Histoire politique et constitutionnelle de la France depuis 1789 est

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Histoire politique et constitutionnelle de la France depuis 1789 est très mouvementé avec
une succession de régimes. La France a appliqué 15 constitutions (ce qui est relatif car certains
textes ne sont que des révisions constitutionnelles donc serait plutôt de l’ordre de 11-12
constitutions). La France a par ailleurs connu 6 régimes provisoires (le gouvernement
révolutionnaire montagnard, consulat provisoire, …). A côté de cela, on constate qu’il y a eu en
plus 5 projets de constitutions officiellement rédigés et qui sont restés sans suite comme le projet
girondin, la constitution de 1793 (approuvé au référendum donc bien une constitution et non un
projet).
Au-delà des changements fréquents, l’histoire politique et constitutionnelle peut se
scinder en deux périodes de durées très inégales : de 1789 à 1830 pour la première période : c’est
celle de l’émergence des trois grandes traditions politiques et constitutionnelles françaises à
savoir la tradition révolutionnaire, la tradition césarienne et la tradition parlementaire. La
seconde période est celle qui va de 1830 à nos jours : elle est celle du développement et des
synthèses des trois grandes traditions formées auparavant.
1789 à 1799 = émergence de la tradition révolutionnaire
1799 à 1814 = émergence de la tradition césarienne
1814 (=la restauration) à 1830 = période parlementaire; 1879 = enracinement de la
tradition républicaine en France.
Bibliographie : - manuel de fredric bouche : manuel d’histoire politique de la France
contemporaine - PUF collection droit fondamental
- manuel de marcel morabito : histoire constitutionnelle de la France
1789-1958
Chapitre 1 : La Restauration 1814-1830
Pour comprendre pourquoi et comment débute en 1814 la restauration, il faut opérer un
bref retour en arrière. Sous le consulat et le premier empire de 1799 à 1814, quasiment tous les
pouvoirs étaient entre les mains de Napoléon. Si Napoléon détenait « les pleins pouvoirs » c’est
parce qu’il bénéficiait d’une légitimité populaire supérieure par le biais des plébiscites qui
scellaient un pacte entre le peuple en principe seul souverain à qui était délégué toute l’autorité
(la problématique d’un point de vue constitutionnelle était là). Si la France a accepté la dictature
de Napoléon c’est parce qu’il incarnait l’homme providentiel qui promettait la paix après
plusieurs années d’anarchie révolutionnaire. Sur le plan intérieur Napoléon a réussi au-delà des
espérances : il a rétabli l’ordre, il a réconcilié les français entre eux du moins en apparence, il a
jeté les bases d’une nouvelle société (notamment avec le code civil de 1804) et a posé les
fondements d’un état moderne et puissant (que les régimes successif ont essayé de conserver
d’ailleurs). En revanche, sur le plan extérieur, Napoléon a faillit (et c’est là tout le problème). On
peut constater que Napoléon a conclut au début du consulat la paix avec les puissances
étrangères avec lesquelles la France était en guerre depuis avril 1792 mais cette paix est restée
éphémère car Napoléon s’est ensuite lancé dans une insatiable guerre de conquête de l’Europe.
Tant que Napoléon est victorieux et que ses victoires sont bénéfiques à la France, les français
supportent la guerre tant bien que mal. Le problème est qu’à partir du moment où la situation
change, que Napoléon connaît ses premières graves défaites militaires il perd du même coup sa
légitimité. Ce revirement commence avec la terrible retraite de Russie durant l’hiver 1812-1813.
Après cette catastrophe d’un point de vue militaire, les troupes françaises sont contraintes de
reculer devant les armées levées par toute l’Europe coalisée. On se retrouve dans la situation du
un contre tous avec une « grande armée qui se réduit »; Au terme de ce processus, la France est
envahie et ce qui est une première, ce qu’on avait évité sous la Révolution, Paris doit capituler le
30 mars 1814. Pour éviter que Paris ne soit rasé, les autorités parisiennes préfèrent capituler.
Pour faire face au désastre et calmer la haine des gouvernement étrangers à l’égard de Napoléon,
le Sénat emmené principalement par Taléran (ancien ministre des affaires étrangères de
Napoléon) prend alors l’initiative de prononcer la déchéance de l’empereur le 2 avril 1814. Cette
déchéance votée par le Sénat est suivi par le corps législatif deux jours plus tard, le 4 avril 1814.
Napoléon prend acte de sa perte de légitimité et abdique sans conditions le 6 avril 1814. Dès lors,
le Sénat estime que la seule solution politique viable (situation de vacance du pouvoir voir de
vacance du régime politique) consiste à rappeler au pouvoir l’ancienne dynastie des bourbons :
commence alors la Restauration. Ce mot Restauration cache des choses diverses : le régime
connu sous le nom de Restauration se divise lui-même en deux restaurations qui sont de durée
très inégale. Il y a la première restauration qui va d’avril 1814 jusqu’à mars 1815 et il y a ensuite
ce que l’on appelle la seconde restauration qui elle va de juillet 1815 à juillet 1830. Ces deux
périodes sont entrecoupées par l’épisode qualifié des « cents jours » durant lequel Napoléon fait
un retour éphémère.
Section 1 : La première restauration d’avril 1814 à mars 1815
Avant même l’abdication de Napoléon du 6 avril 1814, le Sénat dès le 1er avril
1814 désigne un gouvernement provisoire de 5 membres conduit par Taléran et assisté par des
ministres. Parallèlement, le jour même, le 1er avril, le Sénat décide d’élaborer une nouvelle
constitution. Après quelques jours de travail constituant le Sénat adopte le 6 avril 1814 un
projet de « constitution sénatoriale ». Ce projet est ensuite approuvé le lendemain, le 7 avril 1814
par le corps législatif. Le Sénat espère imposer ce projet à celui qu’il appelle comme nouveau roi
c’est-à-dire Louis de France, comte de Provence, premier successible de la dynastie des
Bourbons en tant qu’aîné des frères survivants de Louis XVI.. Le problème c’est que ce Louis de
France refuse le projet sénatorial et promulgue à la place sous le nom de Louis XVIII une
nouvelle constitution sous la forme d’une charte datée du 4 juin 1814. Compte tenu d’un
contexte instable, la première Restauration fondée d’un point de vue constitutionnelle sur cette
charte du 4 juin 1814 va être un régime de très courte durée.
§1 : Le projet de constitution sénatoriale du 6 avril 1814
Le projet sénatorial est un texte très court de 29 articles. Ce projet établit
une monarchie constitutionnelle inédite va rester sans suite immédiate car le futur Louis XVIII
ne va pas l’accepter.
A°) La monarchie constitutionnelle établie par le projet de constitution sénatorial
Ce projet est extrêmement déterminant pour l’avenir et va poser par la
suite très largement les bases de ce qu’est la monarchie constitutionnelle pour l’avenir : vont
être mis sur le papier des mécanismes qui vont être reproduit par la suite.
Le projet sénatorial instaure un régime (une monarchie constitutionnelle)
fondé sur les grands principes constitutionnelles révolutionnaires nés en 1789 (qu’on retrouve
dans la constitution de 1791) à savoir les principes de souveraineté nationale, de représentation,
de séparation des pouvoirs et de primauté de la loi. Le principe essentiel est celui de souveraineté
nationale (la question va porter sur qui est souverain ?, pour le projet de constitution c’est la
nation ou le peuple qui est souverain). Louis de France est appelé sur le trône par la seule volonté
libre du peuple français c’est-à-dire non pas en vertu d’un quelconque droit dynastique ou divin.
Le séna précise dans le projet que Louis de France ne peut devenir roi que s’il accepte et prête
serment de respecter la constitution (dans la même logique que 1791 : un roi représentant la
nation). Le projet prévaut in fine que cette constitution ne peut entrer en vigueur que si elle est
acceptée par le peuple par référendum. Ce projet ne contient pas de déclaration de droit comme
les constitutions révolutionnaires mais consacre cependant à la place de manière désordonnée
mais déterminante pour l’avenir toute une série de droits civils conçus comme des libertés
publiques en particulier l’égalité civile, la sûreté individuel, la liberté et en particulier les libertés
d’opinion et d’expression. S’agissant de l’organisation des pouvoirs constitués, le projet
sénatorial essaie pour la première fois dans notre histoire constitutionnelle d’instituer un régime
relativement équilibré même s’il y a une certaine prééminence de l’exécutif avec un partage des
pouvoirs entre un roi et un parlement bicaméral.
1°) La relative prééminence du roi
a°) Le statut du Roi
Dans la perspective du principe de souveraineté nationale,
le Roi porte le titre qu’il portait au début de la Révolution de « roi des français » et non celui de
Roi de France dans la mesure où il est seulement le représentant de la nation (pas question ici
d’élu de Dieu). Le roi bénéficie d’une indépendance statutaire : tout d’abord, sa personne est
inviolable et sacrée ce qui implique qu’il est irresponsable et plus globalement intouchable.
Ensuite indépendance, parce que l’accession au trône a lieu conformément à l’ancienne loi de
masculinité (primogéniture et éventuellement collatéral) qui place théoriquement la royauté à
l’abri de tout aléa politique.
b°) Les attributions du roi
Le roi dispose de larges pouvoirs : En premier lieu,
s’agissant de la fonction législative, le roi a d’une part un droit d’initiative et d’autre part un droit
de sanction qui est un véritable droit de veto absolu qui permet au roi d’accepter ou non les lois
votées par le parlement. En second lieu, le Roi a le monopole du pouvoir exécutif. Le projet
n’apporte aucune précision supplémentaire sur ce point, il n’entre pas dans le détail. Le roi
participe à la fonction judiciaire d’une part par son pouvoir de nomination des magistrats et
d’autre part par son droit de grâce. Le Roi pour exercer tous ses pouvoirs est assisté de ministres
: le projet est quasiment silencieux sur les ministres : il prévoit seulement que les ministres
peuvent être membres du parlement (innovation constitutionnelle), que tous les actes du roi sont
obligatoirement contresignés par un ministre, que les ministres sont responsables du contenu des
actes qu’ils signent.
Les pouvoirs du roi sont simplement limités par l’existence
d’un parlement bicaméral placé dans une position de relative subordination.
2°) La relative subordination du parlement bicamérale
Le parlement est conçu en parti sur le modèle anglais. Ce
parlement est composé d’un Sénat qui est une chambre haute de type aristocratique et est
composé également d’un corps législatif chambre basse sensé représenter les citoyens.
a°) Le statut du sénat et du corps législatif
Le sénat est composé d’un nombre de sénateurs
compris entre un minimum de 150 et un maximum de 200. Les sénateurs dit « actuels »
c’est-à-dire ceux qui sont en fonction le 6 avril 1814, sont maintenus. Au-delà de ceux qui sont
maintenus, les sénateurs sont nommés par le Roi. Les sénateurs sont non seulement inamovibles
mais héréditaires parce que le titre de sénateur se transmet de père en fils par ordre de
primogéniture masculine (si pas de fils survivant, il faut en renommer un autre). Il n’y a aucune
condition pour devenir sénateur, il y a juste une limite : pour entrer et délibérer au Sénat il faut
être majeure c’est-à-dire avoir au moins 21 ans. On voit que le Sénat bénéficie d’une
indépendance statutaire totale ce qui n’est pas le cas en revanche de l’autre assemblée, le corps
législatif.
Le nombre de députés au corps législatif n’est pas
précisément fixé. Le projet prévoit seulement que chaque département envoie au corps législatif
le même nombre de députés qu’il y envoyait sous l’empire. Le sénat ignore qu’elles vont être les
frontières de la France. Au-delà du problème du nombre, le projet ne prévoit curieusement
aucune condition pour devenir député, même pas une condition d’âge. Ce que précise le projet
autrement est que le mandat est de cinq ans. Les députés sont élus par des collèges électoraux de
départements et d’arrondissements conformément aux Senatus Consult du 4 août 1802 et du 18
mai 1804. Cependant, la grande nouveauté est que les collèges électoraux ne se contente plus de
présenter des candidats mais élisent directement les députés (les députés bénéficient donc d’une
légitimité populaire). Le projet maintient les « députés actuels » et prévoit que les premières
élections législatives auront lieu pour la session de 1816. Les sessions du corps législatif
commencent de droit chaque année le première octobre. Certes il y a des sessions qui ont lieu
de droit mais on remarque que le corps législatif peut être ajourné et même dissout par le Roi (ce
qui est un manque d’indépendance). C’est la première fois que le droit de dissolution est donné à
l’exécutif dans un texte constitutionnel français (apparut sous l’empire mais c’est le Sénat qui
l’avait). En cas de dissolution, pour éviter une élimination pure et simple du corps législatif, un
nouveau corps législatif doit être élu dans les trois mois de la dissolution. D’un point de vue
statutaire, le sénat et le corps législatif sont dans des situations très différentes. En revanche, on
peut constater que les attributions de ces deux organes sont analogues.
b°) Les attributions du sénat et du corps législatif
Le sénat et le corps législatif ne participe ni à la fonction exécutive ni à la fonction judiciaire.
Les deux assemblées ont la même prérogative essentielle de participer à la fonction législative.
Elles ont toutes les deux le droit d’initiative législative concurremment au roi et elles ont
également toutes les deux le libre droit de discussion et de vote des lois. Un texte doit être voté
dans les mêmes termes par les deux assemblées (ce qui implique des navettes) et doit être
obligatoirement revêtu de la sanction royale ce qui constitue une importante limite au pouvoir
législatif du Sénat et du corps législatif.
On voit que le projet sénatorial s’efforce de trouver un
équilibre relatif entre les corps constitués tout en faisant la part belle au Roi.
B°) L’échec du projet de constitution sénatorial
Le projet sénatorial rencontre immédiatement l’hostilité de l’opinion
publique. Et c’est d’ailleurs assez surprenant parce que paradoxalement ce ne sont ni les bases ni
l’organisation des pouvoirs prévue par le texte qui pose problème. Elle trouve son origine dans
certaines dispositions que l’on peut qualifier d’indécente relatives au Sénat : ce qui choque c’est
que les sénateurs actuels se maintiennent en s’offrant l’inamovibilité et l’hérédité. Ce qui choque
également c’est que le projet prévoit que ce que l’on appelle les dotations et les senatorori
(domaines fonciers donnés aux sénateurs les plus dévoués sous l’Empire) seront conservé aux
sénateurs actuels à l’exclusion de ceux qui seront nommés par la suite sénateur. L’opinion
publique a l’impression que les sénateurs qui ont approuvé le projet ont cherché avant tout à se
garantir une situation confortable. Le régime qu’il mettait en place était reçu assez favorablement
par l’opinion publique s’il n’y avait pas eu ses dispositions. L’avenir du projet sénatorial dépend
fondamentalement de celui qui est appelé au trône (parce qu’on ne demandait pas véritablement
son avis à l’opinion publique).
Louis de France, qui se fait déjà appelé Louis XVIII (comme s’il était roi)
rentre en France pour la première fois depuis 1791 le 24 avril 1814. Celui qui se fait appelé
Louis XVIII adresse son premier message aux français par la déclaration dite de « Saint-Ouen »
du 2 mai 1814. Louis XVIII rejette clairement le projet sénatorial. Pour justifier son refus, Louis
XVIII insiste sur les lacunes du à la précipitation dans laquelle le projet sénatoriale a été rédigé.
Les véritables raisons du rejet ne sont pas exprimées mais elles sont faciles à comprendre. Louis
XVIII n’accepte pas d’être considéré comme le simple représentant de la nation car il estime (il
ne le dit pas…) être roi en vertu de son droit dynastique et divin (c'est-à-dire pour des
fondements qui n’ont rien à voir avec le projet sénatoriale). Le roi n’admet pas non plus que ses
dynasties soient limités telles qu’elles le sont par le projet. Toutefois, la déclaration de
Saint-Ouen ne se prononce par pour autant en faveur d’un retour pur et simple aux principes de
l’ancien régime car Louis XVIII a conscience qu’il doit faire des concessions s’il veut se faire
accepter du pays. Aussi Louis XVIII promet dans sa déclaration d’adopter une constitution
libérale sur es bases analogues à celles du projet sénatorial et avec la collaboration du Sénat et du
corps législatif qui sont maintenus jusqu’à la promulgation de la nouvelle constitution.
§2 : La charte du 4 juin 1814
Louis XVIII conformément à sa promesse de Saint Ouen désigne le 18 mai 1814
une commission chargée de rédiger une nouvelle constitution. Cette commission comprend neuf
sénateurs et neufs députés assistés de trois commissaires royaux et sous la présidence de celui
que l’on appelle à l’époque le chancelier d’Ambray, proche du roi et nouveau ministre de la
justice. Est effectué très rapidement, en quinze jours, et il est essentiellement l’œuvre des trois
commissaires royaux. Le 4 juin 1814, la nouvelle constitution est présentée publiquement
devant les membres du Sénat et du corps législatif auxquels s’ajoutent de nombreux diplomates
étrangers qui sont impatients de savoir de quel régime la France va se doter. Ce nouveau texte est
qualifié de charte constitutionnelle. D’un point de vue matériel, cette charte du 4 juin 1814 est un
texte assez court : le plus court entré en vigueur en France : cette charte est composés d’un
préambule, suivi d’un dispositif subdivisé en huit titres et comprenant 76 articles. Cette charte
instaure une monarchie constitutionnelle, fondée sur la théorie de l’octroi royal. Par ailleurs, le
texte, contient deux types de dispositions : le titre premier consacre « un droit public des
français » et les titres suivants organisent les pouvoirs constitués.
A°) La théorie de l'octroi royal et l'esprit de la Restauration
Le régime institué en juin 1814 est présenté par les auteurs de la charte comme
s'inscrivant dans la continuité de l'ancien régime (c'est pour ça qu'on parle de restauration). Cette
volonté des partisans des bourbons de renouer le fil du temps rompu en 1789 apparaît clairement
dans le préambule de la charte qui est un texte qu'il faut bien dire rétrograde qui illustre bien
l'esprit qui anime la restauration des bourbons. La volonté d'affirmer la continuité de la dynastie
capétienne de l'ancien régime à la Restauration est symbolisée par le nom même de Louis XVIII
qui se prétend en 1814 dans la 19ème année de son règne commencé selon lui et ses partisans en
1795 à la mort du dauphin Louis XVII. Cela signifie que Louis XVIII serait roi par le seul jeu de
la loi de dévolution de la couronne de l'ancien régime. Il est présenté comme l'élu de Dieu et
comme le seul souverain dans la pure tradition de l'ancien régime. La légitimité et l'autorité de
Louis XVIII sont donc posées comme antérieure à la Charte. Le fondement juridique de la
Charte serait celui précisément de l'octroi royal. Le terme même de charte va en ce sens : ce mot
fait référence aux chartes de franchise concédées au moyen age par les rois capétiens aux villes
pour les libérer des emprises de la féodalité. Dans cette logique, le préambule insiste sur le fait
que la charte procède du propre mouvement du roi, de sa seule volonté, qui agit ainsi pour le bien
commun de ses sujets. Le préambule rejette toute idée de pacte constitutionnel entre le roi et la
nation contrairement au projet sénatorial. Il faut reconnaître que la théorie l'octroi n'est
finalement qu'une pure rhétorique dans la mesure où Louis XVIII ne peut pas faire autrement que
promulguer une constitution ce qui implique que le fondement de la Restauration peut donc
s'expliquer de deux manières contradictoires. Pour certains, la Charte résulte de la seule volonté
du Roi souverain, c'est la thèse officielle. Pour d'autres, la charte est un pacte tacite entre le Roi
et la nation seule souveraine. Cette thèse du pacte tacite va progressivement avoir tendance à
supplanter la première. Finalement, le contenu même de la Charte peut accréditer les deux thèses
(c'est ce qui sera source d'énormes problèmes).
B°) Le droit public des français
Le droit public des français est un ensemble de droit civil conçu comme
des libertés publiques. Ce type de droit apparaissait déjà dans le projet sénatorial mais la Charte
développe bien d'avantage le sujet. La charte, à la différence des premières déclarations
révolutionnaires ne fait aucune référence au droit naturel auquel quasiment personne ne croit
plus en 1814. Cependant les droits consacrés sont très importants car ils ont une valeur
constitutionnelle et sont garantis dans la Charte. Ces droits sont d'autant plus importants qu'ils
appartiennent à tous les français et françaises sans aucune distinction. On peut constater que ce
droit public est une incontestable concession au passé révolutionnaire, et qu'il va peut être même
au delà de la tradition révolutionnaire.
En premier lieu, la Charte consacre l'égalité civile de tous les français
devant la loi et devant l'impôt. Tous les français sont également admissibles aux emplois publics.
Cependant, au delà de cette égalité de principe, on constate que la Charte restaure les titres de
l'ancienne noblesse et conserve ceux de la noblesse d'empire mais tous ces titres sont purement
honorifiques et ne confèrent aucun privilège.
En deuxième lieu, la Charte consacre la liberté individuelle, elle consacre
particulièrement d'une part la liberté d'opinion et de culte et d'autre part, la liberté d'expression
(c'est autre chose que la liberté d'opinion) sous réserve des limites qui pourront être fixées par la
loi. La charte va jusqu'à donner une espèce de caractère rétroactif aux libertés d'opinion et
d'expression en précisant que (article 11) "Toutes recherches des opinions et votes émis jusqu'à
la Restauration sont interdites". Il s'agit de réconcilier tous les français et de rassurer sous forme
d'une espèce d'amnistie tous ceux qui ont pris une part active à la Révolution et à l'empire. C'est
une forme de prix à payer pour Louis XVIII pour être Roi (si le Roi ne rassure pas tous ceux qui
ont pris part à la révolution, il a peu de chance d'être Roi). En troisième lieu, la Charte consacre
la sûreté individuelle ce qui implique le maintient des grands principe révolutionnaires de
l'égalité des incriminations, de l'égalité des peines, de non rétroactivité du droit pénal et de
présomptions d'innocence. En dernier lieu, la Charte consacre le droit de propriété comme
inviolable et elle prévoit que l'expropriation est cependant possible à trois conditions qui
rappellent très directement l'article 17 de la déclaration de 1789 : un intérêt public, une indemnité
préalable et le suivi des formes prévues par la loi. S'agissant du droit de propriété, la Charte fait
une énorme concession au passé révolutionnaire en admettant le caractère inviolable des
propriétés dites "nationales" provenant de l'achat de biens nationaux. A l'origine, sous la
Révolution, ce que l'on appelle les biens nationaux regroupent les biens du Clergé nationalisé et
les biens des émigrés confisqués. Tous ces biens nationaux qu'ils soient d'origine d'Eglise ou
d'origine des émigrés ont été confisqué nationalisés au profit de l'Etat, tout cela est venu remplir
le domaine de l'Etat. Tous ces biens ont été mis en vente. La plupart ont été acheté par des
particuliers à l'Etat. Ces ventes de biens nationaux ont donné lieu à un extraordinaire transfert de
propriété. En 1814, un tiers de la population détient des biens d'origine nationale et plus
précisément, les biens d'origine nationale confisqués aux émigrés : Si en plus on y ajoute les
biens qui viennent de la nationalisation du patrimoine du clergé, c'est peut être la moitié de la
population qui est concernée. Il est, en 1814, impensable de revenir en arrière et de restituer les
biens à leur ancien propriétaire sans provoquer ce qui serait une nouvelle révolution. C'est ici
tout simplement le fait que la Charte rasure solennellement ce que l'on appelle les acquéreurs de
biens nationaux. Louis XVIII ne peut pas ne pas concéder l'inviolabilité des biens nationaux sans
lever une levée de boucliers révolutionnaires. La consécration de tous ces droits par la Charte
traduit l'affirmation d'un constitutionnalisme libéral très avancé pour son époque dans la mesure
où en 1814, seuls de rares pays comme l'Angleterre et les Etats-Unis d'Amérique connaissent des
droits constitutionnels comparables. La charte organise parallèlement les pouvoirs constitués.
C°) L'organisation des pouvoirs constitués
La monarchie constitutionnelle établie par la Charte de 1814 se caractérise d'une
part par la prédominance du Roi (qui va de soit car considéré comme souverain de droit divin) et
par la subordination d'un parlement bicaméral.
1°) La prédominance du Roi
a°) Le statut du Roi
Le Roi bénéficie d'une indépendance statutaire total. Tout d'abord,
il est inviolable : il est intouchable. L'accession au trône a lieu conformément à l'ancienne loi de
dévolution de la couronne de l'ancien régime. La succession est masculine et catholique et la loi
d'indisponibilité et de nouveau en vigueur ce qui signifie que toute abdication est impossible. Par
ailleurs, le roi est rétabli dans sa dignité de roi de France élu de Dieu, il est à nouveau seul
souverain sans pour autant être absolu car il est impossible de revenir totalement à la situation
antérieure à 1789. Comme le roi n'est pas absolu mais qu'il est souverain, la charte de 1814 lui
attribue dans cette perspective de très larges pouvoirs.
b°) Les pouvoirs du roi
En premier lieu, le Roi participe de manière primordiale à la
fonction législative. Le roi a le monopole de l'initiative législative; Les chambres ne peuvent que
"supplier le Roi de proposer une loi" et le roi est totalement libre d'accepter ou de refuser les
supplications des chambres. De plus, le roi a la faculté de déposer ses projets de loi devant l'une
ou l'autre des deux chambres sauf en matière d'impôt ou la chambre des députés doit être saisi en
première. Le roi maîtrise d'autant mieux la rédaction des lois qu'il dispose du droit d'accepter ou
non les éventuelles amendements présentés par les chambres en cours de discussion. Le roi n'a
aucun droit de veto tout simplement parce que ce droit est considéré comme inutile car les droits
viennent du Roi et amendements éventuels soumis à l'acceptation du Roi. En second lieu, le Roi
monopolise l'exercice de la fonction exécutive c'est à dire tout : le roi est le chef des armées, il
dirige seul la politique extérieur en déclarant la guerre et en faisant les traités sans besoin de
l'approbation des chambres. Le roi est au sommet de l'administration et à ce titre notamment il
nomme tous les agents de l'administration. Le roi est chargé de promulguer les lois et de veiller à
leur exécution. Le roi dispose d'un pouvoir réglementaire largement entendu. Il possède d'une
part un pouvoir réglementaire subordonné, de rendre des ordonnances pour exécuter les lois c'est
à dire des ordonnances qui ne viennent pas interférer sur la loi mais qui viennent l'expliquer. Le
roi possède d'autre part un pouvoir réglementaire autonome lorsque "la sûreté de l'Etat est en
jeu". En cas de crise de l'Etat, le roi a le pouvoir de légiférer par le biais d'ordonnances en se
passant de la voie ordinaire du vote des lois par le parlement. En troisième lieu, la Charte donne
l'impression d'un retour en arrière à la justice retenue de l'ancien régime car son article 57
affirme que "toute justice émane du Roi". Cette attribution est purement symbolique et signifie
seulement que la justice est rendue au nom du Roi La justice reste déléguée à des juridictions
héritées de la Révolution et de l'époque Napoléonienne que d'ailleurs la Charte maintient
expressément. Les magistrats sont inamovibles. Le roi participe seulement à la fonction
judiciaire par son pouvoir de nomination des magistrats et par son droit de grâce. Le roi, pour
exercer tous ses pouvoirs est assisté de ministres qu'ils nomment et révoquent librement. Les
ministres sont placés à la tête des grandes branches de l'administrations étatique et sont chargés
d'exécuter les lois et les ordonnances royales. Enfin, les ministres doivent contresignés tous les
actes royaux et sont responsables pénalement devant les chambres. Toutes les attributions du roi
lui assurent une prédominance sur le second organe constitué qui prend la forme d'un parlement
bicaméral subordonnée.
