Les choix en astrophotographie (3)
par Alain Kohler
3. Choix de la nature de l'objectif : lentille ou miroir
Le choix de la nature de l'objectif va influencer :
La qualité de l'image
Le genre d'objets à photographier
3.a Réflecteurs et réfracteurs
Petit rappel : pour former une image d'un objet astronomique, il faut dévier les rayons lumineux venant de cet
objet et les faire converger dans un plan, appelé plan focal. De chaque point objet part un faisceau divergent.
Mais comme l'objet est quasiment à l'infini, ce faisceau arrive de manière pratiquement parallèle sur l'objectif :
celui-ci doit être capable donc de transformer tout faisceau parallèle en faisceau convergent.
Qui plus est, tous les faisceaux convergents doivent converger en des points images qui se trouvent tous dans un
plan, le plan focal : c'est là que se situe le film photo ou le chip CCD. Voilà ce qui demandé à un objectif, ni plus
ni moins.
vers le haut
de l'objet Objectif = lentille(s)
Plan focal
Axe optique
Image (inversée)
vers le bas
de l'objet
Il existe deux manière de dévier un rayon lumineux : parfraction ou par réflexion.
La réfraction a lieu chaque fois qu'un rayon lumineux change de milieu. Ainsi, un rayon rentrant dans du verre se
casse, mais il se casse aussi en sortant du verre. Dans le schéma ci-dessus, les rayons subissent des réfractions en
traversant un objectif de verre.
La réflexion a lieu sur une surface réfléchissante (…) et le rayon rebondit un peu comme une boule de billard sur
le bord de la table.
vers un point Objectif = miroir
de l'objet
Plan focal
Tout système optique dont l'objectif est formé de lentilles est appelé réfracteur ou lunette, et tout système
optique dont l'objectif est un miroir est appelé réflecteur ou télescope.
Les systèmes mixtes, comme les Schmidt-Cassegrain ou les Maksutov qui, en plus des miroirs primaires et
secondaires, ont une lentille correctrice sont appelés catadioptres.
Quelques configurations d'instruments :
Les télescopes Dobson sont des télescopes de type Newton avec une monture spéciale, dite de Dobson, qui est
simple et pratique pour l'observation visuelle. Ces télescopes ne sont pas adaptés pour l'astrophotographie.
3.b. Différences dans les défauts optiques entre réfracteur et réflecteur
Les deux sortes d'objectifs, réfracteurs et réflecteurs, présentent des défauts optiques communs sur lesquels nous
reviendrons. Mais chaque système à son défaut propre :
Les réfracteurs souffrent de l'aberration chromatique : la déviation des rayons lumineux dépend quelque peu
de la longueur d'onde du rayon, c'est-à-dire de sa couleur. Les rayons bleus sont ainsi plus déviés que les rayons
rouges.
Les réflecteurs ne souffrent pas de ce défaut. L'aberration chromatique a comme conséquence que les rayons
rouges ne focalisent pas au même endroit que les rayons bleus. Autrement dit, si l'objet astronomique a plusieurs
couleurs (ce qui est souvent le cas…), le plan focal des rayons rouges n'est pas au même endroit que le plan focal
des rayons bleus. Il est donc impossible d'avoir simultanément net le rouge et le bleu.
foyers : bleu vert rouge
Images de l'étoile :
Les réflecteurs ont comme particularité de renvoyer les rayons lumineux en arrière. L'observateur ne peut se
placer à l'entrée des rayons lumineux pour observer l'image car il va obstruer l'entrée pour les rayons venant de
l'objet astronomique ! Il faut donc renvoyer les rayons à l'extérieur du tube, soit en angle droit par un miroir
secondaire de 45° (dispositif de Newton), soit par renvoi en direction du miroir principal qui est percé d'un trou
en son centre pour laisser sortir les rayons lumineux (dispositif de Cassegrain).
En photographie, on peut certes placer un plan du film directement au foyer primaire (dispositif de Schmid) mais
le problème de l'obstruction demeure : une partie des rayons lumineux est arrêté par le miroir secondaire
(Newton, Cassegrain) ou le plan du film lui-même (Schmid). Or cette obstruction ne fait pas seulement diminuer
le diamètre effectif du miroir primaire mais altère l'onde lumineuse en la diffractant ce qui amène à une baisse de
contraste de l'image. Bien sûr, les réfracteurs sont dépourvus de ce défaut.
Les déformations indiquées sont
très exagérées. Il existe par ailleurs
des déformations également à l'entrée
front d'onde dans le tube (qui sont en relation avec
la tache de diffraction de l'étoile).
Revenons un peu plus sur ces défauts.
3b1. L'aberration chromatique
Le changement de l'indice de réfraction avec la longueur d'onde (lisez le changement de la déviation lumineuse
avec la couleur) est une caractéristique propre de la matière. Elle est donc inévitable mais on peut dans une
certaines mesure trouver des techniques qui l'amoindrissent fortement.
Une des techniques utilisées au 17ème siècle consistait à augmenter très fortement la longueur focale des lunettes :
l'idée étant par là de diminuer la déviation des rayons lumineux et ainsi diminuer l'aberration chromatique. On
trouvait ainsi des lunettes dont la longueur focale pouvait aller jusqu'à 60 mètres !!
