4 André Cauty
des jour/nuit et des saisons. Qu’ils le veuillent ou non, avec ou sans calendrier,
tous les hommes subissent et perçoivent ces variations, s’y adaptent et doivent y
adapter leurs travaux, en particulier agricoles, et leur vie sociale.
Habituellement, pour se repérer dans l’année, les gens se contentent des repères
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et des durées
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imposés par leurs prêtres ou dirigeants, et des expressions plus ou
moins précises comme « le temps des cerises », « trois jours avant Pâques »,
« une semaine après la Saint Jean », « au milieu ou à la fin du Carême », « la
semaine prochaine », « à la fin de la dernière quinzaine ». Difficile, dans ces
conditions, de toujours compter le temps « à un jour près ». L’histoire montre que
ces calendriers imposés par tous les César du monde ne sont jamais remis en
cause, sauf peut-être parfois au cours de Révolutions violentes
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ou à l’occasion
de l’occupation d’un peuple d’une religion par un peuple d’une autre religion.
Quant aux autorités, elles aussi peuvent, au besoin, se dispenser d’un calendrier
marquant le temps de l’année des saisons « à un jour près » car il leur suffit,
comme le muezzin des musulmans ou les Aztèques du Feu nouveau, d’observer
directement un signe astronomique convenu pour déclencher, au bon moment,
l’appel à la prière ou pour lancer, à la bonne date, la convocation aux assemblées
publiques dont le rythme allait, chez les Amérindiens, de quelques jours à un ou
deux siècles (par exemple : le xiuhtlalpilli de 52 ans des Aztèques).
D’où le constat que, même sans avoir un calendrier donnant une date spécifique
et unique à chacun des 365/366 jours de l’année solaire (vague, tropique ou
sidérale), un peuple pourrait suivre le déroulement de l’année des saisons. Mais
aussi qu’il aurait alors des difficultés à en suivre le déroulement « au jour près ».
Jusqu’à preuve du contraire, seuls les Mayas de l’époque classique suivaient le
déroulement de l’année solaire « au jour près », et ils le faisaient en en datant les
jours par les 365 expressions
β
ββ
β
Y de leur calendrier du ha’ab. Cette pratique
semble pourtant avoir été éphémère car la première attestation d’une date
β
ββ
β
Y est
le 0 Yaxkin de la plaque de Leyde (15/09/320), et les dernières se trouvent dans
les pages vénusiennes du Dresde ou, plus imprécises, dans les textes coloniaux.
Les autres Mésoaméricains semblent s’être contentés d’individualiser chacun des
jours de leur année solaire par sa date α
αα
αX (l’une des 260 dates de l’almanach
divinatoire) et par une expression plus ou moins approximative comme « 3 jours
avant la vingtaine consacrée à Xipe Topec », « pendant les 40 jours de jeûne… »,
« trois ans et cinq mois après le couronnement de la reine, un 13 Ahau ».
Pour rompre avec les approximations, il est une pratique, sans doute vieille
comme les cités humaines, qui consiste à mesurer quelque chose (les dimensions
d’une table, par exemple) une fois avec un étalon (l’épaisseur de l’index par
exemple), puis une deuxième/troisième/nième fois avec un autre (l’épaisseur du
pouce par exemple)
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. Avec de la chance, on verra peut-être apparaître un résultat
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Naissance/mort/résurrection… du Christ pour les Espagnols de la Conquête.
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Carême, Avent, mois, semaine… pour les Conquérants. Vingtaine, treizaine, neuvaine,
siècle aztèque… pour les Autochtones en voie de colonisation.
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Même le calendrier des révolutionnaires de 1789 (qui réussirent à imposer le système
décimal des mesures) fit long feu.
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Variante : comparer avec les siennes propres les mesures en usage chez les voisins : le
pied de Paris et le pied de Rouen.