Chapitre 3 : La souveraineté
Section 2 : Les effets de la souveraineté au plan international
I / Le principe d’égalité entre Etats
C’est un principe à valeur coutumière codifié par le Chap. 2 § 1 de la Charte de
l’ONU selon plusieurs règles :
- la règle qui gouverne la participation des Etats aux conférences
internationales est celles de l’égalité : règle du 1 Etat, 1 voix. L’influence
variable dans les négociations mais pour l’adoption égalité juridique
- respect d’un certain formalisme : dans les traités bilatéraux, on utilise la
règle de l’alternat (ex : lorsqu’un Etat transmet un document à un autre, il
mentionne le nom de l’autre Etat en premier), signature des Etats dans
l’ordre alphabétique pour traiter multilatéraux, valeur égale du traité dans
toutes les langues
Principe d’égalité ne fait pas obstacle à certains aménagements pour que certains
Etats aient des droits plus importants (ex : 5 permanents du Conseil de Sécurité,
FMI : adoption des décisions par vote pondéré selon parts du FMI)
II / Le principe de non-intervention
A. Définition
Droit de chaque Etat de conduire ses affaires internes sans intervention
extérieure d’un autre Etat.
Il y a obligation pour les Etats de s’abstenir de s’immiscer dans les affaires
intérieures d’un autre Etat. Ce principe est étroitement associé à celui
d’interdiction du recours à la force entre Etats (art. 2 § 4 de la Charte).
On a eu tendance à réserver le terme de non-intervention aux hypothèses où il y
avait une menace d’emploi de la force armée et à utiliser le terme de « non-
ingérence » à propos des autres hypothèses (ex : Etat ou organisation se
prononcent sur la situation intérieur d’un autre Etat). Cette distinction ne
présente qu’un intérêt limité pour 2 raisons :
- en pratique, la frontière entre intervention et ingérence est mince (ex :
militaires qui apportaient de l’aide humanitaire)
- ingérence humanitaire apparaît comme un prolongement logique de
l’intervention (militaires puis humanitaires)
B. Les fondements du principe
1. Fondements politiques : principe de non-intervention apparaît avec la
doctrine Monroe, avec le discours du Président Monroe au Congrès le 2
décembre 1823, dans lequel il considère que toute intervention des
puissances européennes en Amérique Latine (dans des pays dont USA ont
reconnu l’indépendance) comme inamicale à leur égard. Réciproquement,
USA s’engageaient à ne pas intervenir dans les zones d’influence
européennes
2. Fondements juridiques :
Ce principe a été repris dans les statuts de l’ONU puis dans 2 résolutions :
- résolution 21-31 du 21 décembre 1965 dit « Déclaration sur l’inadmissibilité
de l’intervention dans les affaires intérieures des Etats sur la protection de
leur indépendance et de leur souveraineté »
- résolution 26-25 du 24 octobre 1970 dite « Déclaration relative aux
principes du droit international touchant les relations amicales entre Etats
et la coopération entre Etats conformément à la Charte »
Ces 2 résolutions sont votées dans le contexte de la décolonisation qui fait que les
nouveau Etats deviennent majoritaires et veulent défendre leur souveraineté
fraichement acquise.
L’AG de l’ONU ne peut pas adopter de décision mais seulement des
recommandations (non obligatoire) mais dans 2 hypothèses, l’AG peut adopter
des actes obligatoires pour son règlement intérieur ou le budget de l’ONU.
C. Contenu
Principe de non-intervention a été appliqué et précisé par la CIJ dans 2 affaires :
- Affaire du Détroit de Corfou, arrêt de la CIJ du 9 avril 1949 (UK vs ALB) : En
1946, des navires UK naviguant dans les eaux territoriales albanaises
explosent sur des mines flottantes, UK décide donc de déminer le Détroit
de Corfou d’autorité (sans autorisation d’ALB). L’Albanie proteste et porte
l’affaire devant la CIJ considérant que ce déminage constituait une
violation du principe de non-intervention. La CIJ considère que ce principe
« interdit aux Etats d’intervenir directement ou indirectement dans les
affaires intérieures ou extérieures d’un autre Etat » mais UK bénéficie de
circonstances atténuantes du fait du comportement de l’ALB qui était
censée prévenir les navires étrangers de la présence de ce danger dans ce
secteur.
