Série : Le marxisme. Conférence : II - «Vous ne pouvez servir deux maîtres : Dieu et Mammon». Il ne peut être question d'analyser en une seule conférence ce que j'appelle les admirables supercheries intellectuelles de la philosophie marxiste. Il y faudrait une série de cours à des auditoires initiés. Néanmoins, il n'est pas impossible d'extraire une dominante de la philosophie marxiste, afin de saisir l'usage tricheur qu'elle en fait selon les besoins du parti. Dans le marxisme, en effet, les éléments philosophiques apparemment les plus inamovibles – comme la négation formelle du spirituel et l'affirmation de la matière absolue – ne sont inamovibles comme les dogmes que pour être servis et défendus par les entourloupettes intellectuelles les plus contradictoires, qui détacheraient spontanément les catholiques de leurs dogmes si les théologiens en faisaient autant, et qui attachent passionnément les intellectuels communistes au marxisme car ces entourloupettes sont l'aveu tacite qu'avec la philosophie de marx, on a le bénéfice de conserver une indépendance de pensée allant jusqu'au mensonge et la contradiction, plus importants pour le succès du parti que les affirmations et les négations de marx. Ces dernières n'ont un caractère inamovible que pour maintenir l'intelligence dans la possibilité de se dégager de tout impératif de conscience. Première caricature du catholicisme par le marxisme : affirmations philosophiques, dogmatiques qui autorisent à affirmer les contraires si le succès en dépend. Prenons une dominante marxiste; seuls les faits concrets décident de tout. Tout le matérialisme est là. Ouvrons le Larousse : Fait : action réalisée – chose réellement existante. Le dictionnaire est déjà plus compréhensif que marx – il ne classe pas le fait en chose existant concrètement par l'intermédiaire de la nature. Il spécifie qu'il est une réalité existante, sans préciser si c'est avec ou sans la matière. Identifier fait à concret, ne serait-ce pas déjà une supercherie, révélant l'arrière-pensée a priori sous-jacente à toute la philosophie communiste : en aucun cas et pour personne l'immatériel ne peut être envisagé comme existant. Pourtant, en dehors du concret, il y a des faits d'importance – des réalités indiscutables : L'hypothèse est un fait sans preuve matérielle, sans quoi elle ne serait pas une hypothèse – et c'est un fait scientifiquement utilisé. Les miracles de Lourdes sont un fait : concret dans ses effets, immatériel dans sa cause, inexplicable par la science, et pourtant cette cause est l'étrange réalité. Le désir irréalisable d'un mourant espérant l'impossible guérison est un fait adversaire du concret, puisqu'il s'en prend au concret de la maladie mortelle. Une souffrance morale violente (deuil etc...) est une réalité et un fait si caractéristique qu'il se manifeste aux dépens du concret par la maladie et parfois la mort. Il ne faut donc pas nous en raconter. Les faits ne sont pas seulement concrets. Mais le marxisme les sélectionne en faits qui servent son a priori matérialiste et en faits sur lesquels le silence opère l'inattention ou l'oubli du naïf. Toujours la caricature : la réalité sans matière est gênante, on appellera donc réalité le seul fait concret. Pourquoi cet escamotage ? Pour respecter l'a priori philosophique, disons la consigne primordiale : supprimer le fait de la personne humaine en le noyant et en l'étouffant dans le fait concret des collectivismes obligatoires. Là aussi, le marxisme triche avec la présentation de son programme : il nous convie au collectivisme à grand renfort de discours annonçant l'indépendance de l'homme. Traduisez "indépendance" par oubli forcé de ce qui compose un homme isolé avant toute option pour un groupe : sa personne – sa conscience – ses devoirs envers DIEU – ses appels à une restauration morale – sa liberté de penser en chrétien, de croire, d'espérer et d'aimer en chrétien. En effet, le collectivisme reçoit sa liberté et son indépendance de la manière dont on veut bien la lui accorder : manière strictement économique et matérialiste, et dans une liberté adroitement orientée, dosée et surveillée, afin que l'homme personnel n'échappe jamais à l'emprise