Vous ne pouvez servir deux maîtres : Dieu et Mammon

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Série : Le marxisme.
Conférence : II - «Vous ne pouvez servir deux maîtres : Dieu et Mammon».
Il ne peut être question d'analyser en une seule conférence ce que j'appelle les
admirables supercheries intellectuelles de la philosophie marxiste. Il y
faudrait une série de cours à des auditoires initiés. Néanmoins, il n'est pas
impossible d'extraire une dominante de la philosophie marxiste, afin de saisir
l'usage tricheur qu'elle en fait selon les besoins du parti.
Dans le marxisme, en effet, les éléments philosophiques apparemment les
plus inamovibles – comme la négation formelle du spirituel et l'affirmation de
la matière absolue – ne sont inamovibles comme les dogmes que pour être
servis et défendus par les entourloupettes intellectuelles les plus
contradictoires, qui détacheraient spontanément les catholiques de leurs
dogmes si les théologiens en faisaient autant, et qui attachent passionnément
les intellectuels communistes au marxisme car ces entourloupettes sont l'aveu
tacite qu'avec la philosophie de marx, on a le bénéfice de conserver une
indépendance de pensée allant jusqu'au mensonge et la contradiction, plus
importants pour le succès du parti que les affirmations et les négations de
marx. Ces dernières n'ont un caractère inamovible que pour maintenir
l'intelligence dans la possibilité de se dégager de tout impératif de conscience.
Première caricature du catholicisme par le marxisme : affirmations
philosophiques, dogmatiques qui autorisent à affirmer les contraires si le
succès en dépend.
Prenons une dominante marxiste; seuls les faits concrets décident de tout.
Tout le matérialisme est là.
Ouvrons le Larousse : Fait : action réalisée – chose réellement existante. Le
dictionnaire est déjà plus compréhensif que marx – il ne classe pas le fait en
chose existant concrètement par l'intermédiaire de la nature. Il spécifie qu'il
est une réalité existante, sans préciser si c'est avec ou sans la matière.
Identifier fait à concret, ne serait-ce pas déjà une supercherie, révélant
l'arrière-pensée a priori sous-jacente à toute la philosophie communiste : en
aucun cas et pour personne l'immatériel ne peut être envisagé comme existant.
Pourtant, en dehors du concret, il y a des faits d'importance – des réalités
indiscutables :
L'hypothèse est un fait sans preuve matérielle, sans quoi elle ne serait pas une
hypothèse – et c'est un fait scientifiquement utilisé.
Les miracles de Lourdes sont un fait : concret dans ses effets, immatériel dans
sa cause, inexplicable par la science, et pourtant cette cause est l'étrange
réalité.
Le désir irréalisable d'un mourant espérant l'impossible guérison est un fait
adversaire du concret, puisqu'il s'en prend au concret de la maladie mortelle.
Une souffrance morale violente (deuil etc...) est une réalité et un fait si
caractéristique qu'il se manifeste aux dépens du concret par la maladie et
parfois la mort.
Il ne faut donc pas nous en raconter. Les faits ne sont pas seulement concrets.
Mais le marxisme les sélectionne en faits qui servent son a priori matérialiste
et en faits sur lesquels le silence opère l'inattention ou l'oubli du naïf.
Toujours la caricature : la réalité sans matière est gênante, on appellera donc
réalité le seul fait concret.
Pourquoi cet escamotage ?
Pour respecter l'a priori philosophique, disons la consigne primordiale :
supprimer le fait de la personne humaine en le noyant et en l'étouffant dans le
fait concret des collectivismes obligatoires.
Là aussi, le marxisme triche avec la présentation de son programme : il nous
convie au collectivisme à grand renfort de discours annonçant l'indépendance
de l'homme. Traduisez "indépendance" par oubli forcé de ce qui compose un
homme isolé avant toute option pour un groupe : sa personne – sa conscience
– ses devoirs envers DIEU – ses appels à une restauration morale – sa liberté
de penser en chrétien, de croire, d'espérer et d'aimer en chrétien. En effet, le
collectivisme reçoit sa liberté et son indépendance de la manière dont on veut
bien la lui accorder : manière strictement économique et matérialiste, et dans
une liberté adroitement orientée, dosée et surveillée, afin que l'homme
personnel n'échappe jamais à l'emprise matérialiste, collectiviste. Au fond, le
marxisme donne à l'homme la liberté de ne pas bouger ni protester. Les
hongrois en savent plus long que nous sur ce chapitre. Appelons cela : la
liberté de s'abstenir d'exister.
