La Guerre Froide leçon de révision
générale
I Les Débuts de la Guerre froide
Le problème allemand
Malgré le désaccord sur l’Europe orientale, malgré des malentendus avivés
par la différence des idéologies, l’entente des vainqueurs se serait peut-être
maintenue si, très vite, ils ne s’étaient pas opposés sur le sort de l’Allemagne.
À Yalta, il avait été question de la démembrer, de rétablir l’indépendance de
la Bavière, de la Saxe, du Hanovre, etc., mais Staline y avait soudain renoncé.
À Potsdam (juill. 1945), il avait conclu avec Truman et Clement Attlee un
accord auquel le général de Gaulle devait s’associer par la suite sous certaines
réserves. Cet accord maintenait le principe de l’unité allemande sous la
souveraineté d’un conseil de contrôle allié. Le territoire et la capitale étaient
divisés en quatre zones pour les besoins de l’occupation, mais l’administration
devait être quadripartie, les Alliés se dessaisissant de leurs pouvoirs au profit
des Allemands au fur et à mesure que ceux-ci feraient la preuve qu’ils
méritaient leur confiance. L’ancien Reich serait définitivement démilitarisé, et
son industrie lourde démantelée. Il paierait de lourdes réparations.
Pour l’U.R.S.S. ravagée par la guerre, rien ne comptait davantage que de
rebâtir le plus vite possible son économie. Les États-Unis lui refusant leur
concours, la Grande-Bretagne ne pouvant y songer, la tentation était forte
pour elle de se servir sur sa zone d’occupation, qui fut littéralement mise au
pillage. En même temps, elle y décrétait une réforme agraire radicale et
contraignait le Parti social-démocrate à la fusion avec le Parti communiste. À
l’automne de 1946, des élections législatives eurent lieu dans les cinq pays
(Länder) de cette zone; le nouveau parti unifié remporta partout la victoire, et
des communistes s’installèrent aux postes clés. Dans les zones occidentales, où
le Parti socialiste avait refusé la fusion avec le Parti communiste, ce furent soit
ses partisans, soit ceux du Parti chrétien-démocrate dirigé par le docteur
Konrad Adenauer qui prirent le pouvoir.
Pendant ce temps, les quatre discutaient vainement de l’avenir. Staline avait
rejeté un projet américain tendant à conclure un traité assurant pour vingt-
cinq ans le désarmement et la neutralité de l’Allemagne. Le 10 juillet 1946,
l’U.R.S.S. proposa de mettre fin aux limitations de la production de charbon et
d’acier et de placer la Ruhr sous contrôle quadriparti.
De ce projet les Anglo-Saxons retinrent surtout qu’il étendrait à la production
de la Ruhr les contestations quotidiennes que rencontraient leurs
représentants au conseil quadriparti établi à Berlin. Las de payer en fait pour
les prélèvements des Soviétiques, ils décidèrent de fusionner leurs zones. La
France devait y joindre la sienne, après l’échec de tentatives pour faire
soutenir par Moscou sa thèse sur le rattachement économique de la Sarre.
Auparavant, le 5 septembre 1946, James Byrnes, secrétaire d’État des États-
Unis, avait annoncé qu’il était temps de donner au peuple allemand la
responsabilité de ses propres affaires et la possibilité de se suffire à lui-même
sur le plan économique. La division de l’Allemagne en deux républiques
hostiles ne devait prendre corps officiellement qu’en 1949, mais elle était
contenue en germe dans les prises de position de 1946.
Le plan Marshall et La création des blocs
De plus en plus persuadé que le gouvernement soviétique «était froidement
résolu à exploiter l’état où se trouvait une Europe sans défense pour propager
le communisme», le nouveau secrétaire d’État américain, George Marshall,
annonça le 5 juin 1947 l’intention de son gouvernement de fournir une aide
économique importante aux pays européens, à charge pour ceux-ci de
s’entendre au préalable sur l’étendue de leurs besoins et la répartition des
crédits qui leur seraient ouverts. Les pays de l’Est et l’U.R.S.S. elle-même
furent invités à une conférence tenue à Paris à cet effet. Mais le Kremlin
déclencha une offensive à boulets rouges contre le projet, forçant la Pologne et
la Tchécoslovaquie à revenir sur l’acceptation de principe qu’elles avaient
commencé par donner.
