Fiche pédagogique | Renseignements : [email protected] L’ECOLIER KEVIN Par Jean-Baptiste Calame & Les Viandes Magnétiques Du 21 au 25 avril 2015 Au Théâtre La Balsamine Fiche pédagogique | Renseignements : [email protected] L’histoire « Dans un salon. Une télévision allumée, des miroirs, un petit bar, deux sofas. A gauche, la chambre d’enfant, représentée par une tente « vache qui rit ». Peut-être quelques plantes d’appartement. » La pièce se déroule aujourd’hui, ou peut-être hier ou demain. C’est maintenant que l’histoire se joue, dans une Belgique actuelle et dans une famille moderne et connectée. Il y a un homme, divorcé et nouvellement chômeur. Une femme, mère ou baby-sitter, personne ne sait. Deux enfant : Elisa et surtout Kevin. Et puis une manipulatrice, amie et ennemie de tous. Eric Stéphane était un employé comme les autres, jusqu’au jour où il a perdu son emploi et sa femme aussi. Comme il ne lui restait rien à faire, il a décidé de se préoccuper de sa charmante progéniture : Kevin et Elisa. Deux enfants qu’il ne faut pas réveiller, ni même déranger, par crainte qu’ils sortent dehors et s’enfuient dans le jardin. Car à l’extérieur il y a des dinosaures, des monstres qui effrayent et se nourrissent de l’âme des enfants. Dans les yeux de ce père, dehors c’est l’enfer, c’est la fuite vers ailleurs et le risque d’un non-retour. Simone a 24 ans, trop jeune pour être la mère des enfants, mais assez mûre et responsable pour en être la baby-sitter. Proche conseillère d’Eric Stéphane, elle l’écoute longuement parler et l’interrompt très rarement. Elle ne comprend pas tout ce qu’il dit, car elle n’est jamais certaine qu’il s’adresse à elle. Kevin est un adolescent hyper connecté et ultra cloisonné. Son père l’empêche de sortir alors qu’il est déjà dehors. Il connaît le monde sans y avoir mis un pied, il est branché, relié à l’univers par des fils invisibles qu’on appelle « technologie ». Kevin est calme, le divorce de ses parents et l’inactivité de son père ne semblent pas le déstabiliser. Il est assommé d’informations et captivé par le monde. « Ils sont partis. Ils sont heureux ceux qui sortent par la porte du ciel. Nous, nous restons inanimés, dans le coffre des voitures. » Jean-Baptiste Calame et Les viandes magnétiques… 2 Fiche pédagogique | Renseignements : [email protected] Jean-Baptiste Calame est né en 1985 en Suisse. Il a d’abord étudié la biologie pour ensuite poursuivre dans le théâtre, en Belgique, à l’INSAS. Diplômé en 2010, « l’Ecolier Kevin » est son travail de fin d’étude. Il est auteur et metteur en scène. En 2013 il crée avec Morgane Naas, comédienne, l’asbl et compagnie théâtrale Les Viandes Magnétiques. Depuis il travaille et réalise ses pièces à Bruxelles. Inspiré par Michel Foucault et Gilles Deleuze, il apprécie la philosophie contemporaine qui remet en cause nos rapports au monde. Il jette un regard critique sur les institutions sociales, et s’intéresse de près aux relations entre le pouvoir et la connaissance. Il porte aussi un grand intérêt au théâtre allemand. La compagnie se plaît à inventer et réinventer des images, à faire travailler notre imaginaire culturel. Ce qui traverse l’esprit de tous, nos réalités communes, ce qui nous touche et nous influe de loin comme de près. Dans ce grand théâtre qu’est la vie, chacun a une pierre à poser à l’édifice. Comme le dit Jean-Baptiste Calame « le théâtre, c’est pouvoir être en face de quelque chose qui se passe en temps réel, quelque chose de présent. » C’est la recherche d’une forme d’interaction entre la scène et le public. Pour lui, l’intérêt du théâtre réside dans la façon d’improviser, de capter les possibilités et ce qui peut se passer. Ce sont les énergies qui émanent des comédiens et des spectateurs. … Et son rapport au théâtre et à l’écriture Le théâtre est donc un lieu de recherche et d’expérimentation qui doit produire quelque chose de simple et d’évident. Dans « L’Ecolier Kevin », le metteur en scène veut faire rire, donner à ressentir, brasser les émotions. Jean-Baptiste Calame est un amoureux de dramaturgie, décortiquant des histoires pour mieux les transformer en récit d’actions et de personnages. Il traite des mondes matériels et des objets, les soupapes d’une angoisse certaine, où la langue et l’écriture sont devenues des remparts. Il est intéressé non pas par ce que les mots disent, mais par ce qu’ils montrent et désignent. Les mots sont des formes. Dans cette pièce, il a choisi d’écrire de façon très 3 Fiche pédagogique | Renseignements : [email protected] évasive. La langue est fuyante et le texte animé, traversé par mille images et métaphores. Son écriture retrace les énergies nouvelles, les mouvements et les différents niveaux de tensions entre les dialogues et les manières de s’exprimer. Ainsi il impose un style équivoque, absurde et poétique, de sorte à faire respirer les acteurs et les spectateurs. « Pour moi, le texte permet la mise en scène : je pense en même temps le plateau, ce qui se passe entre les répliques, le temps qui s’écoule entre les répliques. » L’écriture de plateau Jean-Baptiste Calame n’écrit pas pour la scène, il travaille depuis le plateau. Il n’est tenu par aucun texte, seulement par la création scénique. De plus