Article original
ETIREMENTS MYOTENSIFS
MUSCLE ENERGY TECHNICS
J. Lecacheux
FEMM et GEMMIF - 55, rue Jean JAURES, 27500 Pont-Audemer.
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Lapathologie musculaire s’intrique avec la
pathologie ligamento-articulaire au point qu’il
paraît impossible d’envisager la restauration
d’une mobilité articulaire normale sans un rétablisse-
ment des paramètres anatomiques de la musculature
loco-régionale. L’application pratique du Reflexe
Myotatique Inverse de Sherrington permet cette res-
tauration des paramètres de longueur et de tension
musculaires. La technique proposée dite d’étirements
myotensifs est basée sur la loi physiologique qui pré-
voit que le muscle est protégé d’une traction trop forte
par une diminution de la tension. En pratique, l’habi-
tude et le doigté du thérapeute lui permettront de ne
pas rendre au muscle ce qu’il a donné, mais de ne pas
lui demander plus que ce qu’il peut donner.
Relationships between muscle, ligament and
joint’
spathology are so narrow that it seems
impossible to obtain the normal mobility of a
joint without a complete recovering of the anatomical
parametersof the concerned muscles. Sherrington
myotatic reflexe’
suse allows a such recovering of the
muscle’
slength and tension. Muscle energy technics
are based upon a physiological law stipulating that
every muscle is protected from a too severe stretching
by a decrease of its tonus. Practically, this depends
from therapist’s experience and skillfullness which will
allow him to always keep a good control of the mus-
cle’
sresponse after each asking.
Resume Summary
Mots-clefs : Etirements myotensifs. Key-words : Muscle energy technics.
RACHIS - Vol. 14, n°1, Mars 2002.
Les muscles sont les partenaires obligés de la
fonction, cette formule, empruntée à F.
Huguenin, sous-entend qu’ils sont également
témoins et acteurs des dysfonctionnements articulaires.
La rétraction musculaire peut être la conséquence
d’une pathologie articulaire de proximité ou constituer
un élément d’un syndrome neuro-trophique d’origine
rachidienne, dans tous les cas, la normalisation de la
tension musculaire peut être obtenue grâce à des tech-
niques dites myotensives par les uns, d’étirements post
isométrie par les autres et de muscle energy par les
anglo-saxons.
Le comportement musculaire est gouverné par une
neuro-physiologie dont la connaissance s’affine de
jour en jour et qui mérite un bref rappel afin de mieux
comprendre les principes de la méthode, illustrés par
des exemples pratiques.
Neuro-physiologie musculaire
Le tonus musculaire est d’origine nerveuse, la section
du nerf moteur supprime la tonicité musculaire.
Le réflexe myotatique (figure 1), mis en évidence par
Sherrington, est l’élément primordial de la régulation
du tonus musculaire.
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J. Lecacheux
Le Fuseau Neuro Musculaire (FNM) est le support
anatomique du réflexe myotatique direct. Il s’agit d’un
récepteur situé à l’intérieur du muscle et qui fonction-
ne en parallèle avec lui. C’est une formation fusiforme
qui comporte un enroulement de fibres autour de sa
partie centrale ou équatoriale, ces fibres, dites Ia se
dirigent vers la corne postérieure de la moelle ou elles
sont en relation mono-synaptique avec le moto-neuro-
ne Alpha, qui innerve la plaque motrice du muscle
homonyme, et avec le moto-neurone Gamma qui
innerve la zone centrale du FNM. Une autre variété de
fibres, dites fibres II, à disposition polaire au niveau
du FNM, sont également en relation synaptique avec le
moto-neurone Alpha et le faisceau Spino-Cérébelleux.
Lorsque le muscle est étiré, il y a stimulation des ter-
minaisons annulo-spiralées et des formations polaires.
La conséquence est une activation des fibres Ia et II.
Par l’intermédiaire de l’arc réflexe médullaire, il y a
stimulation des moto-neurones Alpha et Gamma et le
résultat est une contraction musculaire extra-fusoriale
et fusoriale qui entretient l’excitation des fibres Ia et
II. Le seuil de réaction des fibres Ia, issues du FNM,
est bas et rend le système sensible aux variations rapi-
des et modestes de la longueur des fibres. En résumé,
l’activité des FNM protège le muscle d’un étirement
trop rapide.
Le réflexe myotatique inverse de Sherrington inter-
vient dans un contexte différent.
Les récepteurs de ce système
sont situés essentiellement au
niveau des tendons et des cloi-
sons inter-musculaires, ce sont
les organes de Golgi. Les fibres
efférentes sont les fibres Ib qui
sont en liaison avec un inter-
neurone inhibiteur du moto-
neurone Alpha.
Les récepteurs de Golgi sont des
indicateurs de tension et l’influx
qu’ils génèrent, à destination
médullaire, est proportionnel à
l’importance de l’étirement.
Leur seuil d’activité est élevé et
ce système protège le muscle en
diminuant la tension lorsqu’elle
devient trop forte.
Le réflexe d’inhibition muscu-
laireréciproque polysynap-
tique (figure 2) est le troisième
système qui intervient dans le
Figure 1.
