IV. L’intégration de l’information. L’intégration permet d’atteindre une interprétation cohérente des informations ; elle précède souvent la représentation consciente, de telle sorte que ce qui nous arrive à la conscience est la meilleure interprétation possible des informations disponibles. 1. Dans la compréhension du langage Phénomène de restauration phonémique : (Warren, 1970) Le son que les auditeurs entendent consciemment est celui qu’il aurait du entendre dans le contexte de la phrase ; bien que ce phonème ai été remplacé par un bruit (phonème illusoire :qui correspondait au phonème manquant), la restauration du phonème manquant est obligatoire et irrépressible (même les avertis ne peuvent s’empêcher de l’entendre). La force du contexte est clairement démontrée (Warren et Sherman, 1974) quand le bruit a donner lieu à des perceptions différentes en fonction de la phrase qui suivait le phonème manquant. L’intégration permet donc une révision d’interprétations locales provisoires. Meyer et Schvaneveldt (1971) : L’amorçage d’une cible par un mot contextuelement proche permet une identification plus rapide. L’identification du premier mot donne lieu à une activation du lexique mentale dans lequel est catégorisé ce mot. Cette activation est temporaire puisque l’effet d’amorçage diminue quand le temps entre les deux mots augmente. On sait que le contexte permet de résoudre l’ambiguïté d’un mot ayant plusieurs significations possibles. Seulement la signification cohérente parvient à la conscience. Est-ce que le traitement du contexte fait son effet avant même que toutes autres significations du mot ne soit activée ? Ou, est ce que le traitement initial d’un mot mène à l’activation de toutes les significations possibles de ce mot, et que le contexte intervient ensuite, bien qu’assez rapidement pour que ne nous parvienne à la conscience que la bonne signification ? La première idée est appuyée par un résultat expérimental de Schvaneveldt, Meyer et Becker (1976) : Si on présente au sujet : “ SAVE-BANK-MONEY ”, le mot “money ” sera plus facilement reconnu, parce que “bank ” est une banque, que si “money ” était précédé d’un mot rien à voir. Si on présente : “ RIVER-BANK-MONEY ”, “bank ” est une rive et on n’a pas l’effet de facilitation pour reconnaître “money ”. Si toutes les significations du mot ambigu “bank ” avaient été activées, la facilitation aurait été observée. Mais, si cette expérience démontre qu’au moment du troisième mot le contexte du premier avait déjà fait son effet, elle ne démontre pas que l’effet du contexte à eu lieu avant toute activation des différentes significations du mot ambigu. Swinney (1979) propose donc une manipulation des paramètres temporels: Le délai entre un énoncé contenant un mot ambigu entendu et un mot, ou un non-mot, à reconnaître apparaissant sur un écran, variait de 700 msec à une seconde. Résultat : quand le stimulus visuel apparaissait immédiatement après le mot ambigu, un effet facilitateur était observé indépendamment du sens induit par l’énonce. Par contre au-delà de 700 msec, seule la signification compatible avec le contexte était activée. Donc : La désambiguïsation du mot par le contexte à lieu après l’activation des différentes significations, bien qu’avant tout choix conscient. (Swinney dit : “ Il y a un artefact dans cette expérience, car l’hypothèse que la mauvaise signification ne soit pas parvenue à la conscience n’a pas été activée.”) Le même type de conclusions peuvent êtres extraites d’une étude de Tannehaus, Leiman et Seidenberg (1979) : Les sujets entendaient un mot ambigu a la fin d’une phrase qui induisait le sens de ce mot ; O, 200, ou 600 msec après, ils voyaient sur un écran un mot test (associé ou synonyme d’une des significations du mot ambigu) qu’ils devaient lire à haute voix le plus vite possible. Résultats : O msec : facilitation de nomination quelle que soit la signification du mot ambigu introduite par la phrase. 