La néphrite hémorragique entérite de l’oison
Jean-Luc Guérin et Léni Corrand
Mise à jour : 16.11.10
Maladie aiguë des jeunes oies décrite depuis les années 1970 en France, en Hongrie et en
Allemagne, la néphrite hémorragique entérite de l’oison (NHEO) est une maladie virale contagieuse
responsable d’une forte mortalité en élevage ou en gavage. Elle constitue encore actuellement une
contrainte majeure à la production d’oies, notamment dans le Sud-Ouest de la France.
Synonymie : polyomavirose de l’oie, maladie tardive de l’oie, maladie des jeunes oies, Hemorrhagic
Nephritis Enteritis of Geese (HNEG).
L’agent de la maladie et son pouvoir pathogène
L’agent de la NHEO est un virus du genre Polyomavirus, le polyomavirus de l’oie (GHPV ou Goose
Hemorrhagic Polyomavirus), de la famille des Polyomaviridae. Les virions, non enveloppés, sont de
forme icosaédriques 40 à 50 nm de diamètre. La capside est composée de 72 capsomères
pentamériques.
Le génome du GHPV est constitd’un simple brin d’ADN circulaire de 5252 bp, divisé en 2 régions
principales : une région codant pour des protéines de régulation, et l’autre codant pour 3 protéines
structurales.
Ce virus est très résistant, notamment à la chaleur (toujours virulent après 1h d’exposition à 55°C),
au froid, aux solvants des lipides.
Le GHPV est détecté chez l’oie mais aussi le canard, ce dernier jouant un rôle de réservoir de
l’agent pathogène.
Les données épidémiologiques
La 1
ère
description de NHEO remonte à 1969 en Hongrie. Au cours des années 70, la maladie est
observée en Allemagne et en France. Actuellement en France, la maladie s’observe encore
épisodiquement dans le Sud-ouest. Elle est aussi rapportée dans le grand Ouest.
L’oie et le canard (canard de Barbarie et canard mulard) sont réceptifs à l’infection par le GHPV à tout
âge. L’infection d’autres anatidés par le GHPV n’a pour l’instant pas été démontrée. En revanche
seule l’oie est sensible, le canard ne présentant aucun signe clinique ou lésion suite à l’infection.
Expérimentalement, la fenêtre de sensibilité de l’oie s’étend classiquement entre 3 et 12 semaines.
Parfois des formes cliniques peuvent apparaître plus tard.
L’importance de cofacteurs dans le déclenchement de la clinique est démontrée. La suralimentation
en début d’élevage, les mauvaises conditions de logement, les stress (manipulations, vaccination,
climat…) sont des facteurs favorisants à rechercher en cas d’expression clinique de la NHEO.
Les voies de transmission sont encore mal connues. La transmission horizontale est démontrée, par
la voie fécale-orale. La transmission verticale du GHPV ne peut pas être exclue mais n’est toujours
pas démontrée.
Un portage sain du virus est fréquent chez l’oie, surtout chez les adultes, avec une longue
persistance chez les oies infectées.
Le canard est considéré comme un réservoir potentiel du GHPV. La prévalence de l’infection (ainsi
que la transmission) par le GHPV en élevage de canards est encore inconnue mais semble élevée. La
cohabitation entre des oies et des canards infectés peut donc introduire le virus chez les oies, sans
aucune manifestation clinique chez les canards.
Les manifestations cliniques de la maladie
Chez des oies âgées de 4 à 10 semaines, la morbidité peut atteindre 80 % et la talité est variable
mais peut approcher 100 %. Plus les oies sont âgées, plus ces valeurs sont faibles.
Signes cliniques
L’incubation de la NHEO dure de une à deux semaines selon la charge infectieuse et la susceptibilité
des oies. La période clinique est généralement courte (1 à 3 jours). Les oies s’isolent dans un état
comateux, sont amorphes. Elles ont des difficultés à se déplacer et arrêtent leur consommation d’eau
et d’aliment. Une diarrhée discrète s’observe fréquemment. Des signes nerveux tels que pédalage,
opisthotonos sont observés dans les formes suraiguës chez les jeunes animaux. Les sujets montrant
des signes cliniques meurent en quelques heures.
Lésions
Les lésions à l’autopsie sont assez caractéristiques. De l’ascite gélatineuse jaunâtre et un œdème
gélatineux sous-cutané sont fréquemment observés. Les reins présentent une néphrite souvent
hémorragique ou surchargée en urates (aspect boursouflé et blanc), dûe à la déshydratation du sujet.
Une entérite muco-hémorragique est aussi observée, avec présence de sang partiellement digéré.
Dans des formes tardives (animaux plus âgés, dose infectieuse plus faible), on relève souvent des
lésions de goutte viscérale, avec des dépôts d’urates sur les organes de la cavité thoraco-abdominale.
Ces dépôts peuvent aussi s’observer dans les articulations. La rate peut être hypertrophiée et
hémorragique. Quelquefois, on observe une hépatite avec un foie hypertrophié rouge foncé et des
plages plus claires.
