1 Observatoire européen des politiques universitaires Séance inaugurale Le 25 novembre 2004 UNIVERSITE, ETAT, CULTURE I Qu’est-ce que l’Observatoire européen des politiques universitaires ? (Alain Renaut) L’Observatoire se définit comme un centre de recherche et d’expertise sur les politiques universitaires, abordant ces politiques à la fois de façon synchronique ( plus particulièrement, à cet égard, dans le cadre de la communauté européenne ) et de façon diachronique ( c’est-à-dire du point de vue des transformations qui ont scandé l’histoire des universités depuis leur invention médiévale ). Concernant la mission d’expertise, je me borne à quelques mots : elle consistera, pour l’Observatoire, à être saisi ou à se saisir d’un dossier précis concernant aujourd’hui les universités et sur lequel il y aurait matière à documentation et à réflexion, c’est-à-dire matière à dresser un état des lieux et à étudier quels choix possibles s’offrent à l’instance politique en charge des universités pour infléchir dans tel ou tel sens la trajectoire de l’institution. C’est ainsi que nous avions fonctionné, à la demande du Ministère de l’Education Nationale et avant même la naissance de l’Observatoire, à propos de la question de la place à accorder à la culture générale dans les formations universitaires – dossier complexe qui nous a mobilisés, dans une autre structure que celle-ci, pendant trois ans et a abouti à deux rapports remis, l’un à Jack Lang, l’autre à François Fillon, faisant le point sur ce qui existait à cet égard dans les cursus universitaires et sur ce qui pourrait exister. Nous pourrions fonctionner sur le même mode, à propos d’autres dossiers à débrouiller, en nous y trouvant invités soit, à nouveau, au plan ministériel, soit au plan local ( par la présidence de l’Université ), soit par nous-mêmes. On trouve ici même, sur le présent site, de quelle manière, dans l’état actuel de nos projets, cette mission d’expertise pourra trouver à s’exercer sous la forme de l’ouverture d’une vaste enquête sur les universités européennes et de la préparation d’un colloque exploitant les résultats de cette enquête. 2 Pour ce qui touche à la mission de recherche, je voudrais être plus précis et dégager.en quoi il y a matière à recherche, en philosophie politique, sur l’institution universitaire. Je le ferai en deux étapes : d’abord en expliquant de quel type de philosophie politique il s’agit, à savoir de philosophie politique appliquée ; ensuite en esquissant ce que peuvent être à mes yeux, à propos de l’université, les principales problématiques de philosophie politique appliquée auxquelles nous nous trouvons confrontés. Dans le cadre de nos activités de recherche dans l’équipe « Rationalités contemporaines », la création de l’Observatoire des politiques universitaires a pour objectif de mettre en place une structure de recherche spécialisée en philosophie politique appliquée, plus spécifiquement : en philosophie politique appliquée à la « question des universités ». J’ai défendu depuis quelques années, dans mon séminaire de maîtrise et de DEA, la perspective selon laquelle, si l’on réfléchit à ce que pourraient être les tâches de la philosophie politique aujourd’hui, un élément de réponse non négligeable consiste à envisager de négocier un passage, au moins partiel, de la philosophie politique fondamentale vers la philosophie politique appliquée. J’ai repris depuis lors l’explicitation et la justification de cette perspective par écrit1, et je ne compte donc pas y revenir ici au-delà de quelques phrases. Pour ce qui est de la philosophie morale ou de l’éthique, nous commençons à peine en France à intégrer à la fois les enjeux et les interrogations qui se rattachent à l’articulation entre éthique fondamentale et éthique appliquée : l’éthique fondamentale porte sur les questions de principes ( en affrontant par exemple la question de savoir comment arbitrer au plan des principes les débats entre plusieurs types d’éthique concevables, par exemple entre l’utilitarisme et les diverses variantes du kantisme, ou entre les transformations contemporaines du kantisme et les figures du néoaristotélisme, par confrontation entre éthiques du devoir et éthiques de la vertu, ou encore – dernier exemple – entre réalisme moral et idéalisme moral 2 ) ; l’éthique appliquée s’attache à prendre en considération les questions normatives ( sur ce qu’il faut faire ) dans divers secteurs de la vie individuelle et collective – avec, dans la logique de cette dimension « applicative » de l’éthique, le développement d’éthiques diversifiées, non plus seulement par leurs principes, mais par leurs objets, comme l’éthique médicale, l’éthique familiale, l’éthique des affaires, l’éthique féminine, l’éthique de l’environnement, etc.. Nous pourrions être placés, en philosophie politique, devant la nécessité et l’opportunité de gérer une articulation comparable. De fait, le débat sur les 1 A. Renaut, Qu’est-ce qu’une politique juste ?, essai sur la question du meilleur régime, Paris, Grasset, 2004. Voir notamment : « Annexe méthodologique à l’usage des philosophes ». 2 Sur cet exemple de débat « principiel », voir Ch. Larmore et A. Renaut, Débat sur l’éthique. Idéalisme ou réalisme, Paris, Grasset, 2004. 