Financement
Le nouveau rôle des banques
Bien que le rôle des marchés financiers se soit accru, les banques restent des acteurs clés du
financement des économies européennes.
Les banques sont-elles en train de perdre leur rôle dans le financement des économies
européennes ? Rien n’est plus faux. Tout d’abord, aucune tendance générale de ce type ne se
dégage en Europe. Ensuite, si la conjoncture a été longtemps défavorable aux banques, le
retour de la croissance pourrait les placer sous de meilleurs auspices. Enfin, les intermédiaires
financiers ont su prendre leur place dans le développement des marchés financiers.
Avec le développement de ces marchés à partir des années 80, on a longtemps cru que les
pays européens passaient d’une économie d’endettement à une économie de marché. C’est-à-
dire d’une économie où les prêts des banques représentent la principale source de
financement des ménages, des entreprises et de l’Etat, à une économie où tous ces acteurs se
passent de leur intermédiaire pour s’adresser directement aux épargnants en quête de
placements (voir encadré).
A y regarder d’un peu loin, on pourrait croire que les banques sont effectivement sur le
point de perdre leur rôle central dans le financement des économies européennes si l’on fait le
total des nouveaux financements demandés par les ménages, les entreprises ou l’Etat (les
agents non financiers) sur la période 1991-1997, dans quatre pays (Allemagne, Espagne,
France et Italie), on s’aperçoit que les prêts bancaires y ont contribué pour 33 % et les
émissions de titres (actions, obligations) pour46%(1), les 21% restants étant répartis sur les
autres modes de financement (essentiellement le crédit entre entreprises). Une domination
évidente de la finance directe.
La France fait figure d’exception
Pourtant, la moyenne est trompeuse, tant les disparités nationales sont fortes. Le recours aux
prêts bancaires reste dominant en Allemagne et, dans une moindre mesure, en Espagne. A
l’inverse, en Italie et en France, l’appel aux marchés est très fort (voir graphique). Le taux
d’intermédiation, qui mesure la part des crédits bancaires dans le total des financements des
agents non financiers, n’a cessé de diminuer en France depuis vingt ans. De 71 % en 1978, il
est tombé à 52,1 % en 1998, selon les données du Conseil national du crédit et du titre.
En fait, dans tous les pays, c’est l’Etat qui a le plus recours aux financements en provenance
des marchés financiers, par ses émissions d’obligations de court terme (marché monétaire) ou
de long terme (marché obligataire). Il finance ainsi ses déficits budgétaires. Mais si l’on
considère les seules entreprises, on retrouve les mêmes disparités les entrepreneurs allemands
se financent à75 % par des prêts bancaires et les chefs d’entreprise espagnols en majorité
(52,1 %) par le crédit entre entreprises. La France fait figure d’exception dans ce groupe de
pays ses entreprises se financent à 60,4 % en émettant des titres sur les marchés financiers, à
37,3 % par le recours au crédit entre entreprises et seulement à 2,3 % par le recours aux prêts
bancaires.
Changement de stratégie
Peut-on pour autant en déduire que les banques seront victimes d’une désaffection durable
de la part des entreprises hexagonales ? Pas forcément. Lorsqu’on regarde précisément la
décomposition des financements de marché des entreprises françaises (et italiennes), on note
qu’elles ont largement privilégié le renforcement de leur capital (émissions d’actions) par
rapport à l’endettement (émissions d’obligations) en France, souligne la Caisse des dépôts et
consignations, les entreprises ont reçu pour 12 milliards d’euros de prêts bancaires sur la
période 1991-1997 ; elles ont émis pour 34 milliards d’obligations et pour 280 milliards
d’actions. C’est donc l’ensemble des modes d’endettement (par les banques ou par les
obligations sur les marchés financiers) qui sont restés faibles dans un contexte macro-
économique où l’emprunt était cher (taux d’intérêt élevés) et la croissance faible. Avec le
retournement de la conjoncture et la volonté d’investir des entrepreneurs, dans un contexte de
taux d’intérêt réels (tenant compte de l’inflation) plus faibles, l’endettement, notamment
bancaire, pourrait redorer son blason comme mode de financement des firmes.
Enfin, les établissements financiers sont devenus des acteurs majeurs des marchés
financiers. Au-delà de leurs prêts, ils financent également l’économie en se portant acquéreur
des titres financiers émis par l’Etat et par les entreprises: dans les quatre pays mentionnés, ils