Vestiges des recherches arithmétiques mayas

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Vestiges des recherches arithmétiques mayas
André Cauty∗
PROBLEME POSE
A lire les parties numériques et calendaires enchâssées dans les écrits laissés par
les scribes mayas, le lecteur d’aujourd’hui se dit plus ou moins rapidement que
leurs travaux reviennent à résoudre en nombres entiers des équations de la forme
ax = c (modulo b). Résoudre l’équation 73x = 1 (mod. 52) permet de montrer, en
passant par 365 – 364 = 1, alias 73 x 5 – 52 x 7 = 1, que le couple (x, y) = (5, 7)
est une solution de 73x – 52y = 1. D’où : (73 x 5) x 52 = (52 x 7 + 1) x 52, c’està-dire 73 x 260 = 365 x 52. En d’autres termes, l’almanach de 260 jours et
l’année vague solaire de 365 jours sont commensurables dans leur PPCM.
Non, je ne suis pas entrain de projeter mon savoir mathématique sur les pratiques
des scribes de l’Antiquité maya. J’essaie de comprendre à quoi ils jouaient
lorsqu’ils écrivaient des milliers d’équations calendaires, et qu’ils dressaient des
tables de multiples et des tableaux de dates habilement disposés. Les acteurs
étant disparus, le lecteur moderne ne peut compter que sur la capacité collective
de déchiffrer et de traduire les documents restants pour tenter d’entrer dans ce
que nous appelons l’Intelligence Arithmétique Maya. Les scribes, en effet, n’ont
laissé ni mode d’emploi ni mode de fabrication de leurs outils de calcul, et les
Espagnols qui furent en contact avec eux s’intéressèrent davantage aux façons de
faire disparaitre des pratiques jugées contraire à l’esprit de l’Evangile qu’aux
moyens de les comprendre en les dé-sémiotisant de l’écriture maya et en les reconceptualisant en langue espagnole, bref de les traduire. La sainte Inquisition, le
temps et les autodafés firent leur travail de destruction. Si bien qu’il ne reste
aujourd’hui que les codex de Dresde, Madrid et Paris pour répondre à nos
interrogations, peut-être aussi le codex Grolier soupçonné d’être un faux.
Jusqu’aux récents efforts de Linda Schelle pour enseigner aux descendants des
Mayas à lire les textes anciens, peu ou pas de Mésoaméricains étaient en mesure
de participer à l’aventure internationale du déchiffrement des textes mayas. En
effet, la domination exercée par les Espagnols sur les Mésoaméricains accéléra la
disparition de ce qu’il restait encore des pratiques de l’écriture des Autochtones,
des numérations vigésimales, des calendriers et des anciens systèmes de comput
du temps. Sur le vide provoqué par l’Inquisition, les colonisateurs imposèrent,
outre leurs religions et leurs lois, l’alphabet latin, la décimalité, l’arithmétique et
∗
Professeur d’épistémologie et histoire des sciences, Université Bordeaux 1 (France)
2
André Cauty
le calendrier julien/grégorien lequel allait contraindre les Amérindiens à suivre le
rythme des fêtes religieuses chrétiennes et le cours des mois irréguliers des
occupants. Au début de la colonisation, le système calendaire maya était déjà
réduit1 à une liaison plutôt vague du ha’ab, du tzolkin et du cycle des katun2 :
Le nom yucatèque de ce type de découpage du temps et dénomination d’époques était
u-k'ahlaay k'atuno'ob ("la commémoration des katun") et, si son usage est attesté dès
le Vème siècle au Belize, c’est effectivement dans le Yucatán qu’il deviendra
prépondérant au point que, si le Codex Dresdensis montre que peu avant la conquête
espagnole il arrivait encore que l’on positionne des dates par rapport au début du
calendrier maya au moyen d’un "compte long", le souvenir d’un "début" du calendrier
maya dans la littérature yucatèque de l’époque coloniale (…) ne tenait plus qu’à
l’articulation du ha'ab, du tzolkin et des "cycles katuniques" (Hoppan;sd).
Comme le rappelle Hoppan, les scribes mayas de l’époque classique utilisaient
conjointement plusieurs calendriers pour former le noyau3 de toute inscription
calendaire publiquement exposée sur les monuments, et que certains ne l’étaient
plus à l’époque coloniale :
1) Un calendrier ‘absolu’ connu dès le 1er siècle av. J.-C. mais diffusé sur une
moitié environ du territoire mésoaméricain, et qui donnait la date d’un jour
sous forme d’un entier – (ci) chez les Olmèques et dans les codex, ou ΣciPi
chez les Mayas – le plus souvent à cinq chiffres significatifs, correspondant à
la mesure vigésimale de la durée calculée en nombre de jours écoulés depuis
l’origine de la chronologie, que les spécialistes identifient au 11 Août 3114
av. J.-C. (pour les Mayas et avec 584 283 comme constante de corrélation).
Cette date ‘absolue’ est appelée le Compte Long, CL.
2) Le tzolkin almanach divinatoire connu dès 650 av. J.-C. de 260 dates αX,
où α varie de 1 à 13 et où X appartient à une liste immuablement ordonnée de
vingt noms de jour. Il est aussi appelé ‘année religieuse’ ou ‘semaine sacrée’.
1
Certaines informations calendaires en usage à l’époque classique finissent par ne plus
être attestées du moins dans l’espace public des inscriptions monumentales. Par exemple :
les séries lunaires, le cycle des Kauil ou celui des 9 signes Gi. Les Gi disparaissent des
monuments mayas au 10ème siècle, mais une sorte d’équivalent aztèque (les ‘9 seigneurs
de la nuit’) est à nouveau attesté au Postclassique.
2
Les termes tzolkin, ha’ab et katun désignent respectivement : l’almanach divinatoire des
260 dates de la forme αX en usage dès 650 av. J.-C. sur l’ensemble du territoire
mésoaméricain, le calendrier des 365 dates β Y développé par les Mayas à partir du 4ème
siècle ap. J.-C., et le premier multiple vigésimal d’une unité de mesure de temps peut-être
introduite par les Mayas au 2ème ou 3ème siècle ap. J.-C., le tun ‘an de compte’ formé de
dix-huit mois de vingt jours, soit 360 jours. 1 katun = 20 tun. La plus ancienne
attestation des périodes katun et baktun est sans doute l’inscription de la pendeloque de
Dumbarton Oaks (13/07/120 ap. J.-C.) qui prouve une utilisation d’abord sporadique des
signes de période pour enregistrer des durées ‘rondes’ : 8-baktun 4-katun (sous-entendus
0-tun ; 0-uinal 0-kin).
3
Nous appelons ‘noyau’ l’ensemble des informations calendaires contenues entre ce que
l’on pourrait considérer comme des ‘parenthèses’, la parenthèse ouvrante étant le signe Y
inscrit dans le glyphe introducteur de série initiale et la parenthèse fermante son
correspondant Y, le signe du mois de la date ha’ab qui complète la date CR auquel fait
parvenir le CL de la série initiale.
Vestiges des recherches arithmétiques mayas
3
3) Le ha’ab apparu au 4ème siècle chez les Mayas est un calendrier de 365
dates β Y, où β varie de 0 à 19 et où Y appartient à une liste ordonnée de dixneuf noms de période qui calquent l’organisation traditionnelle de l’année
solaire mésoaméricaine en dix-huit vingtaines de jours (18 mois) et un
complément, à savoir la période Uayeb de cinq jours ‘dormants’ chez les
Mayas. Remarquons que la description de Landa4 ne donne pas explicitement
les dates β Y des mois de l’année, si bien que ce texte colonial ne permet pas
de décider si le 1er jour d’un mois était encore noté 0 ou s’il était noté 1 à la
manière des Espagnols. Il n’y a pas non plus de date aztèque β Y.
4) Le CR, ou Calendrier Rituel, de 18 980 dates de la forme (α
αX, β Y)
résultant d’une combinaison particulière des dates tzolkin et ha’ab. Cette
combinaison sui generis correspond à la cinquième partie du produit tzolkin x
ha’ab, celle dont les couples sont dits ‘respecter la règle d’orthodoxie de la
chronologie maya’5 ou ‘bien écrits’ ; le Calendrier Rituel est souvent présenté
sous la forme d’un mécanisme d’engrenage6.
5) Parfois aussi les scribes mayas utilisèrent des abréviations et un système dit
des dates « FIN de katun » surtout connu par les textes coloniaux.
Traduisons en langue de tous les jours ce que notre premier paragraphe disait en
jargon mathématique. Le vouloir-faire sous-jacent au texte mathématique maya
est de rendre commensurables des cycles qui ne le sont pas, de mesurer avec le
même étalon U : l’année solaire, le retour des éclipses ou des phases de Vénus.
Mesurer Paul avec l’étalon Pierre qui ne donne jamais ou presque de réponses en
nombre entier, mais des approximations par excès ou par défaut.
Les écritures numériques à beaucoup de chiffres significatifs que les Mayas ont
inscrites sur leurs monuments prouvent que les scribes ne se contentaient pas, au
moins dans le domaine d’expérience de la mesure du temps, d’approximations
comme « 18 et des poussières » ou « entre 18 et 19 ». Mais qu’ils se lancèrent, au
contraire, dans une course effrénée : découvrir ce que cachent les à peu près de
tous les « n.U et des poussières » pour faire rendre gorge, par le truchement de
calculs effectués « au jour près », à l’exaspérante incommensurabilité des cycles
astronomiques pour qui ne dispose ni d’horloge atomique marquant les fractions
de fractions de fractions de seconde ni d’écriture numérique des infiniment petits.
Habituellement, les gens n’ont pas besoin de se repérer « à un jour près » dans le
temps, tout particulièrement dans le temps de l’année des saisons. Car tous les
vivants subissent le temps –celui du jour et celui de l’année des saisons – par le
biais de la variation de l’ensoleillement qui tombe différemment sur l’alternance
4
5
6
Relación de las cosas del Yucatán
Cauty, A., 2009, ‘Y a-t-il des années surnuméraires mayas ?’, pp. 9-12.
Identifier le CR de 18 980 dates des Mayas de l’époque classique avec le siècle
mexicain/aztèque – SA de 52 xihuitl ‘années’ – est un abus de langage. Les sources ne
permettent pas en effet d’affirmer que la période complémentaire, Nemontemi, comptait
partout et toujours 5 jours, que ces jours étaient systématiquement groupés (en fin
d’année ?), comptés et datés. Sans oublier qu’il n’y a pas d’exemple d’écriture aztèque
précolombienne montrant comment dater spécifiquement les 360 jours des dix-huit
vingtaines de l’année, et que certains auteurs affirment depuis l’époque coloniale que les
Indigènes avaient un calendrier ‘véritable’ périodiquement recalé sur la marche du Soleil .