Aussi le marxisme sélectionne-t-il les faits en "valables" et "non valables",
suivant qu'ils servent ou desservent le programme secret des stratégies
secrètement prévues. Seule la naïveté ignorante et volontiers séduite par le
facile immédiat applaudit les progrès matériels du communisme qui ne
relèvent absolument pas de sa philosophie. Ils ne relèvent que de l'intelligence
de l'ingénieur ou du chimiste qui peuvent être, sans le dire, des monarchistes
ou des républicains.
Les progrès matériels sont le paravent derrière lequel le marxisme fait
progresser le recul humain, en nous déshumanisant par son matérialisme.
Il nous parle sans cesse des faits collectifs :
- l'économie, avec la productivité et le capital;
- les classes sociales, avec les oppositions qu'il y développe;
- les politiques, avec les avantages qu'il en tire.
Mais on aimerait qu'il sorte un homme du collectif et qu'il prenne conscience
de ce qu'il est sans le collectivisme : conscience – désirs – rêves – sentiments
religieux – foi – idées de la souffrance, de la mort, de ses responsabilités
morales, de sa vie future, etc..., plus l'homme aux prises avec le CHRIST,
avec l'Homme-Dieu, avec le Rédempteur, le Sauveur – en un mot avec
l'homme VERITABLE, avec l'homme sorti de la périphérie des faits collectifs
et soudainement devenu LUI.
Qu'en dirait marx ?
Lui, dont la philosophie n'entre en mouvement qu'en raisonnant sur tous les
mouvements collectifs – sociaux – historiques – sans même pouvoir stopper
trente secondes son raisonnement au profit de l'homme étranger à tout
mouvement et à cause de cela auteur de tous les mouvements, sans pour
autant s'identifier à un seul d'entre eux.
Le marxisme prétend partir du fait de l'homme tel qu'il est. Et ce faisant, il ne
parle que de l'homme tel qu'il prétend le faire devenir, et tel qu'il le voit là où
il est le moins lui-même : dans les mouvements collectifs. La psychologie des
foules nous prouve combien le collectivisme déforme et change la
personnalité de l'homme.
Le marxisme place l'homme dans un paradis de mécanique pour lui faire
accepter un enfer psychologique de surveillances et de contraintes collectives.
Et si l'homme torturé par cet enfer dont la nature est de lui interdire la liberté
se révolte contre lui, le marxisme inverse les données : le paradis mécanique
des bien-être cède la place à l'enfer de la mécanique qui torture et détruit, afin
de s'assurer la durée et la conservation du collectivisme qui est la principal
pour empêcher l'homme d'être lui-même.
L'homme est un fait comme les autres faits qui n'a pas le droit à la liberté mais
seulement au déterminisme que la vie collective mécaniquement organisée
veut bien lui accorder pour prendre son billet – avec une propagande
déterminée – participer aux fêtes et aux plaisirs qu'on lui organise dans un
sens déterminé – il est en fait tenu en laisse par les pouvoirs qui ne lui laissent
que la liberté conditionnelle : celle de ne pas s'apercevoir qu'il n'a pas de
liberté, faute de quoi il redeviendrait un homme, c'est-à-dire un être
dangereux pour le marxisme. Car l'homme apprécié avant tout lavage de
cerveau et toute laïcisation organisée est dangereux pour le matérialisme – il
dispose spontanément d'une liberté naturelle qui va spontanément au-delà du
matériel. Ne pas dépasser le matériel donne la mesure de la déshumanisation
d'un être.
Lorsqu'il est conscient de sa liberté, l'homme voit au-delà du social seulement
organisé, au-delà du matériel seulement utilisé, au-delà de l'état nullement
considéré comme un absolu. Il voit tout cet appareil extérieur à l'homme
comme n'étant pas l'homme mais la périphérie de l'homme. Car il le voit avec
des puissances de pensée, des précisions de conscience, des pressentiments
spirituels qui lui révèlent qu'il est le centre de cette périphérie, un centre
responsable de se décider – d'abord pour la pleine valeur et le plein
épanouissement de ce central humain qu'il est, valorisation sans laquelle il
fabriquera, sur ordre matérialiste, une périphérie sociale et étatique, peut-être
matériellement organisée, mais humainement désorganisatrice de par son
ignorance volontaire de ce centre libre et autonome qui est l'homme.
