
Claude FUGAIN
ORL Phoniatre
Spécialiste de la voix, du langage, de la parole et de la surdité, Claude Fugain dirige l'unité
de la voix de l'hôpital Foch et le département de phoniatrie de l'hôpital Saint-Antoine.
Qu'est-ce qu'un phoniatre ?
C'est un médecin ORL spécialisé dans le laryngologie. Il étudie les cordes vocales, leur
fonctionnement et la fonction vocale, c'est-à-dire comment la personne utilise sa voix. Il va la
juger selon 3 paramètres : la hauteur (aigue ou grave), l'intensité (forte ou faible) et le timbre
(voilé, pauvre, riche, chaud...). Pour cela, il dispose d'un certain nombre d'instruments,
notamment des analyseurs multiparamétriques sur ordinateur. Mais la voix c'est également
la traduction d'un vécu, elle véhicule des choses qui sont derrière nous et le phoniatre,
quand il juge une voix, doit prendre en compte la fonction sociale et professionnelle de la
personne qui est en face de lui. A partir de ces données, il dresse un bilan, c'est-à-dire qu'il
fait un diagnostic et propose un programme thérapeutique, (une rééducation) associé ou non
à un geste chirurgical.
En quoi consiste la rééducation ?
La bonne voix, c'est la voix adaptable. Autrement dit, une voix comme vous la voulez, que
vous soyez au travail ou à la maison avec vos enfants. Pour atteindre cet objectif, je peux
intervenir sur chacune des fonctions de la voix :
- la respiration (apprendre à contrôler son souffle) ; - la vibration (veiller à ce qu'il n'y ait pas
d'effort au niveau du larynx) ;
- les caisses de résonance (modifier le timbre de la voix) ;
- le système articulatoire (parler clairement).
Je mets en place des exercices de respiration, des exercices vocaux (diction), on travaille la
voix chantée, la voix conversationnelle, la voix projetée (d'action sur autrui), la voix lue, le
moment de la prise de parole… J'oblige aussi les patients à regarder leur interlocuteur en
face parce que si on regarde ses pieds, même si on a une bonne voix, elle restera faible. Il
ne faut pas oublier que la voix est un morceau du corps et que maîtriser sa voix c'est d'abord
maîtriser son corps.
Peut-on changer totalement de voix ?
Non, il faudrait une chirurgie trop lourde. Il y a des données anatomiques que l'on peut
difficilement modifier. Par exemple, la hauteur de la voix (grave ou aigue) dépend de la
longueur des cordes vocales. Il est parfois possible d'affiner les codes vocales pour
maintenir une voix dans les aigues, notamment chez les transexuels, mais on ne peut pas
modifier la forme du visage et donc les caisses de résonances (gorge, bouche, cavités
nasales) qui donnent son timbre à la voix. Alors on essaye de féminiser la voix en se
rapprochant d'une articulation féminine, plus antérieure, en utilisant davantage la bouche
comme caisse de résonance (les hommes utilisent plus la gorge). Et puis la voix est une
vitrine, elle reflète ce qu'on a dans le cerveau : vous ne changerez pas une voix bête si la
personne n'a pas de neurone !
Est-ce qu'il y a des phénomènes de mode ?
Oui. Aujourd'hui ce sont les voix graves et voilées qui plaisent, mais il n'y a pas si longtemps,
on les aurait trouvées pathologiques car la mode était aux voix claires et légères. On écoutait
Mireille et Tino ROSSI au lieu de Patricia KAAS et Garou. Les goûts changent et les voix
changent. On se sert aussi de sa voix de façon différente, les femmes en particulier ont des
voix plus graves qu'autrefois parce qu'elles travaillent, conduisent leur voiture, fument, bref
se masculinisent dans le social et au niveau vocal. On sait implicitement que la voix c'est la
puissance et que la puissance c'est masculin. Par exemple, quand Edith CRESSON, alors