- « Affaire des activités militaires & paramilitaires au Nicaragua et contre
celui-ci » (USA vs NIC) : Arrêt de la CIJ du 27 Juin 1986. En avril 1984, NIC
assigne USA devant CIJ en raison de l’aide apportée par USA aux
mouvements d’opposants au régime sandiniste dits « contras ». USA
fournissaient aux « contras » une aide logistique, des armes, des
renseignements, de camps d’entrainement en Floride et appelaient la
population à renverser le Gouvernement (lâchés de tracts, radio). Le
Nicaragua a considéré que ce soutien US constituait une violation de la
non-intervention.
La CIJ va donc définir une intervention prohibée « porte sur des matières à propos
des quelles le principe de souveraineté des Etats permet à chacun d'entre eux de
se décider librement. Il en va ainsi du choix du système politique, économique,
social & culturel et de la formation des relations extérieures. » L’intervention est
illicite lorsqu’à propos de ces choix, qui doivent demeurer libres, elles utilisent des
moyens de contrainte”. La CIJ va donc conclure que USA ont violé le principe de
non-intervention : “l’appui fourni par USA jusqu’à fin septembre 1984 aux activité
militaires et paramilitaires des contras du NIC sous forme de soutien financier,
d’entrainement, de fourniture d’armes, de renseignements et de soutien
logistique constituent une violation indubitable du principe de non-intervention”.
USA vont donc se retirer de la CIJ
D. Les destinataires de la non-intervention
Dans l’affaire de Corfou, la CIJ a souligné que le principe concernerait les Etats
mais aussi les OI. L’art. 2 § 7 précise que ONU ne doit pas intervenir dans affaires
intérieures des Etats et que ces Etats ne sont pas obligés de soumettre ce type
d’affaires à CIJ.
On a considéré à l’AG que le simple fait d’inscrire une telle question à l’ordre du
jour ne constitue pas une violation du principe de non-intervention. Une grande
partie de la doctrine, considère que le domaine des droits de l’Homme est sorti du
domaine réservé de l’Etat et qu’on peut donc se prononcer sur la situation d’un
Etat.
Pour le maintien de la paix et de la sécurité internationale : titre du chap. 7 de la
Charte.
E. Les exceptions au principe de non-intervention
Elles ont été très souvent invoquées par les Etats notamment la doctrine Monroe
qui a servi à faire du continent américain, une « chasse gardée » US (Th.
Roosevelt : USA bénéficient d’un droit d’intervention en Amérique Latine). En tant
que simple exception à un principe très important, elle ne peut être interprétée
que de façon restrictive
1) L’intervention sollicitée
Hypothèse : un Etat est attaqué et demande à un Etat tiers d’intervenir sur son
territoire pour repousser l’agresseur. Cette intervention se justifie pour 2 raisons :
- sollicitée par un souverain territorial, son propre consentement permet
d’effacée l’atteinte à sa propre souveraineté
- intervention dans cadre de légitime défense individuelle et collective (art.
51 de la Charte) : les Etats peuvent intervenir sur le territoire d’un Etat
victime.
Cette hypothèse correspond au cas du Koweït (Guerre du Golfe) en 1990 : le 2
août 1990, l’Irak envahit le Koweït et les autorités koweitiennes demandent aux
autres Etats d’intervenir. L’intervention des autres Etats va dépasser la légitime
défense collective car le Conseil de Sécurité va adopter la résolution 678 le 29
novembre 1990 autorisant les Etats membres à utiliser tous les moyens
nécessaires contre l’Irak.
En réalité, le caractère sollicité d’une intervention a souvent été invoqué par
l’intervenant alors même qu’il agissait pour d’autres motifs comme le maintien de
zones d’influence (ex : URSS en AFG en 1979, USA à la Grenade en 1983 diront que
l’intervention était sollicitée)
2) L’ingérence humanitaire
Ici, l’intervention à titre humanitaire n’a pas pour objet de porter secours non pas
à un Etat mais à des populations. Les interventions humanitaires ont d’abord eu
pour vocation de protéger des ressortissants sur le territoire d’un Etat tiers mais
depuis 1988, ces interventions ont eu un objectif plus large d’aide à des personnes
quelque soit leur nationalité.
a) La forme traditionnelle de l’ingérence humanitaire : la protection des
nationaux dans un Etat tiers :
Le fondement juridique de cette intervention est la compétence personnelle de
l’Etat sur ses ressortissants qui prime sur la compétence territoriale de l’Etat tiers.
On parle ici « d’intervention d’humanité ».
Ex : intervention de FRA au ZAIRE en 1978 (Affaire de Kolwezi) : une rébellion
locale avait pris en otage des français et des belges. VGE décide d’une
intervention des parachutistes pour libérer les otages. Aucun Etat n’a contesté
cette intervention.