2°) La subordination d'un parlement bicaméral
La charte instaure un bicaméralisme inspiré du modèle anglais. La
charte institue une chambre des pairs et une chambre des députés des départements. Les deux
chambres sont composées et organisées de manière différente. En revanche, leurs attributions
sont analogues.
a°) La composition et l'organisation des deux chambres
Les deux chambres sont désignées selon des règles très
différentes. S'agissant de la chambre des pairs qui hiérarchiquement arrive avant la chambre des
députés, est de type aristocratique. Les pairs sont nommés exclusivement par le Roi, il n'y a pas
d'âge minimal pour devenir pair mais il faut avoir au moins 25 ans pour siéger et au moins 30 ans
pour délibérer. Les pairs sont inamovibles, mais le Roi décidé si un pair est nommé de façon
viagère ou héréditaire. En cas d'hérédité, le titre se transfère de père en fils par ordre de
primogéniture mais seulement en ligne direct, pas de collatéral. La chambre des pairs n'est pas
par principe héréditaire. Le roi peut nommer un nombre illimité de pair ce qui lui permet de
procéder à d'éventuels "fournées de pairs" pour obtenir une majorité favorable en cas de
nécessité. La chambre des pairs est composée de manière à pouvoir soutenir le Roi face à
l'hostilité éventuelle de la chambre des députés.
La chambre des députés est une chambre élue sensée
représenter la nation. Le suffrage est censitaire. Pour être électeur, il faut avoir au moins 30 ans
et payer une contribution directe d'au moins 300 francs ce qui était une somme très importante à
l'époque. Pour être élu député, il faut avoir au moins 40 ans et payer une contribution directe
d'au moins 1000 francs. Le nombre total des députés et les conditions d'élection ne sont pas fixés
par la Charte mais relèvent des lois électorales. La Charte prévoit que les députés sont élus pour
cinq ans et indéfiniment rééligibles mais pour éviter toute stabilité la chambre des députés est
renouvelée par cinquième tous les ans. Les règles électorales fixées par la Charte vise à éviter
que la chambre des députés puisse être dangereuse pour le Roi en faisant en sorte qu'elle soit une
chambre conservatrice représentant les intérêts des notables fortunés. Le roi peut éventuellement
modifier ou faire modifier les règles électorales dans un sens qui lui soit favorable.
A propos de l'organisation. La grande idée est que les deux
chambres sont organisées de manière à pouvoir être contrôlées par le Roi. Les chambres doivent
être réunie chaque année mais ne peuvent se réunir que sur convocation du roi qui fixe la durée
des sessions. Les deux chambres ont des sessions identiques qui débutent et finissent les mêmes
jours. La chambre des pairs est indissoluble. En revanche, la chambre des députés est sous la
menace constante du droit de dissolution royale. Toutefois, en cas de dissolution, pour éviter une
suppression indirecte de la chambre des députés, des élections doivent être organisées très
rapidement de manière à ce qu'une nouvelle chambre des députés puisse être convoqué dans les
trois mois de la dissolution. La chambre des pairs est présidées par le chancelier de France qu'il
soit ou non ministre de la justice en titre. En son absence, cette chambre est présidée par un pair
nommé par le Roi.
La chambre des députés est nommé par le Roi sur une liste
de cinq membres présentée par cette chambre. Tandis que les séances de la chambre des pairs
sont secrètes, celles de la chambre des députés sont publiques.
b°) Les attributions des deux chambres
Les deux chambres ont quasiment pour seul attribution l'exercice
partielle de la fonction législative ce qui est à la fois peu et beaucoup. Leurs compétences sont
quasiment identiques. La seule différence qui existe est que les projets de lois en matière fiscal
doivent d'abord passer devant la chambre des députés. Les chambres n'ont aucune initiative
législative. Elles ne peuvent que supplier le Roi de proposer une loi. Les deux chambres ont le
même droit de libre discussion des lois : au sein des deux chambres on peut dire ce qu'on veut. Il
y a une limite à cela : les chambres ne peuvent pas amender d'elles même les projets de loi.
Enfin, les chambres ont le même libre droit de vote des lois qu'elles acceptent ou rejettent. Ce
droit qui peut paraître restreint est en fait énorme : pour qu'une loi passe, il faut qu'elle soit votée.
Pour qu'une loi soit définitivement adoptée, elle doit être votée dans les mêmes termes par les
deux chambres. Parallèlement à la fonction législative, la chambre des pairs a le privilège de
pouvoir se constituer en haute cour de justice. Ainsi, elle siège comme cour des pairs, pour juger
des crimes de haute trahison et des attentas à la sûreté de l'Etat.
En conclusion, la charte de 1814 organise les pouvoirs d'une
manière favorable au Roi afin que la nouvelle monarchie puisse s'inscrire dans la durée. L'oeuvre
constitutionnelle de 1814 va être rapidement remise en cause en raison des maladresses
commises par les nouveaux gouvernants. L'échec de la première restauration est directement issu
de la faute de ceux qui ont gouvernés.
§3 : L'échec et la chute de la première restauration
Dès son accession officielle au trône le 4 juin 1814, il s’efforce de s’attirer le
soutient des anciens membres du Sénat et du Corps législatif auquel il a imposé la charte sans
véritable concertation. D’une part, il nomme pair de nombreux anciens sénateurs. D’autre part,
en vertu d’une disposition transitoire de la charte, la chambre des députés est initialement
composée des seuls anciens membres du corps législatif en fonction le 4 juin 1814. Le premier
renouvellement d’un cinquième devant avoir lieu au plus tard en 1816. L’ancien sénat et l’ancien
corps législatif sont maintenus dans un premier temps. Cependant, Louis XVIII collabore peu
avec les chambres, il a tendance surtout au début à légiférer seul par ordonnance et peu de projets
de lois sont déposés devant les chambres ce qui mécontente de nombreux pairs et députés. Autre
problème, le Roi et ses ministres n’ont pas de véritable politique. Cela se matérialise de
différentes façons : les ministres se concertent peu entre eux et chaque ministre travaille
directement avec le Roi. Les actes royaux pris sur le conseil d’un ministre sont souvent publiés
sans que les autres ministres en soient informés. La seule limite politique suivie par la royauté est
de garantir la paix obtenue par le traité de Paris du 30 mai 1814 signé avec les principales
puissances européennes, traité qui rétablit la France dans ses frontières telles qu’elles étaient
fixées en 1792 (avant que la France n’entre en guerre). La paix est évidemment très importante
pour les français, d’autant plus que la paix, ils ne la connaissent pas depuis 1792. La paix ne
constitue pas à elle seule une politique générale. Autre problème, certains changements de
symbole mécontentent une large partie de l’opinion publique. La cocarde tricolore de la
révolution et de l’empire est remplacée par la cocarde blanche de la royauté. Autre changement
de symbole : la marseillaise est interdite. Non seulement elle est interdite mais toute expression
de la marseillaise est sévèrement punie.
Au-delà de ces changements de symbole, le nouveau pouvoir commet de nombreuses
autres maladresses, notamment dans trois domaines politiquement sensibles qui sont :
1°) La religion et l’Eglise catholique
2°) Les biens nationaux
3°) L’armée
1°) La religion et l’Eglise catholique
La première maladresse apparaît dans la Charte elle-même qui tout en
garantissant la liberté des cultes restaure la religion catholique comme religion d’Etat dans la
tradition de l’Ancien régime. Une ordonnance du 7 juin 1814 rétablit le repos obligatoire les
dimanches et jours fériés avec pour arrière pensée d’obliger les français à aller à la messe. Non
seulement, cette mesure heurte les consciences mais ce qui n’avait pas été envisagé, elle entrave
la liberté du commerce et du travail et concrètement dans la France de l’époque, elle menace de
ruiner tous les petits métiers. Plus généralement, le pouvoir prend toute une série de mesures qui
visent à rétablir l’importance de l’Eglise catholique dans la société. Louis XVIII va jusqu’à
entamer des négociations avec Rome pour réviser le concordat de 1801 (pour renforcer la place
de l’Eglise dans l’Etat). Dans ces conditions, la pacification religieuse obtenue par Napoléon
risque à tout moment d’être remise en cause ce qui inquiète beaucoup l’opinion publique y
compris chez les catholiques.
2°) Les biens nationaux
D’une manière générale, les anciens émigrés et notamment ceux qui ne
reviennent qu’en 1814 sont en position de force depuis le retour de Louis XVIII et ne cesse de
réclamer la restitution des biens ont-ils ont été dépossédés. Dans certaines régions comme la
Bretagne et le Midi ils exercent de fortes pressions pour intimider les acquéreurs de biens
nationaux. Le pouvoir qui est au courant ne fait rien contre ces manœuvres et donc ne rassure pas
les acquéreurs de biens nationaux. Au contraire, à l’initiative du roi est adopté une loi du 5
décembre 1814 qui prévoit la restitution aux immigrés des biens nationaux non vendus et restés
en la possession de l’Etat. Juridiquement, cette loi ne viole pas le principe constitutionnel posé
par la Charte de l’inviolabilité des propriétés nationales d’autant plus qu’elle consacre
l’irrévocabilité des ventes de biens nationaux réalisés antérieurement à la Charte. Cette loi
inquiète quand même les acquéreurs de biens nationaux qui craignent qu’elle ne soit qu’un
premier pas vers une restitution générale.
3°) L’armée
L’armée est un énorme problème pour le pouvoir sous la première
Restauration pour au moins deux raisons. D’une part, l’armée est suspecte sans doute à juste titre
de ne pas apprécier les bourbons et d’être toujours attaché à son ancien chef Napoléon. D’autre
part, les effectifs militaires sont très nombreux car ils correspondent à une armée en temps de
guerre et non plus à une armée en temps de paix. Ces gros effectifs sont de plus très coûteux pour
les finances de l’Etat. Pour régler le problème posé par l’armée, le pouvoir va utiliser l’argument
de la nécessité d’alléger les dépenses militaires pour obtenir un équilibre budgétaire. Des
régiments sont purement et simplement licenciés. Par ailleurs, une ordonnance du 16 décembre
1814 met à la retraite de nombreux officiers ou les place en position de non activité avec une
demi solde.
De très nombreux militaires sont renvoyés « à la vie privée » dans des
conditions matérielles parfois misérables. Il va de soit qu’ils en veulent à Louis XVIII et
regrettent Napoléon. Toutes ces maladresses, provoquent un large mécontentement et une grande
partie de l’opinion publique est rapidement lassés des bourbons. C’est dans ce contexte qui n’est
pas favorable aux bourbons que Napoléon décide son retour au pouvoir.
Section 2 : Les cents jours : de mars à juillet 1815
Il faut préciser que les cents jours peuvent chronologiquement se
définir de deux manières qu'on pourrait appelé une manière stricte et une manière large. D'un
point de vue stricte, les cents jours vont du retour de Napoléon à Paris le 20 mars 1875 jusqu'à sa
seconde abdication le 22 juin 1815. D'un point de vue large les cents jours vont de la fuite de
Louis XVIII en mars 1815 jusqu'à son second retour en juillet 1815. Les cents jours sont un
moment extraordinaire de l'histoire de France au cours duquel on assiste tours à tour au retour de
napoléon et à la chute de Louis XVIII à la formation d'un nouveau régime fondé sur un nouveau
texte constitutionnel appelé acte additionnelle aux constitutions de l'Empire du 22 avril 1815.
Après cela, on assiste à l'échec définitif de Napoléon et de ce nouveau régime, on assiste ensuite
à l'élaboration d'une autre constitution dite projet de la chambre des représentants du 29 juin
1815 et enfin à l'échec de ce projet et au second retour de Louis XVIII.
§1 : Le retour de Napoléon et l'acte additionnel aux constitutions de l'empire
Napoléon en vertu du traité de Fontainebleau du 11 avril 1814 est exilé sur
l'île d'Elbe sur laquelle on lui a offert le droit d'être souverain. Au départ, Napoléon semble se
contenter de cette situation. Cependant, rapidement Napoléon est informé du mécontentement à
l'égard des bourbons et ses partisans le poussent à profiter de la situation et à reprendre le
pouvoir. Après des hésitations, Napoléon se décide à effectuer son retour. Le 26 février 1815, il
s'embarque avec 1000 hommes et quitte illégalement l'île d'Elbe pour gagner la France. Il
parvient à échapper à la faible vigilance de la marine anglaise et débarque avec ses troupes au
Golf Juan près de Cannes le 1er mars 1815. Il faut bien comprendre qu'à ce moment là, Napoléon
n'est qu'un aventurier dont les chances de succès sont à priori nulles. La nouvelle du
débarquement de Napoléon arrive à paris seulement le 5 mars. Cette nouvelle suscite l'incrédulité
générale, puis rapidement une certaine satisfaction paradoxale parce que les royalistes pensent
que l'occasion leur ait enfin facilement offerte de se débarrasser finalement de Napoléon. Dans
cette perspective, le frère du Roi (comte d'Arthois, future Charles X) est chargé de diriger l'armée
contre l'ancien empereur. Les militaires font majoritairement défection et refusent de lutter
contre leur ancien chef. Le roi se trouve ainsi privé de toute force, il ne peut pas jouer
militairement contre Napoléon car l'armée ne veut pas. Au delà de cela, le roi et ses ministres se
montrent incapables de prendre des mesures efficaces pour lutter contre Napoléon tant et si bien
qu'au bout de quelques jours, Louis XVIII et ses proches finissent par prendre peur et décident de
fuir : le Roi quitte Paris le 19 mars et se réfugie en Belgique à Gand. Pendant ce temps là,
Napoléon quitte la France, il ne rencontre aucun obstacle, partout où il passe, il est acclamé par
le peuple qui le considère comme un libérateur le 20 mars 1815. Si Napoléon prend
tranquillement un pouvoir laissé vaquant, la situation n'est en réalité pas simple. Napoléon a
conscience qu'il doit faire des concessions pour se maintenir au pouvoir. Il sait qu'il ne peut pas
rétablir un empire autoritaire tel qu'il était avant sa chute; aussi, dès le 13 mars 1815 (avant
même d'être revenu à Paris), Napoléon avait pris plusieurs décrets fondamentaux sur le plan
constitutionnel. D'une part il a dissout les chambres de la restauration ce qui implique plus
largement une abrogation tacite de la charte de 1814. D'autre part, Napoléon a convoqué pour le
mois de mai 1815 les collèges électoraux de département à Paris afin de "corriger et modifier les
constitutions de l'Empire". Cette espèce d'énorme assemblée constituante comprend environ
20000 personnes ne jouera finalement pas son rôle. Néanmoins, fin mars 1815, Napoléon
désigne une commission chargée de préparer une révision des constitutions de l'Empire.
Parallèlement, Napoléon décide de façon très symbolique de demander un projet constitutionnel
à Benjamin Constant (ancien tribun épuré en 1802, opposant de toujours à Napoléon et qui passe
pour être le plus grand théoricien libéraliste de son époque. A la surprise générale, Constant
accepte, il rédige un projet qui va être retenu par Napoléon et la commission de constitution et
qui va finalement être entériné au conseil d'Etat le 22 avril 1815. Ce nouveau texte inoriquement
qualifiée parfois de Benjamine est précisément intitulé "acte additionnel aux constitutions de
l'Empire".
B°) L'acte additionnel aux constitutions de l'Empire du 22 avril 1815
Comme son nom l'indique, l'acte additionnel modifie et complète les
constitutions dites de l'Empire à savoir la Constitution du 13 décembre 1799, les senatus consult
des 2 et 4 août 1802 et le Senatus consult du 18 mai 1804. Dans toutes leurs dispositions non
abrogées par l'acte additionnel. Ainsi, l'empire est rétabli, mais les apports de l'acte additionnel
sont suffisamment substantiels pour que l'on puisse parler de l'instauration d'un nouveau régime.
D'ailleurs l'acte additionnel est un texte d'une taille comparable à la Charte de 1814 ce qui est
long pour une révision constitutionnelle. L'acte additionnelle est composé d'un préambule divisé
en 6 titres et comportant 67 articles.
L'acte additionnel établit une monarchie impériale constitutionnel fondée
de manière ambigu à la fois sur le principe de souveraineté populaire et sur un prétendu droit
divin et dynastique de Napoléon. Par ailleurs, l'acte additionnel défini des "droits des citoyens
largement inspirés du droit public des français de la Charte de 1814 mais dans un sens plus
libéral. On trouve une abrogation de toute religion d'Etat très explicitement et également
prohibition de toute forme de censure. Enfin, l'organisation des pouvoirs constitués est
partiellement calqué sur le modèle de la Charte de 1814. En effet, l'acte additionnel sans
restaurer l'autoritarisme du consulat et du premier empire consacre néanmoins la prépondérance
de l'empereur et la subordination d'un parlement bicaméral.
1°) La prépondérance de l'empereur
a°) Le statut de l'empereur
Dans la perspective du principe de souveraineté populaire, le chef
de l'Etat porte le titre d'empereur des français. L'empereur bénéficie d'une indépendance
statutaire relative, il y a indépendance au sens où la dévolution de la couronne impériale se fait
exclusivement de père en fils par ordre de Primogéniture. Il y a quand même une espèce de
limite : l'empereur n'a pas expressément la garantie de l'inviolabilité. Ce qu'il faut comprendre
c'est qu'aucun mécanisme ne permet aux chambres de renverser l'empereur. L'empereur reste
dans la tradition césarienne responsable de ses actes devant le peuple.
b°) Les pouvoirs de l'empereur
L’idée de base est que l’empereur dispose de pouvoirs très
larges. Tout d’abord, en matière législative, il a le monopole de l’initiative et il a le droit
d’accepter ou de refuser les amendements des chambres. Il n’a pas le droit de veto, considéré
comme inutile puisqu’il maîtrise la rédaction du texte. Par ailleurs, l’empereur monopolise le
pouvoir exécutif largement entendu. Enfin, l’empereur participe à la fonction judiciaire par son
pouvoir de nomination des magistrats et par son droit de grâce. Pour exercer tous ces pouvoirs,
l’empereur bénéficie du soutient de tout l’appareil exécutif. En premier lieu, il est aidé par le
Conseil d’Etat. Le conseil d’Etat est l’auxiliaire essentiel de l’empereur. D’une part, comme
rédacteur de tous les projets de loi et d’autre part en raison de sa position au sommet du système
administratif à coté du chef de l’Etat. En plus, il est assisté de ministres qu’il nomme et révoque
librement. Ils sont placé à la tête des grandes branches de l’administration étatique est sont
chargés d’exécuter les lois et les décrets impériaux. Tous les actes de l’empereur doivent être
contresignés par un ministre et les ministres sont responsables du contenu des actes signés par
eux. Cette responsabilité n’étant envisagé que d’un point de vue pénal devant les chambres. Les
chambres restent néanmoins dans une position de subordination.
La subordination d’un parlement bicaméral
Le parlement est composé d’une chambre des pairs, de type aristocratique et
d’une chambre des représentants élus censé représenter le peuple
a°) La composition et l’organisation des deux chambres
La chambre des pairs est composée de membres nommés exclusivement
par l’empereur. Le nombre de pairs est illimité. Il n’y a pas d’âge minimal pour devenir pair mais
il faut avoir au moins 21 ans pour siéger et au moins 25 ans pour délibérer. Les pairs sont tous
inamovibles et héréditaires, de père en fils par ordre de primogéniture. La chambre des pairs
bénéficie d’une certaine indépendance statutaire ce qui ne va pas du tout être le cas de l’autre
chambre, la chambre des représentants.
La chambre des représentants est élue. Le suffrage est partiellement
censitaire et indirect. Le système d’élection est celui des collèges électoraux fixé par les senatus
consult de 1802 et 1804 et révisé par l’acte additionnel. A la base, les citoyens, c'est-à-dire tous
les hommes âgés d’au moins 21 ans élisent les membres des collèges électoraux
d’arrondissement et de départements qui vont jouer le rôle de grand électeur. Pour être élu
membre d’un collège d’arrondissement, il suffit d’être un citoyen. En revanche, pour être élu
membre d’un collège de département en plus d’être citoyen, il faut figurer sur la liste des 600
plus imposés du département. Les collèges électoraux ont désormais non plus un simple droit de
présentation des candidats mais un véritable pouvoir d’élection des représentants. Pour être
représentant, il suffit d’être un citoyen et d’avoir au moins 25 ans et il n’y a aucune condition de
cens. Le nombre de représentant est fixé à 629 : idée que le nombre est élevé de manière à
assurer une bonne représentation. Les représentants sont élus pour cinq ans et indéfiniment
rééligible : la chambre des représentant est conçu de manière bien plus libéral que la chambre des
députés sous la Charte de 1814. Mais, ce « libéralisme » est tempéré par les règles d’organisation
des deux chambres. Les deux chambres sont organisées de manière à pouvoir être contrôlées par
l’empereur. Tout d’abord, les chambres doivent être réunies chaque année, mais elles ne
peuvent se réunir que sur convocation de l’empereur. Les sessions sont identiques pour les deux
chambres. Contrairement à la Charte, les séances des deux chambres sont publiques. Si la
chambre des pairs est indissoluble, en revanche, la chambre des représentants est sous la menace
constante d’un droit de dissolution de l’empereur. En cas de dissolution, des élections doivent
être organisées de manière à ce qu’une nouvelle chambre des représentants puisse être
convoquée dans les six mois. Enfin, la chambre des pairs est présidée par celui que l’on appelle
l’archi chancelier de l’empire ou en son absence par un pair nommé par l’empereur. En
revanche, la chambre des représentant élit elle-même son président en son sein mais cette
élection est soumises à l’approbation de l’Empereur. Si l’organisation des deux chambres est
largement différente, en revanche, leurs attributions sont semblables. Les deux chambres ont
quasiment pour seule attribution le même exercice partiel de la fonction législative. Les
chambres n’ont aucun pouvoir d’initiative, il est monopolisé par l’empereur. Cependant, chaque
chambre peut inviter l’empereur a déposé une loi et elle peut faire cette invitation sans avoir
besoin de l’approbation de l’autre chambre. Par ailleurs, les chambres ont le même libre droit de
discussion des lois. Elles peuvent proposer des amendements mais ces amendements doivent être
approuvés par l’Empereur. Enfin, les chambres ont le même libre droit de vote des lois qu’elles
acceptent ou rejettent. Pour qu’une loi soit définitive, elle doit être votée dans les mêmes termes
par les deux chambres. Parallèlement à la fonction législative, les chambres ont le droit
d’engager la responsabilité pénale des ministres sans que les motifs de l’engagement de la
responsabilité soient bien précisées par l’acte additionnel : conçu d’une manière assez large. La
chambre des représentants a le monopole de l’accusation et la chambre des pairs a le monopole
du jugement. L’acte additionnel est plus libéral que la Charte mais le régime qu’il met en place
va être encore plus éphémère que la première restauration.
§2 : La chute de Napoléon et l’échec du nouveau régime impérial
L’acte additionnel conformément à la tradition césarienne est soumis à un
plébiscite. Ce texte est majoritairement approuvé par le peuple et cette fois les résultats ne sont
pas truqués. Cependant, cet apparent succès est en réalité un échec car le taux d’abstention est de
80%. Cette énorme abstention a deux origines : D’une part, les royalistes partisan des bourbons
se sont abstenus pour manifester leur rejet de Napoléon. D’autre part, et d’une manière plus
large, de nombreux citoyens se sont abstenus pour éviter d’exprimer qu’ils ne croient plus en
Napoléon et qu’ils trouvent l’acte additionnel encore trop autoritaire et insuffisamment libéral.
Cette désaffection de l’opinion publique n’empêche pas le nouveau régime de se mettre en place.
Pour des motifs d’urgence, l’acte additionnel est mis en vigueur dès le 22 avril 1815 avant même
d’être soumis au plébiscite. Par conséquent, les corps constitués se forment, Napoléon prend ses
pouvoirs et nomment une chambre des pairs. Puis, c’est le dernier organe constitué qui reste à
former, la chambre des représentants est élue en mai 1815.
----------------------La composition de cette chambre annonce les résultats du plébiscite et
l'absence de ralliement à Napoléon. Les représentants sont en très grande majorité des libéraux et
des jacobins hostiles à Napoléon.
Cette hostilité va se manifester immédiatement dès les premières réunions de la chambre
des représentants début juin 1815. Elle va prendre trois formes :
Tout d'abord, lors de l'élection de son président, la chambre des représentants repousse la
candidature du frère de Napoléon, Lucien Bonaparte et préfère élire de manière symbolique
Langevinet, ancien conventionnel, fondateur du club des jacobins. Il a été l'un des rares sénateurs
à s'opposer à Napoléon sous le Sénat et le 1er empire. Plusieurs représentants suite aux élections
expriment publiquement à la chambre que Napoléon est un usurpateur illégitime. Enfin, la
chambre expose que l'action additionnel est insatisfaisant et qu'il faut réviser une nouvelle fois
les constitutions de l'Empire. La chambre des représentants entend non seulement législatif
mais également et surtout constitutionnel. Parallèlement à cette opposition libérale de la
chambre des représentants, de graves soulèvement royalistes se développent dans l'ouest et le sud
est de la France. Pour Napoléon, le principal danger ne se situe pas à l'intérieur du Pays mais
vient de l'extérieur. En effet, dès le 25 mars 1815, les grandes puissances européennes ont formé
une nouvelle coalition. Napoléon ne cesse de répéter qu'il veut le maintient de la paix ce qui est
profondément vrai mais L'Europe ne le croit pas et surtout veut se débarrasser définitivement de
lui. Il sait qu'il n'a quasiment aucune chance car les troupes française sont très inférieures en
nombre aux armées étrangères coalisées. Cependant, Napoléon, conformément à sa tactique
classique décide de prendre l'initiative et se porte avec ses troupes au devant des armées
étrangères en pénétrant en Belgique à la mai juin 1815. Napoléon est logiquement vaincu à
Waterloo le 18 juin 1815.
De retour à Paris, Napoléon sous la pression de la chambre des représentants abdique
pour la seconde fois et dernière fois le 22 juin en faveur de son fils. Parallèlement à cette
abdication conditionnelle, le même jour (22 juin 1815), la chambre es représentants désigne pour
combler la vacance du pouvoir exécutif une commission de gouvernement provisoire de 5
membres dirigeait par Fauchet, ancien ministre de la police de Napoléon, qui est l'homme fort du
moment, parallèlement, la chambre des représentants conformément à ses intention manifestées
début juin, s'empare du pouvoir constituant. La chambre après avoir pensé simplement réviser la
constitution de l'empire, décide de rédiger une nouvelle constitution et une comission de
constitution par la voix de son rapporteur Manielle présente un projet de constitution le 29 juin
1815.
§3 : L'échec du projet de constitution de la chambre des représentants du 29 juin 1815
Le projet des représentants est un texte divisé en 10 chapitres et comprenant 124 articles
c'est à dire plus long que les autres textes constitutionnelles de la période. Il est complété par
"une déclaration des droits des français et des principes fondamentaux de leur constitution" de 13
articles discutés puis votés par les représentants le 5 juillet 1815. Le projet de constitution lui
même est discuté et une cinquantaines d'articles sont adoptés les 6 et 7 juillet 1815. Le travail
constituant est alors stoppé par la fermeture de la salle de réunion de la chambre des
représentants consécutivement au retour de Louis XVIII.