200 msec et 600 msec : facilitation uniquement si le mot à nommer était en rapport avec la signification du mot ambigu introduite par la phrase. 2. Les perturbations de la fonction d’intégration dans la schizophrénie. Cohen et Servan-Shreiber (1989) Une anomalie du cortex frontal chez les schizophrènes contribuerait à la difficulté d’utiliser l’information contextuelle. Rosvold, Mirsky, Sarason, Bransome et Beck (1956) : La tâche de performance continue, particulièrement affectée chez les schizophrènes, consiste à détecter une cible dans une séquence de stimuli, soit l’apparition d’un certain stimulus (ex : la lettre A), soit l’apparition d’un certain stimulus dans le contexte d’un autre (ex : un A à condition qu’il soit précédé d’un X). C’est dans ce dernier cas, où la rétention du stimulus antérieur fournit le contexte, qu’on observe chez le sujet schizophrène des mauvaises performances (Cornblatt, Lenzenweger et Erlenmeyer-Kimling, 1989). Chapman et Miller (1964) Dans l’interprétation des ambiguïtés lexicales, les schizophrènes ont tendance à interpréter la signification dominante d’un homonyme (pen = bic, au lieu de pen = barrière), même dans les cas ou le contexte déterminerait clairement la signification (moins forte) de celui-ci. Salzinger (1964, 1970) Les schizophrènes sont sensibles au contexte proche. Dans la tâche de complétion de parole, ils obtiennent les mêmes résultats que les sujets normaux à condition que la phrase à compléter soit très courte. Ils ne parviennent pas à utiliser les contextes plus larges. Cohen Les schizophrènes ont du mal à utiliser le contexte, mais seulement quand il est temporellement lointain (c’est à dire antérieur au mot ambigu), et pas quand il est plus récent. Quand l’information concernant la signification du mot ambigu suit le mot ambigu, ils pourront lui donner la signification attendue, même s’il s’agit de la signification faible du mot. Cohen et Servan-Shreiber ont développés des modèles de type connexionnistes pour simuler le comportement des schizophrènes. Ils ont obtenu des résultats fort proches des données empiriques. 3. La perturbation de la fonction d’intégration chez les autistes. Ils présentent un tableau cognitif très hétérogène. Le Q.I. est basé souvent sur une habilité à ignorer le contexte. Cette habilité se développe en général dans un apprentissage formel (l’école), ce qui explique que des individus non-scolarisés obtiennent des moins bons résultats, alors qu’ils pourraient réussir ces performances dans un contexte habituel (cf les vendeurs de rue au Brésil, Carraher et Schliemen, 1985). L’habileté à prendre le contexte en considération, bien développée chez les adultes non-scolarisés et chez les enfants, ne se développe pas chez l’enfant autiste. L’habileté d’intégration sur base du contexte résulte probablement d’une maturation cognitive précoce. Les effets d’une déficience à ce niveau sont bien plus dramatiques que les effets d’une difficulté à ignorer le contexte. Quelques travaux expérimentaux à propos des difficultés cognitives des enfants et adolescents autistes : B. Hermelin et N. O’Connor (1970) : Trois groupes d’enfants de Q.I. équivalents (des autistes, des enfants plus jeunes, et des enfants plus âgés arriérés mentaux) sont soumis à des tests de mémoire, alors qu’ils ont des résultats similaires en terme d’empan de mémoire immédiate (répétition correcte d’une séquence d’environ trois chiffres) 1. Rappeler une séquence de mots plus longue que la largeur de l’empan. Quand l’ordre des mots était entièrement aléatoire, les autistes comme les non-autistes ont rappelé la séquence. Si une partie de la séquence était une phrase, les non-autistes ont rappelés la phrase et perdu le reste, alors que les autistes ont pu rappelé l’entièreté de la séquence. 