Paragraphe 3 : La répartition ou aménagement des pouvoirs
Dans tous les Etats, on distingue trois fonctions qui vont donner lieu à une
classification des pouvoirs. En effet, la souveraineté politique doit s’exercer et les
titulaires du pouvoirs disposent de fonctions qui ont un rôle différent.
Dans la démocratie classique, la séparation des pouvoirs n’est pas toujours juridique
constitutionnellement établi mais un art politique. Mais, cette séparation des pouvoirs
peut aussi être inscrite dans les constitutions. Elle est fondée sur la sagesse et
l’expérience mais pas seulement.
L’article 16 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789
dispose que toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la
séparation des pouvoirs déterminées n’a point de constitution.
Le principe veut que qu’aucun organe politique ne puisse tenir la totalité des
compétences attachées à la souveraineté en dehors bien entendue de la nation. Il
n’y a pas de liberté possible si l’un des organes exerce la plénitude de la
souveraineté. La paration des pouvoirs n’implique nullement une collaboration des
pouvoirs mais elle engendre un équilibre des pouvoirs pour garantir la liberté
politique.
Durant le XVIIIe siècle, les philosophes des Lumières ont beaucoup réfléchi sur cette
classifications des pouvoirs pour, d’une part, combattre la monarchie absolue de droit
divin et l’absolutisme royal, et, d’autre part, demander l’institution d’un régime plus
démocratique où la séparation des pouvoirs est assurée.
Montesquieu publie en 1748, De l’esprit des Lois faisant suite aux lettres persanes,
il dénonce les excès de la monarchie française et demande l’instauration d’une
véritable séparation des pouvoirs ainsi que d’un nouvel équilibre institutionnel en
cette matière.
Dans un chapitre intitulé « de la Constitution d’Angleterre, il distingue trois fonctions
ou trois pouvoirs qui ont un rôle particulier.
une fonction législative : élaboration et vote des lois. Cela implique que le
pouvoir législatif pose des règles générales et impersonnelles qui auront force
de lois
une fonction exécutive : faire appliquer les lois. Mais, ce qui était valable au
XVIIIe siècle a profondément évolué. En effet, le pouvoir exécutif assure bien
évidemment l’exécution de la loi mais il a en charge l’administration intérieure
du pays par le biais des organes administratifs la conduite des affaires
étrangères. Toutefois, dans le cadre de la séparation des pouvoirs, on
retiendra que le pouvoir exécutif est le pouvoir gouvernemental qui doit avoir
pour mission, entre autre, de faire exécuter la loi.
une fonction juridictionnelle : trancher les litiges. Le pouvoir judiciaire et
juridictionnel en général est terrible pour Montesquieu car il avait le pouvoir
d’envoyer à l’échafaud des criminels. Or, il est indispensable qu’il soit bien
évidemment séparé et indépendant des deux autres car il est indispensable
de fractionner les compétences attachées à la souveraineté pour assurer la
liberté politique. Dans les démocratie, la justice doit être indépendante et
impartiale.
Partant de cette identification de fonction, on peut imaginer deux conceptions :
Une première qui voudrait que ces trois fonctions soient exercées plus ou moins par
un même organe, c’est la confusion des pouvoirs.
Une seconde qui voudrait que ces trois fonctions soient exercées par des organes
différents, c’est la séparation des pouvoirs.
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Dans ce cas, on rencontre deux éventualités : une confusion des pouvoirs au profit
de l’exécutif ou encore une confusion des pouvoirs au profit de l’organe législatif,
c’est-à-dire du Parlement. Cela implique donc qu’un organe détient la totalité des
compétences attachées à la souveraineté ou qu’il contrôle étroitement les autres
organes au point de neutraliser leur indépendance.
1. La confusion au profit de l’organe exécutif
Il peut s’agir d’une confusion absolue ou totale alors tous les pouvoirs sont
concentrés dans les mains d’une même autorité. Dans ce schéma de la dictature de
l’exécutif, c’est un homme qui déteint l’essentiel des pouvoirs.
Schématiquement, c’est l’exemple de la monarchie absolue de l’ancien régime.
Mais il peut s’agir d’une confusion indirecte ou relative. les fonctions sont biens
reparties entre plusieurs organes distincts. Mais il existe pour ces organes, un tel lien
de dépendance, de subordination à l’exécutif qu’il y a en réalité une confusion des
pouvoirs. C’est le cas typique de l’époque Napoléonienne.
