Livret d`accompagnement de l`exposition sur la Grande Guerre

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Exposition de documents d'archives
LIVRET D'ACCOMPAGNEMENT
Aux Archives de Rennes, l’année 2014 s’ouvre sous le signe de la commémoration,
avec la présentation d’une nouvelle exposition au Carré Lully de l’Opéra de Rennes,
consacrée à la Grande Guerre, à partir du 30 janvier 2014. Comment les Rennais
traversèrent ces quatre années de conflit ? Comment fut perçue cette guerre au loin ?
Les documents d’archives nous livrent des éléments de réponse et nous éclairent sur
le fonctionnement d’une ville de l’arrière en état de siège. De la mobilisation à la
victoire, la vie quotidienne des Rennais, entièrement mobilisée par l’effort de guerre,
se trouve complétement bouleversée.
Opéra de Rennes – Carré Lully
Place de la Mairie
30 janvier - 12 juillet 2014
Renseignements et visites guidées de l’exposition pour les groupes et les scolaires :
02 23 62 12 60 ou [email protected]
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Document 3
I. UNE GUERRE SOUDAINE
« L’heure n’est plus aux paroles
mais aux actes »
Antonin Dubost, président du Sénat, 4 août 1914.
Le 28 juin 1914, l’archiduc François-Ferdinand de Habsbourg, héritier du trône d’AutricheHongrie est assassiné à Sarajevo, dans la province de Bosnie-Herzégovine récemment
annexée par l’Autriche, au détriment de la Serbie. Les journaux locaux insistent sur les
risques de déstabilisation de l’ordre européen mais aucun n’envisage explicitement
l’éventualité d’un conflit. L’existence d’un double système d’alliances contribue à précipiter
l’entrée en guerre des grandes puissances européennes en quelques jours.
L’annonce
C’est le 1er août à 16h30 que le télégramme officiel annonçant la mobilisation arrive à la
préfecture de Rennes, immédiatement transmis à toutes les communes du département.
Du balcon de l’hôtel de ville, où Jean Janvier en avise les Rennais, la nouvelle se répand
rapidement, relayée par le tambour, le tocsin et les affiches collées aux quatre coins de la
ville. La population reçoit la nouvelle sans enthousiasme. La surprise et la consternation
sont les sentiments les plus répandus, en particulier dans les campagnes, très occupées
par les travaux agricoles estivaux. C’est d’abord la résignation puis la détermination qui
l’emportent : la guerre est acceptée sans opposition et l’idée d’un conflit court domine dans
l’opinion. L’état de siège est déclaré et c’est l’autorité militaire qui est chargée de veiller à
l’ordre public. « Plus de classes, plus de division » souligne L’Ouest-Éclair dans ses pages
rennaises du 2 août. L’union sacrée pour la défense de la nation transcende les
oppositions politiques, sociales ou religieuses.
« La fleur au fusil »
À Rennes, casernes et quais de gare se transforment en véritables ruches : réservistes et
territoriaux rejoignent leurs corps pour y être habillés, équipés et armés, les premiers
engagés volontaires se manifestent en mairie, les trains n’acceptent plus de voyageurs et
la Croix-Rouge se mobilise. Les premières réquisitions commencent, en particulier sur les
moyens de transport, très sollicités pour acheminer hommes et matériel. Le départ des
soldats pour le front donne lieu à une retraite militaire à travers la ville. Les Rennais
acclament le cortège en criant avec enthousiasme « Vive l’armée ! Vive la France ! » et
entonnent jusqu’à l’hôtel de ville Le Chant du départ et La Marseillaise, accompagnés de la
musique du 41e régiment d’infanterie. Les départs des soldats se succèdent en gare de
Rennes où le maire Jean Janvier est mobilisé en tant que commissaire militaire, chargé de
gérer le trafic ferroviaire. « Allez, braves dragons, faites vaillamment votre devoir – c’est
déjà pour nous une certitude – et revenez bien vite couronnés de lauriers ! » Ainsi
s’adresse un journaliste de L’Ouest-Éclair aux hommes du 24e régiment de dragons qui
partent le 4 août au matin. Bientôt les mouchoirs et chapeaux s’agitent, le train disparaît,
les femmes et les enfants rentrent chez eux : c’est le début de l’attente.
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DOCUMENTS ENCADRÉS
1. Carte postale patriotique évoquant le départ des soldats, dessin de Francisque
Poulbot. 44 Z, don Glorot.
2. Plan d'affichage en cas de mobilisation et réquisition, canton Nord-Est, 30 juin
1913. 5 H 1.
3. Ordre de mobilisation générale, 2 août 1914. 9 Fi 1608.
4. Télégramme du préfet annonçant la déclaration de guerre de l'Allemagne à la
France, 4 août 1914. 5 H 1.
5. Allocution d'Antonin Dubost, président du Sénat, 4 août 1914. 9 Fi 1618.
6. Ordre de réquisition pour les chevaux et mulets, 1914. 9 Fi 1610.
7. Réquisition des moyens de transport et recensement des stocks d'essence,
début août 1914. 5 H 24.
8. Réquisition de couvertures pour la campagne d'hiver, 26 septembre 1914.
9 Fi 1622.
9. État des docteurs - médecins mobilisés à Rennes, 13 août 1914. 5 H 2.
10. Trois engagés volontaires du début de la guerre, août-septembre 1914. 1 H 449.
11. Extrait du registre recensant les réformés, exemptés et ajournés de la première
heure, 1914-1915. 5 H 4.
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Focus
Document 4. Télégramme du préfet.