2. Une phrase, complètement censée, est présentée, qui est beaucoup plus longue que la largeur de l’empan. Les non-autistes l’ont répétée facilement, probablement parcequ’ils pouvaient la traiter comme une unité cohérente et que donc en terme d’unités de mémoire l’empan n’était pas dépassé. Mais les enfants autistes n’en étaient pas capables, ils n’avaient pas tendance à organiser les stimuli en patrons cohérents. La séquence de son sans signification : “ ruc-mit-ruc-mit-ruc-mit ” est gouvernée par une règle d’alternance, et est donc beaucoup mieux rappelée que la séquence : “ ruc-ruc-mit-ruc-mit ”. Cependant les enfants autistes rappelaient les deux types de séquences à peu près au même niveau. (Frith, 1970). Cette absence de préférence pour des stimuli cohérents résulte probablement d’un déficit ou de la non-utilisation de la fonction d’intégration. Les enfants autistes font surtout attention aux éléments locaux d’une structure plutôt qu’à la structure elle-même. Frith, 1970 : Les enfants normaux cherchent à trouver des règles séquentielles pour améliorer leurs performances, et font des erreurs suggérées par ces règles. Ce type d’incapacité de l’enfant autiste peut l’amener à être plus performant que les enfants de son âge pour les épreuves où il faut faire abstraction du contexte. Shah et Frith (1983) Les enfants autistes sont particulièrement bons aux tests de figures enchevêtrées où l’utilisation du contexte (la fonction d’intégration) est un obstacle à la perception d’un élément isolé. Pour arriver à contrecarrer la fonction d’intégration il faut un apprentissage analytique, qui se fait généralement à l’école. Frith : au test des blocs on a remarqué que les enfants autistes qui avait les meilleurs résultats étaient aussi ceux qui avaient la plus grande indépendance sociale. Le déficit de la fonction d’intégration et le déficit d’interaction sociale pourraient donc êtres liés. Le test des blocs exige une segmentation intentionnelle qui pose problème à l’enfant normal étant donné sa prévalence de la fonction d’intégration. Il faut distinguer le manque d’utilisation spontané de la fonction d’intégration, du contrôle intentionnel exercer sur celle-ci. Le premier est lié à l’expérience fragmentée que l’autiste à du monde. Il perçoit mieux les détails parce qu’il perçoit tout comme des détails. Frith propose que dans l’autisme les processus de traitement initial de l’information soit intacts, et que ce sont les processus centraux qui sont affectés. Par exemple le fait de voir un triangle là il n’y a que trois coins disposés en forme de triangle, résulte d’un traitement initial, et est irrépressible tant pour les non-autistes que pour les autistes. Le déficit de la fonction intégrative chez les autiste peut être à l’origine de leur incapacité à attribuer à autrui des intentions et des croyances, ne cherchant pas à interprété par des états mentaux les comportements. Heinz Wimmer et Josef Perner (1983) : l’enfant normal ne réalise pas avant l’âge de trois ou quatre ans les implications d’une fausse croyance, qu’il peut y avoir différentes croyances à propos d’un même événement. La situation (Anne et Sally) à été étendue à l’étude des enfants autistes, permettant leur comparaisont avec des enfants normaux et des enfants atteints du syndrome de Down (mongolisme). Dans cette situation les enfants autistes (d’âge mental supérieur aux autres enfants testés) n’arrivent pas à inférer que puisque Sally n’a pas vu la scène, elle doit toujours croire que la bille est dans le panier. Les enfants souffrant du syndrome de Down et les enfants “normaux” n’ont pas ce problème. Pour répondre à l’objection que l’enfant autiste n’attribuerait pas une fausse croyance à un adulte, les auteurs ont mis au point la situation de la boite de smarties. Sur 20 enfants autistes, 4 ont répondus correctement. Probablement ne se rendaient ils pas compte qu’ils avaient répondus smarties initialement parce que c’était normal qu’une boite de smarties contiennent des smarties, cela impliquerait que la fonction d’intégration (ou la prise en considération du contexte) a fonctionné de manière inconsciente, et ne pouvait donc pas être utilisée pour l’attribution d’une croyance. L’attribution d’une