8
Randonnées automnales
Les constellations des Poissons et de la Baleine
Lors de la dernière Nuit des Étoiles, nous avons observé la planète Mars, qui brillait
déjà de mille feux à l’approche de son opposition d’octobre, et nous nous sommes tout
naturellement posé la question de savoir quelle était la constellation qui l’hébergeait : la
Planète rouge se trouvait en fait à ce moment dans le Bélier. Ce petit astérisme, qui suit les
constellations d’Andromède et de Pégase dans la ronde des étoiles, est situé à peu près à la
même déclinaison que cette dernière. Poursuivant notre examen, nous nous sommes demandé
ce qui se passait plus bas dans le ciel, et nous avons rapidement avouer que la
connaissance que nous avions de cette région était plus que lacunaire !
Une petite carte mobile du ciel nous a permis de nous rappeler que ce coin du
firmament, en apparence pauvre, cachait deux grandes constellations, peu souvent explorées,
celles des Poissons et de la Baleine ; le ciel dans cette direction n’était pas très noir, mais nous
avons tout de même tenté de les identifier...
Le ciel d’automne : la Baleine et les Poissons passent au méridien.
9
Comme ces constellations vont nous accompagner ces prochains mois, je vous
propose, afin de mieux préparer nos prochaines randonnées célestes, de découvrir ensemble
cette région un peu oubliée du ciel…
1. Origine mythologique
a. Les Poissons : Vénus et Cupidon, et le pauvre pêcheur et son épouse
L’origine de la constellation des Poissons (Pisces) est très ancienne, puisque c’est un
vestige du ciel babylonien
et de son Océan céleste. La
mythologie raconte que la
déesse de l’Amour, Vénus,
et son fils Cupidon étaient
poursuivis par le
monstrueux Typhon,
créature hideuse, fils de
Gaïa et de Tartare, qui
possédait cent têtes de
dragons émettant chacune
des sons effrayants :
certaines aboient, d’autres sifflent comme des serpents, d’autres encore mugissent, et
certaines parlent même la langue des dieux... Les yeux du monstre lancent des flammes et ses
langues noires ne cessent d’onduler...
Une carte classique de la constellation des Poissons.
Une des nombreuses représentations du monstre Typhon, ici en présence
de Zeus avec lequel il livrera une épique bataille.
10
Si Typhon était capable de vivre dans le feu, il ne supportait pas l’eau. Profitant de
cette faiblesse, Vénus et Cupidon plongent dans la mer ou, selon une autre version, dans
l’Euphrate – et se transforment en poissons ; et pour ne pas se perdre, ils se lient par une
cordelette : c’est l’origine de la constellation des Poissons, effectivement représentée par la
figure de deux poissons reliés par un ruban.
Selon certaines sources, la déesse Vénus serait elle-même un héritage de Babylone,
elle était appelée Ishtar ; mieux, cette correspondance est renforcée par le fait qu’Ishtar y était
aussi associée à l’Étoile du Berger !
Il existe également une très jolie histoire d’origine germanique, moins connue
1
, qui
explique l’origine de la constellation : c’est celle du pauvre Antenteh et de son exécrable
épouse.
Le couple vivait au bord de mer, et leur seule richesse consistait en un misérable abri
et une baignoire, qu’ils avaient remplie de duvet et de plumes d’oies afin de pouvoir s’y
asseoir. Un jour, Antenteh pêche un étrange poisson, qui lutte farouchement pour s’échapper
du filet ; ému par tant de volonté, le pêcheur décide de le libérer. À son grand étonnement,
l’animal se met à lui parler, et lui explique qu’il est en réalité un prince ensorcelé ; en guise de
remerciement, il lui propose de formuler un vœu qu’il exaucera. Antenteh, tellement surpris et
honoré d’avoir sauvé la vie à un personnage si noble, ne lui demande rien, et ils se séparent.
De retour chez lui, le cheur raconte son incroyable aventure à sa femme, qui se met
en colère : il vient de manquer l’occasion d’enfin posséder une vraie maison ! L’épouse ne
cesse de le harceler ; dépité, Antenteh finit par retourner au bord du rivage dans l’espoir de
revoir le prince-poisson et lui faire part du vœu de sa femme. L’animal enchanté apparaît, et
engage Antenteh à retourner chez lui ; et celui-ci découvre en lieu et place de sa modeste
cabane une magnifique demeure ! Mais sa femme en veut toujours plus, et elle insiste pour
que le poisson exauce un vœu plus grandiose encore : elle veut cette fois devenir reine et
habiter un somptueux palais. Le poisson, patient et toujours reconnaissant envers Antenteh,
accède à cette nouvelle demande…
Vous l’avez deviné, l’insatiable épouse ne s’arrêtera pas en si bon chemin : elle veut
maintenant devenir une déesse ! Le Poisson est furieux : d’un mouvement rapide de sa queue
puissante, il fait disparaître tout ce qu’il avait offert au couple – maison et palais, meubles et
joyaux ! Antenteh et sa femme passeront le reste de leur vie dans leur petite cabane, avec pour
seul mobilier la baignoire remplie de duvet et de plumes de cygne.
