mêmes, on peut chercher à remédier à cette impureté et à retrouver l’équilibre qui caractérise l’or et
l’argent. On y arrive au moyen d’élixirs. Toutefois, au lieu de perdre beaucoup de temps à faire des
essais empiriques, Djabir élabore sa théorie de l’équilibre ou de la « balance », fondée sur le fait que tout
dans la nature comporte poids de dimension ; il s’agira non d’établir une égalité de masse ou de poids,
mais un équilibre des « natures ». D’après cet alchimiste, à côté des divers élixirs permettant d’obtenir
des transformations spécifiques, il existe un élixir majeur capable d’effectuer toutes les transformations.
Djabir donna par ailleurs des indications très claires pour la préparation de certains produits. Il divise les
minéraux en trois groupes : les esprits, qui se volatilisent quand on les chauffe (soufre, arsenic ou
réalgar, mercure, camphre, sel ammoniac) ; les métaux, qui sont des substances fusibles, malléables,
sonores, douées d’un certain éclat (or, argent, plomb, étain, cuivre, fer et kharsini ) ; les substances non
malléables, qui peuvent être réduites en poudre et qui se subdivisent en huit familles.
Dans son Kitab sunduq al-hikma (Coffre de la sagesse ), Djabir fait mention de l’acide nitrique. En
d’autres écrits, il signale que le cuivre colore la flamme en vert ; il indique les procédés pour préparer
l’acier, pour raffiner les autres métaux, pour teindre les habits et le cuir, pour fabriquer des vernis
rendant imperméables les vêtements, pour préserver le fer de la rouille, pour mordancer les tissus avec
de l’alun, pour fabriquer à partir de la marcassite « dorée » une encre phosphorescente, remplaçant celle,
trop coûteuse, qu’on obtenait avec de l’or. Il mentionne le bioxyde de manganèse dans la fabrication du
verre et sait concentrer l’acide acétique en distillant le vinaigre. Il décrit avec exactitude des opérations
comme la calcination, la cristallisation, la dissolution, la sublimation et la réduction.
Razi donna à l’alchimie un aspect plus scientifique, et à la description des appareils et des opérations
plus de précision. Comme Djabir, il admet les quatre éléments comme substrat de toutes les substances,
mais sans recourir à la théorie compliquée de la « balance ». Pour lui, l’alchimie enseigne d’une part à
transformer les métaux non précieux en argent ou en or et, d’autre part, à convertir du quartz ou même
du simple verre en pierre précieuse (émeraude, saphir, rubis, etc.) ; ces transformations s’effectuent au
moyen d’élixirs appropriés, auxquels pourtant Razi ne donne jamais le nom de « pierre philosophale ». Il
admet par ailleurs la théorie de Djabir selon laquelle les métaux sont composés de soufre et de mercure ;
à ceux-ci il joint parfois une troisième substance de nature saline.
L’intérêt de Razi apparaît surtout dans la chimie appliquée. Son Sirr al-asrar (Secretum secretorum )
donne pour la première fois une division claire des corps chimiques : aux élucubrations théoriques, il
préfère le travail positif du laboratoire. Par sa description des appareils (foyer, soufflet, creuset, appareil
distallatoire, alambic, aludel, bain-marie, fioles diverses, tamis, filtres, etc.), des multiples opérations
chimiques (distillation, calcination, évaporation, cristallisation, sublimation, filtration, amalgamation,
cération, etc.) et par sa classification systématique des produits des trois règnes qui sont employés dans
le laboratoire de l’alchimiste, déjà Razi apparaît comme le témoin de l’avènement de la chimie
proprement dite.
Il divise les substances minérales en six sections : les esprits (mercure, sel ammoniac, sulfure
d’arsenic [orpiment et réalgar], soufre) ; les corps (or, argent, cuivre, fer, plomb, étain, kharsini ) ; les
pierres (pyrites, oxyde de fer, oxyde de zinc, azurite, malachite, turquoise, hématite, oxyde d’arsenic,
sulfure de plomb, mica et abseste, gypse, verre) ; les vitriols (noir, blanc, vert, jaune, rouge ; aluns) ; les
borax ; les sels. À ces substances « naturelles », Razi ajoute un certain nombre de substances obtenues
artificiellement : la litharge, l’oxyde de plomb, le vert-de-gris, l’oxyde de cuivre, l’oxyde de zinc, le
cinabre, la soude caustique, les polysulfures de calcium et divers alliages.
Le grand mérite de Razi aura été de rejeter les pratiques astrologiques et magiques pour s’attacher à ce
que l’expérience peut prouver. Son insistance en vue de promouvoir ces recherches de laboratoire ne
manqua pas de porter ses fruits en pharmacologie. C’est ainsi que le Persan Abul-Mansur Muwaffaq, au
Xe siècle, apporte au sujet de certains médicaments des détails qui témoignent d’un véritable progrès en
ce domaine.
Les recherches des musulmans dans les diverses sciences s’accompagnent évidemment de