faire) ou, plus indirectement, à faire des choix qui contribuent à forger une interprétation,
portant à conséquences, de ces situations. Or, ces pratiques, qui ont des effets bien réels sur le
sort des migrants qu’elles concernent, sont toujours étroitement liées aux caractéristiques du
contexte dans lequel elles se déploient, c’est-à-dire à un ordre local, largement contingent
donc singulier.
Ainsi en est-il du directeur d’association caritative qui détermine la « philosophie » de la
structure qu’il dirige ; de l’agent de guichet d’une Préfecture qui « applique » les consignes
fixées par sa hiérarchie ; du travailleur social qui mobilise sa compétence dans le cadre d’une
relation d’aide ; ou du médecin qui diagnostique une pathologie. Autant de pratiques et de
productions de significations qui procèdent d’une marge d’interprétation, plus ou moins
étendue, plus ou moins légitime, mais dont l’usage est toujours associé, au sens large, à des
circonstances particulières qui en fournissent les conditions d’accomplissement et le cadre
d’intelligibilité. Celles-ci peuvent être schématiquement de deux ordres, qui correspondent
aux deux sens que l’on peut donner au terme « local ».
Le premier renvoie aux territoires de mise en œuvre de l’action publique et, plus précisément,
aux dynamiques qui traversent des systèmes d’action territoriaux dont émanent des modes de
construction de la migration comme objet d’action publique largement indexés aux
caractéristiques de ces dynamiques territoriales. On est ici renvoyé au domaine, bien
documenté, d’une sociologie de l’action publique locale attentive aux « effets de territoire »
observables dans la construction de l’action publique à l’échelon local
, effets qui, on y
reviendra, se sont considérablement accrus au cours des dernières décennies en France dans le
contexte de la décentralisation.
La migration n’échappe pas à cette autonomie relative de régulations territoriales qui jouent
non seulement sur les orientations privilégiées par les élites politico-administratives locales,
mais également sur les pratiques développées au sein des structures (administratives,
associatives, etc.) qui accueillent des migrants au quotidien. Le cas de la demande d’asile,
nous l’avons montré ailleurs
, en fournit une bonne illustration : outre les politiques
préfectorales, dont on sait qu’elles sont variables d’un département à l’autre, les activités
développées par les « guichets sociaux » susceptibles d’apporter de l’aide aux demandeurs
d’asile sont très directement tributaires des caractéristiques de « partenariats » locaux qui
règlent les rapports entre acteurs et qui expliquent qu’ici on n’accueille pas les demandeurs
d’asile parce qu’il est d’usage de considérer que la migration relève des services de l’Etat, que
là on se refuse à les héberger car ce sont des usagers qui ne relèvent pas d’une mission
d’insertion telle qu’on la définit localement, où que là, au contraire, on s’en préoccupe car
cela fait l’objet d’une demande explicite de la Direction Départementale des Affaires
Sanitaires et Sociales (DDASS). Autrement dit, le demandeur d’asile, mais cela vaut aussi
pour le mineur étranger isolé, l’étranger malade ou l’étudiant étranger, se trouve placé au
centre d’un cercle d’interlocuteurs qui sont unis par des liens systémiques qui jouent en retour
L’échelon local a fait en France l’objet d’une littérature suffisamment abondante, depuis les travaux pionniers
sur le « système politico-administratif départemental » jusqu’aux approches en termes de « gouvernance
urbaine », pour qu’on s’autorise à ne renvoyer le lecteur qu’à quelques références récentes qui constituent un bon
état actuel du champ : Faure, Douillet (2005) ; Arnaud, le Bart, Pasquier (2005) ; Faure, Négrier (2007).
Voir Frigoli, Jannot (2004a).