Leur principe est simple: un groupe de jeunes gens ou de jeunes filles chantent et
dansent à l'unisson sous la direction d'un chef de chœur (chorègos). Le mot choros désigne au
départ un lieu où l'on danse. A Athènes, on pense que ces chœurs faisaient leur prestation sur
l'agora où l'on a retrouvé de traces d'une orchestra (une aire aplanie). Le chorègos s'occupe de
l'aspect vocal et de la chorégraphie (pas de danse et posture des bras). Il joue également
l'accompagnement musical (lyre ou aulos = flûte à double anche).
Les occasions où l'on réunit un chœur sont nombreuses: rites funéraires, mariages,
banquets. Les chœurs rituels les plus fréquents sont aussi ceux dont on va trouver des traces
dans les tragédies:
Le péan = chant propitiatoire en l'honneur d'une divinité. Pendant que les garçons chantent,
les filles poussent des cris rituels. Oscille entre exécution par l'ensemble du chœur et
exécution monodique où le chœur n'intervient que par ses pas de danse et le chant du refrain.
(1er stasimon des Trachiniennes)
L'hyménée = chant de noces entonné par un chœur de femmes
Le thrène = chant de lamentations funèbres (Entrée d'Electre et kommos avec le chœur)
Le dithyrambe : depuis Aristote et sa Poétique, on a considéré que cette forme chorale était
l'origine directe des chœurs tragiques : " la tragédie est née de l'improvisation; [elle vient] de
ceux qui conduisaient le dithyrambe" dit-il (4, 49, a 11). Il s'agissait en effet à l'origine d'un
chant à Dionysos exécuté par un groupe de personnes guidé par un exarchon qui improvisait,
inspiré par le dieu (la possession dionysiaque se fait par le vin et la musique de la flûte).
Aristote a vu dans cet exarchon l'embryon du 1er acteur. Les choreutes poussaient des cris
rituels ou chantaient à l'unisson en répétant les paroles de l'exarchon et dansaient en cercle
autour de l'autel de Dionysos, ils entraient eux-mêmes en transe.
Peu à peu la forme s'est figée: l'exarchon a composé un chant construit (il est devenu un
auteur) qu'il a fait répéter aux choreutes. Il n'y a plus eu de transe ni d'inspiration divine. Un
chant religieux traditionnel est donc devenu une forme poétique officielle que l'on a intégrée
dans des concours à la fin du VIe siècle, pour développer une culture panhéllénique (dans les
légendes, l'inventeur du dithyrambe était tantôt un Dorien originaire du Péloponnèse, tantôt un
Ionien originaire de l'île de Lesbos, Arion).
On ne peut pas dire qu'il y ait eu une évolution qui irait du dithyrambe à la tragédie,
puisque le dithyrambe a persisté comme genre à part entière et qu'aux Grandes Dionysies, les
fêtes débutaient avec un concours de dithyrambes où chaque tribu présentait un chœur de 50
garçons et un chœur de 50 hommes adultes. Le prix était décerné non à "l'auteur,", mais à la
tribu qui avait montré la meilleure performance musicale. Les choreutes n'étaient pas
masqués.
La tragédie a plutôt assimilé, absorbé toutes sortes de genres : les performances chorales
religieuses dont le dithyrambe, comme la poésie épique.
2) Théâtre codifié et mimèsis : la tragédie comme convention esthétique et spectaculaire
Les genres tragiques et comiques sont, dans l'Antiquité, essentiellement des codes d'écriture
et de réalisation scénique. Il n'y a pas un registre tragique qui préexisterait au spectacle
lui-même. L'adjectif "tragique" (tragikos) n'est utilisé en-dehors de références au théâtre que
par Platon ou dans La Rhétorique d'Aristote. En cela, le travail des poètes grecs est proche de
celui des dramaturges du XVIIe siècle, pour lesquels une tragédie "commence par être la
réponse à deux questions primordiales –quel sujet choisir pour susciter les émotions propres à
la tragédie et comment les disposer pour y parvenir le mieux possible" (Georges Forestier,
Corneille. Le sens d'une dramaturgie, 1998). Pour un Grec, une tragédie doit donc comporter
des scènes attendues qui provoqueront toujours les mêmes effets décrits par Aristote: la pitié,
l'horreur et l'effroi.