Le marxisme élimine a priori les problèmes les plus personnels à l'homme,
alors que le catholicisme a le courage de les mettre en première ligne, car sans
ces problèmes-là, les autres problèmes ne peuvent pas faire aboutir l'homme,
même s'ils font aboutir des situations d'homme.
Délibérément, le marxisme fait le silence sur le central humain, et ne reste
qu'à la périphérie des problèmes qui sont des problèmes humains, mais pas
des problèmes d'homme.
En cela, il nous plait beaucoup, car instinctivement nous avons mauvaise
conscience de délaisser les problèmes d'homme. Et nous y remédions par
l'attention passionnée, portée à des problèmes humains où le matérialisme
dominant utilise nos initiatives ou nos préférences sans engager nos exigences
supérieures d'homme, puisque, par définition, le matérialisme les nie.
Je connais l'objection : le matérialisme nie les problèmes d'homme parce qu'il
s'est aperçu que ces problèmes de conscience, de morale, de crainte de DIEU,
d'éternité, sont eux-mêmes matériels : produits de l'émotion sensible, de la
peur instinctive, du cerveau fabriquant de la matière supérieure appelée
pensée. Supercherie supplémentaire : si ces problèmes sont matériels, au lieu
de se démentir en les niant, le matérialisme devrait les considérer comme une
production matérielle admirable, à laquelle il faut faire scientifiquement
confiance. Et il devrait abandonner l'homme à cette explosion matérialiste
supérieure qui consacre la valeur de l'homme devant le concret. Si le
matérialiste estime que ces valeurs ne répondent pas à ce qu'il attend de
l'homme dans la société, de deux choses l'une; ce qu'il en attend est digne de
la matière, qu'il respecte ces valeurs – ou bien ce qu'il en reçoit est d'un autre
ordre que celui de la matière, qu'il dise pourquoi.
Tout se révèle comme une supercherie intellectuelle et intelligemment
combinée. Affirmation brutale que les premiers principes n'existent pas, sans
aucune démonstration. Et cette affirmation devient subtilement un nouveau
premier principe.
Affirmation naïve que l'origine du monde s'explique par un concours de
forces aveugles, sans nous montrer quelle est l'origine de ces forces et
comment, étant aveugles, elles aboutissent à une création organisée et
ordonnée.
Affirmation que l'homme apparu sur terre on ne saurait trop dire comment,
pris de peur devant tant de mystères, s'est apaisé en appelant les mystères :
Dieu. Puis il s'est aperçu, aidé de la science, qu'en résolvant les mystères,
DIEU disparaissait.
Chose curieuse : aucun mystère n'est scientifiquement résolu et DIEU apparaît
de plus en plus indispensable et nécessaire.
En réalité, plus l'homme connaît DIEU, moins il a peur. Plus il L'aime, moins
il redoute les persécuteurs. Et plus il se laisse envahir par DIEU, plus les
bourreaux communistes sont eux-mêmes étonnés de la sérénité et de la
grandeur de leur victime.
Connaître DIEU ne rassure pas pour supprimer la peur, mais rassure pour
supprimer l'ignorance qui, elle, fait peur et porte à inventer les superstitions et
les mystères là où il n'y en a pas, lorsque l'intelligence se donne la peine de
réfléchir. Et c'est précisément lorsqu'elle réfléchit qu'elle découvre dans les
explications que lui procure le raisonnement, la nécessité d'en appeler
raisonnablement à un Dieu intelligent et créateur expliquant l'expliqué
proportionné à notre intelligence, et l'inexplicable disproportionné par excès
d'intelligence à nos capacités.
Qui se donne la peine de comparer le marxisme et le catholicisme comme
forces de pénétration intellectuelle des problèmes élémentaires et supérieurs
est étrangement déçu des supercheries et des naïvetés de l'un, comme il est
étrangement conquis par les silencieuses profondeurs de l'autre.
Je dis "ennuyé", car comprendre une profondeur, c'est avoir le devoir et la
loyauté d'en vivre au maximum.
Il y a une lâcheté dans la philosophie marxiste, précisément une peur, celle de
constater que l'univers de la création ou l'univers de l'homme sont deux
univers extraordinairement précédés d'un absolu vivant et absolument
intelligent et qui rappelle à l'homme sa véritable raison de vivre, de lutter,
d'aimer et de mourir, celle de passer de l'extraordinaire-relatif dans le
définitif-infini, selon des lois, des options, des croyances qui ne lui permettent
pas de s'identifier à DIEU.
