LECLERCQ Emmanuel
Doctorant en philosophie.
Ascension 2010 (13-15 mai 2010)
Assises Provinciales de la Santé
Lyon
Réflexion philosophique.
Thème de ces Assises :
La santé.
Expériences d’humanité et
ressourcements.
Le débat anthropologique au sein des comités d’éthique :
Tolérer jusqu’où ?
Le problème des cas de conscience
Un enjeu essentiel et métaphysique : quelle conception
philosophique et quelle conception de l’homme sous-tendent
les modifications législatives à venir.
Introduction :
Etude de cas en Ethique biomédicale.
I PARTIE : Un débat anthropologique.
La manière dont une société, à travers l’intervention des politiques,
des intellectuels, des lois traite de la naissance et de la mort de ses
membres est révélatrice de la place faite à la morale et à l’éthique ?
Elle indique quelle place teint la raison dans cette société, et de quelle
rationalité il s’agit » (jacques Rollet, la tentation relativiste. Desclée
de Bouwer 2007). Elle rend compte de la réponse qu’elle apporte à la
question essentielle : qu’est ce que l’homme ?
Le débat de bioéthique est anthropologique : Deux conceptions de
l’homme s’y opposent :
- La première, imprégnée du alisme aristotélicien, situe
l’homme dans un ensemble cosmique harmonisé par sa finalité
vers le Bien, considérée comme valeur absolue. L’homme doit
donc s’ajuster à ce Bien que la raison découvre. Interviennent ici
les notions de nature humaine et loi naturelle.
- La seconde, qui doit beaucoup à Kant, fait de l’homme une
volonté autonome qui se donne à lui-même sa propre loi.
L’homme détermine lui-même le bien et le mal, et ce
discernement est lié, notamment, à la culture et à l’époque.
Exploitée par le relativisme et le positivisme, qui rendent normatives
les capacités de la bioéthique du seul fait de la possibilité technique de
leur réalisation, cette seconde réponse est majoritaire aujourd’hui et
sous-entend la législation et les propositions de révision de cette
législation.
1) Morale Kantienne et relativisme.
La pensée contemporaine est marquée par la philosophie de Kant,
pour laquelle seule, importe « la volonbonne », celle qui accomplit
le devoir simplement parce que c’est le devoir.
Morale de l’obligation pure, de « l’impératif catégorique », elle est
purement formelle, ce qui dans la perspective kantienne, signifie
qu’elle ne tient compte que de l’intention et nullement du contenu ou
de la matière de l’activité morale. Le devoir est la forme de l’acte
moral, sans référence à rien d’extérieur. Sa source est la raison. La
conscience n’a pas à fournir de motif : elle ordonne. La loi ainsi
édictée n’est pas « donnée » elle est « le fait unique de la raison pure
qui s’annonce par comme originairement législative (sic volo, sic
jubeo) » Kant, Critique de la Raison pratique, cité par A Etcheverry,
in la moral en question. Si le devoir commande universellement c’est
qu’il est rationnel. Et puisque, par la conscience, c’est la raison qui
commande, en lui obéissant, chacun n’obéit qu’à soi-même, il est
donc autonome.
Dans cette logique, Kant émet des maximes qui ne stipulent que la
forme de l’activité morale, ainsi : « agis de telle sorte que tu traites
toujours la volonlibre, en toi et en autrui, comme une fin et non
comme un moyen, maxime souvent répétée aujourd’hui, mais qui ne
détermine matériellement aucun devoir.
Cette conception kantienne exalte l’ordre moral voulu pour lui-même.
Mais l’obligation apparaît comme un donné inexplicable, rebelle à
l’analyse et à la réflexion.
De plus, elle ne comporte, en fait, aucune obligation réelle, en
repoussant toute considération d’une autorité supérieure à l’homme.
Certes, Kant revendique la nécessité de considérer les devoirs comme
des « commandements divins », mais il précise : « Nous ne tiendrons
pas nos actes pour obligations parce qu’ils sont des commandements
de Dieu, mais nous ne les considérons comme des commandements
divins parce que nous y sommes intérieurement obligés » Critique de
la raison pratique.
Faisant de la raison un absolu, alors qu’elle ne fait qu’interpréter et
formuler un ordre naturel, Kant érige en principe l’autonomie de
l’homme. (Selon l’étymologie, l’autonomie signifie, se donner à soi-
même la loi). Il ouvrait ainsi une porte largement franchie aujourd’hui.
Pour ceux qui, voulant déterminer eux-mêmes le bien et le mal,
cherchent une justification à une action qui ne dépende de rien ni de
personne, la tentation est grande d’identifier le concept kantien avec
l’arbitraire du choix individuel. L’éthique est alors ramenée entre les
limites du relativisme et de l’utilitarisme en excluant tout principe
moral qui soit valable et contraignant en elle-même.
Le relativisme admet qu’il puisse y avoir plusieurs conceptions de ce
qu’est l’homme. En réplique au livre d’Habermas ; sur l’avenir de la
nature humaine, ouvrage dans lequel il s’oppose à l’eugénisme libéral
rendu possible notamment par le diagnostique préimplantatoire, Nalin
écrit : « Une compréhension unique de la nature humaine (…) est
contraire au pluralisme des visions du monde, ainsi qu’aux principes
d’une république laïque (…). Si le génome n’est pas investi de
mystérieuses propriétés, comme justifier son absolu
intangibilité »(Speranta Dumitru Nalin, dans la revue Raisons
Politiques, Presse de Sciences-Po, cité par J. Rollet). Autrement dit, la
justification des manipulations génétiques ne dépend que de la
connaissance acquise en ce domaine.
Le relativisme s’appuie sur une conception de la liberté considérée
comme la faculté de choisir, sans orientation prédéfinie, tous types de
possibilités. Il fait de la liberté un absolu et dans cette perspective, la
notion de dignité devient sans fondement.
2) La Tolérance idéologique.
Alors que les convictions fermes, une opinion affirmée sont
présentées comme les sources de la violence et de la tolérance, le
relativisme se définit comme essentiellement tolérant : « Ainsi, le
bavardage de l’époque se résume t-il parfois de la sorte : s’il y a
moins de croyances et moins de valeurs, il y aura moins de violences.
Le relativisme serait devenu le gage du monde pacifié. La violence au
contraire est le produit des désirs sans frein, de l’avidité sans limites,
de la manipulation sans règle, c'est-à-dire de l’affaiblissmeent des
croyances partagées » (J. Cl. Guillebaud, le Principe d’humanité, p.
379).
La tolérance que revendique le relativisme est très ambiguë. La notion
classique de tolérance relevait de la vertu de prudence, vertu pratique.
Il s’agissait de tolérer un mal provisoire que l’on ne peut éviter, pour
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