4
André Cauty
des jour/nuit et des saisons. Qu’ils le veuillent ou non, avec ou sans calendrier,
tous les hommes subissent et perçoivent ces variations, s’y adaptent et doivent y
adapter leurs travaux, en particulier agricoles, et leur vie sociale.
Habituellement, pour se repérer dans l’année, les gens se contentent des repères7
et des durées8 imposés par leurs prêtres ou dirigeants, et des expressions plus ou
moins précises comme « le temps des cerises », « trois jours avant Pâques »,
« une semaine après la Saint Jean », « au milieu ou à la fin du Carême », « la
semaine prochaine », « à la fin de la dernière quinzaine ». Difficile, dans ces
conditions, de toujours compter le temps « à un jour près ». L’histoire montre que
ces calendriers imposés par tous les César du monde ne sont jamais remis en
cause, sauf peut-être parfois au cours de Révolutions violentes9 ou à l’occasion
de l’occupation d’un peuple d’une religion par un peuple d’une autre religion.
Quant aux autorités, elles aussi peuvent, au besoin, se dispenser d’un calendrier
marquant le temps de l’année des saisons « à un jour près » car il leur suffit,
comme le muezzin des musulmans ou les Aztèques du Feu nouveau, d’observer
directement un signe astronomique convenu pour déclencher, au bon moment,
l’appel à la prière ou pour lancer, à la bonne date, la convocation aux assemblées
publiques dont le rythme allait, chez les Amérindiens, de quelques jours à un ou
deux siècles (par exemple : le xiuhtlalpilli de 52 ans des Aztèques).
D’où le constat que, même sans avoir un calendrier donnant une date spécifique
et unique à chacun des 365/366 jours de l’année solaire (vague, tropique ou
sidérale), un peuple pourrait suivre le déroulement de l’année des saisons. Mais
aussi qu’il aurait alors des difficultés à en suivre le déroulement « au jour près ».
Jusqu’à preuve du contraire, seuls les Mayas de l’époque classique suivaient le
déroulement de l’année solaire « au jour près », et ils le faisaient en en datant les
jours par les 365 expressions β Y de leur calendrier du ha’ab. Cette pratique
semble pourtant avoir été éphémère car la première attestation d’une date β Y est
le 0 Yaxkin de la plaque de Leyde (15/09/320), et les dernières se trouvent dans
les pages vénusiennes du Dresde ou, plus imprécises, dans les textes coloniaux.
Les autres Mésoaméricains semblent s’être contentés d’individualiser chacun des
jours de leur année solaire par sa date αX (l’une des 260 dates de l’almanach
divinatoire) et par une expression plus ou moins approximative comme « 3 jours
avant la vingtaine consacrée à Xipe Topec », « pendant les 40 jours de jeûne… »,
« trois ans et cinq mois après le couronnement de la reine, un 13 Ahau ».
Pour rompre avec les approximations, il est une pratique, sans doute vieille
comme les cités humaines, qui consiste à mesurer quelque chose (les dimensions
d’une table, par exemple) une fois avec un étalon (l’épaisseur de l’index par
exemple), puis une deuxième/troisième/nième fois avec un autre (l’épaisseur du
pouce par exemple)10. Avec de la chance, on verra peut-être apparaître un résultat
7
8
Naissance/mort/résurrection… du Christ pour les Espagnols de la Conquête.
Carême, Avent, mois, semaine… pour les Conquérants. Vingtaine, treizaine, neuvaine,
siècle aztèque… pour les Autochtones en voie de colonisation.
9
Même le calendrier des révolutionnaires de 1789 (qui réussirent à imposer le système
décimal des mesures) fit long feu.
10
Variante : comparer avec les siennes propres les mesures en usage chez les voisins : le
pied de Paris et le pied de Rouen.
Vestiges des recherches arithmétiques mayas
5
‘intéressant’ : que la différence « 36 pouces – 48 doigts » par exemple « égale 1
largeur de la table », ou que « 73 machins – 52 trucs = 1 longueur de quelque
chose ». Pardon, ce n’est pas par chance que l’on obtient de tels résultats. Ils sont
le fruit d’un long travail d’expérimentation, et ils finissent par arriver après des
milliers et des milliers d’essais. Oui, trouver, en maths, c’est toujours finir par, et
au cours des efforts pour généraliser, simuler, modéliser. On finit par découvrir
une solution particulière de l’équation entière 73x – 52y = 1, bien avant de voir la
possibilité de créer une méthode de résolution des équations « ax + by = c » (ce
que les Mayas ne firent certainement pas).
Comme beaucoup d’autres peuples de l’Antiquité, les Mayas furent confrontés à
l’impossibilité de mesurer en jours (/lunaisons) la durée de l’année des saisons ou
celle du retour des 13 constellations de leur Zodiaque. Comme la plupart des
autres peuples, ils découvrirent qu’une lunaison est comprise entre 29 et 30 jours,
qu’une année dure entre 365 et 366 jours, et ainsi des autres cycles de l’univers.
Comme les autres Mésoaméricains, leur année solaire possédaient ses points
remarquables (solstices, équinoxes, passages au Zénith…) et leur ha’ab était
organisée en dix-huit mois de vingt jours et une période complémentaire. Mais,
contrairement à d’autres, ils dépassèrent les approximations : a) en définissant de
manière précise (et peut-être nouvelle) le système vigésimal des unités de mesure
du temps et son sous-système uinal-kin, b) en adoptant une année vague
comprenant exactement 365 jours obtenue en fixant de manière rigoureuse le
complément Uayeb de 5 jours et les dix-neuf périodes de l’année (18 x 20 + 5) et
c) en datant spécifiquement les jours (en leur attribuant un numéro β ) à l’intérieur
des 19 périodes, et d) en effectuant des calculs « au jour près » pour comparer et
mettre en phase les nombreux cycles a priori incommensurables qu’ils
considérèrent et utilisèrent.
CONSTAT : UNE FORET DE CYCLES
Les textes mayas permettent d’affirmer que les scribes ont produit de véritables
forêts de cycles intrinsèquement naturels/physiques/astronomiques/numériques et
surnaturels/métaphysiques/astrologiques/numérologiques. Par exemple, et pour
prendre les cycles qui nous sont moins familiers, les Mayas jonglaient avec les 9
Inframondes, les 13 cieux, les 260 jours de l’almanach divinatoire, les 364 jours
de leur Zodiaque, les 4 x 819 jours du Kauil associé aux quatre points cardinaux
et à leurs quatre couleurs, les 18 980 jours de leur Calendrier Rituel, les 2 CR au
bout desquels les trois années (religieuse, solaire et vénusienne) repassent par les
mêmes triplets de dates, etc.
Les tables de multiples de tels nombres et les équations calendaires qu’elles leur
ont permis d’écrire prouvent que les scribes étaient
à la recherche des moyens de co-mesurer les cycles
de cette foisonnante forêt : 73 tzolkin = 52 ha’ab, 5
révolutions de Vénus = 8 ha’ab (dans le Dresde :
65 années vénusiennes font 104 années solaires), ou
6
André Cauty
même11 : 2117 tzolkin = 1508 ha’ab. Pour un astronome, c’est aussi une très
bonne approximation de 1507 années tropiques (de 365,242203 j).
Prenons les pages 49/70 à 52/73 du codex de Dresde.
Du foisonnement des nombres et des
dates de ces quatre pages, surgit la
vérité d’une suite de multiples.
Notant x = 3.5. ‘65’, le texte donne
les 28 premiers multiples de x,
jusqu’à 28x = 5.1.0. ‘1 820’ ; soit y
cet entier, le texte donne encore un
ensemble de multiples de y : 2y, 3y,
8y, 12y, 16y, 20y, 24y, 28y, 36y,
40y, 48y, 52y et 60y. Voyons ces
deux tables.
1.- Table des multiples de x = 3.5. (65 = 5 x 13 ; laissant invariant les rangs α)
Remarque. Par translation de pas multiple de 65, le rang α d’une date αX reste
invariant, et le nom X de cette date progresse de cinq car 65 = 0 (modulo 13) et
65 = 5 (modulo 20). On parcourt le cycle : 4 Caban, 4 Ik, 4 Manik, 4 Eb.
De même, pour la seconde table, toute date αX est invariante par translation
multiple de 1 820, parce que : 1 820 = 0 (modulo 13) et 1 820 = 0 (modulo 20).
11
Cauty, 19**, ‘Elzbieta SIARKIEWICZ’, Amerindia
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7
2.- Table des multiples de y = 5.1.0. (= 1 820 = 5 x 364 = 7 x 260 = 13 x 140 =
20 x 91 = 28 x 65).
Remarque. Comme toute date αX, le jour 4 Eb est invariant par translation de
pas multiple de y.
LE COMPUT « AU JOUR PRES »
Les Mayas utilisèrent conjointement les 1er et 4ème calendriers précédents pour
fixer un événement en écrivant l’expression numérique de sa date CL (par ex. le
CL 0.0.0.0.0. du jour ‘zéro’ du Compte long) et l’expression calendaire de sa
date CR12 (par exemple le CR 4 Ahau 8 Cumku de l’origine de la chronologie
maya). A posteriori, le couple (CL, CR) semble fort redondant car la donnée de
la date absolue CL suffit à déduire toutes les autres informations, notamment la
position dans l’almanach divinatoire, la position dans l’année vague, le signe Gi,
la position dans le Kauil, etc. Actuellement d’ailleurs, tous les mayanistes
profitent de la régularité du système maya qui a permis d’écrire de nombreux
programmes informatiques pour traduire notamment les CL en CR et vice versa
(par ex. : http://www.pauahtun.org/Calendar/tools.html).
Mais les documents coloniaux prouvent que de telles traductions ne furent pas
nécessairement toujours automatiques ni même possibles : il suffit par exemple
de postuler que tel ou tel peuple, à telle ou telle époque, effectuait une correction
bissextile de l’année vague13 pour briser le calcul automatique « au jour près »
puisque certaines années auront un 366ème jour pour les uns tandis que d’autres
préféreront ajouter un bloc de treize jours à leur ‘siècle’ de 52 ans. Pour le voir
on peut prendre l’exemple du calendrier grégorien actuellement en usage et
12
Ce dispositif était souvent complété par des informations enregistrées de façon moins
systématique, comme par ex. la position du jour dans le calendrier lunaire, le cycle des 9
signes Gi, celui des Kauil, le cycle des fins (moitié ou quarts) de katun…
13
Ce qu’affirmèrent, à l’époque coloniale, sans justifications ni exemples, Sahagun pour
les Aztèques et Landa pour les Mayas.
