Fondements de la pensée et de l'action du MIR
La non-violence évangélique
Certes on peut être amené à vivre et à lutter par la non-violence, à vaincre le mal par le
bien et la haine par l'amour, sans être chrétien: Gandhi nous l'a prouvé évidemment (même s'il
fut très marqué par la personne de Jésus et par ses paroles, spécialement ce que l'on appelle le
"Sermon sur la montagne, au chapitre 5 de l'évangile selon Saint Mathieu)
Mais le chrétien ne devrait pas pouvoir vivre et lutter autrement s'il était fidèle au Seigneur.
L'homme est créé à l'image de Dieu et mérite donc encore plus de respect, un respect absolu.
C'est ce que le MIR voudrait faire découvrir aux Eglises chrétiennes. Les fondements de sa
pensée et de son action sont essentiellement évangéliques.
L'homme est créé à l'image de Dieu et mérite donc encore plus de respect, un respect
absolu. En particulier le commandement "Tu ne tueras pas" est formel. Et Jésus ira plus loin en
assimilant au meurtre toute colère ou insulte envers un frère (Matthieu 5, 22).
La loi de Moïse, du reste, allait déjà plus loin que le respect d'autrui: "Tu aimeras ton
prochain comme toi-même"(Lev 19, 18 ). Et Jésus en fera le 2° commandement égal au 1er (Mt
22, 39). Remarquons au passage que le texte du Lévitique portait, juste avant, deux
recommandations, celle de réprimander son compatriote et celle de ne pas se venger : l'amour du
prochain interdit toute vengeance contre lui mais oblige par contre à combattre le mal qui est en
lui Cet amour du prochain s'élargit peu à peu du compatriote à "l'étranger demeurant chez toi"
("Tu te souviendras que tu as été étranger en Égypte"), pour atteindre avec Jésus, l'universalité
(cf. la parabole du Samaritain) et même l'amour de l'ennemi ( Mt 5, 44) . Avec le Sermon sur la
montagne, en effet, nous arrivons au sommet de cette évolution vers l'amour sans limite de tout
être humain.
Ce qui ne signifie pas l'absence de conflit: puisque je dois aimer mes ennemis, c'est que je
peux en avoir, et Dieu sait si Jésus s'en est fait ! Si je ne me connais pas d'ennemi, c'est
probablement que je suis tiède, que je ne suis pas un vrai disciple: "Si quelqu'un veut me suivre
qu'il prenne sa croix…"( Mt 16, 24).
Et Jésus va plus loin : il nous indique directement la méthode non-violente de résolution
des conflits. A la loi du talion il oppose la non résistance au méchant (ce qui ne signifie pas
non-résistance au mal, cf. Eph 6, 13 ) : "tendre l'autre joue", "ne pas se dérober à celui qui veut
prendre" (Mt 5, 38-42), paroles souvent très mal comprises et que l'exemple de Jésus pourtant
explicite .
En effet, Jésus ne s'est pas contenté de parler, il nous a donné l'exemple, par toute sa vie,
par des actions symboliques comme la Cène (lavement des pieds, pain et vin partagés) mais plus
encore peut-être dans sa Passion. "Ma vie nul ne la prend mais c'est moi qui la donne" Si toute
sa vie publique a été affrontement avec ses opposants (pharisiens, sadducéens, hérodiens…) avec
une maîtrise parfaite et un appel constant à leur conscience (voir en particulier l'épisode de la
femme adultère), cela éclate encore plus dans les récits de la Passion selon Saint Jean, Jésus
répond avec une liberté étonnante de parole et même questionne ses juges…
Et il y a un épisode particulièrement parlant, c'est celui de la gifle reçue du serviteur du
grand prêtre (justement scandalisé par la liberté de parole de l'accusé !). Contrairement à ce que
l'on peut lire parfois dans des commentaires, Jésus a bien fait ce qu'il avait demandé dans le
Sermon sur la montagne : il a tendu l'autre joue à celui qui le frappait. On ne peut en effet
imaginer que Jésus, pour répondre au serviteur en interpellant sa conscience, n'ait pas tourné la
tête vers lui, lui offrant par le fait même son autre joue, risquant un surcroît de haine et d'affront.
