Une ville, trois histoires
Par Josette Alia
Comment quelques collines de l'ancienne terre de Canaan sont devenues, en
trois mille ans, le lieu saint des trois grandes religions monothéistes : judaïsme,
islam et christianisme
Exercice :
- Lire chacun des documents en soulignant et en définissant les termes inconnus
- Expliquer pour chacune des religions les rapports religieux et historiques à
Jérusalem
- Quel monument de Jérusalem est le symbole de chacune des religions ?
Yerushalayim la juive
Le judaïsme, dont l'histoire commence avec Abraham il y a quatre mille ans, restera
pendant longtemps une religion nomade - «Je n'ai point habité dans une maison depuis le
jour j'ai fait monter les enfants d'Israël hors d'Egypte... J'ai voyagé sous une tente et
dans un tabernacle» (II Sam. VII, 6). C'est seulement en 1004 avant J.-C. que le roi
David conquiert Jérusalem, petite cité jébuséenne. En choisissant une ville «neutre»
n'appartenant à aucune des tribus d'Israël, David fait de Jérusalem le lieu d'une nouvelle
identité nationale qui conforte son pouvoir monarchique. En y installant l'arche
d'Alliance, il transforme le judaïsme en une religion sédentaire. Son fils Salomon
concrétisera cette orientation en construisant un centre religieux unique, le Temple,
célèbre par sa taille et sa magnificence.
A dater de ce moment, Jérusalem, appelée aussi Sion, sera le symbole de l'unité
spirituelle et temporelle incarnée en un lieu, quelles que soient les crises et les
révolutions de palais. La Bible va y situer le sacrifice d'Abraham, la venue du Messie,
l'annonce de l'Apocalypse. «Dieu est en Jérusalem, elle ne peut chanceler», disent les
Psaumes.
Quatre siècles plus tard, Nabuchodonosor, roi de Babylone, entre dans Jérusalem, brûle la ville et le Temple,
emmène en exil les habitants enchaînés. La ville prend alors une dimension mythique dans la conscience collective
juive. «Si je t'oublie, Jérusalem, que ma main droite se dessèche, que ma langue s'attache à mon palais.» Mais
l'avenir du peuple juif se joue vraiment cinquante ans plus tard lorsque Cyrus offre aux Judéens de revenir dans leur
ville dévastée et que ceux-ci acceptent. sormais les juifs savent qu'ils peuvent supporter l'exil, puis revenir chez
eux et reconstruire un temple. Le second Temple, construit par Hérode sur le mont Moriah, sera détruit en 70 par
les Romains. Il ne sera jamais reconstruit. Jérusalem est rebaptisée Aelia Capitolina. Pendant dix-huit siècles, le
judaïsme redevient religion de l'exil, attachée à la Loi et à la synagogue, mais les Juifs en diaspora garderont la
nostalgie de l'âge d'or et de «l'an prochain à Jérusalem».
Il faut attendre le projet sioniste, à la fin du XIXe siècle, pour voir renaître un lien concret entre les juifs à travers le
monde et Jérusalem retrouvée. Israël naît dans le bruit de la guerre et Jérusalem est coupée en deux. En 1967, le
général Dayan reconquiert la partie arabe et prie, en tenue de parachutiste, au pied du mur des Lamentations. La
ville est aussitôt annexée et proclamée capitale de l'Etat d'Israël. Sionisme et religion y restent liés dans une
ambiguité jamais levée.
Jérusalem la chrétienne
C'est sans doute le christianisme qui devrait être le plus enraciné à Jérusalem,
puisque les principaux actes fondateurs du christianisme s'y sont déroulés.
C'est à Jérusalem que Jésus entre au Temple, prêche, vit la Passion et la
Résurrection. C'est à Jérusalem que les apôtres reçoivent l'Esprit saint au jour
de la Pentecôte pour prêcher la foi nouvelle. Pourtant ce sont les chrétiens
Nouvel Observateur Hebdo 1875 - 12/10/2000
Le roi David
L’Annonciation de Boticelli
qui semblent être aujourd'hui les moins attachés à Jérusalem en tant que lieu religieux, sur lequel ils pourraient
réclamer des droits. La raison en est simple: le christianisme a fondé, avec Paul de Tarse, une religion qui s'affirme
universelle et qui n'a donc plus avec Jérusalem de lien privilégié, politique ou territorial.
