Saint-Nicolas et Benjamin
Nicolas a onze ans et n'est pas bien grand pour son âge. Pourtant son visage reflète des
expressions plus mûres que la plupart de ses camarades. C'est que la vie ne l'a épargné jusqu'à
présent. Sa santé est fragile et il doit ainsi souvent manquer l'école, ce qui n'est pas pour lui
un sujet de joie comme le penseraient d'autres enfants plein de vie. Parce que lui, s'il ne va
pas à l'école c'est en raison de son incapacité à y aller... il doit alors rester seul chez lui, sans
frère et soeur, sans copain. Enfin, il a bien un frère plus âgé d'une dizaine d'années, mais la
différence d'âge fait qu'il n'ont pas grand chose à partager. De plus, on s'ennuie bien vite
lorsque l'on est enfermé dans le petit appartement de la cité des Etangs.
Ainsi du haut de ses onze ans et du sixième étage de la Tour H, il voit les garçons du quartier
qui jouent au football. Et s'il se tourne dans l'autre sens c'est la télévision qui diffuse des
publicités sur les jouets à acheter pour la période de Saint-Nicolas. Qu'il regarde donc devant
ou derrière, il est triste.
Son petit coeur à ses bleus que les grandes personnes ne comprennent pas. Certains diront
qu'il y a plus grave, qu'il existe de plus grands malheurs, mais qu'est-ce que cela change à sa
tristesse? Et puis qu'est-ce qu'ils en savent vraiment de ce qui lui fait mal. Ils ne sont pas dans
sa tête, dans son corps, ni dans sa chambre ceux-là qui se permettent de penser qu'il ne s'agit
que d'un caprice de la part d'un enfant.
Parce que lui ce qu'il veut c'est la nouvelle console de jeux, le dernier cri de ce qui se fait.
Peu importe si son papa lui a dit qu'il ne pouvait lui payer, lui il l'a désire et il l'aura!
Comment, il ne sait pas, mais ce dont il est assuré c'est qu'il l'aura et pas plus tard que pour
la Saint-Nicolas!
- Maman, regarde cette publicité. Elle est pas si chère que cela et puis cela sera pour la
Saint-Nicolas et la Noël en même temps.
- Benjamin, ton père et moi t'avons déjà dit que cela n'était pas possible. Tu sais bien que
nous avons des difficultés financières depuis quelques temps. Alors, essaie de comprendre....
- Non, je ne veux pas essayer, c'est pas mon problème, moi ce que je veux c'est ce cadeau et
rien d'autre. Tu comprends, rien d'autre!
- Tu entends comment tu parles à ta maman! Si tu continues cela sera rien d'autre qu'une
punition. Tu commences à m'exaspérer avec ton entêtement. Tu verras quand tu seras plus
grand combien cela n'est pas facile tous les jours.
- Et tu crois que c'est plus facile à neuf ans.
En disant ces mots, Benjamin se retourne et quitte la pièce épaules abattues et tête baissée.
Sa maman ressent un pincement au coeur, d'autant plus qu'elle aimerait tant accéder à la
demande de son fils. Hélas! il ne peut en être question depuis que son mari a perdu son
travail et suit une formation pour retrouver un emploi dans un autre métier.
Quelques jours se tirent en longueur quand le mardi apporte son lot de journeaux
publicitaires et autres tracts dans la boîte aux lettres. Comme à son habitude, Benjamin se
rue spécialement sur les catalogues de jouets et les publicités des grandes surfaces
commerciales. Serrant cet ensemble de feuilles de papier glacé contre sa poitrine, il file vers
sa chambre et referme la porte sur lui. Armé d'une paire de ciseau, il s'attaque alors à la
poursuite et à la découpe de trésors qu'il punaise sur le mur en face de son bureau. Cette
fois-ci cela sera une voiture télé-commandée et une panoplie de chevalier, mais sa console de