Si le télégramme est déjà bien installé dans le paysage des moyens de communication au moment du
déclenchement de la Première Guerre mondiale, les autorités vont particulièrement l’utiliser dans le
cadre de ce conflit, et en premier lieu pour annoncer la mobilisation.
Le télégramme du 1er août précède en effet la campagne d’affichage qui se mettra en place à travers
tout le pays pour informer la population de l’entrée en guerre. C’est d’ailleurs l’un des épisodes
suivants que relate ce télégramme du 4 août que le préfet s’empresse d’adresser aux sous-préfets du
département ainsi qu’aux maires de son arrondissement. Le baron Von Schoen quitte ses fonctions
d’ambassadeur d’Allemagne auprès de la France après avoir déclaré la guerre. On apprend les
premières exactions commises dans l’Est de la France mais également sur les rives de l’Algérie
française. Le télégramme est également le moyen de rappeler les forces en présence dans ce conflit
naissant, et notamment la Triple-Entente (France, Royaume-Uni et Russie) qui se coalise d’abord
pour assurer la neutralité belge.
Au-delà de l’entrée en guerre, les échanges des états-majors et des gouvernements se feront le plus
souvent par télégrammes durant les cinq années du conflit. Les informations stratégiques qui
s’échangent vont engendrer des tentatives de déchiffrement des messages ennemis. Le plus célèbre
restera le « télégramme Zimmermann ». En janvier 1917, le ministre allemand des affaires
étrangères, Arthur Zimmermann, adresse un télégramme à son ambassadeur en poste à Washington
lui annonçant une guerre sous-marine dans l’Atlantique. Moyennant s’engager aux côtés de
l’Allemagne dans ce conflit maritime, le ministre propose au Mexique de récupérer le Texas, le
Nouveau-Mexique et l’Arizona, territoires conquis par les États-Unis lors de la guerre de 1846-1848.
Le télégramme est intercepté par les Britanniques qui en font part au président américain Wilson. Le
6 avril 1917, celui-ci obtient le soutien du Congrès dans la déclaration de guerre à l’Allemagne, les
États-Unis rejoignant ainsi les Alliés.
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Focus
Document 10. Registre des engagements volontaires.
L’engagement volontaire est un mode de recrutement spécifique et complémentaire de la
conscription. Les soldats ne sont pas appelés mais signalent leur volonté de rejoindre les troupes. Il
s’agit le plus souvent d’adolescents, d’anciens réformés qui se sont manifestés avant les lois de
récupération ou encore de vétérans de la précédente guerre que l’âge avancé a écarté. Trois types
d’engagement volontaire coexistent à cette époque : l’engagement volontaire pour 3, 4 ou 5 ans,
l’engagement pour la durée de la guerre et un engagement spécial pour les élèves des grandes écoles.
L’engagement volontaire du peintre Camille Godet relève de la deuxième catégorie.
Comme la plupart des engagés volontaires de l’année 1914, il a répondu à la mobilisation générale
en témoignant d’une attitude patriotique, farouchement décidé à combattre l’Allemagne. Cet
engagement « pour la durée de la guerre » est particulièrement observé dans les grandes villes : la
guerre est alors envisagée comme une campagne de quelques mois, bien loin de la réalité. Il s’agit
avant tout de s’associer à un mouvement collectif de défense du territoire.
Dès 1915, l’engouement des engagés volontaires va connaître un tassement. La population est
désormais consciente que c’est une guerre longue qui se joue et les nouvelles des soldats ne sont
guère encourageantes. Par ailleurs, le rappel des hommes de la réserve de l’armée territoriale
restreint le nombre de demandes.
Jusqu’en 1918, les engagés vont profiter de la possibilité de choisir un régiment d’affectation pour se
détourner de l’arme la plus meurtrière : l’infanterie. Le retournement de la situation militaire en
juillet 1918 au profit des Alliés va modifier l’attitude des engagés volontaires : persuadés que la
victoire est proche, l’engagement volontaire est perçu comme un moyen de distinction et de
reconnaissance assuré.
Si l’engagement volontaire est avant tout la manifestation d’un patriotisme disposé à participer aux
opérations militaires, il permet également de compléter des armées que le simple appel des classes
n’a pas suffi à alimenter.
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II. UNE VILLE DE L’ARRIÈRE
« Encore du courage et soyez sûrs que les épis de blés
que vous allez bientôt semer, seront cueillis par vos fils et
vos maris quand ils reviendront couverts des lauriers de la
victoire »
Jean Janvier, maire de Rennes, 1er septembre 1914.
Des hommes et des femmes dans la tourmente
Tout au long de la guerre, il est impératif de compléter les effectifs au front mais aussi à
l’arrière pour assurer l’instruction des jeunes, encadrer les dépôts d’artillerie et d’infanterie
ou travailler dans les industries. La mobilisation se poursuit donc pendant tout le conflit, par
l’appel sous les drapeaux de la réserve de l’armée territoriale, des classes 1915 à 1919,
des anciens officiers démissionnaires ou retraités, anciens exemptés ou reformés, fils
d’étrangers, tandis que les engagés volontaires viennent spontanément rejoindre les rangs
des combattants.
Pendant que les nouvelles recrues attendent leur équipement et leur départ en suivant une
formation rapide, confiée aux « rempilés » ou aux blessés de guerre, d’autres cherchent à
prolonger leurs permissions et sursis obtenus pour des compétences spécialisées ou pour
les travaux agricoles. Il s’agit, comme le rappelle le préfet Lucien Saint en janvier 1915,
« de ne pas arrêter complètement et brusquement la vie de la nation » mais pas
« d’échapper à une obligation qui pèse sur tous. »
Le rôle des femmes est primordial dans cette économie de guerre, à la campagne comme
à la ville, où elles embauchent comme ouvrières dans l’industrie de l’armement, dans des
conditions de travail très difficiles et pour un salaire moins élevé que les hommes. C’est le
cas par exemple des munitionnettes de l’Arsenal de Rennes qui fonctionne alors à plein
régime et dont le personnel atteint le nombre record de 18 000 employés en 1918 !