Après la mort du Christ, les Apôtres quittent Jérusalem et vont prêcher à travers le monde. Pendant ce temps,
Jérusalem, Hadrien a crété contre juifs et chrétiens une véritable «purification ethnique», n'est plus qu'un
camp romain. Elle redeviendra sous Byzance un grand centre de pèlerinage qui se couvre d'églises (le Saint-
Sépulcre est inauguré en 335), de monastères, d'hôpitaux. La conquête musulmane en 638 se fait sous le signe de la
clémence. «Vos vies seront épargnées, vos biens protégés, vos églises respectées aussi longtemps que vous paierez
le tribut», dit le calife Omar. Pendant quatre siècles la ville reste pour l'Occident chrétien un but de pèlerinage et un
lieu mythique mais lointain.
Qu'est-ce qui pousse le pape Urbain II à prêcher en 1095 la première croisade pour délivrer le Saint-Sépulcre,
Jérusalem et la Terre sainte du joug des infidèles? Crise du système féodal, explosion démographique ou brutal
retour de la foi populaire, en tout cas les «Franj» qui arrivent avec leurs lourdes armures sèment la désolation. En
1099 Jérusalem est mise à sac. «Ils firent un massacre sans exemple. Il ne resta pas un seul musulman ou juif
vivant», écrit Guillaume de Tyr.
Cette première et dernière revendication politique des chrétiens sur la Terre sainte se terminera mal. Le «royaume
franc» installe ses chevaliers, ses rois, ses ordres religieux. Il durera quatre-vingt-huit ans avant que Saladin,
vainqueur à Hattin, n'entre dans Jérusalem. Jérusalem retourne à l'islam et pendant neuf siècles elle restera
musulmane. Mais cette épopée fanatique que furent les Croisades a laissé des traces douloureuses et durables chez
vainqueurs et vaincus. Il faudra attendre l'an 2000 pour que le pape Jean-Paul II fasse acte de repentance et se
réconcilie avec musulmans et juifs, sans pour autant abandonner tout à fait l'idée d'un droit de regard sur
l'administration de la ville qui abrite les lieux vénérés du christianisme.
Al Qods la musulmane
La domination musulmane s'est exercée elle aussi sur deux longues périodes. La
première commence en 638, au tout début de la conquête arabe. Pour l'islam
Jérusalem (Al Qods) est aussi une ville sainte. Au début de la révélation coranique
lorsque Mohammed tentait d'intégrer à l'islam naissant les anciens prophètes,
Abraham, Moïse et Jésus, c'est vers Jérusalem que se tournaient les croyants pour
prier, avant de finalement préférer La Mecque. C'est aussi vers Jérusalem que le
Prophète fut enlevé un soir par l'archange Gabriel, sur son cheval Bourak, un
cheval ailé à tête de femme et queue de paon. Mohammed marqua de son pied le
rocher d'Abraham et il monta jusqu'au ciel où Allah lui révéla la loi coranique.
Voyage rapporté dans un hadith célèbre: «Louanges à celui qui a transporté dans
la nuit son serviteur du lieu de culte sacré au lieu de culte le plus éloigné dont nous
avons béni l'enceinte afin de lui montrer certains de nos signes merveilleux.» Pour
tout musulman, Al Qods est donc bien la troisième ville sainte après La Mecque et Médine. Mais elle n'est que la
troisième, à la fois essentielle - parce que le Voyage initiatique de Mohammed rattache l'islam à la tradition
abrahamique - et marginale.
Lorsque le calife Omar arrive en 638 aux portes de Jérusalem, il ne demande aux juifs et aux chrétiens que de payer
le tribut et promet de respecter leurs églises et leurs biens, mais il fait tout de suite construire les grands sanctuaires
de l'islam. En 685, sur l'esplanade du Temple alors déserte, s'élèvent le dôme du Rocher puis la mosquée Al Aqsa
(«la lointaine»). Musulmans, juifs et chrétiens vivent en paix sous les Omeyyades puis sous les Abbassides, et
Haroun Al Rachid autorise Charlemagne à doter Jérusalem d'une abbaye, d'une église, d'un marché. La ville
connaît une période faste, jusqu'au XIe siècle.
La sanglante parenthèse des Croisades refermée, Jérusalem redevient musulmane mais elle est éclipsée par
Constantinople et la ville tombe dans l'abandon. Elle ne compte plus que 11000 habitants, dont 1200 juifs
originaires d'Espagne. «On se demande si ce ne sont pas là les monuments confus d'un cimetière au milieu d'un
désert», écrit Chateaubriand.
La guerre de 1914 et la chute de l'Empire ottoman entraînent l'installation du protectorat britannique. Lord Balfour
annonce l'établissement d'un foyer national juif au moment où s'éveille un nationalisme arabe. Les éléments du
conflit sont en place. Un conflit qui dure encore et qui va exacerber, de part et d'autre, des fanatismes religieux
qu'on croyait disparus.
L’ascension du prophète
Mahomet
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