L`IMMIGRATION ET LE DROIT D`ASILE[1] Table des matières NOTE

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L'IMMIGRATION ET LE DROIT D'ASILE1
Table des matières
NOTE DE SYNTHESE
 I - SOUMIS A DES CONDITIONS DE REVENUS ET DE LOGEMENT,
LE REGROUPEMENT FAMILIAL EST EN PRINCIPE LIMITE A LA
CELLULE FAMILIALE AU SENS STRICT.
 1) Les conditions de revenus et de logement
 2) Les membres de la famille susceptibles de bénéficier du
regroupement familial
 II - LES REFORMES DES PROCEDURES D'OCTROI DU DROIT
D'ASILE PORTENT SUR L'ACCELERATION DE L'EXAMEN DES
DEMANDES ET SUR LA LUTTE CONTRE LES DETOURNEMENTS.
 1) Tous les pays sous revue ont récemment modifié leur loi sur le
droit d'asile, à l'exception de l'Italie qui s'apprête elle-même à le faire.
 2) Toutes les réformes visent à simplifier et à accélérer l'examen des
demandes et à empêcher les détournements du droit d'asile.
 III - LA LUTTE CONTRE L'IMMIGRATION CLANDESTINE
CONSTITUE UNE PRIORITE DANS TOUS LES PAYS ETUDIES SAUF
L'ESPAGNE.
LES PRINCIPAUX TEXTES
o ALLEMAGNE
o BELGIQUE
o ESPAGNE
o ITALIE
o PAYS-BAS
o ROYAUME-UNI
LA DEFINITION DU REGROUPEMENT FAMILIAL
o ALLEMAGNE
 1) La reconnaissance de principe
 2) Les conditions
 3) Les personnes concernées
o BELGIQUE
 1) La reconnaissance de principe
 2) Les conditions
 3)Les personnes concernées
o ESPAGNE
 1) La reconnaissance de principe
 2) Les conditions
 3) Les personnes concernées
o ITALIE
 1) La reconnaissance de principe
 2) Les limites
 3) Les personnes concernées
o PAYS-BAS
 1) La reconnaissance de principe
 2) Les conditions
 3) Les personnes concernées
http://www.senat.fr/lc/lc34/lc34_mono.html
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ROYAUME-UNI
LES RECENTES MODIFICATIONS APPORTEES AUX LEGISLATIONS SUR LE
DROIT D'ASILE
o ALLEMAGNE
 1) Les limitations constitutionnelles du droit d'asile
 2) La procédure simplifiée et accélérée
 3) Les réfugiés originaires de régions en guerre
 4) Les recours contre les décisions de refus
o BELGIQUE
 1) L'élimination de certaines demandes avant leur examen au fond
 2) Les recours contre les décisions de refus
o ESPAGNE
 1) La subordination du droit d'asile à la qualité de réfugié
 2) Le pré-examen des demandes
 3) Les recours contre les décisions de refus
o ITALIE
 1) L'irrecevabilité de certaines demandes
 2) Le pré-examen
 3) Les recours contre les décisions de refus
o PAYS-BAS
 1) L'enquête préliminaire
 2) Les demandes irrecevables
 3) Les demandes manifestement infondées
 4) Les recours contre les décisions de refus
o ROYAUME-UNI
 1) La généralisation de l'appel
 2) La procédure d'appel accélérée
 3) Les recours contre les décisions de refus
LA LUTTE CONTRE L'IMMIGRATION CLANDESTINE
o ALLEMAGNE
 1) L'aggravation des sanctions applicables aux entrées irrégulières
 2) L'obligation d'un visa pour l'entrée de tous les mineurs, quel que
soit leur pays d'origine
 3) La lutte contre le travail clandestin
 4) Les obligations des transporteurs
o BELGIQUE
 1) Les infractions relatives à l'immigration
 2) Les obligations des transporteurs
 3) La lutte contre le travail clandestin
o ESPAGNE
 1) Les dispositions prévues par les textes sur les étrangers
 2) Les dispositions du code pénal
o ITALIE
o PAYS-BAS
 1) L'exclusion du bénéfice de la politique sociale
 2) La lutte contre le travail clandestin
 3) La prévention des mariages blancs
 4) Le renforcement des contrôles
 5) Les obligations des transporteurs
o ROYAUME-UNI
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1) La multiplication des infractions liées à l'immigration
2) Les pouvoirs des fonctionnaires de l'immigration et des juges
3) La lutte contre le travail clandestin
4) L'exclusion des demandeurs d'asile du bénéfice de certaines
prestations sociales
5) Les obligations des transporteurs
ANNEXE
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Article premier de la convention de Genève sur le statut des réfugiés
NOTE DE SYNTHESE
Au milieu des années 70, tous les pays européens ont mis un terme à l'immigration
économique d'origine extra-communautaire. Désormais, l'immigration légale ne concerne plus que
quelques catégories de personnes : étudiants, stagiaires, personnes dotées d'une qualification
professionnelle exceptionnelle, et surtout – dans le cadre de ce que l'on appelle communément le
regroupement familial – membres de la famille d'un étranger régulièrement installé.
Dans ces conditions, pour qui ne relève pas de ces catégories particulières, la procédure d'asile
est devenue la dernière voie légale d'accès. C'est pourquoi presque tous les pays européens l'ont
modifiée au cours des dernières années dans le but de limiter le nombre des demandes et
d'empêcher d'éventuels détournements.
Si l'on excepte les dispositions particulières applicables aux ressortissants des Etats membres
de l'Union, l'immigration en Europe est donc essentiellement due au regroupement familial, aux
demandes d'asile et à l'entrée de clandestins.
Dans la perspective de l'examen par le Sénat du projet de loi relatif à l'entrée et au séjour des
étrangers en France et au droit d'asile, il a donc paru utile de faire porter l'examen des législations
étrangères relatives à l'immigration et au droit d'asile sur trois points :
- la définition du regroupement familial ;
- les récentes modifications apportées aux législations relatives au droit d'asile ;
- la lutte contre l'immigration clandestine.
Les dispositions relatives au regroupement familial qui ont été examinées sont celles qui
s'appliquent d'une façon générale aux étrangers quels que soient la nationalité et le statut
administratif de celui qui est à l'origine du regroupement (travailleur, étudiant...). Il peut en effet y
être dérogé par l'application de conventions internationales plus favorables.
Pour ce qui concerne la lutte contre l'immigration clandestine, il a été choisi d'analyser les
mesures les plus significatives ainsi que les plus récentes.
Les pays étudiés sont l'Allemagne, la Belgique, l'Espagne, l'Italie, les Pays-Bas et le
Royaume-Uni.
I - SOUMIS A DES CONDITIONS DE REVENUS ET DE LOGEMENT, LE
REGROUPEMENT FAMILIAL EST EN PRINCIPE LIMITE A LA CELLULE
FAMILIALE AU SENS STRICT
Dans tous les pays étudiés, le regroupement familial est réservé aux membres de la
famille d'un étranger titulaire d'un titre de séjour. De plus, l'étranger autour duquel s'effectue le
regroupement doit justifier d'une durée minimale de résidence dans le pays. L'attribution de titres de
séjour aux membres de la famille est toujours liée à la présence dans le pays de la personne à
l'origine du regroupement. Elle est de plus subordonnée à la cohabitation de cette personne avec
les bénéficiaires du regroupement. Ceci justifie l'existence de conditions de revenus et de
logement. Ces dernières ne sont cependant pas applicables dans le cas des réfugiés titulaires du
droit d'asile.
1) Les conditions de revenus et de logement
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Tous les pays exigent que le chef de famille subvienne aux besoins de sa famille immigrée et
que les conditions de logement soient acceptables.
Si les situations sont appréciées individuellement, certains textes (la loi allemande, le projet
de loi italien, la circulaire néerlandaise) contiennent des dispositions très détaillées dans chacun de
ces deux domaines. Ils prévoient par exemple une estimation de la taille des logements des
étrangers par rapport aux critères retenus pour les logements sociaux du secteur public dans le pays,
et une évaluation des revenus par rapport à des planchers fixés par la législation sociale.
2) Les membres de la famille susceptibles de bénéficier du regroupement familial
Le droit au regroupement familial concerne essentiellement le conjoint non séparé et les
enfants mineurs. Les autres membres de la famille ne sont qu'exceptionnellement admis au
titre du regroupement familial élargi.
a) Le conjoint
En règle générale, les couples non mariés ne peuvent pas bénéficier du regroupement
familial. Les Pays-Bas prévoient cependant cette possibilité, de même qu'ils prévoient le
regroupement des couples homosexuels. De même, au Royaume-Uni, depuis octobre 1997, le
regroupement des couples non mariés, hétérosexuels ou homosexuels, est possible, mais il est
soumis à des conditions extrêmement strictes.
Indépendamment des conditions de revenus et de logement, le regroupement des conjoints
n'est pas automatique. D'autres conditions sont exigées, notamment pour prévenir les mariages
" blancs ". Les pays les plus sévères à cet égard sont l'Allemagne, la Belgique et le Royaume-Uni.
Pour qu'il puisse faire venir son conjoint, l'étranger qui réside en Allemagne doit détenir un
droit de séjour permanent ou, s'il n'a qu'un permis à durée limitée, doit avoir indiqué l'existence du
lien conjugal lors de sa demande d'un titre de séjour. La Belgique exige que chacun des deux
conjoints ait au moins dix-huit ans. Au Royaume-Uni, malgré l'abolition par le gouvernement
travailliste de la " règle du but premier " (qui consistait à faire prouver, notamment grâce à un
interrogatoire très précis portant sur toutes les habitudes du conjoint ou du futur conjoint, que le but
premier du mariage n'était pas l'immigration), les époux, ou les futurs époux, doivent toujours
apporter la preuve du caractère réel du mariage. Ceci suppose la conjonction de trois conditions :
une rencontre préalable, l'intention de vivre ensemble de façon permanente et le non-recours aux
fonds publics pour subvenir aux besoins du couple.
b) Les enfants
Seuls les enfants mineurs, à charge, et qui ne vivent pas de façon indépendante, peuvent
bénéficier du regroupement familial. Le regroupement concerne généralement aussi bien les enfants
naturels, issus du mariage ou nés hors mariage, que les enfants adoptifs. Cependant, certains pays
exigent que l'adoption soit reconnue par leur législation.
L'Allemagne et le Royaume-Uni sont particulièrement stricts pour ce qui concerne le
regroupement des enfants : les deux parents doivent en effet résider légalement dans le pays. De
plus, en Allemagne, la limite d'âge au-delà de laquelle les enfants n'ont plus le droit d'immigrer pour
raisons familiales est fixée à seize ans.
A l'opposé, les enfants majeurs peuvent, à titre exceptionnel, obtenir le droit de venir
rejoindre leurs parents lorsqu'ils parviennent à établir leur dépendance financière et la nécessité du
regroupement. Les Pays-Bas sont le pays le plus libéral à cet égard.
c) Les autres membres de la famille
Les possibilités de regroupement familial élargi sont très limitées. Elles concernent surtout
les ascendants dans la mesure où, dépendant financièrement d'un enfant installé en Europe, ils sont
seuls dans leur pays d'origine. L'Espagne, l'Italie et les Pays-Bas sont les trois pays qui admettent le
plus volontiers l'immigration des ascendants.
Dans tous les pays, les règles du regroupement familial se sont compliquées et se sont
durcies avec le temps. La Belgique en fournit un bon exemple. En 1984, elle a introduit deux
règles particulièrement restrictives :
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- l'interdiction des regroupements familiaux en cascade, ce qui empêche un étranger qui aurait
bénéficié du regroupement familial de faire venir sa famille ;
- l'interdiction des regroupements familiaux répétés, ce qui oblige tout étranger à réaliser sur
deux années civiles toutes les opérations de regroupement autour de sa personne.
II - LES REFORMES DES PROCEDURES D'OCTROI DU DROIT D'ASILE PORTENT
SUR L'ACCELERATION DE L'EXAMEN DES DEMANDES ET SUR LA LUTTE
CONTRE LES DETOURNEMENTS
1) Tous les pays sous revue ont récemment modifié leur loi sur le droit d'asile, à
l'exception de l'Italie qui s'apprête elle-même à le faire.
Confrontés au flux croissant des demandeurs, tous les pays européens ont eu le souci depuis
cinq ans de réformer leur loi sur le droit d'asile dans l'espoir de limiter le nombre des demandes et
d'accélérer leur traitement.
En Allemagne, la réforme remonte à 1993. Elle a d'abord concerné la loi fondamentale : le
principe selon lequel " les persécutés politiques jouissent de l'asile " a été complété par des
dispositions permettant d'exclure certaines catégories de demandeurs du bénéfice du droit d'asile. La
réforme constitutionnelle a permis l'adoption d'une nouvelle loi sur la procédure d'asile. Elle
définit quelques cas dans lesquels la demande d'asile est présumée " manifestement infondée ", et
donc examinée selon une procédure simplifiée.
La loi belge de 1980 sur les étrangers a été amendée à de nombreuses reprises depuis son
entrée en vigueur. En ce qui concerne le droit d'asile, les principales modifications ont été
adoptées en 1993 et en 1996. L'évolution s'est notamment traduite par un élargissement des motifs
d'irrecevabilité, ces derniers se rapportant de plus en plus au fond de la demande.
En 1994, l'Espagne a profondément réformé sa loi de 1984 sur l'asile, essentiellement
pour pouvoir rejeter rapidement les demandes injustifiées ou fondées sur des déclarations fausses.
Aux Pays-Bas, les dispositions relatives au droit d'asile sont contenues dans la loi de 1965
sur les étrangers, amendée plusieurs fois depuis son entrée en vigueur. Les Pays-Bas sont, grâce
aux modifications adoptées en 1993, 1994 et 1995, parvenus à mettre en place un dispositif calqué
sur le modèle allemand.
Cherchant à simplifier la procédure d'asile, le Royaume-Uni a, en 1993 et 1996, légiféré sur
cette question, d'abord en généralisant le droit de recours, puis en créant une procédure d'appel
accélérée, applicable dans certains cas seulement.
En Italie, c'est la loi de 1990 sur les étrangers qui régit le droit d'asile. Cependant, un projet
de loi a été déposé au Sénat en septembre 1997. Son principal objectif consiste à accélérer le
traitement des demandes par l'introduction d'une procédure de pré-examen permettant de rejeter une
partie des demandes.
2) Toutes les réformes visent à simplifier et à accélérer l'examen des demandes et à
empêcher les détournements du droit d'asile.
Toutes les réformes présentent de nombreux points communs. Les plus importants sont :
- la multiplication des procédures préalables d'examen de la recevabilité permettant de rejeter
une partie des demandes avant l'examen au fond ;
- les obstacles mis à l'entrée rapide des postulants dans le pays dont ils demandent l'asile, afin
de limiter les détournements ;
- l'expulsion sans délai des demandeurs déboutés, dans le même but.
a) La multiplication des procédures d'examen de la recevabilité
Les nouvelles législations, de même que le projet italien, tendent toutes à éliminer une partie
des demandes avant l'examen au fond. En effet, le motif de la demande est désormais analysé dès
la phase de recevabilité.
Si le vocabulaire diffère d'un pays à l'autre (vérification de la recevabilité, pré-examen, étude
de l'admissibilité, examen du fondement...), tous les textes comportent deux règles permettant de
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rejeter rapidement une partie des demandes : le principe du pays de premier asile et la notion de
" demande manifestement infondée ".
Le principe du pays de premier asile
Ce principe, qui constitue un élément décisif de la convention d'application des accords
de Schengen, établit la responsabilité d'un seul des Etats parties à cette convention pour l'examen
des demandes. En conséquence, les demandeurs peuvent être renvoyés dans le pays où ils ont
arrivés en premier lieu.
Tous les pays sous revue rejettent donc les demandes dont l'examen, en application de ce
principe, ne leur revient pas. Les lois belge et espagnole, ainsi que le projet de loi italien, reprennent
ce principe général : ils excluent explicitement les demandes dont l'examen relève de la compétence
d'un autre Etat en vertu des conventions internationales qui les lient.
En revanche, les lois allemande, anglaise et néerlandaise ont adopté la théorie des " pays tiers
sûrs ". Elles comportent une liste de ces pays, réputés observer les prescriptions des principaux
textes internationaux sur les droits de l'homme. Tous les demandeurs d'asile qui ont transité par un
de ces pays y sont renvoyés.
Les " demandes manifestement infondées "
La définition des " demandes manifestement infondées " n'est pas la même dans tous les pays,
mais l'expression recouvre à la fois les demandes frauduleuses (usurpations d'identité, papiers
falsifiés, demandes fondées sur des déclarations fausses...) et celles qui ne correspondent pas aux
critères de la reconnaissance de la qualité de réfugié énoncés par l'article premier (1(*)) de la
convention de Genève.
Les demandes présumées manifestement infondées sont examinées selon une procédure
accélérée, à l'issue de laquelle les postulants sont rapidement expulsés, même s'ils peuvent
bénéficier d'un droit de recours.
Parmi les demandes manifestement infondées, il convient de faire une place particulière à
celles qui sont ainsi qualifiées en raison du pays d'origine du postulant. En effet, si plusieurs pays
évoquent l'absence de justification de la demande par rapport à l'article premier de la convention de
Genève, l'Allemagne, les Pays-Bas et le Royaume-Uni ont établi une liste de " pays d'origine
sûrs ", dont tous les ressortissants sont présumés ne pas pouvoir se prévaloir du droit d'asile. Ces
listes ne comportent pas tous les pays qui sont supposés respecter les droits de l'homme, mais
seulement ceux dont est originaire une fraction importante des demandeurs d'asile. On ne peut donc
pas en conclure que les pays qui ne figurent pas sur cette liste sont automatiquement considérés
comme non sûrs.
b) La lutte contre les détournements de la procédure d'asile
Les obstacles à l'entrée immédiate des postulants
Auparavant, les postulants pouvaient séjourner dans le pays auquel ils demandaient l'asile
pendant toute la durée d'examen de leur dossier.
Cette règle ne s'appliquait cependant pas au Royaume-Uni où les services de l'immigration
ont depuis longtemps la possibilité de placer en rétention les demandeurs d'asile et de n'accorder
l'admission temporaire que lorsqu'il paraît vraisemblable que " l'individu se conformera à toutes les
restrictions imposées ".
Plusieurs lois subordonnent désormais l'entrée dans le pays à la recevabilité de la demande.
C'est le cas en Belgique, en Espagne et aux Pays-Bas. Le projet de loi italien prévoit une disposition
analogue.
Il en va de même en Allemagne quand la procédure dite des aéroports s'applique, c'est-à-dire
lorsque l'étranger arrive par voie aérienne et que, de plus, il vient d'un " pays d'origine sûr " ou est
sans papiers.
Dans tous ces cas, l'étranger est placé en rétention aussi longtemps qu'il n'a pas été statué au
fond sur sa demande.
L'expulsion sans délai des demandeurs déboutés
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Les demandeurs déboutés, soit parce que leur demande a été considérée comme irrecevable,
soit parce que l'asile leur a été refusé à l'issue de la procédure normale d'examen, doivent quitter
rapidement le pays.
Lorsque la décision d'expulsion est consécutive à l'irrecevabilité de la demande, elle doit être
exécutée très rapidement, dans un délai inférieur à une semaine en général. De plus, les recours
déposés contre de telles décisions, lorsqu'ils sont possibles, sont le plus souvent non suspensifs.
Lorsque les dossiers sont examinés au fond selon la procédure normale et qu'ils sont
finalement rejetés, le délai dont dispose le demandeur débouté pour quitter le pays est plus long. Les
lois allemande et néerlandaise offrent les délais les plus longs : un mois.
Dans tous les pays, le demandeur peut déposer un recours contre la décision de rejet.
Toutefois, en Espagne, ce recours n'a aucun effet suspensif. Il en va de même aux Pays-Bas où le
recours n'est en principe pas suspensif, à moins que la décision de rejet ne l'indique expressément.
Pour ne pas être expulsé, le demandeur débouté peut cependant présenter une requête en vue d'une
mesure provisoire. De même, le projet de loi italien prévoit que le demandeur débouté puisse saisir
le tribunal administratif régional et demander un permis de séjour pour " raisons de justice ", car le
recours auprès du tribunal administratif n'a pas d'effet suspensif.
En revanche, en Allemagne, en Belgique et au Royaume-Uni, le demandeur débouté ne peut
pas être expulsé tant que son recours n'a pas été examiné.
Le caractère suspensif du recours en Belgique et au Royaume-Uni doit cependant être
tempéré. En effet, en Belgique, les demandeurs déboutés de façon définitive peuvent être mis en
détention pendant une période de deux mois, susceptible d'être prolongée pour atteindre finalement
huit mois. Il en va de même au Royaume-Uni, où le demandeur débouté peut voir la durée de son
titre de séjour provisoire raccourcie, sans pouvoir exercer de recours contre cette décision. Le
demandeur débouté peut alors être placé en détention.
III - LA LUTTE CONTRE L'IMMIGRATION CLANDESTINE CONSTITUE UNE
PRIORITE DANS TOUS LES PAYS ETUDIES SAUF L'ESPAGNE
En Allemagne, en Belgique, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni, le dispositif de lutte contre
l'immigration clandestine s'est diversifié et alourdi au cours des dernières années.
Les principales mesures, communes à tous ces pays, sont :
- la création de nouvelles infractions relatives à l'entrée irrégulière ;
- l'aggravation des sanctions préexistantes ;
- le renforcement de la lutte contre le travail clandestin ;
- la multiplication des obligations imposées aux transporteurs.
