relocalisaton federaliste et sociale

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Thierry Brugvin
Sociologue
Largotec/Paris Est
[email protected]
sociologue
LA RELOCALISATION FEDERALISTE ET SOCIALE
CONTRE LA RELOCALISATION NATIONALISTE
Proposition de contribution pour
THE 3RD INTERNATIONAL CONFERENCE ON DECREASE
FOR ECOLOGICAL SUSTAINABILITY AND SOCIAL EQUITY
(VENICE, 19-23 SEPTEMBER 2012)
Sous thème: DEMOCRACY AND DEGROWTH
Work shop: 43. A place for everything an everything in its place: scales of power and appropriate
size of political communities
Une politique de régulation relocalisée permet de développer de diminuer l’empreinte carbone, et
l’empreinte écologique et les pollutions diverses. La régulation relocalisée, favorise aussi l’autonomie
économique et politique, d’une localité, d’une région ou d’un pays. Un développement local économique,
social et écologique, doit prendre en compte l’identité culturelle, l’autonomie et les besoins essentiels selon
Preiswerk. Un développement (qualitatif) et une croissance (quantitative) sont nécessaires dans les pays et
auprès des populations, pour lesquelles la satisfaction des besoins essentiels n’a pas été atteinte et dont
l’empreinte écologique par habitant se situe sous le seuil maximal l’empreinte écologique par habitant
(1,8ha/hab en 2005).
Face à la régulation relocalisée des écologistes, certaines formes d’altermondialisme porté par des
associations tel Attac font la promotion d’un renforcement des organisations internationales, tel l’ONU et
court le risque d’un centralisme excessif. L’internationalisme, tend à dissoudre les nations pour créer une
humanité sous la direction d’un gouvernement mondialisé et non un gouvernement international, qui
supposerait qu’il existe encore des nations.
Cependant, l’autonomie économique, de la régulation relocalisée écologiste et sociale, ne signifie pas
pour autant égoïsme nationaliste. Une part des richesses, de la production et des services peut continuer à
être échanger, entre pays, dans un but de solidarité (sans ingérence) et produire les biens essentiels qui ne
peuvent être créer sur place. La redistribution des richesses au niveau local, régional, national et
international va de paire avec la régulation relocalisée et un certain protectionnisme. En revanche, ce
dernier et la redistribution ne doivent pas être détournés et les prêts ne doivent pas devenir des dettes
permettant d’assurer une domination politico-économique comme c’est le cas du FMI envers les pays les
plus pauvres et maintenant certains nations européennes.
Sans l’autonomie économique, l’autonomie politique est quasiment impossible. Cette dernière permet
à la population et à ses représentants élus de décider par eux mêmes de leurs orientations sociétales,
sans être dépend du pouvoir d’autres acteurs économiques (les banques et leurs créances) ou publiques
(les organisations internationales, tel l’OMC, le FMI, ou des Etats puissants comme ceux du G8).
L’autonomie politique est fondée sur la subsidiarité, le fait de ne décider à un niveau supérieur que ce qui
ne peut être décidé au niveau inférieur.
Les décroissants socialistes autogestionnaires cherchent donc à trouver un équilibre entre un
internationalisme, ou un altermondialisme, écrasant les spécificités culturelles et les autonomies des
localités et des nations et une régulation relocalisée nationaliste égoïste, en développant une régulation
relocalisée fédéraliste et sociale.
En effet, outre la dimension économique, sociale et culturelle, la dimension démocratique est centrale.
Afin d’éviter les risques d’une centralisation excessive des décisions et d’une dérive vers un
gouvernement mondial peu démocratique, la régulation relocalisée fédéraliste. Le véritable fédéralisme,
n’est pas une fédération centralisée, mais un fédéralisme fondé sur la subsidiarité, tel qu’il a été pensé à
l’origine notamment par Proudhon. C'est-à-dire que les décisions prises au niveau supérieur, ne peuvent
être prises que si elles sont impossibles ou inadaptées à l’échelon inférieure, tel la création d’un réseau
ferroviaire. La régulation relocalisée fédéraliste permet donc de trouver une équilibre entre les dérives
d’un centralisme coercitif et uniformisant d’un côté et de l’autre les excès d’une régulation relocalisée ou
démondialisation trop nationaliste et égoïste.
Politique centralisatrice versus décentralisatrice
Régulations (normes)
Solidarité (redistribution)
Autonomie économique
et identité culturelle
Centralisation excessive
des décisions, avec
risque de dérive vers un
gouvernement mondial
peu démocratique
Démocratisation par un
processus décisionnel
fondé sur la subsidiarité
(du bas vers le haut)
Mondialisme néolibéral
Internationalisme
Nationalisme
Régulation
relocalisée
fédéraliste et sociale
Renforcement
Affaiblissement
Altermondialisme
centralisateur
Renforcement
Renforcement
Démondialisation ou
régulation relocalisée
stricte
Affaiblissement
Affaiblissement
Renforcement
Renforcement
Affaiblissement
Affaiblissement
Renforcement
Renforcement
Renforcement
Renforcement
Renforcement
Renforcement
Affaiblissement
Affaiblissement
Renforcement
Renforcement
VERS UNE RELOCALISATON SELECTIVE ET SOCIALE DE L’ALIMENTATION
Dans les villes des pays industrialisés, comme des pays en développement, un nombre de plus en plus
grand de citoyens, cherchent à retrouver une autonomie qui soit à la fois alimentaire, mais aussi économique
et politique. Une des raisons est qu’au plan écologique, le commerce mondialisé et libéralisé, qu’il soit ou
non équitable nuit majoritairement à la planète, accroît les distances de transports et donc les émissions de
carbone et le réchauffement climatique. Pour éviter les écueils de ce système de production, les objecteurs
de croissance privilégient une relocalisation de la production alimentaire notamment et cherchent à
n’importer que ce qui ne peut être produite sur place, afin de développer l’autonomie économique, mais
aussi politique.