A°) La monarchie constitutionnelle équilibrée établie par le projet des représentants
Ce projet sera admis à la monarchie constitutionnelle ce qui montre bien qu'elle
est la forme de régime qui fait l'objet d'un véritable consensus en 1814-1815. Le seul problème
est lié au détenteur de la souveraineté et à l'organisation des pouvoirs qui vont en découler. Pour
les représentants, la base fondamentale du régime est la souveraineté nationale. Le projet des
représentants va tellement loin qu'il ne précise pas qu'elle est la dynastie appelé sur le trône.
Le roi sera celui qui prêtera serment de respecter la constitution avec la condition
que la constitution devra être approuvée par le suffrage universel par la voie du référendum.
Pour les représentants, 2 solutions monarchiques sont possibles : Les bourbons
avec Louis XVIII ou celle des bonapartes avec le jeune Napoléon II. Par ailleurs, le projet des
représentants définit des droits des français en partie inspiré de la Charte et de l'action
additionnel mais de façon beaucoup plus développé et libéral. On y retrouve l'esprit de ce qu'on
appelle "l'habeas corpus" (anglais = tu as ton corps, tu es le propriétaire de ton corps c'est à dire
de ta liberté et de ta sûreté) avait donc une très forte protection de la liberté et de la sûreté
individuelle.
S'agissant de l'organisation des pouvoirs, le projet des représentants est
incontestablement le plus équilibré des textes constitutionnels français depuis 1791. Des
pouvoirs entre un monarque et un parlement bicaméral.
1°) Le monarque
a°) Le statut du monarque
Le projet des représentants emploie systématiquement le mot
"monarque" mais jamais ni le mot "roi" ni le mot "empereur". L'une des raisons de l'emploi du
mot monarque c'est qu'il y a deux solutions possibles : Louis XVIII (ça serait royale) et
Bonaparte (impérial) donc mot neutre.
Le monarque est constitué comme un représentant de la nation. Il
bénéficie d'une indépendance statutaire et la dévolution de la Couronne se fait de père en fils par
ordre de primogéniture. Cependant,le monarque n'est pas totalement libre de ses mouvements.
En effet, le monarque est l'héritier présomptif ne peuvent en aucun cas sortir du territoire français
sans le consentement des deux chambres. Le projet n'indique pas la sanction mais on imagine
qu'il s'agit d'une abdication automatique comme dans la constitution de 1791. A travers cette
disposition, le monarque est dans une certaine mesure subordonné aux chambres sur ce point là.
b°) Les pouvoirs du monarque
Le monarque dispose de larges pouvoirs mais moins importants
que dans la Charte et dans l'acte additionnel. En matière législative, il a seulement l'initiative
concurremment aux chambres. Par ailleurs, le Monarque détient l'essentiel du pouvoir exécutif
avec cependant des limites dans les domaines de l'armée et de la diplomatie. Le monarque ne
peut commander personnellement l'armée qu'avec l'accord des chambres et les déclarations de
guerre et les traités doivent être approuvés par les chambres. Enfin, le monarque participe à la
fonction judiciaire par son pouvoir de nomination des magistrats et par son droit de grâce. Pour
exercer tous ses pouvoirs, le monarque est assisté de ministres qu'il nomme et révoque librement.
----------------------b°) Les pouvoirs du monarque
Le monarque pour exercer ses pouvoirs est assisté de ministres qu'il
nomme et révoque librement. Les ministres sont placés à la tête des grandes branches de
l'administration étatique et sont chargés d'exécuter les lois et les actes du monarque. De manière
tout aussi classique, tous les actes du monarque doivent être contresignés par un ministre.
D'après le projet de la chambre des représentants, les ministres sont responsables devant les
chambres à un double point de vue. Ils sont d'une part explicitement responsables pénalement de
leurs actes dans certains cas énumérés par le projet. C'est la violation des droits reconnus par la
constitution. Les ministres sont d'autre part implicitement responsables de tous leurs actes sur le
plan politique. Le projet des représentants porte en germe le parlementarisme fondé sur le
principe de responsabilité politique des ministres devant le parlement. C'est important parce que
cela révèle la présence de cette idée de parlementarisme en 1875 qui apparaît pour la première
fois dans un texte constitutionnel.
2°) Le parlement bicaméral
Le parlement est composé d'une chambre des pairs de type aristocratique et d'une
chambre des représentants élus. Les deux chambres sont composées et organisées de manière
différentes. En revanche, leurs attributions sont analogues.
a°) La composition et l'organisation des deux chambres
La composition de la chambre des pairs telle qu'elle est prévue par les
représentants est identique à celle prévue par l'acte additionnel. Les pairs sont nommés
exclusivement par le monarque. Le nombre de pairs est illimité. Il n'y a pas d'âge minimal pour
devenir pair mais il faut avoir au moins 21 ans pour siéger et au moins 25 ans pour délibérer. Les
pairs sont tous inamovibles et héréditaires de père en fils par ordre de primogéniture. On voit
donc que la chambre des pairs bénéficie d'une certaine indépendance.
S'agissant de la chambre des représentants, elle est élue. Le suffrage est
partiellement censitaire et indirect. A la base, les citoyens c'est à dire tous les hommes âgés d'au
moins 21 ans élisent des collèges électoraux d'arrondissement et de département. Les membres
des collèges de département doivent être choisis parmi les 600 plus imposés de chaque
département et les membres des collèges d'arrondissement doivent être choisis parmi les 400 plus
imposés de chaque arrondissement. Les collèges électoraux jouent le rôle de grands électeurs en
élisant les représentants. Pour être représentant, il suffit d'avoir au moins 25 ans, il n'y a qu'une
condition d'âge, pas de cens. Le nombre de représentants est fixé exactement comme dans l'acte
additionnel : il est fixé à 629. Les représentants sont élus pour 5 ans et indéfiniment rééligibles.
L'organisation des deux chambres
Les deux chambres doivent être réunies chaque année par le monarque et à défaut
elles s'assemblent de droit le 1er novembre. Les deux chambres ont des sessions identiques dont
la durée est fixée par le monarque. Les séances des deux chambres sont publiques. La chambre
des pairs est indissoluble. En revanche, la chambre des représentants est sous la menace
constante du droit de dissolution du monarque. Toutefois, en cas de dissolution, des élections
doivent être organisées de manière à ce qu'une nouvelle chambre puisse être convoquée dans les
55 jours. Enfin, la chambre des pairs est présidée par le chancelier ou en son absence par un pair
élu par la chambre. Quant à la chambre des représentant, elle élit elle même librement son
président en son sein.
b°) Les attributions des deux chambres
En premier lieu, les deux chambres participent de manière déterminante à la
fonction législative. Elles ont le même droit d'initiative concurremment au monarque. Elles ont le
même droit de libre discussion et d'amendement des lois et ont le même libre droit de vote des
lois. Les chambres ont la possibilité de maîtriser complètement l'élaboration d'une loi voir même
des lois dans leur ensemble.
En deuxième lieu, les chambres participent à la fonction exécutive dans le
domaine de l'armée et de la diplomatie : les chambres doivent donner leur consentement au
commandement personnel de l'armée par le monarque et doivent approuver les déclaration de
guerre et les traités signés par le monarque. En troisième lieu, les chambre ont le droit d'engager
la responsabilité pénale des ministres sachant que la chambre des représentants a le monopole de
l'accusation et la chambre des pairs a le monopole du jugement. Finalement, cette tentative des
représentants d'établir une monarchie constitutionnelle équilibrée va avorter.
B°) L'avortement du projet des représentants
Le projet des représentants reste effectivement sans suite immédiate mais il est
néanmoins fondamental pour l'avenir à deux titres. D'une part, il va servir de programme
constitutionnel à la gauche sous la seconde restauration. D'autre part, il va servir de modèle lors
de la rédaction de "La charte de 1830". Si le projet des représentants avorte dans l'immédiat, c'est
tout simplement en raison du rapide retour à Paris de Louis XVIII dès le 8 juillet 1815 grâce à la
complicité de Fouchet (qui était chef de la commission de gouvernement provisoire) et
également avec l'aide des puissances européennes. Cette aide extérieure a été tellement
déterminante qu'il est devenu d'usage pour "moquer" Louis XVIII de dire qu'il était revenu "dans
les fourgons de l'étranger". Avec ce second retour de Louis XVIII commence la seconde
restauration .
Section 3 : La seconde restauration (juillet 1815-juillet 1830)
Ce qu'il faut bien comprendre, c'est que Louis XVIII et ses partisans se sont efforcés de
rentrer rapidement en France pour ne pas se faire prendre le pouvoir alors vaquant. Le 7 juillet, la
commission de gouvernement provisoire est dissoute. Dans la nuit du 7 au 8 juillet, la salle de
réunion de la chambre des représentants est bloquée : ils ne peuvent plus se réunir. Le 8 juillet,
Louis XVIII entre dans Paris et reprend son trône comme si l'épisode des cents jours n'avait pas
existé. Ce qui est très important c'est que la Charte du 4 juin 1814 est remise en vigueur telle
qu'elle sans aucune modification. Le 9 juillet, Louis XVIII forme "un ministère" et enfin, le 13
juillet, il dissout la chambre des représentants qui en réalité n'existait déjà plus en fait (on faisait
tout pour qu'elle ne puisse pas se réunir, on est passé d'une mort de fait à une mort juridique).
Sous la seconde restauration, la mise en oeuvre de la Charte du 4 juin 1814 donne lieu à
l'émergence du parlementarisme en france. Cette émergence va connaître de sérieuses limites.
§1 : L'émergence du parlementarisme
A°) Position du problème : le silence fondateur de la Charte
Le parlementarisme ou "régime parlementaire" se définit comme un
régime politique dans lequel les organes exécutifs et législatifs collaborent pour mettre en oeuvre
une politique commune tout en disposant de moyens de pression réciproques l'un sur l'autre. Plus
particulièrement, le parlementarisme suppose l'existence d'un organe exécutif à la fois
représentatif de la tendance politique dominante au sein de l'organe législatif et responsable
politiquement devant cet organe législatif. Ceci étant posé, ce que l'on constate tout de suite, c'est
que la Charte du 4 juin 1814 ne prévoit expressément rien de tel et n'institue officiellement aucun
régime parlementaire. En effet, pour qu'il y ait parlementarisme, il faut cet exécutif politiquement
représentatif et responsable devant le législatif or c'est tout le contraire dans la Charte : s'agissant
du Roi, d'une part, son accession et son maintient sur le trône ne dépendent d'aucunes majorités
politiques au sein des deux chambres. Par ailleurs, dans le même ordre d'idée, le roi peut avoir
des idées politiques mais n'a aucun caractère représentatif. D'autre part, le Roi est absolument
irresponsable de ses actes sur le plan politique en vertu de l'article 13 de la Charte qui précise que
sa personne est inviolable. Effectivement, toute la question des éventuels représentativités et
responsabilités politiques de l'exécutif repose sur ce qui entoure le Roi au sein de l'exécutif c'est
à dire les ministres. La Charte est peu explicite sur les ministres. D'abord, elle ne précise pas
comment les fonctions des ministres débutent et prennent des fins dès lors, il est sous entendu
que les ministres sont nommés et révoqués par le roi. La charte ne prévoit pas d'avantage quel
est le rôle des ministres. Il est sous entendu que les ministres sont des exécutants placés à la tête
des grandes branches de l'administration. Enfin, la charte envisage la question de la
responsabilité des ministres mais uniquement sur le plan pénal. Plus précisément les articles 55
et 56 prévoient qu'en cas de crime, de trahison et de concussion, les ministres peuvent être mis en
accusation par la chambre des députés devant la chambre des pairs qui a seule le droit de les
juger. La charte de 1814 ne prévoit rien qui aille dans le sens du parlementarisme : elle aurait
tout à fait pu s'appliquer sans qu'on ne parle jamais du parlementarisme. Cependant, elle va faire
l'objet d'une interprétation parlementariste compte tenu d'un contexte politique favorable. On
constate sous la seconde restauration d'une part, l'apparition d'un ministère politiquement
représentatif et responsable devant les chambres et d'autre part, l'apparition de certains
mécanismes juridique parlementaristes.
B°) L'apparition d'un ministère politiquement représentatif et responsable (devant les
chambres)
Dès les premiers jours de la seconde restauration, le 9 juillet 1815, Louis XVIII
nomme ce qu'il appelle "le Ministère Taléran". En faisant ça, Louis XVIII reconnaît l'existence à
ses côtés d'un Ministère appelé également conseil des ministres ou cabinet composé de
l'ensemble des ministres. Le Ministère est une institution au sens plein du terme considérée
comme devant être uni et solidaire et doté d'une relative autonomie à l'égard du Roi. Par ailleurs
Louis XVIII en nommant Taléran créé la fonction de président du conseil des ministres. Ce
président du conseil est un ministre hiérarchiquement supérieur aux autres considéré comme leur
chef et qui comme l'indique son nom préside les réunions du conseil des ministres. En règle
générale, le président du conseil cumule sa présidence avec un ministère clef : celui des affaires
étrangères (le plus souvent) ou celui de l'intérieur. Le ministère Taléran nommé le 9 juillet est le
premier précédent d'une coutume institutionnelle qui veut que le Roi forme à ses côtés un
ministère relativement autonome doté de son propre chef. Parallèlement à cela, l'idée va se
développer que ce ministère doit être représentatif de la tendance politique majoritaire au sein
des chambres et responsables politiquement devant elle. Cette idée ne vient pas de nulle part, elle
s'appuie sur une interprétation de l'article 13 de la Charte qui prévoit que les ministres du Roi
sont "responsables" sans apporter d'avantages de précisions. A l'origine, nombreux sont ceux qui
pensent que cette utilisation du terme responsable de manière neutre renvoie à la responsabilité
pénale des ministres prévue par les articles 55 et 56. Rapidement, la majorité des hommes
politiques, toutes tendances confondues vont considérer que l'article 13 pose le principe d'une
responsabilité politique des ministres devant les chambres(on utilise le flou du texte). Au delà de
cette interprétation de l'article 13, la représentativité et la responsabilité politique des ministres
résulte d'une nécessité pratique : les deux rois successifs de la restauration, Louis XVIII (jusqu'à
son décès en 1824) puis son frère Charles X de 1824 à 1830 ne peuvent pas faire autrement que
gouverner avec des ministres en tenant compte de l'opinion publique représentée dans les deux
chambres par trois groupes politiques distincts. Ces groupes ne constituent pas encore des partis
politiques au sens contemporain du terme c'est à dire structurés et dont les membres obéiraient
strictement à des consignes de vote. Même s'il n'existe pas encore de partis modernes, les trois
groupes existants dans les chambres sous la seconde restauration préfigure la vie politique
moderne avec une droite, un centre et une gauche qui ont une véritable coloration politique
comme tel.
A droite et à l'extrême droite (même famille à l'époque, se distinguent à peine) on
trouve les ultra royalistes appelés communément les ultras. Les ultras sont particulièrement
attachés à tout ce qui rappelle l'ancien régime, souhaitent effacés tout ce qui se rattache à la
Révolution, sont favorables à l'influence de l'Église catholique dans la vie sociale et sont
partisans de la prépondérance royale.
Au centre, on trouve les "constitutionnels" : ils forment un ensemble peu
homogène qui va du centre gauche au centre droit. Parmi les constitutionnels, se distinguent ceux
qu'on appelle les "doctrinaires" qui eux sont au centre gauche et qui jouent un rôle fondamental
de charnière entre le centre et la gauche. D'une manière générale, les constitutionnels sont des
monarchistes modérés partisan d'un régime équilibré entre le Roi et les chambres.
Enfin, à gauche et à l'extrême gauche, on trouve, les libéraux ou indépendants qui ont en
commun de détester les bourbons et en même temps l'Eglise. Certains sont des nostalgiques de la
Révolution, d'autres sont des admirateurs du modèle anglais. Les libéraux souhaiteraient que les
chambres aient un pouvoir prépondérant.
Tout le problème reste de savoir quel est le poids politique respectif de ces trois grandes
tendances de l'opinion publique.
S'agissant du Roi, Louis XVIII est un constitutionnel de centre droit qui va tout faire pour
favoriser les constitutionnels. Charles X, lui et un ultra pur et dur, va tout faire pour favoriser les
ultras.
S'agissant de la chambre des pairs, à l'origine on n'y distingue aucune majorité claire.
Puis, entre mars 1819 et décembre 1823, elle est à majorité constitutionnelle. Enfin, entre
décembre 1823 et juillet 1830, elle est à majorité ultra.
S'agissant de la chambre des députés, la situation est très fluctuante : entre août 1815 et
septembre 1816, la chambre est à majorité ultra ce qui lui a valu le qualificatif de "chambre
introuvable" au sens où Louis XVIII ne pouvait pas y trouver une majorité pour soutenir sa
politique constitutionnelle. Entre octobre 1816 et novembre 1820, la chambre des députés est à
majorité constitutionnelle. Entre novembre 1820 et novembre 1827, elle redevient à majorité
ultra. Enfin, entre novembre 1827 et juillet 1830, elle est à majorité constitutionnelle.
S'agissant des ministères : entre 1815 et 1830, les libéraux étant toujours minoritaires
seuls les ultras et les constitutionnels ont le pouvoir suffisant pour constituer des ministères. De
juillet 1815 à décembre 1821 se succèdent 5 ministères constitutionnels : on trouve d'abord le
ministère Taléran de juillet à septembre 1815, le "premier ministère Richelieu" de septembre
1815 à décembre 1818, le "ministère Dessole" de décembre 1818 à novembre 1819, le "ministère
Decazes" de novembre 1819 à février 1820, le "second ministère Richelieu" de février 1820 à
décembre 1821.
Les ultras prennent ensuite le pouvoir avec le fameux ministère Villèle, le plus long de la
seconde restauration : de décembre 1821 à décembre 1827. Alternance, les constitutionnels
reviennent avec le ministère Martignac de janvier 1828 à août 1829. Enfin, Charles X impose un
ministère ultra en désaccord avec l'opinion public : le dernier ministère de la restauration le
ministère polignac d'août 1829 à juillet 1830.
Cette succession de ministère traduit une politisation des fonctions des ministres qui ne
sont plus de simples administrateurs. Sous la seconde restauration, dans la logique
parlementariste, les ministres sont avant tout des hommes politiques. Cette évolution de commis
à homme politique est favorisée par la Charte elle même et plus précisément par l'article 54 de la
Charte qui autorise ce que l'on appelle la compatibilité entre les fonctions de ministre et celles de
pairs ou de députés. On constate qu'effectivement qu'entre 1815 et 1830 tous les ministres sans
exception sont membres de la chambre des pairs ou de la chambre des députés. La plupart des
présidents du conseil sont des politiciens de premier plan tous pairs ou députés.
Enfin la succession de 8 ministères sous la seconde Restauration est en partie le résultat
de la mise en oeuvre de mécanismes juridiques parlementaristes.
C°) L'apparition de mécanismes juridiques parlementaristes
Ces mécanismes sont des moyens de pression visant à assurer la collaboration
entre les ministres et les chambres et par conséquent visant à mettre à l’épreuve la
représentativité et la responsabilité politique du ministère. Certains de ces mécanismes
appartiennent aux chambres. Un autre mécanisme, le droit de dissolution est entre les mains du
Roi agissant au nom du ministère.
1°) Les moyens de pression appartenant aux chambres
Les chambres vont progressivement s’offrir trois moyens juridiques pour
contrôler et faire pression sur les ministres. Ces trois moyens sont
1°) Les débats et le vote des lois
2°) Les débats et le vote de « l’adresse au Roi »
3°) Les débats et le vote sur les pétitions
a°) Les débats et le vote des lois
Les deux chambres disposent en vertu de l’article 18 de la Charte du libre droit de
discuter et de voter les lois. En pratique, les projets de loi sont préparés par les ministres et
présentés par eux aux chambres au nom du Roi : constitutionnellement c’est le Roi qui a le
monopole de l’initiative législative. Le droit des chambres en matière législative va leur
permettre de contrôler certains points de la politique du ministère en émettant éventuellement des
opinions défavorables sur les projets de loi à l’occasion des discussions, voir même en les
rejetant. L’adoption d’une loi suppose par définition un accord poétique entre le ministère et les
chambres. Ce contrôle en matière législative est particulièrement important à l’occasion de ce
que l’on appelle les lois de finances dans la mesure où en vertu des articles 48 et 49 de la Charte,
l’adoption d’un budget est une obligation annuelle et aucun impôt ne peut être établi ni perçu s’il
n’a été consenti par les deux chambres. Cela implique une collaboration nécessaire entre le
ministère et les chambres. Le contrôle des chambres va être favorisée par une loi du 25 mars
1817 qui instaure le principe de la spécialité budgétaire en vertu duquel le budget est discuté et
voté chapitre par chapitre et à l’intérieur même article par article avant de faire l’objet d’un vote
global . Les chambres peuvent profiter de l’examen du budget pour exercer un contrôle sur toute
la politique mise en œuvre par un ministère.
Sous la Restauration, les chambres ne vont jamais jusqu’à rejeter en bloc un
budget. En règle général, les ministères ne se considèrent pas comme désavoués lorsque leurs
projets de loi sont rejetés.
b°) Les débats et le vote de l’adresse au Roi
Chaque année, à l’ouverture de la session des chambres, le Roi se rend devant
chaque chambre et prononce son discours du trône préparé par le Conseil des ministres où il
expose en termes généraux l’état du Pays et la politique qu’il entend conduire avec son ministère.
Chaque chambre répond ensuite par une adresse au Roi : c’est la réponse d’une chambre au
discours du trône (l’adresse). Juridiquement, le droit d’adresse est indirectement reconnu par
l’article 19 de la Charte qui autorise les chambres à supplier le Roi de proposer une loi sur un
objet quelconque. La pratique de l’adresse est réglementée par une loi qui date d’ailleurs de la
première Restauration du 13 août 1814 relative aux rapports entre le Roi et les chambres.
L’adresse doit être délibérée et votée dans les formes prescrites pour les projets de loi. Il est
prévu en plus qu’au terme de la procédure, chaque chambre fait porter au Roi son adresse par
une députation de 25 membres conduite par le président de la chambre.
Au début de la Restauration, les adresses des députés et des pairs sont neutres et
consistent en des hommages respectueux au Roi. Les adresses n’ont aucune connotation
politique ; La pratique de l’adresse commence à être utilisée dans un sens politique pour la
première fois en 1821 par la chambre des députés. En effet, en 1821, l’adresse votée par les
députés critique violemment la politique extérieure jugée timorée du second ministère Richelieu.
Richelieu en tire immédiatement les conséquences dans un sens parlementariste en donnant la
démission de son ministère en décembre 1821. Dès lors, à compter de 1821, l’adresse devient le
moment fondamental de l’année politique. La France est désormais conçu par les députés et les
pairs comme un moyen juridique et politique d’encouragement ou de désaveu du ministère au
début de chaque session.
c°) Les débats et le vote sur les pétitions
Les chambres peuvent éventuellement mettre en jeux la responsabilité
ministérielle sur la base du droit de pétition consacré par l’article 53 de la Charte. Les citoyens
ont le droit d’adresser aux chambres des pétitions par lesquelles ils font connaître généralement
leur mécontentement à propos de tel ou tel sujet. Les pétitions contiennent notamment des
plaintes à l’encontre de l’administration. Chaque administration relève de la responsabilité
administrative d’un ministre. Par conséquent, une chambre peut saisir l’occasion d’un débat sur
une pétition pour critiquer l’action d’un ministre. La chambre à laquelle la pétition est envoyée
en fait une lecture en débat puis signifie éventuellement à un ministre qui est invité à venir
s’expliquer sur l’affaire en cause. Les débats sur les pétitions offrent ainsi un moyen permanent
de contrôle des chambres à l’égard des ministres. Les débats sur les pétitions même lorsqu’ils
sont critiques à l’égard des ministres n’ont jamais entraîné la démission d’un ministère.
2°) Le droit de dissolution : moyen de pression appartenant au roi agissant au nom du
ministère
L'article 50 de la Charte offre au Roi le droit de dissoudre la chambre des députés.
A l'origine, ce droit est seulement conçu comme un moyen d'assurer la prépondérance royale.
Dans cette logique, le premier usage de ce droit a lieu en juillet 1815 avec la dissolution par
Louis XVIII de la chambre des représentants des 100 jours. Très rapidement, le droit de
dissolution va être utilisé dans un sens parlementariste c'est à dire comme un moyen de pression
de l'exécutif sur les députés pour assurer la collaboration politique entre le ministère et la
chambre des députés et cela apparaît très tôt. En effet, l'usage parlementariste du droit de
dissolution apparaît dès la deuxième utilisation de ce droit en septembre 1816. Il s'agit avec la
dissolution de mettre fin à un conflit entre le ministère Richelieu de tendance constitutionnelle et
la chambre des députés dominée par une majorité d'ultra (la fameuse chambre introuvable). Cette
dissolution se solde par une victoire électorale des constitutionnels c'est à dire un succès pour le
ministère qui est donc maintenu.
Les troisièmes et quatrièmes dissolution ont également un sens parlementariste.
La troisième réalisé en décembre 1823 à la demande du ministère Villèle (un
ministère ultra) a pour objectif de renforcer la majorité dont le ministère dispose déjà au sein de
la chambre des députés. En l'espèce, cette dissolution est une réussite car elle aboutit à la
consolidation de la majorité ultra et donc au maintient du ministère.
La quatrième dissolution réalisée en novembre 1827, encore à l'initiative du
ministère Villèle a encore pour objectif de renforcer la majorité dont le ministère dispose déjà.
Seulement là, il y a un petit soucis parce que cette dissolution se solde par un échec cuisant
parce que les élections amènent à la chambre une majorité de constitutionnels et de libéraux
résolument hostiles au ministère. Villèle en tire les conséquences dans un sens parlementariste en
donnant la démission de son ministère en décembre 1827.
Si on fait le bilan de ce paragraphe, on peut voir que le régime politique de la
seconde restauration connaît une incontestable évolution vers le parlementarisme alors même
que ce n'était pas prévu par les textes. Cependant, le développement du parlementarisme
demeure encore limité.
§2 : Les limites du développement du parlementarisme
Ces limites tiennent tout d'abord à l'existence de pratiques tendant à fausser le jeu
du parlementarisme. Ensuite et surtout, la principale limite tient à l'aptitude du roi Charles X qui
se montre hostile au parlementarisme et c'est d'ailleurs cette attitude négative qui va conduire à la
chute de la seconde restauration.
A°) Les pratiques tendant à fausser le jeu du parlementarisme
Ces pratiques sont au nombre de deux. Toutes deux ont en commun d'être
des armes aux mains du roi et du ministère et d'avoir pour même objectif de déformer
artificiellement la majorité au sein des chambres pour obtenir un soutient politique. La première
pratique concerne la chambre des pairs, la seconde celle des députés. La première pratique
concernant la chambre des pairs : il s'agit du procédé qualifié de "fournée de pairs" qui consiste à
nommer de nombreux pairs en même temps pour obtenir de manière forcée une majorité à la
chambre Haute. Cette pratique a été utilisée trois fois : en 1819 au profit des constitutionnels
pour assurer un soutient au ministère Descazes. Cette pratique sera utilisée deux autre fois en
1823 et en 1827 cette fois ci pour assurer dans les deux cas la suprématie des ultras dans les
chambres pour soutenir le ministère Villèle.