L’effort de guerre
Les quantités de matériels et denrées exigées par les armées qui ne cessent d’augmenter
à mesure que le conflit avance, la spéculation et la hausse des prix désorganisent
complètement la vie économique et administrative du pays. Entre réquisitions, restrictions
et appels à la générosité patriotique, les Rennais ressentent le contrecoup d’une économie
complètement tournée vers le front. L’omniprésence des soldats dans la ville dont le
cantonnement nécessite la réquisition de nombreuses habitations, terrains et matériels
provoquent des réactions contrastées qui oscillent entre problèmes de cohabitations et
renfort de main-d’œuvre bienvenue. D’un autre côté, des campagnes d’affichage sont
organisées pour inciter les Rennais déjà très sollicités à souscrire aux emprunts de la
défense nationale, mis en place pour combler les déficits de l’État.
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Le IVe congrès des villes de l’Ouest qui se tient à Rennes le 13 septembre 1916 se fait
l’écho des problèmes économiques que rencontrent toutes les villes de l’arrière : la cherté
UNE
L’ARRIÈRE
de
la vieVILLE
(viande,DE
taxation
des produits de première nécessité, crise sucrière, mise en
culture des terrains communaux, frais de casernement), mais aussi les problèmes de
ravitaillement. Dans ces domaines, l’action rigoureuse du maire de Rennes, Jean Janvier,
est jugée exemplaire par la presse pendant toute la durée de la guerre. Au-delà des
mesures traditionnelles de taxation des denrées, de réglementation des éclairages et
fermetures de magasins ou de mise en circulation des cartes de rationnement, le maire
propose de lutter contre l’inflation par la régulation, en faisant entrer la Ville dans le jeu de
la concurrence. C’est ainsi qu’il décide la création d’une boucherie municipale en 1915 puis
la mise à disposition de plusieurs terrains municipaux pour la culture de légumes en 1916,
bientôt suivie d’une boulangerie, d’un parc à combustibles, d’une laiterie gérés par la Ville.
Parallèlement, il mène une politique financière rigoureuse et porte une attention particulière
à continuer les chantiers de voirie pour lutter contre le chômage des travailleurs non
spécialisés. Enfin, il est le maillon central d’une politique de solidarité basée sur le comité
de secours ouvert dès le premier jour de la mobilisation qui coordonne dix-neuf fourneaux
économiques, des garderies d’enfants et la gestion des soutiens aux familles
nécessiteuses.
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Document 22
DOCUMENTS ENCADRÉS
12. Extrait du registre des appelés de la classe 1888. 5 H 2.
13. Mise en œuvre de la loi du 20 février 1917 sur les exemptés et les réformés.
5 H 6.
14. L'appel sous les drapeaux de la classe 1917 par le général Gallieni, ministre de
la guerre, 1915. 9 Fi 1630.
15. L'Arsenal et la Courrouze connaissent un essor spectaculaire pendant la Grande
Guerre. Plan de Rennes, [1920]. 1 Fi 110.
16. La caserne de l'Arsenal juste avant sa démolition pour y construire des ateliers
de munitions, 1916. H 141.
17. Extrait de la liste des blessés de l'explosion survenue aux ateliers de la
Courrouze, 1er février 1917. 5 H 102.
18. Approvisionnement des armées et places fortes, 12 août 1914. 9 Fi 1614.
19. Appel au deuxième emprunt de la défense nationale, octobre 1916. 9 Fi 1617.
20. Réglementation de l'éclairage des magasins et de la fermeture des cafés et
débits. 25 novembre 1916. I 39.
21. Délivrance de sucre pour la fabrication des confitures ménagères, 18 juin 1917.
9 Fi 1541.
22. Appel aux restrictions alimentaires, 24 décembre 1917. 9 Fi 1633.
VITRINE
23.Demandes et autorisations de sursis, 1916-1917. 5 H 98.
24. Registre des mobilisés spécialistes indispensables, suite à la loi Mourier du 10
août 1917. 5 H 97.
25. Pétition des femmes propriétaires des fermes du sud de Rennes pour le
maintien des soldats cantonnés, 8 février 1916. 5 H 14.
26. Rennes reçoit le IVe congrès des villes de l'Ouest le 13 septembre 1916. 350 Fi 56.
27. Le rationnement : cartes d'alimentation et carnets de sucre, 1914-1920. 5 H 105.
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Focus
Document 17. Extrait de la liste des blessés de la Courrouze.
L’état nominatif des blessés hospitalisés à l’Hôtel-Dieu à la suite de l’explosion survenue le 1er
février 1917 à la Courrouze est un document intéressant pour approcher la réalité du travail et des
employés de l’Arsenal pendant la Grande Guerre. L’Ouest-Éclair du 2 février 1917 relate ainsi les
faits :
« À 6h du matin, moment de l’entrée du personnel ouvrier dans l’atelier où est manipulé du
pulvérin de poudre noire pour la fabrication de mèches à étoupilles, une explosion s’est produite,
qui a déterminé un commencement d’incendie. »
Cette liste fait état de 21 blessés envoyés à l’Hôtel-Dieu pour être soignés de leurs brûlures parmi
lesquels 13 femmes, alors nombreuses à travailler aux ateliers de récupération des douilles du front.