matérialiste, collectiviste. Au fond, le marxisme donne à l'homme la liberté de ne pas bouger ni protester. Les hongrois en savent plus long que nous sur ce chapitre. Appelons cela : la liberté de s'abstenir d'exister. Aussi le marxisme sélectionne-t-il les faits en "valables" et "non valables", suivant qu'ils servent ou desservent le programme secret des stratégies secrètement prévues. Seule la naïveté ignorante et volontiers séduite par le facile immédiat applaudit les progrès matériels du communisme qui ne relèvent absolument pas de sa philosophie. Ils ne relèvent que de l'intelligence de l'ingénieur ou du chimiste qui peuvent être, sans le dire, des monarchistes ou des républicains. Les progrès matériels sont le paravent derrière lequel le marxisme fait progresser le recul humain, en nous déshumanisant par son matérialisme. Il nous parle sans cesse des faits collectifs : - l'économie, avec la productivité et le capital; - les classes sociales, avec les oppositions qu'il y développe; - les politiques, avec les avantages qu'il en tire. Mais on aimerait qu'il sorte un homme du collectif et qu'il prenne conscience de ce qu'il est sans le collectivisme : conscience – désirs – rêves – sentiments religieux – foi – idées de la souffrance, de la mort, de ses responsabilités morales, de sa vie future, etc..., plus l'homme aux prises avec le CHRIST, avec l'Homme-Dieu, avec le Rédempteur, le Sauveur – en un mot avec l'homme VERITABLE, avec l'homme sorti de la périphérie des faits collectifs et soudainement devenu LUI. Qu'en dirait marx ? Lui, dont la philosophie n'entre en mouvement qu'en raisonnant sur tous les mouvements collectifs – sociaux – historiques – sans même pouvoir stopper trente secondes son raisonnement au profit de l'homme étranger à tout mouvement et à cause de cela auteur de tous les mouvements, sans pour autant s'identifier à un seul d'entre eux. Le marxisme prétend partir du fait de l'homme tel qu'il est. Et ce faisant, il ne parle que de l'homme tel qu'il prétend le faire devenir, et tel qu'il le voit là où il est le moins lui-même : dans les mouvements collectifs. La psychologie des foules nous prouve combien le collectivisme déforme et change la personnalité de l'homme. Le marxisme place l'homme dans un paradis de mécanique pour lui faire accepter un enfer psychologique de surveillances et de contraintes collectives. Et si l'homme torturé par cet enfer dont la nature est de lui interdire la liberté se révolte contre lui, le marxisme inverse les données : le paradis mécanique des bien-être cède la place à l'enfer de la mécanique qui torture et détruit, afin de s'assurer la durée et la conservation du collectivisme qui est la principal pour empêcher l'homme d'être lui-même. L'homme est un fait comme les autres faits qui n'a pas le droit à la liberté mais seulement au déterminisme que la vie collective mécaniquement organisée veut bien lui accorder pour prendre son billet – avec une propagande déterminée – participer aux fêtes et aux plaisirs qu'on lui organise dans un sens déterminé – il est en fait tenu en laisse par les pouvoirs qui ne lui laissent que la liberté conditionnelle : celle de ne pas s'apercevoir qu'il n'a pas de liberté, faute de quoi il redeviendrait un homme, c'est-à-dire un être dangereux pour le marxisme. Car l'homme apprécié avant tout lavage de cerveau et toute laïcisation organisée est dangereux pour le matérialisme – il dispose spontanément d'une liberté naturelle qui va spontanément au-delà du matériel. Ne pas dépasser le matériel donne la mesure de la déshumanisation d'un être. Lorsqu'il est conscient de sa liberté, l'homme voit au-delà du social seulement organisé, au-delà du matériel seulement utilisé, au-delà de l'état nullement considéré comme un absolu. Il voit tout cet appareil extérieur à l'homme comme n'étant pas l'homme mais la périphérie de l'homme. Car il le voit avec des puissances de pensée, des précisions de conscience, des pressentiments spirituels qui lui révèlent qu'il est le centre de cette périphérie, un centre responsable de se décider – d'abord pour la pleine valeur et le plein épanouissement de ce central humain qu'il est, valorisation sans laquelle il