3 principes, relevant de la philosophie politique fondamentale, non seulement a traversé toute l’histoire de la discipline, mais, dans le cadre contemporain de la réflexion, a été largement ouvert à nouveau depuis trente ans sous la forme des innombrables discussions suscités par la reformulation et la refondation rawlsiennes des principes du libéralisme politique : à partir des principes rawlsiens de justice se sont en effet affrontées de multiples positions, soit pour les contester, soit pour les récuser, soit pour les compléter, à travers toute une série de débats sur la justice ( c’est-à-dire au fond sur les principes d’une société et d’une politique justes ) opposant tantôt libéralisme et communautarisme, tantôt libéralisme et néo-libéralisme, tantôt libéralisme et républicanisme, sans oublier les dégradés de débats plus anciens entre socialisme et libéralisme ou encore, ici aussi, entre les héritiers de l’utilitarisme et ceux du kantisme, voire entre certains héritiers se réclamant du même héritage. Ces débats sur les principes sont assurément passionnants et sans doute ne sont-ils pas clos, mais nous voyons bien que s’ils deviennent aujourd’hui des objets de recherche, c’est plutôt sous la forme de leur transformation en objets de recherche quasiment historique ou historienne – je veux dire qu’ils donnent lieu à des contributions savantes, de plus en plus savantes même, sur la genèse des positions en présence, sur l’argumentaire de chacune d’elles, sur les oppositions qu’elle a suscitées ou peut susciter encore : bref, mon sentiment est qu’au plan de la philosophie politique fondamentale nous sommes en train de vivre depuis quelques années la fin d’une époque créatrice ( créatrice de positions prises sur les questions de principe ) pour entrer dans une époque où les positions forgées depuis une trentaine d’années commencent à se figer et à devenir objets d’histoire de la philosophie politique – des objets d’histoire de la philosophie politique contemporaine, certes, mais tout de même des objets d’histoire de la philosophie. Le meilleur symptôme en est au demeurant que, même dans l’Université française, qui reste dominée, pour des raisons multiples, par une pulsion historienne forte, ces positions donnent lieu désormais à de nombreux enseignements, ce qui n’était pas le cas quand j’ai moi-même, il y a une dizaine d’années, commencé à en parler ici. Bref, dans l’état actuel des choses, je crois de moins en moins que s’il peut et doit y avoir une activité créatrice en philosophie politique dans les années qui viennent, ce puisse encore être, au moins pour un temps, au niveau des questions de principe : d’une part, ce niveau, qui est celui de la philosophie politique fondamentale, est largement saturé par la production très intense et de grande qualité qui est intervenue depuis trente ans ; d’autre part, il me semble de plus en plus que sur le terrain des questions de principes, soit nous sommes de plus en plus d’accord sur l’essentiel, soit, si nous sommes en désaccord, les désaccords sont désormais bien balisés et renvoient à des choix de valeurs dont je ne suis pas certain que nous puissions les uns ou les autres envisager, en tout cas si nous en restons sur le terrain des principes, de les faire bouger ( 4 précisément parce qu’il s’agit là ultimement de choix de valeurs et que nous tenons aux valeurs que nous défendons et qui s’expriment dans les positions de principe qui nous satisfont le mieux ). Comme je crois qu’une foule de bonnes raisons nous incitent à penser que la philosophie politique doit demeurer vivante, je me suis donc convaincu depuis quelque temps qu’il fallait, pour assurer cette vie, en tout cas au niveau de la recherche et, plus précisément, de la recherche non prioritairement historienne, se méfier du piège actuellement tendu et dans lequel on peut aisément tomber en consacrant de savants travaux à l’étude de positions extrêmement récentes prises sur les questions de principes, sur l’égalité, les inégalités, la liberté positive, la liberté négative, etc. – tous travaux intéressants, certes, mais qui consistent selon moi à redevenir, sans s’en rendre compte, davantage historien de la philosophie ( politique ) que philosophe ( politique ). Ce pourquoi je crois donc et essaye de faire partager la conviction que la vie de la discipline dépendra désormais, au moins pour une séquence dont nul ne peut prévoir la durée, d’un déplacement du terrain d’investigation, des positions de principes ( philosophie politique fondamentale ) vers les questions d’application ( philosophie politique appliquée ). C’est dans la logique de ce déplacement que s’inscrit la création d’un lieu de recherche comme l’Observatoire des politiques universitaires, qui se veut un lieu de recherche proprement philosophique, mais relevant de ce que j’appelle donc la philosophie politique appliquée. Cela dit, la philosophie politique appliquée peut se développer dans beaucoup d’autres directions que celle qui nous rassemble dans cet Observatoire. On peut travailler par exemple, comme cela m’est arrivé, sur des questions d’application procédant d’une thématique comme celle des droits de l’enfant, avec des questions d’application tout à fait intéressantes et donnant matière à de multiples recherches possibles sur les secteurs de la famille ou de l’école. Bien d’autres exemples encore sont parfaitement concevables autour des interrogations sur la reconnaissance politique des identités culturelles, ou ce que serait une politique de reconnaissance des identités génériques3. Je n’explore pas plus avant la gamme des possibles : je me concentre maintenant sur ce qui justifie spécifiquement, parmi d’autres, le choix, aujourd’hui, du « possible » constitué, en philosophie politique appliquée, par la question des universités. Qu’engage en effet, quand on passe, en philosophie politique, des questions de principes aux questions d’application, le choix de l’institution universitaire ? Pour répondre le plus brièvement possible, je dirai que, de toutes les institutions qui caractérisent les sociétés contemporaines, en tout cas les sociétés démocratiques, l’Université est très certainement celle qui 3 Sur ce dernier exemple, je renvoie aux actes de notre Journée d’Etudes Doctorales du 10 novembre 2004, consacrés à l’identité féminine, organisée par Ludivine Thiaw-Po-Une et Geoffroy Lauvau. 