RESWEBER J-P. : "La philosophie des valeurs", Paris, P.U.F, 1992. FORGET Ph. et POLYCARPE G. : "L'homme machinal. Technique et progrès : anatomie d'une trahison", Syros-Alternatives, Paris, 1990. FOUCAULT M. : "Les mots et les choses. Une archéologie des sciences humaines", Editions Gallimard, NRF, Paris, 1966. Sur la parole et l'écriture Pages 26 : 2 subjectivité "Il y a donc, au principe même de cette expérience, la mise en oeuvre d'un redoublement : la valeur est la valeur de la valeur. Une oeuvre d'art est déclarée belle, parce qu'elle est l'objet d'une satisfaction, à la limite injustifiable, mais aussi parce qu'elle peut transformer le regard de celui que la contemple, voir même s'imposer comme une révélation qui le conduise à décider autrement de sa profession, de ses orientations ou de ses fréquentations." Page 69 : "C'est la parole, conçue comme le lieu de la vérité, qui confère la valeur aux mots entendus, aux représentations partagées, aux regards échangés. Même si elle n'est pas la parole pleine, où le sujet proteste de son désir, même si elle est une parole vide, délestée de la vérité, parvenue « à l'extrême de son usure », elle « garde sa valeur de tessère ». La valeur témoigne de cette articulation inaliénable de la parole à l'Autre, au sujet, au désir, à la confiance et à la vérité : « Même s'il ne communique rien, le discours représente l'écriture de la communication ; même s'il nie l'évidence, il affirme que la parole constitue la vérité ; même s'il est destiné à tromper, il spécule sur la foi dans le témoignage ». C'est sans doute cette dette du langage à l'égard de la vérité qui constitue l'horizon axiologique. La valeur est le symbole en souffrance, attendant d'être révélé par l'effet du signifiant." (Jacques Lacan écrits, Seuil, Paris 1966. Page 251). Mon analyse : il y a valeur, dès que le symbole brille de l'éclat du signifiant. Comme le souligne Jean-Paul Resweber, alors l'idéal devient réalité. Il donne l'exemple suivant de la justice en disant : je comprends qu'il n'y a justice, que là où il y a des sujets équitables... Sur l'éthique et la déontologie Page 105 : "En raison de son caractère marginal est paradoxal de jugement éthique donne vie aux valeurs abstraites de la morale, aux valeurs codées dans le droit, aux valeurs mises en jeu dans le rituel culturel, aux valeurs régulant la déontologie. Il soumet, d'abord, la morale, a priori définie, à une révision qui tienne compte de certaines particularités et de situations d'exception. Il intervient, ensuite, pour adoucir la rigidité de la loi juridique et pour combler les lacunes qui paralysent l'application de la justice." Page 106 : "Le jugement éthique, on le conçoit, réalise un réajustement continuel des règles à la pratique qui réclame celle-ci. C'est à juste titre, qu'Aristote, le compare au travail de l'artisan, dont l'art (technê) est d'adapter sur le terrain des règles de l'agir, pour mieux régler l'action sur les choses". Page 107 : "C'est de jugement éthique qui transforme, en valeurs, codes, règlements, lois, normes, interdits... Sans doute, parce qu'il s'emploie, d'abord, à ajuster et à réajuster les exigences de la vie aux contraintes de la morale, du droit, les styles culturels et de la déontologie. Ce travail incessant de « justice » et des justifications qu'il s'évertue à réaliser." Mon analyse : le travail avec le handicap est toujours aux limites de l'éthique. L'économie et la politique sont des champs du déploiement de cette éthique : notre thèse est éminemment politico-éthique. Critiques des sciences et places des sciences humaines. FOUCAULT M. : "Les mots et les choses. Une archéologie des sciences humaines", Editions Gallimard, NRF, Paris, 1966. Les sciences humaines Page 362 : "Les sciences humaines en effet s'adressent à l'homme dans la mesure où il vit, où il parle, où il produit. C'est comme être vivant qui croît, qu'il a des fonctions et des besoins, qu'il voit s'ouvrit un espace dont il noue en lui-même les coordonnées mobiles ; d'une façon générale, son existence corporelle l'entrecroise de part en part avec le vivant, produisant des objets et des outils, échangeant ce dont il a besoin, organisant tout un réseau de circulation au long