En effet, souvent les dictatures s’efforcent de donner un aspect démocratique et
s’appui, en apparence, une assise populaire. Ainsi, Napoléon organisait
régulièrement des plébiscites et Hitler alléguait qu’il avait été élu régulièrement.
Cependant, c’est parfaitement méconnaître les mécanismes démocratiques. En effet,
le peuple doit avoir la possibilité de reprendre la souveraineté à celui à qui il l’a
déléguée. Or, la dictature empêche, au moins sur une longue durée, un tel dispositif.
De plus, il doit y avoir une liberté d’opinion et d’expression qui est effective ce qui est
repris par les dictatures de l’exécutif.
2. La confusion au profit de l’organe législatif
Dans ce système, c’est le Parlement qui en fait détient tous les pouvoirs qui est au
centre du système politique. L’exécutif, c’est-à-dire le gouvernement est choisi par
l’Assemblée en son sein même qui lui est subordonné ; c’est ce que l’on appelle le
régime d’assemblée ou régime conventionnel.
Dans ce système, il n’y a qu’une assemblée. C’est un régime qui a fonctionné en
France entre 1792 et 1795 la Convention désignait le conseil exécutif qui n’avait
que le pouvoir d’exécuter les décisions de l’Assemblée.
Le pouvoir législatif absorbe totalement le Gouvernement puisque ce dernier n’a
aucune indépendance ni liberté d’action. Les ministres sont révocables à tout
moment.
Il faut également voir qu’il existe, dans ce régime, une assise démocratique puisque
l’Assemblée est élue par le peuple et que l’Assemblée nomme le Gouvernement. Il y
a donc un système pyramidale parfait dont le peuple est la base mais il a bien une
dictature de l’Assemblée comme une dictature d’un homme. L’assemblée se conduit
de manière parfaitement arbitraire vis à vis des libertés publiques et de l’opinion en la
bâillonnant comme sous la Terreur.
En tout état de cause, il est impératif de retenir que la démocratie est le pouvoir de la
majorité dans le respect de la minorité. Il faut garantir la libre détermination des
opinions et si la liberté du peuple n’existe pas, le pouvoir du peuple n’existera pas
d’avantage.
Une opinion publique asservie matériellement et philosophiquement par la dictature
d’un homme ou d’une assemblée n’a aucune authenticité ni de valeur véritable si ce
n’est que d’être classée en tant que régime dictatorial.
B. La séparation des pouvoirs ou des fonctions
Cette théorie de la séparation des pouvoirs est issue de réflexions concernant
l’articulation entre trois fonctions que Montesquieu a formidablement décrite.
Elle est initialement décrite par John LOCKE, dans le traité sur le Gouvernement
civil. Il va légitiment la révolution anglaise de 1688, où Jacques II est chassé du trône
et sa fille, Marie STUART est appelé à le remplacer avec son mari, Guillaume
d’Orange. Mais, ces derniers doivent souscrire au Bill of Right, que les chambres
avaient voté et qui vient réduire la portée des pouvoirs royaux.
Pour John LOCKE, il existe trois pouvoirs dans un état, le pouvoir exécutif, le pouvoir
législatif et le pouvoir dératif qui est la conduite des relations internationales. Le
pouvoir législatif est supérieur au deux autres qui sont, en principe réunis, dans la
même main. Le pouvoir législatif et les deux autres doivent être distincts et séparés,
le pouvoir exécutif doit cependant mettre en œuvre la volonté exprimée par le
pouvoir législatif.
MONTESQUIEU, lui, va éclipser la théorie initiée par John LOCKE et reprend, dans
l’esprit des lois, cette théorie et va écrire un chapitre qui a pour thème, De la
Constitution d’Angleterre.
Il croit en la modération des pouvoirs tout comme Aristote et Poybe et prône un
harmonieux assemblage des pouvoirs pour préserver la liberté politique. Il souhaite
que chaque composante de l’Etat soit représentée à savoir la monarchie par le Roi,
l’aristocratie par la chambre haute et la démocratie par la chambre basse.
Il part de l’observation du régime absolutiste de droit divin et souhaite le remettre en
cause dés 1748. Il écrit, d’ailleurs, que la monarchie dégénère souvent en
despotisme de part la crainte qu’elle fait régner sur les hommes en supprimant les
libertés individuelles, l’aristocratie se transforme en oligarchie ploutocratique, la
démocratie conduit à la dictature quant la vertu se perd dans les démagogues.