La seconde pratique concerne la chambre des députés : cette pratique
consiste à modifier les lois électorales de manière à déformer la représentation de l'opinion
publique. Cette possibilité de modification découle de l'article 35 de la Charte qui prévoit que les
régimes électoraux sont déterminées par des lois à l'exception des cens d'éligibilité et d'électorat
et de la durée du mandat qui sont fixés par la charte. Les deux rois successifs et leur ministère
vont abuser de ce droit puisque cinq textes successifs modifient l'organisation des collèges
électoraux chargés d'élire les députés. S'agissant de l'organisation des collèges électoraux, il y a
eu deux ordonnances de juillet 1815 et septembre 1816 de faible portée politique si ce n'est
qu'elles étaient inconstitutionnelles.
Le premier grand texte véritablement politique relatif à la composition des
collèges électoraux est la loi du 5 février 1817 dite "loi Lainé". Cette loi prévoit que désormais
dans chaque département, les députés sont élus par un collège électoral unique réunit au chef lieu
du département et non plus par un collège de département et des collèges d'arrondissement
comme il était de règle auparavant. L'objectif de cette loi est de favoriser l'élection de députés
constitutionnels en limitant l'influence des campagnes et donc de l'aristocratie foncière au sein de
laquelle les ultras se recrutent essentiellement. Cette loi électorale va aller au delà de ces
objectifs en bénéficiant surtout aux libéraux au détriment des constitutionnels. Pour éviter une
dérive à gauche, une nouvelle loi électorale du 29 juin 1820 est votée par les constitutionnels du
centre droit et les ultras. Désormais, tous les électeurs sont réunis en collège d'arrondissement
qui élisent un total de 258 députés. Par ailleurs, les collèges de département composés du quart
des électeurs les plus imposés de chaque département élisent 172 députés supplémentaires. De
cette manière, le quart des électeurs les plus riches vote deux fois, au niveau de l'arrondissement
et au niveau du département.
Cette loi de 1820 a été appelé la loi du double vote car elle donnait au
quart des plus riches le droit de voter deux fois. Cette loi a pour objectif très clair de renforcer le
poids de l'électorat le plus riche supposé être plus conservateur. Enfin, une nouvelle loi électorale
du 9 juin 1824 d'une part modifie de façon inconstitutionnelle l'article 37 de la Charte en
disposant que la chambre est désormais renouvelée intégralement tous les 7 ans. Cette loi, d'autre
part, privilégie l'impôt foncier dans le calcul du cens pour assurer la prédominance de
l'aristocratie foncière dans l'électorat. En définitive, ces deux textes de 1820 et 1824 permettent
effectivement aux ultras d'être majoritaires à la chambre des députés entre 1821 et 1827. Les lois
électorales sont une arme de prédilection utilisée par l'exécutif pour disposer d'une majorité au
sein de la chambre des députés. Cependant, le découpage arbitraire du corps électoral et le
privilège électoral des plus riches ont des conséquences sociologiques perverses. En effet, sous la
seconde restauration, le pays "légal", c'est à dire ceux qui en vertu du droit électoral sont
électeurs et éligibles représentent de moins en moins le pays réel c'est à dire l'ensemble des
citoyens formant l'opinion publique. En 1817, le pays légal comprend environ 110 000 électeurs
pour 30 millions d'habitants. En 1827, le nombre d'électeurs est tombé à 89 000 alors que la
France compte alors près de 32 millions d'habitants. Entre 1815 et 1830, le nombre d'éligibles
reste stable, limité à 17 000 personnes. Ce décalage entre le pays légal et le pays réel est
virtuellement dangereux car l'opinion publique étant mal représentée, elle risque de se manifester
en dehors des bureaux de vote c'est à dire dans la rue.
Au delà de l'utilisation de ces pratiques (fournée de paire et modification des régimes...),
la limite la plus grave du développement du parlementarisme tient à la personnalité du roi
Charles X dont l'attitude réactionnaire va conduire à la chute de la seconde restauration.
B°) L'attitude de Charles X et la chute de la seconde restauration
En janvier 1828, suite à la victoire électorale des constitutionnels et des libéraux
et la démission du ministère ultra de Villèle, le Roi Charles X nomme un nouveau ministère
constitutionnel présidé par Martinique. Ce ministère ne convient pas à Charles X qui est un ultra.
Charles X va en tirer des conséquences : en août 1829, Charles X provoque la démission du
ministère Martignac et le remplace par un ministère ultra dirigé par un de ses proches, le prince
de Polignac. La désignation de ce ministère composé d'ailleurs de personnages extrêmement
impopulaires est un défi au parlementarisme puisque la chambre des députés est majoritairement
hostile aux ultras. Le conflit entre le ministère et la chambre des députés est donc inévitable
lorsque la cession des chambres va s'ouvrir. Les chambres sont composées pour le mois de mars
1830. A l'ouverture de la session, Charles X pour soutenir Polignac prononce un discours du
trône qui menace les députés s'ils osent s'opposer au ministère en place (il fait planer la
dissolution). Les députés ne se laissent pas intimidés, ils adoptent le 18 mars 1830 par 221 voix
contre 181 une adresse critiquant ouvertement la nomination du ministère Polignac et demandant
implicitement sa démission dans la mesure où il n'est pas représentatif de la majorité de la
chambre. Cette adresse est immédiatement considérée comme un événement politique majeur et
elle prend symboliquement le nom d'adresse des 221. L'intensité politique va être à son comble
lorsque le président de la chambre des députés qui s'appelait Royer-Collard qui est un doctrinaire
et l'une des plus grandes figures de la politique de la restauration, apporte l'adresse des 221 au
Roi et la lui lit en personne comme pour défier le roi. L'adresse des 221 précise à Charles X que
"la Charte consacre comme un droit l'intervention du pays dans la délibération des intérêts
publics : cela veut dire que l'adresse des 221 s'inscrit dans la logique du parlementarisme en
défendant les droits de la représentation nationale à coté de ceux du Roi et en insistant sur la
nécessaire collaboration politique entre la chambre es députés et le ministère. Manifestement,
l'adresse des 221 s'inscrit dans la perspective de la souveraineté nationale qui n'est pas le principe
officiel. Charles X ne tient pas compte de l'évolution du régime vers le parlementarisme et reste
en quelque sorte aveuglé par ses convictions ultra royalistes. Il maintient le ministère Polignac et
prononce une dissolution de la chambre des députés le 16 mai 1830. Cette dissolution est un
échec total pour le roi et son ministère car à l'issu des élections le centre et la gauche sortent
renforcés avec 274 députés au lieu de 221. Le roi décide alors avec le ministère dans le plus
grand secret de recourir à un coup de force juridique en utilisant son pouvoir de rendre des
ordonnances pour la sûreté de l'Etat en vertu de l'article 14 de la Charte. Concrètement, quatre
ordonnance pour la sûreté de l'Etat sont signé le 25 juillet 1830 et sont portés à la connaissance
du public par leur publication au moniteur qui est le journal officiel de l'époque le lendemain,
c'est à dire le 26.
La première ordonnance suspend la liberté de la presse en rétablissant le principe
de l'autorisation préalable du gouvernement pour la publication des journaux.
La deuxième ordonnance prononce la dissolution de la nouvelle chambre des
députés alors même qu'elle ne s'est pas réunie.
La troisième ordonnance réforme pour la sixième fois le mode de désignation des
députés de manière à favoriser encore d'avantage l'élection des ultras.
Enfin, la quatrième ordonnance convoque les collèges électoraux pour septembre
1830 et porte également convocation de la future chambre des députés pour la fin septembre.
La publication de ces 4 ordonnances provoque immédiatement une levée de
bouclier des journaux de gauche pour ceux qui parviennent à paraître qui dénoncent un coup
d'Etat et appelle à la désobéissance voire même à l'insurrection. Dans la foulée, de façon
inattendue, le petit peuple parisien encadré par des meneurs républicains se révolte contre
l'arbitraire royal. Au terme de trois journées révolutionnaires : les 27, 28 et 29 juillet de 1830 (les
trois glorieuses), la Ville de Paris trop faiblement défendue par des troupes peu nombreuses
tombe aux mains des insurgés. Dans ce contexte, les députés constitutionnels et libéraux sont
totalement surpris par les événements. D'une part, ils n'avaient absolument pas envisagé que le
Roi puisse procéder à un coup de force par ordonnance malgré la vif tension politique régnant
depuis plusieurs mois. La plupart des députés, après leurs élections n'ont pas jugé bon de venir à
Paris et sont restés dans leurs circonscriptions en province. D'autre part, les députés sont étonnés
également par le mouvement révolutionnaire. Au départ, les députés constitutionnels et libéraux
sont très hésitant quant à la conduite à adopter : ils ne savent pas quoi faire au départ dans les
premiers jours. Mais, dès le 29 juillet, une soixantaine de députés constitutionnels et libéraux
réunis à Paris prend conscience que la Restauration est susceptible de s'écrouler et décide alors
de profiter de la situation. Ces députés constitutionnels et libéraux ne veulent absolument pas du
rétablissement de la république réclamé par les insurgés mais souhaitent établir une nouvelle
monarchie constitutionnelle plus libérale. Ils vont alors agir dans une double direction :
premièrement, ils chargent le vieux général Lafayette, député libéral très populaire de se rendre à
l'hôtel de ville de Paris pour prendre la tête de l'insurrection et la canaliser. Cette démarche
réussie, lafayette va réussir à s'imposer à l'hôtel de ville. Parallèlement, les députés entrent en
contact avec le duc d'Orléans, cousin de Charles X qui a toujours manifesté son attachement aux
principes de 1789 et fréquente les milieux constitutionnels et libéraux. Il s'agit de convaincre le
duc d'Orléans d'accepter d'être Roi et ensuite de convaincre l'opinion publique que le duc
d'Orléans est la seule solution politique viable. Un manifeste en faveur du duc d'Orléans est
rédigé par une personnalité essentielle en 1830, Thiers puis affiché sur les murs de Paris dans la
nuit du 29 au 30 juillet. Le 31 juillet, la soixantaine de député à la manoeuvre jugeant que le
manifeste a été bien perçu décide de confier la lieutenance générale du Royaume au duc
d'Orléans qui accepte le titre. Le duc d'Orléans rejoint ensuite lafayette à l'hôtel de ville de Paris
où il se fait acclamer par la foule et acquiert de cette manière sa légitimité à prendre le pouvoir.
Pendant ce temps, Charles X et son entourage qui sont à St Cloud et non à Paris sont totalement
dépassé par les événements. Le 2 août, Charles X se résout à abdiquer en faveur de son petit fils
le comte de Bordeaux qui devra normalement régner sous le nom d'Henri V. Charles X reconnaît
également le duc d'Orléans comme lieutenant général et le prie d'assurer la régence jusqu'à la
majorité du jeune Roi. Mais, le duc d'Orléans refuse en répondant qu'il ne tient son pouvoir que
des représentants de la nation. Le duc d'Orléans fait habilement croire à Charles X (qui n'est pas
à Paris) que le peule parisien est en marche pour le tuer lui et ses proches. Sous cette menace
fausse et habile, le roi déchu et son entourage prennent alors le chemin de l'exil vers l'Angleterre.
Mais, alors, un nouveau régime appelé la monarchie de juillet appelé ainsi en raison des
événements révolutionnaires de juillet 1830 qui sont à son origine.
Chapitre 2 : La monarchie de juillet (1830-1848)
A l'origine, le duc d'Orléans et ceux qui le portent au pouvoir sont d'accord sur deux
points essentiels. Premier point : le nouveau régime doit être une monarchie constitutionnelle et
il importe d'éviter le rétablissement d'une république réclamée par ceux qui ont initiée le
mouvement révolutionnaire de 1830. Pour les politiciens qui prennent le pouvoir en août 1830, la
République rappelle la convention et le directoire c'est à dire qu'elle est synonyme soit de Terreur
soit d'anarchie. Second point d'accord, le cadre constitutionnel du nouveau régime doit être la
Charte de 1814 mais celle ci doit impérativement être révisée de manière à tenir compte de
l'évolution politique depuis 1814 et des événements révolutionnaires de juillet 1830. Le travail
constituant va être réalisé en quelques jours : le 3 août, le duc d'Orléans convoque les deux
chambres (celles qui sont issues de la Restauration) et prononce devant les députés et pairs réunis
un discours par lequel d'une part il constate l'abdication de Charles X et la déchéance de la
branche aîné des bourbons. Et, d'autre part, par lequel il s'en remet au chambre pour rédiger les
nécessaires modifications de la chambre de 1814 : le duc d'Orléans confie le travail constituant
aux chambres. Le 7 août, la chambre des députés adopte une déclaration contenant les
modifications apportées à la Charte de 1814. Puis, cette déclaration est votée le même jour et
dans les mêmes termes par la chambre des pairs. Le 9 août, le duc d'Orléans accepte la Charte
révisée et prête serment de la respecter : il prend alors le nom de Louis Philippe. Enfin, le
nouveau roi publie la Charte révisée le 14 août 1830. Cette Charte du 14 août 1830 se compose
d'un bref préliminaire suivi d'un dispositif subdivisé en huit titres et comprenant 70 articles. Cette
Charte organise une nouvelle monarchie constitutionnelle et sa mise en oeuvre va être l'occasion
d'un nouveau développement du parlementarisme qui va connaître néanmoins certaines limites.
Section 1 : La nouvelle monarchie constitutionnelle organisée par la Charte du 14 août
1830
Même si le cadre constitutionnel de base apparaît a priori le même, la Charte de
1830 est d'un esprit fondamentalement différent de celle de 1814. Elle est d'inspiration
révolutionnaire et libérale et elle réorganise les pouvoirs constitués de manière équilibré.
§1 : L'esprit révolutionnaire et libéral de la Charte de 1830
La charte de 1830 renoue avec la révolution de 1789. Dans cette logique,
le préambule rétrograde la Charte de 1814 est supprimé et remplacé par une phrase préliminaire
énonçant que le roi ordonne la publication de la nouvelle charte telle qu'elle a été amendé par les
chambres et accepté par lui. La charte de 1830, contrairement à celle de 1814 ne résulte pas d'un
octroi royal mais s'analyse comme un pacte entre d'une part la nation représentée par la chambre
des députés qui a rédigé les modifications constitutionnelles et d'autre part le Roi qui a accepté
ces modifications en jurant de les respecter. Fondamentalement, la monarchie établit par la
Charte de 1830 est essentiellement fondée sur le principe révolutionnaire de la souveraineté
nationale. Plus généralement, la Charte de 1830 rompt définitivement tout lien avec l'ancien
régime. Ainsi, de façon symbolique, l'article 67 abandonne la cocarde blanche et rétablit la
cocarde tricolore en donnant aux couleurs révolutionnaires une valeur constitutionnelle. La
charte de 1830 est non seulement d'inspiration révolutionnaire, elle s'inscrit également dans une
perspective libérale. La charte de 1830 conserve le titre premier de la Charte de 1814 sur le droit
public des français qui constituait la partie la plus libérale de ce texte. Ce droit public forme
toujours un ensemble de droits civils conçu comme des libertés publiques. Tous les articles sur
l'égalité, la liberté, la sûreté et la propriété sont maintenus mot pour mot. La Charte de 1830
opère seulement deux modifications importantes sur le point du droit public dans le sens d'un
libéralisme accentué en matière de liberté d'opinion et d'expression. D'une part, la religion
catholique cesse d'être religion d'Etat. D'autre part, il est prévu solennellement que "la censure ne
pourra jamais être rétablie". Finalement, toujours dans une perspective libéral, la Charte de 1830
inspiré par le projet de la chambre des représentants de 1815 met en place de manière inédite en
France un régime qui se caractérise par un équilibre entre les pouvoirs constitués.
§2 : L'organisation équilibré des pouvoirs constitués par la Charte de 1830
La Charte de 1830 établit un équilibre institutionnel organisé autour d'un Roi et
d'un parlement bicaméral.
A°) Le Roi
1°) Le statut du Roi
Le nouveau roi porte de façon symbolique le nom de Louis
Philippe au lieu de Philippe VII et le titre de Roi des français au lieu de Roi de France. Ainsi, il y
a rupture totale avec la Restauration et l'ancien régime. Le problème demeure néanmoins de
savoir en vertu de quel droit Louis Philippe peut prétendre régner. En effet, d'une part, le Roi ne
peut pas invoquer un droit dynastique incontestable même s'il appartient à l'ancienne famille
royale. En effet, Charles X n'avait théoriquement pas le droit d'abdiquer à cause de la loi
d'indisponibilité de la couronne et en tout état de cause, le duc d'Orléans n'était pas le premier
successible mais était placé en deuxième position après le comte de Bordeaux. D'autre part, le roi
Louis Philippe ne peut pas non plus invoquer une authentique légitimité nationale dans la mesure
où il n'a été intronisé que par un petit nombre de députés élus au suffrage censitaire et par
quelques pairs qui par définition ne représentent pas la nation. Cette ambiguïté fondamental de la
légitimité de Louis Philippe divise dès l'origine ceux qui le portent au pouvoir ou l'acceptent. On
va trouver deux thèses qui essayent de justifier le droit par lequel Louis Philippe à le droit à
régner.
Pour la nouvelle gauche, le droit de régner de Louis Philippe ne
découlerait pas de sa naissance. Il aurait été choisi librement par la nation non comme bourbon
mais quoi que bourbon (c'est la thèse du quoi que bourbon) en raison de son passé et de ses
sympathies pour la cause révolutionnaire. En revanche, pour le nouveau centre et la nouvelle
droite (tout cela était à gauche avant, mais l'échiquier politique se recompose), Louis Philippe
détiendrait son droit de régner en tant que chef de la branche cadette des bourbons appelé sur le
trône suite à la déchéance de la branche aînée. Autrement dit, Louis Philippe droit régner parce
que bourbon (c'est la thèse du parce que bourbon) : il n'aurait pas été choisi librement par la
nation, il était la seule solution possible. En dépit de l'ambiguïté de sa légitimité, le nouveau Roi
continue a bénéficié d'une indépendance statutaire en vertu de l'article 12 qui maintient le
principe de l'inviolabilité de la personne royale. Cependant, en vertu de la Charte de 1830, ses
pouvoirs statutaires sont désormais moindres que ceux accordés par la Charte de 1814 à ses
prédécesseurs.
2°) Les pouvoirs du Roi
D'une manière générale, la charte de 1830 réduit les pouvoirs du
Roi par rapport à la Charte de 1814. En premier lieu, le Roi perd la maîtrise de la fonction
législative. Désormais, il a seulement le droit d'initiative qu'il doit partagé avec les chambres et il
n'a plus le pouvoir d'accepter ou de refuser les amendements des chambres. En premier lieu, le
Roi conserve le monopole de la fonction exécutive. En vertu de l'article 13, il reste le chef
suprême de l'Etat : il est le chef des armées qu'il commande, il dirige seul la politique extérieure
en déclarant la guerre et en signant les traités sans besoin de l'approbation des chambres. Par
ailleurs, il est au sommet de la hiérarchie administrative et à ce titre il nomme presque tous les
agents de l'administration. Enfin, le Roi demeure charger de promulguer les lois sans droit de
veto quelconque et de veiller à leur exécution. En effet, son pouvoir réglementaire est désormais
strictement encadré et cela compte tenu des événements de juillet 1830. En vertu de la nouvelle
rédaction de l'article 13, le Roi n'a plus le droit de prendre des ordonnances pour la sûreté de
l'Etat de manière à ce qu'aucun autre coup de force juridique ne puisse être perpétré. Ce n'est pas
tout parce qu'au delà de cela, l'article 13 prévoit que le Roi conserve la faculté de prendre des
règlements pour l'exécution des lois : ce qu'on appellerait un pouvoir réglementaire dérivé ou
subordonné mais sans pouvoir jamais ni suspendre les lois elles mêmes, ni dispenser de leur
exécution. Enfin, en troisième lieu, le pouvoir justicier du Roi reste largement symbolique.
L'article 48 continue à préciser que "toute justice émane du Roi mais cela signifie simplement
que la justice déléguée à des juridictions judiciaires est rendue en son nom. Le roi participe
seulement à la fonction judiciaire par son pouvoir de nomination des magistrats et par son droit
de grâce. Pour exercer tous ses pouvoirs, le roi continue à être assisté par des ministres sur
lesquels la charte de 1830 demeure très peu explicite. Concrètement, la charte prévoit seulement
que les ministres du Roi peuvent être membres des chambres qu'ils ont droit d'entrer dans les
chambres et qu'ils sont responsables en particulier sur le plan pénal devant les chambres.
B°) Le parlement bicaméral
La charte de 1830 consacre l'existence d'un parlement bicaméral composé d'une
chambre des pairs et d'une chambre des députés. Le titre même de la chambre des députés est
simplifié (suppression du mot "des départements"). Cependant, la Charte de 1830 opère des
modifications importantes.
1°) La composition et l'organisation des deux chambres
a°) La composition des deux chambres
Les deux chambres demeurent désigner selon des règles très
différentes.
S'agissant de la chambre des députés (elle est désormais considérée
comme la plus importante) : la Charte de 1830 se contente de préciser la durée du mandat et les
conditions d'âge pour être électeur et éligible. La Charte "rajeunit" le pays légal en abaissant très
nettement l'âge minimal pour être électeur de 30 à 25 ans et l'âge minimal pour être éligible de
40 à 30 ans. Parallèlement, la Charte rétablit la durée du mandat des députés à 5 ans
conformément aux textes originels de la Charte de 1814 qui avait modifié de façon
inconstitutionnel par la loi électorale du 9 juin 1824. Pour le reste de modalités d'élection à la
chambre des députés, l'article 30 de la Charte prévoit qu'elles sont fixées par une loi. La
monarchie de juillet à la différence de la restauration ne connaît qu'un seul système électoral en
vigueur durant tout le régime: celui établit par la loi électorale du 19 avril 1831. Cette loi
simplifie et libéralise les modalités d'élection des députés : tout d'abord, le nombre des députés
est fixé à 459. Les députés sont désormais élus exclusivement par les collèges d'arrondissement à
raison d'un député par arrondissement. Le scrutin est uninominal et majoritaire à trois tours avec
majorité absolue aux deux premier, relative au troisième. Parallèlement à cela, le suffrage reste
censitaire mais il est élargit : le cens d'électorat est abaissé de 300 à 200 francs et surtout, le cens
d'éligibilité est abaissé de 1000 à 500 francs. Ces nouvelles dispositions permettent au pays légal
de s'élargir. Toutefois, cet élargissement n'ouvre pas la participation politique aux classes
populaires qui constituent l'essentiel de la population mais vise seulement à assurer une meilleure
représentation de ce que l'on appelle parfois la moyenne bourgeoisie.
S'agissant de la chambre des pairs : elle subit également une réforme de sa composition.
Cela se passe en deux temps : Tout d'abord, la charte de 1830 maintient les anciens pairs de la
Restauration à l'exception de ceux nommés sous le règne de Charles X entre 1824 et 1830 qui
sont expressément "éliminés" de manière à exclure le plus grand nombre possible d'ultra
royalistes. Les pairs sont toujours nommés exclusivement par le Roi : l'âge minimal requis pour
siéger restant fixé à 25 ans et l'âge minimal pour délibérer restant fixé à 30 ans. Enfin, l'article 68
de la Charte renvoie à une loi le soin de réformer les conditions d'accès à la pairie. Cette réforme
est opérée par une loi du 29 décembre 1831. Cette loi supprime l'hérédité de la pairie. Désormais,
tous les pairs sont nommés à vie et inamovibles sans possibilité de transmettre leur titre. La loi
de décembre 1831 va encore plus loin : elle prévoit que les pairs doivent être nommés
obligatoirement parmi certaines catégories socio professionnelles énumérées de façon
limitative. Cela exclut de la pairie ceux qui n'ont pas fait preuve d'un certain mérite et ceux qui
n'ont pas d'autres titres d'accès que leur naissance. Fondamentalement, cette réforme de la pairie
symbolise la différence d'esprit entre la Restauration et la monarchie de juillet. Le nouveau
régime est celui de la bourgeoisie et non plus celui de l'ancienne aristocratie.
b°) L'organisation des deux chambres
L'idée est que les deux chambres sont organisées de manière plus libérale :
elles continuent à devoir être réunies chaque année par le Roi qui fixe la durée des sessions. Elles
ont des sessions identiques qui débutent et finissent les mêmes jours. Désormais, les séances de
la chambre des pairs ne sont plus secrètes mais publiques comme celles de la chambre des
députés. La chambre des pairs demeure présider par le chancelier de France et en son absence
par un pair nommé par le Roi. En revanche, le président de la chambre des députés n'est plus
nommé par le Roi mais par la chambre elle même au début de chaque session. Enfin, la chambre
des députés peut toujours être dissoute par le Roi mais dans ce cas, comme sous la Restauration,
des élections doivent être organisées rapidement de manière à ce qu'une nouvelle chambre des
députés puisse être convoquée dans les trois mois.
2°) Les attributions des deux chambres
Les deux chambres continuent à avoir pour attribution quasi unique l'exercice de
la fonction législative mais leur pouvoir dans ce domaine sont considérablement élargis par la
Charte de 1830. Désormais, le deux chambres ont l'initiative des lois concurremment au Roi.
Elles obtiennent également le libre droit d'amendement. Les deux chambres conservent le même
libre droit de délibérer et voter les lois. Par ailleurs, comme avant 1830 les lois pour être
adoptées doivent être votées dans les mêmes termes à la majorité simple par les deux chambres.
Les lois de finance doivent impérativement être votées en premier par la chambre des députés.
On voit que les chambres ont désormais la possibilité de maîtriser la fonction législative
indépendamment du Roi. Enfin, parallèlement à la fonction législative en vertu de l'article 28, la
chambre des pairs conserve le "privilège" de pouvoir se constituer en cours des pairs pour juger
des crimes de haute trahison et des attentats à la sûreté de l'Etat. L'instauration par la Charte de
1830 d'un équilibre entre le Roi et les chambres va avoir une importance pratique très nette : elle
va favoriser un nouveau développement du parlementarisme. Malgré d'incontestables progrès
sous la monarchie de juillet, ce parlementarisme va connaître encore des limites.
Section 2 : Le développement et les limites du parlementarisme
§1 : Le développement du parlementarisme
La charte de 1830 comme celle de 1814 ne règle pas la question du
parlementarisme compte tenu de son silence.
A°) Position du problème : le silence fondateur de la Charte
La Charte de 1830 curieusement ne consacre pas officiellement
l'évolution vers le Parlementarisme commencé sous la Restauration. Elle n'institue aucun régime
parlementaire et en particulier ne règle pas la question de la représentativité et de la
responsabilité politique de l'exécutif.
