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Intervention de M. Laurent FRAISSE, économiste au CNRS – CRIDA, le Centre de
Recherche et d’Information sur la Démocratie et l’Autonomie, spécialiste des questions
d’économie sociale et solidaire.
Présentation de l’économie sociale et solidaire
Si l’économie sociale et solidaire n’est pas une chose nouvelle en soi, son affichage dans les
politiques publiques est en revanche un phénomène plus récent. Cet affichage est apparu au milieu
du XIXème siècle, période qui voit notamment la constitution du mouvement ouvrier et la phase
d’industrialisation, et qui mêle expériences syndicales et initiatives économiques telles que les
coopératives ouvrières de production ou les sociétés de secours mutuel. Ces dernières tâchent de
répondre à la question sociale de l’époque : le paupérisme.
L’ensemble de ces initiatives constitue une forme de projet politique qui participe à la fois de la
conquête de droits politiques - la Révolution de 1848 pose la question du droit de vote – tout en
esquissant les contours des droits sociaux économiques et, in fine, la question du risque de divorce
entre l’économie d’un côté et la démocratie de l’autre.
Ce n’est qu’au cours des trente dernières années que l’économie sociale et solidaire s’est à
nouveau affirmée en tant qu’entité dans l’espace public, à travers un double processus : au niveau
national, celui de la réunification des familles de l’économie sociale autour d’un certain nombre
de principes d’organisation, qui ont notamment permis un appui institutionnel avec la création au
début des années 80 de l’ADIES, et dans le même temps, la multiplication d’initiatives locales.
Aujourd’hui, l’économie sociale et solidaire couvre un large spectre d’activités et d’initiatives
allant des finances solidaires au commerce équitable, des services de proximité aux initiatives des
femmes dans les quartiers, des recycleries aux magasins biologiques, des systèmes d’échanges
locaux et même, des logiciels libres comme initiatives de coopération et de « don contre don » en
matière de nouvelles technologies de l’information.
La création du secrétariat d’Etat à l’Economie solidaire dans le précédent gouvernement (ndlr : le
gouvernement Jospin) a notamment contribué à donner une certaine visibilité à ces initiatives.
Depuis quelques années, l’affirmation de politiques territoriales d’économie solidaire,
revendiquant cette étiquette et non sous couvert d’autres politiques, marque un nouveau tournant
pour ce secteur. Toutefois, ces politiques nouvelles doivent s’inscrire dans le paysage et répondre
à un certain nombre d’enjeux.
1er enjeu : celui de la définition.
Faisant chorus avec M. TALEB, M. FRAISSE confirme qu’une approche par les statuts ne suffit
pas pour définir un projet territorial d’économie solidaire, et doit être articulée avec une approche
par l’utilité sociale. Selon lui, une des manières de surmonter la question de la définition est de faire
participer les acteurs pour définir en commun un projet de développement. L’identité collective, au-
delà des différences et des définitions des uns et des autres, s’agrégera autour ce projet commun.
2ème enjeu : reconnaissance des acteurs et d’appui à la mise en réseau.
L’une des difficultés rencontrées par les élus est celle de l’identification de leurs potentiels
interlocuteurs, face à leur multiplicité. Un équilibre est à trouver entre le fait de s’appuyer sur les
acteurs collectifs et les regroupements existants, comme les CRESS, et sur les acteurs isolés ne se