Certaines tentatives sont faites pour essayer de synchroniser la musique avec l'image.
Quand Henri Rabaud écrit la musique du film " Le miracle des loups " en 1921, il fait en sorte
que la durée de chaque morceau de sa partition coïncide avec la durée exacte de chaque bobine de
film. La même année, Marcel L'Herbier a l'idée d'utiliser un miroir dans lequel le chef d'orchestre
peut voir le film, afin que le déroulement de la musique se coordonne avec celui de la bande
cinématographique. En 1927, le compositeur Paul Hindemith utilise pour la première fois un
appareil de synchronisation pour le dessin animé Félix le chat. Cet appareil permet de faire
défiler la partition du chef d'orchestre au même rythme que les images, pour qu'il puisse accorder
parfaitement la musique au film (1).
C'est cette même année qui est définie comme celle de la naissance du cinéma parlant. En
1910, Léon Gaumont avait déjà mis au point un système de synchronisation du son et de l'image,
le chronophone, mais l'histoire aura préféré retenir 1927 et les Etats Unis pour les débuts du
cinéma parlant, sans doute parce qu'à cette date, deux films vont sortir avec deux procédés
concurrents. Le Chanteur de Jazz est considéré comme le premier film parlant de l'histoire du
Cinéma, avec une piste sonore gravée sur un disque séparé de la pellicule (2). Quelques mois plus
tard, sort Le Septième Ciel qui pose les bases la technique utilisée de nos jours: la piste sonore est
enregistrée sous forme optique à même la pellicule. Simultanément, le projecteur quitte la salle
de spectacle, et l'insonorisation réalise des progrès. La musique ne semble alors plus
indispensable. Les auteurs pour le cinéma écrivent maintenant des dialogues plus conséquents
pour leurs personnages. La musique ne peut donc plus s'exprimer avec tant d'insistance. Sa place
diminue dans la durée, mais paradoxalement, elle gagne en importance pour le récit. On se rend
alors compte qu'elle permet de galvaniser le spectateur, ou d'exprimer tout ce que l'image est
incapable de dire. L'image et la musique deviennent alors un couple indissociable, et surtout,
complémentaire. Alors qu'auparavant il n'existait que très peu d'échanges entre le musicien et le
réalisateur, l'apparition des dialogues parlés rend la collaboration obligatoire. Cette collaboration
va également permettre au compositeur de réaliser une musique originale et étroitement liée à
l'esprit du film. La musique est plus réfléchie, et plus sérieuse, puisqu'elle participe maintenant
directement au récit. Les années 30 voient apparaître les premiers grands noms de la musique de
film: Maurice Jaubert, Sergueï Prokofiev, Benjamin Britten, etc... La musique n'est pas seulement
liée à l'esprit du film, mais le choix des formations instrumentales, de l'arrangement et du style
reste également liée à la thématique générale de l'œuvre.
L'industrie du cinéma prend alors véritablement son essor, et le rythme des productions
s'accélère. Le cinéma commercial apparaît, les compositeurs sont obligés de travailler de plus en
plus vite (3). Les productions comportent de plus en plus un département musical. Pourtant, peu
de monde y prête vraiment attention. Les crédits et le temps sont d'abord alloués à la
scénarisation, à la mise en scène, mais la musique arrive souvent en bout de chaîne, quand tout
est joué. Elle devient donc véritablement sous influence du film. Le musicien est bridé par les
délais, par les exigences du montage, et souvent la musique se limite à une sorte de patchwork de
situations comiques ou dramatiques, qui va vers la surenchère, le pléonasme. D'autre part,
certains compositeurs se laissent tellement influencer par les codes déjà établis, qu'ils composent,
en quelque sorte, des musiques "préexistantes". Dans ce contexte, le compositeur se doit d'être
purement fonctionnel, efficace. Il n'a parfois malheureusement pas d'autre choix que de passer la
plus grande partie de son temps à élaborer ses thèmes, répéter un style ou des mélodies, au
détriment des recherches d'ambiance ou de l'expérimentation. Il arrive de plus que des musiques
enregistrées pour une séquence de film se retrouve finalement déplacée à un autre endroit lors du
montage, ou que certaines parties soient supprimées, sans avoir auparavant consulté le