La relocalisation économique s’inscrit dans une lutte contre la délocalisation et la perte d’autonomie du
développement alimentaire et économique local. Elle consiste à produire localement afin de développer son
autonomie économique, politique, culturelle et à diminuer son empreinte écologique et son empreinte
carbone notamment. Serge Latouche défini la relocalisation comme le fait de « produire localement pour
l'essentiel les produits servant à la satisfaction des besoins de la population à partir d'entreprises locales
financées par l'épargne collectée localement ». Pour l’objection de croissance, les 8 «R» de Latouche,
forment le cercle vertueux de la construction d'une société écologique soutenable, la réévaluation constitue
logiquement la première action et la base du processus. « Toutefois, la relocalisation représente à la fois le
moyen stratégique le plus important et l'un des principaux objectifs de ce dernier. Cela traduit en quelque
sorte l'application du vieux principe de l'écologie politique : penser globalement, agir localement (...). Il y a
d'abord ceux qui veulent «vivre et travailler au pays» (...). On a même forgé un vocable, « glocal », pour
désigner cette nouvelle articulation entre le global et le local1.
Le capitalisme mondialisé s’oppose à l’objection de croissance internationale. Le socialisme
autogestionnaire et l’écosocialisme qui sont anti-capitalistes, recherchent en particulier à supprimer la
propriété privée des entreprises et des coopératives, puis à adopter une gestion démocratique et
écologique de la société. Cependant, la décroissance autogestionnaire, suppose en plus, le passage au
paradigme postmodernisme de la décroissance et en particulier de la « simplicité volontaire ». Ces derniers
impliquant à la fois dans la représentation du monde et dans les comportements des citoyens.
Il y a une logique politique commune entre le capitalisme néolibéral exercé par les transnationales dans
les pays industrialisés et dans les pays en développement. Marx explique, que la pauvreté, l’exploitation
des travailleurs permet leur domination et leur aliénation, qui limitent leur capacité à se former et donc leur
capacité à tenir leur rôle de citoyen, c’est à dire à défendre la démocratie. Avant, de trouver d'éventuelles
causes, relevant de l'illégalité, il faut en effet, chercher les causes de la pauvreté des pays en
développement dans l’analyse marxiste notamment. Cette dernière explique les inégalités principalement
par le rôle des infrastructures économiques, des rapports sociaux de production, les inégalités des termes
de l’échange, la division internationale du travail entre le centre et la périphérie 2 et la libéralisation
mondialisée. Ce dernier est fondé en particulier sur les théories de Ricardo sur l’avantage comparatif et la
division internationale du travail, en particulier l’échange de produits primaires en provenance des pays en
voie de développement contre des produits manufacturés exportés par les pays développés3. Ces
politiques néolibérales permettent aux transnationales agricoles d’écouler leurs produits agricoles dans les
PED. Or, elles sont fortement industrialisées et subventionnées par leurs Etats. C’est pourquoi la
concurrence est inégale. Ainsi en écoulant par exemple, du blé, des ailes de poulet ou du lait à très bas
prix, elles font disparaître les petits paysans locaux qui ne peuvent assumer la concurrence. Le chômage
s’accroît et le pays perd son autonomie alimentaire. De même la privatisation des services publics sous la
pression de l’OMC et de la Banque Mondiale, permet aux transnationales du Nord, de racheter à bas prix
les entreprises publiques. Le pays perd alors son autonomie au plan économique.
1
LATOUCHE Serge, le Pari de la décroissance, Fayard, 2006, p. 198.
EMMANUEL Arrighi, 1969, L'échange inégal. Essai sur les antagonismes dans les rapports économiques internationaux, Maspero.
3 RICARDO David, Principes de l’économie politique et de l’impôt, 1817.
2
A l’inverse certains courants, cherchent à développer l’autonomie locale et nationale, avant d’échanger
et donc à exercer une « relocalisation sélective » de la production favorable à la fois à la baisse de la
pollution liée aux transports, mais surtout une autonomie économique, alimentaire, technologique,
conditions d’un développement souverain, donc autonome.
Une relocalisation non sociale et non sélective s’inscrit dans une politique autarcique relevant
d’une décroissance d’extrême droite. Elle consiste dans un repli excessif sur soi, sur le local, sa nation,
sans prendre en compte les pays et les régions les plus pauvres. Dans un contexte quelque peu différent,
puisqu'il s'agit de politique intérieure, la Lombardie (en Italie du nord), ou la Serbie (dans l'ex-Yougoslavie) ont
chacune à leur manière cherchée à se séparer des régions les plus pauvres de leur pays par exemple.
« Ce sont bien les régions du Nord et Nord-est de l’Italie, ce qu’on appelle la 3e Italie, régions typiques du
développement local fondé sur le dialogue entre les quatre acteurs, qui ont accouché politiquement de la
Ligue du Nord. Mais elles ne sont pas les seules. Tous les modèles corporatistes qui ont su construire un
assez bon compromis social engendrent des réactions populistes face aux nouveaux venus (voir l’Autriche et
les Pays-Bas) (...). Le local ne se préoccupe pas forcément des plus démunis, au contraire. Au Japon et en
Corée, qui sont des cas de développement local national contre les puissances dominantes, il s’agit de
modèles de « close shop», dans lesquels on trace une frontière entre ceux qui participent aux bons côtés du
modèle, et les « derniers arrivants » qu’on exclut. L’esprit de solidarité qui caractérise le développement local
peut donc déboucher sur l’esprit de clocher, voire la xénophobie (...). Il y a une seconde limite au
développement local, la conscience du caractère environnementalement dangereux, à terme, d’une surspécialisation productive industrielle n’apparaît pas tout de suite. Les exemples abondent : Silicon Valley,
tanneries de Fès, etc »4.
Or, la richesse des pays les plus industrialisés, s'explique, notamment par la prédation et l'exploitation des
matières premières et des travailleurs des pays en développement, qui se sont déroulées de la colonisation
jusqu'à aujourd'hui.
La relocalisation, le développement local, « l’écorégion favorise les échanges internes mais ne s’interdit
pas les partenariats », précise Nicolas Ridoux5. "Cette refondation du local n’est nullement synonyme de
repli sur soi ou de repli identitaire Qui en effet, pourrait croire qu’une région pourrait se suffire à elle-même,
que chaque région du monde serait suffisamment dotée pour se passer de tout échange avec ses
voisines ? » affirme Latouche.
En effet, une relocalisation sélective et sociale et suppose aussi la prise en compte, de cette dette
économique, écologique et sociale, liées aux relations historiques des « pays du Nord envers ceux Sud ».
C'est à dire, qu'elle peut consister dans un soutien économique réel aux pays les plus faibles
économiquement, afin de rembourser cette dette. Cette aide peut prendre différentes formes, l’Aide publique
au développement), ou encore les taxes écologiques (Robin Hood tax), financière (taxe Tobin) visant à faire
payer les pollueurs ou les spéculateurs et à aider les plus faibles.
