Air Pur N° 73 - Deuxième semestre 2007 - 7
vée peut parfois entraîner une diminution de la
gêne et/ou du risque perçu, une incapacité per-
çue peut entraîner des effets divers et opposés.
Ainsi, selon les contextes et les individus, elle
intensifie l'impression de danger (par exemple
concernant les risques perçus d'un accident
industriel). Ces craintes peuvent alors entraîner
un stress additionnel perturbant la qualité de vie
des individus. Elle peut aussi au contraire entraî-
ner sur le long terme une minimisation, un oubli
ou un déni du risque et/ou de la nuisance. Il peut
ainsi s'agir d'un processus de réduction de la dis-
sonance cognitive, consistant à minimiser l'in-
confort dû à l'exposition atmosphérique, et à
revaloriser le confort procuré par d'autres aspects
environnementaux.
Par ailleurs, les nouveaux risques atmosphériques
placent le public comme les acteurs en face d'un
dilemme : agir dans l'incertitude ou ne rien faire,
car le temps de la mesure ne correspond pas au
temps de l'action. En effet, il existe des menaces
dont on ne peut clairement identifier les effets
éventuels que rétrospectivement. Face à des
risques mal connus, l'expérience ne peut aider à
anticiper tous les effets d'une décision, qui de
surcroît peuvent s'avérer irréversibles. Dans un
schéma inhabituel, l'action précède et détermine
la connaissance (Charles, 2007). C'est dans ce
contexte que se pose la pertinence du principe
de précaution face à ces risques atmosphériques
(nanoparticules, champs électromagnétiques,
dissémination des OGM...). Comment décider
d'agir si l'on ne peut s'appuyer sur des mesures
claires et instantanées ? L'incertitude des effets
place souvent le public comme les acteurs en
face d'un choix délicat : agir au risque de s'expo-
ser à des effets irréversibles, ou ne rien faire au
risque de se passer d'effets potentiellement béné-
fiques pour la qualité de vie.
3 - La place de la pollution de l’air dans
le cadre de vie
De nombreuses études ont montré que l'expres-
sion de la gêne et/ou la perception d'un risque
dans un environnement familier dépend de la
satisfaction que l'on éprouve à évoluer dans cet
environnement. Par exemple, un individu insatis-
fait de son cadre résidentiel peut exprimer cette
insatisfaction à travers une nuisance, surtout si
celle-ci est reconnue socialement et dont l'origine
est une source hautement probable (la pollution
en provenance d'une usine ou d'une voie à gran-
de circulation). On peut identifier ainsi une expli-
cation au cas 2a de la figure 1. A l'inverse, le cas
où l'individu est exposé à une pollution atmosphé-
rique, sans qu'il n'exprime de gêne conséquente
(cas 1b) peut s'expliquer par trois différents cas de
figure : soit par un défaut de perception de la part
du sujet exposé (il n'identifie pas de pollution), soit
par un phénomène d'adaptation à la pollution,
soit par un dénie dans le cas d'une satisfaction
résidentielle élevée, ceci dans un souci de
congruence cognitive. L'exposition à la nuisance
et/ou au risque est alors, dans l'esprit de l'indivi-
du, compensée par d'autres aspects positifs com-
posant l'environnement de résidence (Moser,
2007).
Le rôle de la satisfaction par rapport à son lieu de
vie prend parfois une importance capitale pour
comprendre des situations ambiguës dans lesquel-
les des individus se plaignent de symptômes
somatiques alors qu'aucune preuve scientifique
formelle n'est établie. Un exemple est donné à la
section suivante. Mais précisons que parfois des
doutes subsistent dans certaines situations, notam-
ment au regard d'événements passés où ni le
public, ni surtout les autorités compétentes, n'ont
reconnus suffisamment tôt les effets néfastes de
l'exposition à certaines conditions environnemen-
tales (l'affaire de l'amiante, le nuage de
Tchernobyl...).
III - LE SYNDROME
DU BÂTIMENT MALSAIN
Il existe des cas où des personnes évoluant dans
un même bâtiment souffrent de symptômes
somatiques (manifestations allergiques, maux de
tête ou de ventre, nausées, etc.) qu'ils attribuent
à une mauvaise qualité de l'air, alors que les
experts ne peuvent détecter avec certitude une
relation avec la qualité de l'air ambiant. Dans
certains cas, de possibles facteurs entraînant des
effets sur la santé (ventilation défectueuse par
exemple) sont isolés, sans que toutefois des seuils
de dangerosité soient atteints. Les épisodes ont
lieu le plus souvent en milieu scolaire ou profes-
sionnel et peuvent toucher de quelques indivi-
dus à plusieurs centaines. On parle à ce sujet de
syndrome psychogène collectif ou d'épidémie de
malaises d'étiologie non expliquée (pour une
définition et des exemples, voir bulletin épidé-
miologique de l'InVS, 2007). Les populations et
lieux concernés étant très diversifiés, il est diffici-
le d'identifier des caractéristiques communes aux
populations touchées. On remarque toutefois
que les femmes sont plus souvent concernées
que les hommes (Jones, 2000; Vandentorren et
al., 2007).
1 - La relation au cadre de vie
Ces manifestations psychosomatiques illustrent
les difficultés à prendre en compte les craintes
des individus et à apporter des réponses satisfai-
santes. En milieu professionnel, "il n'est pas rare
de retrouver des situations de conflits sociaux
sous-jacents, des mauvaises conditions de travail,
des rapports hiérarchiques problématiques ou
des situations de management défectueux"
(Vandentorren et al., op. cit.). On retrouve alors
l'explication donnée plus haut au cas 2a : les per-