8
André Cauty
montrer que ses ‘irrégularités’ rendent pratiquement inextricable le calcul qui
conduit à établir que le 14 Juillet 1789 est tombé à Paris un ‘mardi’ (sous le
patronage de ‘Saint Bonaventure’) ; alors qu’il suffirait, en calendrier régulier et
systématique, de calculer un simple reste modulo 7 (ou 365).
Les inscriptions du Classique maya prouvent sans ambiguïté que les scribes qui
les enregistrèrent comptaient « au jour près » et qu’ils n’hésitaient pas à écrire de
lourds complexes d’informations croisées et redondantes ; et les américanistes
savent bien, après des milliers et des milliers de vérifications, que les scribes
mayas n’ont pratiquement jamais commis d’erreur de correspondance entre les
dates données par les cycles les plus divers14.
A l’époque classique, le noyau d’une série initiale maya comprend les 4 ou 5
constituants suivants :
1) un glyphe introducteur, souvent deux ou quatre fois plus gros que les
autres, qui précise sous quel patron Y et en quelle unité (tun ou katun) les jours
sont comptés,
2) la date en Compte Long qui totalise les jours passés depuis l’origine de la
chronologie maya (le jour 0.0.0.0.0. 4 Ahau 8 Cumku),
3) la date tzolkin du jour atteint,
4) la date ha’ab du jour atteint,
5) moins régulièrement, le scribe pouvait encore noter : a) la position dans le
cycle des 9 Inframondes, b) une série lunaire, c) la position et la date CR du
départ du cycle (819) du Kauil (+ son point cardinal et sa couleur) dans lequel
tombe le jour atteint.
Linteau 48
Stèle 8 de Dos Pilas :
9.12.6. ; 15.11.
≠
13 Chuen 19
Kayab
=
9.12.0. ; 10.11.
Par ex., sur le linteau 48 de Yaxchilan (11/02/526), on lit
le CL 9-baktun 4-katun 11-tun ; 8-uinal 16-kin la date
tzolkin 2 Cib, la date ha’ab 19 Pax, le signe G5 ; et sur la
stèle C de Quiriguá (face Ouest, 28/08/456), on a (figure
de droite) : 9-baktun 1-katun 0-tun ; 0-uinal 0-kin qui
stèle C de Quiriguá
14
Un des rares exemples de couple (CL, CR) dont les constituants ne concordent pas est
la série initiale de la stèle 8 de Dos Pilas.
Vestiges des recherches arithmétiques mayas
9
correspond à la date CR 6 Ahau 13 Yaxkin. Nous déduisons de ce qui précède la
thèse que la pratique maya classique consistait à accumuler plusieurs espèces de
dates normalisées – αX, β Y et ΣciPi – sur un même jour a fini par rendre
prévisibles/calculables/mathématisables par les scribes les correspondances entre
les ensembles de données calendaires qu’ils utilisaient. Par exemple, les deux
derniers chiffres du CL permettent de déterminer le signe Gi.
Plus précisément, les conjonctions de dates deviennent calculables « au jour
près » par toute personne capable d’étendre aux dates CR les calculs devenus
familiers par la pratique (millénaire à l’époque classique) des translations dans
l’année divinatoire de 260 jours, dont des dizaines d’exemples sont consignés
dans les codex de l’époque postclassique.
Epistémologiquement et mathématiquement parlant, le saut consiste à passer (en
arithmétique modulaire) de la pratique de résolution d’équations de la forme αX
+ d = α’X’15 à celle plus complexe d’équations de la forme (α
αXβ Y) + ΣciPi =
(α
α’X’β ’Y’)16 ; ceci dans des situations problèmes de difficulté cognitive variable
selon qu’il s’agit :
1) de mettre en phase différents cycles ou calendriers (ex. : quel était le jour
de la semaine lors de la prise de la Bastille le 14 juillet 1789 ?)
2) ou de résoudre les équations précédentes selon que l’inconnue est :
- la date d’arrivée (ex. : à quelle date arrive-t-on par une translation de 7 jours
à partir du lundi 1er juillet ?)
- la date de départ (ex. : de quelle date était parti Pierre sachant qu’il est
arrivé le jeudi 7 décembre après un voyage de 1 an 11 mois et 5 jours ?)
- le pas de la translation (ex. : combien de jours a vécu le personnage qui est
né le 15 août 1769 et qui est mort le 5 mai 1821 ?).
Quoi qu’il en soit, la thèse défendue ici repose sur le fait que les Mayas de
l’époque classique furent probablement les seuls Mésoaméricains à coupler de
manière fonctionnelle, systématique et rigoureuse, l’ensemble des informations
calendaires et notamment le noyau des dates tzolkin, ha’ab et CL.
Ce que traduit habituellement l’image de l’engrenage des cycles, et ce que prouve
le grand nombre de données calendaires effectivement reliées (sur les monuments
comme dans les codex mayas) par ce que nous pouvons appeler des milliers
α’X’β ’Y’).
d’égalités de la forme (α
αXβ Y) + ΣciPi = (α
Voici un exemple d’engrenage et un exemple de série initiale (CL 9-baktun 1katun 0-tun ; 0-uinal 0-kin, date tzolkin 6 Ahau et date ha’ab 13 Yaxkin).
Sur l’engrenage de la figure suivante, la petite roue des 13 numéros α entraine la
roue moyenne des 20 signes X qui, à son tour, fait tourner la grande roue des 365
dates ha’ab β Y. On peut aussi représenter le tzolkin par une roue de 260 dates
qui entraine directement la roue des 365 dates ha’ab.
15
Où d est le pas, écrit en numération additive, d’une petite (< 260) translation dans le
cycle des dates de l’almanach divinatoire.
16
Où Σ ciPi est un nombre parfois très grand écrit ci en numération savante de position
sans indication explicite des périodes Pi (dans les codex et sur la stèle 1 de Pestac), ou
écrit Σ ciPi (souvent sur les monuments et rarement dans les codex) avec l’indication
systématique des périodes même quand elles sont affectées du coefficient nul.
10
André Cauty
L’image montre le système fixé sur le couple *9 Ahau 19 Cumku ; les flèches et
les couleurs indiquent que l’on va passer en 4 jours à la date *13 Kan 3 Uayeb.
Les astérisques pour signaler que l’engrenage ne fournit pas des dates mayas bien
écrites.
La stèle permet de visualiser la liaison maya du triplet des
dates tzolkin, ha’ab et Compte Long.
13 Yaxkin
6 Ahau
9.1.0. ; 0.0
A chaque tour du Calendrier Rituel, l’engrenage aux 2 roues
(tzolkin x ha’ab) ‘gradue’ la droite CL du Compte Long :
0
1 CR
2 CR
3 CR
4 CR
5 CR
etc.
Dans cette graduation, le contact des trois dates (9.1.0.0.0. ; 6 Ahau ; 13 Yaxkin)
serait situé entre les graduations 68 CR et 69 CR.
Voici une traduction de l’inscription (d’après Hoppan) :
Pour Yaxkin, les katun sont comptés : 9-baktun 1-katun 0-tun ; 0-uinal 0-kin et
puis [le] 6 Ahau 13 Yaxkin, le roi Tutuum Yohl, divin maître de Quiriguá, érigea une
pierre (= stèle), cela se fit au ‘lieu du colibri’. Puis, 0-[kin ] 0-uinal 5-tun 17-katun
[écrit 16] plus tard, le 6 Ahau 13 Kayab, c’était le 1er hotun [= le 1er 5-tun ou quart
Vestiges des recherches arithmétiques mayas
11
de katun du 17ème katun]17 alors K’ak’ Tiliw Chan Yoaat, le ch’ahom de 5 katun
[son âge est entre 4 et 5 vingtaines d’années de 360 jours] a répandu du liquide [= il
effectué le rite de l’aspersion].
Emprunté à Hoppan18, cet extrait du panneau du Temple de la Croix Feuillie de
Palenque est un exemple de série initiale qui ancre dans le passé mythologique,
en l’an 2358 avant J.-C., les faits rapportés par le panneau. Ils se déroulèrent un
1 Ahau 13 Mac, dix jours après la Nouvelle Lune de la 5ème lunaison du Jaguar
de l’Inframonde, une Lune nommée Sak Ok de 30 jours. 299 jours plus tôt,
le 1 Cauac 7 Yax, on avait érigé le Kauil à l’Est :
1-baktun
1 Ahau
13 Mac G8+F
18-katun
5-tun
10 jours sont passés
4-uinal
0-kin
de la 5ème des Jaguar
14-uinal 1 Cauac 7 Yax
de 30 jours
19-kin
Ce qui montre, s’il fallait encore le démontrer,
que les scribes mayas du Classique étaient des
sortes de maîtres ès comput.
était érigé le Kauil à l’Est Le développement des systèmes calendaires et de
de la mesure vigésimale de leur espace/temps où les cycles s’emboîtent en
poupées russes jusqu’à être rendus commensurables dans un de leurs communs
multiples leur avait donné la capacité de voir et résoudre en nombres entier les
équations que pose l’écriture des Annales quand le récit doit, à la fois, rendre une
double fidélité à l’histoire des dynasties ou cités et à l’Histoire des grands mythes
fondateurs ; et relever les défis d’une divination qui trouve ses figures
dans le mouvement des astres et dans les visions aussi difficilement
arrachées aux mondes invisibles que la main n’attrape un poisson.
Les mathématiques mayas sont œuvres de Foi et de Raison. Le codex
de Dresde19 illustrent clairement ce propos : ses pages vénusiennes sont tout à la
fois des éphémérides prédisant le retour des aspects de Vénus, et un livre saint
qui garde les présages et prescrit les rites pour chacun des jours tabulés.
L’Inquisition y a vu une œuvre diabolique ; les hommes de science y voient les
plus beaux succès des astronomes mayas qui effectuaient une correction de 24
jours toutes les 301 révolutions synodiques de Vénus.
nommée Sak Ok
17
18
19
Et donc le jour 9.17.5.0.0 du CL (26/12/775).
Hoppan, J.-M., 2007, ‘Le calendrier maya’, pré print pour Inalco, Paris.