il n’est pas seul, mais accompagné d’un ensemble de personnes gravitant autour de lui, et rendant la création possible. Comme l’écrit Patrice Pavis dans son Dictionnaire de la performance et du théâtre contemporain1, « de plateau » est une expression qu’on trouve depuis le début du XXIe siècle. Prise à la lettre, elle n’a pas grand sens, car elle emploie des termes contradictoires, laissant croire qu’il s’agit encore d’écriture créée pour être apte à la scène, pour être « scénique ». Mais en réalité ce terme se réfère à une pratique récente qui souhaiterait que l’écrivain de plateau soit un « créateur scénique » qui remplace le metteur en scène et est un « écrivain au plus près du plateau », intégré à un dispositif. Ainsi pour « l’Ecolier Kevin » les comédiens ont droit à énormément de liberté. Libres de s’exprimer, d’improviser et de prendre en charge le rôle attribué. Cette écriture de plateau libère la créativité de tous ses carcans et permet une (re)découverte de la scène par et pour les comédiens et les spectateurs. Les thématiques, entre engagement et dénonciation 1 Dictionnaire de la performance et du théâtre contemporain [Texte imprimé] / Patrice Pavis. - Paris : A. Colin, DL 2014 (95-Domont : Dupli-print). - 1 vol. (293 p.) : couv. ill. ; 24 cm. 4 Fiche pédagogique | Renseignements : [email protected] Les relations familiales A travers « L’Ecolier Kevin » Jean-Baptiste Calame et Les Viandes Magnétiques veulent nous parler de façon pertinente, avec tact et force. La pièce s’adresse aux parents comme aux enfants et se questionne sur les rapports qu’ont les uns avec les autres. La technologie a pris une place importante dans nos vies, elle est aussi perçue différemment et interfère régulièrement dans nos relations. Il s’agit d’interroger la position et les sentiments de chacun, face à la difficulté d’interagir ensemble, de communiquer et de se comprendre. Les parents ne se reconnaissent plus dans leurs enfants et, par crainte, les défendent de tout dans l’espoir de les contrôler. Cette société du contrôle, à la politique sécuritaire, n’empêche-t-elle pas nos moindres faits et gestes ? Les géniteurs sont perçus comme des exemples, des modèles de société auxquels tout semble tendre, inspirant un sentiment de respect. Pourtant ceux-ci ont abandonné leurs projets politiques et sociaux, leurs propres espoirs et délaissant rêves leurs d’avenir. En ambitions, abdiquant toutes idées : les parents ont perdu toute crédibilité aux yeux de leurs enfants. Face à l’amertume parentale, les nouvelles technologies sont un refuge. Elevés par des parents qui n’ont plus de temps à leur accorder, les enfants voient la course folle de l’instant, du travail et de l’argent. Ils sont les témoins de cet affolement toujours plus intense. Laissés à l’abandon, ils renient leur appartenance à ce monde frénétique et se tapissent au coin des télévisions et des ordinateurs. Les rejetons sont certes isolés d’un quelconque monde physique, néanmoins ils sont connectés, en ligne et réseau avec la planète et l’univers. Il s’agit d’internet, de liens et de fils qui se tirent et se retirent au rythme des clics des souris et des frappes des claviers. Bienvenue dans l’ère numérique 5 Fiche pédagogique | Renseignements : [email protected] La rupture entre les parents et les enfants tient en un seul mot : « technologie ». C’est cette fracture numérique, technologique et générationnelle que Jean-Baptiste Calame tente d’illustrer à travers « l’Ecolier Kevin ». Dans les années 90, le terme « fracture numérique » désignait la séparation entre ceux qui possédaient la technologie, et ceux qui ne la possédaient pas. Les années passant, cette fracture s’est démocratisée en proposant des offres technologiques et des prix toujours plus accessibles, permettant à chacun de se munir d’un portable ou d’un ordinateur. Cependant cet accès et ce rapport toujours plus grand au numérique ont vu apparaître une conséquence inattendue : celle du temps consacré à la technologie. La quête matérielle n’est donc plus à l’ordre du jour. La fracture numérique aujourd’hui ne s’explique plus par la possession de biens, mais par le temps qui est accordé à ces mêmes biens. Le fossé qui se creuse est celui du « présent gaspillé » : le temps que l’on perd et que l’on jette trop facilement aux gadgets. Sans s’en rendre compte, l’Homme passe à côté de relations sociales et familiales, préférant se plonger dans les réseaux. Ainsi naît la rupture, une nouvelle tristesse et pauvreté du monde. Une ouverture sur un questionnement « L’Ecolier Kevin » questionne et souhaite faire réfléchir les spectateurs sur différentes thématiques autour des relations familiales et du numérique. Comment la technologie influence-t-elle le quotidien et les contacts humains ? Dans un monde d’adultes asservis, quelle place occupent les enfants ? Se sentent-ils en rupture avec d’autres générations ? Ces réflexions mettent en exergue les utilités et nécessités technologiques, s’interrogeant sur l’objet des connexions multiples, et soulignant le contrôle permanent des envies, des évasions physiques et digitales. Que recherchons-nous ? Qui sommes-nous, et par rapport à qui ? Qu’adviendra-t-il de nous aujourd’hui ou demain ? 6