Chapitre 1 Les constituants de phrase
1.0. La phrase, en tant qu’énoncé, se rapporte à l’activité d’un énonciateur qui
prend en charge son énoncé, en exprimant son attitude à l’égard de ce qu’il dit. En même
temps, l’énonciateur établit une certaine relation avec son interlocuteur, par le fait de
présenter son énoncé comme vrai ou faux, possible ou impossible, nécessaire ou
contingent, permis ou défendu, etc. Le locuteur porte également des jugements de valeur,
des appréciations sur ce qu’il dit et manifeste sa distance à l’égard de son énoncé en
termes de vouloir, demande, conseil, souhait, exigence, etc. Tous les éléments qu’on
vient de mentionner entrent dans le domaine de la modalité linguistique, produit de
l’activité de modalisation.
Dans ce domaine délicat et instable de la modalisation, on accorde un rôle
privilégié à quelques modalités de phrase, appelées aussi modalités d’énonciation.
Celles-ci marquent l’attitude énonciative du locuteur dans sa relation avec son
interlocuteur. Les modalités d’énonciation se traduisent par différents types de phrases
.
En principe, toute phrase se présente comme assertive, interrogative, impérative ou
exclamative:
Elle est gentille. Est-ce qu’elle est gentille? Comment est-elle? Sois gentille!
Comme elle est gentille!
Le critère qui se trouve à la base de la distinction entre les quatre types de phrases
énumérées vise les modalités discursives essentielles de présenter le contenu d’une
phrase. Ces quatre modalités d’énonciation sont appelées différemment, en fonction du
niveau auquel s’opère l’analyse:
a) pragmatique: modalités d’énonciation;
b) grammaire générative et transformationnelle (GGT): constituants de phrase.
1.1. De règle, on postule l’existence de trois paramètres dans l’acte de
l’énonciation: la personne énonciative (qui énonce?); le repère énonciatif (quand énonce-
t-on?); la modalité énonciative (comment énonce-t-on?). Ce dernier paramètre renvoie
aux actes illocutoires d’Austin
(ex: Je dis qu’il fait beau aujourd’hui. Je demande si
Marie est arrivée. J’ordonne que les soldats passent la rivière, etc).
Pierre Le Goffic (1993:17) attire pourtant l’attention sur la possibilité assez
fréquente de confusion entre les modalités de phrase et les actes de discours tels que:
l’ordre, la demande, la promesse, la menace, l’accomplissement performatif, etc. Il faut
préciser que la langue n’est pas uniquement un moyen de transmettre des informations,
Il ne faut pas confondre les modalités d’énonciation avec les modalités d’énoncé. Ces dernières marquent l’attitude
du sujet énonciateur vis-à-vis du contenu de son énoncé. L’énonciateur peut présenter son énoncé comme certain,
possible, probable, utile, nécessaire, agréable, etc.
Austin considère que les actes de parole sont de trois types:
- locutionnaires – les actes par lesquels on dit quelque chose;
- illocutionnaires – les actes qui visent le but de la communication (d’obtenir une réponse dans le cas d’une phrase
interrogative, de protester contre une affirmation, donner un ordre, faire une promesse, etc)
- perlocutionnaires – par ces actes le locuteur veut obtenir une certaine réaction de la part de son interlocuteur: par
exemple, lorsqu’on donne un ordre, l’interlocuteur peut s’y soumettre, le contester, l’ignorer, etc.
3 La force illocutionnaire qui correspond à un acte illocutionnaire/illocutoire agit sur le locuteur, le poussant à
exécuter une certaine action. Le même acte locutionnaire peut avoir une force illocutionnaire différente. Un énoncé tel
que Je viendrai demain peut s’interpréter, en fonction du contexte, comme: a) promesse; b) menace; c) avertissement.