le butin, et la vengeance pouvaient encore suffire comme motivation. Il est notable que les
textes archaïques, qui ne sont guère tributaires du Coran, présentent encore la guerre
comme un duel héroïque.4
Les exhortations ne sont utiles qu'au moment où les autres motivations ne suffisent plus.
C'est ce qu'avait montré l'expédition pénible de Tabuk. La période de la ridda, de
l'apostasie générale des tribus, fournit une bonne occasion de commencer à penser
autrement la façon de faire la guerre, le pourquoi et le comment de la guerre. A ce
moment, le conflit est continu et non saisonnier, et oblige à des déplacements importants.
Comme tout le reste, le jihad comme notion, a été inventé a posteriori, et il est devenu une
légende, qui a son tour, est devenue réalité, par la vertu de l'exemplarité. Parfois, à force
de lire les récits détaillant les combats, d'une complaisance rare à l'égard de la violence, le
lecteur se prend à douter, à imaginer que la violence y est en fait d'opérette et de pacotille, à
l'exemple de celle qu'on peut lire dans l'Iliade.
L'illusion doit être dépassée, et l'évidence doit s'imposer: aucun de ces récits n'a été écrit par
ceux qui ont vécu, connu, été témoin des faits qu'ils prétendent décrire. Il faut parier même
que ceux qui ont usé leurs plumes et leurs encres n'ont jamais posé leurs fesses sur des selles.
Les personnalités qui se veulent charismatiques, ou que l’on veut présenter comme telles, se
distinguent mieux de toutes les autres par l’exercice de la violence, en menant la guerre.
Tous les rois le savent, et celui du Hejaz en a eu l’intuition. Autrefois, les chefs de tribus
restaient dans les mémoires, à travers les récits de leurs hauts faits, qui étaient
essentiellement des combats. Ainsi se constituait leur tradition à eux, la sunna de chaque
chef tribal. A ce point de vue, Muhammad ne change guère des autres chefs qui l’ont
précédé, exception faite de la taille prodigieuse qui sera accordée à sa tradition.5
La violence est au centre du système islamique. Elle est certainement aussi ce qui a créé
l'islamisme en tant que nouvelle doctrine. Monothéisme? Bof Récupération des prophéties
précédentes? Bof. Un livre qui guide les croyants? Bof. Rien de nouveau sous le soleil. Le
hanifisme était déjà tout cela chez les Arabes. La nouveauté marquante, qui change tout est
que le hanifisme comme vague monothéisme syncrétique, judéo-chrétien, était non-violent,
et là, soudain, au coeur de l'Arabie, le hanifisme mode muhammédienne devient violent,
ultra-violent, féroce, sans pitié. Il se distingue par un degré de violence permise absolument
nouveau dans ces contrées. Ce que nous disons a aussi comme mérite d'expliquer une autre
énigme, celle de la rapidité de l'expansion islamique, et du succès des armées arabes.
Violence divine, violence rhétorique du livre de référence, et violence humaine, celle des
journaux télévisés. Ajoutons la violence de la théologie, qui synthétise tout cela, sans
vergogne. L'islamisme ne s'exprime que dans la lutte: lutte dans l'affirmation de
l'islamisme, lutte contre la résistance à l'islamisme.
Pour fini, lutte entre soi, entre frères, voisins et amis, parce que le système présente l'autre
comme un faux ami, sinon un ennemi, du fait de l'invention terrible de catégories
d'opposants nombreuses, et vagues, qui peuvent désigner n'mporte qui. Jusqu'aux derniers
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
4 Cf. les extraits de Wahb ibn Munnabih.
5 Cf. A.J. Wensick, « Sunna », EI1.