croyance exige que les informations provenant de différentes sources soient évaluées ensembles pour en extraire une interprétation cohérente. Dans l’expérience des trois histoires (mécanique, comportementaliste, et mentaliste) Frith met en évidence la difficulté de mentalisation des enfants autistes. Mécanique : Ils reconstituent parfaitement l’histoire et la raconte très bien. (un ballon vole dans le ciel, il explose parce qu’il se pique à une branche). Comportementale : De la même façon, bien qu’impliquant des personnages, cette histoire peut être décrite sans faire référence à des états mentaux. Par contre, l’histoire mentaliste (qui n’a de sens que si on attribue des états mentaux aux personnages) n’a pas pu être reconstituée dans l’ordre, ou par hasard et alors l’explication qu’ils en faisaient était fragmentée et restait à un niveau comportemental. Les enfants “normaux ”, et ceux du syndrome de Down, avaient un niveau bien supérieur aux autistes dans l’histoire mentaliste, égal dans l’histoire comportementale, et inférieur dans l’histoire mécanique. Les autistes peuvent donc créer de la cohérence locale, mais il leur manque une fonction d’intégration à plus large échelle, sur une quantité d’information plus importante. Ils peuvent faire des attributions locales d’états mentaux, mais sont incapables d’en dériver une théorie de l’esprit. 4. L’attention visuelle : La distribution spatiale de l’attention : L’attention visuelle est comme un projecteur interne qui ne coïncide pas forcément avec l’orientation du regard. Cette idée est appuyée par un résultat expérimental de Posner et ses potes (1978, 1980) : Les sujets devaient appuyer le plus vite possible sur un bouton dés qu’ils voyaient apparaître une lumière quelque part dans leur champ visuel. L’arrivée de la lumière était précédée d’un indice qui pouvait soit informer de l’endroit ou arriverait la lumière (une flèche qui indique cet endroit à partir du centre, ou une illumination là où la cible allait apparaître) ; soit donner une fausse information quant à l’endroit où la cible apparaîtrait ; soit être neutre (une croix en plein milieu qui veut juste dire que la cible va bientôt apparaître). Les sujets n’avaient pas le temps d’orienter leurs regards entre l’indice et la cible, et s’ils le faisait on supprimait ces essais des statistiques. Résultats : Les sujets étaient plus rapides quand l’indice était valide, un peu moins rapide quand l’indice était neutre, et encore moins rapide quand l’indice était faux. L’attention est donc un projecteur interne qui peut augmenter l’efficacité de la détection à l’intérieur de son faisceau attentionnel, indépendamment de l’orientation du regard. Une autre expérience, à propos de ce faisceau attentionnel, a montré qu’il est difficile de porter son attention sur plusieurs choses en même temps : (Eriksen et Yeh, 1985) Les sujet devaient repérer une cible, qui était une lettre (soit S soit Y) apparaissant sur le cadran d’une montre (a la position 12h, 3h, 6h, ou 9h), toutes les autres heures étaient occupés par des distracteurs. Un indice apparaîssait juste avant, qui indiquait une position sur le cadran, alors la cible pouvait apparaître soit : Dans la condition 1. : dans 40% des cas à l’endroit indiqué par l’indice, dans 40% des cas à l’endroit opposé à celui indiqué par l’indice, dans 10% et 10% des cas aux deux autres endroits possibles ; Dans la condition 2. : dans 70% des cas à l’endroit indiqué par l’indice, dans 10%, 10% et 10% des cas dans les trois autres endroits possibles ; Dans la condition 3. : dans 100% des cas à l’endroit indiqué par l’indice ; Dans la condition 4. : condition contrôle, il n’y avait pas d’indice. Résultats : les sujets étaient beaucoup plus rapides pour détecter la cible dans la condition 1 et 2 quand elle apparaissait à l’endroit prévu, ils ne pouvaient faire attention en même temps à la position opposée ; mais ils étaient quand même plus rapides pour détecter la cible dans sa position secondaire (c’est à dire celle opposée à l’indice) que dans les deux autres positions. Cela veut dire que le projecteur attentionnel se réoriente. Une autre métaphore que celle du projecteur attentionnel à large faisceau à l’intérieur duquel nous orientons notre attention ; est celle du ZOOM : Nous pouvons soit être attentif à l’ensemble d’une scène mais en tenant peu compte des détails, soit à un champs étroit dans lequel la résolution de détails est importante. Nous regardons soit une forêt avec sa perspective, ses grands axes, ses grands arbres et leurs situations les uns par rapport aux autres ; soit nous focalisons notre attention sur les feuilles d’un arbre, et rentrons dans les détails de celles-ci. Cette idée est celle d’une analyse en terme de fréquences spatiales différentes, qui peut être combinée d’ailleurs avec les régions du champ visuel, l’analyse fine ayant lieu pour les objets présentés dans la région fovéale, et peut difficilement se faire pour les objets présentés dans la périphérie (de la rétine). Actuellement encore des chercheurs essayent de départager entre la théorie du projecteur et celle du zoom. Tout ce que nous avons vu là sont des formes d’attention visuelle dans lesquelles on ne tient pas compte de l’orientation du regard, or ça ne ressemble pas tellement à la vie réelle où chacun est libre d’orienter ses yeux comme il l’entend. Une série de travaux se base donc maintenant sur l’interdépendance possible entre l’attention visuelle et les mouvements oculaires. En tout cas, il y a lieu de distinguer deux types de mécanismes attentionnel liés au lieu où apparaîtra l’indice dans le champ visuel : 1. – si l’indice est périphérique (ça veut dire qu’il apparaît dans la périphérie du champ visuel), il va produire des effets très rapides sur l’orientation du regard, ces effets seront indépendants du fait que l’indice sera ou non informatif, ou que le sujet soit occupé à une autre tâche. Et le sujet ne pourra pas choisir d’ignorer l’indice. 2. – par contre si l’indice apparaît dans une position centrale, cela fait appel à un autre mécanisme, le sujet peut ignorer l’indice, ses effets vont êtres plus lents, et seront affectés par le fait que l’indice soit ou ne soit pas informatif, et par la présence d’une autre tâche. A partir de ce fait, Posner (1980) distingue deux mécanismes attentionnel : Dans un cas (indice central) on peut contrôler son attention : c’est le système attentionnel endogène (contrôlé de l’intérieur) ; Dans l’autre cas (indice périphérique) on n’a pas de pouvoir sur notre attention : c’est le système attentionnel exogène (dépendant des stimuli extérieurs). Les systèmes exogène et endogène peuvent interagir entre eux : notamment par l’inhibition d’un des deux systèmes, l’autre se développera d’avantage. L’étude des patients ayant des troubles de l’attention visuelle, permet de confirmer cette idée que l’attention est issue de mécanismes séparés. Posner et Al (1984) ont testés des patients ayant des lésions pariétale (gauche ou droite) : Une cible à détecter apparassaît juste après un indice qui pouvait soit (dans 80% des cas) indiquer l’endroit ou apparaîtrait la cible ; soit (dans 20% des cas) ne pas l’indiquer. Si la cible était valide, le fait qu’elle apparaisse du côté de la lésion (ipsilatérale) ou du côté opposé (controlatérale) avait peu d’influence sur le temps de réaction ; par contre si l’indice n’indiquait pas la cible les temps de réactions étaient beaucoup plus long quand celle ci était controlatérale à la lésion. Posner divise l’attention visuelle en trois aspects : 1. L’habileté à faire attention à une cible. 2. L’habileté à ne pas y faire attention. 