Ainsi, la loi anglaise de 1996 sur l'immigration et l'asile crée de nouvelles infractions, parmi
lesquelles le fait d'héberger un étranger en situation irrégulière. Cette infraction est punie de la
même façon que l'entrée ou le séjour irréguliers (amende pouvant atteindre 50.000 francs et/ou
peine de prison d'au plus six mois). De plus, les fonctionnaires du service de l'immigration peuvent
désormais arrêter sans mandat toute personne qu'ils soupçonnent d'être entrée ou de séjourner
irrégulièrement, ou de s'être procurée frauduleusement un titre de séjour.
De même, l'Allemagne a modifié en octobre 1997 sa loi sur les étrangers : désormais la
simple tentative d'entrée irrégulière est punie, et l'aide à l'entrée clandestine d'étrangers est passible
d'une peine de prison de cinq ans dès qu'elle concerne plusieurs personnes. L'ancienne formulation
prévoyait cette peine seulement si l'immigration clandestine concernait plus de cinq personnes, ce
qui avait encouragé le développement de filières organisées qui ne faisaient entrer que cinq
personnes à la fois.
La lutte contre le travail clandestin a été renforcée dans tous les pays. Ainsi aux Pays-Bas,
depuis 1993, l'embauche d'étrangers en situation irrégulière n'est plus une contravention mais un
délit, et les sanctions applicables aux employeurs ont été alourdies. Parallèlement, les étrangers ne
peuvent plus se faire attribuer le numéro d'identification sociale et fiscale, nécessaire à toute
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embauche, sans que les services de l'immigration soient consultés, ce qui empêche les étrangers en
situation irrégulière d'obtenir ce numéro. De plus, la loi sur l'obligation de justifier son identité,
entrée en vigueur le 1er juin 1994, contraint toute personne âgée de plus de douze ans présente sur le
territoire néerlandais à justifier son identité en cas de vérification. Or, des contrôles peuvent être
notamment organisés sur le lieu de travail.
L'Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas et le Royaume-Uni obligent les transporteurs à
vérifier que les passagers qu'ils amènent sur leur territoire ont les documents requis pour l'entrée
dans le pays. En cas de non-respect de cette obligation, des sanctions leur sont imposées (amendes
et réacheminement dans le pays d'origine aux frais de la compagnie). La Belgique et le RoyaumeUni ont récemment étendu cette obligation aux passagers en transit.
En Italie, le projet de loi sur l'immigration, en cours d'examen par le Parlement italien, se fixe
comme principal objectif la lutte contre l'immigration clandestine, en rendant possible l'expulsion
réelle des étrangers en situation irrégulière.
A l'opposé, la lutte contre l'immigration clandestine ne constitue pas une priorité en Espagne.
Le code pénal permet certes de lutter contre le travail clandestin. Par ailleurs, l'entrée ou le séjour
irréguliers, le travail sans permis, ainsi que le fait de favoriser les situations de clandestinité sont
sanctionnés, mais de façon peu importante.
L'examen qui précède met en évidence la convergence de toutes les politiques d'immigration
et d'asile. Le résultat de ces politiques a été récemment dégagé par l'INED, dans la livraison de
décembre 1997 du bulletin " Population et sociétés " : " alors que le solde migratoire pour
l'ensemble de l'Union avait été inférieur à 500.000 personnes par an durant les années 1985-1989,
il dépasse le million par an au cours des années 1990-1994 (avec 1,3 million en 1992, chiffre
record). Même si ces chiffres sont importants, il ne correspondent pas au raz-de-marée parfois
redouté en 1990 : le renforcement de l'appareil législatif et réglementaire destiné à freiner
l'immigration, la multiplication des contrôles de la part des pays d'accueil ont sensiblement limité
l'afflux d'immigrants, en provenance notamment d'Europe de l'Est ".
LES PRINCIPAUX TEXTES
ALLEMAGNE
La loi du 9 juillet 1990 sur l'entrée et le séjour des étrangers sur le territoire fédéral, a été
modifiée plusieurs fois. L'ordonnance du 18 décembre 1990, également modifiée à plusieurs
reprises, est le principal texte réglementaire.
Après que les groupes politiques représentés au Bundestag se furent mis d'accord en décembre 1992
sur un compromis, le droit d'asile a été profondément réformé en 1993. Il est régi par l'article 16a
de la loi fondamentale, introduit par la révision constitutionnelle du 28 juin 1993, et par la loi sur
la procédure d'asile du 27 juillet 1993, modifiée ultérieurement.
BELGIQUE
La loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement
des étrangers, dite loi Moureaux, a été amendée à de multiples reprises. Depuis son entrée en
vigueur, elle a en effet connu seize modifications, parmi lesquelles dix résultent de réformes
législatives. Les autres amendements à la loi Moureaux ont été apportés par des arrêtés royaux ou
par des arrêts de la Cour d'arbitrage. Les dernières modifications ont été introduites par les lois du
10 et du 15 juillet 1996. Un texte coordonné rassemble l'ensemble des dispositions législatives
applicables aux étrangers.
L'arrêté royal du 8 octobre 1981 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et
l'éloignement des étrangers, également modifié en décembre 1996, constitue le principal texte
réglementaire applicable dans ce domaine.
Les dispositions sur le droit d'asile sont incluses dans la législation générale sur les étrangers.
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ESPAGNE
La loi organique n° 7 du 1er juillet 1985 sur les droits et libertés des étrangers en Espagne
détermine les principes généraux relatifs à l'entrée et au séjour des étrangers. Ils sont développés par
son règlement d'exécution, qui a été approuvé par le décret royal n° 155 du 2 février 1996.
Abrogeant le précédent décret, qui datait de mai 1986, ce nouveau texte prétend assurer une
meilleure intégration sociale et professionnelle des étrangers en situation régulière et renforcer le
contrôle aux frontières.
Le droit d'asile est régi par d'autres textes. La loi n° 5 du 26 mars 1984, modifiée en mai 1994
pour accélérer l'examen des demandes et empêcher les détournements, pose les principes. Elle est
entrée en vigueur en juin 1994 et a été complétée par le décret royal n° 203 du 10 février 1995.
ITALIE
La loi n° 39 du 28 février 1990, dite loi Martelli, qui a converti, en le modifiant, un décret-loi de
1989, comporte les dispositions applicables à l'entrée et au séjour des étrangers en Italie, ainsi qu'au
droit d'asile.
Depuis son entrée en vigueur, plusieurs décrets-lois portant dispositions urgentes en matière
d'immigration ont été publiés sans être transformés en lois dans le délai prescrit. Tous avaient une
durée de validité limitée à deux mois, mais certains ont été renouvelés plusieurs fois. Depuis
plusieurs années, le droit de l'immigration est donc régi par une succession de textes provisoires. Il
y a quelques mois, le gouvernement a cependant réussi à mettre au point un projet de loi-cadre.
Le projet de loi 3240 sur l'aménagement de l'immigration et sur la condition des étrangers est
actuellement discuté par le Parlement : déposé à la Chambre des députés 19 février 1997, il y a été
adopté le 19 novembre 1997 et doit désormais être examiné par le Sénat.
Il se fixe trois objectifs :
- empêcher l'immigration clandestine et l'exploitation criminelle des flux migratoires ;
- programmer et limiter les entrées régulières ;
- faciliter l'intégration des étrangers séjournant régulièrement en Italie.
Par ailleurs, le gouvernement a également préparé un projet de loi sur le droit d'asile. Il a été
déposé au Sénat en septembre 1997 sous le n° 2425.
PAYS-BAS
Les règles relatives à l'entrée et au séjour des étrangers sont déterminées par la loi sur les étrangers
du 13 janvier 1965, plusieurs fois modifiée, notamment depuis 1992.
Les principales mesures réglementaires sont contenues dans l'arrêté sur les étrangers du
19 septembre 1966, modifié plusieurs fois.
Les dispositions sur le droit d'asile sont incluses dans la loi sur les étrangers.
ROYAUME-UNI
L'entrée et le séjour des étrangers au Royaume-Uni sont régis par l'Immigration Act de 1971 et
l'Immigration Act de 1988, modifiés depuis leur adoption. La loi de 1988 traite essentiellement du
contrôle de l'immigration.
Une loi de 1987, l'Immigration (Carriers' Liability) Act établit la responsabilité des compagnies
aériennes et maritimes qui transportent des étrangers dépourvus de papiers en règle.
Les dispositions générales relatives au droit d'asile étaient, jusqu'à il y a quelques années, contenues
dans les lois sur l'immigration sans qu'aucun texte législatif ne précise la procédure d'examen des
demandes. En effet, celles-ci suivaient un processus administratif informel, tandis que la procédure
d'appel était régie par un texte réglementaire. Deux lois adoptées récemment, l'Asylum and
Immigration Appeals Act de 1993 et l'Asylum and Immigration Act de 1996, généralisent le droit
d'appel des demandeurs d'asile déboutés et encadrent les possibilités d'appel. La loi de 1996
contient également quelques dispositions sur la lutte contre l'immigration clandestine.
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De façon générale, ces dispositions s'appliquent seulement aux étrangers qui ne
bénéficient pas du droit de résider au Royaume-Uni, droit qui permet de venir vivre et travailler
au Royaume-Uni sans restriction et sans être soumis aux dispositions sur l'immigration.
En effet, outre les citoyens britanniques, certains citoyens du Commonwealth qui
possédaient le droit de résider au Royaume-Uni avant le 1er janvier 1983, date d'entrée en vigueur
de la loi de 1981 sur la nationalité, continuent à en bénéficier.
Pour cela, il faut que ce droit résulte de l'une des conditions suivantes :
- l'un des parents (naturel ou adoptif) était né au Royaume-Uni ou dans les colonies ;
- l'un des parents (naturel ou adoptif) était, au moment de la naissance ou de l'adoption,
citoyen du Royaume-Uni ou des colonies ;
- dans le cas d'une femme mariée, son mari appartenait à l'une des deux catégories
précédentes.
LA DEFINITION DU REGROUPEMENT FAMILIAL
ALLEMAGNE
1) La reconnaissance de principe
La loi de 1990 sur l'entrée et le séjour des étrangers précise que le regroupement familial
constitue un droit qui se fonde sur la protection constitutionnelle offerte au mariage et à la
famille. L'article 6 de la loi fondamentale énonce en effet : " Le mariage et la famille bénéficient de
la protection particulière de l'ordre politique ".
En règle générale, la reconnaissance du droit au regroupement familial se traduit par
l'attribution d'un permis de séjour d'une durée limitée aux membres de la famille. De plus, ce
permis est lié à la présence en Allemagne de la personne autour de laquelle s'effectue le
regroupement. Les permis à durée limitée obtenus au titre du regroupement familial peuvent
ensuite, le cas échéant, et sous réserve du respect de certaines conditions (durée minimale de séjour,
maîtrise de la langue allemande...), être transformés en permis à durée illimitée.
Les modifications apportées à la loi de 1990 ont multiplié les restrictions au regroupement
familial. Les principes généraux s'accompagnent de nombreuses exceptions. On s'est efforcé de ne
décrire que les grandes lignes.
2) Les conditions
De façon générale, le regroupement familial est subordonné à quatre conditions.
La personne qui demande à en bénéficier pour entrer en Allemagne ne doit pas être passible
d'expulsion.
L'étranger autour duquel s'effectue le regroupement doit être titulaire soit d'un permis de
séjour, d'une durée limitée ou non, soit d'un droit de séjour permanent, soit d'un titre de
séjour exceptionnel (accordé pour des raisons humanitaires ou politiques), soit d'un titre de
séjour particulier (attribué pour une durée limitée sans possibilité de prolongation et dans un but
précis : stage, études...).
Il doit disposer d'un logement suffisamment spacieux, c'est-à-dire correspondant aux normes
des logements locatifs publics, les critères d'appréciation devant être les mêmes que ceux utilisés
pour les Allemands. Cette condition n'a pas besoin d'être remplie dans le cas d'un étranger à qui le
droit d'asile a été reconnu.
Il doit pouvoir subvenir lui-même aux besoins de sa famille, par quelque moyen que ce soit
(revenus professionnels ou autres ressources personnelles) (2(*)). Si l'étranger autour de qui
s'effectue le regroupement détient un titre de séjour particulier, les prestations de l'aide sociale ne
peuvent pas être prises en compte lors du calcul des ressources.
Même si toutes ces conditions sont remplies, le regroupement familial peut être refusé si
l'étranger a recours à l'aide sociale pour subvenir aux besoins d'autres étrangers membres de sa
famille installés en Allemagne ou d'autres personnes vivant sous son toit, dans la mesure où
l'entretien de ces personnes lui incombe.
10
3) Les personnes concernées
a) Le conjoint
En règle générale, le conjoint d'un étranger est admis à séjourner en Allemagne si lui-même
remplit l'une des quatre conditions suivantes :
- le droit d'asile lui a été reconnu ;
- il a un droit de séjour permanent ;
- il n'a qu'un permis de séjour de durée limitée, mais le lien conjugal existait au moment de
l'entrée en Allemagne et il a été mentionné lors de la demande du permis ;
- il a un permis de séjour d'une durée illimitée, est né en Allemagne ou y est arrivé enfant, y a
séjourné de façon régulière pendant au moins huit ans, et est majeur.
Par ailleurs, le conjoint peut se voir accorder un permis de séjour autonome si son époux
décède ou si les époux ont réellement mené une vie conjugale commune pendant quatre ans. Cette
condition de durée est assouplie (trois ans seulement) lorsque les époux mettent fin à leur vie
commune et que le fait de ne pas accorder au conjoint un permis de séjour autonome constituerait
un grave préjudice pour lui.
b) Les enfants
Les enfants mineurs et célibataires d'un bénéficiaire du droit d'asile ont droit à un permis de
séjour.
Dans les autres cas, pour que les enfants d'un étranger résidant en Allemagne aient droit à un
permis de séjour, il faut que les conditions suivantes soient remplies :
- que les deux parents (un seul en cas de décès) aient un permis de séjour ;
- que les enfants aient moins de seize ans.
Lorsqu'ils atteignent l'âge de seize ans, les enfants ont droit à un permis de séjour autonome
à condition de posséder un permis au titre du regroupement familial depuis 8 ans. Pour les enfants
arrivés en Allemagne trop tard pour pouvoir bénéficier de cette disposition, le permis autonome est
attribué au moment de la majorité, mais seulement si certaines conditions sont remplies (présence
depuis 8 ans en Allemagne, maîtrise de la langue, autonomie financière ou formation en cours).
c) Les autres membres de la famille
Un permis de séjour peut leur être accordé lorsque c'est nécessaire pour éviter une situation
d'une " dureté extraordinaire ".
Cette possibilité est exclue pour les détenteurs d'un titre de séjour exceptionnel ou particulier.
Selon que l'intéressé est mineur ou majeur, on utilise les critères applicables au conjoint ou
aux enfants.
En pratique, le regroupement familial concerne essentiellement les Turcs : en 1996,
14.000 conjoints et 1.800 enfants sont entrés en Allemagne au titre du regroupement familial.
La coalition CDU-CSU réfléchit depuis plusieurs années aux moyens susceptibles de limiter
l'ampleur du regroupement familial : il est ainsi envisagé d'abaisser à 10 ans, au lieu de 16 ans
actuellement, l'âge limite pour les enfants, d'instaurer un délai d'attente de deux ans après le mariage
ainsi qu'un test linguistique pour les conjoints. Cependant, la protection constitutionnelle offerte par
l'article 6 de la loi fondamentale limite ces tentatives : la Cour constitutionnelle a estimé par
exemple qu'un délai d'attente de trois ans pour les conjoints était démesuré.
BELGIQUE
1) La reconnaissance de principe
Les dispositions relatives au regroupement familial sont contenues dans la loi sur l'accès au
territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers.
C'est la loi de 1980 qui a généralisé à l'ensemble des étrangers, travailleurs ou non, le droit au
regroupement familial.
11
Elle fonde ce droit sur un principe dérogatoire au droit commun des étrangers : la famille
d'un étranger autorisé ou admis à séjourner ou à s'établir en Belgique est admise de plein
droit à séjourner.
La durée du permis initial accordé aux membres de la famille varie en fonction du statut de
l'étranger en Belgique, mais ceux qui obtiennent à leur arrivée un titre de séjour d'une durée limitée
peuvent obtenir un titre de séjour d'une durée illimitée au bout d'un an si les résultats de l'enquête
menée par l'Office des étrangers (3(*)) ne s'y opposent pas.
2) Les conditions
L'étranger autour de qui s'effectue le regroupement familial doit posséder un titre de séjour
d'une durée supérieure à trois mois.
La loi du 28 juin 1984 a introduit l'interdiction du regroupement familial en cascade.
L'étranger qui a lui-même bénéficié des dispositions relatives au regroupement familial pour
s'installer en Belgique ne peut pas faire venir sa famille.
La cohabitation est une condition du regroupement familial. Son non-respect justifie le refus
de séjour. Cette condition est interprétée très strictement pour le conjoint : l'octroi d'une autorisation
de séjour d'une durée illimitée est subordonné à une cohabitation effective et durable pendant la
première année (4(*)), au cours de laquelle des contrôles ont lieu.
La loi du 28 juin 1984 a introduit l'interdiction des regroupements répétés : passées l'année
civile au cours de laquelle le droit au regroupement familial a été utilisé et l'année suivante, aucune
immigration par regroupement familial ne peut plus avoir lieu autour du même étranger, sauf
autorisation expresse.
Les dispositions relatives au regroupement familial ne peuvent pas être invoquées par les
membres de la famille d'un étudiant étranger bénéficiaire d'un titre de séjour de plus de trois mois, à
moins que celui-ci ne prouve qu'il dispose de moyens de subsistance et d'un logement suffisants.
Les amendements successifs apportés à la loi de 1980 ont limité l'ampleur du regroupement
familial en en modifiant les conditions :
- la loi du 28 juin 1984 a abaissé de 21 ans à 18 ans l'âge limite pour les enfants ;
- elle a également introduit l'interdiction du regroupement familial en cascade ainsi que les
regroupements répétés ;
- la loi du 6 août 1993 a introduit la condition d'âge pour les conjoints.
3) Les personnes concernées
Le droit au regroupement familial concerne les personnes suivantes :
- le conjoint étranger, à condition que les deux époux soient âgés de plus de dix-huit ans et
qu'ils vivent ensemble ;
- leurs enfants à charge et âgés de moins de dix-huit ans, à condition que l'étranger exerce
l'autorité parentale et que le lien de filiation soit reconnu par la loi belge, ce qui exclut par exemple
les adoptions prononcées à l'étranger ;
- indépendamment de leur âge, leurs enfants handicapés et à charge à condition que le
handicap soit constaté par un médecin agréé et que l'étranger prouve qu'il dispose des moyens de
subsistance et d'un logement suffisants.
Bien que la loi vise la cellule familiale au sens restreint et exclue les enfants majeurs, les
ascendants et les collatéraux, ceux-ci peuvent bénéficier du pouvoir discrétionnaire d'accorder des
permis de séjour dont dispose le ministre de la Justice en vertu de l'article 9-3 de la loi.
ESPAGNE
Si l'on excepte le cas particulier des titulaires du droit d'asile, les dispositions relatives au
regroupement familial sont contenues dans le règlement d'exécution de la loi organique de 1985.
Elles ont été précisées par une résolution du 15 février 1994 des trois ministères de l'Intérieur, des
Affaires sociales, et du Travail et de la sécurité sociale.
12
1) La reconnaissance de principe
La loi organique de 1985 reconnaît aux étrangers les mêmes droits fondamentaux qu'aux
Espagnols. En conséquence, son règlement d'exécution prescrit que " les membres de la famille des
étrangers qui résident légalement en Espagne pourront résider avec eux (...) ".
La reconnaissance du droit au regroupement familial se traduit par l'attribution d'un titre de
séjour dont la durée dépend de celle du titre de la personne autour de laquelle s'effectue le
regroupement.
2) Les conditions
L'étranger autour duquel s'effectue le regroupement familial doit " résider légalement " en
Espagne. La résolution de 1994, consécutive à un accord pris en conseil des ministres le
12 novembre 1993, prévoit que seuls les étrangers qui résident légalement en Espagne depuis
plus d'un an et dont le permis de séjour a déjà été renouvelé peuvent bénéficier des dispositions
relatives au regroupement familial.
La cohabitation est une condition du regroupement familial : ses bénéficiaires doivent vivre
avec la personne autour de laquelle se fait le regroupement.
La résolution de 1994 prescrit que, si l'étranger détient un permis de travail, il faut que ce
permis ait déjà été renouvelé.
Elle prévoit également que le regroupement puisse être subordonné à un examen d'ensemble
de la situation de l'étranger, notamment pour vérifier la stabilité et l'importance de ses ressources
financières. C'est pourquoi l'étranger autour duquel s'effectue le regroupement doit fournir des
justificatifs de revenu et d'affiliation à la sécurité sociale. Il doit également apporter la preuve que
son logement est suffisamment spacieux.
3) Les personnes concernées
Les personnes susceptibles d'être concernées sont les suivantes :
- le conjoint non séparé à condition que le mariage n'ait pas été conclu en fraude et que
l'étranger ne réside pas déjà avec un autre conjoint, ce qui exclut les cas de polygamie ;
- les enfants mineurs, non mariés, qui n'ont pas créé d'unité familiale indépendante et ne
mènent pas une vie indépendante ;
- les incapables ou les mineurs dont le représentant légal est le résident étranger .
- les ascendants s'ils dépendent économiquement du résident étranger et qu'il existe " des
raisons qui justifient la nécessité d'autoriser leur résidence en Espagne ".
Un titre de séjour indépendant est octroyé :
- aux enfants lorsqu'ils atteignent la majorité ;
- à l'époux qui obtient un permis de travail, ou certifie avoir vécu en Espagne deux ans avec
son conjoint, ou dont le conjoint décède.
Pour les titulaires du droit d'asile, la situation diffère. En effet, le droit d'asile est étendu
aux ascendants et aux descendants du premier degré, au conjoint non séparé ou au concubin stable.
