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Devant la richesse, les connaissances importantes que réclamait le sujet, nous avons dû
restreindre notre champ de recherches. D’une part, nous avons écarté ce qui pourrait se
comprendre comme les “prémisses” de l’enseignement et de l’institution philosophique, à savoir
la constitution de l’Académie française, de l’Université ou encore les monastères médiévaux, et
leurs possibles relations avec l’organisation institutionnelle et pédagogique de la classe de
philosophie actuelle. Le 19ème siècle et le début du 20ème nous ont semblé un moment inaugural
décisif pour l’enseignement philosophique, représentatif de sa structure institutionnelle solide
aux implications politiques et sociales. D’autre part, nous avons choisi des penseurs tels Saint-
Simon, Comte, Cousin ou Alain qui, s’ils ne sont pas considérés,
traditionnellement
, comme des
théoriciens de premier ordre – excepté Comte – apparaissent, paradoxalement, comme des
réflexions complexes, denses, fécondes, riches de perspectives et de questions, des philosophies
démiurgiques qui ont conditionné l’institutionnalisation de la philosophie. En effet, les pensées
saint-simonienne et comtienne, si elles ne parlent pas clairement de la classe de philosophie,
donnent le cadre de pensée et de références, les concepts fondateurs, initiateurs tels le pouvoir
spirituel, l’éducation universelle, le métier, la capacité, la discipline encyclopédique… à partir
desquels elle va se comprendre, à partir desquels l’institution philosophique et la figure du
philosophe-professeur vont se définir, le discours philosophique sur l’enseignement
philosophique va s’établir. Elles fournissent un modèle opératoire, dessinent le destin de la
philosophie au 19ème et 20ème siècles. V. Cousin semble être ainsi l’un de ouvriers des pensées
saint-simoniennes et comtiennes : il structure l’enseignement philosophique en classe de
Terminale, organise un corps d’enseignants adapté, en fonction, il est celui qui a façonné le lieu
de la philosophie, son « système pratique » (Macherey)
, l’institution philosophique. Enfin, Alain,
héros de l’enseignement philosophique, prolonge, pour une part, l’héritage pratique du
cousinisme en consolidant la classe de philosophie, en donnant à l’institution, une éthique, une
philosophie de l’éducation, c’est-à-dire une pédagogie, des usages, une façon de concevoir
l’enseignement et le professeur de philosophie, de se représenter.
Ces discours philosophiques sur la philosophie et son enseignement seront compris dans la
continuité de notre travail de maîtrise intitulé :
Comment les philosophes perçoivent-ils leurs
MACHEREY, « Victor ou comment s’en débarrasser ? » in
Histoires de dinosaure…
op. cit. P. MACHEREY dont le travail
s’organise autour de trois thèmes, le spinozisme, les rapports philosophie/littérature et la place historique de la philosophie en
France, est un auteur intéressant de par la réflexion critique permanente qu’il exerce sur sa propre institution et notamment
sur les concepts cousiniens, platoniciens qui l’ont marqué telle la philosophie comme couronnement des sciences…A notre
connaissance, il est, de plus, l’un des rares philosophes à commenter rétrospectivement ses propres écrits, à appliquer à lui-
même le retour critique qu’il pratique sur les autres. cf III.