Créé par Muriel Langbour
Victor Hugo contre la peine de mort par Robert Badinter
Robert Badinter
« Hugo, législateur, à partir du moment où il est à la chambre des Pairs, interviendra sur tous les débats
pour essayer de faire abolir la peine de mort. L’effort le plus remarquable dans une intervention saisissante,
que je connais très bien, c’est à l’automne 1848. Dès la révolution de février 48, le gouvernement provisoire
avait supprimé la peine de mort, en matière politique, seulement. C’était dû à Lamartine. Lamartine, aussi,
était un grand abolitionniste, comme Hugo. Et on en vient à l’automne, à la discussion de la nouvelle
constitution. Et on inscrit dans un article de la nouvelle constitution qu’il n’y aura plus de peine de mort en
matière politique en France. Et là, un amendement est déposé, pas par Hugo d’ailleurs, mais par un député,
demandant que ce soit l’abolition de la peine de mort au-delà du domaine politique qui soit consacrée dans
la constitution. Débat ! Hugo n’est pas un grand orateur. Ca n’est pas Gambetta, Hugo. Mais, Hugo a ce
génie de l’improvisation, on pourrait dire littéraire. Il écrit à toute vitesse son texte. Donc, il écrit très vite, il
improvise le texte, il intervient. Le texte est superbe ! Et c’est à la fin de ce texte qu’il prononce une phrase
qui, pour moi, est décisive. Je l’ai toujours eu présente à l’esprit, après. « Je vote pour l’abolition pure,
simple et définitive de la peine de mort. » Pure, simple et définitive !
Et c’est vrai que pendant le débat sur l’abolition en 81, j’avais toujours ces trois termes présents à l’esprit,
« pure, simple et définitive ». Et je n’ai jamais accepté, même contre le vœu le certains de mes amis, un
débat sur la peine de substitution, etc. Non ! L’abolition pure, simple et définitive, c’est aujourd’hui. Et ça,
c’était le vœu d’Hugo.
Il l’a repris plusieurs fois. Toujours sans succès. Même, ce qui est saisissant quand il est vieux, il est
sénateur de la République, le dernier texte qu’il rédige, la dernière proposition de loi, c’est un texte pour
l’abolition de la peine de mort. Ca n’est pas voté. Il faudra attendre un siècle, encore.
Il y a un mot qui m’a toujours ému. Hugo, justement, vieux sénateur… Quand j’évoquais cette dernière
proposition de loi sur l’abolition de la peine de mort, il y a en bas, une petite note, parce que j’ai regardé
l’originale, qui est comme une confidence. « Heureux, a-t-il écrit, si on peut un jour dire de lui : en s’en allant,
il emporta la peine de mort. » Et cette espèce de vœux, de nostalgie, il n’a pas eu ce privilège. Moi, ça me le
rend plus cher encore. Et je dis toujours : Et bien merci, Victor Hugo ! »