Notes sur les réflexions d'un converti.
Que peut bien avoir à dire un "manuel", un ouvrier converti à la fin d'une
carrière militante, l'ayant conduit d'un syndicalisme socialisant aussi généreux
qu'inapplicable au christianisme méditatif sans chercher plus de vérité, en
passant par une adhésion au communisme qui fut plus un témoignage
d'admiration à certains sacrifices obscurs qu'un effort militant proprement dit
pour aboutir par ce beau cri : mon Père, j'ai la Foi.
Est-il utile d'exposer par quelles voies et par quels moyens la recherche du
beau, voire le simple goût du juste a pu amener à DIEU quelqu'un qui, à 20
ans, croyait détenir par ses seuls sentiments les remèdes aux maux universels.
Cela provoque le besoin de méditer.
Méditer dans quel sens ? Dans le sens de la reconnaissance de notre pauvreté
en matière de transformation de la société, dès que nous décrochons de la Foi.
Reconnaître le sens chrétien de la vie, dans ce cas, c'est, après avoir fait bien
des sacrifices perdus, reconnaître qu'on ne fera pas un monde nouveau avec
des individus... de ce monde, et désirer s'unir avec Celui... qui venait d'un
autre monde.
D'un autre monde... dans lequel le sacrifice est consenti par amour et non par
orgueil. Les fruits dont nous sommes porteurs nous ont été remis pour servir
et non pour nous servir.
Je crois que nous sommes encore à un stade encore primitif par rapport à ce
que nous devons devenir; nous sentons confusément que nous ne sommes pas
faits pour le genre de vie terrestre que l'addition de nos égoïsmes a construit.
Mais nous n'avons pas la capacité de construire le système supérieur qui est
notre fin et auquel les générations ont rêvé, tandis que beaucoup d'autres en
rêveront encore...
A mon humble avis, parce que nous refusons de voir "universel", nous ne
nous soumettons à ces sacrifices que sur le plan égoïste à notre époque, de
nation ou d'intérêt uniquement et immédiatement matérialisé – nous versons
notre obole, contraints par tout un appareil complexe de gouvernants, de
polices, d'armées, d'intérêts, dans lequel les plus rusés possèdent les leviers de
commande et manoeuvrent cette somme de sacrifices en fonction de leur
intérêt, de leurs privilèges, mais jamais dans le sens du relèvement du niveau
de l'esprit, de l'amour des hommes.
Leur action n'est pas éclairée par cette flamme chrétienne qui modifierait le
sens du résultat, en utilisant les réalités naturelles nationales autrement que
pour la laïcisation de l'homme.
Le sacrifice n'est productif que lorsqu'il est personnel, désintéressé. Il élève
alors tout ce qui l'entoure. Il prépare à la formation d'un esprit toujours guidé
par Dieu vers la perfection, un esprit universel.
Ce qui fait que l'Eglise ne peut se comparer à rien d'autre en matière de
doctrine humaine (puisque c'est l'aspect de sa mission qui nous est le plus
facilement accessible au stade où nous en sommes). Elle crée l'universel pour
lequel elle a été bâtie. Sa beauté ne connaît ni races, ni castes, et c'est par là
qu'elle peut séduire le besoin de fraternité de militants politiques de tous
milieux. Aucune race ne s'imposera à titre définitif à aucune autre, mais toutes
contribueront à l'élaboration de la fin humaine, chacune avec ce qu'elle a de
meilleur, parce que chacune sera respectée dans sa mission providentielle sans
avoir à s'opposer par la violence à la mission spirituelle de la voisine.
DIEU sans doute, doit savoir ce qu'Il fait : si nous assistons à ces conversions
qui ne surprennent que les ignorants, c'est qu'Il manifeste ainsi sa volonté de
sauver ceux qui, dans le combat pour le matérialisme, étaient éclairés par la
flamme de l'amour des autres; dans Son Infinie Miséricorde, Il n'a pas eu
tellement à les changer : Il leur a démontré par la souffrance toute la vanité de
leur rêve, par l'humiliation la mesure de leur orgueil, et en fin de course par le
contact de chrétiens authentiques l'incomparable richesse des biens
spirituels...
