qui semblent être aujourd'hui les moins attachés à Jérusalem en tant que lieu religieux, sur lequel ils pourraient
réclamer des droits. La raison en est simple: le christianisme a fondé, avec Paul de Tarse, une religion qui s'affirme
universelle et qui n'a donc plus avec Jérusalem de lien privilégié, politique ou territorial.
Après la mort du Christ, les Apôtres quittent Jérusalem et vont prêcher à travers le monde. Pendant ce temps,
Jérusalem, où Hadrien a décrété contre juifs et chrétiens une véritable «purification ethnique», n'est plus qu'un
camp romain. Elle redeviendra sous Byzance un grand centre de pèlerinage qui se couvre d'églises (le Saint-
Sépulcre est inauguré en 335), de monastères, d'hôpitaux. La conquête musulmane en 638 se fait sous le signe de la
clémence. «Vos vies seront épargnées, vos biens protégés, vos églises respectées aussi longtemps que vous paierez
le tribut», dit le calife Omar. Pendant quatre siècles la ville reste pour l'Occident chrétien un but de pèlerinage et un
lieu mythique mais lointain.
Qu'est-ce qui pousse le pape Urbain II à prêcher en 1095 la première croisade pour délivrer le Saint-Sépulcre,
Jérusalem et la Terre sainte du joug des infidèles? Crise du système féodal, explosion démographique ou brutal
retour de la foi populaire, en tout cas les «Franj» qui arrivent avec leurs lourdes armures sèment la désolation. En
1099 Jérusalem est mise à sac. «Ils firent un massacre sans exemple. Il ne resta pas un seul musulman ou juif
vivant», écrit Guillaume de Tyr.
Cette première et dernière revendication politique des chrétiens sur la Terre sainte se terminera mal. Le «royaume
franc» installe ses chevaliers, ses rois, ses ordres religieux. Il durera quatre-vingt-huit ans avant que Saladin,
vainqueur à Hattin, n'entre dans Jérusalem. Jérusalem retourne à l'islam et pendant neuf siècles elle restera
musulmane. Mais cette épopée fanatique que furent les Croisades a laissé des traces douloureuses et durables chez
vainqueurs et vaincus. Il faudra attendre l'an 2000 pour que le pape Jean-Paul II fasse acte de repentance et se
réconcilie avec musulmans et juifs, sans pour autant abandonner tout à fait l'idée d'un droit de regard sur
l'administration de la ville qui abrite les lieux vénérés du christianisme.
Al Qods la musulmane
La domination musulmane s'est exercée elle aussi sur deux longues périodes. La
première commence en 638, au tout début de la conquête arabe. Pour l'islam
Jérusalem (Al Qods) est aussi une ville sainte. Au début de la révélation coranique
lorsque Mohammed tentait d'intégrer à l'islam naissant les anciens prophètes,
Abraham, Moïse et Jésus, c'est vers Jérusalem que se tournaient les croyants pour
prier, avant de finalement préférer La Mecque. C'est aussi vers Jérusalem que le
Prophète fut enlevé un soir par l'archange Gabriel, sur son cheval Bourak, un
cheval ailé à tête de femme et queue de paon. Mohammed marqua de son pied le
rocher d'Abraham et il monta jusqu'au ciel où Allah lui révéla la loi coranique.
Voyage rapporté dans un hadith célèbre: «Louanges à celui qui a transporté dans
la nuit son serviteur du lieu de culte sacré au lieu de culte le plus éloigné dont nous
avons béni l'enceinte afin de lui montrer certains de nos signes merveilleux.» Pour
tout musulman, Al Qods est donc bien la troisième ville sainte après La Mecque et Médine. Mais elle n'est que la
troisième, à la fois essentielle - parce que le Voyage initiatique de Mohammed rattache l'islam à la tradition
abrahamique - et marginale.
Lorsque le calife Omar arrive en 638 aux portes de Jérusalem, il ne demande aux juifs et aux chrétiens que de payer
le tribut et promet de respecter leurs églises et leurs biens, mais il fait tout de suite construire les grands sanctuaires
de l'islam. En 685, sur l'esplanade du Temple alors déserte, s'élèvent le dôme du Rocher puis la mosquée Al Aqsa
(«la lointaine»). Musulmans, juifs et chrétiens vivent en paix sous les Omeyyades puis sous les Abbassides, et
Haroun Al Rachid autorise Charlemagne à doter Jérusalem d'une abbaye, d'une église, d'un marché. La ville
connaît une période faste, jusqu'au XIe siècle.
La sanglante parenthèse des Croisades refermée, Jérusalem redevient musulmane mais elle est éclipsée par
Constantinople et la ville tombe dans l'abandon. Elle ne compte plus que 11000 habitants, dont 1200 juifs
originaires d'Espagne. «On se demande si ce ne sont pas là les monuments confus d'un cimetière au milieu d'un
désert», écrit Chateaubriand.
La guerre de 1914 et la chute de l'Empire ottoman entraînent l'installation du protectorat britannique. Lord Balfour
annonce l'établissement d'un foyer national juif au moment où s'éveille un nationalisme arabe. Les éléments du
conflit sont en place. Un conflit qui dure encore et qui va exacerber, de part et d'autre, des fanatismes religieux
qu'on croyait disparus.
L’ascension du prophète
Mahomet