que Foucault lie à la question du rapport entre le dire-vrai et la mort chez
Socrate, et à la critique de parrêsia démocratique chez Platon – devient
justement nécessaire au moment où on s’aperçoit que la démocratie est
« structurellement » incapable de faire place au dire-vrai. Pour la simple
raison que son fonctionnement exclut par principe cette « différenciation
éthique » (thème de l’« excellence éthique », du « meilleur ») qui seule pourrait
permettre de faire le partage entre la bonne et la mauvaise parrêsia. En
démocratie tout le monde a le droit à dire n’importe quoi (mauvaise parrêsia),
et comme c’est la majorité qui finalement décide, les discours qui vont
s’imposer sont « ceux qui plaisent, ceux qui disent ce que le peuple désire, ceux qui
le flattent ». Non seulement le courage de la vérité (bonne parrêsia) n’est pas
honoré, mais il peut arriver, à ceux qui essaient de dire ce qui est vrai plutôt
que ce qui plaît, de susciter des réactions négatives qui peuvent les exposer à
la vengeance, à la punition, à la mort. Dérive démagogique du dire-vrai,
dérive populiste de la démocratie : inutile de souligner l’actualité et l’urgence
de ce problème qui remonte aux prémices de notre civilisation. En lisant le
dernier cours de Michel Foucault au Collège de France il est difficile de ne
pas penser à sa mort qui survient quelques mois plus tard. Pourtant, assez
vite on se rende compte qu’on n’a pas affaire à quelque chose comme un
« testament philosophique ». Il s’agit au contraire d’un nouveau
commencement dont l’enjeu central est d’envisager une autre possibilité pour
la philosophie et pour l’histoire de la philosophie. Ce nouveau regard sur la
philosophie vise directement son différentiel éthique, plutôt que ses propriétés
théoriques, et se focalise sur la recherche d’une radicalité éthique – d’une
spiritualité – qui est comme une corde tendue entre le pôle de la vérité et le
pôle de l’altérité. Il ne faut pas oublier en effet que Foucault s’était
précocement evadé de la philosophie, en s’arrachant à sa formation
(phénoménologie, hégélianisme, marxisme humaniste) par le biais de
Nietzsche, lu grâce à Bataille, lu grâce a Blanchot. Ce grand refus de la
philosophie pris ensuite une allure proprement éthique lorsque Foucault,
suite à la rencontre autour de 68 avec les mouvements de lutte de base, se
laissa déposséder de sa « maîtrise » et commença à penser le travail critique
comme l’« accouplement » des savoirs érudits de l’historien et des savoirs
combatifs des gens. L’avant-garde est toujours du coté de l’Autre : découverte
fondamentale, mais justement, cela ne permettait pas encore d’envisager la
philosophie comme « autre », et peut-être de la ranger dans la « grand famille
des contre-conduites » qui depuis toujours ont résisté au pouvoir
gouvernemental (cours Sécurité, territoire, population, 1977-1978). Le retour à la
philosophie, qui s’achève en 1984 avec ce double portrait de Socrate et des
cyniques, ne devient possible qu’à la suite d’une autre découverte
importante, à savoir que la dimension éthique est en train de devenir l’un des