S'agissant du Roi, en vertu de l'article 12, il demeure inviolable c'est à dire
plus largement non représentatif et irresponsable. Quant au ministre, la Charte de 1830 continue
à être très peu explicite : la Charte ne précise toujours pas comment leurs fonctions débutent et
prennent fin. Dès lors, dans le silence de la Charte, il reste sous entendu que le Roi nomme les
ministres et met fin à leurs fonctions. De même, dans le silence de la Charte, il reste sous
entendu que les ministres sont placés à la tête des différentes branches de l'administration
étatique. Enfin, la Charte continue a n'envisagé la question de la responsabilité des ministres que
sur le plan pénal. L'article 47 prévoit que les ministres peuvent être mis en accusation par la
chambre des députés devant la chambre des pairs qui a seule le droit de les juger. Cependant, la
Charte de 1830 à la différence de celle de 1814 ne précise plus pour quel crime les ministres sont
susceptibles d'être poursuivis pénalement. De cette manière, le champ des poursuites devient
plus large et les ministres sont d'avantage sous pression. La procédure pénale est mise en oeuvre
deux fois sous la monarchie de juillet ce qui est un signe de l'essor de la responsabilité des
ministres, à l'encontre d'anciens ministres qui ne sont plus en fonction au moment de leurs
poursuites. Le premier cas est le fameux procès des ministres de Charles X signataires des
ordonnances du 25 juillet 1830 qui a lieu devant la Cour des pairs en décembre 1830. Les
ministres signataires sont finalement jugés coupables de haute trahison et condamnés à la prison
à perpétuité. Le second cas est le procès d'un certain Teste, ministre des travaux publics entre
1840 et 1843, est pour l'exercice de ses fonctions prévenu de corruption à l'occasion de la
passation de marchés publics. Toujours est il que la Cour des pairs en juillet 1847 condamne
Teste à trois ans de prison à la dégradation civique et à une forte amende. Au delà de la
responsabilité pénale, l'article 69 de la Charte de 1830 prévoit qu'une loi doit être votée dans le
plus court délai possible pour régler la question "de la responsabilité des ministres et des autres
agents du pouvoir". Le problème c'est que plusieurs projets de loi sur cette question sont déposés
et discutés à la chambre des députés au début de la monarchie de juillet mais sans aboutir. Au
final, la promesse de la Charte de régler la question de la responsabilité ministérielle n'est donc
pas réalisée. Dans ces conditions, la classe politique de la monarchie de juillet toutes tendances
confondues va continuer à interpréter le nouvel article 12 qui prévoit que les ministres du Roi
sont "responsables" sans apporter de précisions comme posant le principe d'une responsabilité
politique des ministres devant les chambres. Dans cette perspective, on assiste sous la monarchie
de juillet d'une part à l'enracinement de l'institution d'un ministère politiquement représentatif et
responsable et d'autre part à l'enracinement et au développement de mécanismes juridiques
parlementaristes.
B°) L'enracinement de l'institution d'un ministère politiquement représentatif et
responsable
On constate que la monarchie de juillet consacre la coutume constitutionnelle née
sous la Restauration qui veut que le Roi forme à ses côtés un ministère relativement autonome et
doté de son propre chef (le président du conseil). Les ministres continuent à être avant tout des
hommes politiques tous pairs ou députés. D'ailleurs, la politisation des fonctions ministérielles
reste favorisée par l'article 46 de la Charte qui confirme le principe de compatibilité entre la
qualité de ministre et celle de pair ou député. Enfin, Louis Philippe désigne toujours un ministère
représentatif de la majorité politique au sein de la chambre des députés elle même sensée
représentée l'opinion publique par le biais des élections. Entre 1830 et 1848, toutes les tendances
de l'opinion publique sont représentées à la chambre des députés et cela de l'extrême droite
jusqu'à l'extrême gauche. Les partis politiques de la monarchie de juillet se divise en deux
grandes catégories : il y a les partis anti dynastique et il y a les partis dynastiques. Tout d'abord,
il y a deux partis anti dynastiques : d'une part à l'extrême droite on trouve le parti dit "légitimiste"
qui rassemble les anciens ultras. Les légitimistes comme l'indique leur nom sont partisans de la
branche aînée des bourbons considérés comme seule légitime. Les légitimistes vouent une haine
profonde au roi Louis Philippe considéré comme un traître illégitime. Ils n'acceptent donc pas
le nouveau régime et souhaitent une nouvelle restauration. D'autre part, à l'extrême gauche on
trouve le parti dit républicain ou radical; les républicains souhaitent abattre la monarchie de
juillet pour la remplacer par une république. Eux aussi ils en veulent au Roi Louis Philippe et à
ses partisans d'avoir trahi les espérance de juillet 1830. Leur haine à l'égard de la monarchie est
elle qu'ils vont s'efforcer de renverser la monarchie de juillet par des insurrections populaires et
des attentats contre le Roi. Cela va avoir une conséquence : le qualificatif républicain va être
interdit en 1835 et à partir de cette date, les républicains siégeant à la chambre des députés se
désignent comme des radicaux. Sous la monarchie de juillet, les deux partis légitimiste et radical
demeurent très minoritaires à la chambre des députés et ne jouent donc aucun véritable rôle sur la
scène politique. Entre ces deux extrêmes, on trouve les partis dynastiques qui se divisent en deux
grands courants : d'un côté on trouve à gauche le parti dit "du mouvement" qui à l'origine
comprend seulement le parti dit de "la gauche dynastique". Le mouvement considère la
révolution de 1830 comme le point de départ d'une vague de réforme à réaliser. D'un autre côté,
on trouve au centre et à droite le parti dit "de la résistance" (au mouvement s.e) : la résistance
regroupe des conservateurs de plusieurs tendances parmi lesquels se distinguent notamment "les
doctrinaires" autour de l'homme politique emblématique de la monarchie de juillet qui est
Guizot. A la différence du mouvement, la résistance considère la révolution de 1830 comme un
point d'arrivé c'est à dire la libéralisation ultime qu'on puisse concédée, et s'oppose à toute grande
réforme politique et sociale. En outre, le clivage, mouvement résistance est fluctuant : signes de
ces fluctuations durant les années 1830, la résistance comprend en son sein le centre gauche
mené par Thiers. Depuis 1840, grande révolution, le centre gauche s'incorpore au mouvement en
rejoignant le parti de la gauche dynastique qui originellement formait seul le mouvement.
Finalement, c'est la couleur politique majoritaire à la chambre des députés qui détermine la
couleur politique du ministère. On constate que sous la monarchie de juillet, 16 ministères se
succèdent.
Le premier ministère au lendemain de la Révolution d'août à novembre 1830 est
dirigé par le roi en personne et comprend à la fois des hommes du mouvement et de la résistance
dans l'optique d'un gouvernement d'union nationale. Puis, le mouvement détient le ministère de
novembre 1830 à mars 1831. Enfin, la résistance gouverne le pays de façon constante avec 14
ministères successifs entre mars 1831 et février 1848. Cette succession de 16 ministères au total
résulte en partie de la mise en oeuvre de mécanismes juridiques parlementaristes.
C°) L'enracinement et le développement de mécanismes juridiques parlementaristes
Sous la monarchie de juillet comme sous la restauration, ces mécanismes sont
toujours des moyens de pression visant à assurer la collaboration entre les ministres et les
chambres et visant par conséquent à mettre à l'épreuve la représentativité et la responsabilité
politique du ministère. Ces mécanismes deviennent plus nombreux entre 1830 et 1848 signes du
développement du parlementarisme. Certains moyens de pression appartiennent au roi et au
ministère d'autres appartiennent aux chambres.
1°) Les moyens de pression appartenant au Roi et au ministère
Le roi et le ministère dispose de deux moyens de pression. Le premier est
traditionnel : il s'agit du droit de dissolution.
Le second est une nouveauté : il s'agit de la question de confiance.
a°) Le droit de dissolution
En vertu de l'article 42 de la charte, le roi continue a possédé le pouvoir de
dissoudre la chambre des députés. Le droit de dissolution est utilisé 6 fois sous la monarchie de
juillet et son usage revêt toujours un caractère parlementariste. A chaque fois, la dissolution est
demandée par un ministère et ordonnée par le Roi qui est le seul à avoir le droit constitutionnel
de dissoudre. Les cinq dissolutions de mai 1831, mai 1834, octobre 1837, juin 1842 et juillet
1846 ont toutes pour objet de donner une majorité renforcée au ministère en place. Ces cinq
dissolutions sont des succès. Il y en a une sixième est qui est différente : c'est de février 1839,
vise à mettre fin à un conflit entre le ministère en place qui est le second ministère Molé et la
majorité de la chambre des députés. Cette dissolution se solde par un échec pour le ministère car
les élections renvoient une majorité hostile à la chambre des députés. Molé en tire les
conséquences dans un sens parlementariste en remettant au Roi la démission de son ministère en
mars 1839.
b°) La question de confiance
La question de confiance est le procédé par lequel un président du conseil
des ministres engage de lui même la responsabilité politique de son ministère devant les
chambres. Ce président du conseil prononce devant une chambre une discours où il expose sa
politique générale puis lui demande un vote d'approbation de cette politique en faisant savoir
qu'en cas de vote négatif, le ministère remettra sa démission comme se sentant non soutenu. Ce
procédé ne s'appuie sur aucunes dispositions de la Charte ne serait ce qu'indirect. Il est donc
purement empirique. La question de confiance est utilisée deux fois sous la monarchie de juillet :
elle est inaugurée pour la première fois dans notre histoire constitutionnelle par le président du
conseil Casimir Perrier en mars 1831 et elle est renouvelée par Mortier en décembre 1834. Dans
les deux cas, la question de confiance est posée devant la chambre des députés considérée
comme la seule chambre représentant l'opinion publique. De plus, dans les deux cas, elle se solde
par un vote positif de la chambre c'est à dire par un succès pour le ministère. L'apparition de la
question de confiance est fondamentale. Ce procédé inspirait du constitutionnalisme anglais est
le meilleur symbole du parlementarisme et ce procédé est appelé à trouver une place importante
dans notre droit constitutionnel contemporain depuis la monarchie de juillet. Parallèlement à
l'exécutif, les chambres disposent également de moyens de pression dont le nombre va
s'accroître.
2°) Les moyens de pression appartenant aux chambres
Sous la monarchie de juillet, les chambres disposent de cinq moyens de pression à
l'égard du ministère. Trois moyens sont traditionnels et hérités de la seconde restauration, deux
autres moyens sont nouveaux et illustres pas définition le développement du parlementarisme.
a°) Les moyens traditionnels
Les trois moyens traditionnels sont le débat et le vote des lois, les débats et
le vote de l'adresse au roi et enfin et les débat et le vote sur les pétitions. Pour certains de ces
moyens, il faut donner certains détails.
Les débats et le vote des lois
En vertu de la charte de 1830, les chambres ont le libre droit
d'initiative de délibération et d'amendement et de vote des lois. Les projets de loi ministériels
nécessitent une collaboration entre un ministère et les chambres, chambres qui peuvent
manifester leur soutient ou leur opposition par leurs amendements et par leur vote final positif ou
négatif. Les chambres peuvent également adopter des propositions de lois émanant d'elle
éventuellement contre la volonté d'un ministère. De plus, le vote spécifique de la loi de finance
chaque année reste l'occasion pour les chambres d'un contrôle point par point de l'ensemble de la
politique d'un ministère. Sous la monarchie de juillet, le budget donne toujours lieu a d'intenses
débats et à des modifications initiés par la chambre des députés. Cependant, aucune chambre n'a
jamais osé rejeté en bloc un budget. En revanche, s'il n'y a pas de rejet en bloc des budgets, les
contrariétés législatives sont nombreuses. En règle général, les ministères ne se considèrent pas
comme désavoués en cas de vote législatif négatif sauf dans trois exceptions qui illustrent le
développement du parlementarisme. Le premier ministère Soult en avril 1834 et le troisième
ministère Soult en février 1840 se retire suite au rejet par la chambre des députés de projets de loi
considérés comme très importants. En février 1836, le ministère De Broglie démissionne suite à
l'adoption par la chambre des députés d'une proposition de loi qu'il avait combattu.
Deuxième moyen : les débats et le vote de l'adresse au roi.
L'adresse demeure une réponse au Roi et au ministère faite par
chaque chambre à la suite du discours du trône prononcé par le Roi chaque année au début de
chaque session. Sous la seconde restauration, le droit d'adresse se fondait indirectement sur
l'article 19 de la Charte de 1814 qui autorisait les chambres à supplier le Roi de proposer une loi
sur un objet quelconque. Or, cette disposition a été supprimé lors de la rédaction de la Charte de
1830 puisque les chambres ont l'initiative. Sous la monarchie de juillet, l'adresse ne s'appuie plus
sur aucunes dispositions de la Charte : elle est donc devenue une pure coutume constitutionnelle.
Une adresse se présente comme un texte divisé en plusieurs paragraphes préparés au sein de
chaque chambre par une commission spéciale puis débattu et voté comme une loi c'est à dire
avec un débat général puis un débat et un vote par paragraphe et enfin un vote global. Sous la
monarchie de juillet, les adresses de la chambre des pairs présentent peu d'intérêt. En revanche,
les débats et le vote de l'adresse de la chambre des députés constitue le moment phare de l'année
politique attendu avec impatience par toute la classe politique et plus largement par toute
l'opinion publique. En règle général, les débats sont vifs pour ne pas dire violent, les divergences
apparaissent nettement et les ministres essuient toujours les assauts de l'opposition. Cependant,
sous la monarchie de juillet, jamais la chambre des députés n'a adopté une adresse résolument
défavorable à un ministère et aucun ministère n'est jamais tombé à la suite du vote d'une adresse.
b°) Les nouveaux moyens
-----------Contrairement à ce qui est écrit par les manuels, ce
qu'on appelle le second ministère Molé n'a pas pris fin le 2 février 1839 à cause d'une adresse qui
lui aurait été défavorable et n'a pas donné naissance le jour même à un troisième ministère Molé.
Le 19 janvier 1839, après un des plus violents débats politiques de la monarchie de juillet, la
chambre des députés adopte à quelques voies de majorité une adresse soutenant le second
ministère Molé. Il est clair qu'il semblait acquis que l'adresse serait défavorable. La conséquence
de cela est que Molé considère que cette majorité est trop étroite et remet la démission de son
ministère le 22 janvier. Louis Philippe n'accepte pas cette démission et après réflexion, Molé
reconduit son ministère : juridiquement parlant, la démission est nulle et non avenue parce que
non acceptée par le Roi. Toutefois, le 2 février 1839, la chambre des députés est dissoute, les
élections suivantes se révèlent défavorables au ministère Molé et celui ci démissionne le 8 mars
1839. Ce sont donc les élections législatives et non l'adresse qui a provoqué la chute de Molé. Il
n'y a pas eu formation d'un troisième ministère Molé mais continuation d'un second jusqu'à sa
chute après les élections. C'est ce qui permet de dire qu'il n'y a pas eu 17 mais seulement 16
ministères sous la monarchie de juillet.
3°) Les débats et le vote sur les pétitions (troisième moyen des chambres)
En vertu de l'article 45 de la Charte, les citoyens conservent le
droit d'adresser des pétitions aux chambres. Les chambres profitent éventuellement des débats
auxquels donnent lieu ces pétitions pour critiquer tel ou tel ministre voir même pour critiquer un
ministère. Il arrive que des ministres soient ainsi questionnés à la suite de pétitions mais ce
moyen va tomber en relative désuétude compte tenu de l'apparition d'autres techniques
considérées comme plus efficaces.
b°) Les nouveaux moyens communs aux chambres
Ces nouveaux moyens sont au nombre de deux : il s'agit du droit d'interpellation et de
l'enquête parlementaire.
1°) Le droit d'interpellation
C'est le procédé par le quel une question orale posée directement
par un membre d'une chambre à un ministre donne lieu ensuite à un débat entre la chambre et le
ministère : débat qui se clôt par un vote d'approbation ou de défiance de la chambre étant
entendu qu'en cas de défiance, le ministère doit démissionner. Ce droit d'interpellation ne se
fonde sur aucune dispositions de la Charte : c'est une pratique purement empirique inspirée du
constitutionnalisme parlementaire anglais. Cette pratique apparaît pour la première fois en
novembre 1830 à l'initiative d'un député de la gauche dynastique qui s'appelait Mauguin. Dans
un premier temps, la pratique est considérée comme inconstitutionnelle c'est à dire qu'à la suite
d'interpellations de Mauguin, le président de la chambre des députés lui coupe la parole et la
chambre des députés ne procèdent à aucun débat ni à aucun vote. Le droit d'interpellation est
définitivement reconnu en septembre 1831 lors d'une séance de la chambre des députés ou à la
suite d'une interpellation toujours de Mauguin,s'engage un débat qui se clôt par un vote positif
pour le ministère (interpellation restée sans incidence). C'est un procédé qui devient très
fréquent. Cependant, sous la monarchie de juillet, le plus souvent, les interpellations donnent
seulement lieu à des débats mais non suivis de vote. L'interprétation n'a débouché sur un vote
que dans trois cas :
En septembre 1831, En mai 1845 et en janvier 1848. Dans les trois cas, le vote à
la chambre des députés s'avère positif : ne conduit pas à la chute d'un ministère. Si on fait le
bilan, on voit qu'aucun ministère n'a jamais démissionné suite à une interpellation sous la
monarchie de juillet. Le droit d'interpellation est cependant un moyen pour les parlementaires sur
des sujets qu'ils choisissent eux mêmes d'inviter les ministres à débattre et à se justifier.
2°) L'enquête parlementaire
C'est le procédé par lequel une chambre désigne en son sein une commission
spéciale chargée spécifiquement de mener des investigations sur un problème précis. L'enquête
parlementaire peut être ainsi l'occasion de la mise en jeu de la responsabilité politique voir même
pénale d'un ministre. Cette pratique, elle aussi est purement empirique, elle aussi inspiré du
constitutionnalisme anglais et ne repose donc sur aucune disposition de la Charte. La première
véritable enquête parlementaire apparaît en 1832 à propos de l'affaire dite "du déficit Kessner".
Kessner était un caissier centrale du trésor qui avait procédé à des détournements de fond. La
chambre des députés décide en 1832 parallèlement à l'enquête judiciaire de nommer en son sein
une commission spéciale pour apprécier la responsabilité exacte du ministre des finances qui est
le supérieur hiérarchique du caissier malhonnête. Après investigation, la commission constate
une absence de responsabilité du ministre et décision est avalisée (=valider) par la chambre des
députés. Deux autres enquêtes parlementaires ont été diligentées par la chambre des députés en
1835 à propos de la fabrication et de la vente du tabac et en 1842 à propos de fraude dans trois
élections législatives. Dans ces deux cas, aucun blâme n'est adressé aux ministres concernés :
leur responsabilité n'est pas engagée. Bilan : un nouveau moyen utilisé trois fois, qui n'a pas
débouché parce qu'il semble qu'il n'y avait pas lieu de...
Le parlementarisme de la monarchie de juillet se traduit précisément comme la
collaboration nécessaire entre d'une part le ministère et d'autre part la seule chambre des députés.
La chambre des pairs devient hors jeu du parlementarisme proprement dit (pas des mécanismes
constitutionnels) car les ministres ne s'estiment responsables politiquement que devant les
députés mais jamais devant les pairs. Cette évolution logique pour deux raisons : la première
raison est que seule la chambre des députés est élue et seule elle est sensée représenter l'opinion
publique. Il y a une deuxième raison : seule la chambre des députés est susceptible d'être
dissoute, la dissolution apparaissant comme la contrepartie de la responsabilité politique des
ministres.
§2 : Les limites du parlementarisme
Sur les 16 ministères de la monarchie de juillet, il y a déjà un premier constat : seuls 4
prennent fin suite à la mise en oeuvre de mécanismes parlementaristes.
1°) Le premier ministère Soult en avril 1834,
2°) Le ministère Dubreuil en février 1836,
3°) Le second ministère Molé en mars 1839
4°) Le troisième ministère Soult en février 1840
Le plus souvent, les ministère chutent en raison de querelles de personne et de
dissensions internes entre les ministres. Plus fondamentalement, le parlementarisme connaît
encore sous la monarchie de juillet deux principales limites La première limite tient à l'attitude
du Roi louis phillippe, la seconde tient au système électoral de la chambre des députés.
A°) Première limite : l'attitude du roi Louis Philippe
La France ne connaît pas sous la monarchie de juillet une évolution
parlementariste comparable à celle qui existe à la même époque en Angleterre. Tout simplement
parce que Louis Philippe à la différence de la reine Victoria qui s'efface derrière son cabinet
entend lui jouer un rôle politique important. Cet engagement politique du roi s'exprime de trois
manières :
1°) On constate que le roi se dispense de nommer président du conseil des
ministres chaque fois que cela est possible. Ainsi, le roi préfère présider lui même un ministère
pendant plusieurs mois à trois reprises. Les deux autres reprises de mai à octobre 1832 et enfin
de mars à mai 1839. Louis Philippe s'efforce de choisir comme président du conseil des ministres
des personnalités effacées qui ne sont pas en mesure de lui faire de l'ombre. Si on fait le bilan, on
constate que sous la monarchie de juillet, seuls 4 présidents du conseil ont joué leur rôle de
véritable chef indépendamment du Roi : le premier est Casimir Perrier, le deuxième =
Dubreuille, le troisième = Thiers, le quatrième enfin = Guizot.
3°) Le roi est la cause directe de la chute de plusieurs ministères en les empêchant
plus ou moins de gouverner comme ils veulent : cas des deux ministères Thiers qui chutent en
septembre 1836 et en octobre 1840.
Cette attitude du Roi suscite de nombreuses critiques et fait l'objet de deux thèses
contraires.
D'un côté, essentiellement à gauche, les partisans d'un véritable régime
parlementaire dit moniste où le ministère est responsable uniquement devant les chambre (et où
donc le roi n'a pas sa place) ils défendent la thèse exprimée par Thiers : "le roi règne mais ne
gouverne pas".Le roi est le garant des institutions au sommet de l'Etat mais il doit s'effacer
derrière le ministère qui est chargé de conduire la politique du pays en collaboration avec les
chambres. D'un autre côté, les conservateurs partisans d'un parlementarisme dualiste soutiennent
la thèse défendue par Guizeau : "le thrône n'est pas un fauteuil vide". Autrement dit, un ministère
est responsable à la fois devant les chambres et devant le Roi et sa politique doit être en
harmonie avec la volonté royale. Cette seconde thèse défavorable à un véritable parlementarisme
prévaut sous la monarchie de juillet. Si cette thèse prévaut c'est parce que ses partisans sont
presque toujours au pouvoir en raison du système électoral de la chambre des députés qui
constitue la seconde limite au développement du parlementarisme.
B°) Seconde limite : le système électoral de la chambre des députés
1°) Les vices du système électoral
Le système électoral définit par la Charte du 14 août 1830 et la loi
électorale du 19 avril 1831 est un incontestable élargissement du pays légal par rapport à la
seconde restauration. En 1827 il n'y avait que 89 000 électeurs et 17 000 éligibles. En 1841 il y a
désormais 166 000 électeurs et 40 000 éligibles. Après une progression constante, il y a enfin en
1846, 240 000 électeurs et 57 000 éligibles. On constate donc que les conditions de cens qui
aboutissent à un tel résultat demeurent sévères et constituent le premier vice du système
électoral. En effet, le droit de vote et l'accès à la chambre des députés restent réservés à une
minorité aisée ou fortunée. Or, d'un point de vue général, les gens riches sont généralement
enclin au conservatisme : ça veut dire que le système électoral favorise donc les conservateurs du
parti de la résistance et le favorise tellement qu'effectivement la résistance dispose constamment
d'une majorité à la chambre des députés et du ministère de mars 1831 jusqu'à la fin de la
monarchie de juillet en février 1848. Le système électoral bénéficie d'autant plus à la résistance
qu'il souffre d'un second vice qui lui sert. Le système électoral ne prévoit qu'un faible nombre
d'incompatibilités entre les emplois de la fonction publique et le mandat de député. Ainsi, la
plupart des fonctionnaires peuvent siéger à la chambre des députés tout en continuant à exercer
leurs fonctions. D'autre part, les fonctionnaires qui sont députés ont tendance à soutenir les
ministères conservateurs pour éviter d'être révoqués. D'autre part, les ministères conservateurs
obtiennent des soutiens et des ralliements en promettant de belles places dans la fonction
publique aux députés qui acceptent d'être dociles. Au total, comme la chambre des députés est
constamment composée d'un bon tiers des députés fonctionnaires, la résistance dispose
constamment d'un solide point d'appui lui permettant d'avoir une majorité confortable. Compte
tenu de ce système électoral, l'alternance politique est quasiment impossible et l'immobilisme
politique est d'ailleurs symbolisé par la présence continue du conservateur guizeau comme
principal ministre entre octobre 1840 et février 1848. La classe politique en a conscience et
l'opposition va essayer de lutter contre cet immobilisme.
2°) Impossibilité de réformer le système électoral qui conduit à la chute du régime
Dès le début de la monarchie de juillet, la gauche dynastique a conscience
que le système électoral lui ait très défavorable. Aussi, à partir de 1832, les députés de la gauche
déposent chaque année des propositions de loi tendant à réformer la loi électorale du 19 avril
1831. Mais, ces propositions sont toujours repoussés par la majorité conservatrice. Ce thème de
la réforme électoral et parlementaire devient un enjeu politique majeur dans les années 1840,
d'autant plus qu'à partir d'octobre 1840 le centre gauche emmené par Thiers quitte la résistance et
passe dans l'opposition au côté de la gauche dynastique et des radicaux (nom d'emprunt des
républicains qui ne peuvent pas utiliser le terme républicain). Plus largement, au delà des
clivages politiques, les partisans d'un véritable régime parlementaire tentent de réformer le
système électoral pour lutter contre l'immobilisme politique. On constate que ce sont deux
anciens proches de Guizot, les députés doctrinaires Duverger de hauranne et Rémusat qui vont se
faire les portes paroles de la réforme au début de l'année 1847. D'une part, Duverger de hauranne
dépose à la chambre des députés en mars 1847 une proposition de loi qui prévoit notamment un
abaissement du cens d'électorat à 100 francs. On estime que le nombre d'électeur se serait élevé à
500 000 électeurs : une telle augmentation restait limité mais donnait d'avantages de chances à la
gauche. De manière concomitante, Rémusat dépose lui aussi à la chambre des députés également
en mars 1847 une proposition de loi qui prévoit l'incompatibilité du mandat de député avec la
plupart des fonctions publiques. Problème : ce qui était prévisible arrive, ces deux propositions
de lois sont rejetées fin mars, début avril 1847. Ce blocage, institutionnel conduit alors
l’opposition à déplacer le débat en dehors des chambres directement devant l’opinion publique.
En mai-juin 1847, les chefs du centre gauche de la gauche dynastique et des républicains mettent
au point une tactique commune pour promouvoir la réforme devant l’opinion publique : il s’agit
d’organiser comme en Angleterre ce que l’on appelle des banquets politiques avec de nombreux
invités à la fin desquels seront portés « des toasts » à la réforme. A l’origine, ce que l’on appelle
la campagne des banquets est modérée : les principaux députés du centre gauche et de la gauche
dynastique se contentent de demander un élargissement du corps électoral et de condamner le
cumul des fonctions publiques et parlementaires. Puis, rapidement, le mouvement se radicalise
sous l’impulsion des républicains qui réclament désormais l’instauration du suffrage universel et
demande de vastes réformes sociales pour améliorer le sort des classes populaires. Face à ce
mouvement, Louis Philippe et Guizeau restent intransigeants, ils n‘ont pas l‘intelligence de faire
les quelques concessions qui auraient désamorcées l‘opposition du centre gauche et de la gauche
à défaut de satisfaire les républicains. En effet, les pouvoirs restent intransigeants et le résultat
est que cette attitude réactionnaire va produire les mêmes effets qu’en 1830.
