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Forêt/Cameroun/ RDC/Ghana/Liberia
Afrique : Des milliards de bois importé illégalement
(MFI/07.05.2013) Les efforts de l’Union européenne pour lutter contre la
déforestation en Afrique ne serviront à rien tant que la corruption ne sera pas
jugulée, affirme l’ONG Global Witness, qui publie ce 30 avril un rapport sans
concession sur l’échec des mesures en place pour lutter le trafic de bois illégal au
Cameroun, en RDC, au Ghana et au Liberia.
« Dans le domaine forestier, quand on ferme la porte à la corruption, elle revient par
la fenêtre ». Dès les premières lignes, Global Witness donne le ton dans son rapport
intitulé L’exploitation forestière de l’ombre. L’ONG britannique déplore la situation
de l’industrie forestière en Afrique, notamment au Cameroun, en RDC, au Ghana et au
Liberia, et s’inquiète de ce qu’elle nomme « la crise des permis forestiers ». Ces
dernières années, des efforts ont été faits pour protéger plus efficacement les forêts
africaines en luttant contre la surexploitation et l’importation de bois illégal.
Les « permis de l’ombre »
Le « Règlement Bois » de l’Union européenne, entré en vigueur en mars dernier,
renforce les contrôles sur l’importation de marchandises illégales. Et plus
spécifiquement, l’Union signe ou négocie avec plusieurs Etats exportateurs de bois des
Accords de partenariats volontaires (APV) qui impliquent des réformes profondes dans
la gouvernance du secteur forestier. Ces mesures n’ont pas prouvé leur efficacité, selon
Global Witness, en partie à cause de la corruption qui gangrène les autorités chargées
des questions forestières. Le constat est le même dans les quatre pays : les permis
censés garantir la légalité du bois sont, pour certains, trafiqués. On les surnomme les
« permis de l’ombre ».
Des entreprises fraudeuses ont trouvé une parade pour contourner la règle : elles
soudoient les administrations locales pour obtenir de petits permis accordés aux
compagnies nationales et passer ainsi au travers des mailles des contrôles douaniers et
fiscaux. « Il s’agit d’une tendance très inquiétante. Des compagnies forestières entrent
en collusion avec des fonctionnaires corrompus pour contourner les lois destinées à
les empêcher de décimer les forêts et d’abuser ceux qui y vivent, explique Alexandra
Pardal, responsable des campagnes européennes à Global Witness. Cela compromet
les efforts internationaux qui visent à réguler le commerce international ».
Des conséquences catastrophiques
Les conséquences environnementales sont désastreuses. Alors que les permis
artisanaux doivent garantir une exploitation humaine des ressources forestières afin de
satisfaire des besoins locaux, ils sont détournés et des grandes entreprises
« déforestent » à coup d’engins industriels théoriquement interdits. En 2011,
l’équivalent de plus de 12 milliards d’euros de bois importé en Europe présenterait un
haut risque d’illégalité, selon l’organisation. « La quasi-totalité du bois issu des forêts
tropicales comporte un risque d’exportation illégale et doit être particulièrement
contrôlé. S’il y a la moindre suspicion, il ne faut pas y toucher », ajoute Alexandra
Pardal. Les conséquences locales de ces abus sont catastrophiques. En RDC, le
deuxième pays forestier au monde, près de 40 millions de Congolais dépendent de ce
secteur. Des populations chassées de leurs terres par de grands groupes industriels et
dépossédées de leur principale source de revenus.
En avril, l’ONG de défense de l’environnement Greenpeace a alerté sur la cargaison
d’un bateau en provenance de RDC : 40 m³ de bois bloqués dans le port belge
d’Anvers qui suscitaient bien des interrogations. L’exploitant possédait bien un permis
en règle, mais il y avait de sérieux doutes sur son attribution, selon la Convention sur
le commerce international des espèces menacées d'extinction (CITES). Même scénario
quelques semaines plus tôt en France, à Nantes, cette fois-ci, où Global Witness avait
enquêté sur un navire en provenance du Liberia. L’ONG affirmait que le bois venait de
concessions dont les permis d’exportation avaient été gelés au milieu de l’année 2012.
Global Witness rappelle que 20 % à 40 % du commerce mondial de bois restent
d’origine frauduleuse.
Paulina Zidi
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