L'extension est automatique sauf pour les enfants majeurs ou indépendants : ces situations sont
appréciées individuellement.
ITALIE
La loi Martelli
Le projet 3240
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Elle ne comporte aucune disposition relative au
regroupement familial.
1) La reconnaissance de principe
Il reconnaît que le regroupement familial
constitue un droit pour les étrangers détenteurs
Elle énonce seulement à l'article 2 que la famille d'un titre de séjour dont la durée de validité n'est
peut constituer un motif justifiant l'entrée
pas inférieure à un an.
13
d'étrangers qui ne sont pas ressortissants d'un
Etat membre de la Communauté.
Les décrets-lois successifs prévoient que les
étrangers titulaires d'un titre de séjour d'au
moins deux ans peuvent obtenir un titre de
séjour de deux ans pour leur conjoint et leurs
enfants mineurs, à condition de disposer d'un
logement adéquat et d'un revenu suffisant.
Il précise que, dans toutes les procédures
administratives et judiciaires liées à la mise en
oeuvre de ce droit, il convient de " prendre en
considération, de façon prioritaire, l'intérêt
supérieur de l'enfant ".
2) Les limites
L'étranger autour duquel s'effectue le
regroupement familial doit être titulaire d'un titre
de séjour dont la durée de validité n'est pas
inférieure à un an. Ce titre doit avoir été délivré
pour des raisons professionnelles.
Sauf s'il s'agit d'un réfugié, l'étranger qui fait
venir sa famille doit disposer :
- d'un logement satisfaisant aux critères
minimaux utilisés pour la construction des
logements publics ;
- d'un revenu annuel obtenu de façon licite et
dont le montant dépasse un certain plancher, fixé
par référence à la législation sociale et variable
selon le nombre de personnes concernées par le
regroupement familial.
3) Les personnes concernées
a) Le conjoint non séparé en droit
b) Les enfants mineurs à charge et non mariés
Il peut s'agir d'enfants nés hors mariage ou
d'enfants du conjoint à condition que l'autre
parent ait donné son accord. Le regroupement
familial n'est pas réservé aux enfants naturels, les
autres (enfants adoptés, confiés en garde...)
peuvent également en bénéficier.
c) Les parents à charge
d) Les membres de la famille jusqu'au troisième
degré
Cette possibilité n'est ouverte que si ces
personnes sont à la charge de l'étranger installé
en Italie, et inaptes au travail selon les critères
du législateur italien.
14
PAYS-BAS
La loi ne comporte aucune disposition sur le regroupement familial, qui est donc régi par
la circulaire sur les étrangers et par la jurisprudence. On distingue le regroupement familial de la
" formation de famille ", selon que le mariage a lieu avant ou après l'installation de l'étranger aux
Pays-Bas. Les dispositions applicables sont presque identiques. La principale différence entre les
deux régimes concerne les titulaires du droit d'asile, qui ne peuvent faire venir aux Pays-Bas sans
conditions les membres de leur famille que si celle-ci existait avant leur admission comme réfugiés
dans le pays.
1) La reconnaissance de principe
L'étranger qui réside légalement aux Pays-Bas et qui détient un titre de séjour, d'une durée
limitée ou illimitée, a le droit de faire venir aux Pays-Bas certains membres de sa famille, à
condition qu'ils disposent d'un passeport et n'aient aucun passé criminel.
Ils obtiennent alors un permis de séjour valable un an renouvelable.
2) Les conditions
L'étranger qui souhaite fonder un foyer aux Pays-Bas doit y résider depuis au moins trois ans.
Cette condition n'est pas exigée pour le regroupement familial.
Celui-ci est subordonné à deux conditions principales : le logement et les revenus. Les
conditions de revenu et de logement ne s'appliquent pas lorsque l'étranger est titulaire du droit
d'asile, à moins que le regroupement ne concerne d'autres personnes que le conjoint et les enfants
mineurs.
a) Le logement
Quel que soit le statut de l'étranger autour duquel se fait le regroupement, le logement dont il
dispose doit être suffisamment vaste.
b) Les revenus
L'appréciation des revenus diffère selon que l'étranger possède un titre de séjour, d'une durée
limitée, ou un permis, d'une durée illimitée. Elle varie aussi en fonction de son âge.
On peut cependant résumer ainsi les dispositions applicables : le montant mensuel des
revenus doit être supérieur à un plancher apprécié par rapport au minimum vital pour une famille,
tel qu'il est défini par la loi sur l'aide sociale (environ 4.000 francs ou 5.500 francs selon que la
durée du titre de séjour est limitée ou illimitée). Ces revenus doivent être stables, c'est-à-dire
garantis pendant au moins un an. Si ce n'est pas le cas, il faut que l'étranger ait travaillé sans
interruption pendant les trois ans précédant la demande pour obtenir le droit de faire venir sa
famille. Il n'est pas exigé que les revenus proviennent du travail. Ils peuvent provenir d'une
prestation sociale (invalidité, chômage, maladie...)
Si l'étranger reçoit une allocation d'aide sociale, le regroupement familial est, en
principe, interdit. Des exceptions peuvent cependant être accordées, par exemple pour des raisons
humanitaires.
Le critère des revenus ne s'applique pas à certaines personnes : chômeurs âgés ou de longue
durée, personnes seules avec de jeunes enfants.
3) Les personnes concernées
a) Le conjoint ou le concubin
Le mariage doit être valable et les époux doivent vivre ensemble. Il n'y a pas de condition
d'âge, sauf si le mariage a lieu aux Pays-Bas : dans ce cas, le citoyen doit être âgé d'au moins dixhuit ans. Si l'étranger à l'origine du regroupement est lui-même venu aux Pays-Bas au titre du
regroupement familial, il doit attendre 3 ans avant de pouvoir faire venir son conjoint ou son
concubin.
Dans le cas de couples non mariés, une relation durable et sérieuse est exigée, les deux
concubins doivent vivre ensemble et produire des certificats de célibat. De plus, l'étranger installé
aux Pays-Bas est responsable des frais de séjour de son concubin : il doit signer une déclaration de
cautionnement, et aucune autre personne ne peut se porter garant, pas même un membre de sa
15
famille. La condition de revenus est appréciée plus sévèrement que pour un couple marié : un
minimum mensuel d'environ 5.500 francs est exigé quelle que soit la durée du titre de séjour de
l'étranger autour de qui s'effectue le regroupement. Le regroupement des couples homosexuels est
admis.
En cas de rupture de la vie commune dans les trois ans qui suivent le regroupement (par
séparation ou par divorce), le titre de séjour est retiré.
A contrario, le conjoint peut obtenir un titre de séjour autonome si le mariage a duré au
moins trois ans et s'il a résidé pendant au moins un an aux Pays-Bas au titre de ce mariage. Le
premier titre de séjour autonome est délivré pour une période d'un an, qualifiée de " période de
recherche d'emploi ", et son renouvellement est subordonné à l'obtention d'un emploi. Les mêmes
règles s'appliquent aux concubins.
b) Les enfants
Ils doivent être âgés de moins de dix-huit ans. Seuls les enfants légitimes, naturels ou
adoptés, sont admis.
Les enfants majeurs peuvent être admis dans la mesure où ils dépendent financièrement de
l'étranger installé aux Pays-Bas et où empêcher leur venue aux Pays-Bas constituerait une mesure
trop rigoureuse. Une déclaration de cautionnement peut être demandée.
Si les enfants se marient ou commencent à mener une vie indépendante de leurs parents dans
l'année qui suit leur installation aux Pays-Bas, le titre de séjour leur est retiré.
Inversement, les enfants obtiennent un titre de séjour autonome au bout d'un an s'ils étaient
mineurs lors de leur arrivée aux Pays-Bas (au bout de trois ans s'ils étaient majeurs).
c) Les ascendants
Ils peuvent être admis au titre du regroupement familial dans certains cas : par exemple s'ils
vivent seuls dans leur pays d'origine, si tous leurs enfants vivent aux Pays-Bas, ou s'ils sont à la
charge de leurs enfants installés aux Pays-Bas. Une déclaration de cautionnement peut être
demandée.
Compte tenu de la facilité qu'ont les titulaires du droit d'asile de faire venir leur famille aux
Pays-Bas, les ambassades ont reçu pour mission de vérifier très rigoureusement la réalité des liens
familiaux entre les personnes qui demandent à bénéficier du regroupement familial et les réfugiés.
ROYAUME-UNI
Le droit au regroupement familial ne figure pas dans la loi. Cependant, les membres de la
proche famille peuvent en bénéficier.
a) Le conjoint ou le concubin
Les époux, ou les futurs époux, doivent s'être déjà rencontrés et avoir l'intention de vivre
ensemble de façon permanente. Ils doivent être capables de subvenir à leurs besoins sans recourir
aux fonds publics. Le mariage ne doit donc pas être un mariage de convenance. La charge de la
preuve pèse sur la personne qui souhaite venir s'installer au Royaume-Uni. De plus, au bout d'une
période d'un an, le couple doit à nouveau prouver le caractère authentique du mariage.
En revanche, la " règle du but premier " (primary purpose rule), a été abrogée en juin 1997,
peu après la formation du gouvernement travailliste. Cette règle, appliquée très strictement par les
fonctionnaires britanniques, imposait au conjoint ou au futur conjoint de prouver que le but premier
du mariage n'était pas l'immigration.
Depuis le 13 octobre 1997, les couples non mariés, hétérosexuels ou homexuels, peuvent
bénéficier du regroupement familial. Les conditions qu'ils doivent remplir sont beaucoup plus
strictes que celles exigées des couples mariés. Ils doivent en effet notamment établir que :
- si l'un des deux partenaires a été précédemment marié, le divorce a été prononcé de façon
définitive ;
- la loi les empêche de se marier, pour des raisons autres que la consanguinité ou l'âge ;
- ils ont vécu maritalement pendant au moins quatre ans.
16
b) Les enfants
Les enfants à charge, âgés de moins de dix-huit ans, peuvent être admis au Royaume-Uni à
condition que leurs deux parents y résident. Si seulement l'un des deux parents réside au
Royaume-Uni, l'enfant n'est admis que si l'autre parent n'a aucune responsabilité dans l'éducation de
l'enfant et si empêcher l'enfant de vivre au Royaume-Uni devait lui porter un préjudice important.
En pratique, les enfants de moins de douze ans dont seulement l'un des parents vit au
Royaume-Uni sont généralement admis. Un examen médical et des tests de filiation peuvent être
exigés.
Aucune différence n'est faite selon le statut des enfants : les enfants adoptifs, les enfants nés
hors mariage ou nés d'un mariage précédent sont assimilés aux enfants du couple marié.
c) Les parents et les grands-parents
Les parents et les grands-parents âgés d'au moins soixante-cinq ans et qui n'ont pas de
famille proche dans leur pays peuvent être admis si leurs enfants ou leurs petits-enfants les aident
financièrement. Il faut donc prouver l'envoi régulier d'argent à l'étranger pour obtenir un permis
pour un ascendant. Dans les faits, ces permis sont rarement délivrés.
d) Les autres membres de la famille
Les autres membres de la famille (frères, soeurs, oncles...) peuvent être admis à s'établir au
Royaume-Uni s'ils vivent seuls dans leur pays et que personne n'est susceptible de les prendre en
charge.
LES RECENTES MODIFICATIONS APPORTEES AUX LEGISLATIONS SUR LE DROIT
D'ASILE
ALLEMAGNE
L'Allemagne a procédé à une réforme de sa législation sur le droit d'asile en 1993. Cette
modification était considérée comme une nécessité compte tenu de l'augmentation du nombre de
demandes d'asile (121.000 en 1989, presque 440.000 en 1992). Or, les demandeurs pouvaient rester
dans le pays pendant la durée d'examen de leur dossier, de plus en plus longue vu l'encombrement
des services administratifs concernés. La réforme a donc consisté à tout mettre en oeuvre pour faire
cesser l'utilisation fréquente du droit d'asile comme moyen détourné d'immigration.
Elle a tout d'abord concerné la loi fondamentale. La deuxième phrase du deuxième alinéa de
l'article 16 : " Les persécutés politiques jouissent de l'asile " a été remplacée par l'article 16a, dont
le premier alinéa reprend sans modification la formulation précédente, conservant ainsi au droit
d'asile son rang de droit fondamental individuel. Cependant, quatre alinéas y ont été ajoutés : ils
excluent certaines catégories de demandeurs d'asile du champ d'application du 1er alinéa et lui
enlèvent donc son caractère universel.
Le législateur a ensuite adopté une loi modifiant les dispositions relatives à la procédure d'asile.
Cette loi, entrée en vigueur le 1er juillet 1993, remplace la loi précédente, qui avait été adoptée en
1982. La nouvelle loi définit un certain nombre de cas dans lesquels la demande d'asile est
présumée " manifestement infondée ", et donc examinée préalablement selon une procédure
simplifiée et accélérée.
L'ensemble des modifications apportées à la loi de 1982 permettent, d'une part, de restreindre
le champ d'application du droit d'asile et, d'autre part, d'écarter dans de nombreux cas la
procédure normale d'examen des demandes, avec toutes les garanties juridictionnelles qu'elle
comporte.
1) Les limitations constitutionnelles du droit d'asile
a) Le concept de " pays tiers sûr "
L'article 16a-2 de la loi fondamentale exclut les demandeurs qui ont transité par un pays
présumé sûr. La même disposition prévoit deux catégories de " pays tiers sûrs " :
17
- les Etats membres de la Communauté européenne, devenue Union européenne ;
- les pays déclarés sûrs, parce que respectant la convention de Genève sur les réfugiés et la
convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. C'est une loi
ordinaire, soumise à l'approbation du Bundesrat, qui détermine la liste de ces pays. La liste, qui
figure en annexe à la loi sur la procédure d'asile, comporte la Finlande, l'Autriche et la Suède,
devenues depuis membres de l'Union, ainsi que la Norvège, la Pologne, la Suisse et la République
tchèque. L'Allemagne est donc complètement entourée de " pays tiers sûrs ". Cette liste ne comporte
pas la totalité des pays respectant les droits de l'homme, mais uniquement ceux par lesquels passent
les demandeurs d'asile. Les éventuelles modifications à la liste de ces pays résultent d'un texte
réglementaire (qui ne nécessite pas l'approbation du Bundesrat) qui devient toutefois caduc s'il n'est
pas confirmé par une loi.
Une personne provenant de l'un de ces pays ne peut se prévaloir de l'article 16a-1 car
elle aurait dû déposer sa demande d'asile dans le pays de transit, quelle que soit la durée de son
séjour dans ce pays. Elle est donc reconduite d'office à la frontière ou dans le " pays tiers sûr "
nonobstant tout recours, et ne bénéficie plus, comme sous l'empire de la loi de 1982, d'une
autorisation provisoire de séjour en Allemagne. Cependant, elle peut déposer un recours en justice
après son retour dans le pays tiers. L'arrivée en provenance d'un " pays tiers sûr " fait donc perdre à
tout demandeur d'asile le bénéfice du droit de séjour en territoire allemand jusqu'à l'épuisement des
recours disponibles.
La notion de pays tiers sûr existait dans la législation antérieure, mais elle n'était opposable au
demandeur d'asile que si ce dernier y avait séjourné plus de trois mois, alors que désormais un
simple passage suffit. Toutefois, si le demandeur est présent sur le territoire de l'Etat tiers sans avoir
la possibilité de déposer une demande d'asile (vol de liaison par exemple), l'article 16a-2 ne peut pas
lui être opposé.
b) Le concept de " pays d'origine sûr "
L'article 16a-3 de la loi fondamentale exclut les demandeurs provenant d'un " pays
d'origine sûr ". Il qualifie ainsi les pays où n'existent ni persécutions politiques ni atteintes aux
droits de l'homme.
La liste de ces pays est fixée par une loi ordinaire soumise à l'approbation du Bundesrat. Elle
comprend la Bulgarie, le Ghana, la Pologne, la Roumanie, le Sénégal, la Slovaquie, la République
tchèque et la Hongrie. Depuis la promulgation de la loi de 1993, la Gambie a été supprimée de la
liste des " pays d'origine sûr ". Le Sénégal l'a aussi été, mais il a été ensuite réintroduit sur cette
liste. Les modifications apportées à cette liste se font selon la même procédure que les
modifications à la liste des " pays tiers sûrs ".
Toute demande d'asile d'un étranger provenant d'un " pays d'origine sûr " doit être
rejetée, comme " manifestement infondée ", et le demandeur doit quitter le territoire dans le
délai d'une semaine.
Cependant, il lui est possible d'engager une action en justice pour prouver le caractère non sûr
de son pays d'origine et de déposer en même temps un recours pour suspendre l'exécution de la
décision de refoulement. Cette possibilité est toutefois limitée : selon les termes de l'article 16a-4 de
la loi fondamentale, les tribunaux ne peuvent suspendre l'exécution de la décision d'expulsion que
s'il y a des " doutes sérieux sur la régularité de la mesure ". De plus, les moyens de preuve qui n'ont
pas été produits par l'intéressé ne sont pas pris en considération, à moins qu'ils ne soient connus du
tribunal ou ne soient de notoriété publique.
Le tribunal rend sa décision sur la demande de sursis dans la semaine qui suit l'expiration du
délai accordé pour quitter le pays. Le tribunal peut prolonger le délai dont il dispose pour rendre sa
décision par tranches d'une semaine, mais seulement en raison de circonstances particulières
(surcharge exceptionnelle par exemple). Quant à la décision sur le caractère non sûr du pays
d'origine, le demandeur doit l'attendre dans son pays.
2) La procédure simplifiée et accélérée
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a) Les demandes " manifestement infondées "
La notion de demande " manifestement infondée " existait dans la loi de 1982 sur le droit
d'asile. Elle prend une place essentielle dans la nouvelle loi. Elle ne correspond pas uniquement à
des démarches frauduleuses.
D'après la loi de 1993, une demande est, en vertu de l'article 30, " manifestement infondée "
dans l'un des cas suivants :
- l'étranger ne risque pas d'être refoulé dans un pays où sa vie ou sa liberté sont menacées du
fait de sa race, de sa religion, de son appartenance à un groupe social particulier, ou de ses
convictions politiques ;
- elle émane d'un individu qui séjourne en Allemagne pour des raisons économiques, pour
échapper à une situation générale de détresse ou à un conflit armé ;
- elle s'appuie sur des moyens de preuve faux ou déformés ;
- l'identité du demandeur est fausse ;
- une autre demande d'asile a déjà été présentée avec une autre identité ;
- elle tend uniquement à prolonger le séjour en Allemagne ;
- l'étranger a enfreint ses obligations de coopérer avec les autorités administratives.
Dans toutes ces hypothèses, l'étranger dispose d'une semaine pour quitter le territoire fédéral,
à partir de la notification de la décision de rejet de la demande.
Comme dans le cas de demandes émanant d'un ressortissant d'un Etat sûr, l'étranger peut,
pendant cette période d'une semaine, déposer un recours pour obtenir le sursis à exécution de la
mesure de refoulement. Celui-ci n'est accordé que s'il y a des " doutes sérieux sur la légalité de la
mesure ".
b) La procédure dite des aéroports
Cette disposition a été ajoutée à la loi de 1993 par le Bundestag. Lorsque l'étranger arrive en
Allemagne par voie aérienne et qu'il vient d'un " pays d'origine sûr " ou qu'il est sans papiers, la
procédure d'examen de la demande commence dans l'aéroport. Si la demande est considérée comme
" manifestement infondée ", l'étranger se voit opposer le refus d'entrer en Allemagne sauf si
l'administration ne s'est pas prononcée sur la demande d'asile dans les deux jours.
Les dispositions relatives aux " pays tiers sûrs " et aux " pays d'origine sûrs ", reprises dans la
loi de 1993 sur la procédure d'asile ont été contestées devant la Cour constitutionnelle. Dans trois
décisions séparées rendues le 14 mai 1996, celle-ci a affirmé la constitutionnalité des clauses
relatives aux " pays tiers sûrs ", aux " pays d'origine sûrs ", ainsi que de la procédure spécifique
applicable en cas d'entrée par voie aérienne.
3) Les réfugiés originaires de régions en guerre
Les " réfugiés originaires des régions en guerre ou en guerre civile " sont exclus du champ
d'application du droit d'asile. Ils obtiennent un statut certes plus avantageux que celui des
demandeurs d'asile, mais précaire, et seulement à la condition expresse de renoncer au droit d'asile.
Cette disposition touche essentiellement la population de l'ex-Yougoslavie.
4) Les recours contre les décisions de refus
Une demande qui n'est pas " manifestement infondée ", soit à cause de l'un des critères de
l'article 30, soit à cause de la provenance d'un Etat sûr, est examinée selon la procédure classique.
En cas de rejet de la demande, l'étranger dispose d'un mois pour quitter le territoire. Il peut,
dans les deux semaines qui suivent la décision de rejet, intenter un recours devant le tribunal
administratif du Land. Si ce dernier confirme la décision de rejet, le demandeur peut se pourvoir en
cassation devant le tribunal administratif fédéral.
Pour cela, il faut que le recours soulève une question de droit. Ces recours ont un effet
suspensif : l'intéressé peut attendre un mois après la clôture définitive de la procédure pour quitter
le territoire. Hormis ce cas et celui où la décision de reconnaissance du droit d'asile est ensuite
révoquée, les actions intentées contre des décisions prises en application de la loi de 1993 n'ont
jamais d'effet suspensif.
19
La révision constitutionnelle et la modification de la loi sur la procédure d'asile se sont
accompagnées de réformes administratives. On a par exemple considérablement renforcé le
personnel de l'Agence fédérale pour la reconnaissance des réfugiés étrangers qui est l'organe
administratif d'examen des demandes. Cette agence, qui est rattachée administrativement au
ministère de l'Intérieur, a son siège dans la banlieue de Nuremberg. Des bureaux régionaux ont été
créés et son effectif total est passé de 350 personnes en 1985 à 5.500 en 1993.