Cependant, il s'agit de prendre garde, aux stratégies de retournement consistant pour les élites
dominantes à détourner une bonne mesure en son contraire, que ce soit l’aide publique, l’écologie ou la
relocalisation...
La préservation des biens communs et la décroissance de la consommation des ressources non
renouvelables suppose une régulation publique internationale démocratique fondée sur la
subsidiarité.
Pour parvenir à démocratiser la société, il s'agit selon les écosocialistes d'appliquer une régulation fondée
sur le principe de subsidiarité (une décision ne doit être prise au niveau supérieur, que si elle ne peut pas être
décidée au niveau inférieur). Cela signifie que les acteurs économiques et sociaux disposeront de la libre
initiative, à l'exception des obligations décidées par les autorités publiques démocratiques (pouvoirs publics et
parties prenantes).
4
5
LIEPIETZ Alain, « Du développement local au développement durable, Op. cit. 2002.
RIDOUX Nicolas. "La décroissance pour tous", Ed. PARANGON, 2006, 155 p.
Au niveau national, la subsidiarité signifie que chaque Etat, étant souverain, dispose du droit de gérer luimême ses ressources (renouvelables ou non). Le fait de choisir de manière légitime une régulation au niveau
nationale s’appuie sur le principe de la nécessité de l’autonomie, de l’efficacité (plus les acteurs sont proches
du sujet, plus ils connaissent les besoins), et sur le développement d’une culture spécifique. Nous
développerons ces éléments ensuite.
Néanmoins il est difficile d’éviter une certaine tension dans les négociations entre les instances situées à
la base et le sommet, entre le local et le national, voir l’international. En effet, si la l’autonomie locale est un
fondement des politiques économiques libertaires ou décroissante, certains secteurs ne peuvent néanmoins
pas être complètement délégué au niveau local. En effet, la liberté des uns s’arrête ou commence celle des
autres », c’est à dire lorsqu’une action locale nuit à l’existence des autres, par exemple une centrale nucléaire
qui fuirait, ou une production de carbone par habitant, ou empreinte écologique non équilibrée. Cependant, si
un pays applique à la fois les principes de relocalisation et d’empreinte écologique, mais que cette dernière
s’avère supérieure à la limite égale par individu (1,8ha/hab en 2005), alors les habitants disposeraient du droit
de choisir librement de compromettre leur production future, en puisant exagérément dans les ressources non
renouvelables. En effet, l’empreinte écologique puise dans les seules ressources locales, si et seulement si,
elle est limitée à au frontière nationale, or quasiment aucun pays ne fonctionne ainsi actuellement.
L'ingérence humanitaire, (ou écologique), à parfois des vertus lorsqu’il s’agit de sauver une population en
danger de mort à cause du dirigeant d’une nation. Cependant, les grandes puissances n’interviennent
généralement, que si en plus de la morale, il y existe aussi des ressources à prélever ou au moins un intérêt
pour elle-même. Par conséquent, l’ingérence humanitaire, renforcent généralement les pratiques consistant à
s'immiscer dans la souveraineté d'un Etat et d'un peuple.
De l’ingérence humanitaire à l’ingérence écologique il n’y a qu’un pas. Fabrice Flipo explique que la nature,
qui n’est produite par personne, est la propriété de toutes et de tous. Une démocratie écologique doit donc
pérenniser les droits de tous les êtres humains à disposer d’un espace écologique minimal (terre, climat,
services écologiques essentiels ressources renouvelables ou non, etc.) lui permettant de disposer des
moyens de vivre. Elle doit aussi faire en sorte que les disparités de modes de vie ne dépassent pas un espace
écologique maximum au-delà duquel les autres espaces écologiques sont réduits. L’idée de « res communis »
peut traduire cela : la nature est une chose commune au sens où chacun(e) doit y avoir droit mais pas plus
que sa part (Flipo, 2009)6.
La relocalisation suppose la subsidiarité démocratique politique, sociale et économique
La subsidiarité signifie qu’une décision ne doit être prise au niveau supérieur que si les instances du
niveau inférieur n’en ont pas la capacité et lorsque l’intérêt général s’avère moins bien respecté lorsqu’il est
géré au plan inférieur. Par exemple en France, décider du montant du RMI ou du salaire minimum au niveau
national, peut éviter la concurrence vers le bas entre région ou les entreprises. Par contre décider du montant
du budget pour le transport collectif dans une commune peut légitimement se discuter à au niveau municipal.
Dans cette perspective il s’agit de décentraliser les décisions en assurant une redistribution des
financements et leur péréquation vers les niveaux inférieurs dans le respect du principe de subsidiarité. Les
transferts de charges sans transferts correspondants de ressources ni péréquations appropriées paralysent
les collectivités territoriales et menacent leur avenir et leur raison d’être, à savoir la libre administration de la
collectivité et sa capacité à conduire des politiques innovantes au service de la population. C’est ce qui s’est
passé en 2010 avec la fin de la taxe professionnelle prélevée auparavant par les municipalités. Or, les
nouvelles taxes proposées par le gouvernement français, qui n’ont pas suffit à compenser le déficit lié à la
suppression de cette taxe.
Ces réformes sont particulièrement nécessaires pour alimenter et rendre crédibles les budgets
participatifs. Il parait difficile d’inscrire l’entreprise dans une relation citoyenne et responsable avec son
territoire, sans imposer le contrôle des fonds publics affectés, directement ou non, à l’implantation
d’entreprises et à l’emploi, ainsi que le remboursement aux collectivités des sommes détournées.
6
FLIPO Fabrice, 2009, « La Terre, 2108 : un archipel de communautés autonomes », Mouvements.
Dans le cadre d’une régulation fondée sur la subsidiarité lorsque qu’un désaccord survient, il peut
être tranché, grâce au pouvoir de l'autorité de régulation arbitrale des pouvoirs publics (lorsqu’on leur
attribue cette fonction comme c’est le cas dans le cadre des organismes paritaires en France: Assedic,
sécurité sociale...).
La subsidiarité dans la régulation relève donc de deux types:
- La subsidiarité entre types d’acteurs: c’est à dire la différenciation entre la nature des acteurs
(acteurs privés puis pouvoirs publics qui les encadrent).