Cauty, A., 1998 : http://celia.cnrs.fr/FichExt/Am/A_23_08.htm
12
André Cauty
RETOUR DES « A PEU PRES »
Sauf peut-être dans le milieu savant des scribes rédacteurs de codex encore
produits à l’époque coloniale20, le système des dates
en Compte long disparaît progressivement, à partir du
10ème siècle, des inscriptions monumentales. On peut
donc admettre que le CL est tombé en désuétude dans
l’espace public. En tout cas, les glyphes de période et
les dates β Y du calendrier de l’année vague solaire ne
sont plus attestés aussi clairement qu’au Classique. Si
l’on en juge par le codex de Dresde, l’habitude de ne plus écrire les périodes
favorisa l’usage du zéro de position omni présent et sans aucun signe de période
dans les codex. Une autre évolution semble s’être dessinée : sur les monuments,
la rigueur des écritures se relâche, et l’on voit apparaître des formes plus concises
et moins redondantes de noter les dates.
Ces évolutions furent peut-être favorisées par l’habitude d’ériger des stèles aux
fins de périodes, surtout aux fins de katun (ou quarts/demis). Cette habitude
conduit, en effet, ses usagers à focaliser leur
attention sur les dates almanach et à constater
que les fins de cycles multiples de 20 tombent
toujours sur le même jour21 X : un jour Ahau
‘seigneur’. Le rang αk d’une fin de katun prend
toutes les valeurs de (1, 13) parce que 13 et 20
sont premiers dans leur ensemble. Etant donné
qu’un katun compte 7 200 jours, le rang αk des
fins de katun successifs est incrémenté tous les
ans de 11 (ou de -2) car, calculé modulo 13,
l’entier 7 200 vaut 11 (ou -2).
Les documents coloniaux prouvent que les
scribes mayas connaissaient encore la règle de
succession de la date tzolkin des fins de katun.
Sur la figure de la ‘Roue des katun’ rapportée
par D. de Landa, on peut lire, dans le sens des aiguilles d’une montre la suite
« XI/Buluc Ahau, IX/Bolon Ahau, VII/Vuc Ahau, etc. XIII/Oxlahun Ahau » des
treize dates tzolkin sur lesquelles tombent les fins de katun successifs. Autrement
dit, le dernier jour d’un katun peut en être canoniquement l’éponyme, et les 13
formes αk Ahau permettent de définir un cycle de 13 katun successifs, c’est-à20
La preuve de ces productions tardives est donnée par le codex de Madrid : son support
en papier d’écorce comprend dans sa masse des restes de papier espagnol. Contrairement
au codex de Dresde, les codex de Madrid et de Paris ne contiennent ni CL ni dates ha’ab.
21
Le caractère vigésimal du système des unités de temps fait que tous les cycles multiples
de 20 (notamment le mois uinal, l’année de compte tun ou ses multiples comme le katun
et le baktun) commencent, continuent ou finissent toujours sur le même nom X de jour.
Par exemple, comme 1 uinal = 20 kin = 7 (modulo 13), les dates αX du premier du mois
se suivent, de mois en mois, selon la formule : (α
α+7)X, et, de 40 en 40 jours, selon la
formule (α
α+1)X.
Vestiges des recherches arithmétiques mayas
13
dire un cycle de 93 600 jours : 13 katun = 13 x 20 tun = 260 tun (260 années de
compte de 360 jours, environ 256 années solaires).
A priori, les scribes auraient pu distinguer et définir chacun des jours à l’intérieur
de ce nouveau cycle presque 5 fois plus long que le CR de 18 980 jours : a) en
les rapportant à l’un des 13 katun distingué par son éponyme αk Ahau, et b) en
les positionnant dans ce katun à l’aide d’une date CL, d’une date CR, ou de tout
autre expression générée par un système de notation qui fournirait, dans le cas
idéal, les 7 200 étiquettes nécessaires pour dater les 7 200 j d’un katun. Faute de
témoignages sur ce point, on dira seulement que rien ne prouve qu’ils le firent,
d’autant que les dates β Y du ha’ab étaient aussi en désuétude22.
Les écritures monumentales prouvent que les scribes de l’époque classique
avaient déjà reconnus le phénomène des jours éponymes de katun.
Prenons pour le voir les quatre derniers glyphes du texte inscrit sur la
stèle 3 de Piedras Negras (Guatemala). On lit : une date CR, (α
αX, β Y),
un signe contenant le dessin d’une main, enfin l’expression ‘son 14
katun’ où l’indice personnel de 3ème personne est la marque usuelle de
dérivation de l’ordinal, d’où la
traduction ‘14ème katun’. Selon les
épigraphistes, le 3ème glyphe est un
verbe suivi de son sujet, le 14°
katun. Ce verbe renvoie à l’idée de fin,
d’accomplissement. La stèle nous dit que le
14° katun est achevé. Le bloc des 3ème et 4ème
signes sera codé « FIN 14° katun ». D’où la
transcription de ce passage des derniers
glyphes de la stèle: 6 Ahau 13 Muan FIN 14°
katun. Sans autres renseignements, le jour
ainsi daté n’est pas déterminé de manière
unique parce qu’il existe beaucoup de ‘14°
katun’ à commencer par le tout premier23.
Sachant que la stèle raconte les gestes d’une
reine qui a vécu au 9ème baktun, on constate
que le premier ‘14ème katun’ qui convient est
le premier katun du 9ème baktun.
Une autre façon de lever l’ambiguïté des dates
inscrites en notation ‘FIN de katun’ est de lire
et traduire le texte maya, en particulier les dates et les nombre de distance qu’il
22
Même dans le codex de Dresde où elles sont rares et d’emploi limité à des domaines
complexes comme les pages vénusiennes. Les dates des codex de Paris et de Madrid sont
toujours les αX de l’almanach divinatoire.
23
Convenons que le tout premier katun va du jour origine 0.0.0. ; 0.0. 4 Ahau 8 Cumku
(11/08/-3113, exclus tant que ce jour n’a pas fini de s’installer) jusqu’au jour 0.1.0. ; 0.0.
2 Ahau 8 Mac (23/04/-3093, inclus) Le premier 14ème katun commence au ]0.13.0. ; 0.0.
4 Ahau 3 Mol (exclus) et va jusqu’au 0.14.0. ; 0.0. 2 Ahau 3 Zip] (inclus dans le 14ème
katun mais exclus du 15ème) : il ne convient pas parce que la date tzolkin de son dernier
jour est un 2 Ahau. De même, on montre que 9.14.0. ; 0.0. 6 Ahau 13 Muan] convient.
14
André Cauty
contient. Après le glyphe introducteur, le texte débute par un couple (CL, CR) :
9-baktun 12-katun 2-tun ; 0-uinal 16-kin, 5 Cib 14 Kankin. En le positionnant
relativement24 à l’origine, le CL ancre dans la mythologie, distingue et définit le
jour de départ du récit gravé autour de la figure d’une reine. Le texte contient
ensuite une chaîne de nombres de distance qui relient, sans discontinuité, le jour
de départ du récit à la dernière date gravée (le 6 Ahau 13 Muan FIN 14° katun
en notation fin de katun).
Voici, tirée du texte, cette chaîne sous forme de tableau où le soulignement en
gras d’un élément indique qu’il fut effectivement gravé sur la stèle (nous n’avons
pas retranscrit le nombre de distance de l’incise qui renvoie les évènements du
règne de dame Katun à celui de son prédécesseur) :
DATE DEPART
4 Ahau 8 Cumku
(origine 0.0.0.0.0.)
5 Cib 14 Yaxkin
1 Cib 14 Kankin
4 Cimi 14 Uo
11 Imix 14 Yax
Translation
DATE ARRIVEE
+ 9.12.2.0.16. = 5 Cib 14 Yaxkin
+ 12.10.0. = 1 Cib 14 Kankin
+ 1.1.11.10. = 4 Cimi 14 Uo
+ 3.8.15. = 11 Imix 14 Yax
+ 4.19. = 6 Ahau 13 Muan
Dates CL et
grégorienne
9.12.2.0.16.
05/07/674
9.12.14.10.16.
19/11/686
9.13.16.4.6.
16/03/708
9.13.19.13.1.
26/08/711
9.14.0.0.0.
03/12/711
Evènement décrit
Naissance de la
reine Katun/Akbal
Mariage de
Katun/Akbal
Naissance de la
princesse Kin
Intronisation de
Katun/Akbal
FIN 14° katun
Par ailleurs, l’origine de la chronologie
maya est une date que l’on trouve assez
souvent en notation ‘fin de katun’. Sur la
figure ci-contre : 4 Ahau 8 Cumku FIN 13°
katun (Temple de la Croix de Palenque).
LECTURE DES DATES ABREGEES.
Quelques documents de l’époque coloniale (par ex. les Livres du Chilam Balam)
et des inscriptions de l’époque classique et de la région du Yucatan et du
Campeche fixent un événement en le situant dans un katun (distingué par son
éponyme αk Ahau) et en précisant le tun (distingué par le coefficient qui en fixe
le rang ou n° dans le katun) dans lequel il se déroula.
Voici 2 exemples de telles abréviations sur
les panneaux 2 (à gauche) et 5 (à droite)
de Xcalumkin (Campeche, Mexique) :
« [dans le] 13° tun [du katun] 2 Ahau » et
« [dans le] 2° tun [du katun] 2 Ahau »
Panneau 5
Panneau 2 ( AB15)
24
Rappelons ici que les scribes avaient développé des signes dits de ‘date antérieure’ et
de ‘date postérieure’ servant à préciser, au besoin, dans les équations calendaires, si le
nombre de distance était à ajouter ou au contraire à retrancher.
Vestiges des recherches arithmétiques mayas
15
La précision est imparfaite puisque l’événement est défini modulo 1-tun, c’est-àdire 360 jours. Mais la notation peut se prévaloir d’être courte et, pour les
contemporains, ni plus ni moins ambiguë que 39-45 pour désigner les années de
millésime 1939 et 1945 ; ni plus ni moins vraie que ‘de Gaulle et Kennedy furent
deux présidents des années 60’. C’est aussi allusif/convenu que de dire ‘en
septembre de l’année 30’. Il y a risque de quiproquo, d’une part, parce qu’il y a
beaucoup de katun d’éponyme 2 Ahau (pour nous : beaucoup d’années peuvent
être millésimées 30), et, d’autre part, parce qu’il y a plus d’un jour dans le 13ème
tun (en septembre, il y a 30 jours).
Sans plus d’informations, les économiques Comptes courts ne posaient sans
doute pas de difficultés pour les contemporains qui connaissaient les sousentendus, ni, aujourd’hui, pour les historiens et autres épigraphistes qui peuvent
déchiffrer le texte complet, reconnaître les personnages dont il est question, les
événements relatés… et mettre le tout en relation avec les données historiques
déchiffrées et établies. Mais pour les autres, les Comptes courts ne livrent pas
toute la précision désirable et sont sources d’incompréhension et de quiproquo.