Vers 1730, Chester Moore Hall utilisa deux lentilles d'indices de réfraction différents et de pouvoirs de
dispersion différents, l'idée étant de rattraper les variations de déviation par une lentille divergente. Il est possible
ainsi d'obtenir un foyer de la lumière rouge au même endroit que la lumière bleue. Par contre, les autres couleurs
ne sont pas au même foyer mais on réduit toutefois considérablement le défaut chromatique.
lumière blanche
rouge
bleu
vert
foyers : vert rouge et bleu
Si l'on ajoute un espace d'air judicieusement choisi entre les deux lentilles, on parle d'objectif de Fraunhofer ou
de doublet achromate. Ces lunettes doivent toutefois avoir une grande focale comparée au diamètre de l'objectif
(par exemple une focale 15 x supérieure au diamètre, on parle dur rapport f/d = 15, cf chapitre 4).
On peut encore réduire fortement l'aberration chromatique par des verres de forts indices de réfraction et de très
faible dispersion, habituellement la lunette contenant 2 lentilles aux traitements spéciaux (fluorites, ED) ou un
triplet ou 2 doublets, l'espace entre les lentilles étant rempli par une huile spéciale. Ces systèmes sont appelés
des lunettes apochromatiques et constituent la Rolls Royce des astronomes amateurs (qualité et prix !).
différence achromates différence apochromates
de foyer de foyer
triplet ED, fluorite
doublet ED, fluorite
bleu vert rouge bleu vert rouge
Remarques : cette classification est un peu simpliste. En réalité, il n'y a pas de protection de la dénomination
"apochromatiques" : ainsi deux apochromates peuvent être très différents, l'un étant quasiment parfait et l'autre
être presque du côté des achromates (on parle parfois de semi-apochromate).
3b2. L'obstruction centrale des réflecteurs
Le miroir secondaire des réflecteurs en direction de l'observateur ou de l'appareil photo non seulement diminue la
quantité de lumière arrivant sur le miroir primaire mais crée une modification du front d'onde qui arrive dans le
télescope : ce front d'onde qui arrive de manière perpendiculaire est un peu dévié au voisinage seulement de ce
miroir secondaire. C'est le phénomène bien connu de la diffraction observable par exemple en mer lorsque les
vagues changent un peu de direction au voisinage d'un obstacle.
Le résultat de cette diffraction se remarque dans la tache de diffraction de l'étoile (cf chapitre 2). Dans un
système sans obstruction la très grande majorité des rayons lumineux se concentrent dans le disque d'Airy.
Lorsque l'entrée du télescope est obstrué, une partie des rayons lumineux "migrent" dans les anneaux extérieurs.
Système non obstrué :
Image d’une source ponctuelle Intensité dans la figure de diffraction
Système fortement obstrué :
Il s'agit ici de l'image d'un point. On peut alors comprendre que l'image, résultant de l'adjonction de points
images, sera plus floue dans le second cas car les anneaux extérieures, ayant passablement de lumière, se
chevauchent et car le rapport d'intensité entre le disque d'Airy et les anneaux extérieurs est bien plus faible.
Un système sans obstruction comme les réfracteurs donne donc des images plus piquées : on parle d'un meilleur
contraste, qui est la capacité d'un système optique de distinguer deux zones d'intensités différentes. A remarquer
qu'on peut distinguer des détails de dimension angulaire plus petite que la limite de diffraction, donnée au
chapitre 2, par le fait qu'un détail est visible à cause d'une différence d'intensité, alors que la limite de diffraction
est définie par l'angle minimal nécessaire pour séparer deux étoiles de même intensité.
Il n'y a pas de recettes miracles pour éviter cette perte de contraste chez les réflecteurs : cette perte est d'autant
plus importante que l'obstruction relative (comparée donc à l'entrée du télescope) est importante. Il faut donc
essayer de minimiser cette obstruction mais c'est plus facile à dire qu'à faire. En pratique, les télescopes Newton
sont moins obstrués que les Schmidt-Cassegrains et sont donc connus pour une qualité d'image sensiblement
meilleure sur l'axe optique. Il existe un télescope (le Schiefspiegler) dont le miroir principal est légèrement
incliné ce qui permet de renvoyer des rayons lumineux sur un miroir secondaire n'obstruant pas l'entrée. Ce genre
de télescope n'est que peu commercialisé.
Comparons un télescope Schmidt-Cassegrain avec un réfracteur apochromatique. Pour le télescope, seul 60 % de
la lumière va dans le disque d'Airy alors qu'il y en a 84 % pour la lunette. De plus, l'obstruction, les différentes
réflexions et absorptions d'un SC font qu'un télescope de 20 cm correspond à un télescope de 16,8 cm en terme
lumineux. Une lunette APO de 15 cm, du fait d'une très bonne transmission de lumière, reste pratiquement un
instrument de 15 cm de diamètre (14,7 cm).
Donc, une lunette APO de 15 cm est presque autant lumineuse qu'un SC de 20 cm et surtout présente une image
beaucoup plus contrastée. On peut dire, au risque d'effaroucher les heureux possesseurs de SC de 20 cm, que la
lunette APO de 15 cm est "meilleure". Elle est par contre beaucoup plus chère !
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