L'ensemble de ces dispositions s'est traduit par une forte diminution des demandes d'asile
(environ 127.000 en 1994 et 1995, 116.000 en 1996), mais on a également constaté la
multiplication des requêtes contentieuses.
De plus, ce sont les Länder qui sont responsables de l'exécution des décisions d'expulsion. Or,
la loi sur l'entrée et le séjour des étrangers leur donne la possibilité de suspendre l'exécution
d'arrêtés d'expulsion pour des raisons humanitaires ou touchant aux droits de l'homme. Cette
suspension ne requiert l'accord du ministre fédéral de l'Intérieur que si elle excède six mois. Les
Länder ont ainsi la possibilité de faire obstacle à la politique fédérale.
BELGIQUE
Les modifications successives apportées à la loi Moureaux de 1980 ont largement concerné la
procédure d'examen des demandes d'asile.
Confrontée à la croissance des demandes d'asile introduites (moins de 5.000 en 1988, plus de
26.000 en 1993), dont la grande majorité, environ 90 %, s'est révélée infondée, la Belgique a en
effet dû réformer sa législation pour accélérer le traitement des demandes et faciliter le rapatriement
des demandeurs déboutés.
Avant la loi du 14 juillet 1987, entrée en vigueur le 1er janvier 1988, la procédure, fixée par la loi
Moureaux, était très simple. La recevabilité de la demande était examinée par le ministère
compétent, et le seul recours possible était le recours en annulation auprès du Conseil d'Etat. Ce
recours n'était pas suspensif. L'examen au fond était confié par le ministre des Affaires étrangères
au représentant en Belgique du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés. Ses
décisions n'avaient pas besoin d'être motivées, et aucun recours n'était prévu, les tribunaux et le
Conseil d'Etat s'étant refusés à contrôler l'action de cette autorité internationale. Cette procédure
prévoyait l'accès automatique des demandeurs au territoire, et leur séjour pouvait durer aussi
longtemps que la demande n'avait pas été déclarée irrecevable ou rejetée.
Les amendements successifs apportés à la loi Moureaux se sont traduits par la suppression de
l'accès automatique des demandeurs d'asile au territoire belge, par l'élimination croissante des
demandes avant leur examen au fond, notamment grâce à l'élargissement des motifs d'irrecevabilité,
ainsi que par la limitation des recours offerts aux demandeurs déboutés.
1) L'élimination de certaines demandes avant leur examen au fond
Trois moyens permettent à l'Office des étrangers (service du ministère de l'Intérieur
compétent pour l'examen de la recevabilité des demandes) de rejeter certaines demandes et
d'empêcher l'entrée ou le séjour des étrangers en Belgique :
- l'identification de l'Etat responsable ;
- la non-prise en considération des demandes déjà formulées ;
- la vérification de la recevabilité de la demande.
a) L'identification de l'Etat responsable de l'examen de la demande
Immédiatement après le dépôt d'une demande d'asile, il est procédé à la détermination de
l'Etat responsable en application des conventions internationales qui lient la Belgique. Si la
demande a été déposée à la frontière, le demandeur est maintenu pendant cette phase d'examen dans
un centre de transit. L'identification de l'Etat responsable doit se faire dans les six mois. Lorsque
20
l'examen de la demande ne revient pas à la Belgique, le demandeur peut se voir opposer un refus
d'entrer ou de séjourner (selon qu'il a présenté sa demande à la frontière ou dans le pays).
Il peut alors être assigné à résidence pendant le temps nécessaire à l'exécution du transfert,
sans que cette période puisse excéder deux mois.
Le seul recours ouvert à l'étranger contre la décision déterminant l'Etat responsable de la
demande est le recours en annulation devant le Conseil d'Etat.
b) La non-prise en considération des demandes déjà formulées
En l'absence de nouveaux éléments susceptibles de justifier une telle démarche, une nouvelle
demande ne peut être prise en compte.
Or, la décision de ne pas prendre en compte une demande n'est susceptible que d'un recours
en annulation devant le Conseil d'Etat, sans possibilité de demande de suspension.
c) La vérification de la recevabilité de la demande
Les cas d'irrecevabilité varient selon que le demandeur est entré ou non en Belgique, et selon
qu'il y est entré régulièrement ou non.
On peut cependant résumer ainsi les motifs d'irrecevabilité :
- la demande est manifestement infondée parce qu'elle est frauduleuse ou sans rapport avec les
critères d'application de la convention de Genève ;
- l'étranger a été renvoyé ou expulsé du pays depuis moins de dix ans ;
- depuis qu'il a quitté son pays, l'étranger a séjourné plus de trois mois dans au moins un pays
tiers qu'il a quitté sans y être contraint ;
- l'étranger possède un titre de transport valable pour un pays tiers ;
- l'étranger met en cause l'ordre public et la sécurité nationale.
L'irrecevabilité de la demande, prononcée dans 90 % des cas, entraîne le refoulement à la
frontière ou le refus d'accès au territoire.
Cependant, le demandeur peut déposer un recours urgent suspensif auprès du
Commissariat général aux réfugiés et apatrides, qui est l'organe compétent pour reconnaître ou
refuser la qualité de réfugié, c'est-à-dire pour l'examen au fond.
Ce recours doit être introduit dans le délai d'un jour ouvrable ou de trois selon que l'étranger
est ou non assigné à résidence.
En cas de décision négative, un recours en annulation auprès du Conseil d'Etat est
possible. L'intéressé peut également demander la suspension, en référé, au Conseil d'Etat.
Le recours auprès des tribunaux de l'ordre judiciaire est totalement prohibé depuis la
loi du 6 mai 1993.
En revanche, si la demande est considérée comme admissible, l'intéressé peut accéder au
territoire et y séjourner, ou y poursuivre son séjour s'il y était déjà. Il bénéficie d'un droit d'asile
provisoire aussi longtemps qu'il n'a pas été statué au fond sur sa demande.
2) Les recours contre les décisions de refus
Si le Commissariat général aux réfugiés et apatrides rejette la demande, l'intéressé reçoit un
ordre de quitter le territoire, à moins qu'il n'obtienne la permission de séjourner pour motif
humanitaire. S'il n'obtient pas cette permission, l'étranger peut introduire un recours devant la
Commission permanente de recours des réfugiés qui confirme ou infirme la décision du
Commissariat général aux réfugiés. Ce recours doit être introduit dans les quinze jours. Pendant
l'examen de celui-ci, l'étranger ne peut pas être éloigné.
Les décisions de la Commission permanente de recours des réfugiés ne sont susceptibles
que d'un recours en cassation devant le Conseil d'Etat. Ces recours ne sont ni suspensifs ni
susceptibles d'un recours en suspension.
Paradoxalement, les demandes recevables et ayant mérité un examen au fond ne peuvent pas
faire l'objet d'un référé administratif ou d'une demande de suspension.
21
Les demandeurs déboutés de façon définitive peuvent être mis en détention pendant une
période de deux mois susceptible d'être prolongée. Les prolongations sont soumises à contrôle
judiciaire. Après huit mois de détention, la personne doit être remise en liberté.
ESPAGNE
L'article 13-4 de la constitution énonce : " La loi établira les termes selon lesquels les citoyens
d'autres pays et les apatrides pourront jouir du droit d'asile en Espagne ".
La loi de 1994 supprime la distinction qui existait auparavant entre " réfugié " et " bénéficiaire du
droit d'asile ". Désormais, " le droit d'asile reconnu à l'article 13-4 de la constitution est la
protection dispensée aux étrangers auxquels la condition de réfugié est reconnue ".
Pour accélérer l'examen des demandes et empêcher les détournements du droit d'asile, la loi prévoit
le pré-examen des demandes et la possibilité de déclarer irrecevables celles qui sont
manifestement abusives ou infondées, ou qui relèvent de la compétence d'un autre Etat.
La loi prévoit aussi qu'une déclaration d'irrecevabilité ou une décision de refus se traduit par
l'obligation pour l'étranger de quitter le territoire.
1) La subordination du droit d'asile à la qualité de réfugié
La loi de 1984 distinguait le " réfugié " et le " bénéficiaire du droit d'asile ". L'asile pouvait
être demandé par des personnes qui ne pouvaient se prévaloir de la qualité de réfugié. L'octroi du
droit d'asile se justifiait par des raisons humanitaires, ce qui permettait alors de l'accorder pour des
raisons économiques.
Avec la suppression de cette distinction, l'étranger qui n'a pas la qualité de réfugié ne peut
plus bénéficier du droit d'asile et ne peut donc entrer et séjourner sur le territoire espagnol que dans
le cadre de la législation générale sur les étrangers, beaucoup plus contraignante.
La loi de 1994 introduit cependant la possibilité d'accepter, " pour des raisons humanitaires
ou d'intérêt public ", l'entrée en Espagne de personnes qui ne sont pas " réfugiés " au sens de la
convention de Genève mais qui ont été contraintes d'abandonner leur pays à la suite de conflits ou
de troubles graves à caractère politique, ethnique ou religieux. Les personnes ainsi admises en
Espagne sont soumises au respect de la législation générale sur les étrangers.
2) Le pré-examen des demandes
a) Les cas d'irrecevabilité
Le ministre de l'Intérieur peut, par une résolution motivée, déclarer irrecevables certaines
demandes, parce qu'elles sont manifestement abusives ou infondées. C'est le cas de :
- celles qui correspondent aux articles 1-F et 33-2 de la convention de Genève, c'est-à-dire
celles qui émanent de personnes condamnées pour crime contre la paix ou l'humanité, pour crime de
guerre...
- celles qui ne comportent aucun des critères reconnus par la convention de Genève ;
- celles qui sont formulées par des personnes déjà déboutées alors qu'aucun fait nouveau ne
justifie un nouvel examen au fond ;
- celles qui se fondent sur " des faits, des données ou des allégations manifestement erronées,
invraisemblables " ;
- celles qui sont déposées par des personnes jouissant déjà du droit d'asile dans un autre pays ;
- celles qui émanent de personnes provenant d'un Etat tiers dont elles auraient pu solliciter la
protection.
Il en va de même pour les demandes dont l'examen relève de la compétence d'un autre Etat.
b) Les conséquences de l'irrecevabilité
L'irrecevabilité, qui doit être notifiée dans les quatre jours suivant le dépôt de la demande
d'asile :
- entraîne l'obligation de quitter le territoire pour les étrangers qui ont déposé leur demande
en Espagne ;
22
- empêche l'entrée en Espagne (5(*)) pour ceux qui ont déposé leur demande à la frontière.
En effet, toute personne qui dépose sa demande d'asile à la frontière demeure au poste frontière,
dans des dépendances spécialement aménagées, pendant toute la durée de l'examen de la
recevabilité de sa demande. L'entrée en Espagne est désormais subordonnée à la recevabilité de la
demande alors que, sous l'empire de la législation précédente, le dépôt d'une demande d'asile
entraînait l'admission provisoire de l'étranger.
Après communication de la déclaration d'irrecevabilité, l'intéressé peut présenter, dans les
vingt-quatre heures, une demande de réexamen qui suspend l'effet de la déclaration
d'irrecevabilité. Le ministère de l'Intérieur se prononce sur la demande de réexamen dans un délai
de deux jours. Pendant la phase de réexamen, le postulant demeure au poste frontière. Il peut donc y
rester sept jours en tout.
L'intéressé peut déposer devant la juridiction administrative un recours contre la déclaration
d'irrecevabilité. Dans le cas où la demande a été déposée à la frontière et où le représentant en
Espagne du Haut-Commissariat (6(*)) des Nations Unies pour les réfugiés s'est exprimé
favorablement, l'intéressé est autorisé à entrer en Espagne et à y demeurer jusqu'à ce que la
juridiction ait statué sur son recours.
3) Les recours contre les décisions de refus
Les demandes jugées recevables sont ensuite examinées par une commission ad hoc. Les
décisions de refus de cette dernière entraînent l'obligation de quitter le territoire, à moins que
l'intéressé n'ait la possibilité de rester en Espagne conformément à la législation générale sur les
étrangers, ou que ce droit lui soit accordé à titre exceptionnel " pour des raisons humanitaires ou
d'intérêt public ".
Les recours, administratifs ou contentieux, contre de telles décisions n'ont pas d'effet
suspensif.
La loi de 1994 a eu pour conséquence une forte diminution du nombre des demandes : de
11.992 en 1994, elles sont passées à 5.678 en 1995 et à 4.730 en 1996.
ITALIE
L'article 10-3 de la constitution énonce : " Le ressortissant étranger auquel, dans son pays, on a
interdit l'exercice effectif des libertés démocratiques garanties par la Constitution italienne, a droit
d'asile sur le territoire de la République, dans les conditions fixées par la loi ".
La législation actuellement en vigueur (loi Martelli du 28 février 1990) devrait être prochainement
modifiée puisqu'un projet de loi sur le droit d'asile a été déposé au Sénat en septembre 1997.
Ce projet tend notamment à accélérer le traitement des demandes. Pour obtenir ce résultat, un préexamen des demandes serait institué. Il permettrait de rejeter une partie des demandes et de refouler
immédiatement leurs auteurs.
On a analysé la loi en vigueur ainsi que le projet de loi.
La loi Martelli
Le projet 2425
Elle a supprimé la " réserve géographique "
: quiconque remplit les conditions établies par
la convention de Genève peut se voir accorder
le droit d'asile, sans discrimination de
nationalité.
1) L'irrecevabilité de certaines demandes
Le projet de loi reprend le principe de
l'irrecevabilité de la demande. Si l'on excepte le
deuxième, les cas d'irrecevabilité sont les mêmes
que ceux prévus par la loi Martelli.
Les demandes doivent être présentées à la
police des frontières et, pendant le temps de
leur examen, les étrangers reçoivent un permis
de séjour temporaire.
Dans tous ces cas, l'étranger est refoulé à la
frontière. Il peut faire appel de la décision de
refoulement sans que l'appel soit suspensif.
2) Le pré-examen
Les demandes qui sont recevables font l'objet d'un
23
L'entrée sur le territoire est cependant
automatiquement refusée aux étrangers :
- déjà reconnus réfugiés dans un autre Etat ;
pré-examen dans un délai de deux jours.
Le pré-examen tend à vérifier que la demande n'est
ni inadmissible, ni manifestement infondée.
- provenant d'un Etat signataire de la
Les demandes inadmissibles
convention de Genève et sur le territoire duquel
ils ont séjourné, le temps nécessaire pour se
La demande est considérée comme inadmissible :
rendre à la frontière italienne n'étant pas pris en
compte pour la durée du séjour ;
- si ce n'est pas l'Italie qui est responsable de son
examen ;
- soupçonnés d'avoir commis l'un des faits
énumérés à l'article 1F de la convention de
- si l'étranger provient d'un Etat signataire de la
Genève (crime contre la paix ou contre
convention de Genève. Dans ce cas, il aurait dû y
l'humanité, crime de guerre ou délit de droit
déposer sa demande dans la mesure où il ne
commun grave, ou toute action contraire aux
courait pas de risques particuliers.
principes des Nations Unies).
Les demandes manifestement infondées sont celles
- condamnés en Italie pour des délits
qui correspondent aux critères retenus par les
particulièrement graves ;
ministres européens chargés de l'immigration,
dans leur résolution du 1er décembre 1992, c'est-à- qui appartiennent à des associations mafieuses dire :
ou se livrant au trafic des stupéfiants.
- qui s'appuient sur une crainte de persécution
Dans ces hypothèses, les étrangers sont donc
manifestement injustifiée (motifs de la demande
refoulés, ce qui ne les empêche pas de pouvoir ne relevant pas du champ d'application de la
déposer un recours contre la décision de
convention de Genève, demande dépourvue de
refoulement.
tout fondement ou de toute crédibilité) ;
Si la demande est recevable mais que la
Commission centrale pour la reconnaissance du
droit d'asile la rejette, l'étranger est invité à
quitter l'Italie. Il peut présenter dans les
30 jours un recours auprès du tribunal
administratif régional puis, le cas échéant,
saisir le Conseil d'Etat.
Cependant, pendant toute la durée de ces
procédures, l'intéressé est dépourvu de son titre
de séjour à moins qu'il n'ait obtenu un permis
pour " raisons de justice " qui suspend
l'exécution de la décision d'expulsion.
- qui révèlent une fraude délibérée ou un recours
abusif aux procédures d'asile (affirmation d'une
fausse identité, présentation de documents faux ou
falsifiés, fausses déclarations, destruction de
documents, demandes déjà présentées dans
d'autres pays...).
Si la demande est considérée comme
inadmissible ou comme manifestement
infondée, le demandeur est refoulé
immédiatement à la frontière. Une demande
manifestement infondée doit cependant continuer
à être examinée par la Commission centrale pour
la reconnaissance du droit d'asile.
Comme dans le cas des demandes irrecevables, un
recours, sans effet suspensif, est possible contre
la décision de refoulement.
L'issue positive de la procédure de pré-examen
24
conditionne l'entrée du postulant dans le pays ou la
prolongation de son séjour, selon que sa demande
a été présentée à la frontière ou dans un
commissariat de police.
3) Les recours contre les décisions de refus
L'étranger peut saisir le tribunal administratif
régional dans les 30 jours suivant la
communication de la décision de rejet. Il peut
également demander un permis de séjour pour
" raisons de justice " car le recours auprès du
tribunal administratif n'a pas d'effet suspensif.
En cas de décision défavorable du tribunal
administratif, il doit quitter le pays dans les
15 jours, même s'il dépose un recours auprès du
Conseil d'Etat. En effet, ce recours n'a aucun effet
suspensif et la décision négative du tribunal
administratif entraîne le retrait du permis de séjour
pour " raisons de justice ".
Indépendamment des réfugiés au sens de la convention de Genève, l'Italie, à la suite des
arrivées importantes d'Albanais, de ressortissants de l'ex-Yougoslavie et de Somaliens, a, sur la base
de circulaires, puis de décrets, été amenée à accorder des permis de séjour extraordinaires pour
raisons humanitaires. Ces permis sont en principe accordés pour un an au plus aux étrangers
pouvant être considérés comme " fugitifs temporaires " ou " fugitifs de guerre ".
PAYS-BAS
La réforme du droit d'asile en Allemagne a eu pour effet de déplacer le problème vers les
Pays-Bas qui ont enregistré 18 % des demandes d'asile présentées en Europe en 1994, contre 3 à
5 % entre 1985 et 1992. Préoccupé par l'inflation des demandes, le gouvernement a donc fait
modifier la législation à plusieurs reprises afin d'éliminer le plus en amont possible certaines
demandes.
En 1993, la loi sur les étrangers a été amendée par l'introduction, d'une part, des dispositions sur
les demandes irrecevables et, d'autre part, de celles sur les demandes manifestement infondées.
La loi du 1er décembre 1994, relative aux " pays d'origine sûrs ", entrée en vigueur le 1er janvier
1995, a également modifié la loi sur les étrangers. Elle établit une nouvelle catégorie de demandes
manifestement infondées.
La loi du 2 février 1995, relative aux " pays tiers sûrs ", entrée en vigueur le 8 février 1995,
exclut que l'étranger qui a séjourné dans un pays tiers sûr puisse présenter une demande d'asile aux
Pays-Bas.
1) L'enquête préliminaire
Avant que le demandeur ne présente une demande en bonne et due forme, l'enquête
préliminaire permet de reconstituer l'itinéraire du demandeur avant son arrivée aux Pays-Bas.
Si ce dernier a transité par un " pays tiers sûr ", la demande ne peut en principe pas être
présentée aux Pays-Bas et l'étranger peut être renvoyé vers ce pays, où il aurait dû déposer sa
demande.
La définition des " pays tiers sûrs " figure dans la loi sur les étrangers. Il s'agit :
- des pays membres de l'Union européenne ou de l'Espace économique européen (7(*)) ;
25
- des pays où le respect des principaux traités et conventions sur les réfugiés et sur les droits
de l'homme est assuré. La liste de ces pays est fixée par un texte réglementaire. Ce dernier ne peut
être adopté ou amendé qu'après avoir été soumis aux deux Chambres du Parlement.
Actuellement, la liste des " pays tiers sûrs " qui n'appartiennent ni à l'Union européenne ni à
l'Espace économique européen inclut la Pologne, la Suisse et la République tchèque.
L'enquête préliminaire se déroule nécessairement dans l'un des trois " centres de
présentation " où les postulants à l'asile ont l'obligation de déposer leur demande. L'un est situé dans
l'aéroport de Schiphol et les deux autres se trouvent à Rijsbergen à la frontière méridionale et
Zevenaar à la frontière orientale.
Après cet examen préalable, qui dure en général 24 heures, une demande sur six est rejetée.
Dans ce cas, l'étranger doit quitter le pays immédiatement. Dans les autres cas, il est transféré
dans un " centre d'accueil et d'enquête " où se déroule la suite de la procédure.
Il est impossible de déposer un recours administratif contre la décision d'expulsion prise
par le ministère de la Justice sur la base des dispositions relatives aux " pays tiers sûrs ". En
revanche, il est possible de déposer un recours contentieux. Comme il s'agit d'une mesure
mettant en jeu la liberté de l'intéressé, le recours doit être déposé aussi rapidement que possible.
2) Les demandes irrecevables
Une demande est considérée comme irrecevable quand elle correspond à l'un des catégories
suivantes :
- elle relève de la compétence d'un autre Etat ;
- la demande a déjà été refusée de façon définitive aux Pays-Bas, et aucun fait nouveau ne
l'étaye ;
- l'étranger a déjà déposé une autre demande aux Pays-Bas sous un autre nom ;
- le demandeur ne coopère pas avec l'administration néerlandaise ;
- l'étranger est déjà autorisé à séjourner aux Pays-Bas ;
- l'étranger n'a pas de document de voyage et ne s'est pas déclaré comme demandeur d'asile
dès son arrivée à la frontière néerlandaise.