Les situations de famille sont largement détaillées par l’administration des hospices civils de
Rennes, afin de connaitre le sort des enfants des veuves ou femmes seules dont le mari est au front.
Les enfants les plus jeunes sont confiés à un membre de la famille ou un ami, parfois placés à la
campagne, tandis que quatre d’entre eux, âgés de 14 à 18 ans travaillent déjà, notamment à
l’Arsenal.
Le 4 février 1917, on comptabilise finalement sept décès suite à l’explosion, qui illustrent bien les
conditions de travail très pénibles et dangereuses dans lesquelles travaille le personnel de l’Arsenal
qui atteint alors une production record. Ces conditions de travail seront d’ailleurs largement
dénoncées quatre mois plus tard par les munitionnettes, alors en première ligne de la grève qui
débute à l’Arsenal le 5 juin 1917, pour s’étendre ensuite à la Courrouze et à la Compagnie du gaz.
12
Focus
Document 23. Autorisation de sursis.
L’arrière doit répondre à deux problématiques majeures et souvent contradictoires : envoyer
toujours plus d’hommes au front et trouver la main-d’œuvre nécessaire à l’économie.
L’équilibre est difficile à conserver ; très vite, les bras font défaut pour les moissons, dans les
boulangeries (le pain est l’aliment de base), dans les usines. Les autorités militaires et civiles
recensent les personnes non mobilisées, hommes âgés ou réformés, femmes et enfants,
population locale et réfugiés.
Cela reste insuffisant. Des cultivateurs, ouvriers agricoles et artisans (maréchaux-ferrants,
forgerons, charrons, mécaniciens de machines agricoles) des classes les plus âgées (classes
1888 à 1896) obtiennent des sursis d’incorporation ou sont affectés aux travaux agricoles dans
les communes. Dans l’industrie, certains hommes échappent au front grâce à la loi Mourier du
10 octobre 1917 qui autorise les ouvriers spécialistes qualifiés indispensables à rester à
l’arrière, du fait de leurs compétences.
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III. LES RETOURS DU FRONT
« Le temps ne relâchera pas
les liens de la famille française »
Raymond Poincaré, président de la République, 5 août 1915.
L’attente de nouvelles
La censure de la presse est mise en place dès le 5 août 1914 et l’état-major donne
quotidiennement aux journalistes trois communiqués officiels qui diffusent une version
souvent inexacte des opérations. À Rennes, les nouvelles officielles relayées par la
préfecture sont présentées deux fois par jour sur des tableaux noirs devant la mairie. Dans
une guerre devenue totale, tous les moyens sont mis en œuvre pour conditionner l’opinion,
soutenir le moral de la population et lui faire accepter la guerre et ses conséquences. La
propagande s’ajoute donc aux dispositifs de contrôle de l’information afin de mobiliser
l’opinion, promouvoir la solidarité entre le front et l’arrière et encourager la haine de
l’ennemi. À Rennes, un climat de suspicion se développe qui oblige plusieurs commerçants
et enseignes, comme l’entreprise Singer, à écrire au maire ou à publier des démentis dans
la presse pour stopper les rumeurs et affirmer leur nationalité française ou alliée. Le lien
avec le front est parallèlement maintenu grâce à la correspondance privée, soutenant à la
fois le moral des soldats et celui de leurs familles. Elle n’échappe cependant pas au
contrôle postal, institué en 1915, et donne peu de détails sur les conditions réelles de la
guerre.
Les visages de la guerre
Les Rennais appréhendent la violence du conflit avec l’afflux des nombreux réfugiés du
Nord, de l’Est et de Belgique, au nombre de 7 000 en mars 1917 ! Les bonnes volontés se
mobilisent spontanément, coordonnées par le comité central de secours de guerre, pour
trouver logement, vêtements et nourriture à ces populations traumatisées et démunies,
avec le soutien des œuvres philanthropiques et patriotiques. Berthe Schilizzi, fondatrice de
l’œuvre de bienfaisance Le Poupon belge, dont Jean Janvier devient président d’honneur
en 1917, rappelle qu’« il faut autant que possible, leur permettre d’oublier leur grand
malheur, car malgré les attentions, les délicatesses dont on les entoure, les réfugiés
souvent, songent aux jours heureux du passé. » Le retour des premiers blessés dès le 12
août 1914 permet également de mettre des visages sur la souffrance vécue par les soldats.
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Rennes devient une véritable ville-hôpital. Les hôpitaux temporaires ne suffisent pas :
écoles, facultés, casernes, hôtels et même le grand séminaire sont réquisitionnés comme
hôpitaux complémentaires pour faire face à l’urgence et accueillir ces « gueules cassées »
dont les blessures et les traumatismes marquent profondément les esprits. Très vite, la
question de la reconversion professionnelle des mutilés devient d’ailleurs centrale et
largement favorisée par le gouvernement qui y voit le moyen de lutter « contre la
dépression morale qui multiplierait fatalement l’oisiveté » et de former une main-d’œuvre
qualifiée. Dès 1915, Jean Janvier crée à Rennes un comité d’assistance aux mutilés de la
guerre dont l’action est élargie par la création d’établissements sanitaires militaires où sont
regroupés les mutilés de la région. Il s’agit d’assurer la rééducation professionnelle de ces
anciens soldats, en facilitant leur placement dans des emplois compatibles avec leurs
infirmités ou en les aidant dans le choix de prothèses appropriées.