duquel court ce qu'il peut consommer et où luimême se trouve défini comme un relais, il apparaît en son existence immédiatement enchevêtré aux autres ; enfin parce qu'il y a un langage, il peut se constituer tout un univers symbolique à l'intérieur duquel il a un rapport à son passé, aux choses, à autrui..." Mon analyse : c'est bien cet enchevêtrement qu'il est décrit ici dans les sciences humaines qui caractérisera mon écriture dans le tome deux. Page 363 : "D'une façon plus générale, l'homme pour les sciences humaines ce n'est pas ce vivant qui a une forme bien particulière (une physiologie assez spéciale et une l'autonomie à peu près unique) ; c'est ce vivant qui de l'intérieur de la vie à laquelle il appartient de fond en comble et par laquelle il est traversé de tout son être, constitue des représentations grâces auxquelles il vit, et à partir desquelles il détient cette étrange capacité de pouvoir se représenter justement la vie." Page 364 : "... L'objet les sciences humaines n'est pas cet homme qui depuis l'aurore du monde, où le premier cri de son âge d'or est voué au travail ; c'est cet être qui, de l'intérieur des formes de la production par lesquelles toute son existence est commandée, forme la représentation de ses besoins, de la société par laquelle, avec laquelle ou contre laquelle il les satisfait, si bien qu'à partir de là il peut finalement se donner la représentation de l'économie elle-même. Quant au langage, il en est de même : bien que l'homme soit au monde le seul être qui parle, ce n'est point science humaine que de connaître les mutations phonétiques, la parenté des langues, la loi des glissements sémantiques ; en revanche, on pourra parler de sciences humaines dès qu'on cherchera à définir la manière dont les individus ou les groupes se représentent les mots, utilisent leur forme et leur sens, composent des discours réels, montrent et cachent en eux ce qu'ils pensent, disent, à leur insu peut-être, plus ou moins qu'il ne veulent, laissent en tout cas, de ces pensées, une masse de traces verbales qu'il faut déchiffrer et restituer autant que possible à leur vivacité représentative." Page 365 : "Les sciences humaines occupent donc cette distance qui sépare (non sans les unir) la biologie, l'économie, la philosophie, de ce qui leur donne possibilité dans l'être même de l'homme." Mon analyse : il s'agit ici de finitude, de relativité, de parole déjà accomplie et dite par d'autres. Les entretiens avec les personnes handicapées nous situent encore mieux dans ces différents paradigmes. Il est évident que les biens plus difficiles de travailler sur ces corpus qu'avec des quantifications de type « mathesis ». Page 318 : "On a parlé des sciences humaines ; on a parlé de ces grandes régions qui délimitent à peu près la psychologie, la sociologie, analyse des littératures et des mythologies. On n'a pas parlé de l'histoire, bien qu'il soit la première et comme la mère de toutes les sciences de l'homme, bien qu'elle soit aussi vieille peut-être que la mémoire humaine. Où plutôt, c'est pour cette raison même qu'on l'a passée jusqu'à présent sous silence." Page 384 : "Toute connaissance enracine dans une vie, une société, un langage qui ont une histoire ; de cette histoire même elle trouve l'élément que lui permet de communiquer avec d'autres formes de vie, d'autres types de sociétés, d'autres significations : c'est pourquoi l'historicisme implique toujours une certaine philosophie ou du moins certaine méthodologie de la compréhension vivante (dans l'élément de la Lebenswelt), de la communication interhumaine (sur fond des organisations sociales) et de l'herméneutique, (comme ressaisie à travers le sens manifeste d'un discours d'un sens à la fois second et premier, c'est-à-dire plus caché mais plus fondamental de ma thèse)." Mon analyse : on ne peut faire abstraction de l'histoire globale, de l'histoire contemporaine et de l'histoire singulière dans laquelle s'enracinent la vie des témoins de cette recherche. Page 389 : "L'ethnologie comme la psychanalyse interroge non pas l'homme lui-même, tel qu'il peut apparaître dans les sciences humaines, mais la région qui rend possible en général un savoir sur l'homme ; comme la psychanalyse, elle