Le « progrès technique » dans la croissance française après 45

Le « progrès technique » dans la croissance française après 45
Les guillemets qui encadrent le terme de progrès technique indiquent dès l’intitulé du
sujet la distance prise avec la définition, jusque-là acceptée. Longtemps cantonnée à une
définition matérielle, c’est-à-dire comme incorporée au capital pour les classiques jusqu’à
Marx, cette notion s’enrichit d’une dimension plus large avec les travaux de Schumpeter qui
établissent 5 types de progrès technique.
Ce progrès technique, aux contours flous, nous permet d’interroger une croissance
dont, pour les 30 Glorieuses, plus de la moitié n’est pas expliquée par les mécanismes
antérieurs, tandis que la thèse du résidu est avancée.
Enjeu : en quoi le résidu est-il la pierre de touche entre progrès technique et
croissance ?
Problématique : quel progrès technique pour quelle croissance ?
1. Les Trente Glorieuses ou la conjonction entre progrès technique et
croissance
Au cours de cette période, le progrès technique progresse dans l’ensemble des domaines
définis par Schumpeter :
-innovation du produit : création de produits nouveaux / produits « noirs »
-innovation incrémentale : amélioration de produit (produits blancs, auto...)
-de débouchés : démocratisation et consommation de masse
exemple : la photo pour Bourdieu dans Un art moyen / Les vacances de M.. Hulot de Tati
-de procédés : fordisme => gains de productivité ; transaction muette, chaînes de montages...
-de financement : système économique d’endettement (Hicks) / taux d’intermédiation de 70%
car les taux d’intérêt sont faibles et l’État permet des bonifications d’intérêt (opération
permettant aux entreprises de certaines branches de profiter de taux d’intérêt nominaux
débiteurs encore plus faibles, les banques recevant en contrepartie de l’État une allocation
destinée à compenser les faiblesses du taux d’intérêt) + effet de levier / Wicksell
Le progrès technique change de nature et correspond à la définition de Sauvy qui y
voit un «nérateur de gains de productivité ». La croissance profite de ces gains de
productivité convertis en « grain à moudre » pour les syndicats : les hausses de salaire
dynamisent la demande qui, par un mécanisme de demande effective, dynamise l’offre à son
tour. Ici le progrès technique renvoie à l’augmentation de l’efficacité générale de l’économie.
La théorie de la croissance endogène fait écho à cette redéfinition du progrès
technique qui incorpore l’amélioration des modes de production, le raccourcissement des
délais entre une innovation et sa mise en œuvre, et l’implication des pouvoirs publics.
2. La rupture des années 70
Mais ces innovations ne durent pas :
-innovation de procédés => essoufflement du fordisme
-innovation de financement => passage à un système d’économie de marchés de capitaux
-innovation de débouchés car taux d’équipement élevé et passage à un marché de
renouvellement moins dynamique
Pourtant, dans l’analyse du progrès technique, le schéma n’a rien perdu de sa
pertinence : l’innovation de débouchés se maintient grâce à l’ouverture internationale
Techniques d’ouverture après 45 :
-hausse de la compétitivité-prix, notamment avec les dévaluations (47, 54, 58)
-hausse de la taille du marché
-hausse des parts de marché mondiales (constitution de champions nationaux)
-économies d’échelle
L’innovation de financement est un système d’économie de capitaux (Hicks) qui
permet un financement plus sain (contrôle de la masse monétaire et de l’inflation) et plus
attractif (vague de privatisations)
Pour Christian Stoffaës (Fins de mondes, 1987), la révolution technique (informatique,
biotechnologies, Internet) est en soi une innovation majeure qui induit des grappes
d’innovation de type schumpétérien.
La crise est pourtant bel et bien : le taux de croissance annuel moyen du PIB, qui était de
5,2 % entre 50 et 73, chute à 2,3 % pour la période 74-91. Pour la productivité du travail, on
passe de 5 ;1 % à 2,9 %.
L’économie se tertiarise (85 % de la PA travaille dans le tertiaire en 1995). Or, le tertiaire est
un secteur à faibles gains de productivité (Solow, Fourastié : Pourquoi les prix baissent,
Sauvy). Pour Baumol, on passe à une croissance molle, sans pour autant que cela soit très
grave, l’objectif étant moins la croissance que l’emploi (oui mais !)
3. Une redéfinition du rôle du progrès technique
Certaines théories (Gary Becker, l’investissement en capital humain, qui ramène la production
et donc la croissance à un seul facteur, les théories de la croissance endogène, pour qui le
progrès technique est inhérent au système capitaliste et n’est donc pas un facteur de
croissance à part entière) reposent la question du progrès technique en éliminant l’influence
du résidu dans la croissance.
Déjà malmené et minoré, le progrès technique se trouve alors amoindri dans son rôle de
facteur explicatif bien que les efforts des politiques économiques se concentrent sur lui : en
1985 est créée l’Agence nationale pour la valorisation de la recherche
Il y a une corrélation entre progrès technique et croissance observable par la part du PIB
allouée à la recherche-développement :
USA = 2,7%
Japon = 3%
France = 1,7%
Même chose pour le taux d’investissement (ce qui pose la question de la validité de
l’autofinancement comme critère d’une économie saine…)
Conclusion : En ces temps se cherche la croissance, et si on tentait de retrouver ce que
peut être le progrès technique ? après tout, la crise de l’emploi est aussi la crise de la
productivité. Voyez les pays-ateliers !
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