Les soldats d’une guerre mondiale
À la même époque, arrivent les premiers convois de prisonniers de guerre, répartis dans
les dépôts des cinq départements bretons. C’est de Montfort-sur-Meu ou Dinan que sont
détachés des prisonniers, dès 1915, pour répondre à la pénurie de main-d’œuvre à
Rennes. Ils sont cantonnés à la Motte au Chancelier, route de Mordelles, pour faciliter les
travaux agricoles mais sont peu présents en ville, ne devant pas être en contact avec la
population civile ou les militaires français. Si le climat de suspicion persiste tout au long du
conflit, le regard parfois très dur porté sur les « Boches » se modifie certainement un peu
au contact de ces prisonniers désarmés et employés comme travailleurs. Enfin, c’est
l’entrée dans le conflit des troupes alliées saluées par le conseil municipal, puis la
présence physique des soldats étrangers qui marquent les civils, en particulier les soldats
américains que les Rennais viennent saluer avec enthousiasme, place de la Mairie, à
l’occasion de la venue d’une délégation le 18 novembre 1917. Même s’il n’en est fait que
très rarement mention dans les archives, les Rennais côtoient, notamment dans les
hôpitaux, d’autres étrangers venus d’Angleterre, de Russie ou des colonies françaises.
L’affiche de Lucien Jonas réalisée pour illustrer la « Journée de l’armée d’Afrique et des
troupes coloniales » évoque la participation des soldats coloniaux, représentée par la figure
du tirailleur sénégalais lancé à l’assaut d’une position allemande.
Tous ces contacts avec les victimes de la guerre renforcent le sentiment patriotique, relayé
et renforcé par le travail des œuvres de guerre et l’engagement social de la municipalité
conduite par Jean Janvier : conférences, concerts, journées du poilu sont organisés pour
soutenir le moral de l’arrière, divertir les blessés ou recueillir des dons en faveur des
soldats restés au front. Pour répondre aux besoins de soins et d’assistance de ces
populations meurtries ou des enfants devenus orphelins, de nombreuses Rennaises
s’engagent également dans les hôpitaux, au comité de secours de guerre ou au service de
ravitaillement gratuit en gare de Rennes.
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DOCUMENTS ENCADRÉS
28. Discours de propagande patriotique de Poincaré, président de la République,
5 août 1915. 9 Fi 1627.
29. Suspicion envers les ressortissants des puissances ennemies, octobre 1915.
9 Fi 1581.
30. Justification de l'entreprise Singer au sujet de la nationalité de ses dirigeants et
actionnaires, 25 juin 1915. 5 H 100.
31. L'œuvre patriotique du Poupon belge, fondée par Berthe Schilizzi, dont Jean
Janvier devient président d'honneur en mars 1917. 5 H 117.
32. Quelques hôpitaux militaires rennais, Première Guerre mondiale. 42 Z et 44 Z, don
Glorot.
33. Concours de rééducation agricole à l’hôpital complémentaire n°40, 29 novembre
1917. 350 Fi 254.
34. Consignes concernant l'emploi des prisonniers de guerre dans les environs de
Rennes, 1916-1918. 5 H 95, 44 Z don Glorot.
35. Uniformes de l'armée américaine, [1917]. 9 Fi 1601.
36. Manifestation franco-américaine place de la Mairie, 18 novembre 1917. 350 Fi 57.
37. Journée de l’armée d’Afrique et des troupes coloniales, affiche de Lucien Jonas,
1917. 9 Fi 54.
38. Journée nationale des orphelins, 1er et 2 novembre 1916. 9 Fi 1632.
39. Quelques œuvres de guerre rennaises, Première Guerre mondiale. 44 Z, don Glorot.
VITRINES
40. La distribution du courrier, caserne du Colombier, Première Guerre mondiale.
44 Z, don Glorot.
41. Lettre de Charles Oberthür à sa famille, Montenescourt (Pas-de-Calais),
6 décembre 1914. 10 Z 33.
42. Lettre de la petite Liliane à son père Amand Fontaine, instituteur de Brain
mobilisé au 76e régiment d’infanterie territoriale de Vitré, 11 novembre 1917. 10 Z
135.
43. Diverses cartes postales : supports de propagande patriotique et lien entre le
front et l'arrière. 44 Z, don Glorot et 41 Num, don Poubanne.
44. Médailles patriotiques, Première Guerre mondiale. Coll. Particulière.
45. Jeu de cubes « Le panorama de la guerre de 1914 », vers 1915. Coll. particulière.
16
Focus
Document 33. Concours de rééducation agricole.
Dès 1915, Justin Godart, sous-secrétaire d’État du service de santé militaire, insiste sur la nécessité
de développer la rééducation professionnelle des mutilés au sein même des formations sanitaires.
C’est l’objectif poursuivi par le centre de rééducation attaché à l’hôpital complémentaire 40, situé
dans l’École nationale d’agriculture de Rennes.
Le 29 novembre 1917 s’y déroule un concours de rééducation agricole. L’objectif de ce concours est
d'évaluer les résultats obtenus par l’œuvre de rééducation agricole qui s’emploie à aider les militaires
invalides d’origine rurale à retrouver le chemin du travail agricole, en les entrainant et en favorisant
leur appareillage.
