I. UNE GUERRE SOUDAINE
Le 28 juin 1914, l’archiduc François-Ferdinand de Habsbourg, héritier du trône d’Autriche-
Hongrie est assassiné à Sarajevo, dans la province de Bosnie-Herzégovine récemment
annexée par l’Autriche, au détriment de la Serbie. Les journaux locaux insistent sur les
risques de déstabilisation de l’ordre européen mais aucun n’envisage explicitement
l’éventualité d’un conflit. L’existence d’un double système d’alliances contribue à précipiter
l’entrée en guerre des grandes puissances européennes en quelques jours.
L’annonce
C’est le 1er août à 16h30 que le télégramme officiel annonçant la mobilisation arrive à la
préfecture de Rennes, immédiatement transmis à toutes les communes du département.
Du balcon de l’hôtel de ville, où Jean Janvier en avise les Rennais, la nouvelle se répand
rapidement, relayée par le tambour, le tocsin et les affiches collées aux quatre coins de la
ville. La population reçoit la nouvelle sans enthousiasme. La surprise et la consternation
sont les sentiments les plus répandus, en particulier dans les campagnes, très occupées
par les travaux agricoles estivaux. C’est d’abord la résignation puis la détermination qui
l’emportent : la guerre est acceptée sans opposition et l’idée d’un conflit court domine dans
l’opinion. L’état de siège est déclaré et c’est l’autorité militaire qui est chargée de veiller à
l’ordre public. « Plus de classes, plus de division » souligne L’Ouest-Éclair dans ses pages
rennaises du 2 août. L’union sacrée pour la défense de la nation transcende les
oppositions politiques, sociales ou religieuses.
« La fleur au fusil »
À Rennes, casernes et quais de gare se transforment en véritables ruches : réservistes et
territoriaux rejoignent leurs corps pour y être habillés, équipés et armés, les premiers
engagés volontaires se manifestent en mairie, les trains n’acceptent plus de voyageurs et
la Croix-Rouge se mobilise. Les premières réquisitions commencent, en particulier sur les
moyens de transport, très sollicités pour acheminer hommes et matériel. Le départ des
soldats pour le front donne lieu à une retraite militaire à travers la ville. Les Rennais
acclament le cortège en criant avec enthousiasme « Vive l’armée ! Vive la France ! » et
entonnent jusqu’à l’hôtel de ville Le Chant du départ et La Marseillaise, accompagnés de la
musique du 41e régiment d’infanterie. Les départs des soldats se succèdent en gare de
Rennes où le maire Jean Janvier est mobilisé en tant que commissaire militaire, chargé de
gérer le trafic ferroviaire. « Allez, braves dragons, faites vaillamment votre devoir – c’est
déjà pour nous une certitude – et revenez bien vite couronnés de lauriers ! » Ainsi
s’adresse un journaliste de L’Ouest-Éclair aux hommes du 24e régiment de dragons qui
partent le 4 août au matin. Bientôt les mouchoirs et chapeaux s’agitent, le train disparaît,
les femmes et les enfants rentrent chez eux : c’est le début de l’attente.
« L’heure n’est plus aux paroles
mais aux actes »
Antonin Dubost, président du Sénat, 4 août 1914.
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