fabriquera, sur ordre matérialiste, une périphérie sociale et étatique, peut-être matériellement organisée, mais humainement désorganisatrice de par son ignorance volontaire de ce centre libre et autonome qui est l'homme. Le marxisme élimine a priori les problèmes les plus personnels à l'homme, alors que le catholicisme a le courage de les mettre en première ligne, car sans ces problèmes-là, les autres problèmes ne peuvent pas faire aboutir l'homme, même s'ils font aboutir des situations d'homme. Délibérément, le marxisme fait le silence sur le central humain, et ne reste qu'à la périphérie des problèmes qui sont des problèmes humains, mais pas des problèmes d'homme. En cela, il nous plait beaucoup, car instinctivement nous avons mauvaise conscience de délaisser les problèmes d'homme. Et nous y remédions par l'attention passionnée, portée à des problèmes humains où le matérialisme dominant utilise nos initiatives ou nos préférences sans engager nos exigences supérieures d'homme, puisque, par définition, le matérialisme les nie. Je connais l'objection : le matérialisme nie les problèmes d'homme parce qu'il s'est aperçu que ces problèmes de conscience, de morale, de crainte de DIEU, d'éternité, sont eux-mêmes matériels : produits de l'émotion sensible, de la peur instinctive, du cerveau fabriquant de la matière supérieure appelée pensée. Supercherie supplémentaire : si ces problèmes sont matériels, au lieu de se démentir en les niant, le matérialisme devrait les considérer comme une production matérielle admirable, à laquelle il faut faire scientifiquement confiance. Et il devrait abandonner l'homme à cette explosion matérialiste supérieure qui consacre la valeur de l'homme devant le concret. Si le matérialiste estime que ces valeurs ne répondent pas à ce qu'il attend de l'homme dans la société, de deux choses l'une; ce qu'il en attend est digne de la matière, qu'il respecte ces valeurs – ou bien ce qu'il en reçoit est d'un autre ordre que celui de la matière, qu'il dise pourquoi. Tout se révèle comme une supercherie intellectuelle et intelligemment combinée. Affirmation brutale que les premiers principes n'existent pas, sans aucune démonstration. Et cette affirmation devient subtilement un nouveau premier principe. Affirmation naïve que l'origine du monde s'explique par un concours de forces aveugles, sans nous montrer quelle est l'origine de ces forces et comment, étant aveugles, elles aboutissent à une création organisée et ordonnée. Affirmation que l'homme apparu sur terre on ne saurait trop dire comment, pris de peur devant tant de mystères, s'est apaisé en appelant les mystères : Dieu. Puis il s'est aperçu, aidé de la science, qu'en résolvant les mystères, DIEU disparaissait. Chose curieuse : aucun mystère n'est scientifiquement résolu et DIEU apparaît de plus en plus indispensable et nécessaire. En réalité, plus l'homme connaît DIEU, moins il a peur. Plus il L'aime, moins il redoute les persécuteurs. Et plus il se laisse envahir par DIEU, plus les bourreaux communistes sont eux-mêmes étonnés de la sérénité et de la grandeur de leur victime. Connaître DIEU ne rassure pas pour supprimer la peur, mais rassure pour supprimer l'ignorance qui, elle, fait peur et porte à inventer les superstitions et les mystères là où il n'y en a pas, lorsque l'intelligence se donne la peine de réfléchir. Et c'est précisément lorsqu'elle réfléchit qu'elle découvre dans les explications que lui procure le raisonnement, la nécessité d'en appeler raisonnablement à un Dieu intelligent et créateur expliquant l'expliqué proportionné à notre intelligence, et l'inexplicable disproportionné par excès d'intelligence à nos capacités. Qui se donne la peine de comparer le marxisme et le catholicisme comme forces de pénétration intellectuelle des problèmes élémentaires et supérieurs est étrangement déçu des supercheries et des naïvetés de l'un, comme il est étrangement conquis par les silencieuses profondeurs de l'autre. Je dis "ennuyé", car comprendre une profondeur, c'est avoir le devoir et la loyauté d'en vivre au maximum. Il y a une lâcheté dans la philosophie marxiste, précisément une peur, celle de constater que l'univers de la création