Le retour aux vérités premières exige de notre nouvelle conception du monde
la reconnaissance de nos responsabilités dans l'apparence du désordre actuel.
La mission qui nous est confiée est d'être chrétien au maximum de nos
facultés : cela entraîne l'acceptation de sacrifices librement consentis à l'ordre
divin...
Revenons sincèrement aux vérités premières et ne nous substituons jamais à
Celui qui décidera; alors, au moment d'être jugés nous-mêmes sur nos
aptitudes à entrer dans le Royaume Divin, nous serons mieux placés pour
présenter notre défense et dire : «Mon Dieu, j'ai fait ce que je pouvais».
L'homme apparaît à partir du moment où le social et l'état lui laissent et lui
accordent les libertés d'être pleinement homme, c'est-à-dire puissance
spirituelle capable d'aimer ce qui restaure un homme dans son expression
d'homme comparée à une expression animale.
L'animal, lui aussi, a son souci de bien-être, ses capacités de performances et
son besoin psychologique de plaisir. Et utiliser l'homme seulement à cela avec
le raffinement de développement que son intelligence peut y apporter, c'est
tout simplement animaliser l'homme supérieurement.
Animaliser supérieurement n'est pas restaurer, c'est avilir.
- réflexion d'un communiste : on nous donne des frigidaires, des plaisirs, des
primes et des assurances, nous n'en sommes que plus rivaux, plus mauvais
entre nous.
Il faut prendre le marxisme sur son terrain : il n'admet que les faits, il traite
l'homme comme un fait. Qu'il accepte donc qu'on lui signale aussi qu'il
aboutit à d'autres faits, plus inhumains et plus déplorables que ne sont
humaines et appréciables les inventions matérielles qu'il s'attribue et qui,
d'ailleurs, n'ont rien à voir avec la philosophie marxiste.
Le marxisme ne fait pas progresser l'homme. Il s'applique à faire progresser ce
que tout homme peut faire progresser sans lui : la science et le bien-être
social, et sans jamais l'avouer, il enferme l'homme dans ce progrès comme
dans un camp de concentration : il l'y surveille étatiquement et policièrement
pour veiller à lui interdire de penser pleinement en homme.
Or précisément, lorsque l'homme est libre de se connaître tel qu'il est, cette
conscience de ce qu'il est lui fait prendre conscience de ce qu'il ne doit pas
être et de ce qu'il peut devenir.
Cette puissance à devenir, il va l'utiliser farouchement dans le domaine de son
vitalisme physique, instinctif, psychologique, intellectuel pour faire diversion.
Devenir quoi ? plus homme ou moins homme ? plus libre ou moins libre ?
plus vraiment heureux ou plus vraiment malheureux ?
Que répondent les polonais vraiment libres ? Peuvent-ils répondre ? Qu'en
pensent les russes vraiment libres ? Sont-ils encore en Russie ? Qu'en disent
les malheureux hongrois ? Ont-ils encore la parole ?
Devenir, c'est très emballant de le promettre à des foules nécessairement
ignorantes des plans secrets et implacables du parti. Mais une fois réalisé le
programme, il faut bien que le mot devenir claironné par toutes les
propagandes devienne lui aussi un fait, hélas, et quel fait !
Un fait d'asservissement et d'interdiction collective de penser autrement que
matérialisme – un fait qui révèle subitement le marxisme comme un
mensonge monumental, violent et implacable, affirmé par plus de quarante
millions de cadavres en Russie, sans compter les autres millions qu'il faut y
ajouter dans 18 autres pays.
Le drame est autant du côté de ceux qui l'acceptent que de ceux qui le
proposent. Car l'accepter, révèle des patrons, des ouvriers, des bourgeois et
des commerçants, des prêtres qui sont déjà déshumanisés par l'ignorance
absolue des fiertés exigeantes qu'il faut posséder en soi pour être un homme
intellectuellement, moralement, spirituellement, avant d'être déshumanisé par
les faits implacablement cruels d'une philosophie implacablement tricheuse
avec les faits eux-mêmes.