Il prône qu’il faut absolument avoir un gouvernement modéré avec des contre-
pouvoirs effectifs et privilégier les corps intermédiaires comme les cours de justice ou
les pouvoirs locaux.
Il estime, assez logiquement, que le pouvoir appelle le pouvoir ; que chaque homme
souhaite exercer son pouvoir de manière toujours plus étendue, c’est qui a conduit
au despotisme royal.
Il part du constat que tout homme qui a du pouvoir est naturellement tenté d’en
abuser. Il y a donc nécessité de ne pas faire confiance aux personnes titulaires du
pouvoir et, c’est pourquoi, il est impératif de trouver une organisation institutionnelle
propre à assurer la séparation des pouvoirs.
Il faut donc des pouvoirs séparés et distincts mais qui regroupent toutes les
composantes de la société. Il trouve en réalité trois pouvoirs à séparer et c’est là, son
trait de génie par rapport à John LOCKE. Il cite trois pouvoirs : exécutif, judiciaire et
législatif.
Pour remédier aux inconvénients de l’absolutisme, il faut que les pouvoirs soient
distribués car le pouvoir doit arrêter le pouvoir. Il indique qu’il est nécessaire que
« par la disposition des choses, le pouvoir doit arrêter le pouvoir. » La notion de
contre-pouvoirs est donc née et elle va irriguer l’ensemble du droit constitutionnel
moderne.
Les pouvoirs doivent donc être équilibrés et l’essentiel de la séparation des pouvoirs
réside dans l’interdiction du cumul direct ou indirect de la totalité des compétences
attachées à la souveraineté dans un même organe.
Le pouvoir législatif doit être confié à des représentants au sein d’un Parlement qui
peut et même qui doit être constitué de deux assemblées qui se contrôleraient. Les
deux assemblées sont élus par les aristocrates d’une part, pour la chambre haute, et
le peuple pour la chambre basse.
Quant à l’exécutif pour MONTESQUIEU, il ne pouvait s’agir que d’un monarque et
non pas d’un gouvernement issu du corps législatif mais on peut imaginer que ce
pouvoir exécutif soit réparti entre plusieurs organes.
Ces trois puissances doivent donc s’équilibrer, ou se neutraliser et se surveiller.
Quant à la fonction juridictionnelle, elle peut être confiée à un même ordre de
juridiction ou à plusieurs. Montesquieu considère ce dernier pouvoir comme le plus
terrible car il a le droit de vie ou de mort sur les hommes.
Pour parfaire sa théorie, il est également favorable au jugement par ses pairs qu’il
considère comme l’exemple le plus parfait d’une justice impartiale et juste.
Il s’appuie sur l’exemple de l’Angleterre qu’il idéalise. En effet, si Montesquieu a
raison de trouver trois puissance à séparer, force est de remarquer que ce dernier a
fait un pas considérable vers un système nouveau de gouvernement et une
organisation constitutionnelle innovante. Il garantie la liberté politique ce qui, dans un
contexte de monarchie absolue, était pour le pouvoir en place, un affront terrible.
Force est de remarquer que cette théorie a fortement inspiré les révolutionnaires de
1789 et que l’article 16 de la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen du 26
août 1789 dispose « toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas
assuré, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de constitution. »
Montesquieu influence donc directement les révolutionnaires de 1789 et impose
deux idées essentielles à savoir l’idée de séparation des pouvoirs et d’autre part, la
nécessité d’une constitution.
Il faut bien comprendre que ce principe politique d’organisation des pouvoirs
constitue l’un des apports fondamentaux du droit constitutionnel actuel avec la
conception du régime représentatif.
De nos jours, la théorie de la séparation des pouvoirs se caractérise par une
séparation institutionnelle mais il est possible de distinguer deux approches de la
théorie :
Le principe d’une séparation souple des pouvoirs qui est caractérisée dans les
régimes parlementaires.
Le principe d’une séparation stricte ou rigide des pouvoirs qui est caractérisée
dans les régimes présidentiels.
1) le régime parlementaire ou la séparation souple des
pouvoirs
Le régime parlementaire est fondé sur le principe de collaboration des pouvoirs
législatifs et exécutifs, on parle aussi de Gouvernement de cabinet. Il est né de
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