ou l'univers de l'homme sont deux univers extraordinairement précédés d'un absolu vivant et absolument intelligent et qui rappelle à l'homme sa véritable raison de vivre, de lutter, d'aimer et de mourir, celle de passer de l'extraordinaire-relatif dans le définitif-infini, selon des lois, des options, des croyances qui ne lui permettent pas de s'identifier à DIEU. Notes sur les réflexions d'un converti. Que peut bien avoir à dire un "manuel", un ouvrier converti à la fin d'une carrière militante, l'ayant conduit d'un syndicalisme socialisant aussi généreux qu'inapplicable au christianisme méditatif sans chercher plus de vérité, en passant par une adhésion au communisme qui fut plus un témoignage d'admiration à certains sacrifices obscurs qu'un effort militant proprement dit pour aboutir par ce beau cri : mon Père, j'ai la Foi. Est-il utile d'exposer par quelles voies et par quels moyens la recherche du beau, voire le simple goût du juste a pu amener à DIEU quelqu'un qui, à 20 ans, croyait détenir par ses seuls sentiments les remèdes aux maux universels. Cela provoque le besoin de méditer. Méditer dans quel sens ? Dans le sens de la reconnaissance de notre pauvreté en matière de transformation de la société, dès que nous décrochons de la Foi. Reconnaître le sens chrétien de la vie, dans ce cas, c'est, après avoir fait bien des sacrifices perdus, reconnaître qu'on ne fera pas un monde nouveau avec des individus... de ce monde, et désirer s'unir avec Celui... qui venait d'un autre monde. D'un autre monde... dans lequel le sacrifice est consenti par amour et non par orgueil. Les fruits dont nous sommes porteurs nous ont été remis pour servir et non pour nous servir. Je crois que nous sommes encore à un stade encore primitif par rapport à ce que nous devons devenir; nous sentons confusément que nous ne sommes pas faits pour le genre de vie terrestre que l'addition de nos égoïsmes a construit. Mais nous n'avons pas la capacité de construire le système supérieur qui est notre fin et auquel les générations ont rêvé, tandis que beaucoup d'autres en rêveront encore... A mon humble avis, parce que nous refusons de voir "universel", nous ne nous soumettons à ces sacrifices que sur le plan égoïste à notre époque, de nation ou d'intérêt uniquement et immédiatement matérialisé – nous versons notre obole, contraints par tout un appareil complexe de gouvernants, de polices, d'armées, d'intérêts, dans lequel les plus rusés possèdent les leviers de commande et manoeuvrent cette somme de sacrifices en fonction de leur intérêt, de leurs privilèges, mais jamais dans le sens du relèvement du niveau de l'esprit, de l'amour des hommes. Leur action n'est pas éclairée par cette flamme chrétienne qui modifierait le sens du résultat, en utilisant les réalités naturelles nationales autrement que pour la laïcisation de l'homme. Le sacrifice n'est productif que lorsqu'il est personnel, désintéressé. Il élève alors tout ce qui l'entoure. Il prépare à la formation d'un esprit toujours guidé par Dieu vers la perfection, un esprit universel. Ce qui fait que l'Eglise ne peut se comparer à rien d'autre en matière de doctrine humaine (puisque c'est l'aspect de sa mission qui nous est le plus facilement accessible au stade où nous en sommes). Elle crée l'universel pour lequel elle a été bâtie. Sa beauté ne connaît ni races, ni castes, et c'est par là qu'elle peut séduire le besoin de fraternité de militants politiques de tous milieux. Aucune race ne s'imposera à titre définitif à aucune autre, mais toutes contribueront à l'élaboration de la fin humaine, chacune avec ce qu'elle a de meilleur, parce que chacune sera respectée dans sa mission providentielle sans avoir à s'opposer par la violence à la mission spirituelle de la voisine. DIEU sans doute, doit savoir ce qu'Il fait : si nous assistons à ces conversions qui ne surprennent que les ignorants, c'est qu'Il manifeste ainsi sa volonté de sauver ceux qui, dans le combat pour le matérialisme, étaient éclairés par la flamme de l'amour des autres; dans Son Infinie Miséricorde, Il n'a pas eu tellement à les changer : Il leur a démontré par la souffrance toute la vanité de leur rêve, par l'humiliation la