RACHIS - Vol. 14, n°1, Mars 2002.
La contraction isométrique d’un
muscle en tension est suivie
d’une phase de relâchement de
quelques secondes, à condition
que la contraction n’entraîne pas
de raccourcissement, qu’elle
s’installe progressivement,
qu’elle soit importante et cons-
tante, et maintenue sans saccade.
C’est durant cette phase de relâ-
chement de quelques secondes
que l’étirement progressif inter-
vient, limité à ce qu’accorde le
muscle, et sans dépasser le seuil
douloureux, “soft endfeel” des
anglo-saxons.
En pratique,la souffrance mus-
culaire doit être authentifiée par
la palpation du corps du muscle
quand il est accessible, par l’éva-
luation de la limitation du jeu
articulaire et par l’appréciation
du caractère de l’arrêt articulaire :
“dur” comme la fin de l’extension du coude, “ferme”
comme la fin de la rotation axiale huméro-radiale, ou
“mou” comme la fin d’une flexion de genou normal.
Le jeu articulaire doit être rétabli, dans les limites de la
non-douleur, avant de débuter le traitement.
L’articulation sera mobilisée dans sa position de relâ-
chement maximal. Quelques mobilisations douces dans
le sens de la restriction auront pour but d’échauffer le
muscle en préalable à l’effortqui lui sera demandé.
La mise en tension du muscle se fait en fixant l’une
de ses extrémités et en exerçant une tension à partir de
l’autre. La limite est atteinte aux premières douleurs
ressenties et les insertions sont fixées dans cette posi-
tion.
La contraction exercée par le patient, rassuré, est
équilibrée par le thérapeute, sans douleur, sans dépla-
cement des insertions, sans à-coup. Elle dure cinq
secondes.
Le relâchement opéré par le patient est respecté pen-
dant les quelques secondes qui précèdent la relaxation
musculaire. Les insertions sont toujours fixes.
L’allongement, opéré par le thérapeute, interviendra
environ deux ou trois secondes après la fin de la phase
de contraction, il se fera dans la direction restreinte,
très progressif afin de ne pas stimuler les FNM, son
amplitude sera fixée par la tolérance de la fibre mus-
culaire et non par l’idée que le praticien se fait du gain
31
Etirements myotensifs
contrôle du tonus musculaire. Grâce à lui il y a, en per-
manence, une coordination parfaite entre muscles ago-
nistes et antagonistes. Un interneurone assure la
connexion entre les fibres Ia des uns et les moto-
neurones Alpha des autres. Ainsi, une action excitatri-
ce ou inhibitrice sur un muscle agoniste entraîne l’ef-
fet inverse sur le muscle antagoniste.
Le système extra-pyramidal, enfin, qui influence
tous les systèmes précédents et nous oblige, pour com-
prendre plus facilement l’action du traitement myoten-
sif, à suivre le conseil de J Y Cornu en faisant échap-
per, très artificiellement, un groupe de moto-neurones
aux influences des efférences centrales.
Ala lumière de ce que nous venons de rappeler, on
comprend qu’une tension musculaire excessive cédera
àla stimulation des récepteurs de Golgi à condition
que l’étirement soit pratiqué lentement et soit d’inten-
sité suffisamment importante pour garantir la non-
intervention du système myotatique direct.
Principes et application du
traitement myotensif
Plus encore qu’ailleurs, la réussite du traitement est
fonction du degré d’implication du patient.
Figure2.
RACHIS - Vol. 14, n°1, Mars 2002.
J. Lecacheux
àobtenir. La nouvelle position des insertions est ainsi
maintenue pendant dix secondes, c’est à dire le double
du temps de travail du muscle.
La répétition du cycle “contracté- relâché-étiré” se
fait, habituellement trois fois, en ne rendant jamais au
muscle ce qu’il a donné mais en ne lui demandant pas
plus que ce qu’il peut donner.
La stimulation des antagonistes peut être mécanique
et directe sous forme de tapotements, de claques ou de
“vibrés”. Sinon, il suffit au thérapeute d’inverser son
action, en gardant les mêmes prises, et en demandant
au patient de produire son effort dans la direction d’é-
tirement.
L’évaluation des résultats s’effectue en mesurant le
gain d’amplitude articulaire et en appréciant le carac-
tère de l’arrêt du mouvement.
Parfois, le patient ne peut pas contracter à partir d’une
position extrême et il faut savoir débuter la thérapie
dans la position qu’il tolère.
Ailleurs, la cause de l’échec sera recherchée dans un
blocage articulaire passé inaperçu, ou simplement
dans une durée trop brève, de la phase d’étirement .
Les contre-indications, les précautions et les limites
de la méthode.
Il est évident que cette technique de traitement qui fait
appel à un effortmusculaire important est contre-indi-
quée dans les traumatismes récents tendineux ou mus-
culaires ainsi que dans les ruptures ligamentaires. Les
tendinopathies en poussée congestive constituent éga-
lement une contre-indication de même que les patho-
logies articulaires inflammatoires ou tumorales.