Dans l’exemple du panneau 5 de Xcalumkin, le travail des savants a conduit à
conclure : a) le bon katun 2 Ahau s’écrit 9.16.0.0.0. en CL et b) les événements
datés 2° tun 2 Ahau eurent lieu dans l’intervalle [9-baktun 15-katun 2-tun 0uinal 0-kin (9 Ahau 3 Yax, 09/08/733), 9-baktun 15-katun 3-tun 0-uinal 0-kin (5
Ahau 18 Ch’en, 04/08/734)[. Ce n’est pas précis au jour près, mais c’est quand
même précis à une année de compte près.
Cette façon de dater est aussi attestée par la littérature coloniale. Dans le Chilam
Balam de Chumayel, par exemple, on trouve, à propos de l’arrivée de Cortés à
Cozumel, la phrase25 : tu uucpis tun Buluc ahau u katunil tiix hoppi xpnoil lae, tu
habil quinientos dies y nuebe anos Do 1519as ‘It was in the seventh tun of Katun 11
Ahau that Christianity then began, it was in the year A.D. 1519’, soit le Compte
court 7° tun 11 Ahau.
MANIPULER LES OUTILS DE L’ARITHMETIQUE MAYA
Nous avons rappelé que les premiers calculs « au jour près » furent réalisés par
les devins qui parcouraient l’almanach pour découvrir les causes des maladies,
proférer les augures, faire savoir si le
jour, la période, la personne, l’action
questionné serait favorable, défavorable, indifférent. Dès le Classique,
ces divinations millénaires reposaient,
du point de vue mathématique, sur le
calcul de l’image de dates αX par des
translations d’amplitude d (forcément
inférieure à 260), ce qui revenait à
effectuer les additions α + d (modulo
25
Roys, Ralph L., 1933, The Book of Chilam Balam of Chumayel, Carnegie Institution of
Washington (2nd edition, University of Oklahoma Press), 1967:143.
16
André Cauty
13) et à se déplacer de d en d dans la suite ordonnée des vingt signes de jour X.
Les codex, notamment de Dresde et de Madrid, contiennent des dizaines de ces
almanachs que le bibliothécaire Ernst Wilhelm Förstemann fut le premier à
déchiffrer au 19ème siècle.
Le nombre et l’exactitude de milliers d’équations mayas encore plus complexes
conduisent le lecteur à se demander comment les scribes parvenaient à trouver les
valeurs (dates ou durées) qui vérifient les égalités qu’ils écrivaient. La moindre
randonnée dans les codex fait découvrir un grand nombre de tableaux de dates et
de tables de multiples. Examinons leur facture et éprouvons leur utilité.
La page 61a (32a) du codex de Dresde par ex renferme un tableau 4 x 5 des vingt
noms de jour du tzolkin. Ils ne sont pas dans l’ordre canonique (Imix1, Ik2,
Akbal3, etc. Ahau20) mais tous sont inscrits
sous un chiffre 13. Il s’agit de vingt dates
tzolkin de la forme 13X, placées dans un
ordre à découvrir :
13
Manik7
Chuen11
Men15
Cauac19
Akbal3
13
Cib16
Ahau20
Kan4
Lamat8
Eb12
13
13
Chicchan5
Hix14
Muluc9 Edznab18
Ben13
Ik2
Caban17
Cimi6
Imix1
Oc10
Le tableau ne donne pas les écarts qui séparent les dates successives et que
donnaient, en noir, les almanachs. Comment furent-elles disposées ? Le tableau
est muet. Les codex ne contiennent ni mode d’emploi ni mode de fabrication. Un
rapide calcul ou la consultation d’un calendrier tzolkin montre que les dates sont
équidistantes. Donc, elles n’ont pas été mises au hasard. En expérimentant, on
observe que chaque façon de lire (= balayer les dates dans un certain ordre,
l’ordre de lecture) conduit à une valeur
différente de la durée séparant deux dates
consécutives. D’où une méthode pour
inventer l’ordre utilisé par le scribe. Faire
varier les ordres de lecture, comparer les
résultats, conclure. Lisons par ex. le
tableau « à la française », ligne par ligne,
de gauche à droite ou colonne par
colonne de haut en bas. Le calcul montre
que les intervalles sont de 169 ou 104
jours, selon que la lecture se fait par
ligne : 13 Manik + 169 = 13 Cib ou par
colonne : 13 Manik + 104 = 13 Chuen.
Lisons maintenant « à la maya », de
droite à gauche et de bas en haut. On passe d’une date à la suivante par pas de 91
jours (lecture par ligne) ou de 364 jours (lecture par colonne) : 13 Oc + 91 = 13
Imix, et 13 Oc + 364 = 13 Hix. De telles épreuves montrent : a) que l’invariance
Vestiges des recherches arithmétiques mayas
17
du rang26 traduit le fait que la durée ou l’intervalle inter-dates est multiple de
treize, et b) qu’une lecture « à la maya » distingue et met en vedette les pas 91 et
364. Thompson (1942) puis Guitel (1975) ont adopté l’ordre27 « à la maya »,
celui qui met en vedette le nombre 364 remarquable28 pour un scribe astronome
maya. Si l’on retient cet ordre de lecture/écriture ce n’est pas tant parce que 91 et
364 sont remarquables29, mais parce le contexte immédiat du tableau le suggère.
Le contexte du tableau de dates comprend deux parties. L’une au-dessus, l’autre
à gauche. Ce sont des colonnes de nombres séparées par des noms de jour.
[2.][9.]10. [2.]4.19.
1.13.17. [1.]9.6. Le déchiffrement montre qu’il s’agit de
91 x 10
91 x 7
91 x 6 tables de multiples. La première, juste
91 x 9
Ben
Ik
Ahau
Muluc au dessus du tableau de dates, contient
1.4.15.
13.13.
9.2.
4.11. 8 nombres, dont 5 (4.11., 9.2., 13.13.,
91 x 5
91 x 3
91 x 2
91 1.4.15. et 1.13.17.) sont lisibles. Tous
13 Manik
13 Cib 13 Chicchan 13 Hix sont multiples du premier, 91, et dans
l’ordre croissant : 91, 91 x 2, 91 x 3, 91 x 5, 91 x 6, 91 x 7 pour le
sens de lecture retenu. Dans l’esprit de ces données, on propose une
reconstruction compatible avec les traces restantes des 3 multiples
érodés : [1.]9.6., [2.]4.19. et [2.][9.]10., soit 91 x 6, 91 x 9 et 91 x 10.
La table est incomplète : 91 x 4 = 364 et son double 91 x 8 = 728
manquent à l’appel. Le 11ème multiple se trouve dans l’autre
contexte.
La seconde table, à gauche du tableau de dates, comprend neuf nombres dont les
trois premiers (2.14.1., 2.0.8., et 4.0.16.) sont à la fois lisibles et ‘bien écrits’
(0.5.1 à lire [5.1.0.] est dit ‘mal écrit’). Pour l’ordre de lecture
adopté, la table commence [3.][0.]12.[0.] 2.0.8.[0.] 0.1.0.4.0.
par 2.14.1. C’est le onzième 364 x 60
364 x 40
364 x 20
multiple de 91 qui fait le lien
Akbal
Akbal
Akbal
avec la table précédente. On 10.2.[0.]
[5.1.0.]
4.0.16.
a ensuite 1.0.[4.] et 2.0.8. ; ce 364 x 10
364 x 5
364 x 4
sont les deux absents (91 x 4
Akbal
Akbal
Akbal
et 91 x 8) de la table de 91.
2.0.8.
2.14.1.
1.0.[4.]
Malgré les détériorations, les
364 x 2 364 (91x4) 91 x 11
nombres de la seconde table
Chuen
Manik
Kan
peuvent être reconstitués.
A partir de 1.0.[4.] tous les nombres sont multiples de 364 et dans
26
27
Celle du 13 mis en commun pour tous les X de chaque colonne du tableau.
Par similitude avec l’ordre utilisé par les scribes pour ranger les multiples, nous
commençons la lecture au jour Oc (en bas à droite) et pas au jour Hix/Ix (en haut à droite)
comme dans le schéma de Guitel. D’où le parcours : Oc, Imix, Eb, Akbal, Hix, etc.
28
Doublement remarquable : 364 = 13 x 28 = durée de l’année zodiacale maya (13
signes/constellations de 28 jours) ; et 364 = 365 – 1 = la meilleure approximation en
multiple de 13 de l’année vague solaire ha’ab (365 = 13 x 28 +1). Ce choix écarte les
ordres distinguant des nombres que nous déclarons non remarquables pour un scribe, par
ex. 169, parce que cette valeur n’est pas reprise dans une table du contexte du tableau
dont on détermine l’ordre de lecture/écriture.
29
Dire que 91 et 364 sont remarquables pourrait n’être qu’une projection ethnocentrique.
18
André Cauty
l’ordre croissant. On en déduit que les absents (91 x 4, et 91 x 8) ne furent pas
oubliés, mais traités comme multiples de 364 et déplacés à gauche du tableau de
dates pour initialiser la seconde table.
Les traces encore visibles et l’organisation multiplicative des tables crédibilisent
les reconstructions proposées : [1.]9.6., [2.]4.19. et [2.][9.]10. pour les multiples
de 91 et 1.0.[4.], [5.1.0.], 10.2.[0.], 1.0.4.0., 2.0.8.[0.] et [3.][0.]12.[0.] pour les
multiples de 364. Les deux tables comprennent encore, sous chaque multiple, des
noms de jour formant une suite qui devient stationnaire et se fixe sur le signe
Akbal. Le calcul montre que les translations qui font passer d’un jour X au
suivant sont de pas égal au multiple inscrit au-dessus de ce jour. Exemples :
13 Akbal0 + 91= 13 Hix1 ; 13 Akbal0
+ 91 x 2 = 13 Chicchan2 ; 13 Akbal0
+ 91 x 4 = 13 Manik4/0 ; 13 Akbal0 +
91 x 5 = 13 Edznab5 etc.
Et pour la table des multiples de 364 :
Manik0 + 364 x 4 = Akbal2 ; Manik0
+ 364 x 5 = Akbal2 + 364 = Akbal3 ;
etc.