mesure de leur orgueil, et en fin de course par le contact de chrétiens authentiques l'incomparable richesse des biens spirituels... Le retour aux vérités premières exige de notre nouvelle conception du monde la reconnaissance de nos responsabilités dans l'apparence du désordre actuel. La mission qui nous est confiée est d'être chrétien au maximum de nos facultés : cela entraîne l'acceptation de sacrifices librement consentis à l'ordre divin... Revenons sincèrement aux vérités premières et ne nous substituons jamais à Celui qui décidera; alors, au moment d'être jugés nous-mêmes sur nos aptitudes à entrer dans le Royaume Divin, nous serons mieux placés pour présenter notre défense et dire : «Mon Dieu, j'ai fait ce que je pouvais». L'homme apparaît à partir du moment où le social et l'état lui laissent et lui accordent les libertés d'être pleinement homme, c'est-à-dire puissance spirituelle capable d'aimer ce qui restaure un homme dans son expression d'homme comparée à une expression animale. L'animal, lui aussi, a son souci de bien-être, ses capacités de performances et son besoin psychologique de plaisir. Et utiliser l'homme seulement à cela avec le raffinement de développement que son intelligence peut y apporter, c'est tout simplement animaliser l'homme supérieurement. Animaliser supérieurement n'est pas restaurer, c'est avilir. - réflexion d'un communiste : on nous donne des frigidaires, des plaisirs, des primes et des assurances, nous n'en sommes que plus rivaux, plus mauvais entre nous. Il faut prendre le marxisme sur son terrain : il n'admet que les faits, il traite l'homme comme un fait. Qu'il accepte donc qu'on lui signale aussi qu'il aboutit à d'autres faits, plus inhumains et plus déplorables que ne sont humaines et appréciables les inventions matérielles qu'il s'attribue et qui, d'ailleurs, n'ont rien à voir avec la philosophie marxiste. Le marxisme ne fait pas progresser l'homme. Il s'applique à faire progresser ce que tout homme peut faire progresser sans lui : la science et le bien-être social, et sans jamais l'avouer, il enferme l'homme dans ce progrès comme dans un camp de concentration : il l'y surveille étatiquement et policièrement pour veiller à lui interdire de penser pleinement en homme. Or précisément, lorsque l'homme est libre de se connaître tel qu'il est, cette conscience de ce qu'il est lui fait prendre conscience de ce qu'il ne doit pas être et de ce qu'il peut devenir. Cette puissance à devenir, il va l'utiliser farouchement dans le domaine de son vitalisme physique, instinctif, psychologique, intellectuel pour faire diversion. Devenir quoi ? plus homme ou moins homme ? plus libre ou moins libre ? plus vraiment heureux ou plus vraiment malheureux ? Que répondent les polonais vraiment libres ? Peuvent-ils répondre ? Qu'en pensent les russes vraiment libres ? Sont-ils encore en Russie ? Qu'en disent les malheureux hongrois ? Ont-ils encore la parole ? Devenir, c'est très emballant de le promettre à des foules nécessairement ignorantes des plans secrets et implacables du parti. Mais une fois réalisé le programme, il faut bien que le mot devenir claironné par toutes les propagandes devienne lui aussi un fait, hélas, et quel fait ! Un fait d'asservissement et d'interdiction collective de penser autrement que matérialisme – un fait qui révèle subitement le marxisme comme un mensonge monumental, violent et implacable, affirmé par plus de quarante millions de cadavres en Russie, sans compter les autres millions qu'il faut y ajouter dans 18 autres pays. Le drame est autant du côté de ceux qui l'acceptent que de ceux qui le proposent. Car l'accepter, révèle des patrons, des ouvriers, des bourgeois et des commerçants, des prêtres qui sont déjà déshumanisés par l'ignorance absolue des fiertés exigeantes qu'il faut posséder en soi pour être un homme intellectuellement, moralement, spirituellement, avant d'être déshumanisé par les faits implacablement cruels d'une philosophie implacablement tricheuse avec les faits eux-mêmes. Je dis bien : implacablement tricheuse avec les faits eux-mêmes, car, dans la philosophie marxiste, les faits, tous les faits sans exception, depuis ceux de l'histoire à laquelle