3. L’habileté à réorienter son attention d’une cible vers une autre. Les résultats obtenus avec les indices valides permettent de dire que ces patients n’avaient pas de problèmes pour 1. ou pour 3. ; par contre quand l’indice apparaissait du côté de la lésion (ipsilatérale), ils avaient beaucoup de mal à s’en débarrasser. Savoir que les patients héminégligents ont du mal à se débarrasser d’un indice ipsilatérale permet d’expliquer beaucoup de phénomènes d’héminégligence. (Par exemple quand ils commencent à dessiner sur le côté de la feuille correspondant au côté non affecté, ils n’arrivent plus désengager leur attention de ce côté pour terminer leur dessin). Le rôle de l’attention visuelle dans la perception des objets : Il est plus facile de porter notre attention sur deux attributs d’un même objet que sur deux objets différents (Duncan 1984). Cette idée colle avec celle de Kanherman et Treisman (1984) : Quand on perçoit un objet, on construit progressivement une fiche d’identification avec toutes ses propriétés ; c’est plus facile alors de faire attention à un des attributs de cette même fiche, que de changer de fiche pour trouver l’attribut d’un autre objet. La théorie de l’intégration des traits d’Ann Treisman (1986, 1988) : Le stade le plus précoce du traitement visuel dans le cadre de la perception d’objet, est l’extraction de traits (qui sont les propriétés simples d’un objet, comme sa couleur, sa taille, son orientation,…). Dans le stade suivant ces traits vont êtres recombiner pour former un objet. Il y a trois manières possibles pour recombiner ces traits : 1. On porte son attention sur la localisation de l’objet et on colle ensemble les différents traits. 2. Grâce à la connaissance stockée, on pourra mettre ensemble des traits dont on sait déjà qu’ils peuvent s’apparenter. 3. On combine au hasard. Parfois ça tombe juste, mais le plus souvent les combinaisons sont incorrectes, on appelle ça des “conjonctions illusoires ”. C’est la première manière qu’on peut appeler l’intégration des traits. Ann Treisman appelle l’attention focale le fait de faire attention à la localisation des traits dans une “carte maîtresse ” de localisations. A partir de ce moment une représentation temporaire de l’objet peut être crée, pour être ensuite comparer avec des représentations stockées, et amener ainsi à sa reconnaissance. Faits expérimentaux qui appuient cette théorie : - Les sujets doivent détecter une cible parmi un nombre variable de distracteurs. Quand la cible est définie par un seul trait (par exemple sa couleur ou son orientation), les temps de réactions ne sont pas affectés par le nombre de distracteurs. Par contre quand la cible dépend de plusieurs traits (sa couleur et son orientation), les sujets passent en revue chaques items distracteurs avant de tomber, ou ne pas tomber, sur la cible. Si la cible existe, ils la trouveront en moyenne après avoir passer en revue la moitié des items ; si elle n’existe pas, ils mettront deux fois plus de temps puisqu’ils auront passé en revue tous les items avant de dire qu’elle n’existe pas. Donc : les cibles qui sont des conjonctions de traits sont codées par un mécanisme attentionnel ; et les traits uniques sont détectés en parallèles. Les “conjonctions illusoires ” (Treisman et Shmidt, 1982) : On présente au sujets pendant 300 msec une rangée de lettre colorées entourée de deux chiffres. On leur demande de dire d’abord les chiffres, et ensuite les lettres et leurs couleurs. Les sujets n’ayant pas eu le temps d’utiliser le mécanisme d’attention focale ; ils ont recombiné au hasard les traits qu’ils avaient extraits du dessin général des lettres, ça a donner des “conjonctions illusoires ”. (Exemple : il y a un X bleu et un G rouge ; ils disent un X rouge). Cela montre bien que les traits ont étés extraits séparément, et n’ont pas pu être recombiner convenablement parce qu’on a pas laissé le temps aux sujets d’arriver au stade suivant, qui est celui de l’attention focale. - - Beck (1967) a montrer dans son expérience qu’il est plus facile de discriminer entre des T et des T inclinés, qu’entre des T et des L. Pourtant quand on demande aux sujets ce qui se ressemble le plus, ils diront les T et les T inclinés (peut être parce qu’ils ont le même nom). La séparation perceptive n’est pas une histoire de