. Il s’agit, rappelons-le, d’un véritable obstacle épistémologique au sens que lui donne Bachelard. Les scientifiques ont mis des siècles pour construire cette matérialité contre les apparences, contre l’obstacle des perceptions immédiates et de l’expérience première. Le chemin pour l’élève sera lui aussi long et difficile. A la suite de ces quatre séances nous avons d’ailleurs mis les élèves en situation de travailler d’autres aspects de cette matérialité (cf progression en Annexe I) comme le caractère élastique de l’air et sa capacité à propulser des objets. Au cycle 3 ce caractère matériel sera à nouveau rencontré lorsqu’il s’agira de s’interroger sur son caractère pesant. Au collège, en classe de quatrième, une nouvelle étape sera franchie en amenant les élèves à construire, comme pour les solides et les liquides, une représentation de l’air au niveau des particules qui le constituent. Cette représentation microscopique leur permettra de comprendre le rôle de l’air dans les combustions. Là encore, ce ne sera pas chose facile. Si aujourd’hui le rôle de l’air dans les combustions est énoncé sur le mode de l’évidence, rappelons nous qu’il y a à peine deux siècles, Lavoisier dû batailler pendant 10 ans avec les scientifiques de son époque pour les convaincre que l’air intervenait dans les combustions au même titre que les solides et les liquides. C’est par la récurrence des situations dans lesquelles l’élève sera confronté aux concepts scientifiques et la mise en réseau des connaissances élaborées au cours des différentes activités que ces derniers seront progressivement construits. 90 Et ce sont les pratiques langagières sur la pratique expérimentale qui, en engendrant des activités d’analyse et de réflexion, permettront cette mise en réseau. La démarche d’investigation telle que nous venons de la présenter offre aux élèves des espaces privilégiés pour apprendre en termes de contenus mais aussi apprendre en termes d’attitudes, de compétences. La réussite de la rénovation des programmes, proposée par le PRESTE, va donc bien au-delà d’un simple changement de « méthode pédagogique» qui serait rendu nécessaire pour ajuster notre enseignement à la réalité des élèves d’aujourd’hui. La demande faite aujourd’hui aux professeurs de sciences du collège de rénover leurs pratiques en se référant explicitement à la démarche d’investigation mise en œuvre à l’école primaire atteste, s’il en était besoin, de l’importance de l’enjeu. 91 REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES BOEN hors série n°6 du 12/08/99. BOEN hors série n°1 du 14/02/02. Bachelard G.(1938). La formation de l’esprit scientifique. Paris, Vrin 14ème édition 1989 Duggan, S. & Gott, R (1995). The place of investigations in pratical work in the Uk National Curriculum for Science, International Journal of Science Eduation, 17, 2, 137147. M. (2001) : “ Observer l’activité langagière dans la classe de sciences ”, Aster 31, Paris : INRP. Einstein et Infeld (1983). L’évolution des idées en physique. Réédition, Paris, Flammarion. Jaubert M. et Rebière M. (2001) : “ Observer l’activité langagière dans la classe de sciences ”, Aster 31, Paris : INRP. La Main à la Pâte : Les sciences à l’Ecole Primaire présenté par G. Charpak, Flammarion,1996 Latour, B. & Woolgars, S. (1988). La vie de laboratoire. La production des faits scientifiques, Paris, La Découverte. Millar, R. (1996). Investigations des élèves en science : une approche fondée sur la connaissance , Didaskalia, 9, 9-30. Perret-Clermont, A.M. (1979). La construction de l’intelligence dans l’interaction sociale, Berne, Peter Lang. Robardet, G. & Guillaud, J.C. (1995). Eléments d’épistémologie et de didactique des sciences physiques, Publications de l'IUFM de Grenoble. Roth, W.M. & Roychoudhury,A. (1993) - The development of Science process skills in authentic contexts, Journal of research in Science Teaching, 30, 2, 127-152. Roth, W.M. (1994). 