Les ostéopénies avérées imposent des précautions
dans l’intensité des forces à appliquer aux segments de
membres utilisés mais ne constituent pas des contre-
indications.
L’hyper excitabilité neuro-musculaire, les atteintes
musculaires d’origine neurologique, l’absence de pro-
prioceptivité ou l’impossibilité de comprendre ou
d’exécuter un ordre simple par le patient constituent
les limites de cette méthode.
Exemples
Traitement myotensif du chef supérieur du trapèze
(figure3).
Mise en position : le patient est en décubitus ventral,
son rachis cervical est en rotation et latèro-flexion
gauche, son bras est en adduction et rotation interne,
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son coude fléchi, son avant-bras et sa main reposent,
par leur faces dorsales, sur sa région lombaire. Le thé-
rapeute est sur la droite du patient, sa main gauche
posée sur l’occiput du patient, l’avant-bras en exten-
sion sur le bras, coude verrouillé. La main droite
agrippe le moignon de l’épaule du patient.
Mise en tension : sa main gauche restant fixe, le thé-
rapeute vapivoter sa ceinture scapulaire en reculant
l’épaule droite et en entraînant celle du patient en
direction caudale jusqu’à la perception d’une résistan-
ce.
Manœuvre myotensive : l’ordre est donné au patient
de “hausser l’épaule” durant cinq secondes. Le théra-
peute s’oppose à ce mouvement. Lorsque le patient
cesse son effort, le thérapeute attend quelques secon-
des, puis tire doucement l’épaule du patient en direc-
tion caudale. Lorsqu’il a atteint le nouveau point de
résistance il garde la position durant une dizaine de
secondes. Puis il renouvelle l’opération à deux repri-
ses.
Stimulation des antagonistes : en gardant la même
position et en bloquant le coude du patient avec son
propre coude légèrement fléchi, le thérapeute ordonne
au patient de “descendre l’épaule dans le sens de la
traction précédente” pendant qu’il s’oppose au mou-
vement.
Traitement myotensif du carré des lombes (figure 4).
Mise en position : le patient est en décubitus ventral.
Le thérapeute est du coté opposé au coté à traiter (à
gauche du patient pour traiter un carré des lombes
droit), sa main gauche posée à plat sur la région dor-
RACHIS - Vol. 14, n°1, Mars 2002.
Figure 3.
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Etirements myotensifs
sale basse du patient, à cheval sur la ligne des épineu-
ses. L
’avant-bras gauche du thérapeute est en extension
sur son bras, coude verrouillé. Sa main droite accroche
le bassin du patient au niveau de l’épine iliaque anté-
ro-supérieure.
Mise en tension : la main gauche restant fixe, le thé-
rapeute pivote sa ceinture scapulaire en reculant son
épaule droite, ce qui décolle l’hémi-bassin droit du
patient du plan de la table et l’entraîne en arrière et
légèrement à gauche, dans un mouvement de traction
hélicoïdale, jusqu’à la perception d’une résistance.
Manœuvre myotensive : le thérapeute donne l’ordre
au patient de “reposer son bassin sur la table” durant
cinq secondes, tandis qu’il s’oppose au mouvement.
Quelques secondes après l’arrêt de l’effort du patient,
le thérapeute exerce une traction à l’aide de sa main
droite sur l’hémi-bassin droit du patient, jusqu’à ce
qu’il rencontre une nouvelle résistance. Il maintient
cette nouvelle position durant une dizaine de secondes.
Puis, il renouvelle l’opération à deux reprises.
Stimulation des antagonistes : le thérapeute laisse le
patient redescendre son bassin sur la table, modifie la
position de sa main droite qui se pose à plat sur la crête
iliaque du patient et il donne l’ordre de “décoller le
bassin de la table”, tandis qu’il s’oppose au mouve-
ment.
Traitement myotensif du ptérygoïdien externe gau-
che (figure 5).
Mise en position : le patient est assis sur la table, les
jambes pendantes, les avant-bras posés sur les cuisses.
Le thérapeute est debout à sa gauche, tenant ferme-
RACHIS - Vol. 14, n°1, Mars 2002.
Figure 4.
Figure 5.
ment la tête du patient contre son grand pectoral, à
l’aide de sa main droite placée en conque sur le parié-
tal droit. La main gauche du thérapeute épouse le relief
de la branche horizontale droite du patient, sur laquel-
le elle est posée.
Mise en tension : alors qu’il maintient la tête du
patient fixée entre sa poitrine et sa main droite, le thé-
rapeute exerce une pression sur la branche horizontale
de la mandibule, pour lui faire effectuer une diduction
gauche et étirer le ptérygoïdien externe gauche.
Manœuvre myotensive : le thérapeute demande au
patient de pousser sa main gauche, à l’aide de sa man-
dibule, en pratiquant une diduction droite, et en
contractant, de la sorte, son ptérygoïdien externe gau-
che. Après cinq secondes de cet effort, le patient relâ-
che la tension et la mandibule est amenée doucement
et progressivement au maximum possible de diduction
gauche. Cette nouvelle position est maintenue une
dizaine de secondes par le thérapeute qui renouvellera
la manœuvre décrite à deux reprises.
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