- La subsidiarité verticale: la différenciation entre les niveaux les plus adaptés à la prise de
décision: local, national, international.
Cependant la régulation fondée sur la subsidiarité, n’est pas très éloignée d’une régulation fondée
sur la décentralisation. Or, dans les deux cas on relève que:
- Si cela diminue les excès du pouvoir global centralisé, cela peut augmenter le développement des
potentats locaux (plan politique).
- Si c’est un rempart contre les reculs sociaux au plan global, cela peut rendre plus difficile la
généralisation des avancés sociales (plan social).
- Si cela permet de mieux cibler et redistribuer des richesses (donc des moyens) entre les acteurs
locaux, (s’il y a une volonté politique), cela peut entraîner plus de difficulté de redistribution entre les
régions ou les pays (plan économique).
La croissance infinie des transports permet de vivre dans un mouvement perpétuel
favorable à l’oubli de soi et au capitalisme néolibéral
La décroissance des transports est une des clés du projet décroissant et écologiste. En particulier, parce
que la pollution liée au transport est la première cause de réchauffement climatique. Comme l’a montré Ivan
Illich au début des années 70, la voiture individuelle est le symbole de la civilisation occidentale. Ivan Illich
calculé qu’un Américain moyen passait plus de mille six cents heures par an à sa voiture, que ce soit en
roulant ou en travaillant pour la payer. Ce dernier permet d’éviter de passer sa vie à gagner de l’argent, pour
s’acheter une voiture pour pouvoir aller travailler ! Une véritable histoire de shadoks … S’il exerce une activité
professionnelle, l’Américain moyen dépensait ainsi 1600 heures chaque année pour parcourir 10000
kilomètres. Cela correspondait une vitesse moyenne d’environ 6 km/h, soit à peine plus que la vitesse
moyenne d’un piéton (4 à 5 km/h) (Illich, 1973)7. La voiture a donc un rapport coût/efficacité largement plus
faible que le vélo, un des anciens symboles de la république démocratique de Chine.
Serge Latouche souligne que « si les idées doivent ignorer les frontières, les mouvements de
marchandises et de capitaux doivent être réduits à l'indispensable (...). Il faut pour cela impulser une
réalisation plus complète. C'est l'essentiel de l'activité économique et de la vie tout court qui doit être
reterritorialisé. Comment y parvenir? En internalisant les coûts externes du transport (infrastructure, pollution,
dont effet de serre et dérèglement climatique), on relocaliserait probablement un grand nombre d'activités.
Avec un coût du kilomètre multiplié par dix, les entreprises productrices redécouvriraient les vertus des
produits et des marchés de proximité » »8.
Dans le modèle capitaliste et plus largement le productivisme, le transport s’inscrit lui aussi, dans un projet
de croissance mondiale infinie. L’axiome premier de son développement est le besoin du marché et non par la
rationalité écologique et sociale. L’organisation mondiale du commerce (OMC) a pour mandat prioritaire, la
levée des obstacles au commerce et notamment des obstacles techniques. Les dirigeants de l’OMC cherchent
donc à faire disparaître, les normes sociales et environnementales qui sont des obstacles au commerce.. De
plus cette dernière s’inscrit dans le cadre de l’économie néolibérale, qui met en avant l’avantage comparatif
(Ricardo) et la division internationale du travail. Elle se fait donc l’apôtre d’un accroissement des échanges
commerciaux, des délocalisations au détriment de la relocalisation ou du droit à certain protectionnisme
permettant un développement autonome. Ce dernier est d’ailleurs la condition préalable à l’ouverture
7
ILLICH I., Energie et équité, Le Seuil, 1973.
8 LATOUCHE Serge, Le pari de la décroissance. 2006, Fayard, p. 205
économique, sinon l’économie nationale risque d’être dominée les entreprises transnationales étrangères.
A l’inverse dans les cultures traditionnelles, les moyens de se déplacer étaient plus lents, souvent
pédestre, fondés sur la traction animale ou l’usage de la voile. Ils respectaient l'environnement et leur vitesse
était plus humaine, plus proche du rythme des pas du marcheur, qui d’une certaine façon est l’étalon premier
de l’individu décroissant. Ce dernier cherche donc une décroissance des transports afin de réduire l’empreinte
écologique individuelle, nationale et mondiale, notamment par une relocalisation de la production. La
décroissance des transports suppose aussi de savoir retrouver le goût des vacances de proximité, du plaisir
de simple promenade dans les campagnes environnantes, plutôt que l’exotisme systématique du bout du
monde.
Mode de
transport
Localisation
de la
production
Culture Moderne
(du capitalisme occidental
techno-industriel)
Croissance infinie et
mondialisée
Régulée par les besoins du
marché et non par la rationalité
écologique
Spécialisation
Domination du centre sur la
périphérie
Inégalité des termes de
l'échange
Ouverture des marchés
Culture traditionnelle
(des peuples premiers)
Lent car pédestre, animal,
voile, mais respectueux de
l'environnement
Production locale
Echanges limités
essentiellement aux nomades
Culture postmoderne
(de la décroissance
autogestionnaire)
Décroissance des transports
visant à réduire l’empreinte
écologique
Autonomie locale et
nationale, avant d’échanger
Relocalisation sélective de la
production
Un développement agricole autonome suppose une relocalisation sélective et une baisse des
transports. Dans les années 70, les pays non alignés revendiquaient un développement autocentré,
notamment par la voix de l’économiste Samir Amin (1972). Un projet de développement pérenne devrait
s’appuyer sur la satisfaction des besoins essentiels, l’autonomie et le respect de l’identité culturelle observe
Roy Preiswerk9. Comme l’ensemble des actions de développement, une action peut aboutir à l’effet inverse,
lorsqu’elle entraîne une perte de l’identité culturelle, une perte de l’autonomie économique et politique, une
diminution de l’agriculture vivrière (Galtung, 1975). Cette dernière signifie que l’agriculture doit permettre aux
populations de se nourrir par elle-même et non orienter la production locale vers l’exportation de céréales,
tels le thé, le café, qui ne relèvent pas d’une consommation locale essentielle... Or, le commerce équitable
tend vers cela. Ces principes et ceux de la « production soutenable écologiquement » entrent en conflit avec
ceux de la mondialisation libérale. Mais le sont-ils aussi avec les principes du commerce équitable fondés
notamment sur le développement de la solidarité mondiale et de partage des richesses ? En effet, un
développement autonomie, suppose une relocalisation globale ou sélective (c’est à dire partiel), de même
que le droit à un certain protectionnisme. L’autonomie économique s’avère d’ailleurs la condition préalable à
l’ouverture économique, sinon l’économie nationale risque d’être dominée les entreprises transnationales
étrangères. Certaines ONG, tels les membres de MINGA (une fédération d’acteurs du commerce équitable
cherchant à intégrer les principes de la décroissance) cherchent en plus, à ce que les produits du Sud,
qu’elles vendent dans les pays industrialisés, ne concernent pas une part trop importante de la production de
la coopérative, pour lui permettre de conserver suffisamment d’indépendance.
