Qui sont ces ménades méprisées ?
Que représentent-elles ?
Elles symbolisent la matière, l’illusion du réel qui ne supporte
pas le rêve. Elles sont le monde de l’argent, du pouvoir, des
contingences du quotidien, de l’utilitaire.
Orphée méprise cette dictature de la nécessité matérielle, il
refuse d’en être l’esclave.
Son monde a lui, c’est le beau et le noble, c’est ce désir
d’élévation qui rend l’homme meilleur, qui libère son âme et lui
permet de s’envoler vers l’infini.
On peut bien briser Orphée, on peut briser son instrument, mis
pas la musique, car elle est à l’origine de tout.
Le monde est musique.
Le monde est harmonie.
Il émerge du son original, du « Om » des bouddhistes.
Chaque objet sur cette terre a sa fréquence et chante en
silence.
Sous l’effet de la musique d’Orphée, les cris des ménades sont
recouvertes d’un ordre venant d’ailleurs, le chaos qu’elles
tentent d’instaurer se transforme, malgré lui, en harmonie.
Dès lors, la vengeance du réel est terrible. Les forces
destructrices se déchainent et tentent de détruire l’insolent qui
ose remettre en question leur pouvoir absolu.
Orphée ne se bat pas contre elles, il ne répond pas à la
violence par la violence, il ne revêt pas d’armure, il transforme
leurs énergies destructrices en énergies positives.
Les ménades, les furies, les Erynnies ne peuvent rien contre le
pouvoir de la musique.
Leur haine devient amour, et la violence déchainée finit par
écouter le chant infini du Dieu de la musique.
Ne pouvant détruire son chant, les ménades se vengent sur le
corps d’Orphée qu’elles déchirent et répandent dans la nature.
Mais qu’est-ce qu’un corps lorsque le monde entier, les lions,
les rochers, les arbres et les oiseaux continuent à chanter la
gloire du musicien, la gloire du créateur !
Sa trace infinie est inhérente à la création, ineffaçable,
indestructible.