La monarchie de juillet va chuter en quelques jours alors même que rien ne laissait
présager une révolution. Le processus révolutionnaire découle à l’origine de la simple
interdiction par le ministère Guizot d’un banquet réformiste qui devait se tenir le 22 février 1848
dans le douzième arrondissement de Paris. Devant cette interdiction, le centre gauche et la
gauche protestent mais s’inclinent. En revanche, les républicains décident d’organiser à la place
une manifestation populaire le 22 février 1848. Pour disperser cette manifestation Guizot
convoque la garde nationale mais celle ci refuse de se plier aux ordre (disperser les manifestants)
et va même jusqu’à se rallier aux manifestants. Des manifestants sont tués quant même, cela
provoque un embrasement : des barricades sont dressées dans toutes la capital dans la nuit du 23
au 24 février 1848. Face à cela, Louis Philippe se résout dans un premier temps à remplacer
Guizeau; aucun chef du centre gauche et de la gauche n’accepte de former un nouveau ministère,
or il aurait fallut un ministère de gauche pour désamorcer. Dès lors qu’aucun membre de
l’opposition ne veut former un ministère, le pouvoir va se jouer dans la rue parce qu’il semble
que plus personne n’ait la volonté suffisante pour sauver le régime. Dans ces conditions, Louis
Philippe qui voit que finalement il n’y a plus de soutient autour de lui, pour éviter des
affrontements sanglants décide à la surprise générale d’abdiquer le 24 février 1848 en créant une
vacance du pouvoir. Le jour même, compte tenu de cette vacance du pouvoir, sous l’effet de
l’insurrection populaire, un gouvernement provisoire se met en place à l’hôtel de ville de paris et
proclame la République, commence alors un nouveau régime : la deuxième république.
Chapitre 3 : La deuxième république 1848-1851
L’idée générale est que la IIème république du 24 février 1848 au 2 décembre 1851 est un
régime constamment marqué par des tensions et des contradictions. Tout d’abord, entre février et
novembre 1848, la IIème république connaît des débuts chaotiques. Puis, le 4 novembre 1848 est
voté par une assemblée nationale constituante élue en avril 1848 une constitution qui consacre un
régime républicain en opérant une délicate synthèse entre les trois traditions constitutionnelles
révolutionnaire, césarienne et parlementaires. Enfin, à partir de novembre 1848, la mise ne
oeuvre de la nouvelle constitution donne lieu à des vicissitudes politiques qui vont déboucher
rapidement sur la chute de la IIème république avec le coup d’Etat de Louis Napoléon Bonaparte
du 2 décembre 1851.
Section 1 : Les débuts chaotiques de la IIème république : février à novembre 1848
Le 24 février 1848, un gouvernement provisoire issu de l’acclamation populaire est formé
à l’hôtel de ville de Paris. Le même jour, la première mesure de ce gouvernement est de
proclamer la République. Cette proclamation est cependant conditionnelle dans la mesure où il
est prévu qu’elle doit être ratifiée par le peuple. Dans cette perspective, il est implicitement prévu
que le gouvernement provisoire devra rapidement laissé la place à une assemblée nationale
constituante chargée de consacrer la république et de rédiger une nouvelle constitution
républicaine. En attendant la réunion de la « constituante » entre février et mai 1848 le
gouvernement provisoire exerce tous les pouvoirs. A sa suite, entre mai et novembre 1848, la
constituante va s’efforcer d’exercer ses pouvoirs dans un contexte très difficile.
§1 :Le temps du gouvernement provisoire : février-mai 1848
A°) Les premières mesures révolutionnaire du gouvernement provisoire
La formation du gouvernement provisoire le 24 février 1848, a lieu dans
un vide institutionnel complet car il est immédiatement fait table rase du régime précédent. En
effet, après l’abdication de Louis Philippe, le gouvernement provisoire prononce la dissolution
de la chambre des députés en lieu et place du Roi qui n’est plus là et interdit à la chambre des
pairs de se réunir. Le gouvernement provisoire se retrouve donc seul investit des pleins pouvoirs:
sa tâche est d’autant plus lourde qu’il manque d’unité et que les hommes qui le composent sont
pour la plupart sans expérience de l’exercice réel du pouvoir. Le gouvernement provisoire est
composé de 11 membre tous désignés le 24 février 1848 par acclamation populaire. Parmi ces
membres, certains exercent concurremment des fonctions de ministres. Ce gouvernement est
hétérogène à l’image du parti républicain. D’un côté on trouve des « républicains modérés »
(Lamartine), d’un autre côté des républicains socialistes comme Louis Blanc. Entre les deux, on
trouve ce que l’on appelle des républicains radicaux comme Ledru Rollin. Dès l’origine, les
républicains modérés sont majoritaires au sein du gouvernement et s’efforcent d’écarter ceux qui
sont le plus à gauche. Mais, ils y parviennent dès le premier jour lors de la répartition des
fonctions entre les membres du gouvernement provisoire. D’une part, la présidence du
gouvernement est confiée de façon symbolique aux modérés Dupond de l’Eure qui est un ancien
député sous le directoire et député républicain sous la Restauration et la monarchie de juillet.
D’autre part, tous les porte feuille ministériels sont attribués soit à des modérés, soit à des
radicaux mais à l’exclusion des socialistes. Le caractère essentiellement modéré du
gouvernement provisoire ne l’empêche pas d’être profondément républicain et donc de prendre
toute une série de mesures révolutionnaires. Ces mesures ont pour objet de mettre en oeuvre a
devise républicaine liberté, égalité, fraternité rétablie dès le 24 février 1848.
Dans une perspective libératrice, le gouvernement provisoire abolit
l’esclavage dans les colonies. Il abolit également la peine de mort en matière politique. Il rétablit
pleinement la liberté de la presse (liberté absolue) qui avait commencé à connaître au fur et à
mesure une certaine censure sous la monarchie de juillet et dans la même optique, le
gouvernement provisoire rétablit le droit d’association politique par le biais de l’autorisation des
clubs à l’anglaise.
Dans une perspective fraternelle, le gouvernement provisoire
s'engage à garantir du travail à tous les citoyens et institue pour cela ce qu'il a appelé des ateliers
nationaux qui recrute des chômeurs rémunérés par l'Etat et employés à des grands travaux
publics.
Dans une perspective égalitaire, le gouvernement instaure de manière cruciale l'égalité
politique. Il arrête le 2 mars 1848 que le suffrage sera désormais par principe universel et direct.
Cette consécration du suffrage universel direct n'est pas totalement une nouveauté car le principe
avait été déjà posé par la constitution de 1793 (constitution montagnarde), mais celle ci n'avait
pas été appliqué. On peut également observer que la convention avait bien été élu au suffrage
universel mais indirect. Enfin, le suffrage universel instauré sous le Consulat et le premier
empire était tellement indirect que les élections étaient une parodie de démocratie. Si ce n'est pas
une totale nouveauté juridiquement parlant, la consécration réelle du suffrage universel direct en
1848 est un apport fondamental sur le plan politique et constitutionnel. Sa première mise en
oeuvre a lieu avec l'élection de l'assemblée nationale constituante.
B°) L'élection de l'assemblée nationale constituante
En vue de l'élection de la constituante, les modalités du suffrage universel direct
sont précisés très rapidement par un décret du gouvernement provisoire du 5 mars 1848. Pour
être électeur, il suffit d'être français, d'avoir au moins 21 ans (majorité de l'époque) et résider
depuis au moins 6 mois dans une commune française. Pour être éligible à la constituante, il suffit
d'être français et d'avoir au moins 25 ans. On peut remarquer qu'il n'y pas pour être éligible de
condition de résidence ce qui permet les candidatures multiples simultanées sur le territoire. Le
nombre de représentants du peuple à la constituante est fixé à 900 : c'est la plus grande
assemblée depuis les Etats généraux. La répartition des siège se fait par département est elle est
fondé exclusivement sur la population à raison d'un siège pour 40 000 habitants. Chaque
département a ainsi un contingent fixé de représentants à élire. Les élections ont lieu au scrutin
de liste départementale. Chaque électeur doit inscrire sur son bulletin de vote, autant de nom que
de représentants à élire dans un département. Les bureaux de vote sont établis dans chaque chef
lieu de canton. Enfin, le vote est secret ce qui constitue une première dans l'histoire électorale
française. Le décret du 5 mars 1848 prévoit également que les élections à la constituante doivent
avoir lieu rapidement pour mettre fin au plus vite à la période transitoire du gouvernement
provisoire. Ainsi, les élections sont fixées au 9 avril 1848 et la constituante doit se réunir au plus
tard le 20 avril. La campagne électoral se déroule dans un climat très troublé à cause des
républicains socialistes. En effet, les socialistes militent en faveur d'un ajournement des élections
car ils estiment qu'il faut auparavant faire l'éducation du peuple qui a été trop longtemps resté
dans l'ignorance et qui est donc susceptible d'être influencé par les notables. Le gouvernement
provisoire ne veut pas ajourner les élections mais accepte l'idée de favoriser l'éducation des
masses et créait à cette fin un journal qui est intitulé "le bulletin de la république" où un certain
nombre d'écrivains entreprennent une oeuvre d'éducation civique. Le problème c'est que malgré
cette mesure, le gouvernement provisoire est jugé trop timide par les socialistes qui veulent
toujours l'ajournement. Ces derniers décident alors de recourir aux manifestations de rue à Paris
pour faire pression sur le gouvernement provisoire. Le 17 mars 1848, une première manifestation
à Paris fait reculer le gouvernement qui accepte de repousser les élections au 23 avril et la
réunion de la constituante au 4 mai. Les socialistes organisent à Paris une seconde manifestation
le 16 avril mais à la différence de la première, cette manifestation échoue car elle est dispersée
par la garde nationale. Finalement, les élections constituantes se déroulent comme prévus les 23
et 24 avril 1848. Cette première mise en oeuvre du suffrage universel direct est tout d'abord une
énorme victoire pour la démocratie puisque la participation électorale est très forte avec 83,7%
des inscrits. L'ampleur du phénomène est véritablement révolutionnaire d'autant plus que 97%
des électeurs n'avaient jamais voté de leur vie. A l'issu des élections, la constituante comprend
deux grandes catégories de représentants : A gauche on a une majorité de 600 représentants dits
"républicains de la veille" c'est à dire dont les convictions républicaines étaient antérieures à la
révolution de Février. A droite, on a une minorité de 300 représentants dits "républicains du
lendemain" c'est à dire dont le ralliement plus ou moins sincère à la République est postérieur à
la Révolution de février. A l'extrême gauche et à gauche on a les républicains socialistes et les
républicains radicaux avec 100 représentants qui d'un point de vue général sont réformateurs sur
le plan politique et encore plus réformateur sur le plan social. Au centre gauche, on a les
républicains modérés avec 500 représentants qui sont réformateurs sur le plan politique et plus
ou moins réformateurs sur le plan social. Au centre droit, on a d'anciens Orléanistes de gauches
et de centre gauche avec 200 représentants sincèrement ralliés à la république qui sont
réformateurs sur le plan politique mais conservateurs sur le plan social. Enfin, à droite et à
l'extrême droite, on a d'anciens orléanistes de centre droit et de droite et d'anciens légitimistes
avec 100 représentants dont le ralliement à la République est purement formel et qui sont
conservateurs sur le plan politique et sur le plan social. Si on fait le bilan, on peut constater que
ces élections sont une victoire très nette des républicains modérés qui ont la majorité absolu avec
500 représentants. La constituante une fois élu, par définition doit se réunir pour prendre la place
du gouvernement provisoire et exercée ses pouvoirs : elle va le faire dans des conditions très
difficiles.
§2 : Le difficile exercice de ses pouvoirs par l'assemblée nationale constituante mai à
novembre 1848
La constituante se réunit pour la première fois conformément à ce qui avait été
prévu par le gouvernement provisoire le 4 mai 1848. Son premier acte, le jour même est de
confirmer que "la République proclamée le 24 février est et restera la forme du gouvernement de
la France". Dès lors, le gouvernement provisoire se dissout en démissionnant et laisse pleinement
la place à la nouvelle assemblée. La constituante n'est pas seulement chargé du pouvoir
constituant; Elle est également investie du pouvoir législatif en attendant la rédaction d'une
Constitution. La fonction législative est largement entendue mais pas au point d'absorber la
fonction exécutive. En effet, la constituante de 1848 ne veut surtout pas se comporter comme la
convention : elle décide donc le 9 mai de confier la fonction exécutive à un organe qu'elle créait
de toute pièce, c'est à dire une commission exécutive de 5 membres élus par elle. De cette
manière, conformément à la tradition révolutionnaire républicaine, l'exécutif est un organe
collégiale subordonnée (par la fonction qu'il exerce et par son origine même). Cette commission
exécutive est assistée par des ministres qu'elle choisit elle même mais à la condition qu'ils
n'appartiennent pas à la commission : les ministres doivent être choisis en dehors de la
commission. Ce que l'on peut remarquer c'est que dans un soucis de continuité, les 5 membres de
la commission exécutive désignés par la constituante sont tous d'anciens membres du
gouvernement provisoire. La constituante après avoir organisé la répartition des fonctions s'atèle
à la rédaction d'une constitution mais son travail constituant va être perturbé par de très graves
événements. Les socialistes déçus par les résultats des élections veulent faire la démonstration de
leur force dans la capital. Ils organisent le 15 mai 1848 une manifestation populaire rassemblant
150 000 personnes dans les rues de Paris. Cette manifestation dégénère en émeute jusqu'à
atteindre la constituante qui est envahie par une foule revendicative finalement repoussée par la
garde nationale devant des constituants terrorisés. Les émeutiers repoussés gagnent ensuite
l'hôtel de ville de Paris pour y proclamer un nouveau gouvernement provisoire mais ils sont
rapidement arrêtés. Le calme est finalement rétablie le jour même mais l'incident va avoir de
profondes répercussions politiques. En effet, la plupart des constituants sont consternés par
l'envahissement de l'assemblée et craignent une réapparition des dérives de 1792-1793. Ils
considèrent l'invasion de l'assemblée comme un attentat contre la souveraineté nationale dont la
constituante est la représentante d'autant plus légitime qu'elle est la première assemblée élue au
suffrage universel direct. Par conséquent la constitution forte de sa légitimité réagit sévèrement.
Tout d'abord, dès le 15 mai, d'un part, elle se déclare permanente pour renforcer son autorité et,
d'autre part, elle autorise les poursuites contre trois représentants socialistes arrêtés à la tête des
émeutiers. Viennent ensuite d'autres mesures secondaires, elles votent le 7 juin une loi interdisant
les attroupements sous peine de dispersion par la force armée et de sanctions pénales. L'adoption
de ces mesures reflètent une dérive immédiate à droite de la constituante. Plus précisément, un
énorme fossé se creuse entre d'un côté les républicains socialistes et radicaux et d'un autre côté
les républicains modérés qui désormais joignent leur voie au côté droit lorsqu'il s'agit de
maintient de l'ordre public. Cette évolution va se confirmer compte tenu des événements qui vont
suivre : le 21 juin 1848, la commission exécutive décide au vue des débats de la constituante de
dissoudre les ateliers nationaux : elle les dissout tout simplement parce qu'on leur reproche
d'entretenir des oisifs. Cette mesure dont les conséquences ont été mal appréciées provoque à
Paris dès le 22 juin des manifestations de rue des ouvriers parisiens mis au chômages. Ces
manifestations, sous l'influence des socialistes dégénèrent le 23 juin en une véritable insurrection
dans les quartiers populaires de l'est de Paris qui sont alors couverts de barricades. Face à ce
mouvement, une fois de plus révolutionnaire la constituante réagit immédiatement, le 24 juin elle
déclare l'Etat de siège à Paris des autorités civiles aux autorités militaires, dissout la commission
exécutive et confie "tous les pouvoirs exécutifs aux ministres de la guerre qui était le général
Cavaignac". Cavaignac va faire preuve d'une terrible efficacité. Le 26 juin après 4 jours de
combat de rue très violents, la révolte est écrasée. La lutte a été bien plus intense qu'en juillet
1830 et en février 1848 avec près de 6000 morts en 4 jours, des dizaines de milliers de blessés et
des milliers de prisonniers qui vont être déportés. Cela a une conséquence immédiate : les
socialistes sont dans une certaine mesure "décapités". Le succès de Cavaignac lui vaut le 28 juin
d'être confirmé dans ses fonctions par la constituante. Désormais, il détient seul le pouvoir
exécutif avec le titre de président du conseil des ministres et il en nomme lui même les ministres.
La constitution rompt avec la tradition républicaine en substituant le principe d'unité au principe
de collégialité de l'exécutif. La constitution après avoir renforcé l'autorité de l'exécutif qui lui
demeure néanmoins subordonné, la constituante tire les conséquences des événements de juin en
poursuivant une politique restrictive des libertés publiques. En août 1848 plusieurs lois limitent
sévèrement la liberté de la presse et la liberté de réunion. Ça en est alors finit de l'esprit de 1848,
une page est tournée politiquement parlant. Une fois l'ordre public véritablement rétablit et hors
de menace, la constituante peut enfin se consacrer à sa mission première de rédaction d'une
constitution. En fait, la constituante s'est occupé très tôt du travail constituant, elle a désigné en
son sein dès les 17 et 18 mai 1848 une commission de constitution chargée de préparer un projet.
Cette commission est composée de 18 membres essentiellement des républicains modérés et
d'anciens orléanistes de gauche c'est à dire les centres. La constituante adopte ensuite le 2 juin un
décret réglant le mode d'examen et de discussion du projet de constitution. Conformément à ce
décret, un projet provisoire de constitution est présenté à la constituante le 19 juin au nom de la
commission par un député Marrast. Le projet est ensuite renvoyé à ce que l'on appelle à tous les
bureaux de l'assemblée pour être discuté. Chaque bureau doit adresser ces éventuelles
modifications à la commission de constitution. Un projet définitif est présenté à la constituante
toujours pas Marrast le 30 août 1848. Enfin, après deux mois de débat et de vote article par
article, la constituante adopte de manière globale et finale une nouvelle constitution le 4
novembre 1848 par 739 voix contre 30. Le nouveau texte fait donc l'objet d'un très large
consensus puisque seuls certains représentants d'extrêmes ont voté contre : quelques socialistes
et quelques légitimistes. C'est d'ailleurs pour préserver ce consensus entre des tendances
opposées c'est pour cela que la constituante préfère sans tenir à la solution représentative en ne
soumettant pas la constitution à un référendum. Ce qui fait que la constituante se contente de
promulguer la constitution : elle le fait en deux temps : la première fois à Paris le 12 novembre,
ensuite en province dans tous les autres départements le 19 novembre.
Section 2 : La constitution du 4 novembre 1848 : une délicate synthèse constitutionnelle.
Cette constitution de 1848 est composé d'un préambule de 8 articles et d'un acte
constitutionnel divisé en 12 chapitres et comprenant un total de 116 articles. C'est un texte
moyennement long : moins long que les constitutions révolutionnaires mais plus long les chartes.
Sur le fait, la constitution de 1848 consacre un régime républicain. Dans cette logique, elle
s'inscrit essentiellement dans la tradition révolutionnaire. Cependant, elle emprunte également
aux traditions césariennes et parlementaires. Elle est ainsi, la première constitution a opéré une
synthèse des trois traditions constitutionnelles développées en France depuis 1789.
Conformément à la
tradition révolutionnaire prédominante, la constitution de 1848 définit les fondements de l'ordre
constitutionnel avant d'organiser les pouvoirs constituants.
§1 : Les fondements de l'ordre constitutionnel établis par la constitution de 1848
Le nouvel ordre constitutionnel se fonde sur un ensemble de principes fondamentaux
essentiellement définit par le préambule et les trois premiers chapitres de la constitution de 1848.
Le texte définitif de la constitution substitue un préambule à une déclaration des devoirs et des
droits prévus par le projet initial et se révèle ainsi moins progressiste sans doute à cause des
événements de juin 1848. Le préambule est très révélateur de l'état d'esprit des républicains
modérés à partir de l'été 1848 c'est à dire à la fois démocratique, progressiste et libéral tout en
étant moralisateurs et hostiles aux socialistes. Le préambule début par l'affirmation solennelle
que la France est une république démocratique. Il reconnaît l'existence de droits et de devoirs
"antérieurs et supérieurs aux lois positives" mais sans être plus précis et sans faire aucune
référence au droit naturel. Selon le préambule, la république se fonde sur la devise liberté,
égalité, fraternité mais également sur la famille le travail, la propriété et l'ordre public. D'une
manière générale, les citoyens et la société ont des droits et des devoirs réciproques. Le
préambule avec un ton moralisateur prévoit ainsi que les citoyens doivent servir et défendre la
république éventuellement au prix de leur vie doivent contribuer aux charges publiques par le
paiement d'impôts proportionnellement à leurs ressources et enfin observer "les lois morales et
les lois écrites qui régissent la société, la famille et l'individu. En échange, la république doit
protéger les citoyens. Ce que l'on remarque c'est que les droits sociaux tels que le droit au travail,
le droit à l'instruction et le droit à l'assistance prévus pas le projet initial n'apparaissent plus tels
quels dans le texte définitif de la constitution sans doute pour ne plus donner de fondements à
des revendications populaires. Néanmoins, le préambule prévoit que la République doit mettre
l'instruction à la portée de tous les hommes et assurait l'existence de ce qui est appelé "les
nécessiteux" soit en leur procurant du travail soit en leur donnant des secours s'ils sont hors
d'Etat de travailler. Parallèlement, d'autres droits sont plus précisément consacré par le chapitre 2
sur les "droits des citoyens garantis par la constitution". Ces droits sont : la liberté, l'égalité et la
propriété.
S'agissant de la liberté, sont consacrés le droit de ne pouvoir être arrêter et détenu que
conformément aux lois (notion de liberté individuelle dans son aspect sûreté) et l'interdiction de
l'esclavage d'une manière générale ainsi que le libre droit d'association, de rassemblement, de
pétitions et d'expression sous la réserve de ne pas porter atteinte "à la sécurité publique". Autre
consécration en matière de liberté : l'interdiction de soumettre la presse à la censure. Enfin, la
liberté de l'enseignement sous la réserve de la surveillance par l'Etat.
S'agissant en second lieu de l'égalité, peu de choses : l'égalité civile n'est pas évoqué
tellement elle est évidente. Les seules choses qui sont rappelés et que sont consacrés l'égale
admission aux emplois publics (ce qu'on trouve dans toutes les constitutions depuis 1791 même
les Chartes) et l'abolition de tout titre nobiliaire et plus largement de toutes distinctions "de
naissance, de classe ou de caste". S'agissant enfin de la propriété, le principe est posé : toutes les
propriétés sont inviolables sous la réserve de l'expropriation par l'Etat à la triple condition
classique d'une cause d'utilité publique d'être légalement constaté et d'une juste et préalable
indemnité. Parallèlement encore à tous ces droits, les chapitres premiers, trois et quatre
consacrent les quatre grands principe fondateurs caractéristiques de la tradition révolutionnaire à
savoir le principe de souveraineté nationale, le principe de représentation, le principe de
séparation des pouvoirs et le principe de primauté de la loi; Est ajouté un cinquième grand
principe qui est une nouveauté, lié à l'instauration d'une république démocratique à savoir le
principe de l'origine populaire en vertu duquel aucun organe constitué ne peut existé s'il n'est
issu du peuple. Tous les pouvoirs quels qu'ils soient émanent du peuple et ne peuvent être
délégués héréditairement : c'est la suppression de la possibilité d'un pouvoir dynastique. C'est sur
la base de ces 5 grands principes que la constitution de 1848 organise les pouvoirs constitués.
§2 : L'organisation des principaux pouvoirs constitués par la constitution de 1848
La constitution de 1848 dans la tradition révolutionnaire organise un schéma
institutionnel caractérisé par la prédominance de l'organe législatif sous la forme d'une assemblée
nationale législative et la subordination de l'organe exécutif qui prend la forme d'un président de
la République. En réalité, certaines dispositions de la Constitution contrarie ce rapport de
prédominance subordination. Par ailleurs, la constitution institue un conseil d'Etat chargé d'un
rôle accessoire d'interface entre l'assemblée et le président.
A°) L'assemblée nationale législative
La constitution de 1848 renoue pleinement avec la tradition révolutionnaire des
premières années de la Révolution en instituant un corps législatif unique représentatif
indépendant et prédominant appelé assemblée nationale législative ou plus communément
législative.
1°) Une assemblée unique, représentative et indépendante
Le principe d'unité de l'organe législatif s'inscrit dans la logique des
premières assemblées révolutionnaires à savoir la constituante, la législative et la convention
entre 1789 et 1795. Ici, il s'agit d'une des dispositions de la constitution de 1848 qui a suscité le
plus de débats. En effet, le centre droit et la droite composés d'anciens monarchiste ont essayé de
maintenir le bicamérisme de la monarchie censitaire notamment à l'occasion d'un amendement
de Duvergier de Hauranne. Ce dernier invoque en faveur du bicamérisme tout d’abord les grands
modèles anglais et américains. Il insiste ensuite sur le passé national des dictatures d’assemblée
notamment sous la Convention pour essayer de démontrer que le monocamérisme est dangereux.
Enfin, il souligne que l’institution d’une seconde assemblée d’une part, offre un contre poids et
d’autre part, garantie une meilleure délibération des lois. Face aux tenants du bicamérisme, les
partisans du monocamérisme ont eux aussi de puissants arguments : tout d’abord, ils réfutent les
modèles. Plus précisément, le modèle anglais qui a suscité une certaine administration en France,
ne séduit plus parce que l’Angleterre est une monarchie et parce que d’une manière un peu plus
circonstancielle, de nombreux constituants en veulent à l’Angleterre de mener depuis déjà
longtemps, une politique extérieure nuisible à la France.
Le modèle américain lui est d’avantage à la mode, c’est incontestable
depuis la publication par Tocqueville dans les année 1830 de la démocratie en amérique. Mais, le
problème est que ce modèle est propre à un état fédéral : le bicaméralisme américain est lié à un
fédéralisme et paraît inadapté à la France qui était un état unitaire.
Ensuite, deux motifs classiques militent pour le monocamérisme : d’une
part, il est la conséquence nécessaire du principe de souveraineté nationale. D’autre part, le
monocamérisme permet d’éviter les conflits au sein du législatif et renforce l’autorité du
législatif en évitant toute division face à l’exécutif. Finalement, le principe du monocamérisme
est préféré le 27 septembre 1848 par 530 voix contre 289. On retrouve sur cette question le
clivage entre la gauche républicaine toute tendance confondue et la droite des anciens
monarchistes. Par ailleurs, au delà du principe d’unicité, l’assemblée unique instituée par la
constitution de 1848 est encore calquée sur le modèle des premières assemblées révolutionnaires
en ce qu’elle comprend 750 membres qualifiés de « représentants » (pas députés car « sent la
monarchie ») comme à la législative et à la convention.
2°) Le principe de représentation de cette assemblée : les
représentants dont le vrai titre est "représentants du peuple" sont investis d'un mandat
représentatif et tout mandat impératif est interdit. Ces représentants représentent donc la nation
toute entière et non leurs électeurs. Les représentants sont élus au suffrage universel direct. Sur
ce point, la constitution consacre très largement le système électoral instauré en mars 1848 pour
la constituante c'est à dire que sont électeurs les hommes de nationalité française âgés d'au moins
21 ans à la différence de ce qui avait été prévu en mars 1848, la constitution ne précise aucune
condition de résidence et sur ce point renvoie à une loi électorale organique. Par ailleurs, sont
éligibles les électeurs ayant au moins 25 ans sans condition de domicile ce qui autorise toujours
les candidatures multiples simultanées. Pour remédier au problème des députés fonctionnaires de
la monarchie de juillet, il y a désormais incompatibilité entre le mandat de représentant et toute
fonction publique rétribuée. S'agissant du mode électoral lui même, la répartition des sièges se
fait toujours par département et elle est fondée exclusivement sur la population : chaque
département a un contingent fixe de représentants à élire comme en mars 1848. Les élections ont
lieu au scrutin de liste départemental : il s'agit plus précisément pour un électeur de choisir non
pas une liste telle qu'elle se présente mais de mettre sur son bulletin autant de nom qu'il y a de
sièges à pourvoir. Comme en mars 1848, les bureaux de vote sont établis dans chaque chef lieu
de canton, le plus possible les électeurs et le vote est secret. Pour éviter une coupure entre les
électeurs et les représentants le mandat est d'une durée courte de trois ans. L'assemblée se
renouvelle de façon intégrale à chaque élection et les représentants sont indéfiniment rééligibles.
Pour tout le reste des modalités électorales, la constitution renvoie à une loi organique.
3°) Le principe d'indépendance : L'assemblée est totalement indépendante conformément
à la tradition révolutionnaire pour 5 raisons :
a°) En vertu du mandat représentatif, les représentants n'ont aucun compte à
rendre aux électeurs.
b°) Ils sont inviolables dans l'exercice de leur fonction et ne peuvent être
poursuivis qu'en matière criminelle avec l'autorisation de l'assemblée.
c°) L'assemblée est permanente.
d°) L'assemblée est également indissoluble
e°) Les représentants se voient désormais attribuer une indemnité à laquelle ils ne
peuvent pas renoncer.
Cette disposition démocratique a pour objectif d'élargir le champ effectif des éligibles en
assurant une indépendance financière. La seule limite de l'indépendance de l'assemblée découle
de la publicité de ses séances mais cette limite est faible car l'accès du public est strictement
réglementé et l'assemblée peut décider de se réunir en comité secret. L'indépendance contribue
cette fois à la prédominance de l'assemblée.
2°) Une assemblée prédominante
L'assemblée est l'organe constituée qui possède les plus forts pouvoirs. Elle
exerce non seulement l'essentiel de la fonction législative elle participe également à la fonction
exécutive.
S'agissant de la fonction législative, il y a en fait plusieurs choses : l'assemblée
détient l'initiative législative concurremment au président de la république. Elle monopolise le
libre droit de discussion d'amendement et de vote de la loi. L'assemblée a la possibilité de
maîtriser totalement l'élaboration des lois. La procédure législative est encadrée par certaines
règles pour éviter toute dictature par la loi et plus généralement pour faire en sorte que les lois
soient mûrement réfléchies. Tout d'abord, le vote d'une loi n'est valable que si la moitié + 1 des
représentants sont présents lors du vote : c'est une règle de quorum). On prévoit que le vote d'une
loi sauf les cas d'urgence ne peut avoir lieu qu'après trois lectures successives espacées entre
elles d'au moins cinq jours. Lorsque l'urgence est invoquée lors de la présentation d'une loi, elle
doit être motivée. L'assemblée vote alors sur le point de savoir s'il y a lieu de donner suite à
l'urgence. Si c'est le cas, la loi d'urgence est renvoyée en commission. Sur le rapport qui est fait,
il y a encore vote sur la notion d'urgence; Si l'urgence n'est pas constatée, la procédure ordinaire
s'applique (principe de trois lectures successives avec au moins 5 jours entre chaque). Si
l'urgence est constatée, l'assemblée peut procéder sans délai. Toutes ces règles ne valent en fait
que si l'assemblée le veut bien car il n'existe aucun contrôle de constitutionnalité des lois
susceptibles d'assurer le respect des procédures.
S'agissant en second lieu de la fonction exécutive, conformément à la tradition
révolutionnaire, l'assemblée a des pouvoirs en matière de relations extérieures. Plus précisément,
elle doit donner son consentement aux déclarations de guerre et aux traités signés par le président
de la république qui est placé dans une position de subordination.
B°) Le président de la république
Le président de la république institué par la constitution de 1848 est une
innovation constitutionnelle fondamentale déterminante pour l'avenir dans la mesure où cette
innovation se retrouvera dans toutes les républiques françaises suivantes. L'institution a fait
l'objet de très vifs débats qui ont débouché sur des dispositions contradictoires s'inscrivant
essentiellement dans la tradition révolutionnaire tout en empruntant aux traditions césariennes et
parlementaires. Ces contradictions se retrouvent dans le statut et les attributions du président de
la république.
1°) Le statut du président de la république
L'institution proprement dite du président de la république a suscité un
profond débat. Quelques républicains socialistes et radicaux conformément à la tradition
révolutionnaire républicaine ont proposé à la place un conseil exécutif collégial. Cette solution
n'a même pas été soumise au vote : elle reste tellement minoritaire que finalement elle n'a même
pas donné lieu à un vote, est resté pour terme de proposition et ce parce que depuis les
événements de juin 1848 et la nomination de Cavaignac comme président du conseil, la plupart
des constituants sont désormais persuadés qu'il faut substituer l'unité à la collégialité de
l'exécutif. L'extrême gauche et la gauche ne veulent pas d'un président de la république qui leur
apparaît comme une résurgence de la monarchie et ils veulent totalement subordonné l'exécutif à
l'assemblée. Dans cette perspective, le radical Grévy a proposé un amendement selon lequel le
pouvoir exécutif est délégué à un président du conseil des ministres élu par l'assemblée pour un
temps illimité mais toujours révocable. Cet amendement visait à consacrer l'expérience mise en
place avec Cavaignac. Le problème est que l'amendement Grévy est très largement rejeté le 7
octobre par 643 voix contre 158. Dès lors que l'institution du président de la république est
acquise, tout le problème déjà apparent dans l'amendement Grévy reste de savoir comment doit
avoir lieu sa désignation. Cette question est sans doute la principale qui ce soit posé aux
constituants conscients que l'avenir même de la République en dépendait. Deux tests sont
affrontés : le projet de constitution proposait l'élection du président au suffrage universel direct.
Par opposition, l'amendement Leblond proposait l'élection par l'assemblée.
L'amendement Leblond est essentiellement défendu par l'extrême gauche
et la gauche ce qui peut paraître paradoxale compte tenu de leur attachement au pouvoir du
peuple. Mais, cette attitude est logique; En effet, pour les républicains les plus marqués à gauche,
l'adoption qui avait été faite du monocamérisme était le signe d'un rejet du système de l'équilibre
ou de la balance des pouvoirs pour assurer la subordination de l'exécutif. Il serait donc
inconséquent pour eux d'instituer un législatif et un exécutif égaux par leur mode de désignation
et donc par leur légitimité. Pour la gauche, l'élection par l'assemblée est le meilleur moyen
d'assurer la subordination du président. Dans cette logique, la gauche souligne le danger de
l'élection au suffrage universel direct qui donnerait au président une légitimité qui est présenté
comme supérieur au sacre de Reims et lui donnerait une autorité morale supérieure à celle d'un
Roi. En résumé, pour la gauche, le suffrage universel direct pourrait finalement tuer la
République comme le prouve les plébiscites qui ont conduit à la dictature de Napoléon. Mais,
malgré tous ces avertissements, l'amendement Leblond est rejeté le 7 octobre par 602 voix contre
211. Concrètement, la majorité du centre gauche donc des républicains modérés et toute la droite
ont préféré suivre les arguments avancés par Lamartine et par Tocqueville (ancien orléaniste de
gauche qui siège désormais au centre droit). Tout d'abord, l'exemple américain est présenté
comme prouvant que l'élection du président au suffrage universel est sans danger pour la
démocratie. Par ailleurs, autre argument : la solution du suffrage universel direct paraît dicté tout
simplement par la logique démocratique et l'élection par l'assemblée serait une sorte de violation
de la souveraineté nationale. Enfin, l'élection du président au suffrage universel direct ne remet
pas en cause sa subordination à l'égard de l'assemblée compte tenu des règles réductrices
encadrant ses attributions. Si on regarde l'issue finale, on constate que le 9 octobre, la
constituante va consacrer une solution médiale. Il est prévu que dans un premier temps a lieu une
élection au suffrage universel direct à l'occasion d'un seul tour de scrutin au vote secret. Si un
candidat obtient la majorité absolu des suffrages exprimés et au moins deux millions de voix il
est élu président de la république. Si ces conditions ne sont pas réunies, l'assemblée est alors
chargée d'élire le président à la majorité absolue et au scrutin secret parmi les cinq candidats
ayant obtenus le plus de voix lors de l'expression du suffrage universel. On constate que le
président de la république n'est pas nécessairement élu au suffrage universel direct : le principe
du suffrage universel direct a la primeur mais les conditions pour être élues au premier tour sont
tellement exigeante qu'il y a d'avantage de probabilité pour que l'élection se termine devant
l'assemblée. La seule élection présidentielle qui va avoir. Au delà des modalités d'élection, les
candidats à la présidence doivent remplir certaines conditions : il faut être né français, n'avoir
jamais perdu la nationalité française et être âgé d'au moins 30 ans. La durée du mandat calqué sur
le modèle américain est fixé à 4 ans. Cette durée est supérieure d'un an à celle de l'assemblée de
manière à éviter des élections présidentielles et législative simultanées considérées comme
susceptibles de déstabiliser la république. La durée du mandat est révélatrice de la volonté des
constituants d'éviter toute possibilité d'instauration d'un pouvoir personnel. Non seulement le
mandat présidentiel est relativement court mais le président n'est pas immédiatement rééligible
puisqu'il doit laisser s'écouler au moins 4 ans avant de pouvoir éventuellement se représenter à
une élection présidentielle. Durant son mandat, le président est indépendant, il ne peut être
renversé par aucun organe et l'assemblée n'a aucun moyen de pression sur lui. Cependant,
contrairement au principe traditionnel d'irresponsabilité du chef de l'Etat, la constitution de
1848 dans un esprit de suspicion à l'égard de l'exécutif prévoit une responsabilité du président.
Mais cette responsabilité n'est envisagée que sur le plan pénal dans des cas extrêmes. Plus
précisément, tout acte par lequel le président tenterait de dissoudre l'assemblée ou de faire
obstacle à l'exercice de ses fonctions (de l'assemblée) serait un crime de haute trahison. Le
président est automatiquement déchu, les citoyens sont tenus de lui désobéir et sa responsabilité
pénale est engagée par l'assemblée devant la haute cour de justice. Dès lors que le président ne
porte pas atteinte à l'assemblée, il ne risque rien. Au total du point de vue de son statut, le
président de la république est placée dans une position égale à l'assemblée surtout s'il est élu au
suffrage universel direct. En revanche, ces attributions le place dans une position d'infériorité par
rapport à l'assemblée.
2°) Les attributions du président de la République
Selon Tocqueville, les pouvoirs conférés au président par la constitution se
caractériseraient "par une impuissance dans la sphère législative et une étroite dépendance dans
la sphère exécutive". Cette présentation est peut être trop réductrice mais il est vrai que les
attributions du président sont moindres que celles de l'assemblée. En matière législative, le
président possède deux pouvoirs : d'une part, il dispose de l'initiative législative concurremment
à l'assemblée ce qui veut dire que le président peut donc proposer une politique. D'autre part,
avant de promulguer une loi, le président a le droit de demander à l'assemblée une nouvelle
délibération du texte dans le délai d'un mois après son vote. La nouvelle délibération de
l'assemblée quel qu'elle soit est définitive et le président doit la promulguer. Cela veut donc dire
que le droit de demander une nouvelle délibération n'est donc pas un droit de veto. D'ailleurs à
défaut de promulgation par le président de la république, le président de l'assemblée y pourvoit.
Cela veut donc dire que le président ne peut donc pas contrariée la politique législative de
l'assemblée qui est donc ici dans une position de supériorité.
Deuxième sphère d'action en matière exécutive : en matière exécutive, les
pouvoirs du président sont également restreints dans la logique d'une conception stricte et
subordonnée de la fonction exécutive. Le président est chargé de l'exécution des lois mais il ne
dispose pas du pouvoir réglementaire confié au conseil d'Etat. Par ailleurs, le président dirige
l'administration dont il nomme la plupart des membres mais il ne possède pas le pouvoir de
contrôle hiérarchique qui appartient là encore au conseil d'Etat.
Dernier point, le président veille à la défense de l'Etat et dispose de la
force armée mais sans pouvoir commander l'armée en personne. De même, il ne peut déclarer la
guerre qu'avec le consentement de l'assemblée et les traités qu'il négocie doivent être approuvés
par l'assemblée.
Enfin, troisième sphère d'intervention du président : en matière judiciaire,
le président a seulement le droit de nommer les magistrats et le droit de faire grâce mais après
avoir pris l'avis du Conseil d'Etat.
Pour exercer ses attributions le président est assisté par le vice président de la
république,les ministres et le Conseil d'Etat. Le vice président de la république est élu dans le
mois qui suit l'élection présidentielle par l'assemblée parmi trois candidats présentés par le
président de la république. Le vice président est essentiellement chargé de présider le conseil
d'Etat. Par ailleurs, il remplace le président de manière circonstancielle en cas d'empêchement ou
de vacances de la présidence. En cas de vacances, il s'agit d'un simple intérim car une élection
présidentielle doit avoir lieur dans le mois suivant la vacance. Le président est également entouré
de ministres.
D'une manière traditionnelle, les ministres sont placés à la tête des grandes branches de
l'administration étatique. Autre élément traditionnel, ils sont chargés de l'exécution des lois et
doivent contresigner tous les actes du président. Ils sont nommés et révoqués par le président
mais leur nombre et leurs attributions sont fixées par l'assemblée qui garde ainsi un certain
contrôle sur eux. Les ministres sont donc subordonnés : dans cette logique de subordination,
l'article 68 de la constitution prévoit de manière générale et imprécise que les ministres "sont
responsables de tous les actes du gouvernement et de l'administration". Il est certain que la
responsabilité des ministres est envisagée sur le plan pénale car plusieurs articles de la
constitution prévoient qu'en cas de crime de haute trahison, ils peuvent être mis en accusation par
l'assemblée devant la haute de cour de justice. En revanche, aucune responsabilité politique n'est
clairement consacrée mais cela n'empêche pas qu'elle puisse être sous entendu. Il est d'ailleurs
vraisemblable que de nombreux constituants, notamment les anciens orléanistes ont pensé la
responsabilité ministérielle en termes politiques conformément à la tradition parlementaire. Cette
interprétation parlementariste peut d'ailleurs être confortée par l'article 69 qui prévoit que les
ministres peuvent être concurremment membres de l'assemblée. En revanche, ce qui est certain
c'est que la constitution ne prévoit aucun mécanisme permettant à l'assemblée de renverser le
ministres, seul le président ayant juridiquement le droit de les révoquer.
Enfin, à coté des ministres le président est encore assisté du conseil d'Etat qui
d'une manière plus générale est chargé de jouer un rôle d'interface entre le président et
l'assemblée.
C°) Le conseil d'Etat
Au moment du vote de la constitution de 1848, il existe déjà un Conseil d'Etat
hérité de la monarchie de juillet qui est le principal corps administratif de l'Etat. Avec la
constitution le conseil d'Etat change en partie de nature et devient une institution mixte à la fois
assemblée politique et corps administratif. L'objectif de la majorité des constituantes est d'en
faire une espèce de deuxième assemblée chargée d'un rôle de tampon, d'intermédiaire entre le
président et l'assemblée législative. La constitution se contente de poser les principales règles
relative à la composition et aux attributions du Conseil d'Etat en renvoyant pour le reste à une loi
organique.
Tout d'abord, le conseil d'Etat est présidé par le vice président de la république. Il
est composé de 40 conseillers d'état non plus désignés par le chef de l'Etat conformément à la
tradition mais élu par l'assemblée pour 6 ans et indéfiniment rééligible. L'assemblée peut
également révoquer les conseillers d'Etat mais seulement sur la proposition du président de la
république. Le procédé de l'élection permet l'assemblée de se constituer une sorte de relais au
sein de l'exécutif. Il est d'ailleurs probable que l'assemblée désigne comme conseiller d'Etat des
hommes de sa couleur politique. même si l'adéquation initiale entre l'assemblée et le conseil
d'Etat est susceptible d'être remise en cause au grès des élections futures. Le fait pour une
tendance politique de l'assemblée d'être représentée au conseil d'Etat est d'autant plus important
que le Conseil d'Etat est le collaborateur obligé du président et qu'il a de très larges pouvoirs à la
fois en matière législative et en matière administrative. En matière législative, le conseil d'Etat
est consulté obligatoirement sur tous les projets de loi du gouvernement. Ainsi, les pouvoirs
législatifs du président et des ministres sont encadrés même s'ils ne sont pas tenus de suivre les
avis du Conseil d'Etat. En revanche, les propositions de loi émanant de l'assemblée sont
adressées de manière facultative au Conseil d'Etat. En matière administrative, le Conseil d'Etat
est placé au sommet du système administratif à côté du président. Il rédige les textes
réglementaires, il est l'autorité de tutelle des administrations locales. D'une manière générale, il
peut être consulté par le président et les ministres pour toute question intéressant l'administration.
Enfin, il est le juge suprême du contentieux administratif. Les constituants de 1848 comme
d'ailleurs tous leurs prédécesseurs ont eu le sentiment d'adopter une constitution faite pour durer.
Cette constitution semble faire l'objet d'un consensus puisqu'elle est finalement votée par la
plupart des constituants. Cependant, ce consensus n'est qu'apparent; En réalité, l'élaboration
article par article de la constitution ne s'est faite que par des majorités fluctuantes à chaque fois et
quasiment chaque constituant considère chacun de son côté que la constitution présente de gros
défauts tout en se refusant au final à rejeter le texte dans sa globalité. Ces défauts vont se révéler
rapidement d'autant plus qu'ils vont être aggravés par la conjoncture politique.
Section 3. les vicissitudes politiques et l'echec de la 2eme république.
Une fois la constitution adoptée les organes constitués doivent etre mis en place, cette mise en
place va se faire progressivement entre novembre 1848 et mai 1849 selon un calendrier fixé par
la constituante. Une fois installé, les corps constitués vont se réveler incapables de collaborer
précipitant ainsi le régime vers sa chute avec le coup d'etat de Louis napoléon bonaparte du 2
décembre 1851.
§1. la mise en place des institutions :
cette mise en place est programmée par la constitution de 1848 elle meme a travers ses
dispositions transitoires. Le calendrier a une logique simple, la constituante qui s'apparente a
l'assemblée législative considère qu'elle peut continuer a exercer le pouvoir législatif le temps
d'achever son travail constituant de rédaction des lois organiques completant la constitution.
En revanche, il parait urgent a la constituante de remplacer le président du conseil cavaignac par
un président de la république. La date d'election du président de la république est fixée au 10
décembre 1848, la constituante est maintenue jusqu'au vote des lois organique parmis lesquelles
la loi electorale.
Dès lors que ces lois auront été votés, l'election de l'assemblée législative pourra avoir lieu.
A. l'election du président de la république :
5 candidats se présentent a l'election présidentielle 2 républicains modèrés (lamartine et
cavaignac) le radical ledru-rollin le socialiste raspail, et enfin Louis napoléon bonaparte.
Louis napoléon est inclassable sur le plan politique mais il bénéficie du soutien officiel du parti
dit de l'ordre crée en mai 1848 rassemblant les anciens monarchistes, et certains républicains
modèrés.
On peut constater que les candidatures révèlent une profonde division des républicains modèrés.
A. l'appareil exécutif :
se compose des ministres et du conseil d'etat.
1.les ministres :
conformément aux usages, les ministres demeurent placés a la tete des grandes branches de
l'administration étatique. Ils sont chargés d'exécuter les lois et doivent contresigner les actes
du chef de l'etat. Cependant, les fonctions ministérielles sont désormais définies en rupture totale
avec la tradition parlementaire.
Le chef de l'etat nomme et révoque librement ses ministres. L'article 13 précise : les ministres ne
dépendent que du chef de l'etat, ils ne sont pas solidaires. Dans cette logique les ministres ne
peuvent pas cumuler de fonctions avec ses députés. Les ministres n'ont donc de comptes a rendre
qu'au chef de l'etat dont ils sont les principaux agents d'exécution.
La constitution prévoit seulement une responsabilité pénale des ministres qui peuvent etre mis
en accusation pour crime de haute trahison, par le sénat devant une haute cour de justice.
2.le conseil d'etat :
le CE en rupture avec la 2eme république est restauré sur le modèle de l'an 8. il est concut
comme un conseil au sens stricte, il ne dispose d'aucune indépendance juridique a l'egard du chef
de l'etat.
Il ne peut se saisir de lui meme d”aucune affaire, il n'a aucun pouvoir propre de décision, car ses
délibérations pour etre exécutoires doivent etre approuvées par le chef de l'etat qui est totalement
libre d'approuver ou non.
Les membres du conseil d'etat sont nommés et révoqués librement par le chef de l'etat.
A défaut d'indépendance juridique, le CE est l'auxiliaire essentieldu chef de l'etat par l'etandue de
ses compétences.
En premier lieu, il participe de manière fondamentale a la fonction législative, il rédige tout les
projets de loi, de plus, il présente et soutient les projets de loi devant le corps législatif. Le CE
connait de tout les amendements proposés par le corpslégislatif qu'il approuve ou non. En second
lieu, le CE est au sommet du systeme administratif a coté du chef de l'etat. Le conseil rédige la
plupart des textes règlementaires, de plus, il est instrument de la tutelle des département
communes et établissements publics par l'approbation ou le rejet qu'il propose de leurs actes les
plus importants. Le CE donne son avis sur toutes les questions d'ordre administratif qui lui sont
adressées par le chef de l'etat et les ministres, et enfin, le CE est le juge suprème du contentieux
administratif.
Finalement, le chef de l'etat, avec les ministres et le CE est maitre de tout l'appareil administratif,
et il intervient de manière prépondérante dans l'éllaboration des lois. Ce soutien technique se
double de celui du sénat.
B. le sénat :
le sénat est une assemblée concue pour apporter un soutien politique au chef de l'etat.
Les sénateurs sont nommés exclusivement par le chef de l'etat qui a toute liberté de choix car il
n'y a pas de conditions pour etre sénateur meme pas une condition d'age. Le nombre de sénateurs
ainsi nommés ne peut excèder 150 .
A coté de ces sénateurs, sont sénateurs de droit, d'une part, les membres de la famille bonaparte
ayant plus de 18ans, , et d'autre part, les caridnaux, les maréchaux et les amiraux, c'est a dire les
grands dignitaires de l'eglise et de l'armée considèrés comme les grands soutiens du régime. Tout
les sénateurs sont a vie et inamovibles sans hérédité. Les sénateurs, par leurs origines, sont donc
sensés etre favorable au chef de l'etat. Toutefois, pour éviter toute véléhité d' indépendance, le
fonctionnement du sénat est sous le controle du chef de l'etat.
Le président et les vices président du sénat sont nommés par le chef de l'etat parmis les
sénateurs pour une durée d'un an. Le chef de l'etat, préside de droit le sénat quand bon lui semble
d'y venir. Le sénat ne peut se prémunir que sur convocation du cchef de l'etat qui fixe la durée
des sessions. Enfin les séances du sénat ne sont pas publiques, rien ne peut filtrer de ses
délibérations. Cette maitrise du corps sénatorial par le chef de l'etat est d'autant plus essentielle
pour lui que le sénat dispose de pouvoirs importants. L'idée de base c'est que le sénat n'est
absolument pas concu comme un chambre haute. Par opposition a l'ancienne chambre des pairs,
il n'est plus une haute cour de justice et il ne concours plus a la formation de la loi.en matiere
législative, il n'a pas le pouvoir de discutter ni de voter la loi. Cependant, il dispose seulement du
droit d'adresser au chef de l'etat des rapports posant les bases :” de projets de loi d'un grand
intéret national”. Ces rapports ne sont que des voeux législatifs laissés a la libre appréciation du
chef de l'etat qui n'est pas tenu de leur donné suite.
En revanche, dans la tradition du premier césarisme, le sénat possède des attributions qui en font
le gardien de la constitution et des libertés publiques. Le sénat est la seule institution habilitée a
recevoir et a traiter les pétitions des citoyens, le sénat est l'organe de controle de
constitutionnalité dans deux hypothèses, dans l'optique d'un controle a priori, toutes les lois lui
sont soumises avant d'etre promulgées, et le sénat peut s'opposer a la promulgation pour
inconstitutionnalité.
Dans l'optique d'un controle a postériori, le sénat maintien ou annule tout les actes qui lui sont
défèrés comme inconstitutionnels soit par le gouvernement, soit par les citoyens par voie de
pétition de telles formes de controle font du sénat de manière tres novatrice un juge
constitutionnel au sens large.
Le sénat a un role constituant, d'une part, de sa propre initiative, il rend des sénatus consult
complètant ce qui n'a pas été prévu par la constitution ou indiquant le sens des dispositions de la
constitution qui donnentn lieu a des interprétations divergentes. Les sénatus consult sont
promulgés par le chef de l'etat qui a une liberté d'approuver ou non le sénatus consult.
D'autre part, le sénat est le seul a pouvoir proposer des modifications de la constitution avec
une limite c'est que si l'initiative lui appartient en verité elle émane du chef de l'etat.
De plus, ces modifications doivent etre approuvée elles aussi par le chef de l'etat avant d'etre
rédigées sousla formede sénatus consult. Enfin, si ces modifications touchent aux bases
fondamentales de la constitution, elles doivent etre soumises au suffrage universel que seul le
chef de l'etat peut convoquer.
Pour parachever l'épanouissement du pouvoir personnel du chef de l'etat, il restait encore a
encadrer le corps législatif.
§3. l'encadrement du corps législatif
la constitution de 1852 consacre l'existence d'un corps législatif car il est impossible de ne pas
maintenir une assemblée législative discutant et votant les lois sans renier toute l'histoire
politique depuis 1789. l'institution du corps législatif a pour objectif de donner l'apparence du
respect de la séparation des pouvoirs. Le choix du monocamérisme ne se fonde sur aucun
principe. Il découle du simple fait qu'une seule assemblée législative parait suffisante pour
participer a l'ellaboration des lois. Un corps législatif etant maintenu, tout les probleme est de
l'encadrer pour qu'il ne puisse devenir un contrepouvoir face au chef de l'etat sensé conduire seul
la politique du pays. Les pouvoirs du corps législatif sont restreints, il ne participe aucunement a
la fonction exécutive, il n'a plus le droit d'envoiyer des adresses au chef de l'etat. Il ne peu plus
recevoir les pétitions des citoyens, il n'a plus aucun rapport avec les ministres. Il ne peut plus
demander au ministre de venir s'expliquer et ne peut plus engager leurs responsabilité.
Le corps législatif participe seulement et de maniere partielle a l'exercice de la fonction
législative.
Il n'a pas l'initiative qui est monopolisée par le chef d el'etat. En revanche, il a le droit de
discussion des lois, il a le droit d'amendement, mais, de maniere tres encadrée. Les
amendements, pour pouvoir etre discuttés et eventuellement votés, doivent tout d'abord etre
avalisés par la commission du corps législatif chargée de l'examen du projet de loi. Puis, doivent
etre ensuite approuvés par le conseil d'etat. Le gouvernement est onc obligé d'obtenir le concours
du corps législatif pour l'approbation de ses projets de lois.diverses règles sont fixées pour eviter
dans la mesure du possible au chef de l'etat des obstacles et des mauvaises surprises. Tout
d'abord, en matiere budgétaire, le budget n'est plus voté par chapitres et articles mais seulement
par ministères, de cette maniere le corps législatif ne peut plus rentrer dans les détails et le
gouvernement dispose d'une grande liberté d'action pour répartir les crédits votés.
