renforçant la place et l’opposabilité des protocoles, ne s’engage pas dans cette voie ; bien au
contraire, il nie la singularité de chaque situation et des réponses thérapeutiques qui pourraient
lui être apportées.
Pour répondre efficacement à cette attente, il faudrait ménager les conditions d’une véritable
continuité des soins, que la psychiatrie devrait être en mesure de garantir, ainsi qu’un soutien
et un accompagnement des familles et des proches. Force est de constater sur le terrain que
cette condition est loin d’être remplie et que ce texte ne répond en rien à cette attente. Nous
avons tous en tête – j’en suis persuadé – des exemples précis. À l’heure actuelle, il est parfois
très difficile pour un patient d’obtenir un premier rendez-vous et, pour les professionnels, de
proposer des rendez-vous suffisamment rapprochés pour assurer un suivi thérapeutique dans
une logique de lien humain.
Pourtant, une telle approche réduirait considérablement le nombre des cas de rupture de soins
par les patients ; elle est en effet la base d’un soin psychiatrique de qualité. Cela implique que
les centres médico-sociaux disposent de moyens en rapport avec la demande croissante de
soins psychiatriques. Or, dans votre projet, une seule disposition a trait à ce lien
indispensable : le suivi des patients à leur domicile. Las, une fois encore, vous n’envisagez la
question que dans la perspective de soins sans consentement, alors que l’articulation sanitaire,
sociale et médicosociale est primordiale pour les patients souffrant de troubles psychiatriques.
Elle nécessite une étroite coopération entre les équipes, dans le respect du libre choix des
patients quant à leur prise en charge. Elle appelle une vision sociale de la prise en charge des
troubles psychiatriques et requiert bien évidemment des moyens.
Or votre approche étriquée de la problématique confine ce suivi et cette articulation à un
dispositif de contrôle de patients considérés a priori comme dangereux ou nuisibles, ce qui ne
peut que nuire à la qualité de la prise en charge.
J’en veux pour preuve le primat de l’hospitalisation, qui transpire du texte qui nous est
présenté, alors même que peu de cas nécessitent une prise en charge hospitalière. Ce primat
est d’autant plus dommageable pour les patients que les places manquent dans les
établissements, que les mises en chambre d’isolement augmentent dramatiquement faute de
personnel – alors qu’il faut substituer la contenance psychique à la contention physique – et
du lien sur lequel devrait être fondée chaque prise en charge. La qualité de la dimension
relationnelle à chaque étape de la prise en charge est primordiale pour envisager un retour
serein du patient à la cité.
À rebours de ce principe, votre projet de loi, rédigé à la suite du discours martial du Président
de la République, élude ces questions essentielles pour répondre à une injonction. Rien n’est
fait en amont : rien pour la formation des professionnels en psychiatrie, aucun questionnement
sur la fin du numerus clausus, aucune réflexion de fond sur la spécialisation des infirmiers,
pas plus que sur le financement de l’activité particulière que constitue la prise en charge des
troubles psychiatriques ! En fait, avec une forme d’exclusion de la psychiatrie du champ de la
santé publique, c’est le refus d’un vrai plan de santé publique !
La psychiatrie nécessite pourtant un financement global autant que spécifique afin de pouvoir
mesurer, évaluer, ajuster au plus près des réalités vécues par les professionnels et dans
l’intérêt des patients.
Nous regrettons – le mot est faible – que votre projet consacre la place primordiale de la
solution d’internement propre à la psychiatrie française depuis plus d’un siècle et demi. Les
députés communistes, républicains et du parti de gauche, à la suite de l’immense majorité des
professionnels, affirment que le recours à la privation de liberté d’une personne à raison de
troubles psychiques qu’elle présente doit rester une mesure exceptionnelle. Dans ce texte, elle