Le paragraphe des lignes 9 à 13 marque une pause : il s’agit de la description de la
chambre du personnage, et cette description est prise en charge par le narrateur. Les
indications nous sont données par rapport à la position du personnage. La description est
précise : « en face de moi », « à droite », « à gauche », « derrière moi ». Le lit et
l’armoire sont décrit avec des adjectifs « vieux », « très haute » et des compléments
« (lit) de chêne » et « (armoire) à glace ». Ce retour du narrateur dans la description
rationalise le texte, on y croit. Toutefois, le personnage n’est pas absent pour autant, sa
vison du monde transperce dans ce paragraphe :
Nous avons beaucoup de pronoms personnels de rang 1 : « moi…mon lit…me raser…
j’avais », la 1ère personne est déclinée sous toutes ses formes, en outre, on nous dit que le
personnage se regarde dans le miroir « chaque jour […] de la tête aux pieds, chaque fois
qu [‘il] passai[t] devant », et il ne faut pas oublier que la nouvelle se présente sous la
forme d’un journal qui est un moyen de S’écrire, de SE regarder : nous avons donc
affaire à un personnage narcissique, en quête de son identité, qui se cherche, et qui, peut-
être, se retrouve paradoxalement dans le Horla.
On peut pousser l’interprétation plus loin : le personnage est centré sur lui-même et se
regarde sans cesse dans le miroir, nous avons ici la figure mythologique de Narcisse, or,
Narcisse se regarde dans l’eau, et le miroir symbolise souvent l’eau, et si nous regardons
les autres parties de la pièce décrites, nous constatons qu’à droite, il y a la cheminée,
donc le feu, à gauche, la porte, c’est-à-dire l’air car c’est par là qu’il circule, et enfin le lit
qui est fait, on nous le précise, de chêne, donc la terre. Les quatre éléments sont dans la
chambre et le personnage est au centre, soit le moi persécuté par le Horla se fait centre du
monde, nous avons un indice plaidant en faveur de sa folie, soit le Horla est
effectivement un 5ème élément et a convoqué les quatre autres dans la chambre du
personnage pour le hanter et justifier ainsi l’intuition de celui-ci qui écrivait, quelques
lignes avant notre passage : « Pourquoi pas d’autres éléments que le feu, l’air, la terre et
l’eau ? Ils sont quatre, rien que quatre, ces pères nourriciers des êtres ! ».
Encore une fois ici, la narration partagée entre narrateur et personnage permet d’inscrire
le texte dans le genre fantastique puisqu’il existe une tension entre la rationalité de la
description et le surnaturel des 4 éléments convoqués dans la chambre par le Horla qui
serait le 5ème.