Dès 1924, le Conseil de la SDN a considéré, à la suite du rapport de Max Huber,
que le droit et l’intérêt d’un Etat à protéger ses ressortissants à l’étranger prime la
souveraineté territoriale tel que l’existence d’un tel droit est indiscutable, seules
ses limites peuvent être discutées.
b) les nouvelles formes de l’ingérence humanitaire : l’assistance humanitaire
internationale :
Ces dernières années on a considéré que les Droits de l’Homme étaient sortis du
domaine réservé des Etats d’où la proposition d’un droit (voire d’un devoir)
d’ingérence humanitaire qui permettrait d’intervenir sur le territoire d’un Etat
tiers pour porter secours à des populations en danger et ce quelque soit la
nationalité des personnes. Certains Etats vont relayer l’idée originale de Kouchner
et Mario Bettati dans « Un droit d’ingérence humanitaire » en votant la résolution
43-131 du 8 décembre 1988. Cette résolution invite les États à laisser un libre accès
aux victimes des catastrophes naturelles ou situation du même ordre et pour les
OI et ONG notamment pour la fourniture de nourriture et de soin aux victimes
Le 14 décembre 1990, l’AG adopte une résolution consacrée aux couloirs
d’urgence humanitaires qui demande aux Etats de reconnaître un droit de transit
pour ceux qui apporte de l’aide.
Ces 2 résolutions fondatrices ne vont pas pour autant introduire une véritable
exception au principe de non-intervention pour 3 raisons :
- aucun droit d’intervention n’est spécifiquement reconnu à l’Etat
(seulement pour OI et ONG)
- l’assistance humanitaire ne concerne que les situations d’urgence
- l’assistance humanitaire ne peut pas être imposée au souverain territorial
2 hypothèses dans laquelle l’assistance humanitaire peut être imposée :
- si Etat-partie des conventions de Genève de 1949 l’accepte, il est obligé
d’accepter une intervention humanitaire de la Croix-Rouge. Mais peu
d’Etats ont accepté cette possibilité des Conventions de Genève (ex :
Russie est partie des Conventions de Genève mais en 1994 les Russes ont
refusé l’entrée du CICR en Tchétchénie)
- le Conseil de Sécurité a décidé d’actions humanitaires d’autorité en vertu
du Chapitre 7 de la Charte quoi prévoit une telle intervention en cas de
menace à la paix, d’une rupture de la paix ou d’une agression. Ce Chapitre
7 est un droit d’exception qui a permis de lancer des opérations
humanitaires de grande envergure et d’imposer des mesures aux Etats.
ex : résolution 688 du 5 avril 1991 sur les kurdes d’Irak, le Conseil de
Sécurité exige de l’Irak qu’il permette l’accès aux Etats, OI et ONG
ex 2 : résolution 770 du 13 août 1992, Conseil de Sécu demande aux Etats
membres de prendre toutes mesures nécessaires (c.-à-d. y compris la
force) pour faciliter l’aide humanitaire en ex-Yougoslavie et exige un accès
complet pour le CICR aux camps d’internement.
Dans ce conflit d’Ex-Yougoslavie, le mandat des casques bleus sur place
appelés FORPRONU a été modifié : au départ simple force d’interposition,
elle devient protectrice de l’aide humanitaire en établissant et sécurisant
des couloirs humanitaires. Cette évolution a été difficile car elle a donné à
l’ONU une culture de la guerre qu’elle n’avait pas (soldats sans permis pour
conduire, sacs de sable)
ex 3 : arrêt 794 de 1992 pour Somalie , ONU décide d’une opération dans
un pays réduit à la famine avec la guerre civile mais cette opération se fait
à la demande des USA qui s’étaient proposés. Le Conseil de Sécurité se
félicite de cette proposition et laisse faire USA qui seront les seuls à
intervenir et s’embourberont (hélicoptère attaqué) pour se durcir. Les
casques bleus sur place (ONUSOM) n’ont pas non plus réussi à calmer la
situation si bien que USA + ONU se sont retirés laissant la famine et régime
des chefs de guerre. La Somalie est l’exemple même du fail state mais c’est
surtout l’image d’un âge d’or du Conseil de Sécurité (après blocage de
Guerre Froide)
ex 4 : interventions d’autorité dans les conflits africains : Libéria, Angola,
Rwanda & Burundi, Sierra Leone, RDC,... Tous ces exemples correspondent
à une faillite de l’ordre étatique avec de violentes luttes entre factions et
flux massifs de réfugiés. Interventions aussi au Timor, Albanie,…
Ces interventions ont un objet humanitaire mais sont liées à des
opérations de maintien de la paix. L’ajournement de l’aide se fait avec 2
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