L'irrecevabilité entraîne la mise en rétention dans un bureau de la police puis dans une maison
d'arrêt. Les vérifications achevées, l'étranger est ensuite refoulé. L'étranger peut également être
invité à quitter le pays par ses propres moyens. Dans ce cas, il est conduit à la gare la plus proche.
Il est impossible de déposer un recours administratif contre une décision d'irrecevabilité.
En revanche, il est possible de déposer un recours contentieux. Ce recours doit être déposé aussi
rapidement que possible.
3) Les demandes manifestement infondées
D'après la loi, une demande est manifestement infondée dans l'un des cas suivants :
- elle s'appuie sur des faits qui laissent penser qu'elle ne correspond pas aux critères de la
convention de Genève ;
- l'étranger possède une autre nationalité que celle de son pays d'origine et cet autre pays
pourrait lui offrir la protection dont il a besoin ;
- un pays dans lequel le demandeur a préalablement résidé pourrait l'admettre jusqu'à ce qu'il
ait trouvé une protection durable ailleurs ;
- pour justifier sa demande, l'étranger a produit des documents faux ou falsifiés et, interrogé
sur ce point, il a soutenu leur authenticité ;
- l'étranger a produit des documents qui n'ont aucune relation avec sa personne ;
- le demandeur provient d'un " pays d'origine sûr ", défini comme un pays où la situation
générale permet de penser qu'il n'y a aucune raison de craindre une quelconque persécution au sens
où l'entend la convention de Genève.
La liste des " pays d'origine sûr " est établie par le ministre de la Justice. Actuellement, cette
liste comprend les pays suivants : la Bulgarie, le Ghana, la Pologne, la Roumanie, le Sénégal, la
Slovaquie, la République tchèque et la Hongrie. Les Pays-Bas ont retenu les mêmes " pays d'origine
26
sûr " que l'Allemagne, pour éviter que les demandeurs d'asile originaires de ces pays ne poursuivent
leur voyage vers les Pays-Bas pour y déposer une nouvelle demande.
Si une demande est considérée comme manifestement infondée, le demandeur est, comme
dans les cas d'irrecevabilité, mis en rétention puis refoulé si les vérifications confirment le manque
de fondement de la demande.
Il est impossible de déposer un recours administratif contre une décision déclarant
qu'une demande est manifestement infondée. En revanche, il est possible de déposer un
recours contentieux. Ce recours doit être déposé le plus rapidement possible.
Un étranger provenant d'un " pays d'origine sûr " a cependant la possibilité d'avancer des faits
ou des circonstances spécifiques qui permettent de penser que, dans son cas, il y a tout de même des
raisons de craindre une persécution. En effet, de façon générale, la loi prévoit qu'un étranger qui
redoute d'être soumis à des persécutions, à la torture ou à un traitement inhumain s'il était expulsé
ne puisse l'être que sur la base d'une décision expresse du ministre.
Le gouvernement prépare un projet de loi pour ajouter un cas supplémentaire de
demande manifestement infondée : celui où le demandeur a volontairement détruit tous ses
papiers, afin d'empêcher son éventuel refoulement vers un pays tiers sûr. A priori, le fait de ne
disposer d'aucun papier signifierait les avoir volontairement détruits, à moins que le demandeur
puisse prouver le contraire.
4) Les recours contre les décisions de refus
Si la demande est examinée selon la procédure normale et finalement rejetée, l'étranger
n'est pas reconnu comme réfugié. Il doit, à moins qu'on ne lui accorde un permis de séjour
provisoire (valable un an et renouvelable) pour raisons humanitaires, quitter le territoire dans le
délai qui lui est indiqué, et qui ne peut excéder quatre semaines.
Il peut déposer un recours administratif contre cette décision puis faire appel contre
l'éventuelle décision négative prise à la suite du recours.
En effet, comme l'entrée et le séjour des étrangers relèvent de la compétence du ministère de
la Justice, c'est un service de ce ministère, le service pour l'immigration et la naturalisation
(Immigratie- en Naturalisatiedienst : IND) qui examine les demandes d'asile.
Or, à l'exception des décisions fondées sur le principe des " pays tiers sûrs " et de celles qui
rejettent les demandes irrecevables ou manifestement infondées, toutes les décisions de l'IND
peuvent faire l'objet de deux types de recours. La loi prévoit le recours, gracieux ou hiérarchique,
auprès du ministre de la Justice et l'appel auprès de la Chambre des étrangers du tribunal de grande
instance de La Haye.
a) Les recours auprès du ministère de la Justice
Ils doivent être déposés dans un délai de quatre semaines après notification de la décision. La
décision du ministre est prise dans un délai de six semaines ou de seize semaines selon qu'il s'agit
d'un recours gracieux ou hiérarchique. Ce délai peut être prolongé si le ministre prend l'avis de la
Commission consultative en matière d'étrangers.
Le fait de former un recours ne signifie pas que l'étranger est autorisé à attendre la décision
aux Pays-Bas car le recours n'est pas suspensif. La décision d'expulsion n'est suspendue que :
- si une décision du ministre l'indique ;
- s'il n'est pas certain que l'étranger ne fasse pas l'objet de persécutions s'il est renvoyé dans
son pays ;
- si une autre demande d'admission a été déposée et si le recours a des chances d'être
confirmé.
En règle générale, pour éviter d'avoir à quitter le pays, l'étranger doit présenter une requête
en vue d'une mesure provisoire auprès du tribunal de grande instance de La Haye. L'étranger n'est
pas expulsé tant qu'il n'a pas été statué sur la demande de mesure provisoire.
b) L'appel devant la chambre administrative spéciale du tribunal de La Haye
27
Depuis la réforme de 1993, seule la chambre administrative spéciale de La Haye examine les
recours contentieux relatifs aux décisions en matière d'asile.
Elle tient également des sessions à Amsterdam, Bois-le-Duc, Haarlem et Zwolle.
Cette chambre a le dernier mot car le recours en cassation a été supprimé. Sa réintroduction
partielle est envisagée : un projet de loi tendant à le rétablir dans certains cas a été déposé le
18 décembre 1997.
L'appel n'étant pas suspensif, l'étranger doit demander une mesure provisoire s'il souhaite
rester sur le territoire des Pays-Bas.
Les réformes législatives ont eu pour conséquence une baisse importante du nombre des
demandes d'asile comme en témoigne le tableau suivant :
1992 20.346
1993 35.399
1994 52.576
1995 29.258
1996 22.857
Cependant, en 1997, les chiffres ont à nouveau augmenté : entre le 1er janvier et la fin du mois
d'octobre, 23.600 demandes ont été enregistrées.
ROYAUME-UNI
Traditionnellement, la procédure d'examen des demandes d'asile n'était prescrite par aucun texte
législatif. Conformément aux règlements sur l'immigration édictés par le ministre de l'Intérieur, elle
se déroulait de la manière suivante : la police des frontières avait l'obligation de saisir le ministère
de l'Intérieur pour toute décision concernant un prétendu réfugié. L'étranger pouvait être mis en
garde à vue jusqu'à la décision du ministère, à moins d'obtenir un permis de séjour temporaire.
La décision définitive, connue en général douze à dix-huit mois après le dépôt de la demande,
pouvait revêtir plusieurs formes :
- reconnaissance de la qualité de réfugié ;
- rejet de la demande, mais octroi d'un permis de séjour exceptionnel ;
- rejet de la demande, sans octroi de permis de séjour, avec des possibilités de recours limitées. En
effet, les étrangers qui avaient introduit leur demande sans disposer de visa et ceux qui étaient
entrés clandestinement ne pouvaient pas faire appel avant leur expulsion. Ils pouvaient faire appel
seulement depuis l'étranger.
L'importance du flux des demandes d'asile et la nécessité de distinguer les " vrais " et les " faux "
réfugiés ont amené le Royaume-Uni à légiférer sur la procédure d'asile. Les lois de 1993 et de
1996 cherchent avant tout à simplifier la procédure. Elles ont, d'une part, accordé à tous les
demandeurs déboutés un droit d'appel susceptible d'être exercé à l'intérieur du Royaume-Uni et,
d'autre part, encadré les possibilités d'appel et créé une procédure d'appel accélérée pour les
demandes manifestement infondées.
1) La généralisation de l'appel
a) Le principe
Toute personne qui se voit refuser l'entrée ou le séjour au Royaume-Uni peut déposer un
recours contre la décision du ministère de l'Intérieur. Ce recours a un effet suspensif : aucune
expulsion ne peut être prononcée tant que son examen n'est pas achevé.
Le recours doit être déposé très rapidement après la notification de la décision : dans les sept
jours, et dans les deux jours seulement si le demandeur n'a pas été admis à entrer au Royaume-Uni
ou s'il est détenu.
28
Le dossier du recours doit être transmis dans un délai de quarante-deux jours au juge
compétent qui doit à son tour traiter l'affaire dans les quarante-deux jours suivant la réception de ce
dossier.
Le droit administratif britannique se caractérise par sa sectorisation et par la multiplication des
juridictions spécialisées. Les questions relatives à l'immigration sont traitées par un immigration
adjudicator (voir annexe n° 2), qui juge seul. Les questions relatives au droit d'asile sont confiées à
un special adjudicator.
Les adjudicators ne sont pas des magistrats professionnels. Certains sont employés à temps
plein et d'autres à temps partiel. Leurs décisions sont susceptibles d'un second recours devant
l'Immigration Appeal Tribunal qui siège à Londres mais qui tient des sessions à Hatton Cross, où la
plupart des appels sont entendus, à Leeds, Birmingham, Manchester, Glasgow, Cardiff et Belfast.
Ensuite, si la décision rendue par l'Immigration Appeal Tribunal pose une question de droit, il
est possible de saisir la Court of Appeal, mais seulement avec la permission de l'Immigration
Appeal Tribunal ou avec celle de la Court of Appeal elle-même.
b) L'exception relative aux pays tiers sûrs
La loi de 1996 autorise le ministère de l'intérieur à prononcer l'expulsion immédiate des
demandeurs qui ont transité par un " pays tiers sûr ".
L'expulsion immédiate n'empêche pas l'intéressé de faire appel, mais ce droit ne peut pas être
exercé au Royaume-Uni. L'appel n'a donc pas d'effet suspensif. Il doit être interjeté dans les
vingt-huit jours suivant le départ du Royaume-Uni.
Les " pays tiers sûrs " comprennent, outre les pays membres de l'Union, plusieurs Etats dont
la liste est arrêtée par un texte réglementaire soumis à l'approbation du Parlement.
Cette liste comprend le Canada, les Etats-Unis, la Norvège et la Suisse.
2) La procédure d'appel accélérée
Les demandes manifestement infondées ne suivent pas la procédure normale d'appel. Elles
suivent une procédure accélérée qui se caractérise par la réduction des délais de recours devant
l'adjudicator et par l'absence du second niveau de recours.
La loi de 1993, modifiée par celle de 1996, considère comme manifestement infondées les
demandes :
- déposées par des personnes démunies de passeport ou munies d'un passeport non valable ;
- ne correspondant pas aux conditions fixées par l'article 1er de la Convention de Genève (peur
d'une persécution fondée sur l'appartenance raciale, la nationalité...) ;
- frauduleuses parce que les documents produits sont faux ;
- introduites après une décision négative du ministère de l'Intérieur concernant le demandeur
(refus d'entrée dans le pays ou ordre d'expulsion) ;
- émanant d'un étranger originaire d'un pays où il n'y a " en général aucun risque sérieux de
persécution ", c'est-à-dire d'un pays " sûr ".
Conformément à la loi, un texte réglementaire a fixé la liste des pays " sûrs ". Cette liste, dite
" liste blanche " comprend sept pays : l'Inde, le Pakistan, le Ghana, la Bulgarie, Chypre, la Pologne
et la Roumanie.
Elle a été établie grâce à trois critères :
- il n'existe pas de risque de persécution dans ces pays ;
- une proportion importante des demandes d'asile enregistrées au Royaume-Uni provient de
ces pays ;
- une large part des demandes émanant des ressortissants de ces pays se sont révélées
infondées.
Cette procédure d'appel accélérée permet de traiter les demandes qui en relèvent beaucoup
plus rapidement. En effet, le demandeur ne dispose alors que de deux jours pour déposer son
recours, et l'adjudicator doit rendre sa décision au plus tard dix jours après avoir reçu le dossier.
29
Cette procédure spéciale ne s'applique pas lorsqu'il paraît vraisemblable que le demandeur a été
torturé dans son pays d'origine. Dans ce cas, c'est au demandeur qu'il appartient d'établir la preuve
qu'il a été victime de tortures.
3) Les recours contre les décisions de refus
En vertu de la généralisation de l'appel, introduite par la loi de 1993, tout demandeur débouté
dispose d'un droit de recours suspensif.
Toutefois, le demandeur à qui un droit de séjour provisoire dans le pays a été accordé pour la
durée de l'examen de sa demande peut voir, à la suite de la décision de refus du droit d'asile, la
durée de son titre de séjour provisoire écourtée. Il lui est impossible de déposer un recours
contre une telle décision et il peut être mis en rétention en attendant le renvoi hors du pays.
Les mesures prises ont eu pour conséquence une baisse importante du nombre des demandes
d'asile : un peu moins de 30.000 en 1996, ce qui représente une baisse d'un tiers par rapport à 1995.
LA LUTTE CONTRE L'IMMIGRATION CLANDESTINE
ALLEMAGNE
Tous les groupes politiques, y compris les Verts, ont, au cours des derniers mois, présenté des
propositions de loi tendant à introduire des quotas annuels d'immigrants. La discussion de
telles mesures n'est pas envisagée dans l'immédiat.
Cependant, depuis plusieurs années, l'Allemagne a multiplié les mesures permettant de lutter
contre l'immigration clandestine.
Elle a procédé à un renforcement important de la protection de sa frontière orientale, réorganisé la
Police fédérale des frontières (8(*)) et opéré plusieurs réformes législatives ou réglementaires parmi
lesquelles :
- l'aggravation des sanctions applicables aux entrées irrégulières ;
- l'introduction de l'obligation d'un visa pour tous les mineurs ;
- le renforcement des peines sanctionnant le travail clandestin ;
- l'obligation pour les transporteurs de vérifier les papiers des voyageurs.
1) L'aggravation des sanctions applicables aux entrées irrégulières
La loi d'octobre 1994 sur la lutte contre la criminalité a modifié la loi sur les étrangers.
Les dispositions qui en résultent permettent de sanctionner non seulement les entrées irrégulières
mais aussi le fait de les favoriser.
La sanction maximale applicable à l'entrée irrégulière est l'emprisonnement d'une durée d'un
an. La nouvelle infraction, " faire entrer clandestinement des étrangers ", peut être sanctionnée
d'une peine de prison de cinq ans si l'introduction de clandestins est réalisée en contrepartie
d'avantages financiers, ou de façon répétée, ou si elle concerne plus de cinq personnes. La simple
tentative d'introduction de clandestins est punissable.
La peine est plus importante lorsque l'entrée irrégulière est organisée par une bande organisée
ou par quelqu'un qui se livre à cette activité de façon régulière et contre rémunération : la durée de
l'emprisonnement peut alors atteindre dix ans.
Une modification des lois sur les étrangers et sur la procédure d'asile, adoptée en
octobre 1997, permet désormais de punir la tentative d'entrée irrégulière. De plus, l'aide à
l'entrée irrégulière de plusieurs personnes est dorénavant passible d'une peine
d'emprisonnement de cinq ans, alors que l'ancienne formulation prévoyait cette peine seulement
lorsque l'immigration clandestine concernait plus de cinq personnes. Ceci avait encouragé le
développement de filières organisées qui s'arrangeaient pour ne faire entrer qu'au plus cinq
personnes à la fois, en utilisant des voitures particulières.
Il faut cependant noter que la loi fixe les pénalités maximales mais que les juridictions
allemandes se montrent assez clémentes.
30
2) L'obligation d'un visa pour l'entrée de tous les mineurs, quel que soit leur pays
d'origine
L'article 2-2 de l'ordonnance de 1990 exemptait les mineurs âgés de moins de 16 ans et
ressortissants de certains pays (Etats de l'ex-Yougoslavie, Maroc, Turquie et Tunisie) de l'obligation
d'un visa pour entrer en Allemagne lorsque l'un de leurs parents séjournait régulièrement en
Allemagne.
Or, cette disposition s'est traduite par une augmentation très importante du nombre d'entrées
de mineurs non accompagnés appartenant à l'un de ces pays :
1994 198
1995 881
1996 2.068, dont 1.832 Turcs
Le gouvernement, craignant que cette exemption ne favorise le travail clandestin d'enfants ou
la prostitution, a modifié l'ordonnance au début de l'année 1997. Désormais, l'obligation du visa
s'impose pour l'entrée de tous les mineurs, quel que soit leur pays d'origine. Lorsqu'il s'agit d'enfants
qui vivent en Allemagne, le visa leur est, à titre exceptionnel et jusqu'au 30 juin 1998, octroyé
d'office.
3) La lutte contre le travail clandestin
Les étrangers employés clandestinement sont passibles d'une amende. Son montant,
1.000 DEM (9(*)) jusqu'au 31 décembre 1997, a été multiplié par dix au 1er janvier 1998.
Les employeurs sont punis beaucoup plus sévèrement.
- Ils sont passibles d'une amende de 500.000 DEM à partir du 1er janvier 1998
(100.000 auparavant) et sont exclus pour deux ans des marchés publics s'ils emploient de façon
illégale de la main-d'oeuvre étrangère.
- La sanction est aggravée si, de plus, les conditions d'emploi de la main-d'oeuvre étrangère
clandestine sont totalement disproportionnées par rapport à celles de la main-d'oeuvre allemande.
Dans ce cas, ils peuvent se voir infliger une peine de prison de trois ans ou une amende, voire une
peine de prison d'une durée comprise entre six mois et cinq ans dans les cas les plus graves.
- Si l'emploi de la main-d'oeuvre étrangère clandestine est réalisé sur une grande échelle ou si
l'infraction est renouvelée, la sanction applicable est une amende ou une peine de prison d'une durée
maximale d'un an.
Ces sanctions s'appliquent aussi bien à celui qui emploie directement la main-d'oeuvre qu'à
celui qui la fournit. De plus, l'employeur doit payer les frais d'expulsion d'un travailleur étranger qui
doit quitter le territoire.
4) Les obligations des transporteurs
Les transporteurs n'ont pas le droit d'amener en Allemagne des étrangers qui ne sont pas en
possession des documents nécessaires pour leur entrée.
Ils ont donc l'obligation de reconduire à la frontière, immédiatement et à leurs propres frais,
les étrangers qui sont expulsés par la police des frontières. Dans le cas d'un étranger entré
illégalement en se prévalant du droit d'asile ou d'un autre moyen d'empêcher l'expulsion, cette
obligation se prolonge pendant trois ans après l'entrée sur le territoire allemand.
De plus, un transporteur peut se voir infliger une amende comprise entre 500 DEM et
5.000 DEM par passager.
Au mois de mars 1996, l'administration chargée de la police des frontières et les compagnies
aériennes ont, pour faciliter leur coopération, mis en place des groupes de travail dans les
principaux aéroports.
31
BELGIQUE
Les modifications apportées à la loi de 1980 sur les étrangers par les lois de 1993, 1995 et 1996
ont beaucoup alourdi le dispositif pénal, en particulier en ce qui concerne l'aide à l'immigration
clandestine.
Par ailleurs, la Belgique a engagé, à partir de 1993, un important programme de lutte contre le
travail au noir, notamment lorsqu'il est réalisé par des étrangers en situation irrégulière.
1) Les infractions relatives à l'immigration
· L'entrée ou le séjour irréguliers en Belgique sont punis d'un emprisonnement de huit jours à
trois mois et/ou d'une amende de 26 à 200 BEF. En cas de récidive dans le délai de trois ans, ces
peines sont aggravées : emprisonnement d'un mois à un an et/ou amende comprise entre 100 et
1.000 BEF (10(*)).
Si cette infraction est commise par un étranger qui a été expulsé moins de dix ans auparavant,
la peine est beaucoup plus importante : les sanctions sont les mêmes qu'en cas de récidive. De plus,
dans ce cas, l'amende et la peine de prison se cumulent.
· Le fait d'assister un étranger à entrer ou à séjourner de façon irrégulière en Belgique est puni
d'un emprisonnement de huit jours à trois mois et/ou d'une amende comprise entre 1.700 et 6.000
BEF.
Cette infraction est également applicable quand elle ne se rapporte pas à la Belgique mais a
été commise dans un " Etat partie à une convention internationale relative au franchissement des
frontières extérieures, liant la Belgique, en violation de la législation de cet Etat relative à l'entrée
et au séjour des étrangers ".
En revanche, elle n'est pas applicable si " l'aide est offerte à l'étranger pour des raisons
purement humanitaires ".
En cas de récidive dans le délai de trois ans, les peines sont alourdies.
· Celui qui aide un étranger à entrer ou à séjourner de façon irrégulière en Belgique en
profitant de la situation de vulnérabilité de l'étranger, en le contraignant ou en le menaçant est puni
beaucoup plus sévèrement : la durée de l'emprisonnement varie de un à cinq ans et l'amende, qui
s'ajoute à l'emprisonnement, est comprise entre 500 et 25.000 BEF.
Ces peines sont alourdies lorsque l'infraction constitue l'activité habituelle d'un particulier ou
l'activité, principale ou accessoire, d'une association. Dans ce dernier cas, les travaux forcés pendant
quinze ans et une amende de 100.000 BEF constituent la peine maximale applicable.
2) Les obligations des transporteurs
Les transporteurs aériens, maritimes ou routiers, publics ou privés, sont passibles d'une
amende administrative de 150.000 BEF par passager transporté lorsqu'ils amènent en Belgique des
personnes dépourvues des documents nécessaires à l'entrée dans le pays et qu'ils n'ont pas effectué
les vérifications requises.