D’où la conclusion :
Les tableaux de dates et leur contexte de tables de multiples sont des algorithmes
ou des artefacts qui permettaient aux scribes de déterminer l’effet sur une date
donnée des translations de pas dûment tabulés dans les dites tables30. Dans
l’exemple de la page 61a, le scribe a tabulé (ou copié ce qu’un autre avait déjà
tabulé) les effets, sur les dates 13 X, d’une translation multiple de 91, de 364 ou
des combinaisons de ces nombres. Autrement dit, les tables de multiples et les
tableaux de dates sont des instruments de calcul ou de mémoire qui montrent ou
gardent, en les synthétisant, les effets (notamment d’invariance) d’une translation
(directe ou rétrograde) sur une date donnée. De même que nous sommes familiers
du fait qu’un déplacement multiple de 7 j laisse invariant le jour de la semaine et
fait passer par ex. par une suite de lundi, les scribes 31
tabulaient les invariances par
translation multiple de 4, 9, 13, 20, 65, 148, 177 , 260, 364, 365, 584, etc.,
30
Sans oublier que les constructions arithmétiques étaient doublement enracinées (dans la
Religion et la Raison) et qu’elles servaient aussi, voire davantage, les besoins de
divination « astrologique » et de compréhension du méta/physique invisible (aussi
difficile à saisir à main nue qu’un poisson ou une savonnette glissante).
31
A priori, les nombres 7.8. et 8.17. ne sont pas très ‘parlants’. Ils sont retenus ici parce
que les scribes du codex de Dresde les ont inlassablement répétés en dernière ligne des
Vestiges des recherches arithmétiques mayas
19
ETC. et construisaient des tableaux de dates séparées par des multiples des
valeurs numériques précédentes.
AUTRES EXPERIENCES DE PENSEE AVEC LES OUTILS DU POSTCLASSIQUE
Les peintures de San Bartolo semblent prouver que la tradition de célébrer les
Porteurs de l’année (solaire) remonte à l’époque des premiers Comptes Longs. A
supposer que les scribes utilisateurs des CL avaient déjà une année vague solaire
de 365 jours, comptés au jour près, la tradition des Porteurs implique que les
scribes avaient observé que le premier jour de la première période de l’année
revenait à une date αX qui suivait une loi simple : le rang α est incrémenté de 1
(modulo 13) tous les ans, et le nom X est incrémenté soit de 1 dans le quarteron
XP des porteurs d’année, soit de 5 dans la suite des vingt signes X de jour. Ce qui
revient à dire que les scribes du premier siècle avaient la capacité de reconnaître
les premiers jours de l’an, d’en prévoir la date tzolkin et de dégager la loi de
succession de ce type de date quand on saute d’année vague en année vague.
Aux époques classique et coloniale, les scribes avaient la capacité de reconnaître
les fins de katun, d’en donner la date tzolkin et de dégager la loi de succession
de ce type de dates quand on se déplace de katun en katun. Cette capacité est
généralisable aux multiples de cette période. Tout familier des dates αk Ahau de
FIN de katun est a priori apte à inventer un système d’éponymes pour les FIN
de baktun, de pictun, etc., car ce sont des multiples vigésimaux qui laissent
invariant le nom X de toute date32 tzolkin.
Un pas de plus, et notre inventeur (curieux des généralisations mathématiques)
découvrirait les subtilités offertes par les multiples, non plus vigésimaux, mais
‘treizains’ ou ‘treizistes’33 qui laissent invariant le rang α des dates tzolkin c’està-dire les dates les plus parlantes et symboliques34 du système calendaire.
L’idée de combiner les deux serait la cerise sur le gâteau. Mais, dans la course
aux poupées russes des cycles qui s’emboîtent dans leur PPCM, il faut trouver le
rayon des grands cercles qui rendent commensurables toutes les périodes déjà
pages 51 à 58 du codex de Dresde. Ces pages sont des éphémérides d’éclipses ; elles en
égrènent les dates possibles par ‘demie année lunaire’ regroupant 5 ou 6 lunaisons de 29
ou 30 jours : 177 = 90 + 87 = [(3 x 30) + (3 x 29)] ; 148 = 90 + 58 = [(3 x 30) + (2 x 29)].
32
Accessoirement, ils laissent invariants, modulo l’irrégularité de Uayeb, les noms Y de
mois, et, plus important, ils laissent invariants les Porteurs d’année vague solaire.
33
Termes respectivement vieilli (treizain) et emprunté au lexique des sports collectifs
(treiziste, quinziste).
34
Les numéros renvoient à des patrons divins, des héros, des entités surnaturelles... A
commencer par les représentations du zéro : en fleur, il renvoie au Soleil et parfois au
jaguar de la nuit ; en céphalomorphe, il signifie l’accomplissement, souvent par la mort/
renaissance ; sur les codex, zéro a la forme du couteau de sacrifice, ou de la coquille d’où
l’on voit souvent sortir/renaître des entités… Les céphalomorphes renvoient, plus ou
moins clairement pour nous, à de très fort symboles : 1 est une jeune déesse (de la Lune),
4 est le Dieu soleil (jour) en personne, 7 est peut-être le jaguar de l’inframonde. 9, un
jeune homme barbu portant les taches caractéristiques du jaguar, est souvent identifié au
héro Yax Balam/Xbalanque des mythes la création du Popol Vuh. Et ainsi des autres.
20
André Cauty
engrangées. Et pour un scribe, cette recherche se fait sans machine à calculer et
sans même disposer de la division dans le corps Q des rationnels.
Le scribe maya n’est pourtant pas sans ressources. Il peut par exemple graduer la
droite CL (Compte long) en prenant comme unité le CR (2.12.13.0.). Ce qui
revient, comme avec les notations FIN de katun, à construire un calendrier qui
donne : a) la date CR localisant le jour dans le cycle de 18 980 jours, et b) le
moyen de choisir un éponyme pour les occurrences des CR successifs gravés sur
le CL ; cet éponyme pourrait être le numéro de la graduation du CL.
A ma connaissance, les Mayas n’ont pas construit ce genre de calendrier absolu,
mais les pages vénusiennes du Dresde prouvent qu’ils en avaient la capacité. La
preuve se trouve en page 24 dont la moitié droite est occupée par vingt nombres
tous associés à une date religieuse de la forme α Ahau. Seize de ces vingt
nombres sont immédiatement parlants : ils sont tous multiples du premier d’entre
eux, Nb1 = 8.2.0., ou 2 920 (en bas à droite dans la table). De plus, ils sont placés
en deux groupes ; le groupe des douze premiers multiples de Nb1, jusqu’à 2 920 x
12 ; et celui des quatre premiers multiples du treizième multiple, Nb13, c’est-àdire les nombres : 2 920 x 13, 2 920 x 26, 2 920 x 39, et 2 920 x 52. Ce sont ces
quatre derniers multiples35 qui nous intéressent ici.
Après les bombardements de la ville de Dresde par les Alliés
de la seconde guerre mondiale, le codex est détérioré et ces 4
nombres ont perdu presque tous leurs chiffres. Les
reconstitutions sont néanmoins possibles et vraisemblables
parce que le texte est un tableau de dates α Ahau liées à des
nombres de distance tous multiples de 2 920. Les douze
premiers sont bien conservés : 8.2.0., 16.4.0., 1.4.6.0.,
1.12.8.0., 2.0.10.0., 2.8.12.0., 2.16.14.0., 3.4.16.0., 3.13.0.0.,
4.1.2.0., 4.9.4.0., et 4.17.6.0. Les 4 nombres sont
{5.5.}[8.][0.],
{10.10.}16.[0.],
{15.16.}6.[0.] et
{1.1.1.}14.[0.] écrits au-dessus de quatre dates [1] [Ahau] bien conservées36.
35
La présence de 4 multiples de 37 960 (65 x 584) est d’autant moins le fruit du hasard
que la page 24 introduit les éphémérides des dates CR des phases vénusiennes pour une
durée de trois cycles de 65 ans vénusiens (chacun de 584 j). Les phases sont les deux
périodes de visibilité (236 j. comme étoile du matin, 250 du soir) et les deux périodes
d’invisibilité (90 j. en conjonction supérieure, 8 inférieure).
36
La photo est disponible (et tout le codex de Dresde) sur le site http://digital.slubdresden.de/sammlungen/werkansicht/ de l’université de Dresde.
Vestiges des recherches arithmétiques mayas
21
Nous avons mis entre accolades { } les chiffres disparus, entre crochets [ ] les
zéros ou les chiffres avec assez de traces pour être identifiés, et sans rien les
chiffres encore bien lisibles (14., 6., 16.). Comme 2 920 = 584 x 5, les 16 entiers
et en particulier nos quatre nombres sont aussi des multiples de l’année vague
vénusienne convenue par les scribes à 584 jours. Posons : AV = 584. Et faisons
parler les 4 nombres en les exprimant dans les mesures les plus utilisées dans un
bureau de scribe : un étalon almanach de 260 jours que nous pouvons noter AR,
année religieuse (almanach divinatoire), un étalon année vague solaire de 365 j,
noté AS, l’étalon vénusien AV de 584 j, et l’étalon 2 CR de 37 960 jours donné
par la table. On obtient le tableau suivant :
5.5.8.0.
10.10.16.0.
15.16.6.0.
1.1.1.14.0.
(2920 x 13) x 1
(2920 x 13) x 2
(2920 x 13) x 3
(2920 x 13) x 4
2 CR
4 CR
6 CR
8 CR
65 AV
130 AV
195 AV
260 AV
104 AS
208 AS
312 AS
416 AS
146 AR
292 AR
438 AR
584 AR
La troisième colonne montre que les auteurs des pages vénusiennes ont d’une
certaine manière gradué la droite CL en AV (années vagues vénusiennes) jusqu’à
260 AV = (13 x 20) AV. Un tel cycle – multiple vigésimal et treiziste de l’année
vague vénusienne AV – n’a pas été calculé par hasard, puisqu’il englobe et rend
commensurables quatre cycles : les trois années considérées (tzolkin, ha’ab et
AV) et le double CR37, et parce qu’il fixe le jour de départ/arrivée de l’année
vague vénusienne à une date fort symbolique, 1 Ahau, placée juste en dessous de
chacun des quatre multiples. Ce 1 Ahau est considéré par les spécialistes comme
le Porteur de l’année vénusienne (jour de départ/arrivée du cycle de Vénus).
Une seconde solution – plus proche des observables moins techniques que les
pages vénusiennes – du problème posé (trouver le rayon des grands cercles qui
rendent commensurables toutes les périodes déjà engrangées) consiste à faire
croître le nombre des chiffres significatifs des séries initiales, poursuivre au-delà
des habituels baktun des dates CL à cinq chiffres significatifs.
