Osons le débat sur la fin de vie
Lettre ouverte à la SFASP
La pétition « Nous soignants, avons en conscience aidé médicalement des patients à mourir» parue
dans la revue Pratique en octobre 2006 et relayée par le Nouvel Observateur à l'occasion du procès du
Docteur Tramois et de l'infirmière Mme Chanel, suscite de nombreuses réactions. Nous, soignants,
signataires de ce texte, en sommes satisfaits, puisque l’un des objectifs était de susciter un débat,
encore faut il que celui-ci pose les vraies questions.
La « Société Française d'Accompagnement et de Soins Palliatifs » SFASP, a publié sur son site un
plaidoyer concernant la fin de vie, celui-ci est relayé par les réseaux de soins palliatifs. Nous ne
souhaitons pas entrer dans une polémique mais inscrire nos points de vue sur le fond. Le débat sur une
question aussi importante est très complexe et il faut bien lire la pétition dont chaque mot a été discuté
collectivement.
Il n’est pas demandé la légalisation de l'euthanasie, mais une dépénalisation de l'aide à mourir
« active », et cela dans certaines circonstances et dans un encadrement strict. Nous souhaitons une
traçabilité de cette aide (ce qui a été discuté et ce qui a été fait) par l’écriture conjointe des pratiques,
afin que les soignants puissent rendre des comptes face à la société, y compris face à la justice. Cela
permettrait d’éviter les dérives et de responsabiliser les personnes. Si nous avons lancé cet appel à la
dépénalisation, c'est qu'il nous paraît particulièrement injuste que le docteur Tramois et Mme Chanel
soient jugées aux assises, alors que dans une affaire similaire d'autre médecins ne furent pas
poursuivis.
Dans le même temps, cette pétition demande l'augmentation des moyens permettant
d'accompagner les patients en fin de vie. Il est important de rappeler ici que la revue Pratiques a
toujours défendu les réseaux de santé. Elle a été la seule revue à s'engager aussi loin dans la défense
de ce concept de réseaux, et elle a très souvent témoigné de leur valeur dans le domaine des soins
palliatifs. Il est important de souligner que les décisions prises vis-à-vis d'un patient en fin de vie ne
peuvent l’être qu’avec l’assentiment de la personne et de ses proches. La décision du patient doit être
respectée (sa demande, claire et réitérée), la décision médicale doit ne pas être imposée et l’avis de
l’équipe soignante doit être pris en compte.
On partage le souci de la SFASP de faire vivre la loi Léonetti. En effet, celle-ci apporte des réponses à
un grand nombre de situations où ceux qui peuvent disposer pour les soigner de professionnels formés
et travaillant en réseaux peuvent bénéficier d'un véritable accompagnement qui leur permet de mourir
dans des conditions humaines. Mais chacun sait que tout le monde n'est pas à égalité face à la mort. Ne
pas le rappeler c'est tronquer la réalité. Mais plus encore, il faut avoir le courage de reconnaître que,
même quand les soins palliatifs sont bien conduits par des professionnels compétents, il y a des
situations où la limite d'efficacité des soins palliatifs est atteinte. Nous comprenons que lorsqu'il faut
défendre un nouveau concept (les soins palliatifs, par exemple) dans le système de distribution des
soins nous avons tendance à le survaloriser pour affronter les scepticismes, voire l'hostilité de ceux qui
ne veulent pas changer les pratiques professionnelles. Mais justement, au nom de cette défense de la
modification des pratiques au service des besoins des populations, il ne faut pas rentrer dans un
dogmatisme qui ferait croire que tout devient possible avec les soins palliatifs. C'est affaiblir notre propre
camp que de ne pas reconnaître que des problèmes demeurent, en particulier et surtout, le désir du
patient et de ses proches d’une fin de vie rapide et dans la dignité.
La pétition a vu le jour, parce qu'il existe des rares situations où des professionnels sont confrontés au
choix d'aller au-delà de ce qu’autorise la loi. Un geste actif est fait pour supprimer les dernières
souffrances. Ce geste n'est pas un acte technique, c'est un geste d'humanité, que celui qui le fait
assume avec la personne qui part et avec son entourage. Il s’agit toujours d’un moment fort, douloureux,
que nous préférerions ne pas avoir à faire. Mais le suivi d'un patient ne commence pas avec la fin de
vie. Il s'inscrit dans le temps, dans la relation humaine, et cet instant final est nourri par tout ce qui s'est
fait auparavant.
Nous pensons, par ce texte vous montrer que les propositions faites par la SFASP ne répondent pas à
la question qui est posée par la pétition. Le débat doit donc se poursuivre.
Pour le SMG Dr Didier MENARD : 06 07 16 57 78
Dr Christian BONNAUD : 0675695733