Relisez ce texte (Jn 18, 19-24) et imaginez la scène, ou mieux "jouez-la » à plusieurs : c'est
fulgurant !
De la violence sacrée à un Dieu non-violent
La violence est partout présente dans la Bible comme dans l'histoire humaine en général.
Cela commence avec le meurtre d'Abel par son frère et déjà il serait intéressant d'étudier de près
ce texte de Genèse 4 : il nous montre un Dieu qui en appelle à la conscience du meurtrier et le
protége contre la vendetta, dont il prévoit le caractère ravageur.
Ce qui est troublant, c'est que cette violence semble être sacralisée, permise, voire exigée par
Dieu dans bon nombre de passages bibliques: ordre de sacrifier Isaac, peines de mort exigées par
la Thora, loi de l'anathème sur les villes prises, guerres saintes de l'entrée en Canaan, Elie au
mont Carmel etc.…
D'une part il faudrait analyser de plus près chacun de ces textes: il s'avérerait souvent que
le propos de l'auteur est peut-être bien inverse de ce que l'on croit comprendre à première lecture.
D'autre part il y a d'autres textes bibliques qui s'opposent à ceux et nous font découvrir
un Dieu non plus vengeur et meurtrier mais "lent à la colère et plein d'amour, qui ne veut pas la
mort du pécheur mais qu'il se convertisse et qu'il vive". Il y en a aussi qui mettent en scène des
personnages posant déjà, dès l'Ancien Testament, des actes prophétiques dignes de l'Évangile : je
pense en particulier à David, certes guerrier, et qui du reste pour cela ne construira pas le Temple
"parce que, homme de guerre, tu as versé le sang" (1 Chr 28,3) mais dont la vie est constellée
d'actions plus ou moins non-violentes.
Mais surtout il faut bien comprendre que la révélation biblique est progressive, se fait
dans une histoire que Dieu épouse, et c'est là qu'il se montre peut-être le plus non-violent: il entre
en dialogue avec une humanité qui a sacralisé la violence et il accepte de parler son langage, de
se rendre solidaire de cette violence.
Le summum de cette solidarité sera bien sûr l'Incarnation et le mystère de la croix : la
Parole de Dieu, pourtant créatrice, se fait chair, entre pour de bon, personnellement, dans notre
histoire et va attirer sur elle toute la violence des hommes : Dieu lui-même en la personne de
Jésus, va être condamné à mort comble!- au nom de cette image que Dieu pendant des siècles
a accepté de donner pour s'approcher des hommes et vaincre leur violence. Mais par sa mort il a
vaincu la mort, "dans sa croix il a tué la haine".
C'est seulement en la personne de Jésus, en effet, que se révèle en plénitude ce qui n'était
qu'esquissé auparavant dans l'histoire d'Israël (cf. Heb1,1) En lui se dévoile "ce qui était caché
depuis la fondation du monde", à la fois le mensonge de la violence sacralisée et la victoire d'un
Dieu désarmé qui "prend sur lui tout le péché du monde"
Le mystère de l'Incarnation rédemptrice, ce n'est pas celui d'un Dieu pervers qui exigerait
pour laver son honneur la torture et la mort de son fils, mais celui d'un Dieu qui a "tant aimé le
monde qu'il a donné son Fils", lequel "ayant aimé les siens en ce monde les aima jusqu'au bout".
Jésus, l'In-nocent (in-nocens = non- nuisant, non-violent) a pris sur lui d'être mis au rang des
criminels .