Plusieurs médecins des formations sanitaires de Rennes ainsi que de nombreux mutilés des centres
spéciaux de la région viennent assister à ce concours qui réunit 21 amputés du membre supérieur et
3 mutilés impotents atteints de raideurs articulaires, limitant leurs mouvements de flexion des
membres supérieurs. Cinq épreuves sont organisées : travail à la faux, fourche et bêche, labour au
brabant, sciage du bois et tracteur mécanique. Chaque épreuve est évaluée par un jury composé des
enseignants de l’école qui évaluent le rendement que peuvent fournir ces hommes au regard des
possibilités d’un homme valide. Les épreuves se déroulent bien et le jury félicite les candidats « qui
ont montré, malgré les difficultés, un esprit de décision et une sûreté de main tout à fait digne
d’éloge. »
« Des résultats aussi satisfaisants sont les meilleurs arguments pour justifier la possibilité du travail
de la terre par les mutilés », explique le médecin-chef du centre de rééducation dans le compte-rendu
du concours envoyé au maire de Rennes. Les ruraux forment en effet le plus gros contingent des
effectifs de l’hôpital et il s’agit de leur permettre de retrouver leur place au sein de la société malgré
leur mutilation. C’est une œuvre d’envergure qui nécessite moyens et conviction dans
l’accompagnement matériel mais aussi moral de ces hommes. Comme l’exprime le général d’Amade
commandant la 10e région, c’est « une œuvre patriotique, appelée à rendre à la terre un grand
nombre de bons ouvriers et à donner à la profession d’agriculteur –la première à mon sens puisque
l’existence du pays en dépend– un nouveau prestige du fait d’être exercée par des soldats ayant en
même temps brillamment rempli leur devoir sur le champ de bataille. »
17
Focus
Document 44. La carte postale, support de propagande patriotique.
Support de diffusion populaire par excellence, la carte postale sert pendant la Grande Guerre de
vecteur de propagande, par le biais du dessin ou de la photographie. La carte postale constitue une
documentation exceptionnelle puisqu’elle représente alors un support visuel accessible à tous,
dont les tirages atteignent des proportions considérables pendant le conflit. La séparation
prolongée des soldats de leurs familles et amis accroît encore l’intérêt de ce support de
correspondance simple et favorise la diffusion des images du recto. Mobilisé en août 1914 dans
l’armée territoriale, Francisque Poulbot est réformé quelques mois plus tard pour raisons
médicales.
De retour à Paris, il travaille au Journal, dans lequel il présente de manière hebdomadaire un
dessin légendé pour les enfants. À partir de sa production, un très grand nombre de cartes postales
ont été éditées. Dans un grand nombre d’entre elles, Francisque Poulbot représente le conflit au
travers des enfants, qui, mis à contribution dans une guerre totale, deviennent à la fois vecteurs et
cibles de la propagande. Malgré les visages naïfs et le trait simple du dessinateur, ces cartes
postales touchent au cœur par le transfert de l’univers guerrier et de ses atrocités dans le monde de
l’enfance. L’enfant devient l’instrument d’une propagande antiallemande et patriotique. Ici, les
futurs bons et petits soldats en armes et uniformes défilent ou saluent les anciens valorisant le
sentiment nationaliste et la confiance dans la victoire. Là, les enfants jouent avec un louis d’or et
sont appelés à participer à l’effort de guerre en convaincant leurs parents de porter leur or à la
Banque de France. Là enfin, ils sont les victimes impuissantes d’une guerre atroce et d’un ennemi
barbare, qui ne peut qu’inciter à la violence et la revanche. L’investissement de l’enfant dans la
guerre parait avoir atteint son stade ultime.
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IV. LE TEMPS DU SOUVENIR
« La France nous appelle dans la paix,
comme elle nous appela dans la guerre »
Georges Clemenceau, ministre de la guerre, 3 août 1919.
Le 11 novembre 1918, à 11h du matin, l’armistice entre en vigueur. À 11h45, le maire de
Rennes vient annoncer la nouvelle au balcon de l’hôtel de ville, là où, quatre ans plus tôt, il
avait annoncé la mobilisation. C’est devant une foule en liesse qu’il remercie les Rennais
pour leur fermeté et leur abnégation et salue le travail de la municipalité avant d’aller
adresser ses remerciements écrits au général d’Amade, commandant la 10e région.
L’article de L’Ouest-Éclair paru le 12 novembre détaille tous les moments de cette journée
exceptionnelle où les Rennais investissent les rues au son des cloches, de la sirène de
l’Arsenal et des locomotives américaines ! Un artificier fait retentir du beffroi de l’hôtel de
ville vingt-et-une « détonations formidables » tandis que cent un coups de canons sont tirés
du Champ de Mars. « Les casernes et hôpitaux sont libres. Les soldats se mêlent à la foule
et ce ne sont pas les moins heureux. Tous les ateliers chôment, tous les magasins sont
fermés. Les Rennais sont tous dans la rue, portant épinglés au corsage ou au veston soit
un petit drapeau, soit une cocarde aux couleurs alliées. » Les restrictions sont oubliées :
les cafés restent ouverts jusqu’à minuit et la ville est éclairée jusqu’à l’aurore !
Le soutien aux familles
La démobilisation commence et les soldats rentrent progressivement entre novembre 1918
et l’été 1919. Revue, défilé et vin d’honneur ponctuent à Rennes la grande fête organisée,
en présence des autorités civiles et militaires et des associations patriotiques le 31 août
1919, pour célébrer le retour officiel de tous les régiments bretons dans leurs garnisons.
Mais, pour les survivants, le retour à la vie civile est parfois difficile, notamment pour les
invalides, les mutilés ou les « gueules cassées » qui souffrent de séquelles physiques et
psychologiques. Et, pour les familles des morts ou disparus, la joie cède vite la place au
deuil. La municipalité s’emploie à faciliter la vie quotidienne des familles rennaises. Pour
cela, de même qu’elle a enregistré et diffusé pendant tout le conflit les nouvelles
transmises du front et tenu un fichier des morts et disparus, elle se charge à présent
d’enregistrer et de transmettre aux autorités compétentes les demandes de primes de
démobilisations ou de pécules, nécessaires aux ayants droit des soldats décédés. Le
comité d’assistance aux mutilés de guerre devient, en 1919, l’école de rééducation
professionnelle des mutilés dont l’objectif est de renforcer la paix sociale et d’aider les
anciens soldats à conserver leur indépendance par le travail.