Depuis 1996, cette amende est également applicable lorsque les étrangers transitent par
la Belgique et qu'ils ne détiennent pas les papiers requis pour le transit en Belgique ou pour l'entrée
dans le pays vers lequel ils se dirigent.
L'amende administrative se double d'une amende d'un montant de 3.000 BEF par passager
lorsque le transporteur amène en Belgique ou y fait transporter au moins cinq personnes qui ne sont
pas en règle. Le conjoint et les parents au premier degré ne sont pas pris en compte lors du calcul du
nombre des passagers.
En outre, les transporteurs sont tenus d'acheminer, ou de faire acheminer, les passagers
dépourvus des documents nécessaires dans le pays d'où ils viennent ou dans tout autre pays où ils
peuvent être admis.
3) La lutte contre le travail clandestin
La loi du 1er juin 1993 impose des sanctions aux employeurs occupant des étrangers en séjour
illégal en Belgique. Elle prévoit, pour autant que les faits soient passibles de sanctions pénales, des
32
amendes administratives d'un montant compris entre 150.000 et 500.000 BEF par étranger
illégalement employé.
Les sanctions pénales consistent en un emprisonnement d'un mois à un an et en une amende
comprise entre 6.000 et 30.000 BEF.
De plus, l'employeur qui a commis l'infraction consistant à faire travailler des étrangers en
situation irrégulière doit payer " les frais d'hébergement, de séjour, de soins, de santé et de
rapatriement de l'étranger concerné et ceux des membres de sa famille séjournant irrégulièrement
avec lui ".
Par ailleurs, la loi du 23 mars 1994 " portant certaines mesures sur le plan du droit du travail
contre le travail au noir " étend à tous les secteurs la carte d'identité sociale, dont l'utilisation était
auparavant limitée au secteur de la construction. Cette carte est remise par l'employeur au salarié,
qui doit la conserver sur le lieu de travail.
ESPAGNE
Contrairement à la lutte contre le terrorisme ou contre le trafic de stupéfiants, la lutte contre
l'immigration clandestine ne constitue pas une priorité.
La loi organique et son règlement d'exécution sanctionnent l'entrée et le séjour irréguliers, ainsi que
le fait de travailler sans permis et de favoriser les situations irrégulières. Les sanctions applicables
sont cependant peu importantes.
Par ailleurs, seuls deux articles du code pénal permettent la poursuite de l'immigration irrégulière.
1) Les dispositions prévues par les textes sur les étrangers
Indépendamment des actes plus graves (participation à des activités présentant un danger pour
l'ordre public, condamnations antérieures à des peines de prison d'une durée supérieure à un an...),
la loi organique et son règlement d'exécution condamnent notamment :
- le séjour irrégulier sur le territoire espagnol ;
- le travail irrégulier en Espagne ;
- la promotion ou la protection de la situation irrégulière des étrangers.
Les deux premières infractions sont sanctionnées soit par une décision d'expulsion, assortie
d'une interdiction d'entrée en Espagne d'une durée de trois à cinq ans, soit par une amende d'un
montant inférieur ou égal à 500.000 pesetas (soit environ 20.000 francs).
La dernière ne peut pas être sanctionnée par une décision d'expulsion. En revanche, le
coupable doit payer une amende d'au plus 500.000 pesetas.
2) Les dispositions du code pénal
Les articles 312 et 313 du nouveau code pénal punissent :
- le trafic illégal de main-d'oeuvre ;
- l'embauche de travailleurs étrangers sans permis ;
- le fait de promouvoir ou d'encourager l'immigration clandestine de travailleurs.
Les sanctions applicables consistent en une peine de prison d'une durée comprise entre six
mois et trois ans et en une amende (six à douze mois-amende).
ITALIE
L'Italie, compte tenu de la longueur de ses côtes et de sa position géographique, est en première
ligne pour l'immigration clandestine en provenance d'Afrique, d'Albanie, de Turquie, du ProcheOrient, voire du sous-continent indien.
L'adhésion de l'Italie à l'espace Schengen l'oblige à se doter d'une législation lui permettant de lutter
efficacement contre ce phénomène.
Le projet de loi 3240 vise notamment à établir une nette distinction entre les étrangers qui entrent et
séjournent régulièrement en Italie et ceux qui entrent ou tentent d'entrer clandestinement. Si
l'intégration des premiers doit être facilitée, les seconds doivent pouvoir être expulsés.
33
Ce projet de loi fait suite à plusieurs opérations de régularisation : la dernière a été réalisée à
partir de novembre 1995 grâce à un décret-loi dit décret Dini. Ce décret-loi, renouvelé cinq fois, a
été remplacé en décembre 1996 par un décret-loi du gouvernement Prodi. L'objectif consistait à
régulariser la situation des étrangers occupant un emploi depuis au moins quatre mois. On estime
que la régularisation a concerné environ 250 000 personnes.
La loi Martelli
Le projet 3240
L'entrée et le séjour irréguliers ne constituent
pas des infractions pénales. En revanche, l'aide
à l'immigration irrégulière et l'association de
malfaiteurs aux fins d'immigration irrégulière
en sont.
a) Le refoulement
L'expulsion des étrangers en situation
irrégulière est rarement effective. En effet,
la sortie du territoire doit être réalisée dans les
quinze jours qui suivent la notification. C'est
seulement si l'étranger ne tient pas compte de
l'injonction qu'il peut être immédiatement
reconduit à la frontière. Les clandestins ont
donc la possibilité de disparaître. C'est la
raison pour laquelle la loi Martelli est
fréquemment qualifiée de laxiste.
b) Les dispositions contre les passeurs
La police des frontières reconduit immédiatement
tout étranger qui se présente sans les papiers
nécessaires pour entrer en Italie.
· Toute personne qui favorise l'immigration
clandestine est sanctionnée d'une amende pouvant
atteindre 30 millions de lires (11(*)) et d'un
emprisonnement d'une durée maximale de trois ans.
· Les peines sont augmentées si cette activité
répréhensible est exercée lucrativement par un
groupe d'au moins trois personnes ou si elle
concerne l'entrée clandestine d'au moins trois
personnes. Dans ce cas, la durée de la détention est
portée de 4 à 12 ans et le montant de l'amende varie
entre 30 et 100 millions de lires. Si, de plus,
l'objectif de l'immigration est le travail enfantin ou
la prostitution, les peines sont encore augmentées.
· Toute personne qui tente de faire entrer des
clandestins est immédiatement arrêtée et le moyen
de transport qu'elle utilisait est confisqué.
Les transporteurs (aériens, maritimes et terrestres)
ont l'obligation de vérifier la validité des titres
d'entrée des étrangers et d'en référer à la police des
frontières. S'ils ne s'acquittent pas de cette
obligation, ils sont passibles d'une sanction
administrative consistant à payer une amende
comprise entre 200.000 et 500.000 lires par
étranger illégalement transporté. Dans les cas les
plus graves, l'autorisation d'exercer peut leur être
retirée
La loi Martelli
Le projet 3240
c) L'expulsion administrative
Les étrangers qui sont entrés clandestinement en
34
Italie, et ceux qui y sont restés sans demander leur
titre de séjour dans les délais prévus peuvent être
expulsés. Ils ont l'obligation de quitter le
territoire dans un délai de quinze jours. L'ordre
d'expulsion doit leur être communiqué dans une
langue qu'ils connaissent ou, si ce n'est pas
possible, en français, anglais ou espagnol. Les
intéressés peuvent, dans les cinq jours suivant la
communication de la décision, déposer un recours
auprès du juge de paix, lequel doit les entendre
avant de rendre sa décision dans les dix jours. Les
étrangers ainsi expulsés doivent regagner leur Etat
ou, si ce n'est pas possible, l'Etat d'où ils viennent.
Ensuite, pendant une période de cinq ans, ils ne
peuvent plus entrer en Italie sans autorisation
spéciale du ministre de l'Intérieur.
Dans presque tous les cas (menace pour l'ordre
public, séjour prolongé malgré l'intimation de
quitter le territoire et surtout crainte que l'étranger
ne se soustraie à l'ordre d'expulsion), l'expulsion se
fait avec réaccompagnement à la frontière par la
force publique.
d) Les centres de rétention
Quand la mesure de refoulement ou d'expulsion
avec réaccompagnement à la frontière par la force
publique ne peut pas être exécutée immédiatement,
l'étranger doit être conduit dans un centre de
rétention dans lequel il ne doit pas séjourner plus
de vingt jours, à moins que le juge ne décide une
prolongation de dix jours.
La Chambre des députés a beaucoup amendé les
dispositions relatives à l'expulsion administrative :
elle réserve l'expulsion avec réaccompagnement à
la frontière par la force publique aux étrangers qui
présentent un danger pour l'ordre public, à ceux
qui ont des antécédents pénaux, à ceux qui ont déjà
reçu l'ordre de quitter le territoire mais qui y sont
restés, ainsi qu'à ceux entrés en se soustrayant aux
contrôles d'identité dans la mesure où ils risquent
de quitter le territoire.
Pour ces derniers, l'expulsion immédiate ne peut
être prononcée que s'ils n'ont pas de papiers
prouvant leur nationalité et leur identité. En
revanche, les clandestins qui présentent leurs
35
papiers peuvent déposer un recours auprès du
juge de paix avant d'être expulsés.
De plus, les dispositions relatives à l'expulsion
avec réaccompagnement à la frontière par la
force publique ne peuvent pas être appliquées à
l'étranger qui séjourne de façon irrégulière en
Italie et qui démontre " sur la base d'éléments
objectifs, son arrivée sur le territoire de l'Etat
avant l'entrée en vigueur de la loi ".
PAYS-BAS
Faisant suite aux deux grandes opérations de régularisation réalisées en 1975 et en 1979, la lutte
contre l'immigration clandestine constitue une priorité du discours politique depuis le milieu des
années 80.
En 1989, lors de la formation du gouvernement, les parties de la coalition au pouvoir conclurent un
accord selon lequel la lutte contre l'immigration clandestine devait devenir une réalité. Peu après, le
ministère de la Justice désigna une commission chargée de réfléchir au problème. Elle rendit son
rapport au début de l'année 1991 et, depuis lors, plusieurs de ses propositions ont été reprises dans
des textes législatifs ou réglementaires.
Les principales mesures prises sont les suivantes :
- l'exclusion des étrangers en situation irrégulière du bénéfice de la politique sociale ;
- le développement de la lutte contre le travail clandestin ;
- la prévention des mariages blancs ;
- le renforcement de la surveillance.
1) L'exclusion du bénéfice de la politique sociale
a) Le numéro d'identification sociale et fiscale
Le numéro d'identification sociale et fiscale est un numéro d'identification propre à chaque
personne. Attribué automatiquement à toute personne née aux Pays-Bas et fourni aux étrangers par
l'administration fiscale sur demande, il est utilisé par tous les organismes nationaux ou locaux qui
octroient ou perçoivent des fonds publics (administration fiscale, services sociaux municipaux,
associations professionnelles...).
Au début de l'année 1991, les services fiscaux ont mené une enquête à Amsterdam pour
évaluer l'emploi fait par des étrangers en situation irrégulière du numéro d'identification sociale et
fiscale.
Il est apparu que plus de la moitié des étrangers interrogés qui possédaient un tel numéro
étaient en situation irrégulière. En conséquence, depuis novembre 1991, ce numéro n'est plus
attribué aux étrangers qu'après consultation des services de l'immigration. Or, ce numéro est
notamment nécessaire pour toute embauche et toute demande de prestations sociales.
Parallèlement à cette nouvelle réglementation, une opération de régularisation a été entreprise.
Elle est valable jusqu'en 1998. Les étrangers qui ont travaillé de façon légale et ininterrompue
pendant au moins six ans peuvent obtenir un titre de séjour.
b) L'interconnexion des fichiers
Tous les résidents d'une commune donnée sont inscrits sur le registre de ladite commune, et
ce registre est utilisé par de nombreuses administrations : services sociaux, fiscaux, fonds de
pension, organismes d'assurances...
36
Depuis 1996, l'interconnexion des registres communaux et du fichier central des
étrangers est effective, permettant ainsi d'exclure du bénéfice des prestations sociales tous les
étrangers en situation irrégulière.
La future loi dite du couplage (Koppelingswet) prévoit de généraliser l'interconnexion des
fichiers. Le projet de loi a été adopté par la deuxième Chambre, mais pas encore par la première.
Il comporte deux exceptions : l'aide médicale urgente et la scolarisation des enfants de moins
de dix-huit ans dans l'enseignement public ne seraient pas interdits aux étrangers en situation
irrégulière.
2) La lutte contre le travail clandestin
Le gouvernement a commandé en 1994 une étude sur le travail clandestin. D'après les
résultats de l'enquête, il ne représentait en moyenne que 0,5 % du volume total de travail mais on
observait de fortes disparités selon les secteurs, en fonction de la qualification de la main-d'oeuvre
employée. Ainsi, le travail clandestin fournissait 43 % de la main-d'oeuvre dans la confection, 17 %
dans l'agriculture et 7 % dans l'hôtellerie et la restauration.
La loi sur l'emploi des étrangers a été modifiée en conséquence. Depuis 1993, l'embauche
illégale n'est plus une contravention mais un délit et les sanctions applicables aux employeurs ont
été alourdies : la sanction maximale consiste en une peine de prison d'un an et une amende pouvant
se monter à 100.000 florins (soit environ 300.000 francs).
3) La prévention des mariages blancs
Elle fait l'objet d'une loi, en vigueur depuis le 1er novembre 1994. Tout mariage d'un étranger
(entre deux étrangers ou entre un Néerlandais et un étranger) nécessite une déclaration du service
des étrangers selon laquelle au moins un des futurs époux séjourne régulièrement aux Pays-Bas.
L'officier d'état civil peut refuser de prononcer un mariage en cas de doute.
Depuis l'introduction de cette loi, on a constaté une baisse importante du nombre de mariages
mixtes à La Haye, à Amsterdam, à Rotterdam et Utrecht. Ainsi, à La Haye on avait, en 1994,
enregistré 704 mariages mixtes. Pendant les neufs premiers mois de 1995, il n'y en a eu que 160.
4) Le renforcement des contrôles
a) Le personnel
Les effectifs du personnel chargé du contrôle des étrangers ont été multipliés par deux en
quelques années. De plus, la suppression des contrôles aux frontières à l'intérieur de l'espace
Schengen, a permis le redéploiement de 200 gendarmes, désormais affectés au contrôle des
étrangers à l'intérieur du pays.
b) Les moyens du contrôle
Pour permettre au personnel compétent de pouvoir effectivement réaliser les contrôles
nécessaires, quatre mesures essentielles ont été prises :
- la modification de la loi sur les étrangers pour assurer l'efficacité des contrôles aux
frontières;
- la transformation du fichier central des étrangers ;
- l'obligation de justifier son identité ;
- la création d'un nouveau titre de séjour pour les étrangers.
Les membres de la police et de la gendarmerie chargés de la surveillance des frontières
peuvent arrêter et, en cas de besoin pour établir l'identité des intéressés, fouiller et détenir les
personnes qu'ils soupçonnent de séjourner irrégulièrement sur le territoire des Pays-Bas. La durée
de la détention est limitée à six heures (compte non tenu des heures comprises entre minuit et 9
heures), mais elle peut être prorogée de quarante-huit heures en cas de suspicion.
Le fichier central des étrangers est entièrement automatisé. Il est donc interrogeable à
distance à tout moment par tout agent pratiquant une vérification d'identité.
La loi sur l'obligation de justifier son identité, adoptée en 1993, est entrée en vigueur au
1er juin 1994. Désormais, toute personne âgée de plus de douze ans présente sur le territoire
37
néerlandais doit justifier son identité en cas de vérification. Des contrôles peuvent être organisés sur
le lieu de travail.
Depuis le début de l'année 1997, tous les étrangers disposent d'un titre de séjour identique qui
porte la mention du type de permis dont dispose le titulaire. Il s'agit d'un document infalsifiable
(comportant notamment un hologramme), que les étrangers doivent présenter lors des vérifications
d'identité.
c) L'efficacité des contrôles
Le nombre des expulsions a beaucoup augmenté au cours des dernières années :
1989 8.975
1990 10.692
1991 14.333
1992 21.189
1994 31.185
En effet, il a été décidé de ne plus tolérer comme auparavant la présence d'étrangers en
situation irrégulière. Pour que cet engagement devienne une réalité, les Pays-Bas ont signé avec
plusieurs pays (l'Allemagne, l'Autriche, la Belgique, la France, le Luxembourg, la Pologne, la
Slovénie et la Roumanie, par exemple) des accords aux termes desquels ces pays s'engagent à
reprendre leurs ressortissants qui séjournent illégalement aux Pays-Bas.
5) Les obligations des transporteurs
Les compagnies maritimes et aériennes doivent s'efforcer d'empêcher l'entrée d'étrangers sans
papiers, qu'il est ensuite très difficile d'expulser. C'est pourquoi elles ont l'obligation de :
- prendre des copies des papiers des étrangers qu'elles transportent, afin de les remettre à la
police des frontières ;
- réacheminer les étrangers qui ne disposent pas des papiers nécessaires pour l'entrée, ainsi
que les demandeurs d'asile arrivés sans papiers et à qui le droit d'asile a été refusé.
Le ministère de la Justice réfléchit depuis quelques mois à l'introduction d'amendes à la
charge des transporteurs.
ROYAUME-UNI
La loi de 1996 sur l'asile et l'immigration a multiplié les moyens permettant de lutter contre
l'immigration clandestine.
Elle a notamment créé de nouvelles infractions liées à l'immigration, comme l'acquisition ou la
tentative d'acquisition frauduleuse d'un titre de séjour. Elle a alourdi les sanctions des infractions
préexistantes.
Elle a aussi accru les pouvoirs des juges et des fonctionnaires de l'immigration pour arrêter les
étrangers en situation irrégulière, et interdit aux employeurs de faire travailler des clandestins.
1) La multiplication des infractions liées à l'immigration
La loi sur l'immigration et l'asile de 1996 a modifié la loi de 1971. Elle a multiplié les
infractions liées à l'immigration et alourdi les sanctions.
Désormais, non seulement le fait d'entrer sciemment de façon illégale au Royaume-Uni ou d'y
séjourner sans titre valable, mais aussi le fait d'obtenir ou de tenter d'obtenir frauduleusement un
permis constituent des infractions.
Ces infractions sont sanctionnées par une amende d'un montant d'au plus 5.000 livres (soit un
peu moins de 50.000 francs) et/ou par une peine de prison pouvant atteindre six mois.
Le fait de faciliter l'entrée de quelqu'un, tout en sachant qu'il s'agit d'un immigré clandestin ou
d'un demandeur d'asile, peut être sanctionné par une peine de prison pouvant atteindre sept ans. Le
moyen de transport éventuellement utilisé pour commettre l'infraction peut être saisi.
38
Cette infraction n'est pas punie lorsqu'elle est commise par quelqu'un qui agit sans but lucratif
ou dans le cadre d'un organisme qui prête secours aux réfugiés.
Le fait d'héberger un étranger en situation irrégulière est puni de la même façon que l'entrée
illégale.
2) Les pouvoirs des fonctionnaires de l'immigration et des juges
Les fonctionnaires du service de l'immigration peuvent arrêter, sans mandat, toute personne
qu'ils soupçonnent d'être entrée illégalement, de séjourner irrégulièrement, de s'être procurée
frauduleusement un permis de séjour, ou d'avoir tenté de le faire. Ils peuvent de même arrêter sans
mandat toute personne qu'ils soupçonnent d'avoir organisé ou facilité une entrée ou un séjour
irrégulier.
· Les juges, convaincus par une déclaration écrite faite sous serment, de l'existence d'un motif
de suspicion peuvent délivrer à la police un mandat permettant de pénétrer et de fouiller des locaux
susceptibles d'abriter un étranger en situation irrégulière.
3) La lutte contre le travail clandestin
La loi sur l'immigration et l'asile de 1996 érige en infraction l'emploi d'un étranger âgé de
plus de seize ans en situation irrégulière. La sanction applicable consiste en une amende d'un
montant d'au plus 5.000 livres par employé.
Les employeurs doivent donc vérifier la situation des personnes qu'ils s'apprêtent à
embaucher. Lors de la discussion du projet de loi, les employeurs se sont plaints du transfert de
responsabilité que l'Etat réalisait ainsi à leur charge. L'opposition travailliste avait déposé un
amendement tendant à dispenser les entreprises de moins de dix salariés de cette obligation.
4) L'exclusion des demandeurs d'asile du bénéfice de certaines prestations sociales
Convaincu que la plupart des demandeurs d'asile n'étaient pas de " vrais " réfugiés, le ministre
responsable de la sécurité sociale a, au début de l'année 1996, pris un règlement obligeant les
étrangers à déposer leur demande d'asile dans les 24 heures (12(*)) suivant leur arrivée pour ne pas
être privés de certaines prestations sociales.
En juin 1996, la Court of Appeal (voir annexe n° 2) a jugé cette réglementation illégale.
Estimant que le ministre avait outrepassé ses pouvoirs, elle a demandé que le Parlement légifère sur
ce point.
Lors de la discussion du projet de loi sur l'immigration et l'asile de 1996, la disposition
contestée par la Court of Appeal a été réintroduite.
Cette clause ne paraît cependant pas efficace car, en octobre 1996, la High Court a estimé que
la loi de 1948 sur l'assistance obligeait les collectivités locales à fournir aux demandeurs d'asile le
strict nécessaire (gîte et couvert). Cette décision a été réitérée en décembre 1997 par la High Court,
mais la Court of Appeal ne s'est pas encore prononcée.