PREISWERK Roy, in IUED: Il faut manger pour vivre...Controverses sur les besoins fondamentaux et le développement, PUF,
1980, p 132.
9
Tandis que la mondialisation libérale renforce, la dépendance vis-à-vis de l’extérieur, les transports et la
pollution, à l’inverse, dans les cultures traditionnelles, les moyens de se déplacer étaient plus lents, souvent
pédestres, fondés sur la traction animale ou l’usage de la voile. Ils respectaient l'environnement et leur
vitesse était plus humaine, plus proche du rythme des pas du marcheur, qui d’une certaine façon est l’étalon
premier de l’individu décroissant. Ce dernier cherche donc une décroissance des transports afin de réduire
l’empreinte écologique individuelle, nationale et mondiale, notamment par une relocalisation de la production.
La décroissance des transports suppose aussi de savoir retrouver le goût des vacances de proximité, du
plaisir de simple promenade dans les campagnes environnantes, plutôt que l’exotisme systématique du bout
du monde. Concilier commerce équitable et décroissance, suppose donc de limiter la consommation de
produits « indispensables » et d’user de modes de transport non polluant. De plus dans 40 à 80 ans les
réserves de pétroles devraient être épuisées, il ne restera alors plus que la voile, telle que la marine
marchande en a fait usage, pendant des siècles, ou la découverte d’énergies non polluantes et
renouvelables. Mais actuellement ces dernières restent du domaine de la spéculation.
La relocalisation de la production suppose néanmoins une planification démocratique globale. En
ce qui concerne la relocalisation de la production, se pose alors la question de la coordination au niveau
régional, national voir international, lorsque c’est nécessaire, par exemple sur les taux d’émissions de CO2 ou
l’empreinte écologique. Dans ce cas l’objection de croissance socialiste autogestionnaire envisage une
planification démocratique, c’est à dire que chaque fédération de travailleurs décide au niveau local, régional,
national et international ce qui ne peut être produit localement et qui doit être produit au niveau supérieur.. Au
niveau national la production de train semble un niveau de décision adapté par exemple, car il serait peut
rentable que chaque région crée sa propre coopérative de production de train à l’échelle française.
COMMENT CONSOMMER EQUITABLE ET ECOLOGIQUE ?
Tandis que le secteur du commerce équitable se développe doucement, l’intérêt des consommateurs pour
l’écologie, lui s’accélère rapidement. Au point que nombre d’entre eux, considèrent parfois, que l’écologie
(favorisée par la consommation de proximité) et le commerce équitable s’opposent, notamment à cause du
dégagement de CO2, lié au transport, un des facteurs importants du réchauffement climatique et de
l’empreinte écologique. Or, il existe néanmoins des approches ou ces deux courants peuvent coexister, tels
que le commerce équitable Sud-Sud ou la relocalisation sélective.
L’écologie est-elle compatible avec le commerce équitable Sud-Nord ? Selon la Commission
mondiale sur l’environnement et le développement (1988), l’amélioration des conditions de travail renforce les
chances de préservation de l’environnement et donc de s’orienter vers une production soutenable. Car, plus
un pays dispose de richesses financières, plus il dispose potentiellement de la capacité à assumer le coût de
la protection de son environnement. Cependant, le commerce équitable s’avère limité par le principe
écologique, qui suppose de diminuer les distances de transport qui accroissent les émissions de carbone.
C'est-à-dire que ne doit être importé que ce qui ne peut être produit sur place, afin de limiter la pollution liée
aux transports et l’autonomie alimentaire. Par exemple, en Suisse, le « label bio » Bourgeon interdit les
transports par avion et les matières premières importées, ne doivent pas dépasser 90%, tandis que pour le
« label Bio suisse » de Bourgeon, la limite autorisée descend à seulement 10%. En 2010, il existait environ
800 exploitations de production ou de commercialisation qui bénéficient de ce label. En effet, plus la
production se rapproche du consommateur, moins cela engendre de pollution, c’est le processus inverse du
commerce équitable.
L’objection de croissance socialiste autogestionnaire, implique notamment de cesser le productivisme
effréné de la société de consommation, de développer l’économie de proximité en la relocalisant, de diminuer
la pollution liée aux transports, de consommer des fruits locaux, donc de saison, d’éviter la concurrence avec
les petits producteurs locaux au Nord… Certains écologistes considèrent donc qu’il faudrait supprimer le
commerce éthique et équitable, car il nuit à une production véritablement « écologique et durable ». D'autres,
moins radicaux, envisagent plutôt une « décroissance sélective », tels Nicolas Hulot, ou une « relocalisation
sélective » de l’économie, tel Thomas Coutrot, le coprésident d’Attac. Cela consisterait à relocaliser la
majorité de la production de chaque nation, tout en conservant une part mineure des importations en
provenance de pays étrangers et lointains. Car, si vous résidez à Lille, importer des marchandises
indispensables, issues de la Belgique, peut s’inscrire dans la démarche de relocalisation sélective, d’un point
de vue écologique. Par contre au plan de l’autonomie économique, les critères deviennent alors encore un
peu plus restrictifs. Dans le cas d’une décroissance et d’une relocalisation sélective, certains secteurs
peuvent continuer à croître, comme la production alimentaire, tant que les besoins essentiels au Sud ne
seront pas satisfaits, tandis que d’autres comme les transports, devraient décroître dès à présent, au Nord
comme au Sud. Les échanges internationaux ne seraient pas non plus interrompus complètement, mais
limités aux secteurs indispensables.
Ainsi, la solidarité internationale ne serait pas interrompue, mais mieux pensée, afin de permettre un
développement favorisant l’autonomie économique et politique, avec la préservation des ressources non
renouvelables et plus généralement l’écologie. On le voit chacun des choix d’actions de solidarité
internationale, suppose une réflexion profonde qui doit prendre en compte chacun des éléments du
« système monde » dans une perspective systémique.