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Le devoir de mémoire
La municipalité s’investit, aux côtés des associations, pour rendre hommage aux soldats
morts pour la France. Le monument du Souvenir français qui souligne l’entrée du carré
militaire du cimetière de l’Est, est le premier lieu de recueillement et de cérémonie, où se
déroulent d’ailleurs, dès le 25 novembre 1915, des cérémonies en l’honneur des morts
pour la Patrie. Plusieurs tombes de soldats alliés et allemands morts pendant la Première
Guerre s’y trouvent aujourd’hui réunies. La cérémonie nationale du 14 juillet 1919
organisée à Paris, puis en province le 3 août suivant, consacre une large part des discours
à l’évocation du souvenir. La participation des élèves des écoles et les discours de Paul
Deschanel, président de la Chambre des députés et de Georges Clemenceau, ministre de
la guerre, sont sans équivoque. Il s’agit de travailler à la paix et d’associer les jeunes
générations qui doivent « connaître l’histoire de 1914 mieux que [leurs] aînés ne savaient
celle de 1870 […] pour être toujours en éveil, toujours attentifs, toujours vigilants. » Ce
devoir de mémoire est également au cœur du projet de panthéon rennais que Jean Janvier
soumet au conseil municipal dès le 18 novembre 1918 et qui sera inauguré le 2 juillet 1922.
La salle d’attente des mariages de l’hôtel de ville accueille un lambris décoratif crée par
l’architecte Emmanuel Le Ray et mis en valeur par la frise peinte de Camille Godet, ancien
élève de l’école des Beaux-Arts de Rennes, revenu blessé du front.
Rennes, marraine de Vouziers
Conscient que Rennes, malgré les sacrifices, n’a pas connu les horreurs de la guerre, Jean
Janvier s’engage dans une politique de solidarité en direction des villes martyres, à laquelle
il incite les autres maires de France à travers les colonnes du Matin le 26 janvier 1919. Il
propose ainsi que Rennes devienne la marraine de la ville de Vouziers, sous-préfecture
des Ardennes, dévastée par les Allemands et reprise par l’armée du général Gouraud,
dans laquelle figurait un grand nombre de Bretons. De nombreuses demandes de
patronage provenant de communes du Nord et de l’Est de la France sont alors adressées
au maire. Elles offrent une vision très différente des conséquences de la guerre et
concrétisent, là encore, une nette rupture entre le front et l’arrière.
Plusieurs monuments et sites évoquent aujourd’hui aux Rennais l’horreur de cette guerre
et de toutes les autres qui ont jalonné notre histoire. Ces lieux de mémoire sont, comme
l’écrit Edmond Hervé en introduction de l’opuscule Parcours de mémoire réalisé par la Ville
en 2007, « des sentinelles de la pensée face à l’oubli. Ils nous éclairent, toutes et tous, tels
de grands phares et nous glissent à l’oreille cette phrase de Victor Hugo : "Quand la nuit
essaie de revenir, il faut allumer les grandes dates comme on allume des flambeaux." »
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DOCUMENTS ENCADRÉS
46. Signature de l'armistice victorieux de la Grande Guerre, délibération du conseil
municipal, 18 novembre 1918. 1 D 152.
47. Les services de la ville prennent en charge l'instruction des dossiers pour la
prime de démobilisation, 1919. 5 H 120.
48. École de rééducation des mutilés de Rennes installée dans l'hospice SaintMelaine, août 1920. 350 Fi 190.
49. Affiche de la manifestation nationale en l'honneur des poilus, 3 août 1919.
9 Fi 1351.
50. Programme de la manifestation nationale en l'honneur des poilus, 2 et 3 août
1919. 5 H 119.
51. Textes de remerciements des enfants de France aux soldats de la Grande
Guerre, 2 et 3 août 1919. 5 H 119.
52. Présentation du projet de panthéon rennais par l'architecte Emmanuel Le Ray,
1926. 10 Fi 3, don Borius.
53. Programme de la fête d'inauguration du panthéon rennais, 2 juillet 1922. 1 M 221.
54. Concert de la Musique municipale pour l’inauguration du panthéon rennais,
2 juillet 1922. 1 M 221.
55. Don de livres de l'école du boulevard de la Tour-d’Auvergne aux écoles de
Vouziers, 3 mai 1919. 5 H 128.
56. Lettre de Maurice Bosquette, député des Ardennes, dressant la liste des
principales communes sinistrées, 5 juillet 1920. 5 H 127.
57. Fêtes des morts pour la patrie devant le monument du Souvenir français,
25 novembre 1915 et 1917. 42 Z.
VITRINES
58. Recensement de la population, 1911. 1 F 101.
59. Recensement militaire de la classe 1916. 1 H 214.
60. Fiche nominative du soldat Francis Roblot, mort pendant la Première Guerre
mondiale. 5 H 50.
61. Photographie de Francis Roblot en uniforme, [1917-1918]. 40 Num, don Bellier.
62. Lettres de Francis Roblot à sa famille et télégrammes. 40 Num, don Bellier.
21
Focus
Document 52. Présentation du projet de panthéon.