Saintt Paul va jusqu'à dire que "pour nous Dieu l'a fait péché, lui le sans péché" (2 Cor. 5,
21), ainsi "devenant pour nous malédiction" (Gal 3,13). Cela était du reste annoncé dans les
"chants du Serviteur souffrant" d'Esaïe. Jean Goss disait :"Il a payé la facture". C'est nous et nous
seuls qui sommes responsables de la mort du Christ, Dieu, lui, l'a ressuscité des morts, mais
Christ s'est fait responsable de notre péché au sens un père se fait solidaire des actes de son
fils, en paie les conséquences . Jésus "n'est pas venu pour condamner le monde mais pour que
par lui le monde soit sauvé": pour cela il affronte la puissance du Mal à mains nues, il se livre à
lui, désarmé, avec pour seules armes son amour sans revers de haine, sa vérité sans ombre de
mensonge Et c'est par cette faiblesse apparente, cet échec accepté, cette "passion", qu'il nous
libère de notre violence meurtrière.
C'est donc un Dieu totalement non-violent qui nous apparaît dans le mystère de la
croix et c'est cette non-violence qui nous sauve.
L'agir chrétien est imitation des mœurs de Dieu, il ne peut donc être qu'imitation de
cette non-violence salvatrice "Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait". Que nous
propose Jésus pour cet agir ?
Ce qu'il nous propose c'est le Shalôm. Déjà le psaume 85 (84) l'énonçait clairement:
"J'écoute! Que dit le Seigneur? Ce qu'il dit, c'est Shalôm pour son peuple, ses amis,
mais qu'ils ne reviennent pas à leur folie…
…Amour et Vérité se rencontrent, Justice et Paix s'embrassent…".
Ce Shalôm est comme le résumé des biens messianiques. Promesse de Dieu (voir la note
de la Bible de Jérusalem en E 11, 6), il est accompli en Christ:
"C'est Lui qui est notre Shalôm…
en sa personne il a tué la haine et proclamé le Shalôm" (Eph 2,14-17).
Nous traduisons Shalôm par paix mais comme ce mot est ambigu! Si Jésus, au cours du
repas d'adieu, nous promet la paix, il précise que c'est sa paix qu'il nous donne et qu'elle n'est pas
celle que propose le monde. Et il conclut ce même discours par ces mots :
"Je vous ai dit tout cela pour que vous ayez en moi la paix.
Dans le monde vous aurez à souffrir, mais courage, j'ai vaincu le monde" (Jn 14,27 et 16,33 ).
Et par avance il avait prévenu les siens, il n'était pas venu leur "foutre la paix", comme on dit, les
"laisser tranquilles": en ce sens, ce n'était pas la: paix qu'il leur promettait mais division et glaive
(Lc 12,51; Mt 10,34 )
Ce Shalôm est à la fois don de Dieu en Jésus, déjà accompli, qui demande notre foi,
et œuvre à faire avec Jésus et par lui: "Heureux les artisans du Shalôm".
La foi est essentielle et première : malgré les apparences d'un monde toujours livré à la
loi du plus fort, aux passions, aux convoitises, à la violence, nous reconnaissons que le Règne de
Dieu est venu jusqunous, que le "Prince de ce monde" a été jeté dehors, que l'Esprit de Jésus
nous a déjà fait naître à un monde nouveau, qu'en tout cela nous sommes les grands vainqueurs.
Mais cette foi doit se traduire en acte (épître de Saint Jacques).
"Puisque l'Esprit est notre vie, que l'Esprit nous fasse aussi agir"(Gal 5,25).
"Ce n'est pas ceux qui disent Seigneur, Seigneur, qui entreront dans le Royaume
mais ceux qui font la volonté du Père"(Mt 7,21).
Il ne nous suffit donc pas de prier. Il faut entrer dans le combat du Christ.
Car il s'agit bien d'un combat: de la tentation au désert à la Passion, sus a affronté
l'Adversaire et "le disciple n'est pas au-dessus du maître":
"Ce qu'ils m'ont fait, ils vous le feront à vous aussi".
