berthier

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BERTHIER (A.)
BERTHIER ALEXANDRE (1753-1815) maréchal d’Empire (1804) prince de Neuchâtel
(1806) prince de Wagram (1809)
Né à Versailles, ingénieur-géographe et officier de carrière, combattant valeureux de la
guerre d’Amérique, Berthier, déjà connu comme officier d’état-major modèle, est
lieutenant-colonel en 1789; avant de devenir le major-général (c’est-à-dire chef d’état-major)
de Napoléon, il est celui de La Fayette à la tête de la garde nationale parisienne dès
l’automne de 1789. Patriote à tout le moins fort tiède, instrument docile de La Fayette, il
devient vite l’une des cibles favorites de Marat; puis il s’éloigne de la scène politique et sert
dans divers états-majors, destitué de temps à autre et toujours remis en poste sans trop
tarder. On lui reproche son «modérantisme». En fait, Berthier n’est ni un homme politique ni
un homme de guerre, ce n’est qu’un technicien, mais un technicien hors pair.
Le 27 mars 1796, il devient chef d’état-major de Bonaparte à l’armée d’Italie, et de ce jour
son destin est fixé: Leporello a rencontré Don Giovanni. Par deux fois, en Italie (1798) et en
Allemagne (printemps 1809), il commande en chef une armée, de façon minable; mais
comme chef d’état-major de l’armée d’Italie, de l’armée d’Égypte, de la Grande Armée
(longtemps aussi comme ministre de la Guerre), il est d’une incomparable efficacité; sans lui,
le verbe stratégique napoléonien ne saurait s’incarner, et l’Empereur n’éprouvera que trop à
Waterloo ce que coûte l’absence de son maréchal. Les deux hommes ne peuvent se passer
l’un de l’autre et se comprennent presque à demi-mot. Pourtant Berthier demeure un homme
d’Ancien Régime, toujours effrayé par les audaces de son maître, même quand il s’emploie à
le seconder avec un dévouement absolu. Et il a de plus en plus peur.
D’où le drame final de sa vie: quand Don Giovanni est vaincu, Leporello le quitte, furieux,
soulagé, déchiré tout ensemble; parmi les premiers, il se rallie au roi. Louis XVIII le comble
de faveurs: enfin, parmi tant de soldats de la Révolution, un homme avec qui on peut trouver
une langue commune! Mais Don Giovanni revient de l’île d’Elbe; dans un réflexe presque
irraisonné de peur, Berthier suit son roi à Gand. Napoléon le raye de la liste des maréchaux
mais lui fait savoir qu’il est prêt à tout lui pardonner s’il accepte pour toute pénitence de se
présenter devant son Empereur en uniforme de garde du corps de son roi. C’en est trop pour
Berthier; il est trop pusillanime et trop modéré pour se replonger dans une aventure qu’il sent
désespérée, mais il ne supporte pas de rester parmi les ennemis de son ancien dieu. Il quitte
Gand, se rend en Bavière avec sa femme (fille du prince Guillaume de Bavière); il tombe
d’une fenêtre du palais de Bamberg, dix-sept jours avant Waterloo. Quand Napoléon
apprendra cette mort, sans aucun doute un suicide, il s’évanouira d’émotion.
Sur le drame intime de Berthier, sur son amour pour Mme Visconti, amour presque
sadiquement contrarié par Napoléon, on ne peut que renvoyer aux admirables pages de La
Semaine sainte d’Aragon.
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