Entretien avec Jean-François Miralles, Cap Berriat (réalisé par Anthony Duroy)
Cap Berriat est une association d'éducation populaire et accompagne des jeunes
sur des démarches d’initiatives et des jeunes porteurs de projets. Qu'est-ce qui
dans son projet associatif et dans les projets accompagnés relève de l'économie
solidaire ?
Par rapport au thème général du débat sur un certain renouvellement de l’éducation
populaire, je pense qu’en complément des actions entreprises par des structures
d’animation, Cap Berriat expérimente une autre manière de faire en partant du postulat
que les jeunes sont acteurs si on leur laisse la possibilité de s’exprimer et d’agir et si on
les aide dans cette voie. Permettre l'accès aux loisirs et à la culture est bien et nécessaire
dans la mesure où nombre d’enfants et de jeunes n'y ont pas accès facilement, mais cela
ne peut suffire et comporte aussi un revers de la médaille.
Les jeunes parfois se situent en tant que consommateur de services et de loisirs d’autant
qu’ils sont renforcés dans cette voie par notre société. La jeunesse est une cible
privilégiée des acteurs économiques seulement dans le sens où elle est envisagée comme
un potentiel de consommation ou ayant une influence sur la consommation. Dès qu'il
s'agit de l'envisager comme un potentiel de production et de création, les choses
deviennent beaucoup plus compliquées et on ne leur accorde pas vraiment la même
confiance. Faire valoir que des associations, qui plus est des associations de jeunes,
créent et produisent des choses, ça fait souvent rigoler ! Pourtant, on s'est bien rendu
compte qu'à travers les emplois jeunes notamment les associations jouent davantage le
jeu de la création d'emploi et surtout de la pérennisation que l'Etat lui-même, même si
c'est difficile parce qu’elles n’arrivent pas à être soutenues financièrement dans leur
projet. Si le milieu associatif et plus largement l'économie solidaire parvenaient à faire
valoir la richesse qu'ils représentent en termes d'emplois, de projets réalisés (souvent
bénévolement) etc., ça en étonnerait plus d'un !
L’objectif de Cap Berriat est de répondre aux idées et aux attentes des jeunes en leur
donnant les moyens de les formaliser. Et leur donner les moyens, c'est donner un sens à
ce qu'ils font, non seulement un sens social, civique, politique mais aussi un sens
économique. C'est ce qui est important pour nous, la question du sens que les jeunes
donnent à leurs projets. L'image de la valeur travail que la société véhicule est une
image qui date des années 1960 (dans une entreprise, pendant de longues années, avec
des horaires déterminées, dissociée de la vie privée…) et les syndicats fonctionnent
encore beaucoup selon cette image. Il faut arrêter de faire miroiter aux jeunes cette
image d'une réali qui n'existe plus. Les modalités de travail mises en œuvre par les
porteurs de projets que nous accompagnons sont plus souples, ponctuelles, et donc
prétendument plus précaires, mais elles ont un sens dans leur vie et elles sont aussi
souvent plus dans l'échange et le partage avec leur environnement. Ca me semble être
des signes caractéristiques de l'économie solidaire.
Comment s'incarne la notion d'éducation populaire dans cette activité
d'accompagnement ?
Il y a principalement trois grands messages que nous essayons de faire passer.
Le premier est de susciter, sensibiliser, les jeunes à une démarche et une dynamique de
projet. Toute idée, tout projet est valable quelques soient les "bagages" qu’on a
(culturels, scolaires, économiques, sociaux…), d’idées de création ou de revendication en
passant par de la participation ou de la discussion. Chacun a des choses à dire, à faire. Il
faut leur permettre de prendre confiance pour ouvrir le champ des possibles.
Le second est de faire comprendre aux porteurs de projets que, si leur projet a un sens
pour eux, il s'inscrira nécessairement dans un environnement social, politique… dont ils
devront tenir compte. C'est la pertinence et donc la viabilité économique de leur projet
qui est en jeu ici. Comment travailler sur l'utilité sociale donc potentiellement
économique de ce qu'ils ont envie de faire.
Le troisième est de le faire comprendre qu'il existe dans leur environnement un potentiel
de ressources mobilisables, que des échanges et des solidarités en termes de matériels,
de compétences etc. sont possibles et souvent bénéfiques pour faire avancer leur projet.
On se rend compte que ça permet souvent à leur projet d'aller plus loin que ce qu'ils
avaient imaginé au départ, et parfois même à des projets collectifs de voir le jour.
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