5) Les obligations des transporteurs
La loi de 1987 sur la responsabilité des transporteurs en matière d'immigration oblige les
compagnies aériennes et maritimes à vérifier que les passagers qu'elles amènent au Royaume-Uni
sont en possession des documents nécessaires. Dans le cas contraire, elles encourent une amende de
2.000 livres par passager irrégulièrement transporté et doivent payer les frais de rapatriement des
étrangers.
La loi de 1987 a été amendée en 1993 : l'obligation des transporteurs a été étendue aux
ressortissants de certains pays qui transitent par le Royaume-Uni sans même s'y arrêter. Les pays
concernés sont l'Afghanistan, la Chine, l'Erythrée, l'Ethiopie, le Ghana, l'Iran, l'Irak, la Libye, le
Nigeria, l'Ouganda, la Somalie, le Sri Lanka, la Turquie et le Zaïre.
Les compagnies de ferry contestent la loi de 1987 et sont depuis quelques semaines en
discussion avec les services du ministère de l'Intérieur.
La loi de 1987 ne s'applique pas à l'Eurostar.
Le gouvernement travailliste n'a encore pris aucune mesure contraire à la politique
d'immigration menée par les conservateurs. Il a seulement décidé, dès le mois de juin 1997,
39
l'abrogation de la principale règle visant à empêcher les mariages blancs avec des citoyens
britanniques.
Depuis 1980, la primary purpose rule, précédemment exposée (voir p. 41), était en effet
appliquée de façon très stricte (un interrogatoire, mené par les fonctionnaires du ministère des
Affaires étrangères en poste à l'étranger, comportait notamment de nombreuses questions sur toutes
les habitudes du conjoint ou du futur conjoint). Elle avait cependant été assouplie en 1992 de façon
à ne pas empêcher le rapprochement de conjoints mariés depuis au moins cinq ans ou qui avaient
des enfants. Si la primary purpose rule a été abrogée, les trois autres conditions applicables au
regroupement des conjoints étrangers (rencontre préalable des futurs époux, intention de vivre
ensemble de façon permanente et non-recours aux fonds publics) continuent de s'appliquer, et la
charge de la preuve pèse sur les demandeurs. Ce n'est donc pas l'administration qui doit démontrer
le caractère factice du mariage.
En contrepartie de cet assouplissement, le gouvernement travailliste propose la création d'une
nouvelle infraction : le fait d'usurper l'identité de quelqu'un pour obtenir un acte de naissance. Il est
en effet apparu que certaines personnes se faisaient délivrer les actes de naissance d'enfants décédés
pour faire ensuite établir des passeports.
ANNEXE
Article premier de la convention de Genève sur le statut des réfugiés
Article 1er. - Définition du terme " réfugié "
A. - Aux fins de la présente Convention, le terme " réfugié " s'appliquera à toute personne :
1) Qui a été considérée comme réfugiée en application des Arrangements du 12 mai 1926 et
du 30 juin 1928, ou en application des Conventions du 28 octobre 1933 et du 10 février 1938 et du
Protocole du 11 septembre 1939, ou encore en application de la Constitution de l'Organisation
internationale pour les réfugiés ;
Les décisions de non-éligibilité prises par l'Organisation internationale pour les réfugiés
pendant la durée de son mandat ne font pas obstacle à ce que la qualité de réfugié soit accordée à
des personnes qui remplissent les conditions prévues au paragraphe 2 de la présente section ;
2) Qui par suite d'événements survenus avant le 1er janvier 1951 et craignant avec raison
d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain
groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne
peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n'a
pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de
tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner.
Dans le cas d'une personne qui a plus d'une nationalité, l'expression " du pays dont elle a la
nationalité " vise chacun des pays dont cette personne a la nationalité. Ne sera pas considérée
comme privée de la protection du pays dont elle a la nationalité, toute personne qui, sans raison
valable fondée sur une crainte justifiée, ne s'est pas réclamée de la protection de l'un des pays dont
elle a la nationalité.
B. - 1) Aux fins de la présente Convention, les mots " événements survenus avant le premier
janvier 1951 " figurant à l'article 1, section A, pourront être compris dans le sens de soit :
a) " événements survenus avant le premier janvier 1951 en Europe " ; soit :
b) " événements survenus avant le premier janvier 1951 en Europe ou ailleurs ", et chaque
Etat Contractant fera, au moment de la signature, de la ratification ou de l'adhésion, une déclaration
précisant la portée qu'il entend donner à cette expression au point de vue des obligations assumées
par lui en vertu de la présente Convention.
2) Tout Etat Contractant qui a adopté la formule (a) pourra à tout moment étendre ses
obligations en adoptant la formule (b) par notification adressée au Secrétaire général des Nations
Unies.
40
C. - Cette Convention cessera, dans les cas ci-après, d'être applicable à toute personne visée
par les dispositions de la section A ci-dessus :
1) Si elle s'est volontairement réclamée à nouveau de la protection du pays dont elle a la
nationalité ; ou
2) Si, ayant perdu sa nationalité, elle l'a volontairement recouvrée ; ou
3) Si elle a acquis une nouvelle nationalité et jouit de la protection du pays dont elle a acquis
la nationalité ; ou
4) Si elle est retournée volontairement s'établir dans le pays qu'elle a quitté ou hors duquel elle
est demeurée de crainte d'être persécutée ; ou
5) Si, les circonstances à la suite desquelles elle a été reconnue comme réfugiée ayant cessé
d'exister, elle ne peut plus continuer à refuser de se réclamer de la protection du pays dont elle a la
nationalité ;
Etant entendu, toutefois, que les dispositions du présent paragraphe ne s'appliqueront pas à
tout réfugié visé au paragraphe 1 de la section A du présent article qui peut invoquer, pour refuser
de se réclamer de la protection du pays dont il a la nationalité, des raisons impérieuses tenant à des
persécutions antérieures ;
6) S'agissant d'une personne qui n'a pas de nationalité, si, les circonstances à la suite
desquelles elle a été reconnue comme réfugiée ayant cessé d'exister, elle est en mesure de retourner
dans le pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle ;
Etant entendu, toutefois, que les dispositions du présent paragraphe ne s'appliqueront pas à
tout réfugié visé au paragraphe 1 de la section A du présent article qui peut invoquer, pour refuser
de retourner dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, des raisons impérieuses tenant
à des persécutions antérieures.
D. - Cette Convention ne sera pas applicable aux personnes qui bénéficient actuellement d'une
protection ou d'une assistance de la part d'un organisme ou d'une institution des Nations Unies autre
que le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés.
Lorsque cette protection ou cette assistance aura cessé pour une raison quelconque, sans que
le sort de ces personnes ait été définitivement réglé, conformément aux résolutions y relatives
adoptées par l'Assemblée générale des Nations Unies, ces personnes bénéficieront de plein droit du
régime de cette Convention.
E.- Cette Convention ne sera pas applicable à une personne considérée par les autorités
compétentes du pays dans lequel cette personne a établi sa résidence comme ayant les droits et les
obligations attachés à la possession de la nationalité de ce pays.
F.- Les dispositions de cette Convention ne seront pas applicables aux personnes dont on aura
des raisons sérieuses de penser :
a) Qu'elles ont commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre
l'humanité, au sens des instruments internationaux élaborés pour prévoir des dispositions relatives à
ces crimes ;
b) Qu'elles ont commis un crime grave de droit commun en dehors du pays d'accueil avant d'y
être admises comme réfugiés ;
c) Qu'elles se sont rendues coupables d'agissements contraires aux buts et aux principes des
Nations Unies.
(1) D'après l'article premier de la convention de Genève, " le terme " réfugié " s'appliquera à toute
personne craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa
nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques (...) "
(2) Cette condition n'est pas exigée dans le cas d'un étranger à qui le droit d'asile a été reconnu.
41
(3) Service du ministère de l'Intérieur compétent pour l'immigration et le droit d'asile.
(4) Le délai d'un an est éventuellement prorogeable de trois mois une seule fois.
(5) A moins que la personne ne remplisse les conditions requises pour entrer en Espagne par la
législation générale sur les étrangers ou que l'entrée en Espagne ne lui soit accordée à titre
exceptionnel " pour des raisons humanitaires ou d'intérêt public ".
(6) Le Haut-Commissariat est en effet informé du déroulement de la procédure dès le dépôt des
demandes.
(7) Les pays membres de l'Espace économique européen qui n'appartiennent pas à l'Union sont :
l'Islande, le Liechtenstein et la Norvège.
(8) La Police fédérale des frontières (Bundesgrenzschutz) est compétente pour toutes les infractions
directement liées à la frontière dans sa zone de compétence, qui s'étend jusqu'à 30 km de la
frontière. Elle comporte 40.000 personnes, mais ses compétences comprennent aussi la police des
chemins de fer et le maintien de l'ordre.
(9) Un DEM équivaut à 3,35 francs.
(10) Un franc belge équivaut à 16 centimes français
(11) 1.000 lires valent un peu plus de 3 francs.
(12) Les deux tiers des étrangers déposent leur demande après leur entrée au Royaume-Uni.
ARTICLE 7
(ART. 31 BIS DE L'ORDONNANCE DU 2 NOVEMBRE 1945)
RECOURS ABUSIF AUX PROCÉDURES D'ASILE
Cet article tend à compléter l'article 31 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, afin de
préciser le cas dans lequel une demande d'asile constitue un recours abusif aux procédures d'asile.
Le régime de l'admission en France des demandeurs d'asile qui résultait jusque là
essentiellement de la jurisprudence et de circulaires ministérielles, a été profondément remanié et
clarifié par la loi du 24 août 1993 qui -lui donnant une consécration législative- a inséré à cet effet
un chapitre VII nouveau dans l'ordonnance du 2 novembre 1945.
Ces nouvelles dispositions ont permis de bien distinguer l'asile territorial, c'est-à-dire
l'admission sur le territoire de l'étranger qui demande qu'on lui reconnaisse la qualité de réfugié et la
reconnaissance de cette qualité de réfugié -selon les critères définis par l'article premier de la
Convention de Genève du 28 juillet 1951- au demandeur d'asile.
Ainsi, les demandes tendant à séjourner en France au titre de l'asile doivent être faites dans les
conditions prévues par les articles 31 et 31 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 et relèvent des
autorités compétentes pour statuer sur l'accès au territoire, à savoir, à l'intérieur de celui-ci, le
représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police.
En revanche, la reconnaissance de la qualité de réfugié, au sens de l'article premier de la
convention de Genève, relève de l'office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et
de la commission des recours dans les conditions fixées par la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952.
L'article 31 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 prévoit que l'admission en au séjour au
titre de l'asile d'un étranger qui présente sa demande à l'intérieur du territoire français -qui concerne,
comme le spécifie l'article 31, un étranger qui n'est pas déjà admis à séjourner en France sous
couvert d'un des titres de séjour prévus par l'ordonnance ou par des conventions internationales- ne
peut être refusée pour le seul motif que l'étranger serait démuni des documents et visas requis par
l'ordonnance.
En outre, l'article 31 bis de l'ordonnance énonce limitativement quatre cas dans lesquels la
demande d'admission peut être refusée :
- l'examen de la demande relève d'un autre Etat, en vertu de la convention de Dublin du 15
juin 1990, de la convention de Schengen du 19 juin 1990 ou d'engagements identiques ;
42
- il est établi que le demandeur d'asile est effectivement admissible dans un Etat autre que
celui-ci où il redoute d'être persécuté, dans lequel il peut bénéficier d'une protection effective
notamment contre le refoulement ;
- la présence en France de l'étranger constitue une menace grave pour l'ordre public ;
- la demande repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures
d'asile ou n'est présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou
imminente.
Cependant, ces dispositions ne font pas obstacle au droit souverain de l'Etat d'accorder l'asile
à toute personne qui se trouverait dans l'un de ces cas.
Rappelons que les règles applicables en matière d'asile ont été précisées au plan
constitutionnel, à la suite de la décision du 13 août 1993 du Conseil constitutionnel et de débats sur
lesquels votre rapporteur ne reviendra pas, par la loi n° 93-1256 du 25 novembre 1993 qui a inséré
dans la Constitution un article 53-1 qui dispose expressément que :
" La République peut conclure avec les Etats européens qui sont liés par des engagements
identiques aux siens en matière d'asile et de protection des Droits de l'homme et des libertés
fondamentales, des accords déterminant leurs compétences respectives pour l'examen des
demandes d'asile qui leur sont présentées.
" Toutefois, même si la demande n'entre pas dans leur compétence en vertu de ces accords,
les autorités de la République ont toujours le droit de donner asile à tout étranger persécuté en
raison de son action en faveur de la liberté ou qui sollicite la protection de la France pour un autre
motif. "
La loi n° 93-1417 du 30 décembre 1993, a pour sa part, précisé que sauf dans le cas où
l'examen de la demande d'asile relève d'un autre Etat, le demandeur d'asile -qui s'est vu opposer un
refus d'admission au séjour pour l'un des trois motifs énoncés aux 2° à 4° de l'article 31 bis - peut
saisir l'OFPRA d'une demande de reconnaissance de la qualité de réfugié.
Ainsi conçu, ce dispositif doit permettre -outre une clarification indispensable du cadre
juridique- une utilisation normale et maîtrisée de la procédure d'asile qui a trop souvent été utilisée
dans le seul but de faire échec aux règles d'entrée et de séjour en France, comme en témoignent les
taux élevés de rejet des demandes pour certaines nationalités.
En outre, le renforcement sensible des moyens de l'OFPRA a permis à cet organisme
d'accomplir ses missions dans de meilleures conditions, notamment grâce à la mise en place d'un
fichier informatisé des empreintes digitales qui a facilité l'identification des candidatures multiples.
Pour autant, certains détournements de procédure résultant de la présentation de demandes
multiples sous des identités différentes sont encore constatés.
Pour remédier à ce type de fraudes, l'article 7 du projet de loi précise que le caractère abusif
d'une demande qui -comme il a été indiqué ci-dessus, peut fonder le refus d'admission au séjour du
demandeur- peut être constitué par la présentation frauduleuse de demandes multiples.
Il pouvait sembler que la rédaction du 4° de l'article 31 bis -qui vise expressément la fraude
délibérée et le recours abusif- aurait dû suffire à permettre le rejet de demandes de ce type.
La résolution des ministres des Etats de l'Union européenne responsables de l'immigration sur
les demandes d'asile manifestement infondées, prise à Londres le 30 novembre 1992, dont a été
directement inspiré le 4° de l'article 31 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, retient cette
interprétation.
Elle considère, en effet, que constitue un recours abusif aux procédures d'asile le cas où le
demandeur a, sans raison valable, délibérément omis de signaler qu'il avait précédemment présenté
une demande dans un ou plusieurs pays, notamment sous de fausses identités.
Néanmoins, deux arrêts du Conseil d'Etat (12 décembre 1986 et 9 février 1994) n'ont pas
reconnu les fraudes à l'identité parmi les motifs de refus de la demande.
Cette jurisprudence justifie la précision souhaitée par les auteurs du projet de loi.
43
On notera que la rédaction initiale du présent article visait la présentation frauduleuse de
plusieurs demandes d'admission au séjour au titre de l'asile sous des identités différentes.
Dans un souci de précision formelle, l'Assemblée nationale a -sur proposition de sa
commission des Lois- inséré la nouvelle disposition au septième alinéa de l'article 31 bis et retenu
une rédaction qui supprime le qualificatif " frauduleuse ".
Or, cette modification a des conséquences sur le fond du dispositif proposé. La rédaction
initiale du présent article impliquait en effet que la preuve soit apportée que la présentation de
plusieurs demandes sous des identités différentes était bien motivée par un détournement de la
procédure d'asile. Cette solution paraît souhaitable afin de prendre en compte les cas où l'utilisation
d'identités différentes peut ne pas constituer une fraude mais résulter par exemple des
caractéristiques de l'état civil du pays d'origine du demandeur.
C'est pourquoi, votre commission vous propose par un amendement de rétablir cette notion
de présentation frauduleuse de plusieurs demandes.
Votre commission vous demande d'adopter l'article 7 ainsi modifié.
Document E1611
(Mise а jour : 12 dйcembre 2009)
Proposition de directive du Conseil relative а des normes minimales concernant la
procйdure d'octroi et de retrait du statut de rйfugiй dans les Etats membres.
E1611 dйposй le 29 novembre 2000 distribuй le 5 novembre 2000 (11иme lйgislature)
(Rйfйrence communautaire : COM(2000) 0578 final du 20 septembre 2000)
 Travaux en Dйlйgation
Ce document a йtй examinй au cours de la rйunion du 7 fйvrier 2001
Proposition de rйsolution M. Thierry Mariani , no.818 dйposй(e) le 29 avril 2003,
Politique europйenne d'asile
Rapport d'information M. Thierry Mariani , no.817 dйposй(e) le 29 avril 2003, sur la
politique europйenne d'asile
 Adoption par les instances communautaires
 Ce document a йtй adoptй dйfinitivement par les instances de l'Union europйenne :
Directive 2005/85/CE du Conseil du 1er dйcembre 2005 relative а des normes
minimales concernant la procйdure d’octroi et de retrait du statut de rйfugiй dans les
Йtats membres.
 (JO L 326 du 13 dйcembre 2005) (Notification d'adoption publiйe au JOLD du
31/12/2005 p.20953)
Base juridique :
Article 63, 1, d) du TCE.
Procйdure :
Unanimitй au sein du Conseil.
Avis du Conseil d’Etat :
La proposition de directive du Conseil relative а des normes minimales concernant la
procйdure d’octroi et de retrait du statut de rйfugiй dans les Etats membres de l'Union
europйenne, si elle concerne des procйdures, comporte toutefois plusieurs dispositions
qui constituent des garanties а l’йgard des demandeurs d’asile et qui, а ce titre,
relиveraient en droit franзais de la compйtence lйgislative.
Motivation et objet :
Dans ses conclusions, le Conseil europйen extraordinaire de Tampere des 15 et 16
octobre 2000 appelait de ses vњux des normes communes pour une procйdure d’asile
йquitable et efficace. Cette proposition de directive concrйtise cette recommandation, en
fixant les mesures nйcessaires а la mise en place d’un traitement simple et rapide des
demandes d’asile. Participent pour l’essentiel de cet objectif la mise au point de
44
dйfinitions et d’exigences communes pour la dйtermination des pays sыrs ; le rejet des
demandes irrecevables ou manifestement infondйes ; la fixation de dйlais pour statuer en
premier ressort et en appel sur ces dossiers ; le souci de veiller а un niveau commun
d’йquitй procйdurale dans la Communautй europйenne et enfin la dйfinition de
conditions minimales pour les dйcisions et les autoritйs responsables de la procйdure
d’examen du statut de rйfugiй.
Ces normes minimales communes doivent contribuer а limiter les mouvements
secondaires de demandeurs d’asile rйsultant de disparitйs de procйdure entre les Etats
membres, en dйfinissant а la fois des rиgles et une procйdure communes.
* Des normes communes
On relиvera d’emblйe que si les Etats membres ne sont pas tenus de les appliquer, ils
devront s’y conformer s’ils dйcident de le faire. Mкme si elles existent dйjа dans nombre
de pays – la France pratiquant dйjа la notion de demande d’asile abusive – ces normes
communes concernent avant tout le traitement des demandes d’asile irrecevables et
manifestement infondйes.
– C’est ainsi que les Etats de l’Union pourront rejeter une demande d’asile comme
irrecevable dans les cas suivants : si, en application de la convention de Dublin, un autre
Etat membre est compйtent pour l’examen de la demande d’asile, si un pays est
considйrй comme le premier pays d’asile pour le demandeur, si un pays est considйrй
comme un pays tiers sыr pour le demandeur, si la demande est manifestement infondйe.
La notion de pays sыr est dйfinie en annexe а la proposition de directive. Il s’agit de pays
qui observent en rиgle gйnйrale les normes de droit international relatives а la protection
des rйfugiйs, c'est-а-dire qui soit ont ratifiй la convention de Genиve et disposent d’une
procйdure d’asile, soit n’ont pas ratifiй ladite convention mais en respectent certains
critиres, disposent d’une procйdure satisfaisant а ses clauses et appliquent le principe du
non-refoulement. Ces mкmes pays doivent au surplus observer en rиgle gйnйrale les
normes fondamentales de droit international relatives aux droits de l’homme pour
lesquelles aucune dйrogation ne saurait кtre admise en cas de guerre ou en cas d’autre
danger public menaзant la vie de la nation.
La notion de pays sыr ne constitue pas une nouveautй dans la rйflexion engagйe sur le
droit d’asile. Elle йtait dйjа apparue dans les conclusions de Londres du 30 novembre
1992 (« conclusions concernant les pays oщ en rиgle gйnйrale il n’existe pas de risques
sйrieux de persйcution »). Les critиres de ces pays sыrs renvoyaient aux normes
dйmocratiques mises en avant aujourd'hui par la proposition de directive.
Pour rejeter une demande comme irrecevable, en se fondant sur la notion de pays tiers
sыr, il faut non seulement que ce pays rйponde aux critиres de dйfinition de ces pays,
mais йgalement que le demandeur ait un certain lien avec le pays tiers, qu’il soit rйadmis
dans celui-ci et que rien ne porte а croire que ce pays n’est pas un pays tiers sыr en raison
de la situation personnelle du demandeur.