Le panthéon rennais est une œuvre ambitieuse de l’architecte rennais Emmanuel Le Ray, à la
mesure du traumatisme de la Première Guerre mondiale. Comme beaucoup d’autres villes, Rennes
attache une importance considérable à l’hommage aux morts de la guerre, mouvement qui se
concrétise par la construction des monuments aux morts partout en France, et aboutit à
l’instauration du 11-Novembre comme fête nationale à partir de 1922. La particularité du panthéon
rennais réside dans sa forme : la salle d’attente des mariages, située à droite du vestibule de l’entrée
de l’hôtel de ville est choisie à dessein par Jean Janvier « pour donner plus d’ampleur à la
glorification de nos soldats ».
Le projet mené par Emmanuel Le Ray propose un lambris décoratif encadrant les plaques sur
lesquelles sont gravés les noms, prénoms, régiments et grades des soldats rennais morts pour la
patrie. Cette décoration architecturale est mise en valeur par une frise peinte par Camille Godet,
ancien élève de Le Ray et survivant de la Grande Guerre, tandis que les ornements architecturaux
sont confiés au sculpteur parisien Roullière-Peulier. Cette salle du souvenir, plongée dans une
semi-pénombre, crée une atmosphère propice au recueillement et fait ainsi pleinement œuvre de
pédagogie civique.
22
Focus
Document 61. Photographie de Francis Roblot.
Francis Roblot est né le 5 avril 1896 à Rennes, 22 rue d’Antrain. Ses parents, François Roblot et
Marie Joseph Lelièvre, sont épiciers. Il fait partie de la classe de recrutement 1916, qui sera
convoquée dès 1915. Par deux fois il est ajourné pour faiblesse, avant d’être déclaré « bon pour le
service armé » le 4 juin 1917. D’après sa fiche matricule, il est employé de commerce, mesure 1
mètre 61, les cheveux châtains, les yeux bleu clair et le visage ovale.
C’est à l’âge de 21 ans qu’il rejoint, le 3 septembre 1917, le 110e régiment d’artillerie lourde à
Cherbourg pour une formation avant le départ pour le front. D’abord soldat de 2e classe, il est
nommé 1er canonnier le 14 février 1918. Il change plusieurs fois de régiments au cours de l’année
1918 : au mois de juillet, il fait partie du 101e régiment d’artillerie lourde.
Le 21 août 1918, la batterie est touchée par des gaz asphyxiants dans l'Aisne. Quelques jours plus
tard, Francis Roblot est évacué vers l'hôpital complémentaire de Clermont-Ferrand. Sa dernière
lettre se veut rassurante : le 29 août, il écrit à ses parents d'une main sûre : « je ne crois pas avoir
été intoxiqué beaucoup […] je tousse un peu et c'est tout ». Mais son état se dégrade. Un
télégramme alarmant est envoyé peu après à la mairie afin d'avertir la famille. Francis Roblot
meurt le 9 septembre 1918, à l'âge de 22 ans.
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QUELQUES REPÈRES CHRONOLOGIQUES
1914
31 mai-1er juin : Raymond Poincaré, président de la République, est en visite
officielle à Rennes.
2 août : mobilisation générale en France.
21-23 août : bataille des frontières. Le 10e corps d'armée, dont le recrutement
comprend Rennes, combat notamment à Charleroi (Belgique).
Fin août : arrivée des réfugiés en Ille-et-Vilaine, notamment originaires de Belgique.
1915
Mai-juin : deuxième bataille d'Artois.
Mai : entrée en guerre de l'Italie.
24 juillet : arrivée de prisonniers de guerre allemands pour les travaux agricoles.
Septembre : seconde bataille de Champagne (Argonne).
Septembre-octobre : troisième bataille d'Artois.
Novembre : création du comité rennais d'assistance aux mutilés des armées de
terre et de mer, qui a pour but d'aider les blessés dans leur réinsertion civile. Présidé
par Jean Janvier, maire de Rennes, il est dissous le 8 mars 1917 car les objectifs
sont remplis : un centre de rééducation professionnelle pour mutilés de guerre a été
créé, ainsi qu'un office municipal et départemental de placement gratuit.
Novembre : mise en place du premier emprunt de la Défense nationale pour
financer la guerre. Les 3 autres seront émis en octobre 1916, novembre 1917 et
octobre 1918.
1916
Février-décembre : bataille de Verdun.
Juillet-novembre : bataille de la Somme.
Septembre : IVe congrès des maires de l'Ouest à Rennes, visant à "rechercher les
meilleurs moyens de remédier aux difficultés de la vie résultant de la guerre".
Novembre : Ve congrès des maires de l'Ouest à Angers.
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1917
1er février : explosion aux ateliers de la Courrouze.
1er mars : entrée en vigueur du carnet de sucre (qui sera rationné jusqu'en 1921).
Puis le lait, les œufs, la farine, l'essence ou encore le pétrole seront à leur tour
rationnés.
Avril : entrée en guerre des États-Unis.
Avril : VIe congrès des maires de l'Ouest à Caen.
15 avril : offensive du Chemin des Dames.
Août : VIIe congrès des maires de l'Ouest à Lorient.
18 novembre : réception d'une délégation de l'armée américaine à l'hôtel de ville de
Rennes.
1918
11 novembre : armistice.
1919
6 janvier : la Ville de Rennes devient la marraine de Vouziers (Ardennes).
26 janvier : tribune de Jean Janvier, maire de Rennes, dans Le Matin, qui incite les
villes de l'arrière à parrainer les communes sinistrées.
Mai : VIIIe congrès des maires de l'Ouest à Saint-Nazaire.
Juin: IXe congrès des maires de l'Ouest à Nantes.
Août : manifestation en l'honneur du retour des poilus.
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Document 43
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