Un peu comme on ajoute des zéros à la fin d’un nombre, les Mayas pouvaient
ajouter des chiffres significatifs pour calculer avec des cycles de plus en plus
grands. Le jeu n’en vaut vraiment la chandelle que si les chiffres ajoutés ne font
pas perdre le bénéfice des invariances déjà calculées : ajouter un chiffre revient à
changer d’unité vigésimale ou encore à augmenter le pas de la translation d’un
multiple de 20 ; ce qui ne change pas le nom X des dates almanach.
Les exemples de très longs CL ou de très grands nombres de distance sont rares,
mais ils existent38, les plus gigantesques sont ceux des stèles 1, 5 et 27 de Cobá.
37
Les 104 ans du cycle appelé ‘Vieillesse’ par les Aztèques et qui vaut 2 siècles aztèques
de chacun 52 années solaires.
38
Nombres serpents du codex de Dresde, le nombre à 13 chiffres significatifs de la
marche 7 de l’escalier 2 de Yaxchilán du 19/10/744 conduisant au jour 3 Muluc 17 Mac,
le 0-(kin) 0-uinal 10-tun 19-katun 17-baktun 14-pictun (1 Ahau 8 Ch’en) de la stèle N
de Copán (côté Est), la durée 1-kinchiltun 11-calabtun 19-pictun 9-baktun 3-katun 6tun 2-uinal 0-kin ( 8 Manik ??) de la stèle 10 de Tikal, le 7-calabtun 18-pictun 2baktun 9-katun 1-tun 12-uinal 1-kin du Temple des Inscriptions (Palenque).
22
André Cauty
Prenons la stèle 5 qui présente une particularité relevée par Graham39 (c’est moi
qui souligne en gras ou par la couleur) :
Two interesting features of the extended Long Count date stand out. The most
obvious is the conch shell form of the “Bak’tun” sign as Pp11 […]. The other
noteworthy aspect of the full date concerns the orientations of the many “13”
coefficients. There are twenty in all (Pp1 is surely an ISIG glyph) but just two show
39
http://decipherment.files.wordpress.com/2010/04/cobast5date1.jpg
Vestiges des recherches arithmétiques mayas
23
the number as a horizontal prefix, as seen in the seventh unit at Qp4 and with the
Bak’tun at Pp11; all other 13 prefixes are vertical. Again I have no explanation […]
but it’s probably significant that these two examples are spaced thirteen units apart.
That is to say, the higher of these units is thirteen positions above the Bak’tun. I
suspect that these horizontal number coefficients served as visual cues, used by
the scribes to subtly mark an internally significant structure to the extended
calendar system. It’s worth noting, too, that the corrected fit of the stela fragments
produces thirteen rows of glyphs in the record of this important date — surely not a
coincidence.
La remarque de Graham peut être interprétée dans un cadre cognitif. Le cadre de
la résolution de problème. Le problème de l’extension des numérations afin de
les rendre aptes à saisir des nombres toujours plus grands, bien au-delà de la
limite pratique des numérations habituelles40. Dans l’Antiquité ce problème s’est
présenté plusieurs fois. Il s’est posé à Archimède quand il a voulu montrer qu’un
mathématicien était capable d’écrire le nombre des grains de sable contenus dans
la sphère de l’univers ; il s’est posé aux Indiens voulant écrire le nombre de
combinaisons que l’on peut obtenir en concaténant des éléments discrets (par ex.
le nombre de poèmes de telle ou telle forme obtenus en concaténant les signes
des syllabes) ; il s’est posé à Aryabhata dans l’exercice de mettre en vers une
méthode d’extraction des racines carrées. Plus tardivement, au 15ème siècle, il
s’est posé à Nicolas Chuquet, auteur d’une Triparty en la science des nombres
(1484) dans le cadre plus modeste et plus utile aux gens d’étendre la capacité de
la numération parlée française.
De nos jours, les scientifiques n’écrivent plus les très grands nombres en
numération décimale de position, mais en notation dite ‘scientifique’ qui consiste
à donner n chiffres significatifs et l’ordre de grandeur en puissance de dix. Par
exemple, le nombre d’Avogadro s’écrit
. Le problème
de l’extension se pose, en effet, aussi aux numérations de position. Certes, rien
n’interdit, a priori, d’ajouter des quantités de zéros à la droite de l’écriture
décimale d’un nombre ou d’augmenter substantiellement le nombre de ses
chiffres significatifs. Mais il arrive forcément un moment où l’œil et le cerveau
capitulent devant ces écritures à rallonge. Les solutions découvertes par les
devanciers ont en commun l’idée de construire une numération à deux ou
plusieurs étages.
Dans le cas le plus simple des extensions à deux étages, le premier sert à générer
une section commençante de N, c’est-à-dire une suite d’entiers naturels d’une
longueur respectable : « 0, 1, 2, 3, etc., B », le dernier élément B (borne exclue)
étant respectivement : 100 (Aryabhata), 10 000 (numération chinoise41) ou 1
million (Chuquet).
La suite (1, 2, etc., B) permet de distinguer et définir: 100, 10 000 ou encore
1 000 000 de chiffres, sans rien changer à ses habitudes, puisqu’ils sont écrits et
dits dans la numération familière, celle que l’on cherche à étendre.
40
41
Ce problème est étudié dans ma thèse d’état (Cauty;1987:281-336).
Système du degré moyen, zhong deng, qui fait de la dernière unité de la numération
commune, wan ‘dix-mille’, la base de la numération étendue dont on nomme les
puissances successives: i (104)2, chao (104)3, ching (104)4, etc., jusqu'à tsai (104)11.
24
André Cauty
Le second étage est défini comme la numération de position qui a pour base le
dernier terme, B, de la section commençante que l’on vient de distinguer.
La numération de Chuquet est ainsi une numération de type Position, de base un
million, et dont les chiffres sont les nombres français de 1 à 999 999. Aussi bien
à l’écrit qu’à l’oral. Dans cette nouvelle numération les nombres s’écrivent avec
les chiffres qui vont de 0 (inclus) à 1 000 000 (exclu). L’écriture de ces super
chiffres peut nécessiter jusqu’à six chiffres décimaux42 ordinaires. C’est un peu
lourd. Mais cette écriture ne demande aucun apprentissage nouveau, car les super
chiffres sont construits par le premier étage, la numération française familière que
Chuquet est en train d’étendre ou de transformer en numération de position à
base million.
Sa solution pratique est un coup de génie. Simple. Limpide. Elégant. Brillant.
A l’écrit, on sépare, comme l’école l’apprend aux enfants, tout nombre décimal
immense en tranches de six chiffres : il suffit de marquer un point (ou tout autre
marque : un blanc, une virgule…).
A l’oral, il suffit de construire, en s’inspirant de l’augmentatif déjà connu (mille
> million) et du latin (que l’école n’enseigne plus aux enfants), un label pour
identifier, comme par un numéro, la position de la tranche. Cela donne la suite
des termes en -illion : million, billion, trillion, quadrillion, etc.
Ou qui veult le premier point peut signifier million. Le second point byllion. Le tiers
point tryllion. Le quart quadrillion. Le cinqe quillion. Le sixe sixlion. Le septe
septyllion. Le huyte octyllion. Le neufe nonyllion et ainsi des aultres se plus oultre on
voulait proceder. Item lon doit savoir que ung million vault mille milliers de unitez et
ung billion vault mille milliers de millions et ung tryllions vault mille milliers de
byllions et ung quadrillion vault mille milliers de tryllions et ainsi des aultres ».
.
.
.
Chuquet donne l’exemple 745324 804300 700023 654321 qui, ainsi séparé en
quatre tranches de six chiffres, devient un nombre à quatre chiffres en numération
de position de base million. Chacun des quatre super chiffres séparés par un point
se lit en numération parlée française (ou
toute autre langue naturelle) :
sept cent quarante cinq mille trois cent
vingt quatre trillions huit cent quatre
mille trois cents billions sept cent mille
vingt trois millions six cent cinquante
quatre mille trois cent vingt et un.
La nouvelle numération ne s’arrête pas au nonillion puisque Chuquet ajoute « et
ainsi des aultres se plus oultre on voulait proceder ». Le système est tellement
simple, élégant et efficace qu’il s’est répandu quasi universellement, du moins
dans le monde occidental, et qu’il est considéré, en histoire des mathématiques,
comme une pierre d’attente des logarithmes43.
42
Et sa lecture peut demander, notamment en français, beaucoup plus de morphèmes
parce que la numération parlée de cette langue est loin d’être un modèle de numération
bien organisée, mais plutôt un exemple de système où les exceptions font la règle.
43
Cajori, F., (1928), A History of Mathematical Notations, Chicago, Open Court
Publishing Company (2 volumes).
Vestiges des recherches arithmétiques mayas
25
La diffusion du système de Chuquet ne s’est pas faite sans de vives réactions
nationalistes entre les partisans de l’échelle courte qui séparent les nombres en
tranches de trois chiffres et trahissent ainsi la pensée de Chuquet, et ceux de
l’échelle longue qui les séparent en tranches de six chiffres. Rappelons que
l’échelle longue, celle de son inventeur Chuquet, est recommandée depuis 1948
par la neuvième Conférence générale des poids et mesures, mais que pas mal
d’Etats, dont les USA qui suivent les Anglais et le Brésil qui n’aime pas
Napoléon, conservent l’échelle courte des réactionnaires aux idées progressistes
de Chuquet, comme les cambistes de Wall street qui jouent en billions (109) de $.
C’est ici que l’observation de Graham sur l’horizontalité du chiffre des baktun
prend un sens insoupçonné que révèle la question « Ne serait-ce pas un Chuquet
de l’arithmétique maya, en recherche d’une extension pratique de sa numération
vigésimale des Comptes Longs, qui aurait imaginé de compter en baktun et
d’inscrire à l’horizontale le chiffre en treizième (26ème, 39ème et ainsi des autres)
position ? ».
L’observation de Graham rejoint en quelque sorte (mais sans le dire) l’intuition
de Chuquet : des séparateurs régulièrement placés transforment une numération
de petite base en une numération de grande base. Il n’est donc pas totalement
impossible de conjecturer que l’un des scribes de Cobá était, à la manière
d’Archimède, d’Aryabhata et surtout de Chuquet, à la recherche d’une extension
de la numération maya. Les sources historiques sont insuffisantes pour décider si
le scribe avait, ou non, envisagé de prolonger ad libitum les tranches de treize
chiffres séparées par le changement d’orientation du treizième coefficient. Ni
même pour dire le sens précis voulu à l’époque par l’opposition visuelle
frappante entre l’horizontalité et la verticalité du coefficient. On ne peut même
pas dire que le scribe de Cobá avait deviné qu’il pouvait ainsi construire une
numération à deux étages, dont le second étage serait une numération de position
de base 2013.
