Un résumé de la pensée kantienne
Aux animateurs de l’IREM de Lyon,
Michel, automne 2008
Kant (1724-1804), ce scientifique devenu philosophe, nous a laissé une littérature énorme. Mon but est de
permettre d’entrer plus facilement dans la lecture d’une œuvre qui a aujourd’hui une grande importance en
particulier au niveau de la philosophie de la connaissance et de l’épistémologie scientifique.
Je ne peux pas garder pour moi tout ce que j’ai saisi, d’où cette lettre sans doute trop longue dans laquelle je
voudrais aller à l’essentiel tout en essayant de rester précis.
QUEL ETAIT LE BUT de KANT ?
Dans la Critique de la raison pure (CRP), Kant part de la question que je résumerais, à la lecture de son
introduction par : « une métaphysique est-elle possible ? » ; bref que veulent bien dire ce titre et ce
questionnement ? Pour Ferdinand Alquié qui introduit la traduction de la CRP dans la Pléiade, il affirme que Kant
répond de façon nouvelle à l’éternelle question : « Que puis-je savoir ? », autrement dit : « Comment et dans
quelle mesure mon savoir peut-il atteindre l’être des choses ? ».
Mais que dit Kant lui-même ?
Le tout début (une adresse à un politique) : « Monseigneur ! Promouvoir pour sa part l’accroissement des
sciences, c’est du même coup travailler dans l’intérêt de Votre Excellence ; ».
Dans la préface de la première édition (1781) de la CRP, Kant part des difficultés de la raison humaine à
résoudre des questions incontournables et de la misère dans laquelle se trouve la métaphysique. Il affirme, vers
la fin de cette introduction : « J’espère donner moi-même un tel système de la raison pure (spéculative), sous le
titre de Métaphysique de la nature, … ».
La préface de sa deuxième édition (1787), plus longue, est très différente non sur le fond mais dans la forme, et
commence par : « L’élaboration des connaissances qui sont du ressort de la raison suit-elle ou non le chemin sûr
d’une science, … ».
Bref trois mots clefs : science, raison, métaphysique.
ESSAI d’un RESUME de la PENSEE de KANT.
A) Théorie (métaphysique) de la connaissance scientifique.
1- Les concepts mathématiques sont des productions de l’esprit humain ; la mathématique est créée
par l’homme, ses concepts n’existent pas comme réalités indépendantes (n’existent pas en soi).
2- Pour pouvoir établir les sciences de la nature (mécanique, physique, …) il faut se donner deux
concepts a priori, le temps et l’espace (qui sont, en tant qu’objets de la mathématique, créés par l’esprit humain).
En effet il faut se les donner a priori pour pouvoir parler de phénomènes puis d’expériences.
3- Kant fait la distinction entre « objet comme chose en soi » et « objet comme phénomène » (perçu par
nos sens). Page 742 : « … que notre représentation des choses comme elles nous sont données se règle non
sur celles-ci comme choses en soi, mais que plutôt ces objets comme phénomènes, se règlent sur notre mode
de représentation … ». Puis, page 745, « Que l’espace et le temps ne soient que des formes de notre intuition
sensible, donc seulement les conditions de l’existence des choses comme phénomènes, …, voila qui est prouvé
dans la partie analytique de la critique ; » i.e. pages 822 à 1011 de la CRP.
4- Ce sont les objets comme phénomènes qui peuvent être soumis à l’expérience. Le mouvement (le
changement) est une synthèse de phénomènes successifs (on pourrait traduire aujourd’hui qu’un mouvement est
défini dans une carte locale d’un espace-temps !) L’expérience (physique) ne décide rien sur les choses en soi
mais sur les choses telles qu’elles nous apparaissent comme phénomènes, phénomènes organisés dans une
représentation grâce à un espace et un temps donnés a priori (et donc pouvant être soumis à l’expérience).
En bref on peut dire que l’expérience, en science, ne nous dit rien sur une chose en soi mais sur une chose telle
qu’elle nous apparaît à travers nos sens (nos instruments de mesure). Cela rejoint ce que nous dit Jacques
Treiner, physicien, qui a participé à l’élaboration des programmes de physique pour le secondaire, dans son
topo intitulé L’expérimentation en physique : le point de vue d’un théoricien : « Une expérience est une question
posée à la nature, c’est plus qu’une observation ». « Une science expérimentale ne commence pas avec
l’observation, mais avec l’interrogation sur l’observation. Une expérience interroge la nature ».