5 permet de construire avec le plus de vigueur et de rigueur, pour des raisons intrinsèques, la problématique de la modernisation. Je prends quelques instants pour expliciter et justifier ce qui pourrait apparaître comme une affirmation péremptoire. Nous savons que l’Université est née en Europe, selon un processus d’institutionnalisation qui va du XIIe au XIIIe siècle, et qui s’accomplit de façon à peu près simultanée en Italie, plus précisément à Bologne, à Oxford et à la Sorbonne. La constitution de cette dernière comme une « université », comprise originellement, à Paris, comme la « corporation des maîtres et des étudiants » ( universitas magistrorum et scholarium Parisiensium ), date de 1215 – année où Robert de Courçon, légat du pape, vint apporter aux maîtres de Paris et à leurs auditeurs un statut organisant pour la première fois le fonctionnement des écoles qui s’étaient constituées tout au long du XIIe siècle, autour de la première église Notre-Dame pour former les futurs clercs. Il s’agit donc d’une très vénérable institution, vieille de bientôt huit siècles, et nécessairement solidaire, sous sa forme originelle, du monde où elle est née, c’est-à-dire du monde médiéval. Ce monde était un monde de traditions et de hiérarchies, structuré en corporations ( le terme même d’universitas désigne d’ailleurs originellement toute corporation, rassemblant autour d’un même métier une diversité d’individus pratiquant ou apprenant ce métier ), bref un monde qui est pour nous devenu un monde ancien. Or, tout indique qu’un des plus puissants facteurs de déstabilisation de l’institution universitaire tient à la façon dont, notamment à partir du milieu du XVIIIe siècle, l’Université n’a plus cessé, en Europe et dans les pays où l’Europe a exporté cette institution, de s’affronter à de redoutables interrogations liées à sa capacité de modernisation : ce facteur de déstabilisation a produit ses effets dès le XVIIIe siècle européen ( au point d’avoir suscité alors une vaste crise des universités, à laquelle la France répondit à sa manière, en 1793, en supprimant, on y reviendra tout à l’heure, purement et simplement les universités, et cela pour un siècle ). On peut même penser, à constater les difficultés récurrentes auxquelles l’institution s’est heurtée depuis lors et continue de se heurter quand elle essaye de se moderniser, que cette déstabilisation d’une institution ancienne par les exigences de la modernité n’a sans doute pas encore achevé de produire tous ses effets. C’est précisément par le biais de cet affrontement entre modernité et tradition que la question de l’Université me semble rejoindre le plus directement certains de nos intérêts contemporains, en philosophie politique, à commencer par ceux qui tournent autour d’une réflexion critique sur la dynamique de la modernité. Aucune institution sans doute n’était originellement à ce point structurée par des valeurs antithétiques de celles du monde moderne que l’Université : là où la modernisation impliquait une égalisation des conditions, l’Université médiévale, comme toute corporation, 6 était structurée de façon rigoureusement hiérarchique, et se trouvait, qui plus est, prise dans un système global de relations hiérarchiques, aussi bien dans le registre de ses relations avec l’Eglise que dans celui de ses relations avec l’Etat naissant. Parallèlement, là où la modernisation n’allait cesser de mettre en cause les traditions et le principe même de la tradition ( pour repenser les règles et les normes, non plus comme héritées du passé, mais comme fondées au présent par les acteurs eux-mêmes ), l’Université s’est initialement et durablement conçue, dans ses finalités aussi bien que dans son organisation, comme une institution « traditionnelle », au sens fort du terme ( au même sens où l’on parle de « sociétés traditionnelles » ), c’est-àdire comme une institution structurée par la tradition et vouée à la conserver notamment sous la forme de cette « tranmission du savoir », de cette translatio studii, à laquelle elle a d’emblée été conçue comme chargée de participer : une translation du savoir qui a très longtemps été comprise ellemême comme une transmission de la tradition, l’Université dût-elle pour cela, non seulement manquer certaines des plus puissantes innovations modernes en matière de savoir, mais même y faire, dans de nombreux cas très célèbres, durablement et vigoureusement barrage. De là procède, ici, la radicalité toute particulière de l’interrogation sur la dynamique de modernisation. De là aussi la profondeur philosophico-politique de cette interrogation. Le terme de modernisation que je viens d’utiliser en évoquant les interrogations qui se sont trouvées liées à la capacité de moderniser les universités, je propose en effet de l’entendre au sens non superficiel qu'il peut avoir quand on en fait