Lorsque vous observerez le ciel, sachez donc que le Grand Carré de Pégase représente
la baignoire d’Antenteh, remplie du duvet et des plumes provenant de la constellation voisine,
le Cygne ! Quant à la constellation des Poissons, elle représente le Prince enchanté…
1
On la trouve dans l’ouvrage de Julius D. W. Staal The New Patterns in the Sky, The McDonald and Woodward
Publishing Company (1988).
11
b. La Baleine : le Monstre des profondeurs
Tout comme les constellations des Poissons, du Verseau, du Capricorne et de l’Éridan,
la Baleine (Cetus) est l’une des constellations aquatiques héritées de l’Océan céleste des
Babyloniens. Son origine mythologique est plus connue. La Baleine – Cetus en latin – est
associée au mythe d’Andromède, et donc aux constellations de Céphée, Cassiopée,
Andromède, Persée et Pégase.
Le roi Céphée et son épouse Cassiopée, la reine noire, régnaient sur l’Éthiopie ou,
selon une autre version, sur la Palestine. Cassiopée raconte à qui veut l’entendre qu’elle est
plus belle que les Néréides, les filles du dieu marin Nérée. Celles-ci se plaignent au dieu de la
mer, Poséidon, qui envoie un terrible monstre marin, probablement un serpent géant, dévaster
le royaume d’Éthiopie. Le monstre remonte les cours d’eau et frappe toujours de façon
inattendue. Désespéré, le roi Céphée consulte l’oracle d’Amon, qui lui dit que le seul moyen
de libérer le pays de ce joug est de sacrifier au monstre sa propre fille, Andromède. La
princesse Andromède est donc enchaînée à un rocher, et elle y attend l’heure de sa mort, qui
s’annonce terrifiante. Mais le vaillant Persée pétrifie le monstre grâce la tête de la gorgone
Méduse et libère la belle Andromède...
Tous les personnages de cette histoire ont été placés dans le ciel ils se retrouvent
sous la forme de constellations. Quant à la reine Cassiopée, source des malheurs de son pays,
elle est condamnée à ne jamais trouver le repos, puisqu’elle a été transformée en constellation
circumpolaire !
La constellation de la Baleine, entourée de quelques-unes des constellations fantaisistes – Atelier du
Sculpteur, Fourneau chimique, Machine électrique – imaginées par Lacaille.
12
Ce qui est curieux, c’est ce nom de « baleine » donné à un monstre dont les attributs
ne semblent pas avoir de rapport avec ces pacifiques cétacés. Il est vrai que la baleine était un
animal totalement inconnu des peuples du Moyen-Orient ; peut-être avaient-ils rapproché
dans leur imaginaire le cétacé des monstres marins terrifiants de leurs légendes ? Ce type de
créature monstrueuse se retrouve dans de nombreuses cultures, et on lui sacrifie souvent de
belles jeunes filles, sauvées in extremis par un valeureux héros. Elle est souvent représentée
comme une créature vivant dans les ténèbres des profondeurs abyssales ; lorsque, couverte
d’algues, elle remonte de temps à autre à la surface, elle apparaît vieille, maléfique et
malodorante.
Dans son célèbre atlas
du ciel, Bayer (1572-1625)
représente la Baleine comme
un dragon marin. D’autres
représentations montrent un
animal avec un corps de
poisson et une tête de lion, de
chien ou même de cheval, ou
encore comme un poisson-
éléphant muni d’une trompe et
de défenses. Dans son
Harmonia Macrocosmica,
Andreas Cellarius la représente
(1661) comme une véritable
baleine.
Certains assimilent la Baleine au « gros poisson » biblique qui avala Jonas.
2. Description générale
Si les Poissons et la Baleine font partie des constellations les plus anciennes, elles ne
figurent pas parmi les plus faciles à observer, loin de là ! Constituées d’étoiles peu
lumineuses, disséminées sur de grands champs célestes, basses sur l’horizon et donc souvent
affectées par la pollution lumineuse et l’absorption atmosphérique, leur repérage constitue un
petit défi pour les amoureux du ciel. Mais, ne nous le cachons pas, leur observation procure
une réelle satisfaction, puisque c’est tout un pan méconnu du ciel qui se dévoile à nos yeux.
a. Deux poissons liés
On trouve la constellation des Poissons sous celles de Pégase et d’Andromède. Sa
structure symbolise les deux poissons reliés par un ruban. Contrairement à ce qu’on pourrait
attendre, l’étoile la plus brillante de la constellation n’est pas
α
, mais
η
Piscium : distante de
près de 300 années-lumière, elle a une magnitude de 3,6 et ne possède pas de nom particulier.
La constellation de la Baleine dans l’Harmonia Macrocosmica de
Cellarius.
1 / 11 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !