i. une ile ouverte au monde

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Festival international de Géographie 2009 – Itinéraire 6
L'île Maurice ou comment surmonter le handicap de l'insularité ?
Emmanuel GRÉGOIRE
Directeur de recherche IRD, UR 105 « Savoirs et développement », Centre IRD, 32 avenue Henri
Varagnat
93143 Bondy cedex.
[email protected]
Depuis son accession à l’indépendance (1968), la république de Maurice a connu un
développement économique très rapide qui a fait d’elle un nouveau pays industriel 1. Qualifiée de « tigre
de l’océan Indien », elle est un des rares pays africains si ce n’est le seul à s’être extrait de la liste des
pays les plus pauvres de la planète pour rejoindre celle des pays à revenu intermédiaire 2 : en 2006, le
rapport du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) relatif au développement
humain la classe à la 75e place sur 179 pays. Une telle performance interpelle : comment ce micro-Etat
perdu au milieu de l’océan Indien, faiblement peuplé (1.275.000 habitants) et sans ressources
naturelles ni minières, est-il parvenu à surmonter le handicap de l’insularité et à sortir du sousdéveloppement auquel il semblait condamner, il y a quarante ans ?
Sa situation géographique explique, en partie, ce succès : l’île Maurice était autrefois située sur
la route des Indes tant convoitée par les puissances coloniales, mais aussi sur celle du thé, de la soie et
de la porcelaine que les Européens allaient chercher dans leurs comptoirs de Chine. Au début du XIX e
siècle, le ministre britannique Pitt estimait qu’il était impossible à la Grande-Bretagne de « contrôler
l’Inde tant que la France aurait l’Isle de France 3 ». Si l’ouverture du canal de Suez (1869) l’a mise à
l’écart du négoce entre l’Europe et l’Asie, l’île Maurice est aujourd’hui une passerelle entre l’Afrique
australe et orientale et des pays asiatiques comme l’Inde et la Chine qui effectuent une percée
remarquée sur le continent noir. Longtemps basée sur la monoculture sucrière, la diversification de son
économie lui a également permis de trouver sa place dans les courants d’échanges mondiaux : elle est
donc une île ouverte sur le monde et non repliée sur elle-même. Mais, pour les Mauriciens, la mer n’est
pas seulement un espace économique et maritime, c’est aussi un espace de souveraineté nationale,
objet de contentieux avec la Grande-Bretagne et la France.
I. UNE ILE OUVERTE AU MONDE
Découverte au début du XVIe siècle par des navigateurs arabes, l’histoire de l’île Maurice se
scinde en trois grandes périodes : l’époque française, l’ère anglaise et la période contemporaine qui
démarre avec l’indépendance du pays.
1. L’Isle de France
Premiers colonisateurs de l’île (1598-1708), les Hollandais l’abandonnèrent ne voyant guère
d’intérêt à conserver ce micro territoire isolé en plein milieu de l’océan Indien. Au nom du roi Louis XIV,
le Français Dufresne d'Arsel en prit possession en 1715. Dès lors et jusqu'en 1764, l’Isle de France fut
placée sous la tutelle de la compagnie des Indes, celle-ci l’utilisant pour ravitailler ses vaisseaux qui se
rendaient dans ses comptoirs indiens.
L'île connut un premier développement sous le gouverneur Mahé de la Bourdonnais (17351747). Négociant et grand marin originaire de Saint-Malo, celui-ci développa la culture de la canne à
sucre et construisit un port en eau profonde à Port-Louis qui devînt un port de commerce régional actif,
étape sur la route des Indes, et le centre du négoce local. Libéral, Mahé de la Bourdonnais offrit un
cadre juridique et économique favorable aux marchands au long cours, mais aussi aux planteurs et aux
marins. En 1766, l'île fut placée sous le contrôle du roi de France et comptait alors 20.000 habitants
dont 18.000 esclaves importés des côtes du Mozambique et de Madagascar pour exploiter les champs
1 La république de Maurice comprend une île principale (Maurice), une seconde île (Rodrigues éloignée de 600
km au Nord-Est) et deux îlots (Agaléga situé à 1070 km au Nord et Saint Brandon à 430 km au Nord-Nord-Est).
2 Le revenu par habitant (6000$/an en 2007) est supérieur à celui de plusieurs pays européens.
3 Nom donné par les Français.
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de canne. À la fin du XVIIIe siècle, la population avait triplé (60.000 habitants dont 49.000 esclaves), les
familles françaises répandant la culture de la canne sur l’ensemble du territoire.
Après un premier échec de débarquement à Mahébourg (bataille de Grand Port), les Anglais
s'emparèrent de l'île pour mettre fin aux attaques des corsaires français qui pillaient leurs navires de
commerce. Elle fut rebaptisée Mauritius, nom initialement donné par les Hollandais en hommage au
prince Maurits van Nassau. Le traité de capitulation qui retirait à la France sa tutelle fut un « gentleman
agreement » : les Britanniques autorisèrent les Français établis dans l’île à conserver leurs lois 4, leurs
coutumes et leur religion mais aussi leurs biens et ne remirent donc pas en cause leur hégémonie sur
l’économie locale à travers le négoce maritime et la culture de la canne. La Grande-Bretagne
n’entendait pas faire de Maurice une colonie de peuplement, mais sécuriser la route des Indes.
2. L’ère anglaise
En offrant de nouveaux débouchés au sucre mauricien au Royaume-Uni et dans sa colonie
indienne, les Britanniques firent de l’île Maurice alors tournée vers la mer une colonie de plantation qui
engendra une nouvelle classe, celle des planteurs sucriers qui remplaça celle des négociants et des
marins au long cours. Alors qu’elle comptait 106 sucreries dix ans après le départ des Français (1820),
on en dénombrait 259 en 1858. Le développement de la canne fut donc spectaculaire : la production
passa de 484 t en 1812 à près de 100.000 en 1853. Cet essor nécessita l’arrivée massive d’esclaves
africains et malgaches, ceux-ci représentant 70 % de la population en 1833 (66.000 sur 92.000).
L’abolition de l’esclavage qui fut effectif dans l’empire britannique dès 1807 contraignit les planteurs
blancs à trouver d’autres travailleurs agricoles car leurs anciens esclaves délaissèrent les plantations
pour devenir artisans, pêcheurs, éleveurs, colporteurs ou agriculteurs. Comme à la Réunion, ils les
remplacèrent par des laboureurs d’origine indienne, les coolies. Ces hommes dits « engagés » étaient
des paysans pauvres originaires du Bihar. Tous débarquaient à l’Aapravasi Ghat, sorte de dépôt situé
sur le front de mer à Port-Louis. Leur l’immigration débuta en 1834 pour prendre progressivement fin au
début du XXe siècle et explique que « les Indiens étaient devenus deux fois plus nombreux dans l’île
que le reste de la population. En 1901, sur une population de 371.023 individus, on comptait 259.086
Indiens ou Indo-Mauriciens »5.
La période 1860-1890 fut caractérisée par une stagnation de la production de sucre (autour de
120.000 t) en dépit de la construction d'une ligne de chemin de fer (1864) qui reliait Port-Louis, seul port
d’exportation, aux zones de culture. Cette époque fut marquée par le morcellement des propriétés6 :
des planteurs d’origine française abandonnèrent la canne sous l’effet des cyclones, des dégâts causés
par un insecte nuisible (le borer), des maladies de la canne, des épizooties et enfin de la malaria qui
entraîna la fermeture des propriétés situées près du littoral plus touché. Ce morcellement s’effectua au
profit d’immigrants d’origine indienne qui étaient le plus souvent des sirdars (contremaîtres organisant le
travail aux champs), des recruteurs ou de riches négociants. Il favorisa l’émergence de petits planteurs
indo-mauriciens (ils étaient 10.000 en 1884 et possédaient près de 30 % des terres plantées en canne
en 1900). Durant une longue partie du XX e siècle, la production ne cessa d’augmenter : 216.860 tonnes
en 1910, 298.578 en 1936, 500.000 tonnes en 1953 et plus de 660.000 en 1965, la canne couvrant un
tiers du territoire : la culture, la transformation et l’exportation de la canne étaient devenues une
véritable industrie, mais le sucre demeurait l’unique ressource du pays à la veille de l’indépendance.
Préparée de longue date, l’indépendance fut acquise sans heurts, les Britanniques
l’accompagnant jusqu’au 12 mars 1968, jour où le quadricolore mauricien se substitua à l’Union Jack.
En 1972, la roupie fut détachée de la livre sterling rompant ainsi un lien fort avec l’ancienne métropole.
Enfin, la reine d’Angleterre n’est plus la souveraine de Maurice, la république ayant été proclamée le 12
mars 1992.
En développant la canne à sucre, la colonisation britannique aida l’île à rompre son isolement et
à développer ses activités agricoles, portuaires et maritimes. L’adhésion de la Grande-Bretagne au
marché commun (1975) lui fit bénéficier de la convention de Lomé ce qui favorisa ses exportations de
sucre et de textiles et son intégration dans de grands flux d’échanges sud-nord.
3. L’île indépendante
4 Le code Napoléon fait toujours partie du système juridique local.
5 A Toussaint, Histoire des îles Mascareignes, Berger-Levrault, 1972.
6 Jusqu’en 1870, 90% des terres étaient aux mains des familles d’origine française (les Franco-Mauriciens) qui
représentaient seulement 5% de la population.
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La république de Maurice a dû se tourner vers d’autres partenaires pour sortir du sousdéveloppement. Pour cela, elle rejoignit l’Organisation de l’unité africaine (OUA) 7, la Banque africaine
de développement (BAD) et l’Organisation commune africaine et malgache (OCAM) : le pays s’arrimait
solidement au continent africain auquel il est géographiquement rattaché et dont 30 % de sa population
est originaire. Parallèlement, il s’affilia à l’EMAA (Etats africains et malgaches associés), à l’OCAMM
(Organisation commune africaine, malgache et mauricienne) à présent dissoute et plus tard (1984) à la
Commission de l’océan Indien (COI) qui regroupe Madagascar, Maurice, les Seychelles, l’archipel des
Comores et la Réunion. Ces organisations entendent attirer l'attention du continent noir quant à
l'existence d'îles en son sein et à la spécificité de leurs problèmes.
Cet ancrage africain se manifesta aussi par son adhésion à des organisations économiques
régionales comme le Common Market for Eastern and Southern Africa (COMESA) et la Southern
African Development Communauty (SADC). Ne pouvant vivre en autosubsistance, l’objectif était d’offrir
de nouveaux marchés à l’industrie mauricienne et à son port. Les tarifs préférentiels pratiqués au sein
de ces organisations lui permettent d'accroître sa compétitivité face aux entreprises asiatiques qui n'en
bénéficient pas. En 1995, Maurice s’impliqua dans la création de l'Indian Ocean Rim Association for
Regional Cooperation (IOR-ARC), vaste ensemble qui regroupe des pays africains et asiatiques
riverains de l'océan Indien. L’idée restait la même : poursuivre son développement en dehors de ses
frontières maritimes même si l’IOR-ARC n’est pas encore une réalité économique.
Au sein du continent noir, Maurice fait figure, malgré sa taille réduite et dans un contexte d’Etats
faibles et d’économies peu développées, de pays leader allant jusqu’à représenter l’Afrique au Conseil
de sécurité des Nations unies en tant que membre non permanent (2001-2002). Par ailleurs, le pays
aspire à jouer un rôle économique et politique important en s’imposant comme le porte-parole et le
défenseur sur la scène internationale de la cause des petits Etats insulaires. Enfin, il fait entendre sa
voix dans les grands forums organisés par le Fonds Monétaire International (FMI), la Banque mondiale
et l’Organisation mondiale du commerce (OMC)8.
Désormais lié à l’Afrique, Maurice garde de solides attaches avec ses deux anciennes tutelles
coloniales9. Toutefois, la France et la Grande-Bretagne ne veulent plus ou ne peuvent plus soutenir
l’Afrique comme par le passé : les Accords de partenariat économique (APE) que l’Union européenne
(UE) proposent aux pays africains ne leur apportent pas les mêmes avantages que les régimes
préférentiels issus de l’accord de Cotonou car ces APE reposent sur un partenariat d’égal à égal ce qui
n’est pas le cas en pratique. La disparition des régimes préférentiels (protocole sucre et accord
multifibres) signifie pour Maurice la fin des niches qui firent le succès de son modèle de développement.
Le pays en tire les conséquences en mettant en avant son intérêt géopolitique et en se tournant vers
l’Inde et la Chine, pays émergeants à fort potentiel de développement.
Les relations que Maurice entretient avec l’Asie sont très étroites pour des raisons à la fois
historiques et culturelles : 60 % des Mauriciens sont originaires d’Inde, 2,5 % d’entre eux de Chine. En
faisant venir des travailleurs d’origine indienne, la colonisation britannique amena Maurice et l’Inde à
nouer des relations solidaires (l’Inde suivit avec attention le processus de décolonisation mauricien) :
l’Inde qui souhaite faire une percée en Afrique en profitant du recul de la présence européenne entend
se servir de Maurice comme tête de pont. Le partenariat sino-mauricien prend quant à lui une nouvelle
envergure : en février 2009, le président Hu Jintao se rendit à Maurice au terme d’un périple qui l’avait
conduit dans quatre autres pays africains. Pour les Mauriciens, ce fut un geste politique fort, peu d’Etats
africains pouvant se targuer d’une telle visite. L’événement souligne l’importance que la Chine accorde
à Maurice pourtant dépourvu de matières premières, mais qui présente un intérêt géopolitique dans son
approche du marché africain : c’est pour cette raison que le pays figure avec la Zambie et le puissant
Nigeria parmi les trois premiers pays africains choisis pour accueillir une zone de coopération
économique et commerciale chinoise (ZCEC).
Dans ce nouveau contexte, les échanges sud-sud apparaissent comme étant complémentaires
des flux sud-nord : les importations de Maurice proviennent d’Asie tandis que ses exportations sont
tournées vers l’Europe et les Etats-Unis. Toutes se font par la mer qui constitue ici un trait d’union et
7 Premier ministre de Maurice, Sir Seewoosagur Ramgoolam fut élu président de l’OUA en 1976.
8 Elle y joua un rôle important lors de la conférence de Cancun (2003) en représentant le « G90 » qui regroupait
les pays les plus pauvres au sein de l’alliance UA-ACP-PMA (Union africaine, pays Afrique-Caraïbes-Pacifique et
Pays les moins avancés).
9 Avec les Seychelles et le Cameroun, Maurice est à la fois membre du Commonwealth et de l’Organisation
internationale de la Francophonie.
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non une barrière.
II. UNE ILE « MONDIALISEE »
Pour ne plus dépendre des exportations de sucre, les autorités ont encouragé la diversification
de l’économie et son passage du secteur primaire au secondaire puis au tertiaire. Hormis le tourisme,
l’activité portuaire et l’industrie marine, les autres pans de l’économie mauricienne ne reposent pas
directement sur la mer même si certains en dépendent étroitement (sucre et textiles).
1. L’île sucrière
Le sucre est donc lié à l’histoire de l’île Maurice et doit sa survie aux relations privilégiées qui la
lient à l’Union européenne. Elle a en effet longtemps bénéficié des conditions avantageuses du
protocole sucre pour écouler sa production (500 à 600.000 t/an) au Royaume-Uni à un prix supérieur
au cours mondial. Cependant, l’UE est contrainte de remettre en cause ce traité sous la pression de
l’OMC qui le juge non conforme aux règles du négoce mondial car il met à l’abri les pays ACP de la
concurrence internationale qu’ils ne pourraient soutenir en raison de coûts de production plus élevés.
Le protocole sucre expire le 1er octobre 2009. Premier producteur ACP (40 % de la production) devant
les îles Fidji, Maurice a ressenti la perspective de cette abolition comme une véritable catastrophe
estimant que le pays avait été lâché par l’Europe qui met ainsi fin au commerce préférentiel. Après
d’âpres négociations, l’Union européenne décida de réduire graduellement le prix subventionné aux
pays ACP de 36 % d’ici à la fin de l’année 2009 : il sera alors de 335,2 euros au lieu des 523,7 garantis
par le protocole (les pertes cumulées se chiffreront à près de 1,8 milliard d’euros à la fin de la mise en
œuvre du nouveau régime communautaire).
Une rente vieille de près de quarante ans et un symbole s’éteignent après avoir permis à
Maurice d’amorcer son développement et à d’autres pays de ne pas s’enfoncer davantage dans le
sous-développement. Face à cette situation, les grands groupes sucriers franco-mauriciens
abandonnent le sucre roux au profit du sucre blanc raffiné plus rémunérateur et qui représente 99 % de
la consommation en Europe. À court terme, l’île devrait produire 325.000t de sucre blanc et 125.000 t
de sucres spéciaux (sucre granulé, mélassé ou brun) et monter ainsi en gamme pour se soustraire à la
concurrence du Brésil et de la Thaïlande. Toujours pour maintenir l’activité, le pays s’efforce de
transformer son industrie sucrière en une industrie de la canne en valorisant tous ses sous-produits
comme l’éthanol et surtout la bagasse qui permet de produire de l'électricité. Enfin, les propriétés
sucrières ont amorcé un redéploiement de leur activité vers l’Afrique (Mozambique et Côte d’Ivoire) où
elles trouvent l’espace qui leur fait tant défaut dans leur île et des salaires plus bas.
La canne semble donc devoir toujours faire partie du paysage mauricien et la filière est en
passe de réussir sa reconversion.
2. L’île textile
Au départ des Britanniques, Maurice possédait un tissu industriel embryonnaire avec 70
entreprises employant 1200 personnes. Aussi, pour réduire le chômage, enrayer le déclin du PIB par
habitant et engranger des rentrées de devises, le gouvernement travailliste mit en place, au cours des
années soixante-dix, une zone franche manufacturière, en s’inspirant des exemples de Taïwan et
Singapour. Son développement fut très rapide (les secteurs privilégiés étant la confection et le textile) si
bien qu’en 1985 son poids dans l’économie dépassa celui du sucre en termes d’emplois et
d’exportations (sa contribution au PIB fut supérieure trois ans plus tard).
Cette zone franche connut son apogée à l’orée des années 2000 représentant 90.000 emplois,
12 % du PIB et près des 2/3 des exportations mauriciennes. Elles étaient dirigées vers l’Europe (France
et Royaume-Uni) ainsi que les Etats-Unis. En trois décennies, la zone franche est devenue un des
piliers de l’économie nationale et a permis à Maurice de s’industrialiser et de se libérer de sa
dépendance à l’égard de la monoculture sucrière qui représentait 90 % des exportations en 1968. En
2002, la zone franche enregistra une baisse de croissance de 4 % qui constituait un premier recul
depuis 1982, celui-ci faisant suite à dix années de croissance à des taux proches de 10 % par an. À
l’érosion de la compétitivité des entreprises mauriciennes 10 s’ajoutait la libéralisation du secteur textile
10 Comme les groupes sucriers, les entreprises textiles mauriciennes se délocalisèrent à Madagascar pour
bénéficier de coûts de main d’œuvre plus faibles et poursuivre leur croissance.
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Festival international de Géographie 2009 – Itinéraire 6
voulue par l'OMC. Avec la fin des quotas et une baisse des droits de douane 11, celle-ci démantela
l'accord multifibres (1er janvier 2005) qui avait mis à l'abri le textile mauricien de ses concurrents
asiatiques dont les exportations vers l'Europe étaient limitées par des quotas.
Les entreprises mauriciennes parvinrent à surmonter l’obstacle en montant en gamme si bien
que le secteur représentait, en 2007, un peu moins de 12 % de la population active et 40 % des
exportations. De sombres perspectives économiques et sociales pèsent de nouveau sur lui en raison de
la crise économique mondiale qui risque de le contraindre à une seconde restructuration avec une
nouvelle montée en gamme.
3. L’île touristique
Depuis les années soixante, la croissance du tourisme a été rapide car les îles tropicales sont
devenues une destination en vogue proposant la combinaison des fameux trois « s » (sun, sand and
sea) tant recherchée par les touristes. L’île Maurice aux plages de sable blanc bordées d’un lagon aux
eaux limpides, à la température clémente, à des équipements hôteliers de qualité et à un accueil
chaleureux et compétent donne l’image d’une île paradisiaque. Bien que son arrière-pays présente
moins d’intérêt que celui de la Réunion, Maurice commence à le valoriser tout comme ses patrimoines
naturels, historiques et religieux. Les touristes dont c’est souvent le premier voyage lointain (retraités)
apprécient également l’absence de maladies (le paludisme a disparu), d’animaux et d’insectes
dangereux, la stabilité politique du pays et un niveau d’insécurité faible.
Le développement touristique de l’île a été rapide et en a fait une activité donnant du travail à
près de 10 % de la population active en 2007 (plus de 50.000 emplois directs et indirects confondus),
représentant 8,5 % du P.I.B. (4,1 % en 1994) et plus d’un milliard d’euros de recettes soit la seconde
source de rentrées de devises du pays après la zone franche. Depuis 1968, le nombre de vacanciers
est passé de 15.500 à 930.000 en 2008. Ce fort accroissement s’est accompagné d’un glissement du
haut de gamme vers le milieu de gamme même si le pays entend toujours se donner l’image d’une île
paradisiaque dans ses campagnes publicitaires. L’activité atteint peut-être ses limites car l’exploitation
intensive du littoral entraîne une forte pression immobilière et une saturation de l’espace (le linéaire
côtier représente 322 kilomètres)12. Les hôtels occupaient 3,1 % de ce linéaire en 1975, 13 % en 1996
et sans doute 20 % aujourd’hui. Les emplacements disponibles se raréfient si bien que les espaces
encore libres sont convoités et les prix flambent. Par ailleurs, des signes tangibles de détérioration de
l’environnement (dégradation du lagon, érosion des côtes) sont perceptibles et des paysages ont perdu
leur caractère sauvage pour faire place à des complexes hôteliers. Enfin, des problèmes
d’approvisionnement se posent, notamment dans le Sud-Ouest de l’île, le secteur touristique en étant
en partie responsable étant un gros consommateur d’eau.
La crise économique a entraîné une baisse des arrivées et compromet l’objectif d’atteindre le
million de visiteurs en 2010.
4. L’île paradis fiscal
Si la Mauritius Tourism Promotion Authority vante l’image d’une île paradisiaque, elle est aussi
devenue un paradis fiscal avec la mise en place d’une activité offshore (1992). L’objectif était de
procurer des revenus supplémentaires à l’Etat, de créer des emplois (5000 personnes travaillent
directement ou indirectement pour l’offshore en 2009) et d’orienter le pays vers le secteur tertiaire.
L’entreprise fut là aussi un succès : grâce à la Convention de double imposition (CDI) signée
avec l’Inde, Maurice est devenu le premier investisseur étranger dans la Grande péninsule. Le principe
est le suivant : une firme, par exemple, américaine qui investit en Inde y sera imposée sur son activité
car il y n’y a aucun accord en matière fiscale entre les deux pays. Pour éviter cette (lourde) imposition,
Maurice offre à cette société américaine la possibilité de constituer une société qui créera à son tour
une filiale en Inde qui réalisera les investissements de la maison-mère américaine. Comme il y a une
CDI entre les deux pays, cette filiale ne payera pas de taxes sur ses bénéfices et ses plus-values en
Inde où elles sont élevées mais à Maurice où elles ne sont pas taxées. Enfin, elle pourra rapatrier ses
profits aux USA sans taxes de sortie ni contrôle des changes. Grâce à cette convention, véritable rente
pour le pays, Maurice asura, en 2007-2008, 57 % des investissements étrangers directs en Inde soit
11 Comme les autres pays ACP, Maurice n'acquitte aucun droit de douane sur les marchés américains et européens
alors que ses concurrents asiatiques y sont assujettis.
12 Suivant l’exemple des firmes sucrières et textiles, les groupes hôteliers mauriciens sont « sortis » de l’île pour
poursuivre leur essor en rachetant des établissements aux Seychelles, aux Comores, à Madagascar et à la Réunion.
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14,5 milliards de dollars devant les Etats-Unis 17 %, la Grande-Bretagne 11, les Pays-Bas 8 et le Japon
7.
Bien que figurant sur la liste blanche des paradis fiscaux établis par le G20 lors du sommet de
Londres (1er-2 avril 2009), l’offshore mauricien est désormais menacé par l’OCDE qui lui reproche de ne
pas satisfaire les demandes d’informations à des fins fiscales formulées par les Etats membres.
5. La cyber île
Considérées comme une alternative au textile et au sucre, le gouvernement veut faire des
Nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTICs) le cinquième pilier de
l'économie nationale en convertissant Maurice en une cyber île calquée sur le modèle des cités
indiennes du troisième millénaire. Il s’agit, cette fois-ci, d’attirer des services, et non plus des industries,
en jouant sur l’avantage comparatif que possède l’île en termes de coûts de travail par rapport à l’Union
européenne.. Pour cela, l’État a mis en place un cadre législatif en promulguant des lois facilitant
l'implantation des sociétés mauriciennes et étrangères. Il a ensuite édifié sur le site d’Ebène une cyber
tour dotée d'un réseau de télécommunications ultra-moderne et fait en sorte que le pays soit relié (juin
2002) au câble sous-marin en fibre optique SAFE (South Asian Far East) qui relie l’Afrique du Sud à la
Malaisie et par là connecte l’île à l’Europe et à l’Amérique du Nord.
Ce secteur a connu une forte croissance et s’est avéré être créateur d’emplois (plus de 7000 en
2008). Les entreprises de d’externalisation sont les plus nombreuses (46 %), suivies des centres
d’appels (22 %), des sociétés de développement de logiciels (18 %), des entreprises multimédias (9 %),
des centres de formation « Online » (3 %), des entreprises de développement de sites web (1 %) et des
centres de recouvrement après désastre (1% assuré par le géant indien Infosys). L’origine de ces
entreprises est variée, avec une prépondérance toutefois des entreprises françaises (41 %) devant les
sociétés mauriciennes (33 %).
Cette cyber économie possède de réelles potentialités dans l’externalisation des services qui
est appelée à s’étendre car elle permet aux entreprises européennes de réduire leurs coûts et d’être
plus compétitives. Le pari audacieux du gouvernement de faire du pays une cyber île possède de
sérieuses chances de succès, mais il ne peut être gagné sans un gros effort de formation car la main
d’œuvre locale qualifiée ne parvient pas à satisfaire la demande des entreprises.
6. Le port
En 1992, l’île mit en place un port franc pour développer les activités internationales de
Maurice, cette fois-ci dans le domaine maritime en jouant sur sa position géographique située à neuf
jours de bateau de l’Asie du Sud-Est (Singapour), à six jours de l’Inde (Bombay) et à cinq de l’Afrique
du Sud. L’idée n’est pas nouvelle puisque Mahé de la Bourdonnais avait envisagé, sans succès, de
faire de Port-Louis un vaste entrepôt, sorte de port franc où les négociants européens auraient pu se
fournir en produits asiatiques.
Le port franc qui constitue une zone franche commerciale a pour objectif de renforcer la
position de Maurice dans le domaine des services. Il s’agit d'en faire une plaque tournante du transport
maritime régional et un centre logistique et de marketing dans l'océan Indien, en Afrique australe et
orientale. Contrairement à la zone franche, c’est un espace délimité situé, d’une part, au Nord de l’île où
ont été édifiés des entrepôts à sec, des chambres froides, des unités de transformation et des bureaux
et, d’autre part, au Sud, dans l’enceinte même de l'aéroport international. Dans ces deux lieux, des
marchandises peuvent y être chargées, déchargées, transbordées, entreposées, transformées dans
certaines limites et réexportées dans un contexte hors taxes et droits de douane. Un minimum de
formalités est exigé afin d'attirer les investisseurs étrangers. De plus, ils peuvent se livrer à des activités
à valeur ajoutée comme le montage ou la transformation en vue de la réexportation. En utilisant le port
franc, des opérateurs nationaux ou étrangers ont accès dans des conditions intéressantes à de
nombreux marchés étrangers dans la mesure où Maurice fait partie d'un grand nombre d'organisations
économiques régionales.
Sans figurer parmi les principaux piliers de l'économie nationale, ce secteur témoigne du
dynamisme du pays et de sa capacité à trouver des niches pour promouvoir son développement : le
port franc et le port13 représentent à eux deux 5,5 % du PIB. Le premier qui dépend étroitement du
second procure 1500 emplois directs et autant d’emplois indirects. Même s’il est de plus en plus lié à
13 Un montant de 400 millions d’euros doit être prochainement investi pour le moderniser afin de le
décongestionner.
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l’industrie marine, il doit faire face à la concurrence de Dubaï et de Djibouti. Celle-ci est particulièrement
vive sur les marchandises sans valeur ajoutée car les flux peuvent aisément se détourner de Maurice
au profit de Dubaï dont les infrastructures sont très modernes même si l’île est mieux placée sur la voie
maritime qui relie la Chine à l’Afrique australe. Sur les produits à valeur ajoutée, Maurice a l’avantage
d’appartenir à de nombreuses organisations régionales ce qui offre de nouveaux marchés aux
opérateurs qui utilisent son port franc.
7. La pêche
Au cours de ces vingt dernières années, l’exploitation des ressources thonières dans l’océan
Indien s’est considérablement développée avec le déplacement d’une flottille européenne depuis
l’Atlantique à partir des années quatre-vingt et le renforcement des flottilles palangrières asiatiques
dans cette région où elles sont présentes depuis 1950. À cela, s’ajoute la pêche artisanale des pays
baignés par l’océan Indien.
Pays composé de plusieurs îles, la pêche est une activité traditionnelle du pays. La production
locale de poissons oscille autour de 10.000 t (2006) assurée par la pêche artisanale consommée à
90 % localement et semi industrielle assurée par huit navires opérant en eaux peu profondes (plateau
des Mascareignes) et qui ont débarqué 2680 t de poissons congelés à Port-Louis en 2004.
Parallèlement, le pays s’est longtemps contenté de négocier, le plus souvent dans de mauvaises
conditions, des permis de pêche, le nombre de licences passant de 172 en 2001 à 219 en 2007 soit
plus de 40 millions de roupies de recettes (900.000 euros) 14. Cette exploitation de la zone économique
mauricienne par des bateaux de pêche étrangers a fini par entraîner l’affaiblissement de ses ressources
maritimes. Ce n’est que récemment que le pays s’est lancé dans la pêche industrielle alors qu’il aurait
pu le faire depuis longtemps pour profiter des opportunités offertes par l’Accord de Cotonou (droit
d’entrée hors taxe et hors quotas sur le marché européen sous réserve que soient respectés les
critères et règles d’origine).
L’ambition du projet Seafood Hub qui a été lancé en 2001 est de faire de Port-Louis une plaque
tournante dans le négoce des produits de la mer à haute valeur ajoutée en en faisant un centre de
transbordement, de traitement, de stockage et de réexportation. Le projet ne porte donc pas sur le
développement de la pêche elle-même qui reste très modeste en raison de la faiblesse de la flotte
locale qui s’explique par le prix d’achat très élevé des thoniers, mais sur la transformation en vue de
l’exportation des produits de la pêche. L’idée est donc de faire de Port-Louis un port de pêche ainsi
qu’un pôle régional industriel marin compte tenu que ni les Seychelles ni les Maldives ne se sont encore
tournées vers ce secteur alors que leurs eaux territoriales sont davantage poissonneuses (thon).
Le Seafood Hub ne pourra réellement se développer qu’en s’adaptant aux contraintes liées à la
concurrence internationale. L’objectif gouvernemental de doubler le nombre d’emplois en le portant à
10.000 et la valeur des exportations à 10 milliards de roupies (2,2 millions d’euros) au cours des trois
prochaines années n’est pas gagné d’avance car un réel effort devra être entrepris pour améliorer les
infrastructures portuaires et augmenter de leur capacité d’accueil des navires. Enfin, une dernière
réserve tient à une raréfaction de la ressource : une diminution de la taille des thons a déjà été
observée et la FAO estime qu’il faut rapidement prendre des mesures pour assurer la survie des
espèces car que les stocks de poissons sont en baisse constante dans tous les océans.
III. LA MER : UN ESPACE DISPUTE
La mer comme espace maritime, touristique et halieutique a donc joué un rôle décisif dans le
développement du pays. Avec sa population culturellement diversifiée, elle constitue sa principale
richesse. Mais la mer n’est pas seulement pour les Mauriciens un espace économique, c’est aussi un
espace politique enjeu de contentieux avec la Grande-Bretagne et la France.
1. La question de l’archipel des Chagos
La principale pomme de discorde entre Maurice et la Grande-Bretagne porte sur l’archipel des
Chagos situé à 2200km au nord-est de l’île. Détaché de Maurice le 8 novembre 1965, c’est-à-dire peu
de temps avant l’indépendance, pour être rattaché au BIOT (British Indian Ocean Territories), l’archipel
14 L’île a signé des accords avec L’UE et la Federation of Japan Tuna Fischeries Cooperative Association aux
termes desquels leurs navires peuvent pêcher dans sa Zone économique exclusive.
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Festival international de Géographie 2009 – Itinéraire 6
est, depuis lors, l’objet d’un litige entre le gouvernement mauricien qui en demandé la restitution et les
Britanniques qui s’y opposent. Après avoir exilé à Maurice les habitants de l’archipel en contrepartie
d’un dédommagement de trois millions de livres sterling, les Britanniques louèrent l’île la plus étendue
(Diégo Garcia) aux Etats-Unis qui en firent leur principale base aérienne et navale dans l’océan Indien
(leur bail expire en 2016). Celle-ci joua ainsi un rôle stratégique dans le conflit irakien et la lutte contre
le terrorisme : des hommes suspectés d’appartenir à al-Qaida y ont été internés et peut-être même
torturés selon certaines sources avant d’être acheminés sur la base cubaine de Guantanamo. Maurice,
soutenu par l’Inde et la Chine, tente de faire valoir ses droits sur l’archipel en portant régulièrement
l’affaire devant des instances internationales comme l’Organisation des Nations unies ou l’Union
africaine. Parallèlement, Olivier Bancoult, dirigeant du Chagos Refugees Group, a saisi la Haute Cour
de justice de Londres qui décréta, en novembre 2000, que le dépeuplement de l’archipel avait été opéré
en toute illégalité et en violation de la Chartre des Nations unies traitant de la décolonisation. Plus
encore, la Haute Cour autorisa les Chagossiens dont les conditions de vie à Maurice demeurent
précaires voire misérables à retourner dans certaines îles à l’exception de Diégo Garcia pour des
raisons militaires. En juin 2004, le gouvernement britannique revint sur la décision de la Haute Cour en
promulguant deux décrets de la reine (Orders in Council). Peine perdue, puisque la Haute Cour les
désavoua en donnant de nouveau raison au Chagos Refugees Group (mai 2006)15 soutenu par un
lobby d’avocats, de personnalités et peut-être d’hommes d’affaires londoniens. Ce jugement fut
confirmé, un an plus tard, suite à l’appel formulé par le gouvernement britannique. Celui-ci avait alors
saisi une instance suprême, les Law Lords, pour un ultime avis qui lui fut, cette fois-ci,
favorable (octobre 2008) : Olivier Bancoult s’adressa alors à la Cour européenne de justice de
Strasbourg afin de faire valoir le droit des Chagossiens à retourner dans leurs îles. De son côté, le
gouvernement soutenu par Fernand Mandarin, président du Chagossiens Social Commitee16, poursuit
ses négociations avec Londres avec l’idée d’obtenir la restitution de 64 îlots et de laisser pour le
moment de côté le soixante-cinquième (Diégo-Garcia) étant donné les enjeux géopolitiques et militaires
dont il est l’objet.
2. Le problème de Tromelin
Certes, Maurice partage avec la France des idéaux de démocratie, de liberté, de justice sociale,
une langue commune (l’île est le seul pays au monde où le Français progresse aux dépens de
l’Anglais) et entretient des relations économiques soutenues : la France est le premier investisseur
étranger à Maurice17 et son principal gisement de touristes (240.000 métropolitains en 2007 auxquels il
faut ajouter 95.800 Réunionnais).
Comme avec la Grande-Bretagne, un litige territorial ternit les relations diplomatiques entre les
deux pays : l’île de Tromelin ou île de Sable située à 450km à l’Est de Madagascar et 435 au Nord de
La Réunion. Entre 1901 et 1956, les autorités mauriciennes louèrent à quatre reprises l’îlot à des
Mauriciens (1901-1911, 1931-1941, 1946-1948, 1948-1956). En 1954, la France y installa une station
météorologique après avoir demandé la permission expresse aux Britanniques selon la thèse
mauricienne. Celle-ci estime que la France annexa finalement Tromelin en 1979, accusation rejetée par
Paris qui estime que cet îlot lui a toujours appartenu. Depuis un arrêté du 3 janvier 2005, elle l’a placé
sous la responsabilité d’un préfet administrateur supérieur des Terres australes et antarctiques
françaises. Il fait donc partie d’un groupe d’îles françaises situées dans l’océan Indien auxquelles
appartiennent également « les Iles éparses du canal de Mozambique » (Glorieuses, Juan de Nova,
Europa et Bassa da India). La France considère donc que cet îlot lui appartient tandis que Maurice en
revendique la souveraineté, depuis 1976, considérant qu’il fait partie de son territoire au même titre
qu’Agaléga, Saint-Brandon et l’archipel des Chagos. En soi, l’île, inhabitée et exiguë (1km 2), n’a guère
d’intérêt si ce n’est qu’elle possède une Zone économique exclusive étendue de 280.000km 2. Le
différend fait régulièrement la « une » de l’actualité de la presse mauricienne bien que moins sensible
que la question des Chagos qui comporte des aspects humains (retour éventuel des Chagossiens dans
leur archipel). Le litige est toutefois régulièrement abordé dans les discussions au plus haut niveau, le
15 Des Chagossiens avaient effectué un bref voyage dans l’archipel trois mois auparavant.
16 Le Chagos Refugees Group et le Chagossiens Social Commitee s’opposent sur un point : les premiers sont
favorables à une suzeraineté britannique sur les Chagos dans le cadre des BIOT tandis que les seconds demandent
la restitution de l’archipel à la république de Maurice.
17 De 1990 à 2005, la France a investi pour près de 9 milliards de roupies à Maurice (2 millions d’euros), ce
chiffre n’incluant pas les investissements réunionnais (435 millions de roupies).
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président Jacques Chirac ayant émis l’idée, lors d’un sommet de la Commission de l’océan Indien
(1999), d’une cogestion franco-mauricienne. Celle-ci a été reprise par le président Nicolas Sarkozy et
un accord de cotutelle pourrait prochainement intervenir avec pour objectif de faire de Tromelin un site
classé compte tenu que l’îlot est la plus importante réserve naturelle du sud-ouest de l’océan Indien
(lieu de ponte des oiseaux de mer et des tortues vertes).
Conclusion
Le miracle économique mauricien est souvent cité en exemple pour illustrer la viabilité des îles
de faible dimension dans le monde en développement. Pour certains, les petits Etats insulaires sont
voués à vivoter économiquement ne pouvant surmonter leur handicap géographique dans un contexte
de forte concurrence commerciale. La réussite économique de Maurice prouve le contraire. Conjuguée
à la stabilité de son régime politique (démocratie parlementaire) qui tranche avec l’instabilité de
nombreux Etats africains, Maurice bénéficie d’une réelle crédibilité qui lui permet, malgré sa taille
réduite, de se hisser au niveau de grands pays comme l’Afrique du Sud et le Nigeria et de jouer un rôle
important dans les négociations pan africaines (AGOA, APE, etc.).
Marqué à la fois d’empreintes africaines, asiatiques et européennes, Maurice n’est ni un pays
africain, ni asiatique, ni européen ce qui en fait toute son originalité. Tout en étant un point sur la carte
du monde situé au beau milieu de l’océan Indien, l’île est sorti de ses frontières maritimes comme
l’illustre la démarche de ses entreprises sucrières, textiles et hôtelières parties chercher la croissance
ailleurs et s’est bien intégrée aux grands courants d’échanges mondiaux grâce à de bons choix
économiques et une situation géographique qui constitue une rente, sans doute pour longtemps
encore…
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