proprement un concept. Il désigne en l’occurrence, non pas l'adaptation de quelque chose au goût du jour ou à la mode, ou encore à certaines données contingentes et éphémères qui caractérisent le « présent », mais la prise en compte des principes et des valeurs qui sont ceux et celles de la modernité par ce dont on interroge la capacité à se moderniser, en l’occurrence l’Université. Dans ce cas, quand nous évoquons par exemple l’apparition des principes ou des valeurs de la liberté et de l'égalité, ou encore quand nous parlons de la laïcisation du savoir au sein de ce que nous appelons depuis Popper une « société ouverte », c’est-à-dire une société non régie par le poids du passé, nous savons bien qu'il ne s'agit pas de principes et de valeurs « à la mode », mais de structures culturelles, voire mentales, constitutives d'un rapport au monde que nous avons de bonnes raisons d'assumer et de défendre. Par voie de conséquence, nous savons bien aussi que la modernisation d'une institution, entendue dans l’optique précise de sa réorganisation à partir de telles valeurs ou de tels principes, engage tout autre chose que son adaptation extérieure à un contexte transitoire. Si la modernisation de l’Université procédait d’une telle démarche simplement adaptative, nous aurions assurément de solides raisons de défendre l'ordre ancien, avec toute l'expérience humaine qu'il 7 sédimente, et qu'il n'y a pas de raison de brader au « nouveau » dans ce qu'il a de fugitif. En revanche, au sens où j’évoque le problème de la modernisation, il s’agit, plutôt que de rechercher une adaptation extérieure, d'interroger la capacité que présente une institution de se restructurer, de redéfinir son mode de fonctionnement aussi bien que ses finalités, à partir de ces principes et de ces valeurs « modernes » dont nous considérerions que seule une catastrophe pourrait faire en sorte qu'elle ne constituent plus, demain comme aujourd'hui, l'armature qui soutient, au plus profond de nos convictions, notre manière d'être ensemble, notre manière de nous rapporter les uns aux autres et de définir nos conditions humaines d'existence. Cette problématique générale de la modernisation, je n'ai pas besoin d'expliquer pourquoi, dans sa globalité, tisse la plupart de nos interrogations, aujourd’hui, en philosophie politique, et c’est aussi celle qui en a, depuis quelques décennies, si puissamment relancé le potentiel de créativité : elle prend en fait des formes particulières à chaque fois que la rencontre entre la trajectoire propre d'une institution ou de pratiques issues du monde ancien et la dynamique globale de la modernité démocratique fait surgir des tensions, des crispations, des conflits ou des interrogations qu'il faut bien essayer de maîtriser ou d'arbitrer selon des formules par définition inédites. Il me semble toutefois - c’est en tout cas depuis des années mon hypothèse de travail à propos de l’institution universitaire - que le cas de l'Université est particulièrement emblématique de ce genre de difficultés. La crise de modernisation dans laquelle l'institution universitaire est entrée au XVIIIe siècle était en effet une crise profondément européenne, à la fois parce que l’Europe médiévale avait inventé les universités et parce qu’au XVIIIe siècle l'Europe était encore le continent de la modernité, - mais il me semble que le prolongement à l'infini qu'elle a connu et continue aujourd’hui de connaître au-delà même de l’Europe a quelque chose de révélateur d’une difficulté à laquelle la plupart des pays de tradition universitaire se trouvent aujourd’hui affrontés, qu’ils soient ou non européens, quand ils essayent d’intégrer l’héritage de cette tradition à la culture des sociétés démocratiques. C’est donc cette difficulté même à intégrer l’héritage de la tradition universitaire à la culture des sociétés démocratiques qui m’apparaît désigner tout particulièrement l’Université comme l’un des champs d’application les plus directement exploitables pour toute recherche soucieuse, en philosophie politique, de réfléchir aux conditions précises d’organisation et de fonctionnement selon lesquelles les principes d’égalité et de liberté ( qui constituent les valeurs les plus spécifiques de la modernité, en même temps que, comme chacun le voit tout particulièrement chez Rawls, nos plus assurés principes de justice ) peuvent venir irriguer de façon effective le réel politique et social. Du point de vue de cette problématique, il nous a semblé souhaitable de travailler sur l’institution universitaire selon deux axes, qui correspondent 8 aux deux séminaires que cette séance présente conjointement : l’axe des relations entre la société et l’Etat, l’axe des relations entre savoir et culture. Dans les deux cas, il s’agit d’interroger, aussi bien dans l’histoire qu’aujourd’hui, donc diachroniquement et synchroniquement, la place de l’Université entre Etat et société d’une part, entre savoir et culture d’autre part. Nous nous bornons ici, Ludivine Thiaw-Po-Une et moi-même, à expliciter l’axe du recherche du séminaire que nous animons. II Philosophie politique de l’Université 1. L’Université entre Etat et société ( Alain Renaut ) Considéré à partir de nos interrogations actuelles, cet axe de recherche conduit à prendre pour objet les mutations de l’Etat démocratique considérées dans leur relation, dont on verra dans quelques instants qu’elle est complexe, à l’institution universitaire. Cette problématique, qui est donc, sur le cas des