Le secteur du commerce équitable alimentaire : Nord-Sud, Sud-Sud ou Nord-Nord ?
Traditionnellement, on considère que commerce équitable concerne les relations Nord-Sud, cependant
Minga estime que les relations Sud-Sud et même Nord-Nord doivent aussi être développée. Par exemple, le
siège d’Oxfam aux Philippines vend de manière croissante des produits à des magasins Oxfam de Bangkok.
Minga, de même que la Confédération paysanne, pensent que le concept de commerce équitable doit aussi
recouvrir les relations de solidarité commerciale Nord/Nord. L’économie de proximité (Amap), l’économie
solidaire, par exemple pourrait s’inscrire dans ce cadre.
Cependant, l’association Max Havelaar, considère que la situation sociale des pays en développement est
telle, qu’on doit les distinguer par en créant plutôt un label « commerce solidaire » pour le commerce
Nord/Nord et un « label commerce équitable » pour le Sud/Nord. En effet, les niveaux de salaires et de
revenus des plus pauvres sont misérables (de 30 à 60 $/mois), il existe du travail des enfants, du travail
forcé, des durées de travail de 15h/jour, etc. Alors qu’en France, salaire minimum légal, s’élève à 1055 euros
nets et les plus pauvres ne meurent pas de faim.
Les ONG qui entendent concilier commerce équitable, écologie et autonomie économique cherchent à
importer des produits du Sud, se limitant par exemple à l’artisanat local (objets d’art, vêtements…), afin de ne
pas diminuer leurs cultures vivrières, ou de ne pas concurrencer les petits producteurs au Nord, qui vendent
du miel près de chez eux par exemple. Elles n’importent que des aliments, comme le chocolat, ou le café, ne
pouvant être cultivés dans les pays industrialisés. Cependant, même ce type d’aliment peut limiter
l’agriculture vivrière, dans la mesure où les populations locales ne peuvent pas se nourrir principalement de
café par exemple. Dans certaines régions d’Amérique du Sud, comme en Bolivie, le développement du
quinoa équitable, se développe tellement, qu’il déséquilibre et désorganise, la production des autres céréales
et donc perturbe l’autonomie alimentaire locale. D’autres produits ne peuvent pas être produits aux Nord, par
exemple les tapis indiens labellisés par Step-Suisse, et plus généralement l’artisanat s’inscrivant dans une
culture spécifique.
Quel que soit le choix qui sera fait, on observe d'ores et déjà, une concurrence entre certains produits
labellisés bios et commerce équitable et les produits bio français, par exemple des producteurs de miel local,
se trouve parfois en concurrence avec un producteur de miel équitable provenant du Sud.
Cependant, étant donné que le commerce équitable ne représente qu’une part infime du commerce
mondial (0,02%), ce type de dérive, n’a quasiment aucune incidence au plan macroéconomique, et l’impact
négatif lorsqu’il survient se limite actuellement à des secteurs commerciaux très circonscrits. Néanmoins, il
faut le prendre en compte dans la réflexion pour un modèle de production alternatif et du point de vue de
l’éducation populaire, de la prise de conscience citoyenne, qui est actuellement un des intérêts principaux du
commerce équitable.
Ainsi, à long terme, on peut imaginer que la majorité du commerce équitable serait Sud-Sud et Nord-Nord
(commerce solidaire), tandis qu’une faible part des flux commerciaux classiques et équitables porteraient sur
les relations entre le Sud et le Nord.
Écologie et solidarité internationale en matière alimentaire sont indissociables. En effet, la priorité
des populations les plus pauvres consiste à satisfaire leurs besoins essentiels et ensuite seulement à
s’intéresser aux questions écologiques. Car, on meure plus rapidement du manque de nourriture, lorsque l’on
ne vit qu’à avec 1$/jour, que de la pollution. Concilier écologie et développement autonome, suppose donc de
permettre économiquement et culturellement, aux plus démunis, de prendre en compte, dès le départ, les
besoins essentiels et l’écologie. Sinon, cette dernière restera lettre morte. Or, le nombre des populations
pauvres dans le monde reste majoritaire, par rapport à celui des populations riches, vivant notamment dans
les pays industrialisés.
En tout cas, pour ceux qui refusent d’appliquer une politique écologique malthusienne, consistant à laisser
mourir de faim, les populations les plus pauvres. Car ce type de politique malthusienne néolibérale, s’oppose
à une redistribuant des richesses mondiales, mais s’autorise à exploiter les ressources des pays en
développement.
Liepietz souligne aussi, qu’il « y a toujours une articulation de deux stratégies, en ce sens que même dans
un développement très autocentré, il faut une source de financement qui permet l’achat de produits de la
’’grande économie’’ mondialisée (des ordinateurs, des téléviseurs...). Cette source, c’est la redistribution
nationale (administration, dépenses sociales) ou les exportations locales. Un projet de développement de
pays intègrera par exemple le tourisme à la ferme, ou la production bio et fermière de qualité» 10.
La préservation des biens communs agricoles suppose une régulation publique internationale
démocratique fondée sur la subsidiarité. Pour parvenir à démocratiser la société, il s'agit selon les
écosocialistes d'appliquer une régulation fondée sur le principe de subsidiarité (une décision ne doit être prise
au niveau supérieur, que si elle ne peut pas être décidée au niveau inférieur). Cela signifie que les acteurs
économiques et sociaux disposeront de la libre initiative, à l'exception des obligations décidées par les
autorités publiques démocratiques (pouvoirs publics et parties prenantes).
Au niveau national, la subsidiarité signifie que chaque Etat, étant souverain, dispose du droit de gérer luimême ses ressources (renouvelables ou non). Le fait de choisir de manière légitime une régulation au niveau
nationale s’appuie sur le principe de la nécessité de l’autonomie, de l’efficacité (plus les acteurs sont proches
du sujet, plus ils connaissent les besoins), et sur le développement d’une culture spécifique. Nous
développerons ces éléments ensuite.