pourtant elle en appelle sans cesse en passant par ceux de l'économie toujours utilisée pour opposer capital et travail, en continuant par ceux de la science, interprétés dans leur sens uniquement utilitaires et matérialistes, les faits sont précédés de l'arrière pensée a priori qu'ils ne peuvent et ne doivent en aucun cas induire l'homme à se poser le problème surnaturel – qu'ils ne peuvent et ne doivent en aucun cas démontrer la supériorité de l'homme personnel sur l'homme en groupe mais au contraire qu'il faut les utiliser toujours contre. Car avec des apparences de collectivisme favorable à l'homme, le marxisme est d'abord contre l'homme : il est contre sa liberté fondamentale, sa conscience indépendante, sa vie spirituelle, sa durée définitive, son bonheur éternel. Au fond de cette philosophie, il y a une immense impatience et une immense lâcheté. L'immense impatience d'un bonheur absolu et immédiat demandé à la matière dont la relativité et la caducité sont scientifiquement le contraire de l'absolu et de l'immédiat. Une immense lâcheté à refuser les exigences de l'absolu qui sont précisément immatérielles et spirituelles. Le marxisme est contre nos puissances d'hommes qui, par leur spiritualité, peuvent livrer des combats intérieurs absolus et immédiats en montrant ainsi à la matière qu'elle n'est pas seule en cause. Et du même coup, je fais jaillir du fond de l'histoire l'Extraordinaire Visage du CHRIST sur lequel le marxisme fait silence autant qu'il le peut. Car les chrétiens – à travers leurs faiblesses humaines sur lesquelles le matérialisme daube à la mesure du service de propagande qu'elles lui fournissent – les chrétiens portent un reflet de Ce Visage, comme un reproche insupportable adressé à ce marxisme et comme une réponse irréfutable en faveur de l'homme complet, annonçant pour l'au-delà l'homme élu. Complet, car au lieu de noyer le problème en ne traitant que la périphérie sociale ou étatique, le chrétien accepte de compromettre le centre de ses réflexions : son jugement; le centre de ses affections : son coeur; le centre de sa liberté : ses choix; le centre de sa volonté : ses décisions avec la prodigieuse doctrine qui n'est que La Vie même de Jésus-Christ venant s'insérer dans l'être de l'homme pour en restaurer l'humain jusqu'à la certitude de l'immortalité, la conscience de la sainteté, la passion de la vertu, le renoncement à ses intérêts matériels, la conservation avec DIEU, l'apaisement de ses remords, l'espérance dans la souffrance, la manière d'en extraire de la beauté et de la valeur morale, jusqu'à son souci d'apporter au social une plénitude pacifiante de justice et de charité que seul il détient. De telle sorte que par ses fidélités, ses sacrifices, ses immolations et ses martyrs, il jette un défi à la matière, défi d'autorité spirituelle, de fierté surnaturelle qui prouve à longueur de siècles, tout au long de l'histoire, que si les forces spirituelles sont, comme le prétend le marxisme, un produit matériel, le marxisme se trouve en présence d'un fait nouveau qui le condamne lui-même, à savoir que dans ce cas, c'est la matière spirituelle qui se dresse contre la matière instinctive dans le même être. La matière devient donc hostile à la matière, elle est alors ce qu'il y a de plus dangereux pour le matérialisme, que le matérialisme n'en parle plus... et qu'on le mette hors la loi. Telle est l'absurdité, car tout commence par l'absurdité d'affirmations gratuites dont la naïveté saute à la réflexion objective dès la première lecture ou audition, pour finir dans les contradictions encore plus absurdes où l'homme est acculé à l'interdiction de conclure. Le catholicisme est autrement fort et plein de vaillance. Il ne nie pas la lutte entre la chair et l'esprit, il en accepte les combats pour en extraire la victoire d'un homme réussi comme en porte chacune des dates de votre calendrier. Il en accepte les croyances pour affirmer des devoirs qui dépassent en libertés de réalisations grandioses et vertueuses les obligations économiques et sociologiques d'un matérialisme qui ne peut que demander des comptes et présenter des factures. Il en connaît les défaites avec une humilité et une