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Une approche des états de la matière. Différencier les trois états par quelques propriétés Séance 2 Que savons nous sur l’air ? Pourrait-on attraper de l’air ? Discuter collectivement sur l’air les représentations des élèves sur l’air sont différentes Attraper de l’air et remplir les sacs L’air est de la matière puisqu’on peut l’attraper et l’enfermer dans une poche Séance 3 Comment prouver qu’il y a quelque chose dans le sac ? Imaginer des expériences pour mettre l’air en évidence. Rédiger des traces écrites Mettre en œuvre une démarche expérimentale après avoir élaborer le protocole. Séance 4 Comment récupérer l’air qui est dans le sac? Imaginer de nouvelles expériences. Comprendre pourquoi certaines ne marchent pas. Distinguer l’état gazeux et l’état liquide par quelques propriétés 93 Séance 5 Quels objets contiennent de l’air pour fonctionner ? Comment gonfler ces objets ? Comment gonfler un ballon avec la bouche ? Discuter argumenter ses choix : ballon, matelas, pneu, etc. Différents types de gonfleurs, pompes Se familiariser avec l’utilisation de l’air, son caractère élastique, sa résistance à la compression. « Découvrir » le principe de la réaction : l’air comprimé dans un récipient peut propulser celui-ci en sens inverse lorsqu’il s’échappe Séance 6 Comment gonfler un ballon avec différents gonfleurs ? Essayer de gonfler des ballons avec différents gonfleurs, soufflets, pompes. Comprendre que pour réussir il faut empêcher l’air de ressortir : fonction de la valve Séance 7 Comment utiliser l’air pour lancer une bouteille ? Rechercher des solutions (ballons, ballons dans une bouteille en plastique, bouteille seule, fixation de la valve sur le goulot, etc.) Faire preuve d’imagination et de créativité Séance 8 Comment perfectionner le dispositif pour construire une fusée? 94 Exploiter des documents fournis par l’enseignant. Rechercher d’autres documents sur les fusées. Faire preuve d’imagination et de créativité. Elaborer une gamme de fabrication Annexe II : la fiche pédagogique 10 Séance 4 : Comment récupérer l'air qui est dans le sac ? Phase 1 a 5 min Activité de l’enseignant Activité des élèves Fait rappeler par les élèves comment ils ont Travail de structuration et de verbalisation pu, lors de la séance précédente montrer des étapes antérieures. Explicitation et que le sac contenait de l’air (bulles d’air critique des expériences imaginées. dans l’eau) Phase 1 b 15 min Activité de l’enseignant Activité des élèves Propose maintenant aux élèves d’imaginer Ils imaginent une expérience et rédigent le une expérience permettant de recueillir l’air protocole. Si ce travail est fait sur une enfermé dans les sacs en plastique. affiche ce protocole figurera aussi sur le cahier d’expériences. C’est la première trace écrite de la séance. Parmi les expériences proposées : - attraper les bulles avec une cuillère (ou un couvercle de boîte) : e impossible les bulles se crèvent. - Placer une bouteille « vide » au dessus des bulles : on ne voit pas l’air qui entre dans la bouteille - Utiliser une bouteille pleine d’eau mais les élèves la mettent sous le sac : les bulles ne descendent pas. 10 Cette fiche est extraite du cédérom Convaincre ses élèves de la matérialité de l’air CRDP – Bordeaux 2003 95 Phase 2 30 min Activité de l’enseignant Activité des élèves Organise la présentation des différentes Chaque groupe présente son protocole et expériences et gère la discussion entre les réalise l’expérience devant la classe. C’est élèves au cours de ces échanges autour des pour rechercher les causes de l’échec. différentes expériences que peu à peu les élèves comprennent les conditions à remplir pour que l’expérience fonctionne correctement : - recueillir les bulles d’air dans une bouteille remplie d’eau. - Placer la bouteille pleine d’eau au-dessus des bulles. Phase 3 PEUT ÊTRE RÉALISÉE À UN AUTRE MOMENT 15 min Activité de l’enseignant Activité des élèves Invite chaque groupe à réaliser l’expérience Réalisent l’expérience et rédigent le compte élaborée au cours de la phase précédente rendu : deuxième trace écrite de la séance. et à rédiger une trace écrite du protocole Collent retenu. schémas des autres expériences présentées Il peut également fournir aux élèves une copie des protocoles des expériences proposées par les différents groupes. Ces schémas annotés, seront conservés dans le cahier d’expériences. Pour chacun il sera clairement indiqué si l’expérience a permis ou non de récupérer les bulles. 96 dans dans la phase 2 leur cahier individuel les Annexe III – Bilan des protocoles proposés 97