Il accentue sa mainmise sur les pays d’Europe orientale libérés par l’Armée
rouge et que, malgré la signature, en 1946, de traités de paix avec les satellites
du Reich, il n’a commencé d’évacuer qu’en 1990. Les communistes prennent le
pouvoir à Budapest tandis qu’à Sofia on apprend la pendaison du leader
agrarien Ivan Petkov, l’un des héros de la résistance antiallemande. Le
5 octobre est créé un bureau d’information des Partis communistes, le
Kominform, destiné à remplacer l’Internationale communiste, dissoute en
1943, au plus fort de la collaboration interalliée contre l’Axe. Le délégué
soviétique Andreï Jdanov fait approuver par les participants à la réunion
constitutive la thèse selon laquelle le monde est désormais divisé en deux
camps, «l’impérialisme qui prépare la guerre contre l’U.R.S.S. et celle-ci, avec
les pays pacifiques qui lui sont alliés». Des grèves violentes éclatent dans les
pays d’Europe occidentale où les communistes ont été partout chassés du
gouvernement. Les troubles révolutionnaires, latents dans le Sud-Est asiatique
depuis la capitulation du Japon, s’intensifient rapidement.
Le « coup de Prague » et le pacte atlantique
Un événement dramatique, au début de 1948, fait monter la tension à son
comble. Encouragés par la chute de la popularité des communistes, qui
partageaient le pouvoir avec eux depuis la Libération, les partis «bourgeois»
tchécoslovaques essayent de desserrer le contrôle que l’extrême gauche exerce
sur la police. Mais ils perdent la partie, et, le 25 février, le président Edvard
Benes se résigne à mettre en place un gouvernement communiste homogène.
Le «coup de Prague», qui fait croire qu’une nouvelle guerre mondiale est
inévitable, répand un début de panique. Le 17 mars, la Grande-Bretagne, la
France et les pays du Benelux concluent un traité d’assistance mutuelle: c’est
le premier de l’après-guerre qui soit dirigé non pas contre l’Allemagne, mais
«contre tout agresseur», ce qui était une façon de désigner l’U.R.S.S. Déjà des
pourparlers étaient engagés avec les États-Unis pour conclure le «pacte
atlantique» (traité de l’Atlantique Nord) qui sera signé le 4 avril 1949 et
rapidement ratifié par ses douze signataires, malgré l’opposition violente de
l’U.R.S.S., des communistes, des «neutralistes» européens et des isolationnistes
américains.
L’aboutissement des négociations, qui remettaient en cause les traditions
séculaires de la diplomatie américaine, avait été grandement facilité par deux
événements de première importance: la rupture soviéto-yougoslave et le blocus
de Berlin.
Le 28 juin 1948, le Kominform proclamait, à la surprise générale, que le
maréchal Tito et son parti, par leur ligne «fausse, révisionniste, et leur
politique de diffamation envers l’U.R.S.S. (s’étaient) mis en dehors de la
famille communiste». Ainsi éclatait au grand jour un conflit qui remontait en
fait à l’époque de la guerre et résultait du refus du maréchal yougoslave de se
faire purement et simplement l’exécutant des volontés soviétiques. Des
campagnes d’une violence inouïe furent déclenchées contre Tito, que Moscou
chercha à renverser de l’intérieur. Mais très vite la Yougoslavie obtint le
soutien du monde occidental, allant jusqu’à conclure un pacte défensif avec la
Turquie et la Grèce, en 1954, après leur adhésion au pacte atlantique. La
rupture fut le signe d’une gigantesque épuration dans les pays demeurés
fidèles à l’U.R.S.S. Soupçonnés de «titisme», des chefs communistes de
premier plan furent envoyés à la potence.
Quant au blocus de Berlin, il avait marqué le couronnement d’une série de
mesures prises par les Soviétiques pour gêner les communications des
Occidentaux avec leurs secteurs et ainsi, sans doute, les forcer à les
abandonner. Les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France ayant, le 18 juin
1948, promulgué une réforme monétaire dans leurs zones, faute d’avoir pu
s’entendre avec Moscou sur les moyens de mettre fin à l’inflation généralisée,
voulurent étendre ses dispositions à Berlin-Ouest. Staline répliqua en bloquant
tous les accès terrestres et fluviaux. Washington improvisa en hâte un pont
aérien qui, contrairement à toute attente, réussit à maintenir la ville en
activité.
