Revue de métaphysique et de morale 2002/3 “ UN AUTRE XIXe SIÈCLE ALLEMAND ” SOMMAIRE ARTICLES Jocelyn BENOIST, Présentation Jocelyn BENOIST, La réécriture par Bolzano de l'Esthétique transcendantale Carole MAIGNÉ, Le réalisme de Johann Friedrich Herbart, une ambition critique Christian BONNET, La théorie friesienne de la justification Léo FREULER, Apriorisme et psychologisme sont-ils compatibles ? L'interprétation empiriste de la Critique de la raison pure de Beneke à J.B. Meyer Christophe BOURIAU, Lange face au dualisme kantien de la matière et de la forme Alexis BIENVENU, Helmholtz, critique de la géométrie kantienne. Présentation et traduction des annexes sur la géométrie dans Les faits dans la perception Présentation Les études réunies ici sont dans l'ensemble le fruit d'une journée organisée en mars 2000 au sein du Centre d'Histoire des Systèmes de Pensée Moderne (Université Paris-I), dirigé par Jean Salem, que je remercie de son accueil généreux. La situation de la philosophie allemande en France est pour le moins étrange. À plus d'un égard, elle constitue, et cela durablement encore pensons-nous (quelle que soit la mode croissante des problématiques anglo-saxonnes), une norme. Mais en même temps cette idéalisation de la philosophie allemande s'est accompagnée de l'ignorance paradoxale de pans entiers de cette philosophie. L'histoire de la philosophie de langue allemande, telle que l'ont pratiquée les Français, a longtemps pris la forme d'une espèce d'histoire héroïque, centrée sur quelques grands noms, et, très largement, d'une reconstruction idéologique. C'est particulièrement vrai en ce qui concerne ce que, dans cette reconstruction même, on s'accorderait à reconnaître pour le “ grand siècle ” de la philosophie allemande, à savoir le xixe siècle. Celui-ci est tout à la fois mis en majesté par cette histoire monumentale, mais aussi tronqué, expurgé d'une part essentielle de son foisonnement, au point que certains aspects de la philosophie d'expression allemande contemporaine - tel que l'apparition, au xxe siècle, de la philosophie analytique – deviennent alors à peu près inexplicables. Sans même évoquer ici le choix idéologique fait par une certaine tradition historiographique française lorsqu'elle a délibérément laissé de côté tout ce qu'aujourd'hui on rangerait sous le nom de tradition “ autrichienne ” ou austroallemande en philosophie, grosso modo au profit de l'Allemagne du nord, on s'interrogera sur le-privilège et la quasi-exclusivité accordés, dans cette dernière sphère, à la seule tradition idéaliste. Pour beaucoup, encore aujourd'hui, le xixe siècle, c'est l'idéalisme allemand. Profitant de l'enseignement de Jacques Bouveresse, des travaux de Léo Freuler en Suisse, des thèses récentes et novatrices de Christian Bonnet et Carole Maigné, nous avons voulu ici frayer d'autres voies. Et comme, en un sens, en philosophie allemande au xixe siècle, tout commence bien avec Kant - mais peut-être pas de la façon que l'on dit habituellement - nous avons voulu en premier lieu rouvrir le dossier de la réception de la Critique au xixe siècle, mais en laissant de côté et l'idéalisme allemand, et ce qu'on pourrait appeler le néo-kantisme canonique. Comme on le verra, cette double réduction nous laisse une matière abondante - réceptions “ réalistes ” et savantes de la Critique. Nous espérons que le lecteur en reconnaîtra l'intérêt philosophique. Pour nous, il nous a semblé évident, et ce colloque aura eu pour résultat la constitution, au sein des Archives Husserl de Paris, d'un groupe de recherche sur les philosophies allemandes (1781-1914), c'est-à-dire sur la diversité de telles philosophies. Ainsi espérons-nous, suivant la formule du Professeur Pettoello, de l'Université de Milan, qui nous a précédé dans cette voie, contribuer à notre tour à l'esquisse de quelque chose comme “ un autre xix° siècle allemand ” (1). Jocelyn BENOIST Université Paris-1 Archives Husserl de Paris 1. Renato PETTOELLO, “ Un altro ottocento tedesco ”, Rivista di storia della filosofia, XLV, 1990.