universités, celle de la modernisation de l’Etat, a, je ne fais que le suggérer, une signification toute particulière en France, du fait de notre tradition des « services publics » - une tradition très particulière dont nous savons qu’elle consiste à rattacher directement à l’Etat de puissants secteurs de l’activité sociale, qu’il s’agisse du secteur hospitalier, de celui des transports ou, puisque c’est aussi un service public, celui de l’Université. La question de la modernisation de l’Etat prend donc, quand elle est posée à partir du cas français, une tonalité encore plus radicale et significative, que j’essaye d’exprimer sous la forme d’une question, qui sera la question directrice de ce séminaire : entre les exigences issues de la modernité et les défis actuels, comment la réforme de l’Etat, qui apparaît déjà complexe quand elle est abordée dans le cadre général des sociétés démocratiques contemporaines, s’appliquera-t-elle à cette composante majeure du contexte français que constituent les services publics et, parmi ceux-ci, en particulier à l’Université ? Cette formulation contemporaine de la problématique engage donc notamment la question de savoir ce qu’il doit en être, à l’intérieur de l’Etat démocratique, du volume des décisions du pouvoir politique. Je me borne à faire ressortir ce qui fait aujourd’hui que la question est complexe : la crainte de l'asservissement à l'État, si forte ( et légitimement forte ) dans toute l'histoire de l'Université depuis le Moyen Âge, inciterait en effet volontiers, pour réduire la dépendance vis-à-vis de l'État au minimum, à faire de l'Université un secteur de la société comme les autres - ce qui aurait alors une double signification : 9 1. Si l'Université est un secteur de la société comme les autres, elle exprime elle-même des intérêts particuliers, ce qui implique sa privatisation. 2. Si l'Université est abandonnée intégralement à la sphère des intérêts particuliers, l'Etat ( en l’occurrence l’Etat libéral ) n'a pas à développer de politique universitaire, mais il est censé simplement permettre à ce secteur ( comme les autres ) du champ social que devient l'Université de coexister pacifiquement avec tous les autres secteurs ( en préservant leur indépendance réciproque ). Toute la question est cependant de savoir si ce modèle, parfaitement concevable et défendable en droit, ne risque pas d'autonomiser l'Université par rapport à l'État pour en fait, l'inscrivant résolument dans la société, la soumettre à des exigences ( celles, notamment, de la rentabilité et de l'ouverture sur les besoins de l'économie ) qui menacent d'une autre manière son autonomie, tant en matière de recherche qu'en matière d'enseignement. Ce débat est aujourd’hui sans doute au cœur de la réflexion sur l’institution universitaire, et il faudra en construire avec précision et patience les données et les termes. Pour ce faire, il faudra mettre en œuvre, c’est en tout cas notre hypothèse méthodologique, deux types d’investigation, dont je vais laisser Ludivine Thiaw-Po-Une fournir les principes tout en les illustrant sur quelques exemples historiques – sachant que ce type d’investigation historique devrait pouvoir être répété, non seulement sur d’autres exemples historiques, mais aussi dans une approche plus diachronique que synchronique. 2. Deux méthodes pour une philosophie politique de l’Université ( Ludivine Thiaw-Po-Une ). Je vais me borner à faire ressortir ce qui distingue dans leur teneur même ce que pourraient être les deux démarches constitutives d’une philosophie politique de l’Université animée par la problématique qu’Alain Renaut vient de construire. C’est surtout, pour ne pas parler trop longuement, sur le second type d’investigation que j’analyserai brièvement un exemple – dans la mesure où la première approche correspond à une démarche que l’on songe plus volontiers, d’emblée, à pratiquer. Premier type d’investigation, donc, celui auquel on s’attend le plus spontanément : il consiste à montrer que ce qui se joue dans la transformation de l’Etat ou, plus largement, dans les transformations de la communauté politique ( y compris quand elle ne prenait pas encore la forme d’un Etat ) trouve à s’exprimer de façon particulièrement claire dans les transformations de l’Université. La fécondité de cette démarche pourrait être illustrée notamment sur l’exemple, par lui-même complexe ( mais je n’analyse pas ici cette complexité ) du retentissement que les bouleversements politiques de la Révolution française ont eu sur la 10 trajectoire française des universités : comme vous le savez peut-être, la Convention a en effet décidé de supprimer les universités en 1793, au motif proclamé qu’elles constituaient des corporations ( puisque, comme on l’a rappelé, tel était depuis le Moyen Âge leur statut, duquel elles tenaient le nom même d’université ) – et donc ici il y aurait tout un travail à faire ( je suis en train de m’y consacrer ) pour comprendre de quelles options politiques générales ( de quelle volonté de reconstruire l’Etat sur d’autres bases, celles qu’exprime le principe de la souveraineté du peuple, donc le principe démocratique compris d’une façon très spécifique ) – comprendre, donc, de quelles options politiques en matière de reconstruction de l’Etat a procédé une politique universitaire aussi déconcertante que celle qui a consisté à supprimer les universités. Je n’analyse pas cet exemple, je le répète, mais il n’est pas difficile de mesurer quel retentissement il a pu