Je dis bien : implacablement tricheuse avec les faits eux-mêmes, car, dans la
philosophie marxiste, les faits, tous les faits sans exception, depuis ceux de
l'histoire à laquelle pourtant elle en appelle sans cesse en passant par ceux de
l'économie toujours utilisée pour opposer capital et travail, en continuant par
ceux de la science, interprétés dans leur sens uniquement utilitaires et
matérialistes, les faits sont précédés de l'arrière pensée a priori qu'ils ne
peuvent et ne doivent en aucun cas induire l'homme à se poser le problème
surnaturel – qu'ils ne peuvent et ne doivent en aucun cas démontrer la
supériorité de l'homme personnel sur l'homme en groupe mais au contraire
qu'il faut les utiliser toujours contre. Car avec des apparences de collectivisme
favorable à l'homme, le marxisme est d'abord contre l'homme : il est contre sa
liberté fondamentale, sa conscience indépendante, sa vie spirituelle, sa durée
définitive, son bonheur éternel.
Au fond de cette philosophie, il y a une immense impatience et une immense
lâcheté.
L'immense impatience d'un bonheur absolu et immédiat demandé à la matière
dont la relativité et la caducité sont scientifiquement le contraire de l'absolu et
de l'immédiat.
Une immense lâcheté à refuser les exigences de l'absolu qui sont précisément
immatérielles et spirituelles.
Le marxisme est contre nos puissances d'hommes qui, par leur spiritualité,
peuvent livrer des combats intérieurs absolus et immédiats en montrant ainsi à
la matière qu'elle n'est pas seule en cause.
Et du même coup, je fais jaillir du fond de l'histoire l'Extraordinaire Visage du
CHRIST sur lequel le marxisme fait silence autant qu'il le peut. Car les
chrétiens – à travers leurs faiblesses humaines sur lesquelles le matérialisme
daube à la mesure du service de propagande qu'elles lui fournissent – les
chrétiens portent un reflet de Ce Visage, comme un reproche insupportable
adressé à ce marxisme et comme une réponse irréfutable en faveur de
l'homme complet, annonçant pour l'au-delà l'homme élu.
Complet, car au lieu de noyer le problème en ne traitant que la périphérie
sociale ou étatique, le chrétien accepte de compromettre le centre de ses
réflexions : son jugement; le centre de ses affections : son coeur; le centre de
sa liberté : ses choix; le centre de sa volonté : ses décisions avec la
prodigieuse doctrine qui n'est que La Vie même de Jésus-Christ venant
s'insérer dans l'être de l'homme pour en restaurer l'humain jusqu'à la certitude
de l'immortalité, la conscience de la sainteté, la passion de la vertu, le
renoncement à ses intérêts matériels, la conservation avec DIEU, l'apaisement
de ses remords, l'espérance dans la souffrance, la manière d'en extraire de la
beauté et de la valeur morale, jusqu'à son souci d'apporter au social une
plénitude pacifiante de justice et de charité que seul il détient. De telle sorte
que par ses fidélités, ses sacrifices, ses immolations et ses martyrs, il jette un
défi à la matière, défi d'autorité spirituelle, de fierté surnaturelle qui prouve à
longueur de siècles, tout au long de l'histoire, que si les forces spirituelles
sont, comme le prétend le marxisme, un produit matériel, le marxisme se
trouve en présence d'un fait nouveau qui le condamne lui-même, à savoir que
dans ce cas, c'est la matière spirituelle qui se dresse contre la matière
instinctive dans le même être. La matière devient donc hostile à la matière,
elle est alors ce qu'il y a de plus dangereux pour le matérialisme, que le
matérialisme n'en parle plus... et qu'on le mette hors la loi.
Telle est l'absurdité, car tout commence par l'absurdité d'affirmations gratuites
dont la naïveté saute à la réflexion objective dès la première lecture ou
audition, pour finir dans les contradictions encore plus absurdes où l'homme
est acculé à l'interdiction de conclure.
Le catholicisme est autrement fort et plein de vaillance. Il ne nie pas la lutte
entre la chair et l'esprit, il en accepte les combats pour en extraire la victoire
d'un homme réussi comme en porte chacune des dates de votre calendrier. Il
en accepte les croyances pour affirmer des devoirs qui dépassent en libertés
de réalisations grandioses et vertueuses les obligations économiques et
sociologiques d'un matérialisme qui ne peut que demander des comptes et
présenter des factures. Il en connaît les défaites avec une humilité et une
sincérité nullement nuisibles, comme le sont le durcissement et la négation
matérialiste de l'homme sans péchés, cette soi-disant vieille superstition.