Néanmoins il est difficile d’éviter une certaine tension dans les négociations entre les instances situées à
la base et le sommet, entre le local et le national, voir l’international. En effet, si la l’autonomie locale est un
fondement des politiques économiques libertaires ou décroissante, certains secteurs ne peuvent néanmoins
pas être complètement délégué au niveau local. En effet, la liberté des uns s’arrête ou commence celle des
autres », c’est à dire lorsqu’une action locale nuit à l’existence des autres, par exemple une centrale nucléaire
qui fuirait ou une production de carbone par habitant, ou empreinte écologique non équilibrée. Cependant, si
un pays applique à la fois les principes de relocalisation et d’empreinte écologique, mais que cette dernière
s’avère supérieure à la limite égale par individu (1,8ha/hab en 2009), alors les habitants disposeraient du droit
de choisir librement de compromettre leur production future, en puisant exagérément dans les ressources
non renouvelables. En effet, l’empreinte écologique puise dans les seules ressources locales, si et seulement
si, elle est limitée à au frontière nationale, or quasiment aucun pays ne fonctionne ainsi actuellement.
10
LIEPIETZ Alain, « Du développement local au développement durable, Op. cit. 2002.
Localisation
de la production
Culture
Moderne
(du
capitalisme
occidental
techno-industriel)
Spécialisation
Domination du
centre sur la
périphérie
Inégalité des
termes de
l'échange
Ouverture des
marchés
Culture traditionnelle
(des peuples premiers)
Production locale
Echanges limités
essentiellement aux
nomades
Culture
postmoderne
(de la
décroissance
autogestionnaire)
Autonomie locale et
nationale, avant
d’échanger
Relocalisation
sélective de la
production
La relocalisation de la production suppose néanmoins une planification démocratique globale. En
ce qui concerne la relocalisation de la production, se pose alors la question de la coordination au niveau
régional, national voir international, lorsque c’est nécessaire, par exemple sur les taux d’émissions de CO2,
ou l’empreinte écologique. Dans ce cas l’objection de croissance socialiste autogestionnaire envisage une
planification démocratique, c’est à dire que chaque fédération de travailleurs décide au niveau local, régional,
national et international ce qui ne peut être produit localement et qui doit être produit au niveau supérieur.
Nous préciserons plus loin, les différents systèmes possibles de la planification démocratique. Au niveau
national la production de train semble un niveau de décision adapté par exemple, car il serait peut rentable
que chaque région crée sa propre coopérative de production de train à l’échelle française.
Les besoins essentiels, le développement autonome et l’identité culturelle sont les trois principes
d’un projet d’autonomie alimentaire. De plus, ils sont interdépendants et synergiques. Rappelons au
préalable, que d’une part, le développement économique et social est souvent une nécessité vitale, pour les
populations n’ayant pas atteint le niveau de l’empreinte écologique moyenne et soutenable pour l’humanité.
D’autre part le développement n’est pas qu’économique, mais il peut aussi être social ou culturel. Il s’agit de
différencier la notion de croissance, qui relève du quantitatif, du développement qui s’inscrit surtout dans le
qualitatif. Il est donc possible de décroître quantitativement, tout en développant qualitativement, l’éducation,
la culture, les services, la santé...
La stratégie des besoins essentielles est un des fondements de la décroissance, dans la mesure ou cette
dernière cherche à créer une société ou les besoins essentiels seront satisfaits, mais que les individus
sauraient autolimiter leurs besoins (Castoriadis 1996, IV : 137), afin de développer une « sobriété heureuse »
(Rabbi) dans à un monde ou les ressources matérielles et agricoles sont limitées.
En matière agricole, la culture technologique du capitalisme industriel, pousse vers une utopie
prométhéenne de la technique, comme solution à tous les problèmes. Elle prend une orientation
relativement contraire à l’optique de la technologie appropriée, car dans « sa vision du monde »
(Weltanschauung en allemand),, tous doivent adopter les technologies de pointes de l’occident, représentant
le fleuron du progrès pour l’humanité. Certains espèrent par exemple, que les ressources non renouvelables
(pétrole, uranium, métaux…) pourront être recrées notamment grâce aux nanotechnologies, en reconfigurant
les atomes un à un pour recréer par exemple les métaux qui auront été épuisés. Or, le pouvoir de la
technique (du technicien et du technocrate) crée à la fois une dépendance de la population et un ascendant
vis à vis du peuple, qui ne peut en maîtriser et en mesurer tous les impacts négatifs. D’ailleurs comme le
souligne Jacques Ellul (1997)11 la technique domine elle-même ceux qui cherchent à l’utiliser comme solution
unique pour résoudre les problèmes de l’humanité. L’approche techniciste tend à mettre en avant les valeurs
utilitaristes d'efficacité et de progrès technique, au détriment des besoins de l'homme, de la culture et de sa
relation à la nature. Bruno Latour souligne à ce propose que « les techniques appartiennent au règne des
moyens et la morale au règne des fins, même si, comme Jacques Ellul en a témoigné il y a bien longtemps,
certaines techniques finissent par envahir tout l'horizon des fins en se donnant à elles-mêmes leurs propres
lois, en devenant "auto-nomes" et non plus seulement automatiques » (Latour, 2000 : 19)12.
En répondant aux besoins des populations, en stimulant par exemple la production des cultures vivrières,
en permettant l'éducation de base, en répondant aux besoins locaux avant de suivre la demande
internationale, le pays devient ainsi plus autonome et peut assurer sa croissance à long terme.
La participation communautaire est une des applications de ce modèle de "développement tripartite."
Mais, pousser trop loin ces trois principes du développement poussent vers certains excès. Trop de « self
reliance » conduit à l’autarcie sclérosante, l’exacerbation de l'identité culturelle pousse vers un nationalisme
destructeur et la satisfaction des besoins essentiels devient à nouveau un moyen de conserver les privilèges
des plus riches, avec un système à deux vitesses. La vigilance et le discernement restent donc nécessaires,
lorsque l'on s'appuie sur ces trois piliers du développement.
Le capitalisme libéral mondialisé est fondé en particulier sur l’avantage comparatif et la division
internationale du travail, en particulier l’échange de produits primaires en provenance des pays en voie de
développement contre des produits manufacturés exportés par les pays développés (Ricardo) 13. Il s’appuie
aussi sur la domination du centre sur la périphérie, l’inégalité des termes de l'échange (Emmanuel, 1969) 14
renforcé par une ouverture « forcée » des marchés nationaux au nom du néolibéralisme, en particulier par
l’OMC, appuyé par les institutions de Bretton-Woods. A l’inverse la décroissance autogestionnaire, cherche à
développer l’autonomie locale et nationale, avant d’échanger et donc à exercer une « relocalisation
sélective » de la production favorable à la fois à la baisse de la pollution liée aux transports, mais surtout une
autonomie économique, alimentaire, technologique, conditions d’un développement souverain, donc
autogéré.