avoir, jusqu’à nos jours, sur le destin des universités en France : - D’une part, la suppression de 1793 a fait qu’il n’y eut pas d’universités proprement dites en France pendant plus d’un siècle ( jusqu’à la loi du 10 juillet 1896, qui est la première, dans le cadre de la grande politique scolaire de la Troisième République, à faire réapparaître ici le terme même d’universités ) – pas d’universités en France, donc, pendant un siècle, qui correspondit à l’essor progressif de cet autre type d’établissements d’enseignement supérieur que constitue le secteur de ce qu’on appelle aujourd’hui les « grandes écoles ». - D’autre part, outre que la France doit donc à cette décision de 1793 une des principales caractéristiques de son dispositif d’enseignement supérieur ( à savoir l’existence de ce secteur extra-universitaire des grandes écoles, avec toutes les questions que cette existence induit ), la suppression de 1793 a aussi donné son style dominant à ce que furent ensuite en France les politiques universitaires – pour cette simple raison que, quand la Troisième République entreprit, à partir de 1875-1880, de rouvrir ce que Louis Liard, à la fois philosophe et directeur de l’enseignement supérieur, appela la « question des universités », la démarche d’une telle politique universitaire consista à nouveau à aller de l’Etat, des objectifs d’une reconstruction globale de l’Etat républicain, à l’Université, aux objectifs d’une reconstruction des universités. Je veux dire qu’il s’est alors agi très clairement et très consciemment, pour la Troisième République, de se servir des universités à reconstruire pour remplir un programme politique plus vaste : celui de restructurer l’Etat selon les principes de la démocratie républicaine. D’une certaine façon, le geste de la Troisième Républiuque consista donc à confirmer en l’inversant celui de 1793 : la démarche spécifiquement française, consistant à aller de l’Etat à l’Université, était ainsi confirmée ou relancée, en 11 sorte qu’il n’a guère jamais existé en France de politique universitaire partant de l’Université elle-même, de sa situation, d’une réflexion sur ses tâches ou ses finalités en tant qu’Université, mais plutôt une politique universitaire comprise comme appliquant à l’Université des objectifs de politique générale. Il en résulte évidemment toute une série de conséquences que je n’examine pas ici, mais qui communiquent assez directement avec la question de la difficile, voire impossible autonomisation des universités françaises, tant il est vrai que le principal objectif de nos politiques universitaires aura consisté, en tout cas en général, à se servir des universités plutôt qu’à leur reconnaître une capacité tant soit peu consistance de se construire ou de se reconstruire elle-même à partir d’une auto-compréhension de leurs finalités. Dans la logique de cette première démarche, les travaux à entreprendre pour mener à bien notre projet de situer l’Université entre l’Etat et la société s’attacheront donc à faire apparaître comment les principaux débats suscités par l’Université et la plupart des virages que celle-ci a dû, tant bien que mal, négocier depuis sa naissance médiévale ( ou devant lesquels elle est encore placée de nos jours ) correspondent en fait à des contrecoups des mutations qui ont présidé à la construction et au devenir de l’Etat démocratique lui-même. Un second type d’investigation est cependant envisageable, moins prévisible, mais tout aussi fécond, et auquel correspondent aussi beaucoup de travaux possibles : il consisterait à éclairer certaines dimensions particulièrement significatives des transformations de l’Etat ou de l’organisation politique ( des transformations passées ou des transformations encore à venir ) à partir d’exigences issues d’abord des transformations de l’Université. C’est une seconde dém arche possible, qui pourrait bien avoir une portée opératoire très forte aujourd’hui, en faisant apparaître que les difficultés rencontrées de nos jours par les universités appellent des réorganisations profondes, lesquelles réorganisations de l’espace universitaire appelleraient alors et induiraient en même temps une réforme de l’Etat. Cette autre approche inverse donc la première pour aller des mutations de l’institution académique à la trajectoire de l’institution politique. Je laisse de côté tout ce que cette démarche pourrait présenter d’exploitable dans une optique plus normative que descriptive - je veux dire : une optique consistant à concevoir une politique universitaire future, s’engageant sur ce qu’il faut faire désormais des universités et concevant ce qu’il faut faire des universités comme impliquant une réforme plus ou moins vaste de l’Etat – je laisse de côté, pour nos futurs travaux, cette optique normative pour me borner à fournir, dans une optique plus descriptive et historique, une illustration de cette seconde démarche : illustration que je fournirai très succinctement sur l’exemple de ce qu’a été, entre 1250 et 1350, 12 l’expérience italienne des universités, plus précisément en Italie du Nord et, plus précisément encore, à Bologne. Je réduis mon évocation à l’état d’épure. Quelques mots donc, seulement. L’Université de Bologne est une des toutes premières universités apparues en Europe, vers 1200, en même temps que la Sorbonne, voire un peu avant. La Sorbonne, on y a fait allusion tout à l’heure, s’est d’emblée présentée ( dès son premier statut, en 1215 ) comme une « université des maîtres et des étudiants », dépendante à la fois vis-à-vis de l’Eglise ( puisque les « universitaires » étaient des clercs, avec au cœur de leur organisation la Faculté de théologie ) et vis-à-vis de l’Etat royal en gestation – dépendance par rapport au pouvoir royal que thématisera au milieu du XIVe siècle la métaphore selon laquelle l’Université de Paris est « la fille du roi ». Par opposition, ce qui naît à Bologne à peu près simultanément et sous une forme d’abord voisine ( celle d’une « association de maîtres et d’étudiants », le terme utilisé pour désigner cette première communauté universitaire, vers 1200, étant alors « societas ) se restructure très vite comme une « université des étudiants » ( universitas scholarium ) : les premiers statuts aujourd’hui retrouvés datent de 1244 et font apparaître à Bologne deux universités d’étudiants, l’une pour étudiants italiens, l’autre pour les « ultramontains », c’est-à-dire pour les nombreux étudiants venus d’ailleurs afin d’étudier le droit ( puisque la discipline dominante était ici le droit romain, et non pas la théologie, qui n’apparut comme faculté que beaucoup plus tard ). Sans pouvoir ici entrer dans une analyse détaillée, je me borne donc à souligner que les universités bolonaises furent pendant un siècle, jusque vers 1350, très largement autonomes par rapport aux divers pouvoirs politiques, aussi bien par rapport au pouvoir local de la Commune que par rapport au pouvoir impérial de l’empire romain germanique que par rapport au pouvoir de la papauté. Je précise, pour éviter toute méprise, qu’il ne faut pas se représenter ces universités bolonaises sur le mode utopique de ce que serait aujourd’hui un lycée autogéré, mais qu’il s’agissait là d’étudiants fortunés, d’une trentaine d’années, qui payaient eux-mêmes ( c’est en partie pour cela qu’ils s’étaient réunis en « universités » ) les salaires de leurs maîtres et procédaient eux-mêmes à leur recrutement. Ces universités largement autoadministrées élisaient elles-mêmes leur recteur et fixaient très largement le contenu de leurs enseignements ( ce qui contraste, là aussi, fortement avec la situation française de la même époque, où le statut papal de 1215, s’il accorde à l’université parisienne des privilèges, limite aussi très drastiquement sa marge de manœuvre, en disant quels auteurs il faut enseigner, quels textes d’Aristote par exemple sont interdits d’étude, à savoir, jusque vers 1250, la Métaphysique et la Physique, etc. ). Ce modèle bolonais s’est effrité progressivement quand la papauté a développé une politique plus agressive à l’égard des communes de l’Italie du Nord, et l’on sait par exemple qu’après 1350 il n’y avait pratiquement plus de professeurs 13 élus, ou qu’en 1360 ouvrit une Faculté de théologie dont l’apparition à Bologne symbolisa une orientation sensiblement plus cléricale. L’expérience a donc duré un siècle, ce qui est à la fois peu et beaucoup – car tout indique que cette expérience que tous les historiens des universités identifient comme celle d’une Université autonome a continué d’exercer une influence très forte au-delà même du monde universitaire : ce n’est pas en effet un hasard si au XIVe siècle Bologne devint aussi le lieu d’une expérience passionnante de caractère cette fois politique, avec l’apparition d’un modèle de communauté politique que Quentin Skinner analyse longuement dans son ouvrage sur Les fondements de la politique moderne – un modèle de communauté politique consistant à faire valoir que des « peuples libres » doivent exercer eux-mêmes leur souveraineté ( leur imperium ), selon une option que Skinner identifie comme « républicaine » au sens où le courant républicaniste comprend aujourd’hui, en philosophie politique, cette conception de la démocratie ( centrée sur la participation des citoyens à l’exercice de la souveraineté ) : cette option concernant la communauté politique fut thématisée, précisément au XIVe siècle, par le juriste Bartole, issu de l’Université de Bologne, et qui s’appliqua à établir, vers 1350, qu’un peuple libre est « son propre prince » ( sibi princeps ). Je ne peux pas prolonger cette analyse, pour laquelle je renvoie au livre de Skinner, mais je voudrais, pour clore mon intervention, dégager ce qui en résulte pour une autre approche possible des politiques universitaires et même pour une autre « idée » de ces politiques. Dans le cas bolonais, la démarche suivie par l’histoire alla en fait, c’est ce que j’ai voulu suggérer, de l’universitaire au politique, d’une réorganisation des écoles en une université dotée d’une réelle autonomie à une mutation du pouvoir politique lui-même faisant apparaître au principe de la souveraineté la communauté des citoyens. Il y eut donc ici une tout autre articulation ou un tout autre parallélisme entre la trajectoire de l’Université naissante et celle de ce qui allait, dans l’expérience des communes de l’Italie du Nord, annoncer l’Etat moderne. Ce n’est pas l’organisation des cités italiennes qui a dicté, par ses propres principes, aux étudiants de l’Université les règles de leur administration ; c’est au contraire l’établissement d’un pouvoir universitaire autonomisé par rapport aux divers pouvoirs politiques qui a anticipé ( d’à peu près un siècle ) sur les transformations politiques d’un pouvoir qui allait, à partir des universités, repenser sa propre organisation et ses propres principes, en élargissant à la communauté politique une conception du pouvoir d’abord forgée dans le cadre de l’Université et