Il en comprend les trésors d'indulgence et de charité pour ses frères en
humanité qu'il ne surveille avec aucune guépéou ni aucune mitraillette.
Il sait que cette lutte le restaure chaque jour un peu plus, dans des dispositions
immédiates de perfections humaines et personnelles, qui sont la plus
fabuleuse performance que le matérialisme se gardera toujours de demander à
un homme. Car il ne peut rien demander à un homme de transcendant,
puisque le transcendant se passe de la matière, à partir du moment où c'est
vraiment du transcendant, c'est-à-dire, où la matière concourt malgré elle et à
ses dépens à des activités qui révèlent scientifiquement plus qu'elle. Voyez les
miracles de Jésus exerçant Son Autorité sur tous les règnes matériels avec le
seul usage de Sa Parole, ce privilège de l'Esprit :
- règne végétal : la multiplication des pains.
le figuier maudit.
- règne minéral : la pièce d'argent dans la bouche d'un poisson.
- règne animal : la pêche miraculeuse.
- règne humain : les sentiments de Marie Madeleine;
la résurrection de Lazare;
La Sienne Propre.
Cette omniscience et cette omnipotence de Jésus rendant témoignage, non pas
à Lui en tant qu'homme, mais à DIEU, Père et Cause de tout, pour restaurer le
passé, le présent et l'avenir des hommes dans la puissance d'une remontée
psychologique et morale définitive, s'appuyant sur la puissance source dont Il
se démontre être Lui-même La Preuve, en dit très long sur le bon sens et la
solidité du catholicisme, et tout autrement que la philosophie d'un homme
rendant orgueilleusement témoignage à sa propre valeur, en affirmant sans
preuves, en parlant de puissance non pas SUR la matière, mais par la matière,
c'est-à-dire AVEC les caractéristiques de la matière :
- la violence aveugle
- la limite de ses moyens
- la pauvreté de sa durée.
Tout cela en dit très long sur la déchéance de la pensée humaine, devenue
disponible aux options intellectuelles les plus désastreuses, parce que
savamment déshabituée par les laïcismes préparatoires au communisme, à
saisir en elle les gémissements incoercibles de son esprit, appelant sa part
d'activités superbes dans la restauration de l'homme.
C'est tellement vrai que, dès qu'il ne se sent plus surveillé ou dénoncé, le
marxiste sent et entend les gémissements de l'esprit. Témoins ces deux faits :
- celui de ce communiste ultra rouge qui profitait de l'absence de sa femme au
Salut du dimanche pour brancher en sourdine sa TSF sur Notre-Dame de Paris
afin d'écouter le prédicateur. Un jour, le Salut fut plus court et l'épouse rentre
trop tôt...
- celui autrement émouvant d'un chef de cellule communiste, alors athée, non
baptisé, écrivant une nuit sur le cercueil de son petit garçon adoré, deux
lettres dont la teneur démontra à son entourage jusqu'à en être bouleversé,
qu'indépendamment de marx et de la guépéou, aux prises avec les problèmes
centraux de son être, au-delà de toute sociologie matérialiste et de toute
divinisation absurde de l'état, l'activité créatrice de DIEU repose dans les
régions les plus essentielles de l'être humain et s'empare de son coeur aux
heures où il convient que DIEU seul s'empare d'un homme, car ce sont des
heures personnelles et restauratrices où la matière n'a rien à voir.
Lettre d'un communiste athée écrite sur le cercueil de son enfant mort à sept
ans :
"Mon cher petit, sois heureux !...
C'est fait, le but que je te proposais hier est atteint, ta pauvre mère trouve
l'apaisement de l'esprit en attendant l'apaisement du coeur qui suivra.
Dans des circonstances tragiques comme celles-ci, elle a fait la preuve
aujourd'hui plus qu'hier, que tu étais toujours autour d'elle, pour la sauver du
désespoir sans fond, générateur de misère humaine.
Sa journée, la troisième depuis que tu as quitté la terre, a été ce qu'on n'osait
espérer, presque calme, avec des alternatives de chagrin et d'espoir en toi, en
ta petite âme d'enfant; il est bientôt cinq heures du matin, elle souffre encore
et souffrira sans doute toujours mais, sois tranquille, elle s'achemine vers la
bonne souffrance, celle qui console, car il est des souffrances qui consolent,
ce sont celles qui sont produites par la pensée d'un enfant cher trop tôt
disparu.