La technologie appropriée en agriculture est un moyen de conjuguer l’autonomie et l’identité
culturelle. C’est aussi l’opportunité de découvrir des techniques spécifiques à un pays ou d'adapter des
technologies extérieures aux besoins du pays. Il s’agit par exemple de l’utilisation de la traction animale pour
labourer son champ, plutôt que de l’utilisation d’un tracteur à la fois cher et qui ne peut être réparé par
manque de pièces disponibles sur place et des connaissances nécessaires.
La production extensive et naturelle permet une forte productivité et l’accès à l’autonomie. C’est ce
que nous montre le film documentaire, « Herbe » sorti en 2008, réalisé par Matthieu Levain et Olivier Porte. Il
se déroule dans la Bretagne paysanne. Alors que des fermes se sont engagées depuis plusieurs années dans
une agriculture autonome, durable et performante, la majorité de la profession refusent cette approche. Ce
film illustre très bien, deux orientations opposées de la production agricole. D’un côté la production extensive
et naturelle et de l’autre, la production agro-industrielle qui est intensive, productiviste, chimique, modifié
génétiquement et fortement irriguée. Cette dernière approche est le résultat de l'industrie agro-alimentaire et
du complexe pétro-chimique de transnationales, telle Monsanto. Elle a pour objectif de vendre plus d’engrais
et de pesticides qui proviennent en large partie de la production de pétrole. Cette orientation qui s’est
fortement accélérée durant ce que l’on a appelé la révolution verte au cours de la période 1944-1970. Mais
ELLUL Jacques (1997), 2004, Le système technicien, Ed. Le Cherche-Midi.
LATOUR Bruno, « La fin des moyens », Réseaux. Communication – Technologie – Société, année 2000, volume 18, numéro
100, p. 39.
13 RICARDO David, Principes de l’économie politique et de l’impôt, 1817
14 EMMANUEL Arrighi, L'échange inegal. Essai sur les antagonismes dans les rapports économiques internationaux (Maspero,
1969)
11
12
cette dernière devrait plutôt être qualifiée de révolution industrielle de l’agriculture, dans la mesure ou il se
s’agit que de la couleur verte des plantes et non pas du vert de l’écologique. Cette approche est encore
renforcée par le fait que les faits que les ingénieurs agronomes sont formés dans cette optique. D’ailleurs les
lobbies de l’industrie font pressions de diverses manières afin que les ingénieurs, soient formés ainsi.
Or, ce mode de production fondé sur le pétrole et la mécanisation va devenir de plus en plus coûteux du
fait de la raréfaction du pétrole. Il a déjà un coût très important en terme même simplement financier, car les
agriculteurs de ce type doivent emprunter aux banques privées. Ces prêts vont leur permettre d’acheter de
gros tracteurs, de grands systèmes de traites automatisées, de fabriquer de très grosses exploitations
agricoles, capables d’accueillir un gros troupeau de vaches laitières et de les nourrir, mais aussi de stocker du
mais et du soja qu’ils produisent eux-mêmes. Ce modèle de production industrialisé, permet de produire
beaucoup, avec très peu de personnel. Cependant cela à plusieurs inconvénients. Le premier c’est qu’il a un
coût financier très important, ce qui oblige les agriculteurs à travailler de très longues journées à un faible
salaire, afin de rembourser leurs emprunts aux banques. C’est par contre un mode de production très rentable
pour le capitalisme bancaire et pétrochimique.
A l’inverse les paysans qui ont choisis de nourrir leur troupeau avec de l’herbe en laissant paître leur
troupeau dans les prairies, n’ont pas eu besoin de faire de prêts si importants. Le mode de production naturel
et extensif peut-être qualifiée de post-moderne, dans la mesure ou elle cherche à conjuguer certains
avantages de l’agriculture moderne (un petit tracteur) et de l’agriculture traditionnelle (laisser les vaches
brouter l’herbe qui pousse grâce aux seules force de la nature : la terre, la pluie et le soleil). Ainsi, dans ce film
on constate, que les salaires mensuels de ce type de paysans sont relativement proche de ceux de
l’agriculture industrialisés, mais par contre leur salaire horaire est considérablement plus élevés, car ils ne
travaillent environ 30 à 50% de temps en moins !
Conclusion
Une politique de relocalisation permet de retrouver une autonomie alimentaire, développer de diminuer
l’empreinte carbone, et l’empreinte écologique et les pollutions diverses.
La relocalisation, favorise aussi l’autonomie économique et politique, d’une localité, d’une région ou d’un
pays. Un développement économique local social et écologique, doit prendre en compte l’identité culturelle,
l’autonomie et les besoins essentiels selon Preiswerk. Un développement (qualitatif) et une croissance
(quantitative) sont nécessaire dans les pays et auprès des populations, pour lesquelles la satisfaction des
besoins essentiels n’a pas été atteinte et dont l’empreinte écologique par habitant se situe sous le seuil
maximal l’empreinte écologique par habitant (1,8ha/hab en 2005).
Cependant, l’autonomie économique, ne signifie pas pour autant égoïsme nationaliste. Une part des
richesses, de la production et des services peut continuer à être échanger, entre pays, dans un but de
solidarité (sans ingérence) et produire les biens essentiels qui ne peuvent être créer sur place. La
redistribution des richesses au niveau local, régional, national et international va de paire avec la
relocalisation et un certain protectionnisme. En revanche, ce dernier et la redistribution ne doivent pas être
détournés et les prêts ne doivent pas devenir des dettes permettant d’assurer une domination politicoéconomique comme c’est le cas du FMI envers les pays les plus pauvres et maintenant certains nations
européennes.
Sans l’autonomie économique, l’autonomie politique est quasiment impossible. Cette dernière permet à la
population et à ses représentants élus de décider par eux mêmes de leurs orientations sociétales, sans être
dépend du pouvoir d’autres acteurs économiques (les banques et leurs créances) ou publiques (les
organisations internationales, tel l’OMC, le FMI, ou des Etats puissants comme ceux du G8). L’autonomie
politique est fondée sur la subsidiarité, le fait de ne décider à un niveau supérieur que ce qui ne peut être
décidé au niveau inférieur.
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