
Son délire est polymorphe : A la fois hallucinatoire (expériences télépathiques
dans lesquelles il reçoit des messages de prémonition d’évènements de société via les médias) et
d’autres lui demandant de faire telle ou telle chose dans le but de sauver le monde (automatisme
mental – syndrome d’influence). Mais aussi, interprétatif (système de code couleur comme les
cibistes pour le classement des messages : vert pour les proches, bleu pour la police et rouge pour
nous) tout ceci entraîne des montées de persécutions puisqu’il est bloqué dans l’unité et ne peut
pas mettre en œuvre les commandements de son délire.
Nous pointons assez rapidement toute la difficulté de la prise en charge. Elle se
situe entre ces moments de partage dans le soin où ce grand jeune homme se montre cultivé, « de
bonne éducation », généreux et attentionné. Mais aussi dans les moments où, ne canalisant pas sa
production délirante, il est très agressif et menaçant verbalement envers l’équipe et les patients.
Lors des entretiens médicaux, John met toute son énergie à canaliser ses symptômes
productifs ayant bien compris que c’est son psychiatre, de surcroît responsable de l’unité, avec
qui il doit négocier l’assouplissement de son cadre de soins. Malgré les inquiétudes de l’équipe
sur la violence qu’il pouvait mettre en scène : les temps d’ouverture de chambre d’isolement se
négociaient. Heureusement une partie des tensions se déplace : John n’est plus soumis à notre
disponibilité mais à un contrat thérapeutique qui se veut instaurer de la confiance mutuelle et lui
permet de devenir co-responsable du déroulement de ses soins.
Malgré tout, John, toujours très provoquant, continue de nous mettre en ébullition
lorsqu’il navigue dans l’unité.
C’est à cette période, par la force des choses, que je vais avoir plus de contact avec lui.
A cette époque j’ai peu de pratique et je me souviens que je trouvais compliqué de
prendre en charge de jeunes patients psychotiques d’à peu près mon âge.
Je ne me sentais pas encore très à l’aise face à la distance relationnelle à tenir avec ces
patients qui ont tendance à nous idéaliser dans une certaine normalité.
Nos rencontres se font souvent au fumoir où John arrive à prendre le temps de parler de
lui. J’apprends ainsi qu’il a le niveau bac et a arrêté ses études, qu’il pratique du sport à un niveau
inter-régional, qu’il est en cours de divorce et revit chez ses parents. Il me parle aussi de ce