traverse tout le champ de ce savoir dans un mouvement qui tend à en rejoindre les limites. " " Mais la psychanalyse se sert du rapport singulier du transfert pour découvrir aux confins extérieurs de la représentation le Désir, la Loi, la Mort, qui dessinent à l'extrême du langage et de la pratique analytique les figures concrètes de la finitude ; l'ethnologie, elle, se loge à l'intérieur du rapport singulier que la ratio occidentale établit avec toutes les autres cultures ; et à partir de la, elle contourne les représentations que les hommes, dans une civilisation, peuvent se donner d'eux-mêmes, de leur vie, de leurs besoins, des significations déposées dans leur langage ; et elle voit surgir derrière ces représentations des normes à partir desquelles les hommes accomplissent les fonctions de la vie, mais en repousse leur pression immédiate, les règles à travers lesquelles ils éprouvent et maintiennent leurs besoins, les systèmes sur fond desquels toute situation leur est donnée." Mon analyse : c'est le thème de la région qui est intéressante ici, c'est en effet sur un immense territoire qu'est rendue possible la prise de parole et d'écriture pour en extraire du savoir. Comme le souligne Michel Foucault : « Alors on peut bien parier que l'homme s'effacerait, comme à la limite de la mer un visage de sable », alors vite faisant parler les hommes qui restent ! Critiques des systèmes techniques FORGET Ph. et POLYCARPE G. : "L'homme machinal. Technique et progrès : anatomie d'une trahison", Syros-Alternatives, Paris, 1990. Économie, politique et institutions Page 162 : "La technique veut abolir le Temps, plus précisément la durée. Or la durée construit la conscience ; par elle, l'homme s'épanouit. Réduire le Temps à l'instantané détruit en profondeur toutes les racines de la liberté." Page 163 : "Celui qui n'a pas le temps, obéit à des injonctions, celles qu'on lui donne ou qu'il se donne pour plaire au monde ambiant. Le mieux qu'il puisse faire et d'être entraîné, au sens sportif du terme, fort à l'honneur aujourd'hui, mais aussi au sens d'être entraîné par le fils d'un cours d'eau. Il ne réfléchit plus : il sert. L'apologie permanente de la réponse en « temps réel » rejoint celle des « réflexes d'acier » et convient... Aux casques acier. Faire vite en permanence aide à fuir l'ennui." Analyse : c'est ce temps que pourrait nous apprendre le champ du handicap. Un temps pour construire et non pas pour fuir. Page 215 : " A ENA par exemple, l'élève n'apprend sérieusement ni les lettres, ni la philosophie, ni l'art, ni la discussion éthique, ni la politique, ni les civilisations extérieures. Et il prétendra plus tard gouverner le peuple et la cité ! Il confondra l'administration bureaucratique et l'art du bien commun. Le peuple, s'amassant à ses yeux sous forme de données arithmétiques et statistique, il le gérera comme un stock, comme une masse matérielle (ou de matériels) à contenir et régler. Dépourvue de formation éthique, il s'appuiera sur d'autres appareils - les autorités morales - pour organiser le « supplément d'âme »." Page 222 : "L'homme se ment à lui-même. L'industrie écologique se pare du masque de l'écologie. La charité spectacle grime le spectacle avec la charité. Le pouvoir issu de la compétence est une compétence sans issue. Nul ne distrait la technique de son mouvement total. » Page 222 : "Relever ce défi impose de saisir derechef le bouclier de Persée, la parole. Puissance de nomination des choses, protection et miroir, elle éclaire le regard, désigne des repères, traces des limites. Elle saisit l'à-propos. Elle mesure. Sans elle, le glaive du politique frappe le vide ou cesse de trancher ; le pouvoir roule alors, monotone comme une meule. La parole commande aux techniques de servir la cité, non de l'évider." Mon analyse : il est en effet remarquable de constater cette somme de souffrance, de manque de soins et de petits pas dans le progrès quotidien, du manque criant de responsabilité au visage de l'autre après 21 siècles de travail sur l'altérité, l'éthique et l'économie humaines. Encore la parole encore le regard : cette recherche est vraiment inscrite au niveau de cette sociologie de l'écriture et de la parole de ce regard social.