Congrès Marx International VI, Section Culture, Ruby Christian
l’expression apparaît pour la première fois dans Politiques d’Aristote
, quoique Thomas
Hobbes affirme que la « philosophie politique » naît avec lui
– sur laquelle cependant nous
n’insistons pas, sinon pour rappeler qu’elle se donne bien pour objet l’élaboration d’une
connaissance pratique du meilleur gouvernement indexé sur l’ordre du monde dans un cas et
l’identité de l’Etat et la libéralisation des marchés dans l’autre. En elle se déploie par
conséquent un discours de conception libérale, hanté par une problématique du fondement.
Cette dernière impose une justification a priori, prétend universaliser les perspectives en leur
ôtant toute contingence, mais au prix de les soustraire à la discussion. Elle célèbre l’unité du
pouvoir ou de l’Etat (déclarés seuls objets de la politique). Un tel discours est bridé par
l’exaltation exclusive de la légalité, le discours sur le juste milieu et la sacralisation du
consensus, grevé par la condamnation de certaines « violences » immédiatement culpabilisées
(en actes de délinquance) puisqu’elles échappent au régime de l’identité. Il reste canalisé par
la définition de la politique à partir des concepts de pouvoir, d’autorité
et de communication
.
Insistons brièvement, en fonction de quelques propos d’artistes qui ne communient pas
vraiment avec le statu quo et par conséquent le monde administré du libéralisme. Ce dernier
est vite caractérisé. Cette philosophie politique, toujours vive de nos jours
, représente un art
d’éviter ou de raturer l’action proprement politique en prétendant déployer une philosophie
juridique pure (une entreprise consensuelle d’effacement de la politique vive), réaffirmant
constamment les concepts canoniques de la discipline (droit, loi, autorité), célébrant
exclusivement les objets (Etat, public) et les lieux institutionnels (assemblées, cénacles,
sphère de l’Etat) de la politique. C’est ainsi qu’elle articule sans fin le politique à la
réalisation de l’unité de la cité ou de l’identité du commun, en privilégiant les réglementations
d’enfermement
parfois, procédurales le plus souvent
. En elle, unité, universalité
d’anorexique, et ne vivre que dans le rejet du père, quelque chose d’une adolescence attardée.
La possibilité joyeuse, c’est de prendre l’histoire où elle a commencé pour nous, de la prendre
en route, se nourrir d’elle plutôt que la vomir. Plutôt que refuser le symbolisme du rouge, de
la ligne horizontale ou verticale, la subjectivité de la tache, la rationalité de la géométrie, sa
volonté de domestication du sensible et de l’accidentel, faisons jouer ensemble tous les
symboles, tous les signes, tous les sens que l’histoire nous a donnés. De toute façon, la
peinture est éminemment projective, et dans cinquante ans, les conteurs y verront une autre
histoire. Et s’ils n’y voient pas son actualité, ou si d’autres « gardiens » ne l’actualisent pas
d’une manière ou d’une autre dans leur propre monde, elle tombera dans l’oubli. »
Aristote, Politiques, III, 12, 1282, b, 2 : devant la difficulté à statuer sur le juste, il y a
matière à « philosophie politique » (Paris, GF, 1993).
Elle aurait vu le jour avec le De Cive, écrit-il dans Léviathan, IX (Paris, Folio, Gallimard,
2000).
Alain Renaut, La fin de l’autorité ?, Paris, Flammarion, 2004.
On en trouve habituellement le support dans la philosophie de l’agir communicationnel du
philosophe allemand Jürgen Habermas : Théorie de l'agir communicationnel (Fayard, Paris,
1987, 2 vol., t. I : Rationalité de l'agir et rationalisation de la société, t. II : Pour une critique
de la raison fonctionnaliste) ; mais aussi dans la philosophie de Hannah Arendt.
Il faudrait d’ailleurs examiner les liens entre sa reformulation actuelle et le libéralisme
passé : Foucault ne cesse d’analyser ce dernier dans ses Cours au Collège de France en 1977-
1978 et 1978-1979. On y trouve des recherches sur le libéralisme politique, dans sa forme
classique au dix-huitième siècle et dans ses variantes « néo-libérales » au vingtième siècle,
qui débouchent sur une étude de la « biopolitique ».
De nombreux artistes travaillent à partir de là sur la notion d’enfermement élaborée par
Michel Foucault, par exemple Tacita Dean, Fernsehturm, 2001 ; ou Stan Douglas, …