De la violence sacrée à un Dieu non-violent
La violence est partout présente dans la Bible comme dans l'histoire humaine en général.
Cela commence avec le meurtre d'Abel par son frère et déjà il serait intéressant d'étudier de près
ce texte de Genèse 4 : il nous montre un Dieu qui en appelle à la conscience du meurtrier et le
protége contre la vendetta, dont il prévoit le caractère ravageur.
Ce qui est troublant, c'est que cette violence semble être sacralisée, permise, voire exigée par
Dieu dans bon nombre de passages bibliques: ordre de sacrifier Isaac, peines de mort exigées par
la Thora, loi de l'anathème sur les villes prises, guerres saintes de l'entrée en Canaan, Elie au
mont Carmel etc.…
D'une part il faudrait analyser de plus près chacun de ces textes: il s'avérerait souvent que
le propos de l'auteur est peut-être bien inverse de ce que l'on croit comprendre à première lecture.
D'autre part il y a d'autres textes bibliques qui s'opposent à ceux là et nous font découvrir
un Dieu non plus vengeur et meurtrier mais "lent à la colère et plein d'amour, qui ne veut pas la
mort du pécheur mais qu'il se convertisse et qu'il vive". Il y en a aussi qui mettent en scène des
personnages posant déjà, dès l'Ancien Testament, des actes prophétiques dignes de l'Évangile : je
pense en particulier à David, certes guerrier, et qui du reste pour cela ne construira pas le Temple
"parce que, homme de guerre, tu as versé le sang" (1 Chr 28,3) mais dont la vie est constellée
d'actions plus ou moins non-violentes.
Mais surtout il faut bien comprendre que la révélation biblique est progressive, se fait
dans une histoire que Dieu épouse, et c'est là qu'il se montre peut-être le plus non-violent: il entre
en dialogue avec une humanité qui a sacralisé la violence et il accepte de parler son langage, de
se rendre solidaire de cette violence.
Le summum de cette solidarité sera bien sûr l'Incarnation et le mystère de la croix : la
Parole de Dieu, pourtant créatrice, se fait chair, entre pour de bon, personnellement, dans notre
histoire et va attirer sur elle toute la violence des hommes : Dieu lui-même en la personne de
Jésus, va être condamné à mort -ô comble!- au nom de cette image que Dieu pendant des siècles
a accepté de donner pour s'approcher des hommes et vaincre leur violence. Mais par sa mort il a
vaincu la mort, "dans sa croix il a tué la haine".
C'est seulement en la personne de Jésus, en effet, que se révèle en plénitude ce qui n'était
qu'esquissé auparavant dans l'histoire d'Israël (cf. Heb1,1) En lui se dévoile "ce qui était caché
depuis la fondation du monde", à la fois le mensonge de la violence sacralisée et la victoire d'un
Dieu désarmé qui "prend sur lui tout le péché du monde"
Le mystère de l'Incarnation rédemptrice, ce n'est pas celui d'un Dieu pervers qui exigerait
pour laver son honneur la torture et la mort de son fils, mais celui d'un Dieu qui a "tant aimé le
monde qu'il a donné son Fils", lequel "ayant aimé les siens en ce monde les aima jusqu'au bout".
Jésus, l'In-nocent (in-nocens = non- nuisant, non-violent) a pris sur lui d'être mis au rang des
criminels .
Saintt Paul va jusqu'à dire que "pour nous Dieu l'a fait péché, lui le sans péché" (2 Cor. 5,
21), ainsi "devenant pour nous malédiction" (Gal 3,13). Cela était du reste annoncé dans les
"chants du Serviteur souffrant" d'Esaïe. Jean Goss disait :"Il a payé la facture". C'est nous et nous
seuls qui sommes responsables de la mort du Christ, Dieu, lui, l'a ressuscité des morts, mais
Christ s'est fait responsable de notre péché au sens où un père se fait solidaire des actes de son
fils, en paie les conséquences . Jésus "n'est pas venu pour condamner le monde mais pour que
par lui le monde soit sauvé": pour cela il affronte la puissance du Mal à mains nues, il se livre à