© ENVT, clinique aviaire
Oie atteinte de NHEO : prostrée, ne fuyant
pas à l’approche de l’homme
Diarrhée liquide verdâtre
© ENVT, Clinique aviaire © ENVT, Clinique aviaire
1. Néphrite hémorragique
2. Entérite hémorragique : nombreuses pétéchies sur la muqueuse digestive
3. Goutte viscérale : dépôts d’urates sur le foie
4. Goutte viscérale : dépôts d’urates sur le cœur
5. Cristaux d’urates dans les articulations
6. Ascite jaunâtre gélatineuse dans la cavité thoraco-abdominale
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© ENVT, Clinique aviaire
L’examen histopathologique montre que le GHPV réplique dans presque tous les tissus, avec un
tropisme préférentiel pour les cellules endothéliales et les cellules lymphoïdes (lymphocytes B
particulièrement). Les lésions les plus remarquables sont une nécrose de l’épithélium tubulaire des
reins, une déplétion lymphoïde de la bourse de Fabricius et de la rate, des foyers nécrotico-
hémorragiques du tube digestif (duodénum et jéjunum).
1. Déplétion lymphocytaire centro-lobulaire de la bourse de Fabricius.
2. Nécrose multifocale sévère des tubules rénaux (flèche).
L’immunité veloppée chez l’oie suite à une infection est mal connue. Des anticorps neutralisants
sont détectés chez des oies infectées naturellement ou expérimentalement. Leur transmission à la
descendance (anticorps d’origine maternelle) semble efficace. La durée de l’immunité acquise suite à
une infection ou grâce à la transmission d’anticorps maternels n’est pas connue.
Le diagnostic
La suspicion épidémio-clinique est basée sur une forte mortalité de jeunes oies en élevage, associée
à des lésions classiques de néphrite et d’entérite hémorragique, d’ascite, parfois de goutte viscérale
ou articulaire.
La confirmation du diagnostic fait intervenir le laboratoire :
- Histologie : nécrose de la muqueuse intestinale, inflammation de l’interstitium rénal,
lympholyse folliculaire dans la bourse de Fabricius.
- Virologie : une technique de diagnostic de l’infection par le GHPV par PCR est
disponible en routine en France et permet une détection de l’ADN viral dans la rate en
quelques jours.
Diagnostic différentiel : Maladie de Derzsy / Choléra aviaire / Herpèsvirose
© ENVT, Clinique aviaire
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2
La prévention et le contrôle de la maladie
Il n’existe pas de traitement efficace. Dans un lot infecté, les oies exprimant les signes cliniques
meurent en quelques heures. Les oies ne présentant pas de signe clinique doivent être élevées dans
des conditions d’élevage permettant d’éviter au maximum tout facteur de stress. Il peut donc être
justifié de réévaluer le bien-fondé des vaccinations sur ces animaux (surtout la vaccination
pasteurellose, qui présente des risques de réactions secondaires).
Compte tenu de la grande résistance du virus, à la fin de l’élevage d’un lot malade, un protocole de
nettoyage et désinfection strict et rigoureux doit être appliqué (utilisation de produits dérivés
chlorés). Un vide sanitaire suffisamment long et une rotation des parcours doivent être observés.
La prévention est basée sur l’hygiène et le respect de mesures de protection sanitaire strictes. La
conduite en bande unique est préférable.
Un vaccin a été dévelopà titre expérimental à l’ENVT. Dans un lot à risque, la vaccination des
oies en croissance permet d’induire une immunité active. La vaccination des reproducteurs est
recommandée pour conférer une protection à la descendance, par 2 administrations, avant chaque
période de ponte.
En pratique :
Quand suspecter un épisode NHEO dans un élevage d’oies ?
o En cas de mortalité brutale et rapide chez des jeunes oies.
o Face à un tableau lésionnel nécropsique dominé par une entérite et une néphrite
hémorragiques.
Que faire face à un épisode de NHEO en élevage d’oies ?
o En l’absence de traitement spécifique, le maintien des animaux survivants dans une
ambiance à l’abri de facteurs de stress est primordial.
o Le renforcement du protocole de nettoyage et désinfection entre différentes bandes
est indispensable.
o Un vaccin expérimental est actuellement à l’essai.
Pour aller plus loin :
GUERIN J.L., GELFI J., DUBOIS L., VUILLAUME A., BOUCRAUT-BARALON C., PINGRET
J.L. A novel polyomavirus (goose hemorrhagic polyomavirus) is the agent of hemorrhagic
nephritis enteritis of geese. Journal of Virology, 2000, 74: 4523-9.
LACROUX C., ANDREOLETTI O., PAYRE B., PINGRET J.L., DISSAIS A., GUERIN J.L.
Pathology of spontaneous and experimental infections by Goose haemorrhagic polyomavirus.
Avian Pathology, 2004, 33: 351-8.
PINGRET J.L., BOUCRAUT-BARALON C., GUÉRIN J.L. Goose haemorrhagic polyomavirus
infection in ducks. The Veterinary Record, 2008, 162: 164.
Gelfi, J., Pappalardo, M., Claverys, C., Peralta, B. & Guerin, J-L. (2010). Safety and efficacy of
an inactivated Carbopol-adjuvanted goose haemorrhagic polyomavirus vaccine for domestic
geese. Avian Pathology, 39(2):111-6.
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