pour son propre fonctionnement. Où l’on voit donc, je termine ainsi, qu’un des enjeux de l’organisation de l’institution universitaire déborde de loin la politique strictement universitaire, et ouvre en fait directement sur la politique elle-même, sous la forme de ce qu’elle a de plus radical, à savoir l’organisation de la 14 communauté politique elle-même selon l’idée de ce qui peut être tenu pour le « meilleur régime ». Rien n’interdit alors de se demander comment, dans d’autres contextes, des mutations internes à l’institution académique, appelées par les nécessités de son meilleur fonctionnement, pourraient à leur tour tour appeler, intellectuellement, mais aussi pratiquement, une refonte de la représentation et de la structuration globale de l’Etat démocratique. C’est évidemment à cette seconde articulation et à cette seconde logique que nous songeons en évoquant, à propos des politiques universitaires, un autre type de recherche, moins prévisible, mais peut-être plus fécond, que celui qui va des choix concernant l’Etat à la définition seulement subséquente d’une politique concernant l’Université. Conclusion de la séance ( Alain Renaut ) Je reprends la parole pour donner encore deux brèves indications sur le travail qui sera mené dans ce séminaire. Tout d’abord, je voudrais ajouter qu’en croisant ou en entrecroisant les deux méthodes que Ludivine vient d’illustrer et de pratiquer, nous devrions tout particulièrement rendre intelligible ce qu’il y a de spécifique au contexte français et que je mentionnais déjà plus haut – à savoir qu’ici, notamment dans la logique de la tradition du service public, il est tout particulièrement difficile de concevoir une refonte de l’organisation académique qui n’implique pas aussi une vaste réforme de l’Etat. Cette hypothèse est celle sur laquelle Ludivine travaille dans le cadre de sa thèse, mais on perçoit sans peine que, par rapport au problème que je posais tout à l’heure, une série d’options sont ici disponibles et, comme nous le savons, couramment envisagées : déconcentration de la gestion, mise en concurrence avec un secteur privé, nouvelles formes de pilotage, diversification des sources de financement, inscription dans un contexte européen interétatique, voire métaétatique, etc. Autant d’options qui prennent toute leur densité, je le répète, quand il s’agit d’un secteur aussi sensible que celui du service public de l’enseignement supérieur. Ce champ de recherches peut être abordé électivement à partir du contexte français, mais pour mesurer ici la spécificité de ce contexte, il faudra que cet abord s’effectue aussi dans une perspective fortement comparativiste permettant de mobiliser l’expérience d’autres pays de tradition universitaire, en Europe et hors d’Europe. Ce sera directement le cas dans les deux premières séances de ce séminaire sur l’Université entre Etat et société : - Le 9 décembre, à 18 heures, mon collègue Nobutaka Miura, de l’Université de Keio ( Tokyo ) nous parlera de ce problème de la rencontre entre tradition et modernité dans le contexte des universités japonaises. 15 - Le 13 janvier, à la même heure, Heinz Wismann, directeur d’études à l’EHESS et directeur d’un centre de recherche en sciences humaines à Heidelberg, mais aussi co-fondateur, peu après la réunification de l’Allemagne, d’une nouvelle université à Francfortsur-Oder, évoquera pour nous l’expérience allemande des universités : nous savons tous que cette expérience a hanté l’imagination de la plupart des universitaires du monde pendant les deux derniers siècles, mais il nous faudra en mesurer la spécificité, du point de vue de ce qui nous intéresse ici : sa spécificité, mais aussi sa mise en crise, puisque le modèle allemand est aujourd’hui, en Allemagne même, l’objet de multiples interrogations et déstabilisations. Après quoi nous pourrons, par rétrécissement de l’angle d’approche, focaliser sur la situation française, en commençant, durant la séance du jeudi 17 février, toujours dans le même horaire, par recevoir le Président de notre propre Université, le Professeur Jean-Robert Pitte, pour une discussion qui devrait être très précieuse pour notre investigation, puisqu’elle se fera directement à partir du réel universitaire le plus concret, sur les questions de gouvernement ou de gouvernance qui se posent aujourd’hui aux universités, compte tenu de leur relation à leurs instances de tutelle, c’est-à-dire ultimement à l’Etat. Le programme des trois séances suivantes, en mars, avril et mai, est à l’heure actuelle en voie de finalisation et sera communiqué ultérieurement : le fil conducteur en sera en tout état de cause le même que celui que nous avons commencé à suivre ce soir. J’ajoute que beaucoup de bonnes volontés seront nécessaires pour faire vivre ce séminaire et, plus largement, l’Observatoire. Je précise, à destination des étudiants qui étaient ici ce soir, que ces bonnes volontés peuvent aussi s’incarner, par delà le suivi des séminaires, dans des travaux de recherche prenant à leur charge des problématiques du type de celles qui viennent d’être évoquées et qui peuvent être appliquées à des aires géographiques ou à des moments historiques spécifiques. A la faveur de travaux de ce genre, en maîtrise, en DEA, bientôt en Master, en doctorat, devrait pouvoir peu à peu se constituer sur la question des universités, au sens philosophico-politique où nous l’entendons ici, une sorte de banque de données qui, actuellement, n’est disponible nulle part dans le monde.