sincérité nullement nuisibles, comme le sont le durcissement et la négation matérialiste de l'homme sans péchés, cette soi-disant vieille superstition. Il en comprend les trésors d'indulgence et de charité pour ses frères en humanité qu'il ne surveille avec aucune guépéou ni aucune mitraillette. Il sait que cette lutte le restaure chaque jour un peu plus, dans des dispositions immédiates de perfections humaines et personnelles, qui sont la plus fabuleuse performance que le matérialisme se gardera toujours de demander à un homme. Car il ne peut rien demander à un homme de transcendant, puisque le transcendant se passe de la matière, à partir du moment où c'est vraiment du transcendant, c'est-à-dire, où la matière concourt malgré elle et à ses dépens à des activités qui révèlent scientifiquement plus qu'elle. Voyez les miracles de Jésus exerçant Son Autorité sur tous les règnes matériels avec le seul usage de Sa Parole, ce privilège de l'Esprit : - règne végétal : la multiplication des pains. le figuier maudit. - règne minéral : la pièce d'argent dans la bouche d'un poisson. - règne animal : la pêche miraculeuse. - règne humain : les sentiments de Marie Madeleine; la résurrection de Lazare; La Sienne Propre. Cette omniscience et cette omnipotence de Jésus rendant témoignage, non pas à Lui en tant qu'homme, mais à DIEU, Père et Cause de tout, pour restaurer le passé, le présent et l'avenir des hommes dans la puissance d'une remontée psychologique et morale définitive, s'appuyant sur la puissance source dont Il se démontre être Lui-même La Preuve, en dit très long sur le bon sens et la solidité du catholicisme, et tout autrement que la philosophie d'un homme rendant orgueilleusement témoignage à sa propre valeur, en affirmant sans preuves, en parlant de puissance non pas SUR la matière, mais par la matière, c'est-à-dire AVEC les caractéristiques de la matière : - la violence aveugle - la limite de ses moyens - la pauvreté de sa durée. Tout cela en dit très long sur la déchéance de la pensée humaine, devenue disponible aux options intellectuelles les plus désastreuses, parce que savamment déshabituée par les laïcismes préparatoires au communisme, à saisir en elle les gémissements incoercibles de son esprit, appelant sa part d'activités superbes dans la restauration de l'homme. C'est tellement vrai que, dès qu'il ne se sent plus surveillé ou dénoncé, le marxiste sent et entend les gémissements de l'esprit. Témoins ces deux faits : - celui de ce communiste ultra rouge qui profitait de l'absence de sa femme au Salut du dimanche pour brancher en sourdine sa TSF sur Notre-Dame de Paris afin d'écouter le prédicateur. Un jour, le Salut fut plus court et l'épouse rentre trop tôt... - celui autrement émouvant d'un chef de cellule communiste, alors athée, non baptisé, écrivant une nuit sur le cercueil de son petit garçon adoré, deux lettres dont la teneur démontra à son entourage jusqu'à en être bouleversé, qu'indépendamment de marx et de la guépéou, aux prises avec les problèmes centraux de son être, au-delà de toute sociologie matérialiste et de toute divinisation absurde de l'état, l'activité créatrice de DIEU repose dans les régions les plus essentielles de l'être humain et s'empare de son coeur aux heures où il convient que DIEU seul s'empare d'un homme, car ce sont des heures personnelles et restauratrices où la matière n'a rien à voir. Lettre d'un communiste athée écrite sur le cercueil de son enfant mort à sept ans : "Mon cher petit, sois heureux !... C'est fait, le but que je te proposais hier est atteint, ta pauvre mère trouve l'apaisement de l'esprit en attendant l'apaisement du coeur qui suivra. Dans des circonstances tragiques comme celles-ci, elle a fait la preuve aujourd'hui plus qu'hier, que tu étais toujours autour d'elle, pour la sauver du désespoir sans fond, générateur de misère humaine. Sa journée, la troisième depuis que tu as quitté la terre, a été ce qu'on n'osait espérer, presque calme, avec des alternatives de chagrin et d'espoir en toi, en ta petite âme d'enfant; il est bientôt cinq heures du matin, elle souffre encore et souffrira sans doute toujours mais, sois tranquille, elle s'achemine vers la bonne