similitude. En fait les T et les T inclinés peuvent êtres différenciés sur base d’un seul trait (l’orientation) ; alors que les T et les L sont composés des même traits combinés différemment, et demandent donc une recherche beaucoup plus approfondie pour êtres discriminés. Malgré tous ces résultats en faveur de la théorie de l’intégration des traits, il semble que celle-ci demande une adaptation ; notamment à partir d’une étude de Briand et Klein (1987) : Les sujets doivent détecter une cible, qui peut être soit 1 : un trait unique ; soit 2 : une conjonction de traits. La cible est précédée d’un indice, valide ou non-valide, qui peut être soit a : central, soit b : périphérique. Résultats : - Dans le cas de a : la facilitation, si l’indice est valide, est observée dans la situation 1 et 2. - Dans le cas de b : la facilitation est plus grande, avec un indice valide, dans la situation 2 que 1. L’attention exogène fournirait la colle qui lie les traits, mais elle ne serait pas nécessairement focale (ne chercherait pas item par item). L’attention endogène quant à elle influencerait des processus plus tardifs de traitement visuel, elle concerne l’identification d’une représentation déjà intégrée et la sélection d’une réponse. Le fait que la recherche soit sérielle ou parallèle dépend du type de dimension à traiter : Nakayama et Silverman (1986) proposent aux sujets de détecter une cible parmi un présentoir de distracteurs. L’écran présentoir semble avoir une profondeur, et la moitié des distracteurs sont en arrière plan de l’autre moitié. Si par exemple ceux qui sont en arrière plan sont tous bleus, et que ceux qui sont en avant plan sont tous rouge, la cible à détecter sera proche et bleue (ou loin et rouge). Dans ce cas la recherche n’est pas sérielle (item par item), mais parallèle (les sujets ne sont pas affectés par le nombre de distracteurs). En fait les sujets devaient trouver la cible à partir de deux dimensions qu’on leur disait : la couleur et la profondeur ; mais vu le type de présentoir (l’effet de profondeur) la recherche pouvait se faire sur un seul plan, dans lequel la cible variait des autres items par une seule dimension : la couleur. La propriété de profondeur, comme celle de mouvement d’ailleurs, sont codées par des systèmes indépendant de ceux qui traitent les propriétés de forme. La couleur, fait appel aussi à un système propre, mais qui ne permet pas de contrecarrer l’effet de groupement d’items spatialement proches, elle n’apporte aucune indication sur l’emplacement du stimulus ; Alors que la profondeur et le mouvement fournissent des informations sur une action qui pourrait avoir lieu sur les stimuli, on ne doit pas les regarder un par un pour savoir lequel bouge ou lequel est plus loin. La principale faiblesse de la théorie de l’intégration des traits est qu’elle parle d’un mécanisme attentionnel. Les travaux de Tipper et ses collègues (1988) montre que l’intégration peut être réalisée en dehors de l’attention : On présente deux dessins superposés, un rouge et vert, les sujets doivent identifier le rouge et ignorer le vert. Dans l’essai suivant le vert, qui à été ignoré, pourra devenir le rouge, qu’il faudra identifier. On remarque dans ces cas là un effet d’amorçage négatif : le fait qu’ils ai du ignorer ce dessin fait qu’ils mettront plus de temps à l’identifier. Alors qu’ils n’y ont pas fait attention et que consciemment ils n’ont pas identifier les dessins qu’ils ont ignorés. Ce qui est intéressant aussi c’est que l’effet d’amorçage négatif a lieu même si le nouveau dessin rouge n’est pas exactement le dessin vert ignoré juste avant, mais un objet sémantiquement proche (par exemple : si c’était une guitare, c’est une trompette). Donc l’identification non attentionnelle est arrivée à un stade tardif puisqu’elle fait déjà appel à des critères sémantiques. L’attention n’est pas indispensable à l’intégration perceptive, mais si elle est utile pour garantir des représentations en mémoire plus stable.