Il faut reconnaître que l'action de la communauté des humains a joué un rôle
aussi, es-tu fêté ! tu as vu la vague de bonté, de sympathie qu'a causé ton
départ, que de fleurs pour notre petit chéri, l'atelier, l'usine de papa comme tu
disais, l'école, la commune, tous les gens qui te connaissaient et qu'on aurait
pu croire indifférents, des gens de toute opinion, de tous âges, de toutes
conditions, ont communié dans une même pensée, celle qui t'était chère, faire
un peu de bien autour de soi, tu vois, mon petit, ta mission continue et
s'élargit; que tu es puissant et quelle joie pour ton père. Aujourd'hui nous
t'avons mis dans ton dernier linceul, pas toi, mon petit, comprends-moi bien,
ton petit corps seulement. J'ai pu, une dernière fois, prendre dans mes bras ce
petit corps qui m'était si cher et je te voyais vivant. Evidemment avant, tu
descendais de ton lit pour monter sur mon dos en riant, car tu ne savais jamais
pleurer, nous ne t'avons pas appris; ta petite tête branlante s'est confiée à mon
bras pour le dernier voyage sur cette terre de larmes. J'ai encore pu admirer
ton visage si serein dans la mort, et me dire qu'il était toujours beau, tu es si
grand mon tout petit, tu aurais été plus fort que moi, mais ceci ne compte plus
... continuons ensemble notre mission, faisons le bien, refusons la haine...
Je n'ose l'écrire, nous serons heureux ensemble tous les trois, puis d'autres
viendront à nous. Il va faire beau pour te rendre hommage aujourd'hui, la
nature elle-même va te fêter. A DEMAIN, MON CLAUDE".
Et si vous êtes capables de faire taire vos pauvres options et vos passions pour
l'un de ces lamentables partis qui se sont fondés en France, dites-moi si ce
n'est pas seulement avec des hommes ayant ainsi le sens de DIEU que nous ne
perdrons plus le sens de l'homme – ou si c'est avec des partis qui sont des
absences d'hommes.
Je dis bien : ne Perdrons Plus, car le sens de l'homme est déjà perdu depuis
belle lurette.
Nous savons ce qu'est d'avoir le sens commerçant, industriel, ouvrier,
artistique ou clochard. Mais nous ne savons plus ce qu'est un homme, une
liberté disant oui au bien, une intelligence disant oui à DIEU, une conscience
disant oui au devoir – et une indépendance disant zut aux consignes, aux
slogans, aux journaux et aux hommes qui touchent en moi ce qui n'appartient
qu'à moi : mon droit d'aimer ce qui m'assure une humanité plénière : j'ai
nommé le sens de DIEU.
Dans les décisions et les votes qui engagent le sort de la cité, seules agiront au
profit de la restauration civique et française celles qui s'inspireront chez vous
tous du sens de DIEU.
Les sénateurs romains étaient tenus de croire en la divinité. Le bien de la cité
exigeait de leur part cette sincérité élémentaire à la nature humaine non déviée
: ne pas se séparer du sens de DIEU. Et nous osons les appeler des païens...
Comment faut-il nous appeler aujourd'hui où nous n'avons même plus ce qu'il
faut pour faire un sénateur romain ?
Pessimisme ? – toujours l'appréciation apparemment raisonnable utilisée pour
dissimuler la honte et la peur d'avoir le cran de reconnaître pour mieux
reconstruire.
Le pessimisme consiste à aggraver la vérité d'un fait. Ce que je viens de dire
ne révèle que les grandes lignes schématiques du fait avec, en plus, la pitié de
n'oser vous en détailler les conséquences effarantes et dramatiques, on ne
donne aux auditoires que ce qu'ils ont la force de supporter.
De plus en plus, il n'y a que deux camps :
- celui des mains jointes,
- celui des poings fermés.
Mais dans les deux camps, ce sont des mains identiques à Celles qui furent
attachées à la Croix, esquissant par l'écartèlement des bras le geste immense
de VOULOIR RÉUNIR tous les hommes.
Ces mains-là ont travaillé, ont béni, ont guéri, ont collaboré à l'enseignement
d'une doctrine sans arrière-pensée.
«Quiconque n'est pas pour Moi est contre Moi»,
et quiconque est contre Lui n'a pas de doctrine sans arrière-pensée,
pas plus que le serpent ne donnait des promesses de vie sans avoir des
pensées de mort.
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