Mais il ne faut pas se tromper d'adversaires! A la suite de Jésus, refusant de juger (Jn 8:
la femme adultère), de chercher des coupables (Jn 9, 2-3: "Qui a péché, lui ou ses parents?"),
celui qu'anime son Esprit ne confond jamais le péché qu'il combat et le pécheur, "ne voulant pas
que celui-ci meure mais qu'il se convertisse et qu'il vive" (Ez 33,11). C'est dans cette logique du
Royaume de Dieu qu'il nous est demandé d'aimer nos ennemis, de prier pour nos persécuteurs, de
faire du bien à qui nous fait du mal: aussi mauvais qu'il puisse nous paraître, tout homme est un
frère que Dieu aime et pour qui Jésus est mort. Cela ne nous démobilise pas, car Celui qui nous a
dit de "ne pas résister au méchant" est le même qui nous fait lire dans la lettre aux Hébreux
"Vous n'avez pas encore résisté jusqu'au sang dans la lutte contre le péché" (Heb 12,4). Pour le
croyant tout combat humain contre le mal sous toutes ses formes est un combat spirituel. On a
trop réservé ce qualificatif à une lutte contre soi-même, individuelle et introvertie, l'opposant
plus ou moins aux combats temporels, le chrétien pourrait et devrait savoir se "salir les
mains". Grâce à Dieu nous commençons à redécouvrir le caractère spirituel, au sens fort du
terme, de tout affrontement humain. Et la parole de Paul retrouve son actualité:
"Revêtez l'armure de Dieu, pour pouvoir résister aux manœuvres du diable.
Car ce n'est pas contre des adversaires de sang et de chair que nous avons à lutter
mais contre les Puissances …les esprits du Mal" (Eph 6,11-12).
Et Paul, à la suite, nous décrit la panoplie des armes du croyant.
Il ne faut pas non plus, en effet, se tromper dans le choix des armes. Jésus n'est jamais
entré dans une casuistique de la légitime défense et de la guerre juste; il a dit à Pierre :
"Remets ton épée au fourreau, qui prend l'épée périra par l'épée" (Math 26,52).
Les premiers chrétiens ont pris très au sérieux cet avertissement, puisque, au 2° siècle, ils
interdisaient le baptême au soldat ou au juge "qui porte l'épée" (Tradition apostolique). Et s'ils
ont conquis si vite l'empire romain, c'est par le sang des martyrs donnant raison à la parole de
l'apôtre "Telle est la victoire qui a triomphé du monde, notre foi" (1Jn 5,4).
Ainsi nous voici ramenés à la foi, cette foi dont Paul nous dit qu'elle est "le bouclier
grâce auquel vous pourrez éteindre les traits enflammés du Mauvais". Non plus seulement la
foi-conviction mais sa conséquence normale la foi-confiance:
"Hommes de peu de foi, pourquoi avez-vous peur?"(Mt 8,26).
En définitive, tout notre comportement habituel face à la violence du monde est :
nous avons peur et ne mettons pas notre confiance dans le Seigneur. Alors nous mettons notre
confiance dans les armes de ce monde, dans les puissances de ce monde. La tentation n'est pas
nouvelle, elle fut constante pour le peuple d'Israël. Mais la Parole de Dieu est remplie de ces
appels : "Mets ta confiance, Israël, dans le Seigneur" (Ps 130).
"Mieux vaut s'appuyer sur le Seigneur que de compter sur les hommes
…sur les puissants" (Ps 118).
"Aux uns les chars, aux autres les chevaux, à nous le nom du Seigneur" (Ps 20,8).
Aujourd'hui comme hier- car nous ne sommes pas meilleurs que nos pères- nous nous
détournons du Seigneur pour nous confier aux idoles. Et les idoles d'aujourd'hui sont autrement
dévoreuses de sang que les Moloch ou les Baals de jadis.
Il est temps de nous convertir, de rejeter leur mensongère protection et d'entrer dans le
combat du Christ avec les armes de l'Esprit
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