souffrance, celle qui console, car il est des souffrances qui consolent, ce sont celles qui sont produites par la pensée d'un enfant cher trop tôt disparu. Il faut reconnaître que l'action de la communauté des humains a joué un rôle aussi, es-tu fêté ! tu as vu la vague de bonté, de sympathie qu'a causé ton départ, que de fleurs pour notre petit chéri, l'atelier, l'usine de papa comme tu disais, l'école, la commune, tous les gens qui te connaissaient et qu'on aurait pu croire indifférents, des gens de toute opinion, de tous âges, de toutes conditions, ont communié dans une même pensée, celle qui t'était chère, faire un peu de bien autour de soi, tu vois, mon petit, ta mission continue et s'élargit; que tu es puissant et quelle joie pour ton père. Aujourd'hui nous t'avons mis dans ton dernier linceul, pas toi, mon petit, comprends-moi bien, ton petit corps seulement. J'ai pu, une dernière fois, prendre dans mes bras ce petit corps qui m'était si cher et je te voyais vivant. Evidemment avant, tu descendais de ton lit pour monter sur mon dos en riant, car tu ne savais jamais pleurer, nous ne t'avons pas appris; ta petite tête branlante s'est confiée à mon bras pour le dernier voyage sur cette terre de larmes. J'ai encore pu admirer ton visage si serein dans la mort, et me dire qu'il était toujours beau, tu es si grand mon tout petit, tu aurais été plus fort que moi, mais ceci ne compte plus ... continuons ensemble notre mission, faisons le bien, refusons la haine... Je n'ose l'écrire, nous serons heureux ensemble tous les trois, puis d'autres viendront à nous. Il va faire beau pour te rendre hommage aujourd'hui, la nature elle-même va te fêter. A DEMAIN, MON CLAUDE". Et si vous êtes capables de faire taire vos pauvres options et vos passions pour l'un de ces lamentables partis qui se sont fondés en France, dites-moi si ce n'est pas seulement avec des hommes ayant ainsi le sens de DIEU que nous ne perdrons plus le sens de l'homme – ou si c'est avec des partis qui sont des absences d'hommes. Je dis bien : ne Perdrons Plus, car le sens de l'homme est déjà perdu depuis belle lurette. Nous savons ce qu'est d'avoir le sens commerçant, industriel, ouvrier, artistique ou clochard. Mais nous ne savons plus ce qu'est un homme, une liberté disant oui au bien, une intelligence disant oui à DIEU, une conscience disant oui au devoir – et une indépendance disant zut aux consignes, aux slogans, aux journaux et aux hommes qui touchent en moi ce qui n'appartient qu'à moi : mon droit d'aimer ce qui m'assure une humanité plénière : j'ai nommé le sens de DIEU. Dans les décisions et les votes qui engagent le sort de la cité, seules agiront au profit de la restauration civique et française celles qui s'inspireront chez vous tous du sens de DIEU. Les sénateurs romains étaient tenus de croire en la divinité. Le bien de la cité exigeait de leur part cette sincérité élémentaire à la nature humaine non déviée : ne pas se séparer du sens de DIEU. Et nous osons les appeler des païens... Comment faut-il nous appeler aujourd'hui où nous n'avons même plus ce qu'il faut pour faire un sénateur romain ? Pessimisme ? – toujours l'appréciation apparemment raisonnable utilisée pour dissimuler la honte et la peur d'avoir le cran de reconnaître pour mieux reconstruire. Le pessimisme consiste à aggraver la vérité d'un fait. Ce que je viens de dire ne révèle que les grandes lignes schématiques du fait avec, en plus, la pitié de n'oser vous en détailler les conséquences effarantes et dramatiques, on ne donne aux auditoires que ce qu'ils ont la force de supporter. De plus en plus, il n'y a que deux camps : - celui des mains jointes, - celui des poings fermés. Mais dans les deux camps, ce sont des mains identiques à Celles qui furent attachées à la Croix, esquissant par l'écartèlement des bras le geste immense de VOULOIR RÉUNIR tous les hommes. Ces mains-là ont travaillé, ont béni, ont guéri, ont collaboré à l'enseignement d'une doctrine sans arrière-pensée. «Quiconque n'est pas pour Moi est contre Moi», et quiconque est contre Lui n'a pas de doctrine sans arrière-pensée, pas plus que le serpent ne donnait des promesses de vie sans avoir des pensées de mort.