– Une demande d’asile pourra кtre йgalement jugйe manifestement infondйe si le
demandeur a dйposй, sans motif valable, une demande comportant de fausses indications
concernant son identitй ou sa nationalitй ; s’il n’a prйsentй aucune piиce d’identitй ni
aucun titre de voyage et n’a pas fourni d’informations suffisantes ou suffisamment
convaincantes pour permettre d’йtablir son identitй ou sa nationalitй, et s’il existe des
motifs sйrieux de penser que le demandeur, de mauvaise foi, a procйdй а la destruction
ou s’est dйfait de ces documents ; si une personne a introduit une demande d’asile
pendant la derniиre phase d’une procйdure d’expulsion alors qu’elle aurait pu кtre
introduite plus tфt ; si en dйposant et motivant sa demande, le demandeur n’invoque pas
de faits justifiant une protection sur la base de la convention de Genиve ou de l’article 3
45
de la Convention europйenne des droits de l’homme (C.E.D.H.) ; si le demandeur
provient d’un pays d’origine sыr, cette notion йtant dйfinie йgalement dans une annexe ;
s’il a dйposй une nouvelle demande n’invoquant aucun fait nouveau pertinent par rapport
а sa situation personnelle ou а la situation dans son pays d’origine. Dans ces hypothиses,
la procйdure d’examen des demandes d’asile peut кtre accйlйrйe.
* Une procйdure commune
La proposition de directive s’attache а dйfinir plusieurs rиgles constitutives d’une
procйdure commune. C’est ainsi que le dйpфt d’une demande d’asile est appelй а n’кtre
soumis а aucune formalitй prйalable. Le demandeur d’asile devra avoir la possibilitй
effective de prйsenter sa demande d’asile dans les meilleurs dйlais. Les dйcisions sur les
demandes d’asile devront кtre prises individuellement, objectivement et impartialement.
Le demandeur d’asile devra avoir un entretien personnel sur la recevabilitй et/ou sur le
fond de sa demande. Il devra pouvoir bйnйficier par ailleurs de l’assistance de personnes
physiques ou morales. Il pourra кtre placй en rйtention notamment pour vйrifier son
identitй ou sa nationalitй et dйterminer celles-ci s’il a procйdй а la destruction de ses
documents de voyage.
Cette procйdure peut toutefois кtre soit normale, soit accйlйrйe. Dans le cadre de la
procйdure normale, l’examen des demandes d’asile est appelй, sans autre prйcision, а se
faire dans un dйlai raisonnable. Si l’autoritй responsable n’a pas statuй dans ce dйlai, les
demandeurs ont le droit de solliciter une dйcision de l’organe de recours. Par ailleurs une
procйdure de retrait ou d’annulation du statut est prйvue, dиs lors qu’il y a lieu de
rйexaminer la validitй du statut du rйfugiй. Toute dйcision rendue sur la recevabilitй ou
sur le fond peut faire l’objet d’un recours dans un dйlai de vingt jours. Celui-ci a un effet
suspensif.
La demande manifestement infondйe fait l’objet, quant а elle, d’une procйdure
accйlйrйe. La dйcision la concernant doit кtre rendue dans un dйlai de soixante-cinq
jours а compter du dйpфt de la demande. A cette fin, un entretien personnel doit кtre
organisй dans les quarante jours suivant ce dйpфt et doit prйcйder la dйcision qui doit
кtre prise, dans les vingt-cinq jours а compter de cet entretien.
Les dispositions lйgislatives et rйglementaires prйvues pour l’application de la directive
devront intervenir avant le 31 dйcembre 2002.
Textes lйgislatifs nationaux susceptibles d'кtre modifiйs :
L’adoption de ce texte devrait entraоner des modifications de la loi n° 52-893 du 25
juillet 1952 relative au droit d’asile modifiйe.
Rйactions suscitйes :
A l’heure oщ certains Etats, comme la Belgique, en cessant le versement d’allocations
aux demandeurs d’asile, n’hйsitent pas а faire cavalier seul dans l’Union, au risque
d’introduire des disparitйs de traitement des demandes d’asile, susceptibles de crйer des
appels d’air chez leurs voisins, cette initiative d’institution de normes minimales
procйdurales est bienvenue. Cependant elle pourrait encourir deux reproches.
Si l’objectif poursuivi consiste а accйlйrer et allйger le traitement des demandes d’asile,
d’aucuns seraient fondйs а soutenir que la judiciarisation de la procйdure envisagйe
pourrait avoir l’effet inverse. L’existence de dйbats contradictoires et la possibilitй pour
le demandeur d’asile de bйnйficier du ministиre d’un avocat (art. 9) laisseraient penser
qu’elle a йtй largement inspirйe par les exigences posйes par l’article 6 de la CEDH.
Mais on ne saurait considйrer que les garanties rйsultant de cet article sont applicables en
l’espиce, dans la mesure oщ, d’une part, ne sont en cause ni des obligations de caractиre
civil ni des accusations en matiиre pйnale ( CE, 7 novembre 1990, Mme Seerwah ) et oщ,
d’autre part, l’autoritй appelйe а statuer n’est ni une juridiction ni une quasi-juridiction.
46
Par consйquent, la procйdure proposйe se diffйrencierait nettement du systиme franзais
basй sur une pyramide а trois йtages, а savoir un examen de la demande du statut de
rйfugiй par l’OFPRA, un recours en appel devant la Commission des recours des
rйfugiйs et un recours en Cassation devant le Conseil d’Etat, la procйdure juridictionnelle
n’йtant susceptible d’кtre engagйe qu’aprиs que l’OFPRA ait statuй.
Au-delа des problиmes soulevйs par le choix d’une procйdure qui pourrait s’articuler
difficilement avec les procйdures nationales et en particulier avec la procйdure franзaise,
on peut se demander si cette proposition n’entretient pas une confusion entre l’admission
au sйjour qui ressort traditionnellement а la compйtence du ministиre de l’intйrieur de
l’Etat concernй et la reconnaissance du statut de rйfugiй, йtabli d’aprиs les critиres de la
convention de Genиve du 28 juillet 1951. En effet le droit d’asile se rattache а l’exercice
d’une prйrogative rйgalienne de l’Etat alors que le statut de rйfugiй a un caractиre
rйcognitif liй а l’individu. Il est vrai cependant que cette confusion a dйjа йtй entretenue
par le lйgislateur franзais en 1998, lorsqu’il a modifiй la loi du 25 juillet 1952 portant
crйation d’un office franзais de protection des rйfugiйs et apatrides mais il n’est pas sыr
que ce mйlange des genres gagne а кtre consacrй dans un instrument juridique europйen.
Conclusion :
Le Prйsident Alain Barrau a rappelй que cette question constituait un sujet sensible
pour les pays candidats, notamment la Roumanie et la Bulgarie. Mme Nicole Feidt a
йvoquй, pour sa part, le problиme de la Hongrie dont 300 000 ressortissants vivent а
l’йtranger. Le Prйsident Alain Barrau a alors exprimй son accord avec le souhait
manifestй par Mme Nicole Feidt de travailler de maniиre plus approfondie le thиme de la
politique europйenne de l’asile et des rйfugiйs et son lien avec l’йlargissement. La
Dйlйgation a, en consйquence, dйcidй de maintenir la rйserve d’examen parlementaire
sur ce texte lors de sa rйunion du 7 fйvrier 2001.
association nationale d'assistance aux frontières pour les étrangers
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Les demandes d'asile à la frontière
Extrait du rapport de l'Anafé, Guide juridique et théorique, mars 2006
Une procédure dérogatoire
La procédure d’admission sur le territoire au titre de l’asile est dérogatoire car elle échappe au
pouvoir de décision qui est en principe dévolu à l’OFPRA et à la Commission des recours des
réfugiés en matière d’asile. Elle laisse ainsi une large place au ministère de l’Intérieur qui agit
souvent de manière prioritaire dans le sens de la politique des flux migratoires, au détriment des
nécessités individuelles de protection.
1 - Procédure
Enregistrement
L’étranger qui sollicite l’asile à la frontière peut le faire dès son arrivée ou à tout moment durant
son maintien en zone d'attente auprès de la PAF. La demande doit obligatoirement être prise en
compte et la PAF dresse un procès verbal de demande d’admission au titre de l’asile (dite « DAP »).
Ce sera le ministère de l’Intérieur qui prendra la décision finale.
Remarque : Cet enregistrement qui se faisait généralement lors de l’arrivée de l’étranger en même
temps que sa notification de non admission, ne se fait plus en pratique qu’à ZAPI 3. La PAF et le
ministère de l’Intérieur exigent que la demande soit « individuelle et personnelle ».
Audition
Dans la zone d'attente de Roissy-Charles de Gaulle, la demande enregistrée est transmise aux agents
de la DAF (Division asile aux frontières) de l’OFPRA. Ces agents sont chargés d'entendre les
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demandeurs d'asile. L’objet de cet entretien est de connaître les motifs de la demande du requérant
et de déterminer si elle n’est pas manifestement infondée. Après audition, l’OFPRA émet par écrit
un avis motivé et le transmet au ministère de l'Intérieur.
Dans les autres zones d'attente, la procédure est différente : à Orly, les agents de la DAF se
déplacent parfois, dans les autres zone d'attente, l’entretien se fait généralement par téléphone.
Décision
Le ministère de l'Intérieur, plus spécialement la DLPAJ, après consultation de l'avis de l’OFPRA,
prend une décision sur le caractère manifestement infondé de la demande :
- soit il autorise l'entrée sur le territoire au titre de l'asile. Il est alors mis fin au maintien en zone
d’attente et l’étranger se voit délivrer un sauf-conduit valable huit jours lui permettant de se rendre
en préfecture et de déposer sa demande d’asile, tendant à la reconnaissance du statut de réfugié ;
- soit il juge que la demande d'asile est manifestement infondée. Un refus d’admission au titre de
l’asile, qui doit être écrit et motivé, est alors notifié par la PAF et l’étranger devient un « non-admis.
Le refus est en principe accompagné de la décision motivée du ministère de l'Intérieur, impliquant
le refoulement immédiat de l’étranger, le plus souvent vers le pays de provenance. Un recours
contre cette décision est possible dans un délai de deux mois, mais il est sans effet suspensif. Son
utilité pratique est par conséquent très relative. Une procédure en référé peut toutefois être
envisagée.
Art. L. 221-1. L’étranger qui arrive en France (…) et qui (…) demande son admission au titre de
l’asile, peut être maintenu dans une zone d’attente (…) pendant le temps strictement nécessaire (…)
à l’examen tendant à déterminer si sa demande n’est pas manifestement infondée.
Article 12 du décret du 27 mai 1982 modifié par décret n°2004-1237 du 17 novembre 2004.
Lorsque l'étranger qui se présente à la frontière demande à bénéficier du droit d'asile, la décision de
refus d'entrée en France ne peut être prise que par le ministre de l'intérieur, après consultation de
l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.
2 – Evolution de la demande d’asile à la frontière
En 1996, le taux d'admission était de 36% avec près d'un tiers des décisions de rejet fondées sur le
principe du pays tiers sûr, écarté depuis par la jurisprudence. En 1997, le taux est remonté à 50%
pour atteindre jusqu'à 60% en 1998. Mais les chiffres ont ensuite baissé en 1999 (36%), 2000
(29%), 2001 (18,4%) et 2002 (20,22%) pour atteindre un seuil très bas en 2003 3,8%. En 2004, le
taux d’avis positifs est de 7.8%. Ce taux est largement inférieur à celui de l’OFPRA et la
Commission des recours des réfugiés compétents pour la détermination du statut de réfugié. Le taux
d’avis positifs en 2004 concernant les mineurs isolés est encore plus faible, 3.4%. Il semble être
globalement remonté pendant l’année 2005 .
En 2004, 96% des avis ont été transmis au ministère de l’Intérieur dans les quatre jours, soit avant la
comparution de l’étranger devant le juge judiciaire et alors qu’il reste sous le seul contrôle de la
PAF.
Les demandeurs d'asile aux frontières sont parfois admis sur le territoire pour d’autres motifs (juge,
raisons humanitaires, expiration du délai légal de maintien de vingt jours) mais ce taux général
d’admission tend également à diminuer (94% en 2001, 75,2% en 2002, 68,8% en 2003 et 48,9% en
2004).
3 - Qu'est-ce qu’une demande d’asile manifestement infondée ?
Si la procédure est dérogatoire au droit commun, la question fondamentale posée par l’instruction
des demandes d’asile à la frontière concerne les limites de l’examen pratiqué par les ministères. La
loi du 6 juillet 1992 a précisé que le maintien en zone d’attente d’un demandeur d’asile ne se
justifiait que « le temps strictement nécessaire à l’examen du caractère manifestement infondé de sa
demande ». C’est autour de la définition et de la portée de cette formulation que se situe aujourd’hui
l’enjeu du maintien en zone d’attente. Maîtriser leur accès au territoire est crucial pour l’Etat
français s’il veut mener à bien les objectifs affichés de sa politique migratoire. En cela, la définition
quelque peu obscure des conditions de recevabilité de la demande d’asile est d’une grande utilité au
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ministère de l’Intérieur pour justifier des refus d’entrée.
Donner une définition du « manifestement infondé » n’est pas chose aisée. Tout d’abord parce qu’il
s’agit d’un barbarisme, mal traduit de l’anglais (manifestly unfounded). Ensuite parce que l’analyse
littérale n’est pas toujours suffisamment éclairante. Le terme « infondé » relève du négatif, celui de
« manifestement » relève de l’évidence ou de l’a priori. La demande manifestement infondée serait
donc une évidence négative : ce n’est pas à première vue et sans aucun doute possible une demande
d’asile. Mais, sans définition légale, cette approche ne permet pas de déterminer quelles sont les
limites de l’examen ni de donner un contenu juridique à la notion. Il faut se tourner vers la
jurisprudence pour en cerner mieux les contours.
En théorie, l’examen du caractère manifestement infondé ou non d’une demande d’asile ne devrait
consister à vérifier que de façon sommaire si les motifs invoqués par le demandeur correspondent à
un besoin de protection (au sens le plus large : par référence aux critères énoncés par la Convention
de Genève relative au statut des réfugiés, mais également à la protection subsidiaire introduite en
France par la loi du 12 décembre 2003 ou toute autre forme de considération humanitaire). Il ne
devrait s’agir que d’un examen superficiel, et non d’un examen au fond, de la demande d’asile,
visant à écarter les personnes qui souhaiteraient venir en France pour un autre motif (tourisme,
travail, étude, regroupement familial, etc.) en s’affranchissant de la procédure de délivrance des
visas. Après admission sur le territoire, l’examen de l’éligibilité au statut de réfugié (ou la
protection subsidiaire) reste de l’entière compétence de l’OFPRA, qui dispose des conditions
adéquates pour effectuer toutes les recherches et investigations nécessaires : centre de
documentation, traductions, expertise de document, vérification et recoupement d’informations.
Une fois posés ces principes, il reste cependant une grande marge de manœuvre dans l’appréciation
du « manifestement infondé ».
Cette notion issue du droit administratif est apparue pour la première fois dans une conclusion n°301983 du Comité exécutif du HCR qui a estimé que « les procédures nationales de détermination du
statut de réfugié pourraient utilement prévoir des dispositions spéciales pour traiter avec célérité des
demandes considérées si manifestement infondées qu’elles ne méritent pas un examen approfondi à
chaque stade de la procédure ».
Elle a ensuite été précisée dans une décision du Conseil constitutionnel du 25 février 1992 . Saisi
par des parlementaires socialistes, celui-ci décidait d’apporter une réserve d’interprétation à propos
d’une disposition permettant de priver de liberté les demandeurs d’asile. Le Conseil constitutionnel
estimait que cette privation de liberté pouvait se justifier seulement si leur demande était
manifestement infondée. Dans un autre paragraphe, relatif à la responsabilité des transporteurs
acheminant des étrangers dépourvus des documents nécessaires à l’entrée sur le territoire, le Conseil
indiquait que la clause d’exonération prévue dans l’hypothèse où la demande d’asile de l’étranger
n’est pas manifestement infondée « implique que le transporteur se borne à appréhender la situation
de l’intéressé sans avoir à procéder à aucune recherche ». De la combinaison de ces deux
considérants de la même décision, on peut déduire que cette limite imposée aux compagnies de
voyage s’applique également au ministre de l’Intérieur.
A l’époque de l’élaboration de la loi française, se définissait également au niveau européen un
certain nombre de concepts rassemblés dans une résolution (dite « de Londres ») adoptée par les
Etats membres de l’Union en décembre 1992. Une définition très large de la demande
manifestement infondée (fraudes à la documentation, demande hors champ de la Convention de
Genève, récit non circonstancié, ni personnalisé ou dépourvu de crédibilité, possibilité d’asile
interne, existence d’un pays tiers sûr) faisait ainsi son apparition, qui, par confusion volontaire, a été
utilisée dans les premières années d’application de la loi de 1992. Le Conseil d’Etat, dans un arrêt
d’assemblée du 18 décembre 1996 , a logiquement censuré cette confusion, en estimant que cette
résolution, en l’absence d’effet contraignant et à défaut d’adaptation législative au niveau national,
ne pouvait pas servir de base légale à une décision individuelle. En l’occurrence, le ministère de
l’Intérieur avait rejeté la demande d’asile à la frontière sur le principe du pays tiers sûr, c'est-à-dire
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sur le fait que l’étranger avait transité par un pays dans lequel l’administration soutenait que
l’intéressé n’était exposé à aucune persécution et aurait pu demander l’asile. Mais en réalité, c’est
bien l’ensemble des définitions contenues dans la résolution de Londres que le Conseil d’Etat
cherchait à écarter. En outre, il indiquait que l’examen à la frontière ne pouvait aller au-delà des
critères utilisés dans l’examen de reconnaissance de la qualité de réfugié.
Saisi en référé, le Conseil d’Etat a réitéré son point de vue sur le pays tiers d’accueil. Il a
notamment estimé que le fait d’avoir séjourné dans un pays tiers n’était pas un motif de refus,
même si une demande de statut de réfugié y a été rejetée .
Le ministère de l’Intérieur a finalement admis qu’il devait renoncer à utiliser ouvertement le critère
du pays tiers sûr mais en pratique, il continue à souvent recourir aux autres éléments de la définition
de Londres pour apprécier les demandes d’asile à la frontière.
Une décision du Tribunal administratif de Paris, en date du 5 mai 2000 , permet enfin d’avoir une
idée un peu plus précise en indiquant que la demande est manifestement infondée lorsqu’elle est «
manifestement insusceptible de se rattacher aux critères prévus par la Convention de Genève du 28
juillet 1951 sur le statut des réfugiés, ou à d’autres critères justifiant l’octroi de l’asile ». Le tribunal
a critiqué la décision ministérielle car celle-ci a « étendu son appréciation à la valeur intrinsèque de
l’argumentation du requérant, pour considérer que les craintes de persécution apparaissaient peu
probables ». Cette décision reprend la définition contenue dans la conclusion No. 30 (XXXIV)1983 du comité exécutif du HCR du 20 octobre 1983.
Dès le jugement du 20 décembre 1996, décision dans laquelle il a posé le principe du droit des
demandeurs d’asile à l’entrée en France, le Tribunal administratif de Paris avait jugé que le ministre
de l’Intérieur avait commis une erreur d’appréciation en estimant manifestement infondée la
demande d’asile d’un ressortissant soudanais en relevant uniquement que celui-ci, à l’appui de sa
demande, avait fait valoir qu’il refusait d’être enrôlé dans l’armée gouvernementale pour combattre
un mouvement indépendantiste dans la région d’où il était originaire. Le Tribunal indiquait ainsi
que de simples déclarations étaient suffisantes, à l’exclusion de tout élément matériel, et que ces
déclarations n’avaient pas à être précises et circonstanciées .
De l’ensemble de ces éléments de jurisprudence, il semble à peu près clair que cet examen doit se
limiter à une évaluation superficielle visant à écarter uniquement les demandes ne relevant
manifestement pas du droit d’asile, laissant ainsi le pouvoir d’appréciation et de vérification à
l’OFPRA.
Cependant, la pratique est très éloignée de cette théorie et de la jurisprudence. Les définitions
données par les ministères ne semblent offrir que des lignes d’orientation.
Remarque : Ainsi, sur le caractère manifestement fondé ou pas de la demande d'asile et sur la
manière dont est portée cette appréciation, l’OFPRA indique que trois éléments sont à l'origine de
cette appréciation :
- la demande ne relève pas de l'asile (motifs tirés de l'insuffisance des ressources de l'intéressé dans
son pays, des mauvaises conditions de vie …) ;
- la personne présente des faux documents de voyage et n'apporte pas d'éléments d'explication sur
leur origine ;
- le récit de l'étranger manque de cohérence, n'est pas personnalisé ou comporte des éléments
manifestement erronés.
L’arrêt « Rogers » du Conseil d’Etat en 1996 a mis fin à la pratique selon laquelle était jugée
manifestement infondée la demande d’un étranger provenant d'un pays tiers sûr signataire de la
Convention de Genève où il lui était loisible de demander le statut de réfugié.
En réalité, l'examen des demandes à la frontière s’apparente de plus en plus à une prédétermination
du statut de réfugié et cette tendance est de plus en plus nette . Il n'est pas rare que des agents de la
DAF vérifient les informations contenues dans une demande ou qu’ils se permettent des
interprétations de la Convention de Genève pour conclure à un refus d’admission sur le territoire au
titre de l’asile alors même que la jurisprudence de la Commission des recours des réfugiés permet
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finalement de reconnaître le statut sur le même fondement (par exemple : rejet car les persécutions
n'entrent pas dans le champ d'application de la Convention de Genève parce qu'elles n'émanent pas
des autorités du pays ou parce qu'elles ne sont pas liées à une activité politique évidente). Des
décisions sont aussi parfois motivées sur le simple fait que les allégations du demandeur sont jugés
« peu probables » ou « étonnantes » et laissent ainsi entendre que les situations soumises n’ont pas
été examinées avec la rigueur souhaitée !
Remarque : La directive du 1er décembre 2005 relative aux garanties minimales de procédure
prévoit deux procédures distinctes à la frontière (article 35, paragraphes 1 et 2), qui devront être
aménagées au plus tard le 1er décembre 2007. Qu’il s’agisse d’une procédure de détermination du
statut de réfugié ou d’entrée sur le territoire au titre de l’asile, de nouvelles notions pourront être
introduites, telles que celles de pays tiers sûrs, voire « super sûrs ».
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