Il n’en reste pas moins qu’il est cognitivement presque certain que, s’il en avait
eu l’occasion, le grand Chuquet aurait interprété l’horizontalité des coefficients
de Cobá dans les termes de sa propre invention : des séparateurs de tranches de
treize chiffres, qui signent la transformation de la numération traditionnelle maya
en une numération de super base 2013.
26
André Cauty
ANNEXE 0 : APERÇU SUR LES EQUATIONS ENTIERES
Les équations de la forme ax + by = c, où a, b et c sont supposés premiers dans
leur ensemble.
http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89quation_diophantienne_ax%2Bby_%3D_c=
ANNEXE 1 : STÈLE 8 DE DOS PILAS
Exceptionnellement, le CL 9.12.6. ; 15.11. de la série initiale de la stèle 8 de Dos
Pilas inscrit ne correspond pas à la date CR 13 Chuen 1 Kayab inscrite.
Reprenant les Nombres de distance inscrits sur la stèle, Hoppan (communication
personnelle) remarque qu’en arrivant à la date 6 Ahau 13 Muan le scribe a écrit
qu’un rituel d’aspersion avait été pratiqué ; or, ces rituels se font aux fins de
katun. On est ainsi amené à caler le 6 Ahau 13 Muan sur le CL 9.14.0.0.0., et à
remonter la suite des nombres de distance jusqu’à la série initiale. On obtient
ainsi la suite des événements suivants :
1) un évènement parlant du roi de Dos Pilas, survenu le 9.12.0. ; 10.11. 13
Chuen 19 Kayab (en G8-9). On ne voit plus que le glyphe-emblème de cette cité
(qui est également celui de Tikal) mais on peut poser que les deux glyphes cassés
auront indiqué la naissance du roi Itzamnaaj K’awiil car, en F12, se trouve le
glyphe de la naissance (qui est souvent repris avec la 2ème date dans ce genre de
texte bien attesté à Palenque notamment) et parce que,
Vestiges des recherches arithmétiques mayas
27
2) de F14 à G22, le scribe précise qu’une vingtaine d’années plus tard (le
[9.13.6.2.0] 11 Ahau 18 Uo), Itzamnaaj K’awiil est intronisé et qu’il reçoit à
cette occasion un palanquin avec plusieurs divinités (dont les dieux rameurs et
Chac) et que cela s’est passé dans le chef-lieu de la cité
3) après G24 (à la base détruite du monument) jusqu'à I1, on ne peut plus lire que
le nom d'un personnage (« ? Ti’ K’awiil ») dont la fin du texte nous dit qu’il a
succédé à Itzamnaaj K'awiil. Le nombre de distance permet de reconstruire la
date 9.13.10.11.12 5 Eb 10 Zac
4) de H5 à H7 c’est la « fin de katun » célébrée par Itzamna K’awiil au cours
d’un rituel d'aspersion
5) de I10 à I11, une quinzaine d'années plus tard, (le 9.14.15. ; 1.19. 11 Cauac
17 Mac), Itzamnaaj K’awiil meurt,
6) de H14 à I16a, il est enterré 4 jours plus tard, et enfin
7) à partir de H18b, son successeur « ? Ti’ K’awiil » accède au pouvoir...
28
André Cauty
ANNEXE 2 : NOTES SUR LA STELE 3 DE PIEDRAS NEGRAS
(Knorozov;196*)
(Baudez;2000)
La Stèle 3 de Piedras Negras (Guatemala) montre deux femmes assises sur un
trône décoré. Il s’agit de dame Katun Ahau, et de sa fille, Kin Ahau. Ces identités
sont inscrites dans le texte gravé dans la partie supérieure de la stèle. Il comprend
48 glyphes ou cartouches carrés, régulièrement calibrés et disposés en colonnes,
chaque glyphe contient un ou plusieurs signes (logogramme ou syllabogramme).
La lecture se fait de gauche à droite et de haut en bas, deux colonnes à la fois.
Plus de la moitié des glyphes (en violet) sont des données calendaires (dates et
durées). On sait ainsi que le récit commence le 9-baktun 12-katun 2-tun ; 0-
Vestiges des recherches arithmétiques mayas
29
uinal 16-kin 5 Cib 14 Kankin, G7, et qu’il se termine le 6 Ahau 13 Muan du
14e katun (soit le 3 décembre 711 ap J.-C.).
Les 15 autres cartouches sont les noms et titres des deux femmes (11 glyphes en
bleu) ou des verbes (4 glyphes en orange).
Le premier verbe, en A8, est le verbe ‘naître’. Comme tous les verbes du texte, il
est à la troisième personne de l’accompli, d’où la traduction « naquît ». Il est
suivi, en A9-10, de son sujet « dame Katun, dame Akbal (obscurité) ».
Le deuxième verbe, en D2b, signifie « fut paré(e) », ce qui exprime l’idée de
mariage, d’où la traduction « fut mariée ». Il est suivi de son sujet, en C3 D3 C4,
« dame Katun, dame Akbal, à Grand Soleil Ah Nal Chan ».
Le troisième verbe en D6 est le même qu’en A8 : « naquît ». Il est suivi, en C6
C7, du sujet « dame ?, dame Kin (jour, lumière) ».
Le dernier verbe, en E3, signifie « elle prît le bâton » ; il s’agit du bâton de
commandement, signe d’intronisation ou de prise du pouvoir. Son sujet vient en
F3 E4 : « dame Katun, dame Akbal ».
On a donc les noyaux de quatre phrases (dans l’ordre Verbe/Sujet-agent) :
…naquît dame Katun/Akbal…
…se maria dame Katun/Akbal…
…naquît dame Kin…
…prit le bâton dame Katun/Akbal…
Les éléments chronologiques qui émaillent le texte mélangent plusieurs sortes de
données calendaires. Notamment : des dates, des durées et des informations sur la
Lune et la lunaison en cours au premier jour du texte. Le premier glyphe, en A1,
est le ‘glyphe introducteur de série initiale’ ; il comprend trois éléments disant
que l’on compte pour Kankin en katun, puis, en A2 B1 B2 A3 B3, le Compte
Long 9-baktun 12-katun 2-tun ; 0-uinal 16-kin dont les glyphes de période
sont écrits en style céphalomorphe et les coefficients en style points/barres. Ce
CL conduit, en A4 B7, à la date CR 5 Cib 14 Kankin et au signe G7. Entre la
date tzolkin 5 Cib et la date ha’ab 14 Kankin, le texte donne, en B4 A5 B5 A6
B6 A7, la série lunaire. On arrive ainsi, en A8, au premier des 4 noyaux verbaux.
D’où la ‘traduction’ suivante du texte jusqu’en A10 :
Glyphe Introducteur et Série Initiale
9-baktun 12-katun 2-tun ; 0-uinal 16-kin
On compte pour Kankin les katuns,
1 million 383 mille 136 jours [après le 4 Ahau 8 Cumku de l’origine],
Datean relig
Série Lunaire
Datean sol
Vpassé Sujet
5 Cib
N°7 27 II (29) 14 Kankin
le 5 Cib
[série lunaire]
14 Kankin
naquît dame Katun
Puis vient le nombre de distance 12-tun ; 10-uinal 0-kin, immédiatement suivi de
la date CR 1 Cib 14 Kankin, et du deuxième noyau de phrase :
NbD
Dar
Das
Vpassé
Sujet
+4520 jours = 1 Cib
14 Kankin
12 ans plus tard, le 1 Cib 14 Kankin,
se maria
dame Katun Akbal.
30
André Cauty
Un nouveau nombre de distance fait parvenir 21 ans plus tard à la date suivante
et au syntagme verbal disant que dame Katun donna naissance à une fille (mariée
à 12 ans, elle a donc 33 ans) :
21 ans plus tard, le 4 Cimi 14 Uo, naquit dame ?, dame Kin.
Le texte continue en fixant le début du règne de dame Katun dans la dynastie et
la chronologie :
Trois ans et demi plus tard, le 11 Imix 14 Yax, elle a pris le bâton de
commandement dame Katun, 5 tun 1 katun après l’accession de Ah Nal Chan.
Quatre-vingts dix-neuf jours plus tard, un 6 Ahau 13 Muan, s’achevait le 14ème
katun (c’était le 9.14.0.0.0.ème jour après l’origine).
Les informations chronologiques peuvent être résumées dans le schéma suivant :
DATE
DEPART44
4 Ahau
8 Cumku
5 Cib
14 Yaxkin
1 Cib
14 Kankin
4 Cimi
14 Uo
11 Imix
14 Yax
Translation
9.12.2.0.16.
12.10.0.
1.1.11.10.
3.8.15.
4.19.
DATE
ARRIVEE
5 Cib
14 Yaxkin
1 Cib
14 Kankin
4 Cimi
14 Uo
11 Imix
14 Yax
6 Ahau
13 Muan
Listing (programme COMPUTMA) :
DATE DEPART
Nb distance
4 Ahau 8 Cumku
+ 9.12.2.0.16. =
+ 1383136
5 Cib 14 Yaxkin
+ 0.0.12.10.0. =
+ 4520
1 Cib 14 Kankin
+ 0.1.1.11.10. =
+ 7790
4 Cimi 14 Uo
+ 0.0.3.8.15. =
+ 1255
11 Imix 14 Yax
+ 0.0.0.4.19. =
+ 99
44
Distance à zéro
9.12.2.0.16.
9.12.14.10.16.
9.13.16.4.6.
9.13.19.13.1.
9.14.0.0.0.
DATE ARRIVEE
5 Cib 14 Yaxkin
96 ; 134 (16577)
1 Cib 14 Kankin
196 ; 274 (2117)
4 Cimi 14 Uo
186 ; 34 (9907)
11 Imix 14 Yax
141 ; 194 (11162)
6 Ahau 13 Muan
240 ; 293 (11261)
Evènement décrit
Naissance de
Katun/Akbal
Mariage de
Katun/Akbal
Naissance de la fille
Kin
Intronisation de
Katun/Akbal
Fin de cycle (14ème
katun)
Distance totale
9.12.2.0.16.
1383136
9.12.14.10.16.
1387656
9.13.16.4.6.
1395446
9.13.19.13.1.
1396701
9.14.0.0.0.
1396800
Zéro de la chronologie maya : 0.0.0.0.0. 4 Ahau 8 Cumku (11 Août 3114 av. J.-C.)
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