Les Soviétiques n’osèrent pas intercepter les avions alliés. Un peu moins d’un
an plus tard, le 12 mai 1949, soit six semaines après la signature du pacte
atlantique, le blocus était levé en échange de la convocation d’une conférence à
quatre. Celle-ci devait se séparer quelques semaines plus tard sans avoir pu se
mettre seulement d’accord sur son ordre du jour.
La Victoire communiste en Chine
Personne à l’époque n’aurait osé prophétiser que le statu quo en Europe ne
serait pratiquement pas modifié pendant quarante ans. Très vite, cependant, il
devient évident que le théâtre principal de la guerre froide s’est transporté en
Asie. C’est qu’un événement de première importance vient de s’y produire: la
prise du pouvoir par les communistes en Chine au terme d’une guerre civile de
plus de vingt ans.
L’aide donnée par l’U.R.S.S. à Mao a été pendant toute cette période fort
modeste, surtout si on la compare à l’assistance massive des États-Unis à
Tchiang Kai-chek. Staline ne souhaitait pas la victoire des communistes,
pensant probablement qu’il aurait quelque peine à maintenir son autorité sur
eux. Mais, dans le climat de tension créé par le «coup de Prague» et le blocus
de Berlin, il était fatal que la proclamation, le 1er octobre 1949, de la
république populaire de Chine apparût aux Américains comme un nouveau
coup de boutoir de la révolution mondiale. Fatal aussi que les mouvements
communistes ou communisants d’Asie s’en trouvassent considérablement
encouragés.
C’est le cas notamment de l’Indochine où les tentatives de la France de
reprendre pied, après la défaite nippone, s’étaient heurtées au Viêt-minh,
mouvement remarquablement organisé par Hô Chi Minh, vieux militant du
Komintern. L’arrivée des troupes communistes chinoises à la frontière du
Tonkin, dont le corps expéditionnaire français ne parvient pas à conserver le
contrôle, ouvre au Viêt-minh un «sanctuaire» où s’approvisionner en matériel
et faire reposer ses troupes. Du coup, alors qu’ils avaient fait tout leur possible
en 1945 pour empêcher les forces françaises de regagner l’Indochine, les
Américains se mettent à considérer cette guerre comme un des éléments du
combat planétaire du «monde libre» contre le communisme, et ils fournissent
à Paris une aide en crédits et en matériel de plus en plus considérable.
La guerre de Corée
L’invasion de la Corée du Sud par les troupes du gouvernement communiste
du Nord (25 juin 1950) renforce encore leur détermination . Les déclarations
faites quelques mois plus tôt par le secrétaire d’État américain Dean Acheson,
selon lesquelles la Corée du Sud «n’appartenait pas au périmètre de défense
des États-Unis», ne pouvaient pas être passées inaperçues à Moscou qui avait
certainement donné son feu vert à l’opération. Compte tenu de l’impopularité
du régime installé à Séoul par Syngman Rhee, Staline pensait peut-être
obtenir là un succès à bon compte, de nature à faire oublier ses échecs en
Grèce et à Berlin. Mais Truman envoie des troupes en Corée sous le pavillon
des Nations unies, dont l’approbation a été sollicitée in extremis. Après une
série de revers, elles remontent jusqu’aux abords de la frontière mandchoue,
ce qui entraîne l’intervention de «volontaires» chinois. C’est alors aux soldats
de l’O.N.U. de battre en retraite. Un débat dramatique s’engage entre le
commandant en chef Douglas MacArthur, partisan de bombarder la
Mandchourie en employant au besoin l’arme atomique, et Truman qui
redoute une guerre mondiale et finalement le destitue. Bientôt le front se
stabilise autour de l’ancienne ligne de démarcation et des pourparlers
d’armistice s’ouvrent à Kaesong (juill. 1951); mais ils conduisent vite à une
impasse complète. Il ne faut rien de moins que la mort de Staline pour que les
combats s’arrêtent.
Le réarmement de l’Allemagne
Entre-temps, la guerre de Corée aura poussé les États-Unis à réclamer le
réarmement de la république fédérale d’Allemagne, contrairement aux
dispositions les plus formelles des accords de Potsdam comme aux
engagements pris au moment de la signature du pacte atlantique. Ils justifient
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