Au dela de ca, certaines matieres considèrées comme fondamentales dans la politique de
napoléon 3, sortent du domaine de la loi, désormais, les traités de commerce et les grands
travaux public sont autorisés par décret. Enfin, le fonctionnement du corps législatif est
strictement règlementé de maniere a le priver de toute véritable indépendance.
Le corps législatif n'est pas permanent, il ne peut se réunir que sur convocation du chef de l'etat
et ses sessions ordinaires ne durent que 3 mois maximum par an. Par ailleurs seul le chef de l'etat
peut le convoquer pour d'eventuelles sessions extraordinaires dont il fixe ladurée. Le président et
les vices président du corps législatif ne sont plus élus librement par cette assemblée, mais
nommés pour un an par le chef de l'etat parmis les députés, lors des discussions, tout signe
d'approbation ou d'improbation est interdit, sous peine de sanctions qui peuvent allés jusqu'a
l'exclusion temporaire. Les séances du corps législatif sont publiques mais il suffit de la demande
de 5 députés pour qu'une séance se tienne en comité secret. Afin de neutraliser l'activité du corps
législatif, en suscitant le désintéret de l'opinion publique a son égard, pour la premiere fois,
seul un résumé des débats approuvé par le président du corps législatif peut etre publié dans la
presse. Enfin, le corps législatif est sous la menace constante du droit de dissolution du chef de
l'etat, il est cependant prévu qu'en cas de dissolution, un nouveau corps législatif doit etre
convoqué par le chef de l'etat dans les 6 mois.
Pour louis napoléon il ne suffit pas de réduire les pouvoirs du corps législatif, et d'encadrer son
fonctionnement, ilfaut également maitriser sa composition. Il est impossible de revenir au
simulacre d'election du 1er césarisme, d'ailleurs, louis napoléon est fondamentalement attaché au
pouvoir du peuple et le régime est basé sur le suffrage universel direct rétablit pleinement par
un décret du 2 décembre 1951. dans cette logique, la constitution du 14 janvier 1852 consacre le
principe de l'election des députés au suffrage universel direct. Elle prévoit également que les
elections ont pour base la population a raison d'un député pour 35000 electeurs inscrits elle
prévoit également que le scrutin de liste est interdit et enfin elle prévoit que les députés sont élus
pour 6ans.
Ces règles constitutionnelles sont précisées par un décret organique et par un décret
règlementaire du 2 février 1852 relatif a l'election des députés au corps législatif.pour etre
electeur, il suffit d'etre un homme de nationalité francaise agé d'au moins 21 ans domicilié depuis
au moins 6 mois dans une commune, et etre inscrit sur la liste electorale de cette commune. Il
suffit d'etre un electeur agé d'au moins 25 ans sans conditions de résidence dans le lieu
d'election, ce qui autorise toujours les elections simultanées. La constitution interdisant le scrutin
de liste, l'election a désormais lieu au scrutin uninominal dans un cadre territoriale inédit.
Chaque département est fractionné en plusieures circonscriptions sur la base de 35k electeurs
par circonscription. Les circonscriptions electorales coincident souvent avec les
arrondissements sans que cela soit la règle. Il est prévu que la carte electorale doit etre révisée
par décret tout les 5ans, et ainsi, en 1852 le nb de député est de 251 et en 1857, il s'élève a 267.
le droit pour le gouvernement de tracer et de réviser les limites des circonscription luinpermettent
de pratiquer un découpage electoral orienté qui tient compte des elections passées pour favoriser
ou défavoriser tel candidat. Avec le meme esprit d'essayer de maitriser les elections, le vote est
toujours secret, mais a désormais lieu a la mairie de chaque commune sous la surveillance des
maires qui sont nommés par le gouvernement. Enfin le scrutin est a deux tours pour etre élut
aupremier tour, il faut la majorité absolue ds suffrages exprimés, et un nombre de voix au moins
égale au quart des inscrits. Au second tour, la majorité relative sans aucune autre règle suffit.
Toutes ces règles ne suffisent pas.
Et Louis napoléon et ses partisans en ont conscience, ils vont alors consacrer l'institution de la
candidature officielle.
La pratique selon laquelle un gouvernement soutien activement des candidats qui lui sont
favorables contre des opposants existait déja sous les régimes antérieurs, mais elle atteint sous le
second empire un dégré sans précédents. L'institution de la candidature officielle est exposée
pour la premiere fois a l'occasion des premieres elections législatives du régime par une
circulaire du 11 février 1852, du ministre de l'intérieur du moment Persigni.le message de la
circulaire est clair, il faut que le peuple soit mit en mesure de discerner quels sont les amis et
quels sont les ennemis du gouvernement qu'il vient de fonder. Dans chaque circonscription, il y a
fond un candidat officiel. Le candidat officiel est celui que le gouvernement juge le plus propre a
le soutenir, cela ne signifie pas une candidature unique, car tout les éligibles peuvent etre
candidats.
Seul le candidat présenté comme officiel bénéficie du soutien actif du gouvernement qui a
intéret a le faire élir. Les elections législatives prennent un caractère plébiscitaire qui pousse a
l'extreme de la logique césarienne. Dans chaque circonscription le candidat officiel est le
représentant de Louis napoléon. Autrement dit, voter pour le candidat officiel c'est voter pour
louis napoléon et inversement. Le gouvernement met tout en oeuvre pour favoriser l'election des
candidats officiels. Dans cette perspective, l'administration est embrigadée. En premiere ligne,
les préfets sont les principaux agents electoraux du pouvoir sous la direction du ministre de
l'intérieur. Ce sont meme d'ailleurs des prefets qui font le plus souvent le choix des candidats
officiels qu'ils vont ensuite soutenir. En 2eme ligne, les maires sont chargés par les préfets de
faire tout ce qu'il faut pour orienter le vote de leurs concitoyens, en effet l'administration prend
en charge les frais e propagande des candidats officiels qui ont par ailleurs le droit exclusif
d'avoir des affiches sur fond blanc théoriquement réservé a l'administration et considèré comme
les plus visibles.
Au dela de l'institution des candidat officiels et des modalits electorales, les candidats
d'opposition ont d'autant moins de chance d'etre élus que les libertés publiques sont sévèrement
restreintes, en effet on constate que les idées hostiles au régime n'ont quasiment aucune
possibilité de s'exprimer. Ainsi, les droits de réunion et de manifestation sont interdit et la presse
est soumise a la censure. Si un opposant est élut, sa conscience devra affronter l'obligation
prévue par la constitution de prêter serment de fidélité a Louis napoléon sous peine d'etre déclaré
démissionaire de son mandat, un député ne peut donc pass'opposer résolument au régime sans
etre un parjure.
Sous l'empire héréditaire, ont lieu deux elections générales au corps législatif en février 1852, et
en juin 1857.
ces deux elections générales sont d'énormes succes pour le pouvoir, au dela meme de ses
espérances.
La plupart des candidats officiels sont élus, l'opposition au régime s'est manifestement en partie
abstenue sous l'effet du découragement, et de l'intimidation. L'abstention est en hausse avec
environ un tiers des electeurs en 1852 et en 1857.
en 1852, seul 3 véritables opposants républicains sont élus, comme il refuse de preter serment, il
n'y a aucune opposition au régime ou au corps législatif. En 1857, 5 opposants déclarés tous
républicains sont élus et acceptent de sièger formant ce que l'on a appelé le groupe des 5. une
telle opposition ne peut évidement pas contrarié la politique de louis napoléon, aussi le régime
autoritaire ne rencontre aucun obstacles. Durant les années 1850 il profite meme d'une
extraordinaire conjuoncture économique, le second empire se traduit alors par l'ordre et la
prospérité.
Il n'est donc pas étonnant qu'il rencontre le soutien oisif de l'opinion publique. Mais
paradoxalement, alors qu'apparament rien ne semble remettre en cause l'autoritarisme, louis
napoléon va prendre l'initiative de libéraliser le régime en 1860 débute alors une nouvelle phase
celle de l'empire libéral.
Section 2 : l'empire libéral 1860 1870 :
la libéralisation du régime dans les années 1860 prend une double forme, d'une part un
assouplissement des restrictions aux libertés publiques et d'autre part, la restauration du
parlementarisme consiliée de maniere originale avec le césarisme. Cette libéralisation est liée a
une série de facteurs.
L'empire autoritaire se caractérisait de maniere contradictoire comme une démocratie sans
libertés ou le suffrage universel direct s'exprimait de facon canalisée. Cependant, le suffrage
universel direct est difficilement dissociable du libéralisme politique, et il ne peut pas etre
indéfiniement encadré sans aspirer a pouvoir s'exprimer librement.
Le second empire ne parvient pas a obtenir le soutien inconditionnel d'une classe politique
authentiquement bonapartiste. Le corps législatif en fournit une parfaite illustration, en effet les
députés véritablement bonapartistes sont peu nombreux, en fait, la grande majorité des députés
élus avec l'etiquette candidats officiels sont d'anciens orléanistes de gauche, ces orléanistes se
sont ralliés a Louis napoléon et ont acceptés le caractere autoritaire du régime parce qu'ils étaient
prometteurs d'un rétablissement d'une stabilité politique et sociale mise a mal sous la 2eme
république. Mais, pour les orléanistes, l'autoritarisme n'a qu'un temps, car ils sont
fondamentalement attachés au libéralisme politique et au parlementarisme dont ils attendent la
restauration.
Louis napoléon va donc devoir composer avec les aspirations de ses soutiens.
Louis napoléon met en oeuvre une politique économique tres libérale dont le point d'orgue est
atteint avec la signature du traité de libre échange entre la france et l'angleterre le 23 janvier
1860.
or, si le libéralisme politique n'implique pas nécéssairement le libéralisme économique, en
revanche, le libéralisme économique induit naturellement le libéralisme politique.
Louis napoléon mène une politique étrangère libérale, en cherchant a limiter l'influence des
monarchies européennes les plus conservatrices. Dans cette optique de politique étrangere
libérale Louis napoléon soutien l'émancipation des italiens contre l'autriche et le pape qui aboutit
a la disloquation des etats pontificaux.
Ici, l'idée est que cette promotion de la liberté a l'extérieur va dans le sens d'une semblable
promotion a l'intérieur.
Quelque soit la portée de ces facteurs, la libéralisation se réalise a la seule initiative de louis
napoléon. Elle n'intervient pas d'un coup mais a lieu en temps.
Elle débute avec les premieres réformes en 1860-1861, elle se poursuit avec une deuxieme vague
de réforme entre 1866 et 1868 et elle s'achève avec l'ultime réforme 1869-1870.
§1. les premieres réformes :
la libéralisation politique du second empire avant meme qu'il ne soit question de réforme trouve
son origine dans un décret impérial du 16 aout 1859 accordant l'amnistie a tout les individus
condamnés pour des crimes et délits politiques, y compris ceux qui se sont opposés au coup
d'etat.
Cette mesure ne modifie encore rien a l'agencement constitutionnel, mais elle est le signe d'un
changement d'etat d'esprit du régime. Dans cette nouvelle perspective, des réformes d'inspiration
parlementariste sont opèrées par trois textes successifs.
Premier texte : un décret du 24 novembre 1860, inove sur trois points, premier point, ce décret
emploi le terme de chambre a propos du sénat et du corps législatif, renouant ainsi sur le plan du
vocabulaire avec la restauration et la monarchie de juillet qui se sont caractérisé par
l'emergence du parlementarisme précisément sous l'impulsion des chambres. Le décret de 1860
rétablit l'un des principaux mécanismes parlementariste a savoir le droit d'adresse, en réponse au
discours du trone inogurant chaque session.
Ce droit est offert non seulement au corps législatif, mais également au sénat qui cesse ainsi
d'etre le simple gardien de la constitution pour voir son role evoluer vers celui d'une seconde
chambre.
Avec l'adresse les deux chambres obtiennent le droit d'exprimer leurs but sur la politique
générale de l'exécutif et d'opèré un certain controle meme s'il n'est pas encore question d'engager
une quelconque responsabilité politique.
Le décret de 1860 crée des ministres sans portefeuille chargés de défendre les projets de lois
devant les chambres. Le dialogue est ainsi renoué entre le ministère et les chambres, meme s'il
demeure encore limité car les veritables ministres dotés de portefeuille ne peuvent toujours pas
venir s'expliquer.
Deuxieme texte : Sénatus consult du 2 février 1861.
il prévoit une seule chose : il rétablit la pleine publicité des débats parlementaires.
Désormais l'intégralité des debats des deux chambres peuvent etre publiés. Le contact est
entièrement renoué entre les chambres et l'opinion publique.
Troisieme texte : sénatus consult du 31 décembre 1861 :
ce senatus consult restaure les pouvoirs bugtéaires du corps législatif.
Désormais,le budget n'est plus seulement examiné par ministère comme prévu depuis 1852, mais
par chapitre et par article conformément a la tradition inogurée sous la restauration.
Le corps législatif peut ainsi controler dans le détail la politique du gouvernement.
Ces trois premières réformes sont encore timides mais elles conduisent néanmoins a un réveil
de la vie politique qui se manifeste tout d'abord lors des elections générales au corps législatif de
mai 1863. les différents opposants au régime léthargique depuis 1852 considèrent le début de
libéralisation comme un avoeu de faiblesse de Napoléon 3 et joignent leurs efforts avec un
certain succès puisqu'ils obtiennent 32 députés sur 283. on trouve a l'extreme gauche 17
républicains et a l'extreme droite 15 indépendants regroupant des protectionnistes et des
catholiques fervants mécontents des évolutions de la politique de napoléon 3.
le probleme du régime ne vient pas de cette opposition qui reste tres minoritaire mais de
l'evolution de la majorité gouvernementale. En effet, un important groupe d'orléanistes élus sous
l'étiquettes candidats officiels décident de manifester leur indépendance, ils acceptent de soutenir
napoléon 3 a condition que le régime se libéralise complètement. Ces orléanistes auquels se
joignent quelques républicains ralliés au régime comme émile olivier par exemple, fondent le
Tiers parti, dont le programme vise a transformer le régime en un empire libéral et parlementaire.
Compte tenu de cette pression qui s'exerce au sein meme de sa majorité, napoléon 3 va
entreprendre une deuxieme série de réformes.
§2. la 2eme vague de réforme entre 1866 et 1868 :
cette deuxieme vague est réalisée par 5 textes :
1er texte sénatus consult du 18 juillet 1866. ce texte élargit le pouvoir de discussion du corps
législatif sur deux points : la durée maximale de 3 mois fixées pour les sessions ordinaires est
supprimée, de telle sorte que le corps législatif est désormais susceptible de se réunir plus
longtemps, en effet, le chef de l'etat conserve son droit préeminent de convoquer et de cloturer
les sessions du corps législatif. Le droit d'amendement est amélioré tout en restant tres encadré.
Un amendement non adopté par la commission du corps législatif chargé du projet de loi ou par
le conseil d'etat, un tel amendement auparavant etait mort, désormais il peut faire l'objet d'un
vote de prise en considération par le corps législatif et dans ce cas, il est renvoyé a la commission
pour un nouvel examen. Le corps législatif peut désormais discutter cet amendement et voter .
L'amendement ne pourra etre soumis au vote du corps législatif que si la commission et le
conseil d'etat acceptent de l'avaliser ce qui signifie que le filtre reste au final le meme.
2eme texte : un décret du 19 janvier 1867 :
ce décret accroit les possibilité de dialogue enhtre l'exécutif et les deux chambres.
Les ministres avec portefeuille peuvent désormais etree chargés de venirdéfendre les projets du
gouvernement devant les deux chambres. Le contract romput depuis 1852 est rétablit, il y a
cependant encore deux limites, en effet un ministre ne peut entrer au corps législatif ou au sénat
qu'avec une déléguation spéciale du chef de l'etat qui fait donc encore écran entre le ministre et
les chambres.
De plus, compte tenu de cette déléguation spéciale, la présence d'un ministre dans une chambre
demeure individuelle et n'est pas l'expression d'une solidarité ministérielle qui n'existe toujours
pas.
Le droit d'adresse des deux chambres est remplacé par un droit d'interpéllation qui est un moyen
de controle bcp plus large. En effet, le corps législatif et le sénat peuvent désormais provoquer
les ministres et leur demander des explications sur n'importe quel sujet et surtout a n'importe quel
moment. Le droit d'interpéllation demeure encore fortement encadré, tout d'abord les
interpéllation s ne peuvent pas etre faite spontanément a l'oral, mais doivent etre rédigée par
écrit. Une interpéllation pour etre discuttée doit avoir obtenu l'accord préalable de la majorité des
bureaux internes du corps législatif ou du sénat.
La majorité politique d'une chambre peut empècher la discussion. Enfin l'interpéllation ne peut
pas donner lieu a un vote final d'approbation ou de sanction.
3eme texte : sénatus consult du 14 mars 1867
ce senatus consult élargit les pouvoirs du sénat sans doutes pour contrebalancer ceux obtenus par
le corps législatif. Le sénat obtient le droit d'exiger du corps législatif une deuxieme délibération
d'une loi afin d'apporter des modifications au texte voter. Cette deuxieme délibération a lieu
durant la session suivante. Le corps législatif, s'il est contraint de délibèrer de nouveau, n'est pas
obligé d'adopter les modifications proposées., ce qui veut dire que ce nouveau droit du sénat
s'apparente donc a un veto législatif suspensif.. l'apparition de ce droit est importante, car cela
signifie que le sénat peut désormais de manière surprenante examiner les lois a deux niveaux,
premier niveau, il participe a l'ellaboration de la loi par les modifications qu'il peut proposer. En
second niveau, il est juge de la constitutionnalité des lois.
Finalement; le sénat ressemble de plus en plus une chambre haute sa participation a la fonction
législative impliquant un dialogue et une navette avec le corps législatif dans la logique de la
tradition parlementaire.
Apres ces trois premiers textes, poursuivant la parlementarisation du régime deux autres textes
assouplissent enfin les restrictions aux libertés publiques.
De manière significative, ces deux textes contrairement a tout les précédents sont des lois, c'est a
dire des textes issus d'un dialogue entre l'exécutif et les deux chambres.
Une loi du 11 mai 1868 allège fortement la censure de la presse tout en maintenant certaines
limites.
Ensuite, une loi du 6 juin 1868 consacre la liberté des réunions electorales et d'une manière plus
générale, lève l'interdiction des réunions publiques tout en les soumettant encore a certaines
contraintes.
Ces deux mesures sont de véritables cadeaux pour l'opposition et le tiers parti.
Les elections générales ducorps législatif de mai 1869 vont montrer cela.
Sont élus, 93 candidats d'opposition, contre 199 candidats officiels. L'opposition en net progrès
parait entre minoritaire, mais en fait ce n'est pas le cas, car de nombreux députés élus sous
l'etiquette candidat officiels sont en fait des libéraux.
La situation réelle est que la composition du corps législatif n'est pas binaire selon un clivage
opposition majorité impériale, mais elle est ternaire.
A gauche, il y a 30 républicains, résolument hostiles a l'empire quelque soit sa forme, a droite, il
y a 90 bonapartistes authentiques attachés a l'empire autoritaire et opposés a toute réforme
libérale. Entre les deux, il y a un grand centre de plus de 160 députés regroupant a la fois des
opposants, et des candidats officiels qui s'accordent sur les revendications du tiers parti.
Le corps législatif est pour la premiere fois composée d'une majorité de libéraux, et ce corps
législatif va passer a l'action.
Le 6 juillet 1869 une partie du centre, 116 députés interpèllent le gouvernement sur la nécéssité
de nouvelles réformes purement parlementaires qui permettraient aux chambres de concourir
véritablement a la conduite de la politique du pays.napoléon 3 va largement donné satisfaction
a cette revendication.
§3. les ultimes réformes de 1869 1870 :
la 12 juillet 1869 napoléon 3 adresse au corps législatif et au senat un message par lequel il
promet de nouvelles réformes dont la mise en oeuvre est confiée au sénat. En résulte le sénatus
consult du 8 septembre 1869 qui accentue l'evolution parlementariste du régime sur trois points.
_les pouvoirs du corps législatif sont encore élargit, d'une part, le corps législatif obtient le droit
d'elir librement en son sein son président et ses vices présidents au début de chaque sessions de
meme que le droit de rédiger son règlement intérieur.
D'autre part, le corps législatif obtient désormais la libre initiative législative concurrament au
chef de l'etat. Son droit d'amendement est libéralisé.
Le role du sénat est encore modifié dans le sens d'une chambre haute de type parlementaire. Pour
accentuer le contact avec l'opinion publique les séances du sénat son désormais public le droit de
veto législatif du sénat n'est plus seulement suspensif, mais devient absolut, ce qui signifie que
l'approbation du sénat devient donc indispensable pour la formation des lois. Si le corps législatif
veut qu'une loi passe, il doit s'efforcer de tenir compte des modifications proposées par le sénat.
Le sénat n'a plus d'intéret a conserver son controle de constitutionnalité.
_Le controle de constitutionnalité est tout simplement supprimé.
_Le contact entreles ministres et les chambres est accentué et la notion de responsabilité
ministérielle est développée.
Les ministres peuvent désormais etre membre du sénat ou du corps législatif (principe de
comptatibilité.)
les ministres peuvent également entrer librement dans les deux chambres et doivent etre entendus
chaque fois qu'ils le demandent.
Les ministres peuvent également etre librement interpellés par les sénateurs et les députés tout
obstacle étant supprimé. Les ministres sont donc sous pression d'autant plus que l'interpéllation
peut se clore par un vote de blame. Le ministère est désormais concut comme une institution
unique et solidaire avec des ministres délibérants en conseil sous la présidence de l'empereur.
Il reste cependant au moins une empreinte au développement d'une véritable responsabilité
politique du ministère parce qu'il est toujours prévu que les ministres ne dépendent que de
l'empereur, c'est a dire que les chambres ne peuvent renverser un ministère.
Dans la perspective de cette parlementarisation, napoléon 3 se résoud a constituer un nouveau
ministère majoritairement libéral pour etre en phase avec le corps législatif. Il fait appel pour
former ce ministère a un chef du tiers parti le républicains ralliés Emile olivier, qui, tout en
obtenant le portefeuille de la justice va jouer le role de président du conseil sans en avoir le titre.
L'un des premeirs actes de ce ministère nommé le 2 janvier 1870 est une déclaration du 10
janvier par laquelle émile olivier précise que le ministère se considère comme responsable
politiquement non seulement devant l'empereur mais également devant le corps législatif.
Compte tenu de l'attitude du ministère, napoléon 3 prend une nouvelle fois l'initiative en
demandant au ministère de préparer une réforme constitutionnelle d'ampleur synthétisant et
achevant les modifications intervenues depuis 1860.
le projet ministériel est déposé au sénat le 28mars 1870 apres débat et modifications, le sénat
adopte a l'unanimité un nouveau sénatus consult le20 avril 1870.
etant donné l'importance de la réforme, ce sénatus consult est soumit a un plébiscite
conformément a la tradition césarienne et a la constitution de 1852. le plébiscite a lieu le 8 mai
1870 et se solde par un succès éclatant a la fois pour napoléon 3, mais égalkement pour les
libéraux réformateurs avec 7M350milles oui, contre 1million 570 non.
Le sénatus consult est promulgé par l'empereur le 21 mai 1870. ce sénatus consult fixant la
constitution de l'empire est un texte constitutionnel venant tres largement se substituer a la
constitution de 1852. il conserve certaines dispositions de la constitution de 1852, il en abroge
d'autres il reproduit certaines modifications opèrées depuis 1860, et le complément, il apporte
quelques nouveautés fondamentales pour parachever la transformation du régime dans un sens
parlementaire.
Ces nouveautés portent sur trois points :
_un bicamérisme égalitaire est rétablit, les deux chambres ont désormais les meme pouvoirs.
D'un coté le corps législatif gagne le droit de recevoir et d'examiner les pétitions des citoyens,
d'un autre coté, le sénat voit s'achever la transformation de son role. Désormais, en matiere
législative il a la libre initiative le libre droit de discussion et d'amendement, et le libre droit de
vote. En revanche il perd ce qui lui restait de son pouvoir constituant. Le sénat n'est plus le
gardien de la constitution mais une chambre des pairs de type orléaniste c'est a dire tout le
contraire de ce qu'il etait en 1850.
_l'intégralité du pouvoir constituant est tout simplement restitué au peuple dans son intégralité ce
qui veut dire que toute modification de la constitution dont l'initiative appartient exclusivement a
l'empereur doit etre approuvé par le suffrage universel direct. Par ce biais, la tradition
plébiscitaire césarienne conserve sa base essentielle.
_la responsabilité ministérielle est consacrée mais de facon ambigue le sénatus consult de 1870
emploie a propos des ministres le termes responsables, de maniere générale et imprécise comme
les chartes et comme la constitution de 1848. il est certain que cette responsabilité est envisagée
sur le plan pénal puisque plusieurs dispositions prévoient la mise en accusation des ministres
devant la haute cours de justice. La responsabilité politique, sans etre consacrée aussi clairement
semble sous entendue car le sénatus consult a supprimé un obstacle, la disposition qui prévoyait
que les ministres ne dépendent que de l'empereur.
Avec la responsabilité des ministres c'est donc la base meme du parlementarisme qui réapparait.
Cette orientation parlementariste rencontre cependant encore 1 obstacle, en effet, contrairement a
la tradition parlementaire, le chef de l'etat reste responsable devant le peuple devant auquel il a
toujours le droit de faire appel. L'empereur peut donc dépasser la collaboration entre le
ministère et les chambres en demandant l'arbitrage du peuple. Cette double responsabilité
impériale et ministérielle contradictoires est finalement symbolique de la nouvelle
configuration du régime devenu en 1870 un empire de césaro parlementaire puisant ses sources a
la fois dans les bases du césarisme et dans celles du parlementarisme qui elles aussi sont
revenues.
Il est difficile de savoir quel aurait pu etre la portée réelle du sénatus consult du 21 mai 1870,
parce que au moment ou il est fait, les jours du second empire sont compté pour une raison, qui
n'a d'ailleurs rien a voir avec la politique intérieure. Napoléon 3 agacé par les prétentions
hégémoniques de la prusse lui déclare la guerre le 19 juillet 1870. La france mal préparée pour
la guerre contrairement a ce qu'on croyait connait une défaite aussi rapide que catastrophique,
l'empereur est obligé de capituler le 2 septembre 1870 a sedan ou il est fait prisonnier.
Le régime chute en quelques jours ce qui etait impensable 2 mois plus tot, concretement, les
républicains du corps législatif profitent du désarrois total pour prendre le pouvoir.
Le 4 septembre 1870, un gouvernement de la défense nationale est formé et la république est
proclamée.
En dépit d'une chute brutale l'apport constitutionnel du second empire libéral est fondamental.
D'une part, il consacre définitivement le parlementarisme qui sera repris par les républiques
suivantes. D'autre part, la tradition césarienne, ne meurt pas en 1870 meme si elle va etre
totalement éclipsée par réaction sous la troisieme et la quatrieme république. S'il y a une
survivance, c'est que la 5eme république est la preuve de cette survie a tel point que notre droit
constitutionnel actuel est tres proche du sénatus consult du 21 mai 1870.
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